edition du jeudi 18 avril 2013

32
LES ANNONCES DE LA SEINE VIE DU DROIT Le juge à l’écoute du monde, un nouvel office pour le juge au XXI ème siècle Garantir les droits fondamentaux dans le monde par Chantal Arens ....3 N’ayez pas peur ! par Serge Guinchard ...............................................4 Ordre des Avocats aux Conseils Prix de thèse 2013 ................5 IN MEMORIAM Hommage au Bâtonnier Mario Stasi Mario, l’homme aimé par Christiane Féral-Schuhl...................................6 Une jeunesse rémoise par Bertrand Schneiter .........................................7 Mario, le talentueux par Geneviève Augendre..........................................8 Mario et la Conférence par Jean-Pierre Cordelier.....................................8 Mario, le rayonnan par Denis Duprey .......................................................9 Le destin des avocats par Jean-René Farthouat .......................................9 Mario et l’OHADA par Ahmed-Salem Bouhoubeyni.............................10 Mario le militant par Christian Charrière-Bournazel ............................10 Les combats de Mario par Janine Franceschi-Bariani..........................11 Mario, le flamboyant par Xavier Chiloux...............................................12 Premier de cordée par Stéphane Lataste .............................................13 Mario et la littérature par Hyppolite Marquetty ...................................14 Mario, l’écrivain par Antoine Chatain....................................................16 Mario, le chrétien par Bruno Richard....................................................16 ANNONCES LEGALES ...................................................18 ADJUDICATIONS................................................................26 AU JOURNAL OFFICIEL Abrogation du « Décret passerelle »......................................28 AU FIL DES PAGES Mes grandes batailles judiciaires par Christian Huglo ..........29 J OURNAL OFFICIEL D’ANNONCES LÉGALES - I NFORMATIONS GÉNÉRALES, J UDICIAIRES ET TECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected] FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE Jeudi 18 avril 2013 - Numéro 26 - 1,15 Euro - 94 e année L e premier colloque de printemps du Tribunal de grande instance de Paris sur « le Juge à l'écoute du monde, un nouvel office pour le Juge au XXI ème siècle » a réuni près de 200 participants dans la première Chambre du Tribunal pendant toute la journée du 21 mars 2013. Madame Chantal Arens, Présidente du Tribunal de grande instance de Paris, a indiqué dans ses propos introductifs, que l'organisation de ce colloque s'inscrivait dans une double perspective de partage des savoirs au sein de la juridiction et d'ouverture de la juridiction vers l'extérieur. Elle a ajouté que l'intérêt voire la nécessité de mener une réflexion collective sur l'office du Juge découle de nombreuses évolutions dont les magistrats parisiens sont les témoins dans leur pratique quotidienne, sensible aux effets de la globalisation sur le droit, le bouleversement de l'office du Juge pouvant être rattaché à une forte demande de droit et de justice et à la nécessité d'apporter une réponse à des problèmes nouveaux dans un contexte de profondes mutations sociétales, économiques et environnementales. Monsieur le Professeur Bernabé a ensuite proposé une approche historique de l'office du Juge en remarquant que la mutation de l'office du Juge, qui a eu lieu il y a plusieurs siècles en faveur de la loi positive, connaît depuis peu un nouveau bouleversement car le positivisme juridique aujourd'hui s'effrite et disparaît, la cause étant la mondialisation. Madame le Professeur Muir-Watt pour clore l'introduction s'est interrogée sur la théorisation des transformations contemporaines du droit à l'occasion du passage du paradigme de l'international vers le global afin de mieux comprendre l'office du Juge. La première table ronde, consacrée au thème de la mondialisation des sources, a été introduite par les réflexions de Monsieur le Bâtonnier Castelain, modérateur. Madame Salvary, Vice-Présidente a constaté tout d'abord que le Juge parisien appréhende quotidiennement des normes d'une grande diversité d'origine et a analysé ensuite le fait, qu'au nom de principes supérieurs dont il est le garant, le Juge est devenu l'arbitre de normes en conflit. Madame le Professeur Fricero a relevé qu'il est selon elle incontestable que l'office du Juge a subi une mutation moderne. Aussi a-t-elle proposé de se concentrer sur deux enjeux, à savoir d'une part l'intégration de la France au sein de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe (deux Europe fondées sur des textes différents) ; et d'autre part la mondialisation des échanges qui fait appel au droit Le juge à l’écoute du monde, un nouvel office pour le juge au XXI ème siècle

Upload: annonces-de-la-seine

Post on 25-Dec-2015

14 views

Category:

Documents


4 download

TRANSCRIPT

Page 1: Edition du jeudi 18 avril 2013

LES ANNONCES DE LA SEINE

VIE DU DROITLe juge à l’écoute du monde, un nouvel officepour le juge au XXIème siècleGarantir les droits fondamentaux dans le monde par Chantal Arens ....3N’ayez pas peur ! par Serge Guinchard ...............................................4Ordre des Avocats aux Conseils Prix de thèse 2013 ................5IN MEMORIAMHommage au Bâtonnier Mario StasiMario, l’homme aimé par Christiane Féral-Schuhl...................................6Une jeunesse rémoise par Bertrand Schneiter .........................................7Mario, le talentueux par Geneviève Augendre..........................................8Mario et la Conférence par Jean-Pierre Cordelier.....................................8Mario, le rayonnan par Denis Duprey .......................................................9Le destin des avocats par Jean-René Farthouat.......................................9Mario et l’OHADA par Ahmed-Salem Bouhoubeyni.............................10Mario le militant par Christian Charrière-Bournazel ............................10Les combats de Mario par Janine Franceschi-Bariani..........................11Mario, le flamboyant par Xavier Chiloux...............................................12Premier de cordée par Stéphane Lataste .............................................13Mario et la littérature par Hyppolite Marquetty...................................14Mario, l’écrivain par Antoine Chatain....................................................16Mario, le chrétien par Bruno Richard....................................................16ANNONCES LEGALES ...................................................18ADJUDICATIONS................................................................26AU JOURNAL OFFICIELAbrogation du « Décret passerelle »......................................28AU FIL DES PAGESMes grandes batailles judiciaires par Christian Huglo ..........29

JOURNAL OFFICIEL D’ANNONCES LÉGALES - INFORMATIONS GÉNÉRALES, JUDICIAIRES ET TECHNIQUESbi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected]

FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE

Jeudi 18 avril 2013 - Numéro 26 - 1,15 Euro - 94e année

Le premier colloque de printemps du Tribunalde grande instance de Paris sur « le Juge àl'écoute du monde, un nouvel office pour leJuge au XXIème siècle » a réuni près de 200

participants dans la première Chambre du Tribunalpendant toute la journée du 21 mars 2013. Madame Chantal Arens, Présidente du Tribunal degrande instance de Paris, a indiqué dans ses proposintroductifs, que l'organisation de ce colloques'inscrivait dans une double perspective de partagedes savoirs au sein de la juridiction et d'ouverture dela juridiction vers l'extérieur. Elle a ajouté que l'intérêtvoire la nécessité de mener une réflexion collectivesur l'office du Juge découle de nombreuses évolutionsdont les magistrats parisiens sont les témoins dansleur pratique quotidienne, sensible aux effets de laglobalisation sur le droit, le bouleversement de l'officedu Juge pouvant être rattaché à une forte demandede droit et de justice et à la nécessité d'apporter uneréponse à des problèmes nouveaux dans un contextede profondes mutations sociétales, économiques etenvironnementales. Monsieur le Professeur Bernabé a ensuite proposéune approche historique de l'office du Juge enremarquant que la mutation de l'office du Juge, quia eu lieu il y a plusieurs siècles en faveur de la loi

positive, connaît depuis peu un nouveaubouleversement car le positivisme juridiqueaujourd'hui s'effrite et disparaît, la cause étant lamondialisation. Madame le Professeur Muir-Wattpour clore l'introduction s'est interrogée sur lathéorisation des transformations contemporainesdu droit à l'occasion du passage du paradigme del'international vers le global afin de mieuxcomprendre l'office du Juge.La première table ronde, consacrée au thème de lamondialisation des sources, a été introduite par lesréflexions de Monsieur le Bâtonnier Castelain,modérateur. Madame Salvary, Vice-Présidente aconstaté tout d'abord que le Juge parisienappréhende quotidiennement des normes d'unegrande diversité d'origine et a analysé ensuite le fait,qu'au nom de principes supérieurs dont il est legarant, le Juge est devenu l'arbitre de normes enconflit. Madame le Professeur Fricero a relevé qu'ilest selon elle incontestable que l'office du Juge a subiune mutation moderne. Aussi a-t-elle proposé de seconcentrer sur deux enjeux, à savoir d'une partl'intégration de la France au sein de l'Unioneuropéenne et du Conseil de l'Europe (deux Europefondées sur des textes différents) ; et d'autre part lamondialisation des échanges qui fait appel au droit

Le juge à l’écoute du monde,un nouvel office pour le juge au XXIème siècle

Page 2: Edition du jeudi 18 avril 2013

international privé. Monsieur le Haut ConseillerGrass a rappelé combien la norme européenneirrigue désormais tous les domaines du droit,son champ d'application s'étant élargi. Pour faireface à cette complexité accrue, le Juge doitdévelopper une approche plurielle de la norme.C'est Monsieur le Président Lacabarats, qui entant que modérateur, a engagé la deuxième tableronde consacrée à l'office du Juge et lamondialisation des procédures civile et pénale.Madame Robin, Juge, a présenté le travail de lajuridiction en indiquant en premier lieu lesdiverses évolutions auxquelles les magistratsétaient tous confrontés, comme la complexitécroissante des procédures et de la matièrelitigieuse, l'internationalisation des litiges ouencore l'émergence de nouveaux contentieux.Pour répondre à ces évolutions, a-t-elle précisé,les magistrats ont constaté qu'il était attendu dujuge parisien qu'il soit de plus en plus à l'écoutede ses interlocuteurs. Aussi, le thème de lacoopération a semblé pouvoir tenir lieu de filconducteur à son propos. Maître Davis, Avocat,ancien procureur de New York, a relevé que sidepuis plusieurs années, de nombreuses avancéeslégislatives ont pu être constatées, beaucoup resteà faire s'agissant de la procédure. Monsieur leProfesseur Cadiet s'est ensuite interrogé sur laquestion de savoir si le mouvement de« contractualisation » de la procédure lié à larecherche de coopération existait dans d'autressystèmes judiciaires à l'étranger et sur la naturejuridique des protocoles.Monsieur le professeur Vogel, modérateur dela troisième table ronde, a évoqué combien lejuge du premier degré est de plus en plusconfronté aux contentieux mondialisés et c'estcette émergence qui dépasse le cadre nationalque les intervenants mettent en lumière par cecolloque. Madame Bouvier, premier Vice-Président a indiqué que le Juge, pénal ou civil,peut être saisi de contentieux « nouveaux ».« Nouveaux » en ce que le droit qui s'y appliqueest récent et que son application révèle desdifficultés qui n'ont pas été prévues. Qu'ilstouchent des matières aussi variées que ledomaine de l'environnement ou la santé, lesdroits humains, l'Internet ou la vie personnelle,ils se caractérisent le plus souvent par l'existenced'éléments d'extranéité et la présence, accessoireou principale, des technologies de l'informationet de la communication. Madame le Bâtonnier

Féral-Schuhl a engagé son intervention sur leconstat suivant : les affaires judiciaires intègrentde plus en plus une dimension internationale ;ce qui en conséquence nous oblige à repensertous les fondamentaux du droit, la règle de droit- qui résiste plutôt bien à ces bouleversements,- et la justice tout en soulignant ensuite lesdifficultés liées à la superposition des textes età l'analyse des jurisprudences étrangères quimodifient l'office du Juge. Monsieur Garapon,secrétaire général de l'Institut des Hautes Etudessur la Justice (IHEJ) s'est interrogé d'abord surce que le Juge entendait du monde. En effet, ilpeut voir dans le monde une sourced'inspiration et chercher des éclairages dansd'autres droits pour fonder sa propre décision.L'enjeu pour le Juge, c'est d'être à l'écoute dumonde et de savoir ce que le monde va penserou retenir de ses décisions. Monsieur Garapona ajouté que ce qui était aux mains de la justicefrançaise, c'était la survie du droit français. Lemonde n'est pas uniquement une sourced'inspiration, il est aussi un horizon de justice. « N'ayez pas peur ! », ce sont les premiers motsque Monsieur le Professeur Guinchard aprononcé pour clôturer le colloque. Il a saluél'organisation de cet événement qui rassemblemagistrats, fonctionnaires, universitaires,étudiants et avocats et indiqué qu'il se dégageaitde toutes les interrogations, les doutes, les craintesprésentées, les difficultés de la mondialisation.Le Juge doit avant tout être un visionnaire, undécideur mais à la différence de l'hommepolitique, le Juge doit articuler ces deux officeset doit être l'acteur d'un nouveau modèleprocédural et donc d'une nouvelle démocratiedans l'exercice de son office juridictionnel.Monsieur le professeur Gros a apporté unéclairage philosophique pour achever le colloque.Selon lui, l'acte de juger réclame un point fixe etce point fixe ne peut plus être constitué par la loimais au travers d'une multiplicité de normes quiredonne au Juge un pouvoir créateur. Ce qui esten jeu, c'est l'exigence de Justice.

Nathalie Bourgeois De Ryck,Vice-Président

du Tribunal de Grande Instance de Paris, Chargée de mission

auprès du Cabinet de la Présidence

Benjamin Dorléac,Assistant de justice

2 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

Vie du droitLES ANNONCES DE LA SEINE

Siège social :12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS

R.C.S. PARIS B 339 349 888Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15

Internet : www.annoncesdelaseine.fre-mail : [email protected]

Etablissements secondaires :l 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST

Téléphone : 01 34 87 33 15l 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE

Téléphone : 01 42 60 84 40l 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY

Téléphone : 01 42 60 84 41l 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI

Téléphone : 01 45 97 42 05

Directeur de la publication et de la rédaction :Jean-René Tancrède

Comité de rédaction :

Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet BernardsFrançois-Henri Briard, Avocat au Conseil d’EtatAgnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes AdministrateursAntoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon SorbonneMarie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droitAndré Damien, Membre de l’InstitutPhilippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon SorbonneBertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens,ancien Bâtonnier de BordeauxDominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisBrigitte Gizardin, Magistrat honoraireRégis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassationChloé Grenadou, Juriste d’entrepriseSerge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-AssasFrançoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassationMaurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - EntrepreneursJean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-AssasChristian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de ParisDominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagniesd’Experts de JusticeNoëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne MinistrePhilippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-AssasJean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptesGérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassationJacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPLYves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisRené Ricol, Ancien Président de l’IFACFrancis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisCarol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

Publicité :Légale et judiciaire : Didier ChotardCommerciale : Frédéric Bonaventura

Commission paritaire : n° 0713 I 83461I.S.S.N. : 0994-3587Tirage : 13 044 exemplairesPériodicité : bi-hebdomadaireImpression : M.I.P.3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS

Copyright 2013Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autoriséeexpressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale oupartielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnéepar les articles 425 et suivants du Code Pénal.

Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pourla période du 1er janvier au 31 décembre 2013, par arrêtés de Messieurs les Préfets :de Paris, du 27 décembre 2012 ; des Yvelines, du 31 décembre 2012 ; des Hauts-de-Seine, du 31 décembre 2012 ; de la Seine-Saint-Denis, du 27 décembre 2012 ; duVal-de-Marne, du 27 décembre 2012 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescritespar le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerceet les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contratset des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine.N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.

- Tarifs hors taxes des publicités à la ligneA) Légales :Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,48 €Yvelines : 5,23 € Hauts-de-Seine : 5,48 €Val-de-Marne : 5,48 €B) Avis divers : 9,75 €C) Avis financiers : 10,85 €D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 €Seine-Saint Denis : 3,82 € Yvelines : 5,23 €Val-de-Marne : 3,82 €- Vente au numéro : 1,15 €- Abonnement annuel : 15 € simple

35 € avec suppléments culturels95 € avec suppléments judiciaires et culturels

COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALESNORMES TYPOGRAPHIQUES

Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéasTitres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (oumajuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm.Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps6 points Didot, soit 2,256 mm.Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse(minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Lesblancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm.Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanccompris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif.L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Leblanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’unalinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiquesont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeurretiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

2012

Photo

© J

ean-R

ené 

Tan

crèd

e -

Tél

éphone

: 01.4

2.6

0.3

6.3

5

Nathalie Bourgeois De Ryck

Page 3: Edition du jeudi 18 avril 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 3

Vie du droit

Garantir les droitsfondamentauxdans le mondepar Chantal Arens

L'organisation du premier colloque deprintemps du Tribunal de grandeinstance de Paris, qui s'inscrit dans unedouble perspective de partage des

savoirs au sein de la juridiction et d'ouverturede la juridiction vers l'extérieur, marquel'aboutissement d'une réflexion sur la notiond'office du Juge parisien initiée au cours del'année 2010. En effet, dans un premier temps,les magistrats de la juridiction ont été invitéspar les chefs de juridiction à engager, en lienavec le greffe, une réflexion sur la capacité detraitement des dossiers dévolus au Tribunal degrande instance de Paris, tant au regard dunombre d'affaires à traiter qu'au regard de laspécificité et de la complexité des contentieuxen matière civile et pénale. Au terme de cetteétude, la spécialisation dans le traitement decontentieux complexes et notamment letraitement de dossiers ouverts sur le monde,soit en raison de la nationalité des parties, soitdu lieu ou de la trans-nationalité du litige, a étéobjectivée. Ainsi, l'intérêt et, j'oserai avancer, lanécessité de poursuivre une réftexion sur l'officedu Juge parisien sont venus faire écho auxnombreuses évolutions dont les collègues sonttémoins dans leur pratique quotidienne. Duconstat et de l'analyse de ces transformationssont nés l'idée de les partager au cours d'uncolloque, de ce colloque sur « Le juge à l'écoutedu monde », un nouvel office pour le Juge auXXlème siècle.

Pour mener à bien ce projet ambitieux reposantsur un travail collectif, quatre groupes deréflexion composés de magistrats du siège ontété constitués. Au cours de rencontres régulièresdepuis plusieurs mois, les Juges parisiens ontmis en exergue les évolutions qui ont uneincidence sur les différents aspects de leurfonction dans un contexte de mondialisationdes sources du droit, des procédures applicableset des contentieux. L'idée était de partir desacteurs judiciaires et non des systèmes afin demieux envisager les transformations qui ont lieudans le règlement des litiges. Un travailconsidérable a été fourni. Les groupes de travailà partir de la notion traditionnelle d'office duJuge - dispositions de l'article 12 du Code deprocédure civile concernant la fonction detrancher du juge - ont analysé tous les élémentsde leur pratique récente dans chaquedomaine / toutes Chambres confondues et ontfait ressortir les mutations intervenues. Ce sont,en effet, ces nouvelles problématiques, quiseront abordées aujourd'hui, qui transformentchaque jour un peu plus leur office traditionnel.

