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13 RUE HENRI BARBUSSE 92624 GENEVILLIERS - 01 73 05 45 45 JUILLET 13 Mensuel OJD : 236665 Surface approx. (cm²) : 1960 N° de page : 40 Page 1/4 SOUCCAR 9179186300509/XSB/OTO/2 Eléments de recherche : EDITIONS THIERRY SOUCCAR : maison d'éditions, toutes citations M'INTÉRESSE Les Francais en consomment 100 a oar personne et car jour, dont la moitié est Faut-il bannir le sucre Pr Luc Tappy, chef du Service d'endocri- nologie, du CHU vaudois, à Lausanne (Suisse). Les faits Nos ancêtres du paléolithique avalaient l'équivalent de 22 cuillerées à café de sucre par an. Nous en engloutissons aujourd'hui 25 fois plus ! La consommation s'est envolée au xx' siècle, en même temps que le nombre de personnes obèses. Chaque année, 2,8 millions d'entre elles meurent de leur excès de poids. Le nombre de cas de diabète a également explosé. Il augmente de 5,4 % par an en France. Cette épidémie touche de plein fouet les bas revenus. 24% des personnes qui touchent moins de 1 200 euros par mois sont Obèses (étude Obepi 2012). Une consommation régulière de sodas « light » doublerait le risque de diabete /Accusé d'êfre à l'origine de l'épidémie planétaire d'obésité et de diabète, le sucre a pris le visage du diable. Il reste pourtant notre principale source d'énergie. La solution : apprendre à mieux le consommer. Texte isabelle vezere C 'est l'explosion ! Entre 1980 et 2008, le nombre de personnes obèses dans le monde a double, pour atteindre 500 millions de personnes (source OMS) Une personne sur quinze ! Et près d'une sur dix-neuf (371 millions) est diabéti- que. Autrefois réserves aux pays riches, ces maux frappent désormais tout le monde A quoi attribuer cette épidémie planétaire "> Au sucre, affirment plusieurs experts outre- Atlantique, qui estiment que. plus que le gras, il est à l'origine de diabète, d'obésité, et, par voie dc conséquence, dc certains cancers, comme celui du sem ou du côlon. A la tête de cette croi- sade • le Dr Robert Lustig, professeur de pédiatrie clinique au Centre d'évalua- tion, d'étude et de traitement de l'obé- sité de l'Université de Californie. Sa vi- déo fait le bu/^ sur YouTube, Sugar. The Hitler Truth (Sucre . Tanière vérité) a été vue plus dc 3,5 millions dc fois ! Dans une tribune publiée dans la revue scienti- fique Nature en février 2012, il affirme que la consommation excessive de sucre agirait comme un «poison»,une «toxine» aussi nocive que l'alcool ct le tabac, ht de prô- ner les mêmes mesures coercitives pour en réduire la consommation : taxe et in- terdiction aux mineurs. Cette diabolisation est-elle justifiée ? Consommons-nous vraiment trop de su- cre ? Un rappel technique s'impose Les glucides sont indispensables à notre organisme. Chaque gramme de glucide apporte quatre calories, autant que les protéines et deux fois moins que les graisses Ils sont la principale source d'énergie de no- tre corps C'est pourquoi le taux de sucre dans le sang — la glycé- mie — doit rester constante (de 0,6 à I gramme par litre) Les glu- Les sucres ajoutés se glissent partout, y compris dans la fabrication des aliments salés «des sont divisés en deux groupes. Les glu- cides simples, appelés «sucres», comme Ic fructose, le glucose, le maltose, le saccharose et le lactose, composés d'une ou deux molé- cules. Ils sont naturellement présents dans les fruits, certains légumes comme les carottes et la betterave, le miel, le lait. Ils ont une sa- veur sucrée Ce qui n'est pas le cas des gluci- des complexes — longtemps qualifiés de «su- cres lents» —, fournis par les légumineuses (haricots secs, pois, lentilles...), les pommes de terre et les céréales.« Les sucres complexes ne sont pas nécessairement digérés plus len- tement que les gluci- des simples», souli- gne le Dr Luc Tappy, professeur dans le service d'endocnnolo- gie, diabète et méta- bolisme du centre hospitalier universi- taire vaudois, à Lau- sanne (Suisse). «Le fructose, par exem- ple, est absorbé moins vite que l'amidon du pam blanc ou des céréales. Voila pourquoi on ne parle plus de sucres lents ou rapides, maîs d'index glycemique.» Lorsque les messages sanitaires recom- mandent de ne pas manger trop sucré, c'est aux glucides simples qu'ils font référence. Utilisé au singulier, le terme « sucre » désigne le saccharose pur, autrement dit le sucre de table, en poudre ou en morceaux. 80 % de sa production mondiale est extraite de la canne. Dès 1200 avant notre ère, sa culture est attestée au Bengale Les Perses, les Grecs et les Romains se l'approprient, mais l'usage du sucre est alors essentiellement thérapeu- tique «La culture de la canne connaît un engouement général en Europe du Sud au XV L et au xvr siècle ». détaille Julia Cscrgo. spécialiste de l'histoire de l'alimentation et chercheur au Laboratoire d'études rurales (Lyon 2) et à l'université de Montréal (Qué- bec). «L'usage du sucre se développe et s'impose en remplacement du miel, qui sa- tisfaisait jusque-là l'attrait pour la saveur