Ce bouleversement de l'office du Juge peut êtrerattaché à une forte demande de droit et deJustice et à la nécessité d'apporter une réponseà des problèmes nouveaux dans un contexte deprofondes mutations sociétales, économiqueset environnementales. Aussi convient-il parexemple de souligner l'émergence du droit desvictimes, françaises et étrangères, en matière

de catastrophes sanitaires, d'accidents collectifsou encore l'importance croissante ducontentieux de la consommation, du travail etdu logement - qui est une partie importante ducontentieux de l'instance. Le Juge est en outrede plus en plus sollicité pour garantir les libertésindividuelles et l'effectivité des droitsfondamentaux, notamment en matièred'hospitalisations sous contrainte, de procédurepénale ou de contentieux des étrangers.Il convient d'ajouter au contexte national enconstante évolution, un contexte européen etplus largement international qui influence leJuge et les effets de la globalisation sur le droitqui sont caractérisés par la multiplication et lavariété des normes applicables. Son écoute dumonde peut d'une part, selon les cas, lui donnerla possibilité de précéder les évolutions commepar exemple en droit de la famille, ainsi que celasera exposé dans les tables rondes.

D'autre part, le Juge à l’écoute du mondecontribue à garantir les droits fondamentauxtels qu'ils sont énoncés notamment dans laConvention européenne de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertés fondamentales.De plus, des contentieux internationauxmajeurs doivent être pris en considération parle Juge national, tels que ceux de la propriétéintellectuelle, de l'Internet, de la délinquanceorganisée européenne et internationale, et lescrimes contre l'humanité dont la création dupôle parisien atteste de l'importance croissantedu droit international dans notre office. Ainsi,dans de nombreux domaines du droit, leTribunal de grande instance de Paris est auxavant postes de la mondialisation.Pour traiter ces questions, les magistrats se sontinterrogés sur ce qui avait changé dans leur officedepuis dix ans, face à ces contentieux quiémergent mais aussi dans leur façon de mettre

en état les procédures, de conduire leursaudiences et de rédiger leurs décisions. Ilsemblerait qu'il y ait un retour à ce que jenommerai « une horizontalité » de l'office du Juge.En effet, l'office du Juge, parallèlement auxcourants politiques ou religieux, était passéd'une horizontalité à une verticalité du droit,verticalité qui semble aujourd'hui moinsaffirmée. Je laisserai bientôt la parole à Monsieurle Professeur Bernabe qui nous éclairera de savision historique de ces évolutions.Les groupes de travail ont dégagé trois axesprincipaux qui vous seront présentésaujourd'hui au cours des trois tables rondes :

1 - S'agissant de la mondialisation des sourcesdu droit, je rappellerai la formule de Portalis quiénonçait « qu'il y avait des Juges avant qu'il y eûtdes lois ». La question abordée dans cettepremière table ronde rejoint en effet celle de lanaissance du droit, laquelle d'ailleurs s'opère aumoment où un tiers impartial - sans intérêtdirect à la cause invoquée par une partie àl'encontre d'une autre partie - intervient.Avec la consécration du légicentrisme depuisplus de deux siécles, le Juge a été considérépendant des décennies comme étant « labouche de la loi » pour reprendre l'expressionde Montesquieu. Aussi, les textes ont encadréstrictement l'office du Juge. Toutefois, lamondialisation des sources du droit au traversde normes européennes et internationales ainsique l'émergence des droits fondamentaux ontconfié - par leur valeur supranationale - la facultéau Juge français d'appliquer des régies quipeuvent être en contradiction avec la loinationale. Le Juge doit connaître les normesétrangères et cette évolution vient remettre encause la tradition française idéalisant la loicomme source principale du droit. La fonctionde juger jouit désormais d'une fonction

Photo

© J

ean-R

ené 

Tan

crèd

e -

Tél

éphone

: 01.4

2.6

0.3

6.3

5

Chantal Arens

Page 4: Edition du jeudi 18 avril 2013

Photo

© J

ean

-Ren

é T

ancr

ède

- T

élép

ho

ne

: 0

1.4

2.6

0.3

6.3

5créatrice, étant observé que cette mutation del'office du juge est le fruit d'une lente évolutionsociétale s'inscrivant dans un contexte mondialen profonde transformation.Cette nouvelle tâche qui incombe au Jugeintervenant en particulier dans un contexted'organisation centralisée de l'État, n'est pas aisée.En effet, le Juge français parisien peut constater,comme ses homologues européens, unecertaine déconstruction de la nation par l'effetde la mondialisation.Il convient aussi d'évoquer le fait que jusqu'àune période récente, notre ordre juridiqueétablissait clairement une hiérarchie desnormes, avec au sommet de la pyramide - pourreprendre l'image de H. Kelsen - la Constitutionfrançaise, expression de la souveraineténationale et clef de voûte des institutions.Désormais, nombreuses sont les conventionseuropéennes et internationales qui priment surla Constitution. Comment ne pas constater,selon un éminent constitutionnaliste, que « lalogique de la souveraineté, en tant qu'expressiond'un pouvoir initial et inconditionné, forme unchâteau de sable qui s'effrite sous le poids dudéveloppement des contraintessupranationales. »Ces bouleversements déclenchés par lamondialisation poussent ainsi le Juge à raisonnerdifféremment, le confrontant à desproblématiques nouvelles comme par exemplecelle de rendre des décisions dont lesconclusions, à partir d'un même droitfondamental, peuvent différer selon laprotection de tel ou tel intérêt légitime (intérêtde l'enfant, égalité des couples).C'est alors que la norme devient composite et

les magistrats eux-mêmes, peuvent ainsiparticiper à la construction d'un nouveau soclecommun.

2 - S'agissant ensuite de la mondialisation desprocédures, qu'il s'agisse de procédure civile oupénale, la conduite du procès met en lumièrele passage de l'imperium à la jurisdiction autravers surtout de la mise en place du principede coopération entre le Juge et les parties. Cettecoopération consacre ainsi entre le Juge et lesparties, une relation horizontaled'interdépendance et d'interpénétration.À l'époque romaine, l'ancêtre du magistrat, lepréteur, était investi par les comices del'imperium défini « comme le droit de recevoirde Jupiter le pouvoir d'agir valablement enconformité avec l'assentiment des dieuxtransmis par l'examen du vol des oiseaux(1) ». Cetimperium, à l'époque moderne se définit pluscomme le pouvoir conféré au Juge d'imposerune solution aux parties et de rendre unedécision contraignante. Toutefois, notreréflexion sur la notion d'office du Juge laisseapparaître aujourd'hui un moindre accent missur l'imperium du Juge au profit de lajurisdiction, c'est-à-dire la capacité de dire ledroit. En effet, la jurisdiction qui fait référenceà la notion d'autorité, consacre la capacitéd'influence du Juge dans une décision dont lepublic est plus large que les parties directementconcernées.

3 - Enfin, les magistrats parisiens ont constaté qu'ilsétaient de plus en plus souvent saisis de nouveauxcontentieux, nouveaux dans le sens de « nonencore jugés » et aussi de· « non encore prévus ».

Il s'agira ici de l'Internet, mais également dudroit de la famille ou encore du droit del'environnement. Comment alors le Juge doit-il se préparer pour traiter ces nouveauxcontentieux ? Plusieurs réponses peuvent êtreenvisagées. Il convient en premier lieu desouligner que le Juge doit être plus que jamaisà l'écoute d'un monde globalisé dans lequel ledroit n'échappe pas à cette globalisation. Jelaisserai Madame le Professeur Muir-Watt dansquelques instants développer sa vision d'un Jugeà l'écoute du monde, il me semble nécessaireque le Juge accorde de l'intérêt aux systèmesétrangers dont il peut s'inspirer le cas échéantpour trancher le litige dont il est saisi. Et puis lejuge français n'est-il pas lui aussi une sourced'inspiration à l'étranger ?Il importe en deuxième lieu de rappelerl'importance de la formation universitaire dontl'approche en droit comparé doit être renforcéepour améliorer le savoir-faire des magistrats. Laquestion des méthodes de rédaction desjugements est tout aussi fondamentale.Comment rédiger un jugement clair,compréhensible et exécutable alors que lesquestions sont multiples et complexes ? Il fautun lien de confiance entre le Juge et lesjusticiables et le détour par d'autres cultures peutpermettre une lecture critique de sa propreculture.Soulignons en dernier lieu le fait que cesmultiples évolutions conduisent à nousinterroger sur la place du Juge, son rôle, salégitimité démocratique et les valeurs qui sous-tendent sa mission.

(1) Définition de Monsieur le Professeur Jean-Paul Andrieux

La synthèse des travaux du premier colloque deprintemps du Tribunal de grande instance deParis a été confiée au Professeur émérite de droitprivé de l’Université de Paris 2 Panthéon-AssasSerge Guinchard qui a introduit et conclut sespropos comme suit :

N’ayez pas peur !par Serge Guinchard

Avous lire d’abord, dans les actespréparatoires à ce colloque, à vousécouter ensuite au cours de cettejournée de restitution et de

discussions, mon premier sentiment est quevous avez vous-même construit les réponsesaux questions que vous vous posiez lorsqueMadame la Présidente Chantal Arens vous ademandé de réfléchir à un nouvel office du jugeen ce début de XXIèmesiècle, dans la perspective,au-delà du dialogue de gestion avec le Ministère,de trouver les moyens vous permettant derépondre au défi de la mondialisation dans votreactivité quotidienne de Juge. Sans faire injure aux autres juridictions, il fautbien reconnaître qu’à Paris vous êtes enpremière ligne à l’écoute du monde, à la fois parl’importance quantitative des effectifs de votretribunal, par la connaissance qualitative quevous avez de contentieux internationaux que

4 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

Vie du droit

Serge Guinchard

Page 5: Edition du jeudi 18 avril 2013

la province ne connaît pas ou peu – ne serait-ce que l’arbitrage international – et par lacompétence exclusive que le législateurcontemporain aime bien vous confier danscertains types de contentieux, en dernier lieule pôle des brevets d’invention et celui descrimes contre l’humanité et crimes de guerre,deux compétences pour lesquelles, je l’avoue,je me sens une certaine responsabilité(1) ! Enmatière civile, vos 15 Chambres et vos42 sections, votre activité particulièrementimportante en matière de référés et de requêtes,font de votre juridiction le phare de l’activitéjudiciaire de la France. Le taux de complexitéde vos affaires civiles, 33 à 73 % selon les chiffresdonnés par votre Présidente lors de son discoursde rentrée solennelle en janvier 2013, lesdossiers hors normes qui vous sont soumis enmatière pénale, contribuent à faire de votrejuridiction une juridiction exceptionnelle.

À vous lire et à vous entendre, mon impressiongénérale est qu’il se dégage de vos interrogations,de vos doutes, comme un sentiment de peur,en tout cas le sentiment que vous ressentez unvertige devant d’une part, les difficultés nées dela mondialisation et, d’autre part, la nécessitéaccrue de vous tenir informés des évolutionsdes droits étrangers et des jurisprudenceseuropéennes, qu’il s’agisse de Luxembourg oude Strasbourg. Face à un tel sentiment, j’ai enviede vous répondre comme Jean-Paul II « n’ayezpas peur », mais comme les crucifix ont disparudes salles d’audience et que la Justice se doitd’être laïque, je m’en tiendrai à un discoursrépublicain, mais un discours plus politique quejuridique. En effet, j’ai considéré que la question poséeétant celle d’un nouvel office du Juge auXXIème siècle, sous le regard d’un juge à l’écoutedu monde, d’un Juge face au défi de lamondialisation, d’un juge qui subit plus qu’il neconsent aux changements parce que ceux-cisont continus et globaux et qu’il les prend de

plein fouet, la réponse ne pouvait être qued’ordre politique et non pas seulement d’ordrejuridique. Sous ce regard, cette réponse se détriple car,comme tout homme politique en charge dulégislatif ou d’un exécutif :- Le Juge doit être d’abord et avant tout unvisionnaire au cœur de notre devise républicainepour en actionner toutes les composantes ;- Il doit aussi être un meneur d’hommes, c’est-à-dire un décideur, au cœur de la création de lanorme ;- Mais, à la différence de l’homme politique, lejuge, parce qu’il répond à une attente précisedans un dossier à lui soumis, selon une certaineprocédure, doit, pour articuler ces deux offices,être l’acteur d’un nouveau modèle procédural,lui-même fondement d’une nouvelledémocratie. (...)

Vous êtes, par l’exercice de vos trois fonctionsrégaliennes, des régulateurs de flux, c’est-à-diredes gestionnaires de contentieux, mais aussi lesprotecteurs de ceux qui actionnent le devoir deprotection juridictionnelle que l’Etat doit àchaque citoyen et les gardiens des libertésfondamentales. - Devenez dès à présent, des visionnaires dumonde de demain que vous construisez, à «l’écoute de ce monde » qui fut le thème centralde vos travaux et dont vous ne devez pas avoirpeur.- Soyez les acteurs d’une nouvelle démocratie,à base de procédure parce que celle-ci porte enelle les idées de confiance qui fonde la loyauté,d’écoute de l’Autre qui implique le dialoguecontradictoire et la proximité dans la céléritéde vos jugements.

(1) Cf. les propositions 10 et 18 de la Commission Guinchard enjuin 2008, rapport publié à La Documentation française : L’ambitionraisonnée d’une Justice apaisée.

2013-301

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 5

Vie du droit Agenda

L'Ordre des Avocats au Conseil d'Etat età la Cour de cassation décerne chaqueannée un prix de thèse destiné àrécompenser une thèse de doctorat en

droit.Une attention particulière est accordée auxtravaux portant sur les fonctions, les missionset les méthodes des juridictions suprêmes.Le prix d'un montant de 3 800 € est destiné àfaciliter la publication de la thèse.Peuvent concourir les thèses proposées parl'université pour un prix de thèse qui ont été

soutenues entre le 1er juillet 2012 et le30 juin 2013.Les candidats adresseront leur thèse avant le27 septembre 2013, en deux exemplaires avecune copie du rapport de soutenance et unerecommandation du directeur de recherches,au secrétariat de l'Ordre des Avocats auxConseils, 5 quai de l'Horloge, 75001 PARIS.

2013-302

Ordre des Avocatsau Conseil d’Etatet à la Cour de cassationPrix de thèse 2013

ASSOCIATION HENRI CAPITANT

La dualité des ordresde juridictionsColloque le 25 avril 2013Grand’Chambre de la Cour de cassation 5, Quai de l’Horloge - 75001 PARIS Renseignements : Sophie Julien

01.48.24.60.54 - http://www.avocom.fr 2013-303

INSTITUT DE RECHERCHEJURIDIQUE DE LA SORBONNE,INSTITUT DROIT ÉTHIQUE ET PATRIMOINEET LE CENTRE DE DROIT PÉNAL DEL’UNIVERSITÉ PARIS OUEST NANTERRE

Sur la voie de l’action de groupe Colloque le 26 avril 2013Maison du Barreau2 rue de Harlay - 75001 PARIS Renseignements : http://irjs.univ-paris1.fr

2013-304

CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L’AUTORITÉDES MARCHÉS FINANCIERS (AMF)

Fonctionnement du conseild’administration,rémunération et transparence :quelle gouvernancepour les entreprises ? Colloque le 23 mai 2013Maison du Barreau2 rue de Harlay - 75001 PARIS Renseignements : contact@colloque-conseil-

scientifique-2013.amf-france.org 2013-305

CLUB BANQUE

Norme IFRS 9 - Où en est-on ?Colloque le 28 mai 2013 Salons Hoche9 avenue Hoche - 75008 PARISRenseignements : Magali Marchal

01 48 00 54 04

[email protected] 2013-306

ERNST & YOUNGET LE CENTRE FRANCAIS DE DROIT COMPARÉ

Vers une nouvelle relationdroit - comptabilitéIFRS - droitTable Ronde le 30 mai 2013Ernst & Young La DéfenseSalle Events 27eme étageTour First - 1 place des Saisons92037 PARIS LA DEFENSERenseignements : Emmanuelle Bouvier de Rubia

01 44 39 86 21

[email protected] 2013-307

Page 6: Edition du jeudi 18 avril 2013

6 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

In Memoriam

Mario, l’homme aimépar Christiane Féral-Schuhl

Ne fais pas, surtout pas, mon élogefunèbre, j’en ai tant prononcés dansma carrière et j’en connais leslimites…Mais, prie pour moi, car j’y

crois, à la vie éternelle ».Ces quelques mots susurrés par Monsieur leBâtonnier Mario Stasi à l’oreille de Monsieur leBâtonnier désigné Pierre-Olivier Sur forcentnotre admiration.Mario a toujours été convaincu que la mort n’estpas une fin.

Votre présence à tous, si nombreux,Démontre que Mario est parmi nous.Mario,Qui n’aurait pas souhaité que cette soirée soitemprunte de nostalgie.Mario,Qui se préoccupait davantage de la peine quesa disparition occasionnerait pour ses proches

que du combat qu’il devait mener contre lamaladie.

Alors,Tout simplement,Réjouissons-nous qu’une fois encore,Mario soit celui qui nous réunit,Le temps d’évoquer cet homme que nousaimons.

« Ne pleure pas, si tu m’aimes »Ce sont ces mots, extraits de la prière de SaintAugustin,Que Mario aurait aimé prononcer.

Mario,Qui rime avec engagement.Mario,D’une énergie redoutable,Mario,Une éternelle jeunesse.Mario,Dont le visage était perpétuellement illuminépar un sourire d’enfant.Fier d’être un enfant d’immigrés,

Fier de ses ascendances catalanes, italiennes,cubaines,Mario fait une entrée fracassante au Palais :Elu Premier secrétaire de la Conférence.

Une Conférence d’exception :- Michel Blum,- Jean-Pierre Cordelier,- Denis Dupré,-Philippe Lafarge.

Une Rentrée solennelle d’exception :Son éloge à Pierre Masse continue de nousbouleverser.Mario aimait la vie, profondément,viscéralement.Mario aimait les autres.« Il n’est qu’un seul risque à courir, celui del’espérance »,Se plaisait-il à dire.

Comment ne pas évoquer la CIB à laquelle il adonné vie,Après que Guy Danet l’eût créée.Comment ne pas évoquer la rédaction, sous

Hommage au Bâtonnier Mario Stasi1er mai 1933 - 3 novembre 2012

Une très grande figure du Barreau de Paris n’est plus depuis le 3 novembre 2012, il a incarné l’honneur et la dignité de laprofession d’avocat (Les Annonces de la Seine des 8 et 15 novembre 2012). Pour lui rendre hommage, ses confrères ont organisé,sous l’égide du Palais Littéraire et Musical de Paris, association fondée en 1913 sous le haut patronage de Raymond Poincaré,une soirée ce lundi 15 avril 2013. L’auditorium Louis-Edmond Pettiti de la Maison du Barreau de Paris était comble, lesparticipants ont été particulièrement émus d’entendre les orateurs évoquer le souvenir d’un homme tolérant mais intransigeantqui a fait résonner partout où cela était nécessaire la voix forte d’une défense que rien ne pouvait bâillonner.Nous pleurerons encore longtemps le Bâtonnier Mario Stasi. Jean-René Tancrède

Photo

© J

ean-R

ené 

Tan

crèd

e -

Tél

éphone

: 01.4

2.6

0.3

6.3

5

Mario Stasi

«

Page 7: Edition du jeudi 18 avril 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 7

In Memoriam

son impulsion, de la Convention universelle desauvegarde des droits de la défense.

Véritable ambassadeur du Barreau de Paris,Mario a mis son éloquence, sa foi,Au service des droits de la défense,En tous lieux où ceux-ci sont piétinés.Il fût pendant de nombreuses années membrede la Commission nationale consultative desdroits de l’homme, créée par René Cassin.Il fût pendant treize ans membre du Comiténational d’éthique des sciences, de la vie et dela santé.

Généreux,Fougueux,Epris de justice et de liberté,L’homme est admirable, adulé,Aimé, tout simplement.

Peu lui importait les honneurs dont il a étécomblé.Son ambition est humaine.

Amoureux de littérature et de musique,Rendons hommage à son intelligence, à saculture.

Je n’oublierai pas cette journée du 23 octobredernier,Où Mario anima le colloque de l’Institut de droitpénal,Comme si la maladie n’existait pas.

Nous n’oublierons pas cette journée du 25octobre 2012 :Mario attendra jusqu’à 22 heures un délibéréd’assises.

La vie est plus forte que tout.Un refrain qu’il a psalmodié toute sa vie durant.

Sachons être dignes de lui.Réjouissons-nous de l’avoir connu !

Mes pensées vont à Savine, ses enfants et sespetites filles.Que sa lumière continue de vous porter…

Une jeunesse rémoisepar Bertrand Schneiter

Comme le dit le chanteur « on est tousnés quelque part ». Pour Reims, lachance a voulu que Mario y naquît.Pour Mario, Reims fut un terreau

favorable, puisqu’il n’en a jamais coupé sesracines. Pour nous, ses amis de jeunesse, celanous valut le privilège de connaître ce Mariod’avant, qui devait par la suite marquer tant deses contemporains. Retracer les années rémoises du jeune MarioStasi supposait d’en trouver les témoins. Quecet honneur me revienne doit plus à l’amitiéqu’à la rigueur historique. De 10 ans son cadet,je vois d’abord apparaître Mario comme unautre grand frère, avant que son éternellejeunesse nous fasse oublier cet écart.De la jeunesse de Mario, je voudrais retenir troisthèmes : sa famille, sa personnalité, ses équipes.

Reims et les Stasi

Une naissance en 1933 à Reims, cela veut diredes années d’enfance vécues dans la guerre etl’occupation, marquées par une haine farouchedes nazis - son frère Bernard alors âgé de 14 ansn’avait-il pas défié Vichy et l’occupant enarborant l’étoile jaune ? Et une Libérationpleinement célébrée, couronnée le 7 mai 1945par la reddition du troisième Reich devantEisenhower, dans une école de la ville. De quoialimenter un solide patriotisme.Mais une naissance sous le nom de Stasi, c’étaitune originalité. Des noms à consonanceétrangère, Reims en connaissait, mais plutôt desource germanique (Mumm, Krug, Taittinger,et même Schneiter). Une extraction latine, etrécente, risquait en revanche la condescendancedes bourgeois du cru, même si une coloniecatalane avait suivi le commerce du bouchon,sans lequel le Champagne n’aurait pas existé. Jene crois pas qu’on soit allé jusqu’à traiter nosamis de Ritals ou d’Espingoins, mais ils nepouvaient ignorer leur condition étrangère.N’oublions pas que Mario et ses frères ontencore dû opter pour la nationalité françaiselors de leur majorité. Les prises de positionpubliques de Bernard et Mario sur l’immigrationet l’Europe se sont évidemment nourries de cevécu initial. Pour les enfants que nous étions, en revanchepas de préjugés, mais pas mal de curiosité.Autour de cette famille régnait un fort parfumd’exotisme, à une époque où le reste du monden’existait que dans les livres. Leur voisinage, etla ville par écho, retentissait des moments detension ou d’excitation où la langue deCervantès reprenait tous ses droits, mais aussitoute sa force ! et ce souvent à l’heure espagnole,bien après l’extinction des feux !Les Stasi ont d’abord existé « en bloc », les troisfrères se taillant une solide réputation de vitalité.Les anecdotes sur leurs « déportements », aureste bien innocents, ont enchanté les enfantsencore bien gouvernés dont je faisais partie : unconcours de crachats sur les chapeaux despassants dont la cible s’avéra être leur proprepère… Le jet de papiers enflammés dans unvide-ordures, au grand dam du gardien alertépar la fumée et copieusement douché par l’eaudestinée à éteindre le début d’incendie… Descavalcades de collégiens accrochés au corbillardmunicipal retour d’obsèques… Dans la relativetorpeur provinciale de la ville des Sacres, lesjeunes Stasi pouvaient faire figure degarnements.

Venons-en à Mario

Naître dans cette famille et cette fratrie acertainement joué un rôle considérable pourMario, le plus jeune des trois. Bien décidé àexister en propre, il faisait de sa relative jeunesseune arme, et un moyen supplémentaire deséduction. Seul des trois à porter un prénomtypique, il ferait en outre de celui-ci sa véritablemarque, appuyée sur sa personnalitérayonnante..Mes premiers souvenirs de Mario ont pourcadre la montagne. Dans le Val d’Isère desannées 50, en cordée avec ma mère, une joyeusebande de jeunes gens découvrait la camaraderiedes courses en montagne, sous la conduite d’unguide de vieille école exerçant ses forces à l’Hôtel

Drouot pendant l’hiver et braconnant lamarmotte en été. La conquête de Méan Martin,leur premier 3000 faisait exploit ! Et nos chaletsretentissaient aussi des échos et des éclats deces jeunes souvent déchaînés Les enfants neperdaient rien de ces retours de course et desrécits qui les accompagnaient. La voix de Mario,si chaude, si gaie, n’était pas difficile à repérerdans ce concert, si tonitruant fût-il.La voix de Mario. Outre les scouts et les fidèlesdes églises de Reims, cette voix était l’ornementdes « Alouettes de Champagne » groupe vocaldont l’irréprochable qualité artistique dissimulaitmal les objectifs festifs et souventmatrimoniaux, à l’abri d’une couverturesupposée rassurer des parents encore assezfrileux à l’époque. Mario y campait un ténorpuissant et généreux. Déjà amateur de défisoratoires, c’est lui qui fut chargé, en hollandais,de présenter son groupe lors d’une tournée auxPays-Bas. Mais il pouvait tout aussi biendéclencher dans le groupe un fou-riredévastateur. Le rire de Mario. Encore un de ces cadeaux quenotre jeunesse adorait. Mon frère me rappelaitl’autre jour la capacité de Mario de tourner unehistoire, à l’argument souvent ténu, en uneépopée hilarante et interminable. Son auditoiresecoué par les éclats de rire finissait par neretenir que l’art du conteur. La gaieté de Mario, sa gentillesse et sonespièglerie, lui valaient toutes les indulgences.Une de ses contemporaines me rappelait avecattendrissement un rituel auquel il se livraitlorsqu’il visitait la mère de cette amie : ils’emparait des chapeaux de la dame, accrochésau porte-manteau de l’entrée, et les lançaitadroitement pour orner les têtes des trophéesde chasse ornant ce vestibule. Celle qu’il appelaitaffectueusement sa deuxième maman criait etriait à la fois de ce manque de respect.Sur un point cependant, les anecdotesdrolatiques me manquent. La foi de Mario étaitun sujet sérieux et non une plaisanterie. Biensûr il aura à l’occasion donné quelque imitationaussi hilarante qu’irrespectueuse de tel ou telMinistre du culte, ou quelque récit homériqued’une célébration ou d’un pèlerinage. Mais desacrilège, jamais. Sa foi était un bloc.Mario semblait voué à une éternelle jeunesse.Il prit d’ailleurs une assurance à cet égard, Bienque célibataire « endurci » selon les critèresde l’époque, songez qu’il avait dépassé trenteans, Mario, infatigable danseur, ne manquaitaucune de nos soirées. En épousant Savine,l’une des plus belles fleurs de notre bande dejeunes gens, Mario nous confirmait qu’il étaitbien décidé à toujours être du côté de lajeunesse.

Les équipes

Votre confrère Henri Leclerc, dans sonémouvant hommage, nous a rappelé à quelpoint l’esprit d’équipe animait Mario. Là encore,sa jeunesse rémoise annonce la suite. Tout d’abord au Collège Saint-Joseph, le systèmedes équipes formait précisément la base surlaquelle reposait l’éducation dispensée par lesJésuites, en contraste avec l’individualisme à lafois élitiste et marxisant du Lycée. Les notesn’étaient qu’une partie du programme, et lesforts en thème pouvaient ne pas être lespremiers. La personnalité de Mario, élève

Page 8: Edition du jeudi 18 avril 2013

honorable mais activiste infatigable, s’yépanouissait.Dans un autre sanctuaire de l’esprit d’équipe,chez les scouts, Mario a trouvé et aimé ce mêmeenvironnement. Encore un creuset sans lequelon ne comprend pas notre ami. Il en a gravi leséchelons, pour devenir chef de la troupe de laCathédrale. Progresser, devenir le premier, maisen entraînant les autres. Ses futurs amis de laConférence étaient prévenus ! La prière desscouts chante « apprenez-nous à être généreux».Mario la chantait toujours.Ce n’est pas un hasard si Mario a tant aimé lefootball, sport d’équipe par excellence à uneépoque où le rugby n’avait pas franchi la Loire.Reims faisait figure de capitale en la matièregrâce aux Kopa, Piantoni et autres Fontaine. Jedois cependant révéler un épisode dont un demes frères fut témoin. Lors de la finalehistorique Reims-Real de 1956, le « pack » desStasi présents dans les tribunes avait commencépar hurler en français sa joie après le premierbut rémois. Quelle ne fut pas la surprise de leursamis quand, après que le Real eu égalisé puispris l’avantage, le même pack, en espagnol cettefois, accompagna de ses clameurs la remontéedu club honni. Mario aurait pu plaider leursloyautés conflictuelles. Ils furent pardonnés aunom du foot. Ce foot, encore une racine rémoisequi restera vivace jusqu’au sein du Palais,puisque Mario illustrera le foot des Avocatscomme Bernard celui des Parlementaires.Au terme de cette trop rapide, et tropimpressionniste revue, comment conclure cetteévocation du Mario d’avant ?On ne conclut pas une introduction. Et je nem’excuserai pas d’avoir paru privilégier, commedans une lecture sélective de l’AncienTestament, les signes annonciateurs.Tels sont nos souvenirs. Le visage souriant deMario y est gravé. Mario ne nous a jamais déçus,et nous n’avons cessé de reconnaître le Mariode notre jeunesse rémoise, dans la suite de savie personnelle, de sa carrière et de sesengagements.

Mario, le talentueuxpar Geneviève Augendre

Novembre 1962,le ciel était gris.Les rentrées de la Conférence enBelgique se succédaient,

auxquelles se rendait un membre du Conseilde l’Ordre, Bruxelles étant le privilège duBâtonnier.Francis Mollet-Vieville n’était pas encoreBâtonnier, mais déjà membre du Conseil del’Ordre.Il devait se rendre à l’une de ces cérémonies,accompagné selon la tradition, d’un nouveauSecrétaire de la Conférence.Rien que de très banal et pourtant…A son retour, Francis me dit que soncompagnon de voyage avait été le nouveaupremier Secrétaire : un jeune homme charmantqu’il me demandait de recevoir.Chemin faisant, il lui avait fait la confidencequ’ayant annoncé à son patron son succès à laconférence, celui-ci l’avait immédiatement prié

de rechercher une autre collaboration, et Francisvoulait savoir si je serais d’accord pour qu’il nousrejoigne.Sa décision je crois était déjà prise et il enattendait la confirmation.J’ai vu arriver Mario, un peu intimidécontrairement à l’image que l’on a de lui, commes’il avait eu le souci de ne pas rater son entrée.Il me dit ce qu’il attendait de la profession, d’unecollaboration, mais aussi de son année deConférence consacrée aux voyages, auxréunions, aux commissions d’office, les affairespénales les plus intéressantes étantgénéralement dévolues au premier Secrétaire.Immédiatement, le courant est passé : le charmede Mario, son intelligence et son rire m’avaientséduite et une semaine plus tard, il était AvenueHoche.Ce fut le début d’une aventure, d’unemerveilleuse aventure qui dura six années, d’untravail intense, mais aussi de joie et d’émotionspartagées.Les plus tristes : la mort de nos pères respectifsdont nous avons partagé la douleur.Les festives également : en créant à nouveau laRevue de l’UJA où Mario excellait dans lessketches et les chansons.Nous nous produisions alors modestementdans un petit théâtre de l’Avenue Gabriel, lethéâtre des Ambassadeurs.Le journal du Conseil National des Barreaux,qui a circulé au moment de la disparition deMario, a publié une photographieimmortalisant la soirée de 1965.Les plus heureuses : Mario se rendait presquechaque week-end à Reims, la ville de sonenfance, de ses racines où vivaient ses parents,ses frères, et dont on vient de vous parler.Pour cela, il prenait le train et, à son retour lelundi matin, me racontait son voyage : il avaitrencontré une jolie jeune fille, souriante, aveclaquelle il avait engagé la conversation et apprisqu’elle était pianiste.J’attirais son attention sur le côté insolite de cetterencontre, mais très vite je comprenais ce quiavait été un coup de foudre : Savine était lafemme de la vie de Mario, et j’ai été très heureuselorsqu’il m’a annoncé leur mariage.Six années sans le moindre nuage, le moindreincident, passées comme un éclair. Nous avionsun code entre nous et Francis : il n’y avait jamaisde problème mais toujours des solutions.

A aucun moment, Mario n’a ralenti son rythmede travail, qu’il accomplissait sans avoir l’air dele faire, et pendant son année de conférence,prenant le temps de mener avec succès sesactivités de premier Secrétaire, et de préparerle merveilleux éloge qu’il fit de Pierre Masse àsa sortie de la conférence, et dont la fin attiranos larmes.Le talent de Mario était immense. Il semblaitmême procéder d’une certaine facilité : ilpouvait préparer un discours sur un timbre-poste.Cela n’était pas mon cas et je me souviens que,devant me rendre au Liban avec le BâtonnierBrunois, j’avais à faire un discours.Je demandais à Mario de me donner quelquesidées. Il ne se borna pas à me les donner, maisprépara un joli propos qui fut très applaudi.Mario jeune, c’était Mario à la fin de sa vie : lemême rire, le même enthousiasme, la mêmejoie de vivre.

Lorsque je l’ai vu pour la dernière fois, à la remisedu Bâton au Bâtonnier Jean Castelain, je luidemandais de ses nouvelles et il me réponditavec son grand sourire et un geste d’affection :tu vois je suis là.Comme son patron de 1962 avait eu tort de nepas faire confiance à Mario, mais comme il avaiteu raison de nous le laisser :Mario c’était un vrai cadeau.

Mario et la Conférencepar Jean-Pierre Cordelier

Voilà le temps de la conférence « unmoment fondateur et primordial desa vie », ainsi que l’a si bien dit HenriLeclerc dans son émouvant discours,

prononcé le triste jour de ses obsèques.Il a été le premier d’une promotion riche depersonnalités : Michel Blum, Denis Dupre,Catherine Karpik, Lucien Cossart, MarieGuilguet, Béatrice Bensoussan, Jean-AntoineDeloncle, Fred Hermantin et Philippe Lafarge,et pourtant, à entendre nos géniteurs, elle a étélaborieusement enfantée.La rumeur disait qu’ils avaient peine à trouver12 Secrétaires dignes de succéder à leurpromotion.De la rumeur est née la légende, maintes foisracontée par Jean-René Farthouat avecl’humour grinçant qu’on lui connaît et reprisepar notre cher Mario qui lui répondait que detout temps il n’y avait pas eu de meilleurepromotion.Il fut notre premier porté par sa promotion, fierde celui qui sera à jamais affectueusementappelé Mario.Son discours de rentrée sur Pierre Masse, dontil sera parlé tout à l’heure, reste dans nosmémoires.Il disait alors « être d’une promotion, c’est seréjouir désormais du succès des autres, toutautant que des siens, apprendre à tempérer touterivalité de beaucoup d’amitié et garder pour lavie des regrets d’une année fugitive ».

Sans doute la carrière, la vie nous éparpillentmais entre nous, nos épouses et époux respectifsnous avons conservé des liens très forts affectéspar la disparition tout jeune de Lucien Cossart,en 1999, de Philippe Lafarge et, il y a quelquesmois, notre cher Mario.Il aimait ces rencontres agrémentées d’un dîneret prenait plaisir à nous recevoir avec lamerveilleuse Savine.Il n’y a pas de groupe sans quelques tensions.Il y en eut lorsqu’il a fallu choisir nos successeurset encore lorsque notre cher Mario, promis auBâtonnat, trouva sur son chemin le douzièmede sa promotion, Philippe Lafarge, en quête desmêmes fonctions.Deux pour un seul fauteuil, c’est trop.Mais, la réussite de l’un et l’autre apaisera lesquerelles et l’esprit de promotion, tissé par uneforte amitié, l’emportera.L’année de la Conférence a scellé le début d’unegrande carrière.Et très vite, la renommée a fait le reste.Elle a révélé un avocat de grande humanité,d’une culture puisée dans des études réussies etsans cesse enrichie.

8 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

In Memoriam

Page 9: Edition du jeudi 18 avril 2013

La Conférence est l’école de la parole quidevient, pour les plus talentueux, l’art de laparole.Notre cher Mario cultivait cet art avec unecertaine délectation.La parole c’est la vie et cette vie là, elle a été lasienne jusqu’au bout, comme l’a si joliment écritnotre Bâtonnier.Notre cher Mario citait souvent le BâtonnierCharpentier, auteur d’un opuscule sur la parole.Verba volante rappelle-t-il, mais, écrit-il, si « leschefs d’œuvres traversent les siècles, défigurés parle succès, assimilés par les générations qui lesdévorent…, la parole, elle, à peine a-t-elle retentiqu’elle meure. On ne l’entendra plus jamais. Ellene connaîtra ni la décadence, ni les résurrectionstraîtresses. C’est une fusée dans la nuit.Mais Ciceron ? Mais Bossuet ? Je vous en prielaissons les cadavres. Qui a-t-il de communentre ces écritures refroidies et l’instant divin oùtransportées par la magie du verbe, les âmes sesont confondues ? ».Ecoutons encore Henri Leclerc « allez, monvieux Mario, il nous faut nous quitter. Faute depouvoir te parler, je voudrais encore te parler detoi, encore rester avec toi un moment, encore voirton souvenir si bienveillant, profiter de ta joielégère, savourer ton humour s’arrêtant aux portesde l’ironie qui blesse.Mais le temps est venu de faire silence…. Tu étais doux aux affligés, tu étais affamé etassoiffé de justice, tu défendais les persécutés, tuaccueillais les étrangers, allais visiter ceux quiétaient en prison. Tu fus donc ce que tu rêvaisd’être dans ta jeunesse.Quelle belle vie mon ami.Repose en paix » Que dire de mieux ?Tout au long de cette soirée défile les images.

Mario, le rayonnantpar Denis Duprey

ue dire de Mario qui n’ait été déjà dit ?Tous ceux qui participent ce soir àcet hommage, ont salué et rappeléavant nous l’homme qu’il fût, son

talent, ses mérites et son engagementpermanent pour l’ordre et la défense.Mais peu nombreux sont ceux qui l’ont connuau tout début de sa vie d’avocat, ceux qui,comme Jean-Pierre et moi l’ont découvert etrencontré, il y a plus de 50 ans, dans les années1962 /1963 lorsqu’il courait les couloirs dupalais, « en robe courte » pour ne pas dire enculotte courte (car il la porta sous les couleursdu football club du Palais).Mario n’avait pas encore acquis la notoriété qu’ilobtint par la suite ni révélé son talent ou fait lapreuve de sa réussite.Tout jeune premier secrétaire d’une promotion,qualifiée à l’époque de « médiocre » par desmalvoyants, mais qui devait s’illustrer par la suite(comme l’a rappelé Jean-Pierre), Marioapparaissait déjà comme un chef de patrouilleparticulièrement brillant et doué.Certes il n’était pas encore connu ni reconnumais son grand talent d’orateur et la qualité deses discours le mirent en évidence et lerévèlèrent à ses confrères.