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Page 1: M'INTÉRESSE Faut-i - Thierry Souccar · PDF fileM'INTÉRESSE Faut-iLes Francais ... spécialiste de l'histoire de l'alimentation et chercheur au Laboratoire d'études rurales (Lyon

13 RUE HENRI BARBUSSE92624 GENEVILLIERS - 01 73 05 45 45

JUILLET 13Mensuel

OJD : 236665

Surface approx. (cm²) : 1960N° de page : 40

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Eléments de recherche : EDITIONS THIERRY SOUCCAR : maison d'éditions, toutes citations

M'INTÉRESSE

Les Francais en consomment 100 a oar personne et car jour, dont la moitié est

Faut-il bannir le sucrePr LucTappy, chefdu Serviced'endocri-nologie,du CHUvaudois, àLausanne(Suisse).

Les faitsNos ancêtres du paléolithiqueavalaient l'équivalent de22 cuillerées à café de sucrepar an. Nous en engloutissonsaujourd'hui 25 fois plus !La consommation s'est envoléeau xx' siècle, en même temps quele nombre de personnes obèses.Chaque année, 2,8 millionsd'entre elles meurent de leurexcès de poids. Le nombre de casde diabète a également explosé.Il augmente de 5,4 % par an enFrance. Cette épidémie touche deplein fouet les bas revenus. 24%des personnes qui touchent moinsde 1 200 euros par mois sontObèses (étude Obepi 2012).

Une consommation régulière de sodas« light » doublerait le risque de diabete

/Accusé d'êfre à l'origine de l'épidémie planétaire d'obésitéet de diabète, le sucre a pris le visage du diable. Il restepourtant notre principale source d'énergie. La solution :apprendre à mieux le consommer. Texte isabelle vezere

C 'est l'explosion ! Entre 1980 et 2008,le nombre de personnes obèses dansle monde a double, pour atteindre500 millions de personnes (source

OMS) Une personne sur quinze ! Et prèsd'une sur dix-neuf (371 millions) est diabéti-que. Autrefois réserves aux pays riches, cesmaux frappent désormais tout le monde Aquoi attribuer cette épidémie planétaire "> Ausucre, affirment plusieurs experts outre-Atlantique, qui estiment que. plus que le gras,il est à l'origine de diabète, d'obésité, et, parvoie dc conséquence, dc certains cancers,comme celui du semou du côlon. A latête de cette croi-sade • le Dr RobertLustig, professeurde pédiatrie cliniqueau Centre d'évalua-tion, d'étude et detraitement de l'obé-sité de l'Universitéde Californie. Sa vi-déo fait le bu/^ surYouTube, Sugar.The Hitler Truth (Sucre . Tanière vérité) aété vue plus dc 3,5 millions dc fois ! Dansune tribune publiée dans la revue scienti-fique Nature en février 2012, il affirme quela consommation excessive de sucre agiraitcomme un «poison»,une «toxine» aussinocive que l'alcool ct le tabac, ht de prô-ner les mêmes mesures coercitives pouren réduire la consommation : taxe et in-terdiction aux mineurs.