Mais, pour nous, ses jeunes comparses, il fûttrès vite le catalyseur de nos amitiés, des amitiésprofondes et indéfectibles qui traversèrent letemps et permirent à ces douze secrétaires, detisser entre eux un lien fécond qui 50 ans plustard, demeure vivace.Peu de promotions, que je sache, ont eu cettechance et cette durée de survie et c’est bien àMario comme à notre fabuleux douzième,Philippe Lafarge, que nous le devons.Des moments de gaité et d’hilarité, il y en eutbeaucoup car, jeunes et insouciants mais fiersde notre état, nous aimions rire.Comment ne pas évoquer ce soir où Marionous ayant promis de nous faire rencontrer lafemme de sa vie, Savine, sa promotion touteentière l’attendait au restaurant.Le malheur voulût, si j’ose dire, querevendiquant la préséance, notre sympathiqueBâtonnier Grente qui avait longtemps caressépuis abandonné l’idée de voir Mario épouserl’une de ses nièces, avait exprimé le souhait dese voir présenter, le même soir, la promise.La visite étant faite, Mario et Savine, envisageantde prendre congé après s’être entendu dire« mon épouse et moi sommes très satisfaits »virent avec stupeur le bon Jean, factotum attitrédu Bâtonnier, ouvrir grande une porte etannoncer que « Madame était servie ! ».Je ne sais quelle mauvaise excuse Mario parvintà trouver ni quelle brutale et soudaine maladievint ce soir-là frapper l’un de ses proches, pouraccélerer ces agapes et s’enfuir sitôt le dessertpris, pour rejoindre une promotion, elle-mêmeaffamée et piaffant d’impatience.Deux diners pris, coup sur coup, n’affèctèrentni l’appétit du couple , ni l’ambiance festive decett soirée.Autre souvenir, fabuleux et joyeux quand, parla suite, notre promotion entoura Mario etSavine lors de leur mariage dans cettemagnifique cathédrale de Reims à laquelle tantde souvenirs les rattachait.Souvenir aussi du flôt de champagne , sorti des« profondeurs pétillantes » (comme l’a si biendit Jean –François Gibault) qui coula ce jour-là !Souvenir encore d’un fabuleux diner de têtesque le Bâtonnier Grente et son épouse, grimésen bourgeois Louis-Philippard , nous offrirentrue des Saints Pères, où Mario se présenta ,l’oreille coupée , en Van Gogh et Henri Leclercen apache.Souvenir enfin des soufflés au grand marnier,dégustés le mardi chez Laperouse, de ces soiréesde délibération passées en smoking dans lestribunes du Parc des Princes pour voir s’affronterBrives et Agen respectivement soutenues parJean-Pierre et Philippe ou de ces rentréesflamingantes , telle celle de La Haye , où aprèsavoir subi de nos « Acht Konfraters » unpassionnant exposé sur « le privilège despécheuts Anversois dans les eauxNéerlandaises », nous n’eûmes d’autresressources que de fuir dans le bowling voisin.Voilà ! C’était le Mario des années soixante, celuique beaucoup d’entre vous n’ont pas connu, celuique nous avons eu le bonheur d’approcher etd’aimer. Savine et lui formaient déjà ce coupleincomparable, bercé par leur commune passionpour la musique, qui traversa les années sansque leur amour ne soit jamais altéré.Nous étions tous jeunes, gais, heureux et Marioavait déjà, à cette époque, cet éclat dans les yeux ,

ce rayonnant sourire et cette joie dont il ne s’estjamais départi et que Savine a su si bientransmettre à ses enfants, Mario junior, Laureet Stéphane .Merci Savine ! Je t’embrasse !

Le destin des avocatspar Jean-René Farthouat

Notre vie d’Avocat c’est, bien sûr, undestin individuel mais qui s’inscritdans une aventure collective »écrivait Mario Stasi dans le bulletin

du Bâtonnier consacré aux élections ordinalesde novembre 1999.On ne doit jamais, professait Mario,commencer un discours par une citation avantd’expliquer les raisons, toujours excellentes, qu’ilavait d’enfreindre, quasi-systématiquement,cette règle.Les miennes sont aussi bonnes puisque laformule qu’il employait, pour inciter ses confrèresà participer à la vie de l’Ordre, est le parfaitrésumé de ce qui a été sa vie professionnelle.

Un destin individuel.

Il n’était pas évident de le réussir dans le Palaisde 1958, date de la prestation de serment deMario Stasi lorsqu’on arrivait de province et quel’on ne disposait que d’un réseau relationnellimité.La Conférence, que Jean-Pierre Cordelierévoque par ailleurs, sera, certainement un desfacteurs essentiels de l’intégration de Mario dansle monde fermé et élitiste qu’était le Barreau deParis d’alors.Si, comme il arrive, trop souvent et, semble-t-il, toujours aujourd’hui, La Conférence lui fitperdre sa collaboration, cette mauvaise manièrefut, pour lui, une chance puisqu’elle lui permit,d’entrer dans le cabinet de Francis Mollet-Vieville qui se préparait à être Bâtonnier et deGeneviève Augendre.Il y apprît beaucoup et, notamment, uneméthodologie dont il ne se départît jamais.Tout dossier entraînait l’établissement d’unefiche qui prenait place dans une boîte en boisimmuablement placée sur sa droite à côté dutéléphone.Ces fiches, sur lesquelles s’inscrivait tout nouvelévènement survenu dans le dossier, lettres,téléphones, audiences, permettaient à Mariod’éviter que son bureau ne soit envahi par lesdossiers et d’être pris en défaut par lesinterrogations, au pied levé, d’un client ou d’unconfrère.Cette double formation, celle née de laConférence et de sa cohorte de commissionsd’office et celle acquise auprès de Francis Mollet-Vieville et de sa clientele prestigieuse, jointe àl’expérience des litiges commerciaux qu’il tiraitd’un stage, précédemment accompli dans uneétude d’agréés, a permis à Mario de développerune activité multiforme.Il n’aurait pas aimé s’enfermer dans unespécialité unique dont la répétition l’aurait lasséet, s’il connaissait ses limites et s’interdisaitd’aborder des domaines qui lui étaient étrangers,il n’avait aucun mal à passer des conflits

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 9

In Memoriam

«

Q

Page 10: Edition du jeudi 18 avril 2013

familiaux aux conflits commerciaux et du droitde la presse aux drames de la Cour d’assises.La Cour d’assises était, sans doute, l’enceintejudiciaire qui avait ses préférences et s’il n’y estintervenu, que de loin en loin, il ne l’a jamaisdésertée.Ce n’est certainement pas par hasard, que cesoit devant la Cour d’assises, qu’il aura, pour ladernière fois plaidé, tenant, malgré sa fatigue etsa souffrance, à être présent jusqu’à la fin del’audience.La faculté qu’avait Mario, de pouvoir intervenirdans des domaines aussi divers que ceux que jeviens d’évoquer, tenait, au-delà de sescompétences juridiques et du temps qu’ilconsacrait à l’étude et à la préparation de sesdossiers, à trois qualités essentielles.Mario savait aller, dans les dossiers les pluscomplexes, à l’essentiel, écarter les problèmessecondaires et déterminer la question dont lasolution emportera la conviction du Juge.S’il avait été toréro, on eût dit de lui qu’il avait lavista, ce coup d’œil qui permet toutes lesaudaces.Il savait aussi expliquer, très clairement, la thèsequ’il défendait et contrôler son éloquencenaturelle. S’il pouvait enflammer un auditoirelorsqu’il se trouvait à une tribune, bouleverserun jury lorsqu’il plaidait à la Cour d’assises, il necédait pas à la tentation de l’éloquence pourl’éloquence.Il avait enfin, non seulement une empathiemarquée pour les autres mais aussi, et sansdoute, en était-ce la conséquence, la faculté desusciter la sympathie. Et, susciter la sympathiedu Magistrat n’est pas nécessairement inutile.Une de ses clientes résumera, un jour qu’elleparcourait avec lui les couloirs du palais deJustice, l’aura dont bénéficiait Mario en s’écriant :« Mais il n’y a que les murs qui ne lui disent pasbonjour ».Je ne voudrais pas me faire trop hagiographiqueet m’attirer le « ne soyons pas idiot » que lançaitMario lorsqu’il voulait mettre un terme à despropos dont les dérives lui paraissaientexcessives.Mario avait, grâce au ciel, quelques défauts quirejaillissaient sur son activité professionnelle. Iln’avait aucun sens de l’heure et était toujours enretard. Il était susceptible et l’était, parfois,excessivement mais aussi souvent, à très bonescient.Un Magistrat qui, au prétexte de mieux l’écouter,s’était enfoncé dans son fauteuil après avoirchaussé des lunettes de soleil, a sans doute,longtemps, regretté son attitude.

Une aventure collective.

Une aventure collective au sein du Cabinet quenous avions fondé ensemble et qui perdurerapendant plus de trente ans et où uncollaborateur ne pouvait raisonnablementespérer la bienveillance de Mario s’il neconnaissait pas, au moins, le nom de deux desmembres de l’équipe de Reims de 1958.

Une aventure collective au sein de l’Ordre.

L’importance qu’a eue l’Ordre dans la vie deMario ne se résume pas au mandat qu’il aaccompli en tant que Membre du Conseil del’Ordre, dont parlera Janine Bariani, etBâtonnier.

Il n’est, sans doute, pas trop fort de dire qu’il y aeu une véritable symbiose entre l’Ordre etMario Stasi et que non seulement sa profession,mais la communauté au sein de laquelle ill’exerçait, ont été l’une de ses passions.Le temps manque pour dire dans le détaill’action qui fut la sienne à la tête de l’Ordre.L’émotion qui fut celle qui saisit l’Assembléegénérale de l’Union Internationale des Avocatsà l’annonce de sa mort dit mieux que tout lerayonnement international qu’il sut donner àson Barreau.La tristesse de ses confrères parisiens témoignede l’affection qu’il avait su, par ses initiatives,susciter.J’aurais aimé terminer ce propos par un de sesproverbes chinois que Mario adorait inventermais je n’ai pas son imagination.J’ai bien pensé faire du célèbre « Pouvez-vousme passez le sel à moins qu’il ne soit réservé àune élite à laquelle je n’appartiens pas », que tousceux qui ont partagé un repas avec Mario ontcertainement entendu, un proverbe chinois.Mais cela n’est pas très crédible !C’est donc lui que je citerai.« La vraie question n’est pas celle de savoir ce quel’Ordre fait pour nous mais ce que nous faisonspour l’Ordre ».Il y a répondu.

Mario et l’OHADApar Ahmed-Salem Bouhoubeyni

’ai l’avantage de parler aujourd’hui de Mariol’Africain.Personne ne le dira assez, Mario était unhomme hors du commun, on s’en rend

compte aujourd’hui, inquiet quant à l’avenir dela CIB.Cet espace remarquable qu’il animait avec tantde dévouement et qui est aujourd’hui orphelin,il faut le reconnaître, mais qui doit, grâce à voustous, continuer d’autant que le chemin est déjàbien tracé.Mario s’y est employé longtemps, à nous decontinuer pour lui faire plaisir sans doute maissurtout pour garantir la viabilité et la pérennitéde la CIB.Assurer sa continuité, particulièrement dansson esprit, chose commune sans hégémonieaucune, sans domination d’aucune sorte dansun esprit d’égalité entre Sénégalais, Français,Maliens, Mauritaniens, l’affaire de tous, maisaussi dans sa mission tel que Mario la menait sibien, à coté des Barreaux en difficultés, auxcotés des Avocats persécutés, aux cotés desAvocats qui, dans certains de nos pays, mènent

10 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

In Memoriam

Photo

© J

ean-R

ené 

Tan

crèd

e -

Tél

éphone

: 01.4

2.6

0.3

6.3

5

J

Page 11: Edition du jeudi 18 avril 2013

les combats contre l’arbitraire pourl’Indépendance de la Justice, la séparation desPouvoirs pour l’Etat de Droit dans leurs paysrespectifs.Ces Avocats et ces Barreaux africains savaientcompter sur Mario dans leurs durs combats etsurtout dans un contexte difficile que certainsd’entre vous connaissent mais d’autres ont dumal à imaginer. Madame le Bâtonnier de Paris nous racontaitcet après-midi l’histoire de ce Bâtonnierempêché d’accéder au Palais de justice pour yexercer son métier, que lui reproche-t-on ?D’avoir dénoncé l’arbitraire, exigé l’applicationde la loi, réclamé plus de liberté pour sesconcitoyens, d’avoir dénoncé l’arbitraire de tousles jours.Ce Président de la Cour Suprême qui vient d’êtredémis de ses fonctions, chez moi, par décretprésidentiel. Ces magistrats qui, chez moi, ayantexprimé le besoin de se retrouver en syndicatpour défendre leurs intérêts et mieux servir laJustice, se sont vu octroyer un cadre associatifgénéreusement accordé par le Ministre de laJustice qui en a désigné les organes. Ce Barreauparallèle du Burundi, créé par décision duMinistre de la Justice.

Mario était notre soutien, notre sourced’inspiration dans ces combats.Une fois informé, il alerte, par l’intermédiairede l’infatigable Marie Chantal Joubert, il agit, ilobtient le soutien d’Abdou Diouf et de biend’autres, actions aussi discrètes qu’efficaces.La CIB de Mario était à nos cotés car en faitnotre combat est au nom de notre professiondes valeurs qui nous unissent, le droit que nousdéfendons dont la violation quelqu’en soitl’auteur doit provoquer notre indignation, il n’ya pas à transiger, pas à renoncer, pas à abdiquerquand ces valeurs sont soumises à mal.Grâce au soutien de Mario on menait tant bienque mal cette périlleuse mission.Continuer son œuvre est certainement lemeilleur hommage qu’on puisse lui rendre avecpour finir, une attention particulière aux jeunes,vous avez raison Maître Pradel de l’évoquertantôt.

Ces jeunes auxquels Mario avait consacré la finde son dernier discours de Congrès de la CIB,son discours de Décembre 2011 à Nouakchott,qu’il avait conclu en ces termes, je le cite :

« On raconte, est-ce Hampaté Ba qui le raconte,je ne sais plus, qu’un jour la sagesse lasse etd’entendre les plus anciens redire leur passé,évoquer des amours mortes ou de rêves évanouispar le temps, décida d’aller vers les plus jeunespour connaître de nouvelles amours, des rêveslumineux, des aventures exaltantes vers deshorizons nouveaux.Que pensez-vous qu’il arriva ? Les anciensdevinrent-ils plus jeunes ? Connaissent-ils denouvelles aventures, de lumineux amours avecune force renouvelée et les plus jeunes gagnésenfin par la sagesse mesurent-ils leurs efforts etcalment-ils leur enthousiasme d’un pas plusmaîtrisé ?Le conteur ne le dit pas.Mais ce qu’il dit c’est que le même matin s’éclairaitpour tous, que le soir tombant les apaisait tousde leur combats de la journée et que, du village,les mêmes chants s’élevaient le matin ou le soir

sans que l’on sache désormais qui les chantait desplus jeunes ou des plus vieux. Allons jeunes avocats, chantons ensemble - allonsjeunes avocats, nous avons l’âge de nos combats,ceux-là qu’il nous faut toujours répondre. Il n’estde sommet gravi qui ne nous fasse voir d’autreschemins à grimper vers toujours plus de lumière ».Je vous remercie.

Mario, le militantpar Christian Charrière-Bournazel

Mario Stasi prit ses fonctions à la têtede notre Ordre le 1er janvier 1986.C’est au cours de son dauphinat,en 1985, que le Bâtonnier Guy

Danet avait créé la Conférence Internationaledes Barreaux de tradition juridique commune,la CIB. Ce fut en réalité une conceptioncommune que, dès 1986, le Bâtonnier Stasi s’estattaché à faire grandir. Nous, les membres de son Conseil de l’Ordrefûmes associés à cette splendide aventure : uneréunion, pour ainsi dire constituante, qui s’étaittenue à Genève, fut suivie du premier Congrèsde la CIB en terre africaine : Lomé, au Togo, en1987. Puis le Québec et, au fil du temps, laplupart des capitales africaines.

Ce qui animait Mario Stasi et le conduisait à sedépenser sans compter tenait à la substancemême de son âme toute entière irradiée par lesens chrétien de la fraternité. Militant inlassabledes droits de la personne humaine, il concevaitcomme un devoir essentiel de porter secours àtous les opprimés et à faire fléchir les tyrans quiréduisent au silence leurs Avocats. Que ce soit aux Comores, au Cambodge, enHaïti comme à Ouagadougou ou enCentrafrique, il était par excellence le tribun dela Plèbe universelle, le pèlerin de l’universelchaos.

La force de sa foi, son engagement pour ladignité humaine et la force de sa conviction enfaisait par excellence l’avocat des Avocats. Il ne manquait pas non plus de sens politiqueet savait, avec habileté, séduire les Chefs d’Étatles moins portés à la tolérance, afin qu’ilscautionnent les congrès de la CIB. Lorsque,quelque temps après, l’un ou l’autre des Avocatsde ces pays se trouvait en butte à l’hostilité dupouvoir, il se manifestait auprès du Prince etfeignait de croire qu’il n’était pas au courant.Témoin de son engagement en faveur de laliberté, il s’en remettait à lui et le tyran n’avaitque le choix de desserrer son étreinte.Sa seule ambition à la CIB était de fortifier l’Étatde droit partout où il le savait menacé et detémoigner à ceux qui dans des circonstancesdifficiles se battent jour après jour au péril deleur liberté ou de leur vie une solidarité qui nefaiblissait pas. Nous avions grande fierté de le voir agir ou del’entendre parler à la fois pour la force deconviction qu’il déployait, sans orgueil, auprèsdes puissants et son talent d’orateur qui, afin deconvaincre les intelligences, faisait s’ouvrir lescœurs les plus fermés. Il avait fait l’éloge de Pierre Masse dans sajeunesse comme premier secrétaire de la

Conférence. Je lui avais demandé de venir ànouveau parler de lui à l’occasion dudévoilement de son médaillon. Je vous invite à méditer ce qu’il avait dit alors :« Retenons (…) qu’il n’est d’atteinte la plus petiteaux moindres des droits de l’homme qui ne porteen germe toutes les violences à tous les droits, queles moindres démissions conduisent aux plusgrandes lâchetés et que c’est le courage de tous lesjours qui conduit au courage suprême ».Que Mario Stasi soit remercié aujourd’hui ettoujours de nous avoir donné, jusqu’au jourmême de sa mort, l’exemple de ce couragesuprême.

Les combats de Mariopar Janine Franceschi-Bariani

Bien des choses nous ont rapidementrapprochés :

- L’amour que Savine et Mario portaientà Honfleur,- Nos noms aux consonances italiennes, alorsque nous ne le sommes ni l’un ni l’autre,- Le souvenir de la rue St Guillaume,- L’Afrique, où je suis née, que Mario appréciaitet qui l’aime tant,- Les congrès d’Avocats, du SAF à la CNA, enpassant par l’ACE et Ma chère FNUJA, que nousavons l’un et l’autre tant fréquentés,- La Politique, jamais bien loin dans nos familles,où l’engagement au service des autres, est unetradition de génération en génération.

Autant de « solidarités mystérieuses » qui m’ontdonné envie de rejoindre le Conseil de l’Ordre,lorsque Mario en était Bâtonnier.Ce fut chose faite en 1987…Tout de suite après l’élection à la fin du mois denovembre 1986, et avant le premier Conseil, le6 janvier 1987, mon Bâtonnier me convoque.Comme il l’a été lui-même en 1976, je serai cetteannée là, la plus jeune des membres du Conseil,assise à la même place qu’il occupait autrefois.Il tient à me voir, à me préparer à cette annéede travail ordinal, à m’expliquer ce qu’il attendde moi, et à me faire part des projets sur lesquelsil souhaite voir sa « jeune garde » s’engager.Il y est question de Proximité, d’Ouverture etd’Avenir de la Profession.Cela me plaît !

I) Proximité d’abord

La Proximité, c’est la « marque de fabrique » deMario.Cela commence dès le 1er janvier au PetitParquet.Le Premier Bulletin du Bâtonnier de l’annéenous le rappelle :« Comme il y a un an, je me trouve en ce momentoù j’écris cet éditorial au milieu de nos confrèresqui assument ce 1er janvier les permanencespénales au Petit parquet. C’est le défilé des« déférés » appelés à connaître soit l’audience descomparutions immédiates, soit le débatcontradictoire précédant une éventuelle détentionpendant l’instruction de leur affaire. Et, en face,toujours le même dévouement des jeunesconfrères veillant avec compétence à ce que soient

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 11

In Memoriam

Page 12: Edition du jeudi 18 avril 2013

appliquées au mieux des intérêts de chacun et,donc de la société, les règles de la justice pénale.La Défense est présente.Je souhaite enfin, en cette deuxième année de monBâtonnat, être encore plus près de vous, plusdisponible, plus à l’écoute de vos problèmes,veillant plus encore à l’Avenir de notre barreau,me voulant à la hauteur d’une fonction quej’assume de tout cœur sachant qu’elle me met toutentier au service de notre Ordre », (Bulletin duBâtonnier numéro 1 du 6 janvier 1987). Cette présence n’est pas un « gadget », une simpleopération de communication, plusieurs foisdans l’année il y retournera et il y terminera sonBâtonnat.

« Je reviens au milieu de vous. Ce 31 décembre, comme je l’avais fait au 1er jourde mon Bâtonnat. Je passerai la journée avec lesavocats de permanence qui, ce jour-là commechaque jour de l’année, se dévouent auprès desplus démunis.Ils sont une belle image de la défense » (Bulletindu Bâtonnier numéro 41 – décembre 1987).Il nous donnait là une belle leçon d’élégance… Mais, la proximité pour Mario ce n’est pas quela défense pénale.C’est bien d’avantage encore. C’est un échange au quotidien, où chacun a sapart, son rôle à jouer, sa responsabilité et par lamême contribue à l’action de tous.Aussitôt dit… aussitôt fait… Tous les jeudis, saporte est ouverte aux 6.200 avocats parisiens,que nous sommes alors.Chaque fois écrit-il « nous en sommes ressortisplus proches les uns des autres ».

Cette attention qu’il donne à tous, tout au longde ses deux années de Bâtonnat, est la marquede l’ouverture profonde de son esprit et de saculture humaniste toujours tournées versl’Autre.Il nous propose de la faire également nôtre et,il nous engage à créer autour de chacun de nousun petit groupe de travail, qui contribuera à laréflexion de l’Ordre.Il attend beaucoup des membres de son Conseil,mais il donne toujours davantage en retour.

II) Une année sous le signe de l’ouverture

Quelle belle année que cette année 1987.L’ouverture est partout, toujours au rendez-vous.Le Palais est une ruche, les commissionsouvertes se multiplient, attirent et travaillent,le Bâtonnier y veille. Les colonnes de stagiaires et d’inscrits s’animent,sous la responsabilité des membres du Conseilde l’Ordre. Le Bâtonnier y tient.Le Barreau de Paris vit, le Barreau de Parisbouge, le Bâtonnier de Paris ne cesse d’agir.

Cette année-là, nous connaîtrons :

- La création de l’Institut de Droit Pénal, avecHenri Leclerc,- La réforme du Centre de Formationprofessionnelle,- La signature de la Convention de Sauvegardedes Droits de la Défense par 52 Barreaux etOrganisations professionnelles venus du mondeentier à l’occasion de la rentrée de juin 1987.- La première réunion du Comité Scientifiquede la Fondation du Barreau de Paris,

- La création de la revue du Barreau de Paris,- La mise en chantier de la réforme de laprocédure disciplinaire,- La première réunion à Barcelone de laConférence des grands Barreaux européens,créé l’année précédente, en juin 1986 par Mario,- La 3ème réunion à LOME de la CIB créée à Parisen novembre 1985 par le Bâtonnier Guy Danet,- Les premières journées d’informatique etbureautique destinées aux Cabinets d’Avocatsau Palais des Congrès les 23 et 24 octobre,- La signature du premier protocole d’accordsur l’informatisation des Tribunaux d’instancele 16 juin,- De nouveaux services pour le CEDIA…Mais il y a plus encore.

III) L’horizon 1992 : l’avenir de la profession

Je veux terminer sur un thème, cher entre tousà mon engagement professionnel et, sur lequelj’ai découvert le courage et la modernité de monBâtonnier.Je connaissais alors, le Mario Avocat, PremierSecrétaire, Amoureux des mots, de l’audienceet son humanité vibrante.Au Conseil de l’Ordre, j’ai découvert unBâtonnier Moderne, Homme de Prospective,avec lequel nous avons construit le Barreaud’Aujourd’hui.En effet, il faut nous en souvenir, c’est MarioStasi qui, au début de son Bâtonnat en 1986, acréé la « Commission Ouverte de l’Avocat-Conseil », qui permettra la fusion de 1992.- C’est lui qui a animé le 26 novembre 1986, unejournée d’études de cette Commission ouverte,en partenariat avec l’ACAVI.- C’est lui qui a organisé et présidé la journée du2 juin 1987, une journée entière de notreConseil de l’Ordre, consacrée à la « grandeprofession », au cours de laquelle, GeorgesFlecheux, Dominique Voillemot, Jean deMourzitch, Jean-Michel Braunschweig et Jean-Bernard Thomas ont présenté les rapports surlesquels notre Conseil travaillera jusqu’à la finde l’année 1987, afin de « relever le Défi del’Horizon 92 et de poursuivre notre adaptationavec une inébranlable confiance en l’Avenir ».Et ce n’était pas si simple alors.Les opposants à la réforme étaient nombreux,hostiles et virulents. Ils évoquaient « la Grande Peur de 92 », etassimilaient la fusion des professions à la« destruction du Barreau », fruit d’un « mariagecontre nature » !!!Il fallait, alors, une belle force d’âme pourpoursuivre le chemin, et une profondeconviction pour entraîner la majorité duBarreau.

Après Mario Stasi, d’autres Bâtonniers, PhilippeLafarge, Henri Ader, Georges Flecheux,poursuivront le chemin pour faire aboutir, en1992, cette réforme déterminante pourl’évolution de notre profession, mais l’essentielétait là et les fondations de la fusion posées dèscette année-là, en 1987.C’est en souvenir de tous ces combats, que jesuis fière de participer aujourd’hui à l’hommageque nous rendons ensemble à notre BâtonnierMario Stasi, sous le regard bienveillant deSavine, pour le remercier des années heureuseset conquérantes qu’il nous a permis de vivre auConseil de l’Ordre de Paris à ses côtés.

Mario, le flamboyantpar Xavier Chiloux

Chauveau, Paris, Annicchiarico, Albou,Chiloux : Jean François, Appietto,Jacob, de grands Avocats, certes, maissurtout, le dimanche matin, à

Châtenay-Malabry, au polygone de Vincennes,ou à la vache noire, de redoutables footballeurset parmi eux, Mario Stasi…De cette race de footballeurs qui après unesemaine de travail, chargée, un samedi soirsouvent pas moins, se réveillaient à l'aube pourparticiper à l'un des plus grands championnatsdu football amateur : le CORPO.L'équipe du football club du Palais affrontantles médecins, les plombiers, ou les gardiens deprison, et parmi eux, Mario.Qu'on se le dise, à l'époque on ne faisait pas dansla dentelle. Le carton jaune existait peu, quant au rouge :jamais mis, jamais vu.Le tacle, vous savez ce plongeon désespéré dansles pieds de l'attaquant en faisant semblant deviser le ballon, se pratiquait les crampons, pastoujours réglementaires en avant, directementdans les protèges tibias, qui eux l'étaient, oudevaient l'être si vous souhaitiez encore pouvoirmarcher le lundi. Et parmi eux avec son éternelsourire Mario.Les plaidoiries des lendemains qui chantents'élaboraient là :« Mais non Monsieur le procureur, excusez-moi,Monsieur l'arbitre, il n'y a pas faute, c'est le ballonqui vient à la main et non le contraire… »« Il n'y a pas peno, la main était involontaire, jevous le jure votre honneur, pardon Monsieurl'arbitre… »Et parmi eux, bien sûr, Mario.À l'époque, il y avait du flamboyant, du sérieux,du brutal comme auraient dit les TontonsFlingueurs.C'était l'époque des ballons en cuir pas vraimentronds, des chaussures montantes aux cramponsen ferraille, des chaussettes sans vraimentd'élastique, des shorts informes aux couleursimprobables, surtout après quelques dimanches,enfin des maillots pas tous identiques.Parmi eux deux gamins qui allaient bien sûrprendre le vice du football et de l'avocature :Jean-Victor Annicchiarico et moi-même.Nous faisions un peu partie de la grande famille,partageant les douches maculées de la boue deschaussures avec lesquelles la plupart du tempselles étaient prises, dans cette odeur inimitablede vestiaire, Synthol et pommades en tousgenres, chaleur et vapeur se dégageant de cescorps qui avaient couru pendant des heures,après un ballon, bien trop rapide, et parmi noustoujours, Mario.Une anecdote, si vous le permettez, à cetteépoque, les gardiens de but censés s'interposerentre le ballon et les filets, justement pour quele premier ne touche pas les seconds, avaientune casquette en tweed, des caleçons longs, etune voix grave.Le nôtre s'appelait Francis Jacob.Un dimanche, lendemain de fête où on n’avaitpas fait que de sucer les glaçons, Francis Jacobse retrouve sur sa ligne de but dans un état…disons… précaire.Arrive un attaquant adverse, qui place un boulet

12 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

In Memoriam

Page 13: Edition du jeudi 18 avril 2013

de canon au raz de notre gardien qui ne bougepas d'un poil pour éviter le but. Soudain la voix caverneuse de Francis Jacobs'éleva : « Ben les amis, un peu plus je bougeaiset je me la prenais pleine poire dis donc… ».Puis ce fut une nouvelle génération. Notrecoupeur de citron, avocat honoraire, MonsieurIsbecque, avec son imperméable digne du baronPierre de Coubertin n'était plus là, les citronsde la mi-temps non plus. Mais parmi nous,toujours, Mario.Notre inoubliable gardien, atteint par la limite…d'à peu près tout d'ailleurs, avait cédé sa placeau grand pénaliste Jean-Alain Michel, pas simaladroit que ça dans les buts il faut l'avouer, sitant est d'ailleurs que je puisse utiliser ce mot.Ce fut l'époque des Jean-Paul Petreschi et HenriRouch entre autres, et parmi eux, pourcompléter une équipe qui avait parfois du malà faire le nombre, quelques étudiants en droitdont je faisais partie.De temps en temps, malgré ses occupationsprofessionnelles dues à ses fonctions multiples,venant nous encourager, il y avait Monsieur leBâtonnier Mario Stasi.D'ailleurs ces appellations sont bien incongrues.Il n'y avait en fait pas de Bâtonnier, ni deMonsieur, ni de Mario Stasi mais simplementcomme nous l'avons tous connus : Mario.Un primus inter pares que son charisme naturelavait tout naturellement conduit à occuper lesplus grandes fonctions au sein de notre Ordre.Mais sur un terrain, il n'y avait qu'un joueurcomme les autres que nous appelions tous, ettout simplement, Mario.Les générations se sont alors succédées et si j'aimoi-même perdu le contact avec le football clubdu Palais, je sais que les successeurs, dontnotamment Jean-Noël Couraud associé de JeanAppietto et de Jean-Paul Petreschi, démontrantainsi l'attachement de ce cabinet à ce sportdepuis plus de 50 ans, n'ont pas manqué derecevoir, de temps en temps, la visite de celuiqui restera pour nous tous : Mario le footballeur.Mais comme on l'a déjà dit, Mario Stasi c'étaitaussi, et surtout la ville de Reims et sa fabuleuseéquipe de football des années 50.Laissez-moi évoquer cette période, pour ceux,qui encore tout ébaubis des matchs nuls du ParisSaint Germain, ne la connaitrait pas : ces tenuesrouges et blanches, la première finale de lacoupe d'Europe des clubs champions à laquelleassistait Mario, enfin sa fierté de voir remonteren ligue 1 son équipe favorite il y a à peinequelques mois.J'emprunterai les mots de Henri Haget dans sonarticle publié dans le journal : L’Express, toutMario est là.

Premier de cordéepar Stéphane Lataste

On m’a demandé de vous parler ce soirde « Mario et la montagne » et de« Mario et la course à pied ».Je serai assez bref sur la course à pied

car je n’y entends strictement rien et j’ai toujourstrouvé curieux que Mario ait besoin, partoutoù il était dans le monde, d’aller le matin faireson footing pour en revenir ruisselant … maiscontent.

Certes, Mario avait le goût de l’effort mais pouravoir, de temps en temps, couru avec desmilitaires ou avec Basile Ader et son fidèleretriever, je n’ai jamais compris les plaisirs qu’onpouvait en retirer.Bref, n’insistons pas : Mario « adorait » la courseà pied pour des raisons qui lui appartenaient etc’était à l’évidence une drogue douce qui avaitl’avantage de le détendre.Je serai plus disert sur la montagne car c’est parla montagne que nous sommes devenus amis.Mario a toujours aimé la montagne : étant jeune,il grimpait dans le massif du Mont-Blanc à Vald’Isère et plus tard il a acheté et retapé, avecSavine, une jolie maison près de Briançon, c’est-à-dire non loin du massif des Ecrins, et de laMeije où il a fait nombre de courses, et derandonnées.Mario aimait les courses en montagne et il s’étaitlié d’une profonde amitié pour son guide,Benjamin, décédé quelques années avant lui, cequi lui avait causé un grand chagrin, car ilsétaient très liés.Il faut se représenter ce qu’est la relation avecun guide de montagne : un guide, c’est quelqu’unà qui vous confiez votre destin, votre vie, nonseulement parce qu’il vous tient au bout de sacorde mais aussi parce qu’il sait par où vous fairepasser.Bien souvent, vous avez rétrospectivement desdoutes affreux sur les dangers qu’il vous a faitcourir et ces doutes deviennent des certitudes(comme lorsque Mario est tombé dans unecrevasse, épisode mémorable dont chacund’entre nous a entendu parler), parce que voustouchez alors du doigt que votre guide, toutaussi fort qu’il soit, est un homme comme unautre, à qui il peut arriver de se tromper ou queles éléments peuvent trahir. Car la traîtrise est le propre des éléments enmontagne : la roche qui se détache en pleineffort, le pont de neige sur lequel on peut passerune, deux, dix fois et qui s’effondrera au11ème passage, sans raison apparente,engloutissant une cordée entière, fut-elle lameilleure. C’est aussi le propre des séracs qui,d’un coup, se détachent et écrasent tout lemonde sur leur passage…Une anecdote, maintenant : Mario avait horreurque l’on parle en montagne. Alors que nous faisions une course avec unautre de nos amis, Avocat lui aussi, quidécouvrait la montagne (il a même tenu à fêterson « premier pont de neige », arrivé au refuge,ce qui avait beaucoup amusé Mario …) ceconfrère n’arrêtait pas de commenter chaqueinstant de la course.Pour ne rien arranger, il était très – pour ne pasdire, trop - respectueux envers son Bâtonnierauquel il donnait du « Monsieur le Bâtonnier »à tout bout de champ, y compris dans despassages pour le moins délicats. Mario a rongé son frein pendant des heuresjusqu’à ce qu’il éclate et lui lance « écoutez,Georges, le Bâtonnier vous demande une chosemaintenant : fermez-la ! » et c’est ainsi que nousavons poursuivi et terminé cette course aveccet ami tout penaud d’avoir poussé Mario àbout, car chacun sait ici qu’il était très rare dele faire sortir de ses gonds …

La montagne correspond bien à la conceptionqu’avait Mario de son exercice professionnel,au travers de deux aspects : la cordée, c’est à dire

l’équipe, et la notion de premier de cordée.Dans la présentation qu’il avait faite naguère desmembres de notre Cabinet, Mario avait parléd’une « cordée » et il est vrai que l’image de lacordée correspond bien à celle d’une équiped’avocats qui, tous, tendent vers le même but :le sommet de leur art. Et comme en montagne, c’est toute la cordéequi doit arriver au sommet.Dans son cabinet, il avait la même ambitionpour nous tous qui étions sur cette corde.Mais la montagne, c’est aussi le « premier decordée », c’est-à-dire celui qui ouvre la voie, aveclui. Dans son exercice professionnel, Mario Stasi aété souvent et longtemps « premier de cordée » :il l’a été à la Conférence puis à l’Ordre, dont il aété successivement le chef, bien sûr, et il l’a étédans son Cabinet. Mais en montagne, on n’est pas sans cessepremier de cordée : il faut parfois savoir être ensecond pour « assurer », justement, le premierde cordée, qu’il s’agisse d’un jeune talent qui faitson apprentissage ou du vieux guide qui vousmontre comment et par où passer dans lespassages périlleux.Eh ! bien, dans son Cabinet, Mario a su aussicéder sa place à d’autres : d’abord à son associéet ami de toujours, Jean-René Farthouat puis,plus tard, à son jeune collaborateur, devenu sonassocié, Antoine Chatain : l’un et l’autre sontdevenus à leur tour, pendant des années,« premier de cordée » et, comme en montagne,le Bâtonnier était là à veiller derrière eux pourles assurer, de sorte que s’ils faisaient un fauxpas, il puisse les rattraper et leur éviter une chutefatale.Car la montagne apprend l’humilité : En montagne, on n’est jamais éternellementpremier de cordée et même, comme dans la vieet comme dans notre exercice professionnel, ilarrive un moment où, un peu lassé des exploits,il n’est pas si désagréable de ne plus être en têtepour se contenter d’être un peu en retrait etguider de loin (ou admirer) le geste du plus jeuneassocié qui grimpe devant vous et, surtout, d’êtrelà pour amortir sa chute, au cas où.Alors, oui, jusqu’au bout, le Bâtonnier Stasi auraaimé la montagne et incarné cette disciplinesportive de haut niveau qui exige beaucoupd’humilité face aux éléments qu’on ne dominejamais complètement.Enfin, la montagne c’est, indissociablement,Mario et Savine.