Cette diabolisation est-elle justifiée ?Consommons-nous vraiment trop de su-

cre ? Un rappel technique s'imposeLes glucides sont indispensables ànotre organisme. Chaque grammede glucide apporte quatre calories,autant que les protéines et deux foismoins que les graisses Ils sont laprincipale source d'énergie de no-tre corps C'est pourquoi le tauxde sucre dans le sang — la glycé-mie — doit rester constante (de0,6 à I gramme par litre) Les glu-

Les sucres ajoutésse glissent partout,y compris dansla fabrication desaliments salés

«des sont divisés en deux groupes. Les glu-cides simples, appelés «sucres», comme Icfructose, le glucose, le maltose, le saccharoseet le lactose, composés d'une ou deux molé-cules. Ils sont naturellement présents dans lesfruits, certains légumes comme les carotteset la betterave, le miel, le lait. Ils ont une sa-veur sucrée Ce qui n'est pas le cas des gluci-des complexes — longtemps qualifiés de «su-cres lents» —, fournis par les légumineuses(haricots secs, pois, lentilles...), les pommesde terre et les céréales.« Les sucres complexesne sont pas nécessairement digérés plus len-

tement que les gluci-des simples», souli-gne le Dr Luc Tappy,professeur dans leservice d'endocnnolo-gie, diabète et méta-bolisme du centrehospitalier universi-taire vaudois, à Lau-sanne (Suisse). «Lefructose, par exem-ple, est absorbé moinsvite que l'amidon du

pam blanc ou des céréales. Voila pourquoi onne parle plus de sucres lents ou rapides, maîsd'index glycemique.»

Lorsque les messages sanitaires recom-mandent de ne pas manger trop sucré, c'estaux glucides simples qu'ils font référence.Utilisé au singulier, le terme « sucre » désignele saccharose pur, autrement dit le sucre detable, en poudre ou en morceaux. 80 % desa production mondiale est extraite de lacanne. Dès 1200 avant notre ère, sa cultureest attestée au Bengale Les Perses, les Grecset les Romains se l'approprient, mais l'usagedu sucre est alors essentiellement thérapeu-tique «La culture de la canne connaît unengouement général en Europe du Sud auXVL et au xvr siècle ». détaille Julia Cscrgo.spécialiste de l'histoire de l'alimentation etchercheur au Laboratoire d'études rurales(Lyon 2) et à l'université de Montréal (Qué-bec). «L'usage du sucre se développe ets'impose en remplacement du miel, qui sa-tisfaisait jusque-là l'attrait pour la saveur

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artificiellement ajoutée aux aliments

de notre assiette ?sucrée » I e sucre devient alors le premierenjeu du commerce international Les Por-tugais installent des plantations au Bresil,bientôt suivis par les Anglais puis les Françaisaux Antilles «La demande est alimentée parle cafe, dont le goût trop amer ne convientpas aux Européens du xvu1- siecle » précisel'historien Marcel Dongny «En 1780 Icsucre est devenu un produit de consomma-tion courante en Europe » Maîs au début duxix^ siecle les guerres avec I Empire britan-nique coupent la France de ses colonies Lesucre des Antilles fait cruellement défautNapoléon F encourage le developpementde la betterave sucriere Des lors, en France,le sucre entre dans le cycle industriel d uneproduction et d une consommation de masseet son prix baisse Ses ventes hexagonalessont ainsi passées de 5 kilos par an et parhabitant en 1900, a 35 kilos dans les annees1970, selon Ic Centre d'étude et de documentation du sucre Depuis, les ventes de saccha-rose sont relativement stables Les Françaisenfants comme adultes, mangent en moyenne100 grammes de sucre ou glucides simplespar joui «Cette consommation s éleve a

143 grammes en Amérique du Sud 141 gram-mes en Amerique du Nord, 124 grammes enEurope ct 118 grammes en Occamc », détaillele Pr Luc Tappy