Permettez-moi donc de terminer sur cesquelques lignes du grand Ramuz, écrites en1922, dans « Présence de la mort », extraites dece texte « contre la mort qui s’annonce » et faceà laquelle, le corps de la femme aimée sembleêtre l’ultime abri de l’écrivain vaudois :« […] Alors s’y réfugier, se faire tout petit, se laisserfaire ; Aller avec la tête à ce creux chaud, et neplus rien dire ; Je ne bouge plus, mets ta maindans la mienne, comme ça ; je suis bien… Et lamort à présent peut venir parce que c’est bon,parce que c’est doux. Quand il y a autour de nousun grand corps de femme, Comme de la laine,comme de l’étoffe, comme du duvet, Comme lenid tiède autour des petits de l’oiseau. »Je crois que c’est un peu dans cet état d’espritqu’il s’en allé, à Pourcy, ce 3 novembre 2012, alorsqu’il grimpait, en vain, vers le sommet de sesquatre-vingts-ans.

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 13

In Memoriam

Page 14: Edition du jeudi 18 avril 2013

Mario et la littératurepar Hyppolite Marquetty

De celui qu’il avait voulu célébrer, il y aquelques années, devant ce PalaisLittéraire qu’il affectionnait tant, ilavait justifié le choix en rappelant

qu’on disait de lui : « On s’attendait à voir unauteur et on trouve un homme ».

Tel lui était apparu Charles Peguy et cela valaitbien, selon le mot d’Homère qu’il aimait à citer,qu’un instant, « l’on veuille bien se mêler à lui enamitié ».Je n’étais pas présent le soir de son discours dédiéà Peguy, mais aujourd’hui qu’il m’est permis dedire quelques mots à propos de Mario(« Monsieur le Bâtonnier » comme je l’ai toujoursappelé, d’abord par respect, puis par uneaffection teintée d’humour, qui loind’approfondir les distances, nous plaçait tousdeux dans une sorte de connivence renforcée), aujourd’hui qu’il m’est permis, en évoquantquelques-uns de ces goûts littéraires, de luirendre hommage, je voudrais dire, avant toutechose, que ce que j’ai tant aimé chez Mario, c’estce que résume si bien l’expression de Buffon :« le style c’est l’homme », ou plutôt selon saformule exacte, que « le style est l’hommemême », au sens où l’homme qu’il était, sa natureprofonde, envahissait toujours sa vie, ses choix,ses engagements, sa manière d’être, sans jamaisque les exigences de la vie sociale ne viennentfaire véritablement obstacle à l’expression decelui qu’il était.C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je n’aijamais compris son amour pour Peguy.Peguy ! Nom de dieu ! (« Nom de dieu », quifurent du reste paraît-il les derniers mots decelui qui tomba héroïquement au front, debout,criant aux hommes qu’il commandait : « Tirez,tirez toujours. Nom de dieu ! » Mario ne l’aimait-il pas aussi… et surtout pour cela… ?)Mais tout de même ! Peguy !!!Et à ce sujet, je me souviens, Créteil,19 mars 2012, je me souviens de ce parking duTribunal, triste et froid.Je me souviens de cet homme, mon patron,d’une main tenant son chapeau, de l’autre unvieux porte-document mal refermé ; de sonmanteau, noir ou gris, mis à la hâte ; d’uneécharpe rouge, négligemment posée sur sanuque, qui ne le protégeait pas du froid.Je me souviens très précisément de ce moment,de ce moment dont j’ai fait l’un des points dedépart d’une réflexion sur ce qui à lui m’a uni etm’unira indéfectiblement, de ce moment, aprèsl’interrogatoire d’un client, où nous fermonshâtivement les portes de la Peugeot 508, pournous y réfugier.La 508, et non la 607, qu’il lui préférait et avaitdû abandonner, et ça n’était pas anodin, carMonsieur le Bâtonnier, entretenait avec saconduite le même rapport qu’avec sonchampagne : la même gourmandise enracinéedans la terre, le même rire, la même immensité,celle dont il m’avait enveloppé en me prenantdans ses bras le jour de ma prestation deserment- je le connaissais depuis à peine deuxmois et je pense que Nadia, jeune collaboratrice

qui ce jour-là prêtait serment comme moi sesouvient avec la même émotion de ce geste decœur, du sourire dans les yeux avec lequel ilnous a dit qu’il était heureux pour nous.Et Monsieur le Bâtonnier conduit, il conduit,c’est la liberté, un miracle, tout semble si facile,si évident, même si parfois il ne regarde pas laroute…Sa main qui court de la boîte de vitesse, destouches de la radio à celles de son téléphoneportable, tenant plusieurs conversations à lafois… et c’est à vous qu’il sourit ! Il a presque 79 ans et vous avez le sentiment quepassent, car tout est toujours si facile ettellement libre à ses côtés, que passent,illuminations rimbaldiennes : « vingt véhicules,bossés, pavoisés et fleuris, comme des carrossesanciens ou de contes, pleins d’enfants attifés pourune pastorale suburbaine ».Et je suis avec cet homme.Qui boit son champagne, comme il avalerait lemonde. « Ses ailes de géant l’empêchent de marcher ».Je suis avec cet homme, qui démarre sa voiture,ce 19 mars 2012.

Je le sentais d’humeur songeuse, comme celalui arrivait plus souvent depuis qu’il se savaitaller un peu moins bien.A la radio, un air d’opéra, que je ne connaisnaturellement pas… L’animateur cite une phrasede Stendhal sur Rossini, dont l’œuvre s’achève :« Rossini, un fabricant extrêmement habile defleurs artificielles ». Et Mario de me demander : « Hippolyte, si vousdeviez partir sur une île déserte, vous emporteriezquoi avec vous ? ».Je lui cite quelques banalités…Et il se met à fredonner un air, Jésus que ma joiedemeure (pom, pom, pom…) : « Moi ce seraitBach, Bach. Comment peut-on vivre sans avoirconnu Bach ?!!! ».Dans la voiture, vole alors quelques instants lesnotes légères et joyeuses de cette cantate qu’ilme chantait si souvent… Vous rendez-vous vous compte ? Je suis envoiture avec mon patron, cet hommemerveilleux de 79 ans, cet homme de 79 ansqui se sait alors déjà malade… et il me chantedu Bach ! Aujourd’hui encore je revois cettescène, cette scène qui est tellement lui et que jeveux graver très profondément en moi, pourêtre sûr de ne jamais l’oublier, car en un sens,qu’espérer de plus (comment l’espérer même ?)de ceux avec qui vous travaillez chaque jour etde ceux même qui vous entourent, de ceux quivous sont chers… ?

A ce moment, c’est certain, il va me direApollinaire, Si je mourrais là-bas, qu’il m’a récitétant de fois, dans son bureau, en rendez-vous,en taxi, en se promenant ; il va me le dire et cesera merveilleux :

Si je mourais là-bas sur le front de l’armée Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aiméeEt puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt Un bel obus sur le front de l’arméeUn bel obus semblable aux mimosas en fleursEt puis ce souvenir éclaté dans l’espace Couvrirait de mon sang le monde tout entierLa mer, les monts, les vals et l’étoile qui passe Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espaceComme font les fruits d’or autour de Baratier

[Il les disait rapidement ces premières strophes/ Il hésitait parfois sur ce vers]…[Puis plus doucement]Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie Souviens-t-en quelquefois aux instants de folie De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeurMon sang c’est la fontaine ardente du bonheurEt sois la plus heureuse étant la plus jolie[Savine !]O mon unique amour et ma grande folie

Ou il me dira Eluard et ces deux vers sur lesquelsnous nous sommes souvent interrogés :

« Le sommeil a pris ton empreinteEt la colore de tes yeux »

Mais non ! Il va me dire ces vers, plus mystérieuxencore de Racine, lorsqu’Antiochus déclare sonamour à Bérénice :

« Je me suis tu cinq ans,Madame, et vais encore me taire plus longtemps.…Je vois que votre cœur m’applaudit en secret :Je vois que l’on m’écoute avec moins de regret,Et que, trop attentive à ce récit funeste,En faveur de Titus vous pardonnez le reste.…Rome vous vit, Madame, arriver avec lui.Dans l’Orient désert quel devint mon ennui !Je demeurai longtemps errant dans Césarée,Lieux charmants où mon cœur vous avaitadorée. »

Je demeurai longtemps errant dans Césarée…

Ce vers qui nous offrit une réflexion sur labeauté, avec un chauffeur de taxi parisienoriginaire de Guinée-Conakry, passionné decinéma, auquel Mario avait d’abord demandé(comme à chaque chauffeur d’origine africaine) :« De quel beau pays d’Afrique êtes-vous ? », cequi nous a naturellement conduit chez Aragon :

« La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il latrouva franchement laide. Elle lui déplut, enfin. …Qu'elle se fût appelée Jeanne ou Marie, il n'yaurait pas repensé, après coup. Mais Bérénice. Il y avait un vers de Racine que ça lui remettaitdans la tête, un vers qui l'avait hanté pendant laguerre, dans les tranchées, et plus tard démobilisé.Un vers qu'il ne trouvait même pas un beau vers,ou enfin dont la beauté lui semblait douteuse,inexplicable, mais qui l'avait obsédé, qui l'obsédaitencore :Je demeurai longtemps errant dans Césarée… »

Je demeurai longtemps errant dans Césarée,parfum de mystère que je buvais déjà enentendant Mario me chanter du Bach…Et puis non ! Péguy…« Adieu, Meuse endormeuse et douce à monenfance,Qui demeures aux prés, où tu coules tout bas.Meuse, adieu : j’ai déjà commencé ma partanceEn des pays nouveaux où tu ne coules pas. »Le coup est dur ! Jeanne d’Arc quittantDomremy !!!« Taisez-vous, imbécile ! » et il reprend :« O nuit qui berce toutes les créaturesDans un sommeil réparateur …

14 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

In Memoriam

Page 15: Edition du jeudi 18 avril 2013

O ma nuit je t’ai créée la première.Toi qui endors, toi qui ensevelis déjà dans uneombre éternelleToutes mes créaturesLes plus inquiètes, le cheval fougueux et la fourmilaborieuse, [Le cheval fougueux et la fourmilaborieuse, nom de dieu !!!]Et l’homme, ce monstre d’inquiétude.A lui seul plus inquiet que toute la créationensemble.O ma belle nuit je t’ai créée la première. »

Voyant l’effet de sa récitation, il me lance un « ahle connard… ! » dont il me gratifiait de temps entemps…De crainte qu’il se lance dans les 700 vers deLa tapisserie de Sainte-Geneviève et de Jeanned’Arc, je juge alors fin et astucieux de lui servirce couplet d’Alceste à Philinte dans leMisanthrope, Philinte ne se sentant pas d’aisedes vers qu’il venait d’écrire, qu’Alceste jugeait,lui, bon à mettre aux cabinets :

« Pour les trouver ainsiVous avez vos raisons,Mais vous trouverez bon que j’en puisse avoird’autres, Qui se dispenseront de se soumettre aux vôtres ».

Croyant alors lui avoir coupé la chique avec monMolière, ce qui n’arrivait pas tous les jours, j’étaistout à fait satisfait et souriais un peu niaisement.C’est alors et c’est peut-être tout ce que j’auraisvoulu dire ce soir, qu’il me dit, pas tout à faitexactement, mais de manière suffisammentprécise pour que j’en fusse véritablement ému,ce texte en prose de Péguy, issu du Dialogue del’histoire et de l’âme païenne, texte sans doutebien connu de beaucoup d’entre vous, mais queje voudrais prendre le temps de vous lire, car ily a là, à mon sens, tout Mario :

Jeune homme, me dit-il, vous qui êtes père :« Voyez cet homme de quarante ans. Nous leconnaissons peut-être, notre homme de quaranteans. Nous commençons peut-être à en entendreparler. Il a quarante ans, il sait donc. La scienceque nul enseignement ne peut donner, le secretque nulle méthode ne peut prématurémentconfier, le secret que nulle discipline ne confère etne peut conférer, l’enseignement que nulle écolene peut distribuer, il sait. Ayant quarante ans, ila eu, le plus naturellement du monde, c’est le casde le dire, communication du secret qui est supar le plus d’hommes au monde et qui pourtantest le plus hermétiquement gardé. Le vase desecret le plus hermétiquement clos. Le secret qu’onn’a jamais écrit. Le secret le plus universellementdivulgué et qui des hommes de quarante ans n’estjamais passé, par-dessus les trente-sept ans, par-dessus les trente-cinq ans, par-dessus lestrente-trois ans, n’est jamais descendu auxhommes d’en-dessous. Il sait ; et il sait qu’il sait.Il sait que l’on n’est pas heureux. Il sait que depuisqu’il y a l’homme nul homme n’a jamais étéheureux. Et il le sait même si profondément, etd’une science si entrée dans le profond de soncœur, que c’est peut-être, que c’est assurément laseule croyance, la seule science à laquelle il tienne,dans laquelle il se sente et il se sache engagéd’honneur, la seule précisément où il n’y ait aucunentendement, aucun masque, aucuneconnivence. Or voyez l’inconséquence. Le même homme. Cethomme a naturellement un fils de quatorze ans.Or il n’a qu’une pensée. C’est que son fils soitheureux. Il ne se dit pas que ce serait la premièrefois ; que ça se verrait. Il ne se dit rien du tout, cequi est la marque de la pensée la plus profonde.Cet homme est ou n’est pas intellectuel. Il est ouil n’est pas philosophe. Il est ou il n’est pas blasé.(Blasé de peine, c’est la pire débauche). Il a unepensée de bête.

Ce sont les meilleures. Ce sont les seules. Il n’aqu’une pensée. Et c’est une pensée de bête. Il veutque son fils soit heureux. Il ne pense qu’à ceci, queson fils soit heureux. Ce qui n’a jamais réussi, ce qui n’est jamais arrivé,il est convaincu que ça va arriver cette fois-ci. Etnon seulement cela, mais que ça va arrivercomme naturellement et planement. Par l’effetd’une sorte de loi naturelle. Or je dis, que rien n’est aussi touchant que cetteperpétuelle, que cette éternelle, que cette éternellerenaissante inconséquence ; et que rien n’est aussibeau ; et que rien n’est aussi désarmant devantDieu ; et c’est ici la commune merveille de votrejeune Espérance. »

Je dois dire que peu de textes m’ont autant émuque celui-là.Car il s’agit d’un texte contre la pensée qui seveut pensante, contre l’idée qui s’épuise, d’untexte de foi, de la foi de Pascal, de la foi de celuiqui croit dans le « Dieu d’Abraham, [le] Dieud’Isaac, [le] Dieu de Jacob, non des philosopheset des savants ».

Un texte qui aide à vivre.Comme Mario, Monsieur le Bâtonnier.Dont je puis dire que s’il m’a tant inspiré et s’ilest aujourd’hui si proche de mon cœur, c’estjustement, pour plagier cette autre phrase dePascal que je citais en introduction, que chezMario :« On cherche un avocat, un sportif, un montagnard,un ami, un amoureux de littérature, de Reims, demusique… et on trouve un homme. »

On trouve un homme, c’est-à-dire que l’êtredéborde toujours la situation et l’humanité ; sonhumanité, si vive, est toujours ce par quoi ilrépond au monde.Et le plus merveilleux, c’est qu’il fait partie de

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 15

In MemoriamP

hoto

© J

ean-R

ené 

Tan

crèd

e -

Tél

éphone

: 01.4

2.6

0.3

6.3

5

Page 16: Edition du jeudi 18 avril 2013

cette espèce d’hommes (il est le seul en cela quej’ai connu dans ma vie), qui tout en donnantraison à Peguy, lui donne tort, en ceci qu’il estla seule personne dont je puis dire sanshésitation qu’il était heureux, non pas seulementpar cette amour qu’il avait de ses enfants, de sonépouse (un amour qui vous émerveillaitpourtant !), mais aussi peut-être parce que jetanttoujours dans sa vie tout ce qu’il était, il nemanquait jamais d’être fondamentalement lui-même.« Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change »,ai-je envie de dire avec Mallarmé.

Alors, Mario, à mes yeux, c’est un Gary, unRomain, un Emile, un Ajar, dont en guise deconclusion je voudrais lire les derniers motsd’un des livres les plus émouvants, en vousdemandant de vous souvenir du souffle de ceBâtonnier, de cet homme, qui ne peut à tousque terriblement manquer :C’est dans La promesse de l’Aube :« Voilà. Il va falloir bientôt quitter le rivage où jesuis couché depuis si longtemps, en écoutant lamer. Il y aura un peu de brume, ce soir, sur Big Sur,et il va faire frais et je n'ai jamais appris à allumerle feu et à me chauffer moi-même. Je vais essayerde demeurer là encore un moment, à écouter, parceque j'ai toujours l'impression que je suis sur le pointde comprendre ce que l'Océan me dit. Je ferme lesyeux, je souris et j'écoute… Il me reste encore deces curiosités. Plus le rivage est désert et plus il meparaît toujours peuplé. Les phoques se sont tus,sur les rochers, et je reste là, les yeux fermés, ensouriant, et je m'imagine que l'un d'eux vas'approcher tout doucement de moi et que je vaissoudain sentir contre ma joue ou dans le creux del'épaule un museau affectueux… J'ai vécu. »

Mario, l’écrivainpar Antoine Chatain

Mario aimait lire, écrire, parler etpartager et nous avons partagébeaucoup pendant 23 ans.

Il voulait me faire partager son amour pour lalittérature.Lorsqu’il me confiait un texte, un discours, unécrit, un livre, il le faisait toujours avec maliceet me disait :« Quand tu auras le temps, si tu as le temps unjour, tu verras, ça vaut le coup de s’y pencher unpeu… peut-être… à toi de juger. »

Dans la nuit du 3 novembre 2012, le sommeilétait difficile à trouver, alors Sonia s’est levée, aouvert un tiroir et m’a tendu une grandeenveloppe.Dedans, s’y trouvaient des cartes, des petitsmots et textes divers, tous émanant de Mario.Des petites blagues sur un coin de feuille, desdessins, des lettres, et tous ces écrits empreintsde tant d’affection et de simplicité.

Le texte que je vais vous lire, je l’ai retrouvé cesoir-là, il est commenté par Mario, il ne portepas de date, le commentaire de Mario estdactylographié, et de sa main est écrit au crayonà papier : « texte lu par MS ».

Je ne sais plus quand Mario l’a lu. Je saissimplement qu’il dit tout ce que nous aimionschez cet homme :

« Voilà,Il est des moments de notre vieEt nous les avons tous connusEt Savine et moi venons bien d’en vivreDes moments où l’on se retourne pour voirLe chemin parcouruLe nôtre,Celui de ceux qui s’en vontCelui aussi qui devant nous nous reste àparcourir…Alors j’ai trouvé ce poèmeSimple trop simple peut-êtreIl est de Jules SupervielleIl n’appelle pas de commentaireOn s’y retrouve si on veutOu sinon on peut chercherAilleurs pour suivre son cheminLe voilà, comme moi, je l’ai aimé. »

Hommage à la Vie(par Jules Supervielle) :

« C’est beau d’avoir éluDomicile vivantEt de loger le tempsDans un cœur continuEt d’avoir vu ses mainsSe poser sur le mondeComme une pommeDans un petit jardinD’avoir aimé la terre,La lune et le soleil,Comme des familiersQui n’ont pas leurs pareilsEt d’avoir confiéLe monde à sa mémoireComme un clair cavalierA sa monture noireD’avoir donné visageA ces mots : femme, enfants,Et servi de rivageA d’errants continentsEt d’avoir atteint l’âmeA petits coups de ramePour ne l’effaroucherD’une brusque approchéeC’est beau d’avoir connuL’ombre sous le feuillageEt d’avoir senti l’âgeRamper sur le corps nuAccompagné la peineDu sang noir dans nos veinesEt doré son silenceDe l’étoile PatienceEt d’avoir tous ces motsQui bougent dans la tête,De choisir les moins beauxPour leur faire un peu fêteD’avoir senti la vieHâtive et mal aimée,De l’avoir enferméeDans cette poésie. »

Et je voudrais juste terminer par ces mots tirésd’un livre d’Alain Remond intitulé Tout ce quireste de nos vies que Mario n’a pas lu mais auraitaimé :« Nous sommes tous cabossés par la vie, nousavons pris des coups, nous avons rêvé, espéré,nous avons aimé, nous avons regretté.

Nous sommes faits de tout cela, bon gré, mal gré,entre moments de bonheur et tout ce qu’onaimerait oublier.Pour chacun d’entre nous, ce moment-là, unique,où tout n’était que promesse, l’immense promessed’une vie toute neuve.N’est-ce pas l’obscur souvenir de ce moment-làqui nous fait aimer la vie malgré tout, contre tout,parce que rien, jamais, n’est écrit d’avance ?Voilà ce que je dis, en silence, à Jacob, monpremier petit-fils, qui sourit dans ses rêves.Et voici ce que me dit Jacob : pense aux morts,mais occupe-toi des vivants. »Alors voilà ce que je vais faire.Je vais penser à toi Mario comme je pense à toidepuis que tu nous as quittés et je vais m’occuperdes vivants.

Mario, le chrétienpar Bruno Richard

Mario Stasi était pleinementchrétien et pleinement Avocat.Je lirai donc en son honneur unpoème* qui est tout à la fois une

prière et une plaidoirie :

Frères humains qui après nous vivezN'ayez les coeurs contre nous endurciz,Car, ce pitié de nous pauvres avez,Dieu en aura plus tost de vous merciz.Vous nous voyez ci, attachés cinq, sixQuant de la chair, que trop avons nourrie,Elle est piéca devorée et pourrie,Et nous les os, devenons cendre et pouldre.De nostre mal personne ne s'en rie:Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre!Se frères vous clamons, pas n'en devezAvoir desdain, quoy que fusmes occizPar justice. Toutefois, vous savezQue tous hommes n'ont pas le sens rassiz;Excusez nous, puis que sommes transsis,Envers le filz de la Vierge Marie,Que sa grâce ne soit pour nous tarie,Nous préservant de l'infernale fouldreNous sommes mors, ame ne nous harie;Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!La pluye nous a débuez et lavez,Et le soleil desséchez et noirciz:Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavezEt arraché la barbe et les sourciz.Jamais nul temps nous ne sommes assis;Puis ca, puis là, comme le vent varie,A son plaisir sans cesser nous charie,Plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre.Ne soyez donc de nostre confrarie;Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !Prince Jhésus, qui sur tous a maistrie,Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :A luy n'avons que faire ne que souldre.Hommes, icy n'a point de mocquerie ;Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

* « La ballade des pendus » de François Villon

2013-308

16 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

In Memoriam

Page 17: Edition du jeudi 18 avril 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 17

Vie du droit

Environnement

Les concours complémentairess’adressent aux professionnels enexercice désireux d’une reconversion.Avocats, greffiers ou greffiers en chef,

enseignants, policiers, juristes, notaires ont étérecrutés en 2012.Annoncés par l’arrêté du 7 mars 2013, ces2 concours offrent 52 places au second gradeet 23 au premier grade de la hiérarchie judiciaire.Le dossier d’inscription, disponible sur le siteInternet de l’ENM, doit être envoyé à l’ENMBordeaux le 3 mai 2013 au plus tard.

Conditions à remplir :Les candidats souhaitant postuler doivent êtrede nationalité française et titulaires d’un diplômebac + 4 ou équivalent pour les deux grades. Lespostulants au second grade doivent être âgés

d’au moins 35 ans au 1er janvier 2013 et justifierde 10 ans d’activité professionnelle. Ceux aupremier grade doivent être âgés d’au moins50 ans au 1er janvier 2013 et justifier de 15 ansd’activités professionnelles.

75 futurs magistrats attendus en janvier 2014 :Les épreuves d’admissibilité des deux concoursse dérouleront les 4, 5, et 6 septembre prochains.Le jury fixera ultérieurement les dates desépreuves d’admission. La rentrée, prévue àl’ENM en janvier 2014, débutera par unepériode de formation théorique de 4 semainesà Bordeaux, et sera suivie d’un stage probatoirede 6 mois en juridiction. A l’issue de la formationsont proposées des fonctions au parquet ainsiqu’au civil et au pénal du siège Tribunal deGrande Instance.

Une formation rémunérée :Durant la formation, les magistrats stagiairessont rémunérés. A titre indicatif, ceux du2ème grade perçoivent 2 092 € brut par moisauxquels s’ajoutent les indemnités de scolaritépendant leur formation à l’Ecole et desindemnités de stage pendant la période de stage

juridictionnel. La direction des servicesjudiciaires étudie la situation professionnelleantérieure de chacun et procède, le cas échéant,à un reclassement indiciaire qui prend effet à ladate du début de la formation.

2013-309

Ecole Nationale de la MagistratureConcours complémentaires 2013 - 75 postes de magistrats à pourvoir

L’Ecole Nationale de la Magistrature organise deux concours complémentaires dédiés aux professionnels ayant au moins10 ans d’expérience afin de recruter 75 magistrats pour une prise de poste en 2014. Inscription avant le 3 mai 2013.

Promotion 2013

53 MAGISTRATS STAGIAIRESdont 8 issus du 1er gradeet 45 issus du 2nd grade

PROMOTION COMPOSÉE DE37 FEMMES ET DE 16 HOMMES

Parmi les professionsantérieures :17 avocats9 greffiers4 greffiers en chef5 enseignants3 policiers2 juristes2 notaires

Delphine Batho, Ministre de l’Écologie,du Développement durable et del’Énergie a présenté le 16 avril dernierle comité de pilotage des États

généraux de la modernisation du droit del’environnement, réunissant, sous la présidencede Delphine Hedary, membre du Conseil d’État,des représentants des services du Ministère, etdes personnalités extérieures comme ArnaudGossement, Avocat spécialisé en droit del’environnement et Claude Chardonnet,spécialiste des débats participatifs.Les États généraux de la modernisation du droitde l’environnement, dont la tenue a été actéelors de la Conférence environnementale, sontune réponse aux attentes d’une norme

environnementale plus exigeante, mieuxconçue et plus lisible. L’objectif dugouvernement est que soit assurée uneprotection efficace et réelle et non passeulement formelle des personnes, de la santéet de l’environnement tout en facilitant laréalisation des projets d’intérêt économique etsocial.Les États généraux vont être un processus deconstruction collective et progressive : lapremière étape, jusqu’au 25 juin 2013, permettrade dresser un diagnostic des qualités et desdéfauts du droit de l’environnement, ainsi quedes améliorations nécessaires. Dans uneseconde étape, les recommandationsd’évolution qui auront été validées feront l’objet

d’un travail d’approfondissement en vue de leurmise en oeuvre.Par ailleurs, le Ministère invite tous les Françaisà apporter leur contribution à ces Étatsgénéraux. Du vendredi 26 avril au dimanche9 juin 2013 un questionnaire pourra être remplien ligne : www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.frToutes les informations sur les États générauxde la modernisation du droit del’environnement seront disponibles etactualisées sur le site : www.developpement-durable.gouv.fr

Source : communiqué de presse du 16 avril 2013

2013-310

Ministère de l’Ecologie,du Développement durable et de l’EnergieÉtats généraux de la modernisation du droit de l’environnement : présentation du Comité de pilotage

Paris, Hôtel de Roquelaure - 16 avril 2013

Page 18: Edition du jeudi 18 avril 2013

18 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

Annonces judiciaires et légales

Page 19: Edition du jeudi 18 avril 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 19

Annonces judiciaires et légales

Page 20: Edition du jeudi 18 avril 2013

20 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

Annonces judiciaires et légales

Page 21: Edition du jeudi 18 avril 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 21

Annonces judiciaires et légales

Page 22: Edition du jeudi 18 avril 2013

22 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

Annonces judiciaires et légales

Page 23: Edition du jeudi 18 avril 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 23

Annonces judiciaires et légales

Page 24: Edition du jeudi 18 avril 2013

24 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

Annonces judiciaires et légales

Page 25: Edition du jeudi 18 avril 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 25

Annonces judiciaires et légales

Page 26: Edition du jeudi 18 avril 2013

26 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

Annonces judiciaires et légales

Page 27: Edition du jeudi 18 avril 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 27

Annonces judiciaires et légales

Page 28: Edition du jeudi 18 avril 2013

28 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

Annonceslégales

Au Journal Officiel

Le Premier ministre,Sur le rapport de la Garde des Sceaux, ministre de la justice,Vu la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portantréforme de certaines professions judiciaires et juridiques,notamment son article 11 ;Vu la loi no 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme dela représentation devant les cours d’appel, notamment sonarticle 22 ;Vu le décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 organisantla profession d’avocat, modifié en dernier lieu par le décretno 2012-441 du 3 avril 2012 relatif aux conditionsparticulières d’accès à la profession d’avocat ;Le Conseil d’Etat (section de l’intérieur) entendu,Décrète :Art. 1ER . − Le décret du 27 novembre 1991 susvisé est modifiéselon les dispositions des articles 2 à 5 du présent décret.Art. 2. − Au neuvième alinéa de l’article 85, les mots : « auxarticles 97-1 et 98 » sont remplacés par les mots : « auseptième alinéa de l’article 93 (6o) et à l’article 98 ».Art. 3. − L’article 93 est ainsi modifié :

1o Le quatrième alinéa (3o) est supprimé ;2o Les 4o, 5o et 6o deviennent respectivement les 3o, 4o et 5o ;3o Après le 6o, devenu 5o, il est inséré un nouvel alinéa ainsirédigé :« 6o Les personnes mentionnées à l’article 22 de la loi n°2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentationdevant les cours d’appel ; ».Art. 4. − L’article 97-1 est abrogé.Art. 5. − L’article 98 est ainsi modifié :1o Le 7o est supprimé ;2o Le 8o devient le 7o ;3o Au dernier alinéa, la référence : « 8o » est remplacée par laréférence : « 7o ».Art. 6. − Le présent décret est applicable dans les îles Walliset Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.Art. 7. − La garde des sceaux, ministre de la justice, est chargéede l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journalofficiel de la République française.

2013-311

« Décret passerelle »Abrogation du décret dit « passerelle » permettant l’accès à la professiond’avocat aux personnes exerçant des responsabilités publiques

Décret n° 2013-319 du 15 avril 2013 - JORF n° 0090 du 17 avril 2013, page 6473

REPERES

Publics concernés : avocats,députés, sénateurs, membresdu Gouvernement,collaborateurs d’avoués près lescours d’appel.Objet : aménagement desdispenses accordées auxpersonnes remplissant certainesconditions pour l’accès à laprofession d’avocat.

Entrée en vigueur : le texte entreen vigueur le lendemain de sapublication.Notice : le décret supprime lapasserelle vers la professiond’avocat ouverte par le décret no2012-441 du 3 avril 2012 auxpersonnes justifiant de huit ans aumoins d’exercice deresponsabilités publiques les

faisant directement participer àl’élaboration de la loi.Il supprime par ailleurs l’obligationde passer un examen de contrôledes connaissances en déontologieet réglementation professionnellepour les collaborateurs d’avouésprès les cours d’appel visés àl’article 22 de la loi 2011-94 du 25janvier 2011 portant réforme de la

représentation devant les coursd’appel.Références : les dispositions dudécret no 91-1197 du 27 novembre1991 organisant la professiond’avocat modifiées par le présentdécret peuvent être consultées,dans leur rédaction issue de cettemodification, sur le site Légifrance :www.legifrance.gouv.fr

Oui, je désire m’abonneret recevoir le journal à l’adresse suivante :

Me, M. Mme, Mlle :.............................................................

Société : ................................................................................

Rue : .....................................................................................

Code postal :...................................... Ville :......................

Téléphone : ....................................... Télécopie :..............

E-mail : .................................................................................

o Formule à 95 Euros o Chèque ci-jointo Formule à 35 Euros o Mémoire administratifo Formule à 15 Euros

Ci-joint mon règlement à l’ordre de LES ANNONCES DE LA SEINE

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARISInternet : http//:www.annonces-de-la-seine.com

E-mail : [email protected]

Recevez deux fois par semaine

LES ANNONCES DE LA SEINE

3 formules95 Euros : Abonnement (bi-hebdomadaire)avec suppléments juridiques et judiciaires

(hebdomadaire) et suppléments culturels (mensuel)

35 Euros : Abonnement (bi-hebdomadaire)avec suppléments culturels (mensuel)

15 Euros : Abonnement (bi-hebdomadaire)

Abonnez-vous par téléphone (*)

en composant le 01.42.60.36.35.(*) Règlement à la réception de la facture

Page 29: Edition du jeudi 18 avril 2013

L'objectif premier du dernier ouvrage deChristian Huglo édité chez LexisNexissous le titre Mes grandes bataillesjudiciaires n'est pas simplement de

retracer les lignes de force des grandes bataillesjudiciaires exemplaires qui ont été l'une dessources des éléments constitutifs du droit del'environnement mais également de mettre àdisposition des vrais défenseurs del'environnement des outils utiles pour parvenirà une défense organisée du patrimoinecommun de l'Humanité, notamment en Europeet en France.Le patrimoine contient l'ensemble desressources végétales et animales, la biodiversité,les ressources agricoles, la qualité des paysages,la question de l'atmosphère acceptable etsurtout les richesses attachées aux ressourcesde la mer. Sur ce point, la France est une desprincipales nations qui possèdent le plus delittoral, si l'on met bout à bout les possessionset conventions qui lui donnent des droits sur samer territoriale et la zone économiqueadjacente.On comprendra dans ces conditions l'utilité despremiers procès d'environnement qui ont puaffirmer la compétence du Juge national surl'espace maritime (affaires de l'Amoco Cadiz, dela Montedison) qui ont pu affirmer le principefondateur du droit de l'environnement, la

responsabilité des maisons mères pour les filialeset les dommages écologiques.Le droit des études d'impact, le principe deprévention, l'affaire de la pollution du Rhin,l'affaire de Creys Malville, ont permis d'aller plusloin et de jeter un regard plus en profondeursur les contentieux vus de l'étranger qui ont étéconstitués et pris comme modèles à partir desexpériences françaises ou européennes.Le droit de l'environnement reste le noyau dudroit du développement durable, cette prise enconsidération d'abord en tant que telle pouraller plus loin et pour permettre unereconstruction de l'économie en tenant comptedes potentialités qu'il contient.Les expériences accumulées par l'auteur del'ouvrage pourront permettre d'envisager dansun monde troublé de retrouver les traces d'unchemin et une direction pour permettre decontinuer à protéger les ressources essentielleset à protéger, derrière ces ressources essentielles,les éléments et les qualités indispensables à laconservation de la santé.En l'absence d'action de classe instituée, lesprocès qui ont été décrits constituent devéritables modèles de mise en oeuvre d'un droitnouveau et permettront une préfiguration dece qui pourrait être un mouvement pour uneCour internationale que l'ensemble des citoyensdes nations concernées réclament.

La mise en oeuvre des exemples fournira à lasociété civile, dans un espace politique qui sedélite, des perspectives sur la réalité de laconfrontation des idées, des expertises dans uncadre pérenne sous le contrôle d'un Juge.Il a fallu attendre près de trente anspratiquement pour que les plus hautesjuridictions (Cour européenne des droits del'homme, dans les années 90/94, Cour decassation dans l'affaire Erika et tout récemmentle Conseil d'Etat à propos du principe deprécaution) fixent les règles nouvelles. Il faudra,je l'espère, un peu moins de temps pour que lesmécanismes nouveaux qu'appelle la sociétéinternationale se mettent en place : soit dans lecadre déjà institué de la Cour pénaleinternationale pour la répression des crimescontre l'Humanité qui laisse une place au droitde l'environnement, soit dans le cadre de la Coureuropéenne des droits de l'homme, soit encore,dans le cadre des mécanismes nouveaux quisont à constituer (projet écoside, projet croixverte et projet italien du Conseiller Abrami,projet d'une Cour internationale pour juger desresponsabilités dans l'affaire de Fukushima).C'est en puisant les exemples et les valeurs dupassé que l'on pourra retrouver des forces et desidées utiles à la construction d'un avenirsouhaité comme acceptable par tous.