I litre de boisson sucrée contientl'équivalent de 20 carrés de sucre

En France la moitié des glucides simplesingurgites est naturellement presente dansles aliments. Lautre moitié correspond auxsucres ajoutes Ceux-ci comprennent d'unepart le sucre de table verse dans les yaourtsou le cafe, dont la consommation a chute cesquarante dernieres annees passant de 20 ki-los par personne en 1970 a 7 kilos en 2007(Insee) D'autre part les sucres ajoutes en-globent ceux que I industrie agroalimentaireincorpore lors de la fabrication de tres nom-breux aliments Pour en améliorer le goût biensûr maîs aussi la texture, la couleur, ou favo-riser la fermentation (pam) Plus de 80 % dusucre vendu en France pour l'alimentationhumaine (hors medicaments et alcool*) estincorpore aux aliments industriels Oi, lesventes de certains produits industriels sucrésont explose les pâtes à tartiner, par exemple.

"li * un tlu i\ I nk vol (W linh* puur lu ftrnnnttltnm I ci i mi n tri LI tim uni ni que O 3 u i g /I (H) mt cillit bieres (Hi fipertliftI-nr \ mt lit i (M / tiii >ol tfi i IM laliment 7 ktttt/l ç

Une consommation mondiale en hausse constanteDepuis les années 1960, la consommation de sucre a augmente plus viteque la population mondiale. Les dix plus gros consommateurs représententà eux seuls 63% de la consommation : jnde, Union européenne (à 27),Chine, Brésil, Etats-Unis, Russie, Indonésie, Pakistan, Mexique et Egypte.La plupart sont aussi les pays plus touchés par le diabète.

Demandede sucreen millionsde tonnes

Populationmondialeen millionsil habitants

7000

6000

5000

4000

3000

1960 1970 1980 1990 2000 2010

ont doublé entre 1995 et 2007 Les Françaisboivent aussi de plus en plus de sodas, prèsdc 56 litres par personne chaque annee

Pour préserver sa sante existe-t-il un seuilde glucides simples a ne pas dépasser 'L Agence nationale de securite sanitaire del'alimentation, de l'environnement et du tra-vail (Anses) n'en a pas fixe Elle recommandeseulement d'en diminuer les apports de 25 %Difficile a évaluer D autant plus que les su-cres ajoutes sont partout jusque dans les platssales soupes, sauce plats prépares, charcu-terie « J ai pris 15 kilos en deux ans apresavoir arrête de lumer explique Christian Pu-jol devenu diabétique a 15 ans Le medecinm'a conseille dc supprimer les graisses et lessucres Encore faut-il savoir ou ils se cachentSans formation décrypter les etiquettess avère tres complique » Depuis Christian apu bénéficier d'ateliers de dietetique avecl'association Marseille Diabete qui I aide av voir plus clair Au premier chef, les boissonssucrées sont montrées du doigt L etude pu-bliée par linserm en fevrier 2013 montre queles femmes qui en boivent entre I litre et1,7 litre par semaine voient leur risque dediabete augmenter de 30 % par rapport à cel-les de même profil (âge corpulence activitephysique alimentation) qui n en consom-ment pas Pas étonnant ces boissons contiennent l'équivalent de 20 morceaux de sucre(saccharose) par litre Du sucre ingère de ma-niere « passive » le cerveau n enregistre pasqu il absorbe un aliment Pourtant, un litrede coca représente 420 kilocalones ' Autantqu une assiette de couscous royal l'effet desatiété en moins, assurent certains chercheursAinsi, la consommation de boissons sucréesaugmenterait le risque de surpoids lui-mêmefacteur de risque de diabete L augmentationde ce dernier a toutefois été observée indé-pendamment de la corpulence

Un autre paramètre entre donc probable-ment en jeu l'index glycemique, indicateurutilise par les nutritionnistes depuis plusieursannees pour évaluer l'impact des glucides surle metabolisme Lorsque les glucides sontdigères, ils libèrent du glucose, qui passe dansla circulation sanguine Cette augmentationde la glycémie cst détectée et entraîne lasécrétion d'insuline par le pancreas Grâce àcette hormone le glucose entre dans lescellules et il est stocke par les muscles le foieet le tissu adipeux Plus un aliment fait grim-per la glycémie, plus le corps doit fabnquerde I insuline pour la laire baisser En

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Du goûtet des couleurs80 % du sucrevendu en Francepour ('alimentationhumaine est ajoutéaux aliments indus-triels. Biscuits etconfiseries, biensûr, mais aussi platspréparés, soupes,sauces, charcuteries...