Jean-René Tancrède

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 29

Au fil des pages

Mes grandes batailles judiciairespar Christian Huglo, avocat pour l’environnement

Photo

© J

ean-R

ené 

Tan

crèd

e -

Tél

éphone

: 01.4

2.6

0.3

6.3

5

Chrystel Faure, Christian Huglo et Manuella Guillot

Page 30: Edition du jeudi 18 avril 2013

Maître Christian Huglo m'ademandé de préfacer, à l'instar duprofesseur Jean-Marie PeIt, sonlivre sur les grands procès pour

l'environnement. Il souhaitait en effet unedouble présentation de son ouvrage. À celled'un ami de longue date, pharmacien, botanisteet écologiste, il a voulu adjoindre la présentationd'un juriste, qui, je dois le préciser, n'est pas unspécialiste de l'environnement, ni même de droitde l'environnement, encore que les contentieuxde la Cour européenne des droits de l'homme,par nature transversaux, n'ignorent nullementcette branche du droit, et qu'ils me sontnaturellement familiers.J'ai accepté avec plaisir, non seulement parsympathie pour l'auteur, que je connais delongue date, mais aussi parce que la protection

juridique de l'environnement me semble unecause importante, peut-être vitale dans certainscas.Des combats judicaires : les titres des parties etdes chapitres montrent que c'est de cela qu'ils'agit, et que Christian Huglo est homme à lesmener, si possible victorieusement, avec uneténacité dont il fournit maintes preuves dans celivre (notamment dans les longues procédurespour I'Amoco Cadiz) : défense contre lapollution chimique de l'Océan ou du Rhin,bataille d'Italie, mobilisation de la Corse, batailleen Corse, bataille, encore, celle de la baie deSeine et de la Manche, épopée judiciaire - cellede l'Amoco Cadiz - comment attaquer ? lesstratégies adoptées (dont celle du bélier pour larocade de La Baule) : ce vocabulaire belliqueuxtrahit, peut-être, le tempérament de l'auteur,

sûrement, la nature des enjeux.L'environnement est exposé à des risques denuisances, de pollution, de catastrophes,naturelles ou dues à l'action des hommes (ou àleurs omissions). Il faut les prévenir si possible,les enrayer, y remédier. Mais cela ne se fait jamaisdans la facilité. Il y a des actions à entreprendrede la part des citoyens, des habitants. Lapopulation est généralement vulnérable faceaux États et aux grands groupes privés. Les Étatssont d'ailleurs aussi dans certaines situations lesvictimes de ces groupes. Il faut s'organiser,trouver des angles d'attaque, au besoin et le plussouvent avoir recours à la Justice. C'estnécessaire; ce n'est pas toujours possible, etquand cela est possible, ce n'est pas toujourssuffisant ou efficace. Certains procès se soldentpar de graves échecs, des « fiascos », écrit

La transdisciplinarité est dans l'air dutemps même si elle est souvent plusprésente dans les discours que dans lesactes. C'est dans cet esprit que le

biologiste que je suis a abordé l'ouvrage deChristian Huglo. J'ai découvert qu'un avocat del'environnement se doit de naviguer habilementdans les arcanes du droit, avec desconnaissances approfondies des dommagesécologiques dont il a à connaître et donc deslois de l'écologie, le tout sous la pression despersonnes physiques ou morales sinistrées dufait des grandes catastrophes écologiques.Je connais Christian Huglo depuis 1974. Dansle cadre de l'Institut Européen d'Ecologie quenous avons créé en 1971, nous avions organiséà l'Université de Metz l'un des tous premiersenseignements d'écologie dispensé en Francedans le cadre universitaire. L'une des unités devaleur de cet enseignement, touchant à la foisune population étudiante et un large public,était consacrée au droit de l'environnement. Àcette occasion, notre regretté ami communPierre Ferrari, alors doyen de la jeune Facultéde droit de Metz, m'avait mis en relation avecChristian. Il assura donc chez nous le premiercours de droit de l'environnement dispensé dansune Université française. Notre amitié date decette époque et n'a cessé de s'approfondir depuis.Elle va aussi à son épouse Corinne Lepage quien quelques occasions remplaça Christian dansles amphis « au pied levé », lorsque ce dernierétait empêché par les impératifs de son travaild'avocat.Ce qui m'a d'abord sauté aux yeux à la lecturede son livre, ce sont les difficultés qu'il n'a cesséde rencontrer avec l'État français et qui meremettent en mémoire les difficultés analoguesque nous avons nous mêmes connues pourcréer l'institut européen d'écologie quifinalement a été porté par les collectivitésterritoriales de Lorraine avec la complicité deBruxelles, mais largement boudé par le jeuneministère baptisé alors « Ministère de laProtection de la Nature ». Ce Ministère nedisposait pourtant à l'époque d'aucun réseau surle terrain, ce qui aurait dû l'inciter, à nos yeux,à pouvoir compter sur nous. Mais il n'en fut rien.Le livre de Christian Huglo m'a passionné. Je l'ailu comme un roman à suspens, tant les

rebondissements des procédures qu'il a menéesen Italie et en Corse pour le procès des bouesrouges de la Montedisor France et auxÉtats-Unis pour le procès de l'Amoco Cadiz - pour neciter que ces deux exemples qu'il développelonguement - témoignent de la difficulté detravailler sur un terrain du droit où tout est àinventer ; et où les stratégies des plaideursdoivent s'attacher en continu à soulever denouvelles questions et à contourner denouveaux obstacles. De plus, au fur et à mesureque les actions en Justice se développent,émergent de nouvelles règles qui constituerontle corps du droit de l'environnement engestation.Le procès des « boues rouges » débouche sur lapremière interdiction de polluer dans une merinternationale, en l'occurrence la Méditerranée.En accordant aux pêcheurs des dommages etintérêts, il reconnaît pour la première fois endroit l'existence de dommages écologiques. Leprocès contre la rocade de La Baule menaçantgravement les marais salés de Guérande génèrele concept « d’études d'impact » qui prendraforme par la suite et deviendra un élémentessentiel du droit de l'environnement.Telle est l'oeuvre dont peut se prévaloirChristian Huglo, associé à son épouse CorinneLepage qui fonda avec quelques uns d'entrenous le Comité de recherche et d'informationindépendante sur le génie génétique(CRIIGEN) où j'ai pu apprécier l'étendue de sescompétences et la force de ses convictions.À mesure que j'avançais dans la lecture de celivre, je constatais que la compétence, le talentet surtout la ténacité de Christian luipermettaient de faire face à toutes les difficultésde procès hors normes sans jamais faiblir ni sedécourager. Christian et Corinne « ne lâchentjamais » lorsqu'il s’agit de protéger la nature etde défendre les victimes des pollutions,notamment ici des pollutions marines.Dans ses conclusions, Christian appelle à lacréation d'un Tribunal pénal international quiaurait à connaître et à diligenter des procèsconcernant les atteintes durables àl'environnement terrestre ou marin surl'ensemble de la planète. Il plaide aussi pour undroit de l'environnement internationalhomogène. Comment ne pas le suivre dans

cette voie ? Tandis que la création del'Organisation mondiale de l'environnementproposée par la France piétine, seule une fortepression internationale pourra aboutir à lacréation de telles instances dans des Nationsunies.J'ai beaucoup aimé ce livre, je l'ai lu d'une traite.Et au fur et à mesure, mon admiration pour sonauteur grandissait. Je le savais avocat habile etrésolu, je le découvrais avocat courageux etmilitant. Christian Huglo et Corinne Lepageont fortement fait avancer le droit del'environnement, même si le droit du nucléairereste encore en pointillés puisque la premièreloi concernant ce domaine a été adoptée pasmoins de vingt ans après le lancement duprogramme nucléaire français. Mais on sait quele nucléaire est l'ADN de notre Nation, et laFrance considère selon l'adage bien connu quenous sommes en ce domaine dans une sorte depays de cocagne où « tout est meilleur et plusbeau qu'ailleurs »...Merci Christian pour ce beau livre qui sera, jen'en doute pas, très utile à tous les acteurs dudroit de l'environnement mais aussi à tous ceuxqui seront dans le futur, « victimes de dommagesenvironnementaux ». Utile surtout pour toutela communauté humaine mobilisée pourprotéger la planète et éviter les pollutions quisalissent son visage.Je souhaite aux lecteurs de partager avec moile plaisir que j'ai eu à découvrir ce livre auquelje souhaite tout le succès qu'il mérite et à sonauteur de poursuivre longtemps encore ettoujours avec cette ténacité qui caractérise soncombat pour une cause qui nous concerne tous,en particulier ces générations futures faceauxquelles nous nous sentons désormaisresponsables.Merci Christian.

Jean-Marie PeltPrésident de l'Institut Européen d'Ecologie

et Professeur Honoraire de l'Université de Metz

30 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

Au fil des pages

Page 31: Edition du jeudi 18 avril 2013

Christian Huglo comme pour la catastrophechimique de Bhopal en Inde, pourtantterriblement nocive. D'autres n'ont toutsimplement jamais eu lieu, du moins pastotalement comme dans la catastrophenucléaire de Tchernobyl en Ukraine, car pourqu’il y ait procès, à plus forte raison équitable, ilfaut qu'il y ait un État de droit, ce qui n’était pasvraiment le cas à l'époque.Ce livre, écrit dans un style très vivant, m'abeaucoup intéressé parce qu'il montre en amontdes actions en Justice, comment l'informationdu public, en particulier pour la presse, lamobilisation de l'opinion, des actions violentesparfois, enclenchent le combat pré-judiciairepuis judiciaire. Il montre aussi que si les victimessont souvent connues et identifiables - despersonnes physiques bien sûr, mais aussi desassociations qui les regroupent, des communes,des collectivités territoriales -, les défendeurs,de leur côté, sont multiformes et pasnécessairement faciles à cibler. Il y a bienentendu les sociétés industrielles qui sont lesresponsables directes de la pollution, desexplosions, des rejets, des déchets nocifs. Bouesrouges, boues jaunes, marées noire : le lecteurva en voir de toutes les couleurs ! Mais il y a aussile gouvernement, ou plutôt les gouvernements :celui du lieu de la catastrophe, celui dontl'entreprise a la nationalité ; d'autres cas de figurepeuvent se présenter. On devine la complexitédes questions juridiques qui peuvent se poser,et que quelques exemples du livre soulignent,à commencer par la personne juridique à mettreen cause, en continuant par la juridictioncompétente et le droit applicable... Le choix desvoies de recours est également compliqué. Faut-il choisir la voie pénale, en principe plus simplemais qui conduit fréquemment à des sanctionsdérisoires, ou la voie civile, plus juste maislongue et difficile, ou encore la voieadministrative, lorsque l'État est directementou indirectement responsable ? Se pose aussi leproblème de la lenteur des procédures,heureusement atténuée par les mesuresd'urgence. La bataille judiciaire doit-elle êtremenée en France, en Italie, aux États-Unis, auxPays-Bas ou ailleurs ? Les problèmes de droitinternational, et notamment de droit de la mer,peuvent rendre les procès longs, incertains,

aléatoires. Ce sont souvent en effet des épopéesqui commencent pour les justiciables, où lesquestions de preuve sont essentielles, ainsi quela résistance aux pressions. Les praticiens trèsexpérimentés que sont Christian Huglo etCorinne Lepage ont besoin de tout leur savoir-faire pour gérer des contentieux dans unematière, le droit de l’environnement, quin'existait pas et qu'il a fallu inventer et construire.Enfin, les victimes peuvent avoir tendance à selasser de leurs conseils, à vouloir faire cavaIierseul ; à chercher des indemnisations plus rapidesmais partielles. Pour l'avocat, le chemin de lajustice est rarement un long fleuve tranquille.Maître Huglo l'explique avec réalisme, humouret quelquefois colère...La Cour européenne des droits de l'homme a,elle aussi, fait preuve de créativité. LaConvention de sauvegarde des droits del'homme et des libertés fondamentales, qu'ellea pour tâche d'appliquer et de faire respecterpar les États, est muette sur l'environnement.C'est normal : elle date de 1950. Qui, à l'époque,en parlait ou même y pensait ? C'est en 1957que, prêchant encore dans le désert, Bertrandde Jouvenel écrivit son article précurseur Del'économie politique à l'écologie politique ; et cen'est qu'en 1972 que les Nations uniesorganisèrent à Stockholm la premièreConférence sur l'environnement.Mais la Cour de Strasbourg a fait de laConvention, en cette matière comme dansd'autres, une interprétation évolutive; selon elle,c'est un instrument vivant, à lire selon lesconditions de vie actuelles. À partir dudébut 1990, la Cour a considéré que le droit aurespect de la vie privée et familiale, et audomicile, englobe le droit à un environnementsain. Elle a appliqué ce principe à de nombreusesatteintes à l'environnement: le bruit causé parles vols de l'aéroport de Heathrow; les nuisancesolfactives dues à une station d'épuration deseaux; les émissions d'une usine chimique; lesnuisances sonores résultant de tapagesnocturnes, et bien d'autres cas. La Cour a estiméque, au nom de ses obligations, négatives etpositives, l'État était directement ouindirectement responsable des conséquences(souvent très graves), par exemple, del'exposition d'une personne à des essais

nucléaires et à leur rayonnement, comme del'accumulation de méthane sous une montagnede déchets près d'un bidonville, ayant entraînéune explosion mortelle. Elle a même connu del'affaire de la centrale nucléaire de Tchernobyl.Accueillant, par des arrêts de principe, lesrequêtes contre la Russie (successeur de l'URSS)de militaires affectés aux opérations de secoursd'urgence et n'ayant pas perçu les indemnitésdues pour les conséquences sur leur santé, laCour a affirmé la responsabilité, cette foisdirecte, de l'État dans le contexte de cettecatastrophe.Ainsi que l'auteur le note, la Cour de Strasbourg,comme celle de Luxembourg d'ailleurs (il endonne des exemples), prennent leur part desprocès pour l'environnement. Juges pour laliberté, les membres de la Cour européenne desdroits de l'homme sont sensibles aux droits despersonnes vulnérables, telles que le sont lesvictimes des nuisances et des catastrophesenvironnementales. Certes, saisis de recoursindividuels, ils ne protègent pas directement laplanète. Mais ils n'en concourent pas moins audroit international de l'environnement qui sedéveloppe, et dont Christian Huglo est unpartisan et un artisan.Puissent les lecteurs de ce livre comprendregrâce à lui que nous, êtres humains, vivons dansun monde dangereux, pas seulement à causedes guerres, du terrorisme, de la criminalité,mais aussi à cause des activités économiquesdestructrices de notre environnement; maisqu'il faut les prévenir et si ce n'est pas possibleen réparer les effets.Mon espoir est que peu à peu les sanctionssoient suffisament effectives et dissuasives pouravoir - aussi - une influence préventive.

Jean-Paul CostaPrésident de la Cour européenne

des droits de l'homme (2007-2011)Conseiller d'État honoraire

Président de l'Institut internationaldes droits de l'homme

L'exercice qui consiste à rédiger unepostface est toujours délicat. Il l'est icidoublement en ce qui me concerne.D'une part, cet ouvrage raconte une

large part de ce que fut ma vie professionnellejusqu'ici et ce que furent les combats juridiques,ou tout au moins certains d'entre eux, que j'aimenés avec l'auteur. D'autre part, la qualitéprécisément de l'auteur me rend la tâche trèsdifficile. Au delà des sentiments, le fait departager une vie dans toutes ses dimensionsexclut, bien évidemment, toute objectivité etexpose au double risque, lorsqu'il s'agit d'enparler, de l'impudeur et de l'impossible.Impudeur dans la mesure où ce que nouspartageons avec Christian Huglo n'appartientqu'à nous mêmes et n'a pas à être relaté;impossible dans la mesure où l'immense chance

que nous avons eue de pouvoir avoir encommun une vie professionnelle très riche etune vie personnelle heureuse est du domainede l'indicible.Cependant, en regardant dans le rétroviseur, jeme rends compte, chaque jour davantage, queni l'un ni l'autre n'aurait pu mener seul l'aventurecommune qui a été et est encore la nôtre. Unde nos confrères, plus âgé, disait souvent audébut de notre carrière, qu'à deux, nous faisionstrois. Une communauté complète de vue sur lesens des choses, la primauté de l'éthique, laresponsabilité majeure de notre génération auregard des questions écologiques nous onttoujours guidés. Le débat, la confrontation desstratégies, une forme de concours debrainstorming pour trouver les meilleursarguments, un travail de doctrine acharné ont

été les outils constants de notre travail commun.Les procès que nous avons conduits, soit queChristian les dirige, ce qui fut le cas pourl'Amoco Cadiz, soit que la responsabilité m'enincombe, ont toujours été menés en commun,avec la même ténacité, la volonté de gagner nonpas seulement parce que tel était notre métierd'Avocat, mais surtout parce que nous avionsconscience que dans un certain nombre de cas,il s'agissait de procès majeurs dont l'issue pouvaitavoir une incidence bien au delà des personnesen cause et du cas jugé.Notre volonté de faire progresser le droit del'environnement, dont Christian Huglo estincontestablement un des initiateurs, voirel'initiateur en France, avec l'affaire des bouesrouges, a été constante avec une véritablestratégie de construction - pendant que d'autres

Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26 31

Au fil des pages

Page 32: Edition du jeudi 18 avril 2013

Est-ce le hasard, ledestin ou la chance

qui m’ont conduit, enma qualité d’avocat,pendant plus dequarante ans, à jouerun rôle dans lacréation et ledéveloppement dudroit del’environnement ?

Quarante ans àessayer de changer leschoses dans undomaine difficile, maisvital pour les habitantsde la planète ? Bouesrouges de laMontedison, AmocoCadiz, pollution duRhin par les Mines depotasse d’Alsace,Erika, Cattenom,Creys-Malville...,autant de procès quej’ai dû monter à partirdes années 1975-1980, d’abord seul,puis avec CorinneLepage, au momentmême où le mot« environnement »n’existait pas.

Quarante ans à garderconfiance dans lesjuges et le droit, avecla certitude que pourque le droit nouveaunaisse, il fallait qu’ilémerge du droitancien.

Que de cheminparcouru, que dechemin à parcourirencore. C’est cevoyage que je vousinvite à découvrir, quevous soyez juriste ounon.

Un voyage qui vousmontrera ce dont lasociété civile estcapable en s’alliant àdes élus locaux debonne volonté. Unvoyage qui vousprouvera que jamais, ilne faut renoncer à unevie acceptable ethumaine sur terre,pour nous et nosdescendants.

Edition LexisNexis199 pages - 29,00 €

Avocats se faisaient une spécialité de ladéconstruction. Pour parodier le doyen Vedel,notre maître à tous, qui, lors des journéesEisenmann, soulignait qu'il faisait du droitadministratif positif cependant qu'Eisenmannfaisait du droit administratif négatif, je dirai quenous avons cherché à faire du droit del'environnement constructif cependant qued'autres s'évertuaient à le faire destructif, voiredestructeur.Car le droit est probablement un des vecteursles plus puissants de la grande transition danslaquelle nous sommes engagés. En effet,politique et juridique entretiennent des rapportsextrêmement étroits et en même tempsconcurrentiels. C'est le politique qui fixe le cadreen votant la loi et en acceptant de se lier par desconventions internationales. Mais, le politiquese trouve par ailleurs les mains liées lorsqu'ils'agit d'appliquer un droit qui contrevient à desintérêts économiques et financiers que lepolitique, pour une raison ou une autre, ne veutpas contrarier. Le droit devient alors un outil auservice de l'intérêt général et de la société civilepour faire en sorte non seulement que l'État dedroit trouve une réalité dans « la vraie vie », maisencore que des intérêts incompatibles avecl'intérêt général l'emportent pour des raisonssouvent mauvaises, parfois inavouables. C'estalors que le Juge peut faire son oeuvre, lorsqu'il

en a le courage et que les textes lui en ouvrentla possibilité, l'innovation et l'imaginationjuridique n'étant évidemment pas interdites.Dans ce halo mouvant de transformation dumonde et des rapports de force, le droit et leprocès jouent un rôle moteur en créant unedynamique et en permettant que le Juge puisses'abstraire de considération autre que juridiquepour dessiner ce que doit être l'évolution de lasociété. Certes, le Juge n'est pas en dehors de lacité et il ne peut oublier un contexteéconomique, financier, social ou politique. Pourautant, il n'est pas soumis à la pression quis'exerce sur le politique lorsqu'il s'agit de choisirentre des intérêts généraux divergents, voiretotalement contradictoires. C'est en cela que leJuge, s'appuyant sur les principes générauxautant que sur la lettre des textes, est en capacitéde créer la jurisprudence comme outild'adaptation progressif du droit à latransformation de la société et de la société àl'évolution du droit.Les explications, et pour une part, les histoiresqui sont relatées dans les lignes qui précèdent,participent de l'écriture de l'Histoire nonseulement du droit de l'environnement, maisde la manière dont s'effectue la transition entreune société de l'après-guerre, de lareconstruction, du productivisme et de la foidans le progrès et une société consciente des

ravages sur le plan de l'environnement et de lasanté du modèle choisi, de la nécessairesoutenabilité du développement, de ladilapidation au bénéfice de quelques uns ducapital collectif et du bien commun. Pour mapart, je ne doute pas que l'Amoco Cadiz etl'Erika, Creys-Malville et Cattenom, les bouesrouges, le sel des Mines de potasse dans le Rhin,sans parler des procès O.G.M ou amiante,contribuent à écrire la saga et les errements dutournant du XXe siècle, en attendant les procèsde demain autour du changement climatique,des nanotechnologies, des pesticides ou des gazde schiste qui ne manqueront pas etcontraindront, en espérant que ce ne sera pastrop tard, l'humanité à garder une certainesagesse pour éviter l'éffondrement qui guettetoutes les civilisations qui n'ont pas susauvegarder le milieu qui les avait accueillies.

Corinne Lepage Avocat à la CourDéputé européen

Ancien Ministre de l'Environnement (1995- 1997)

2013-311

32 Les Annonces de la Seine - jeudi 18 avril 2013 - numéro 26

Au fil des pages