outre plus I index glycemique d unaliment est eleve moins cet aliment rassasieon a donc envie d en ingerer plus « Les sucrescontenus dans les boissons entraînent enreaction un pic d insuline, et des pics a repcIllion peuvent engendrer une resistance al'insuline donc un diabete (trop de sucre dansle sang) Même chez les personnes dont lepoids est normal » détaille Guy FagherazziI un des auteurs de cette etude

Aspartame et fructose entraînenteux aussi des troubles métaboliques

Faut-il se rabattre sur les boissons light > IIsemble que non la même etude montre quele risque de diabete est double chez les femmes qui en consomment plus de I 5 litre parsemaine « Plusieurs hypothèses peuvenl exphquer ce lien d une part, ces boissons peuvent developper I appétence pour le sucrepoursuit le chercheur D autre part des etu-des montrent que I aspartame un des prin-cipaux edulcorants utilises au|ourd hui in-duirait une augmentation dc la glycémie etde fait une hausse du taux d insuline com-parable a celle produite par le sucre »

Par contre, aucun lien n a pu être etabli entre la consommation de jus de fruits frais etle diabete Faut il en conclure que le fructose,que I on trouve dans les fruits, est le Peroudes becs sucres9 Lom s en faut Certes, dansles fruits il est associe a d autres nutriments,des fibres notamment qui ralentissent sonabsorption et modèrent ses effets délétèressur le metabolisme Maîs ce n est pas le caslorsqu il est a|oute aux aliments industrielssous la forme de sirop de maîs, par exemple«La consommation excessive de fructose favonse la fabrication de graisses par le loie »,prévient le Pr Bart Staël, directeur de I unitede recherche Récepteurs nucleaires mala-dies cardiovasculaircs et athérosclérose dc('Inserm « Le foie devient gras C'est la slea-tose, qui peut conduire a différents troublescaractéristiques du syndrome métaboliqueLe bon cholesterol (HDL) baisse les trigly-cérides augmentent et surtout les tissus nerepondent plus correctement a I insuline

Certains édulcorantsauraient un indexglycémique égal à àcelui du sucre

C est I insulmo-resistance » Pour abaisser laglycémie le pancreas augmente sa produclion jusqu a ce qu il ne puisse plus suivre C estalors que le diabete peut se déclarer si la personne y est genetiquement prédisposée

L apport principal de fructose dans I alimentation est le saccharose, dans la composillon duquel il entre pour moitié Autresource principale de nombreux alimentsindustriels qui contiennent du sirop de fruc-tose-glucose (extrail de maîs ou de ble) « Seseffets délétères apparaissent au-delà d uneconsommation de 50 a 60 grammes de fruc-tose par jour, précise le PrTappy C est uneconsommation élevée maîs pas du toul ex-ceptionnelle » Elle correspond en effet aI litre de soda quotidien

Que lire derrière les étiquettes?L es mentions

qui fleurissentsur les emballagesou dans les mes-sages publicitairessont des allégationsnutritionnels Ellessont soumises aune reglementationeuropéenne (CE1924/2006), quis applique depuisjuillet 2007. Voicicelles qui concer-nent le sucre

• «Sans sucre».aliment tres peu su-cré, qui ne contientpas plus de 0,5 g desucres pour 100 gou 100 ml

• «Allégé ensucre»: contientau minimum 30%de sucre en moinsqu'un produit simi-laire. Cela ne signifiepas que le produitest peu sucre, maîsqu'il peut constituer

une alternativeintéressante auxproduits standard.

• «Sans sucreajouté»: produitsans addition de su-cre ou de matieresucrante lors de safabrication, maîsqui peut contenir lesucre present dansles aliments qui ontservi à le préparer(jus de fruits, com-potes.. ).

Peut-on pour autant affirmer que I excesde sucre est responsable de I épidémie d obesite et de diabete ' Difficile de trancher « Pendani la période ou la prevalence de ces pathologies a augmente la consommation desucre a explose poursuit le diabetologue Maîscelle des graisses et de la viande aussi De plusI activite physique a beaucoup diminue Cespathologies sont dues a la conjonction de multiples facteurs L exces de sucre en est unparmi d autres», tempère t il

La diabolisation du sucre n est pas nouyelle depuis le Moyen Age le plaisir procure par le sucre est considère comme suspeel « Le debal sur sa nocivité pour la santetel qu il est pose aujourd hui a ete lance au

début du \xl siecle par le Dr Carton défenseur notamment du vé-

gétarisme développe Julia CsergoII accusait le lobb\ sucrier de finan-

cer des etudes favorables au saccha-rose pour pousser a sa consommation

ll le considérait comme un corps chimi-que dangereux » Voire une drogue

Qu en est-il réellement ' On sait quelorsqu un nouveau-né goûte une solution

sucrée son visage se relaxe et il sembleparfois sourire Ces reactions innées uni

verselles, témoignent de I existence d un repertoirc gustatit humain de base II permetaux nourrissons de reconnaître les alimentsbénéfiques, car sources de glucides et doncd energie Le sucre pourrait il nous rendreaccros ' Lorsque nous nous regalons de chocola! par exemple, notre cerveau libere unncurotransmcttcur qui participe au circuitcérébral de la recompense la dopammeC'est pour cette raison que face a un stressnous avons tendance a être attires par desaliments sucres « Et les personnes obesesauraient besoin de plus grandes quantitesde nourriture afin de ressentir ce plaisir»précise Olivier Oullier professeur au laboratoire de psychologie cogmtive (CNRSAix-Marseille Universite) Toutefois la plu-part des experts estiment que ce penchant

pour les douceurs n estpas pour autant une addiction car celle-ci sup-pose un asservissementdes symptômes de sevrageet une autodestructionUn tableau qui corres-pond plutôt a la boulimietrouble du comportementalimentaire souvent declenche par dcs regimesamaigrissants restrictifsqui excluent tout alimentplaisir et notamment su-cre A la longue la frustralion déclenche des désirsfrénétiques d'engloutirn'importe quoi en quan-tite considérable La

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satisfaction ressentie alors au pa-roxysme de la crise n'est pas due au sucreou au gras avalé, mais au lâcher-prise.

Pour le Pr Tappy, accuser le sucre d'être leseul aliment fautif, responsable de l'épidé-mie d'obésité et de diabète présente un ris-que : « Cela permet aux politiques de mettreen œuvre des actions superficielles et peucoûteuses, en donnant l'impression à la po-pulation qu'ils agissent, pointe le Pr Tappy.Exemple : la taxe appliquée en France sur lessodas sucrés ou light, trop allégée pour êtredissuasive.» Elle a été fixée à 7 centimesd'euro par litre de produit en janvier 2012.Mais en temps de crise, difficile de mener unepolitique de prévention qui irait à rencontredes industriels... «L'Etat peut-il se permet-tre de voir baisser les ventes de sodas alorsque notre pays est le premier producteur desucre d'Europe '?, interroge le Pr Olivier Oul-lier. Des milliers d'emplois sont en jeu.» Lafilière sucre (agriculture, sucreries, sucreries-distilleries et raffineries) emploie directe-ment 44 500 personnes et génère un chiffred'affaires dc 3.37 milliards d'euros.

Le sucre ne peut pas être, à lui seul, accuséde tous les maux. Le problème, c'est que. biensouvent, une alimentation sucrée est aussi

Les populations lesplus défavoriséessont les premièresvictimes du sucre *

grasse. C'est donc l'équilibre alimentaire engénéral qu'il faut viser. Des campagnes surce thème sont organisées régulièrement dansle cadre du Plan national nutrition santé, quipropose huit repères clés nécessaires à unbon équilibre alimentaire. « Limiter les pro-duits sucrés » est l'un d'eux. Pour y arriver, ilfaut savoir reconnaître les sucres qui se ca-chent dans les produits industriels. Et le sac-charose n'est pas le seul à être utilisé. A sur-veiller sur les étiquettes, la présence delactose, glucose, sirop de glucose ou de glu-cose-fructose, sucre inverti, maltodextrine...A ceux qui ne peuvent pas terminer leur re-pas sans une note sucrée, il est aussi conseilléde remplacer yaourts aromatisés et crèmesdessert par un fruit découpe dans un produitlaitier nature, par exemple. Les pâtisseries,biscuits et autres crèmes glacées doivent êtreréserves à des occasions ponctuelles.

Mais ces conseils ne suffisent pas pour at-teindre les populations précaires, plus exposées aux surpoids et au diabète. 35 % desfemmes qui bénéficient de l'aide alimentaire

sont obèses, selon l'étude Abena 2 (mars2013. Inpes), soit le double de la populationgénérale. «Les messages sanitaires comme"manger cinq fruits et légumes par jour" peu-vent s'avérer contre-productifs auprès depopulations défavorisées, qui n'ont pas lesmoyens de les suivre », souligne Olivier Oul-lier. C'est ce qu'observé le Pr Anne Dutour,

___ responsable d'un centre spécialiséen obésité dans les quartiers Nord

de Marseille. «C'est très difficiled'avoir une alimentation équilibrée

avec un petit budget, constate-t-elle.Les aliments les moins chers sont aussi

les plus caloriques. Autre problème, lesgens ne marchent plus parce qu'ils ne

peuvent pas : dans les quartiers, il n'y aplus d'espaces piétons et ils se sentent en

insécurité.» « II n'y a que les gens bien dansleur tête et aisés qui peuvent résister à la

pression de l'environnement obésogène»,confirme le Pr Dutour.

Grâce aux associations, les fruits etlégumes deviennent plus abordables

Pour remédier à ce constat, certaines com-munes proposent des ateliers petit déjeunerdans le cadre scolaire par exemple. Objec-tif : apprendre aux enfants à reconnaître lesaliments bénéfiques. Car. même s'ils ne sontpas les maîtres des courses, ils sont souventprescripteurs. Autre initiative remarquable :Opticourses, menée par l'équipe de NicoleDarmon. nutritionniste, responsable d'uneéquipe de recherche Inra-Inserm à l'univer-sité d'Aix-Marseille, financée par l'Institutnational du cancer. Des ateliers ont été misen place depuis septembre 2011, dans unedizaine de centre sociaux ct un centre d'exa-men de santé de la Sécu. Une centaine depersonnes y ont déjà participé. « On les inviteà récolter leurs tickets de caisse sur un moisafin d'analyser ensemble l'équilibre de leuralimentation et de trouver des solutions pourl'améliorer», décrit Mind Gaigi, géographe

Des étudiants nutri-responsablesCette épicerie solidaire de Villeurbanne,jérée par les étudiants, est adaptéea leurs petits budgets. Elle leur permetd'avoir une alimentation équilibrée,en limitant les apports gras et sucrés.

de la santé, chef de projet. « Les retours sonttrès bons car nous ne sommes pas dans lediktat alimentaire.» Enfin, des associationsqui apportent une aide alimentaire aux per-sonnes précaires agissent pour améliorer lecontenu de leur assiette. Seules 1,2 % d'en-tre elles consomment cinq fruits et légumespar jour. Par exemple, le réseau des épice-ries solidaires (Andes) soutient 420 DOO bé-néficiaires : travailleurs pauvres, famillesmonoparentales, étudiants, retraités. « Notreassociation a créé quatre chantiers d'inser-tion à Rungis. Perpignan. Marseille et Lille,qui valorisent les fruits et légumes invendussur les marchés de gros et les redistribuentdans les épiceries solidaires et aux associa-tions caritatives », explique Agathe Cousin,responsable du pôle partenariat. «Grâce àune aide de l'Etat, des fruits et légumes fraissont également achetés au jour le jour pourélargir la composition des livraisons.» En2012.1 325 tonnes ont ainsi été livrées. Etdans les épiceries solidaires, ces fruits et lé-gumes, devenus abordables, partent comme...des petits pains ! •

NOS RÉFÉRENCES

Bfl Livres• «LeSucre lhistoireet géographie d'unesclavage», MarcelDorigny, CafésGéographiques, n° 499.• «Le Goût du sucre»,ouvrage collectif, éditionAutrement, 2010.• « Nouvelles Approchesde la prévention en santé

publique. L'apport dessciences comportemen-tales, cognitives et desneurosciences», OlivierOullier & Sarah Sauneron,La Documentationfrançaise, 2010.• «Le Bon Choixau supermarché»,édition Thierry Souccar,mai 2013.