dossier - agridées · 2018. 10. 29. · p. 26 † daregal, leader mondial des herbes aromatiques...

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L’agriculture d’entreprise – L’agriculture pratique 179 e année Numéro 223 Juin 2016 Prix au numéro : 8 DOSSIER Et si les équidés étaient mieux intégrés dans la politique agricole ? COUVs 223_223 22/07/16 09:37 PageCOUV1

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  • L ’ a g r i c u l t u r e d ’ e n t r e p r i s e – L ’ a g r i c u l t u r e p r a t i q u e • 1 7 9 e a n n é e

    Numéro 223 Juin 2016 Prix au numéro : 8 €

    DOSSIEREt si les équidés étaient mieux intégrés dansla politique agricole ?

    COUVs 223_223 22/07/16 09:37 PageCOUV1

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  • É D I T O R I A L

    Forme juridique : association loi 1901 reconnue d’utilité publique • Directeur de la publication : Laurent Klein• Rédacteur en chef : Patrick Ferrère • Rédactrice en chef adjointe : Isabelle Delourme • Abonnements : Christelle Vasseur• Maquette, composition et photogravure : C.A.G., 169, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75011 Paris • Ont participéà ce numéro : Y. Berger, G. Boone-Bartoli, C. Bourguignon, M.-C. Damave, B. Day, I. Delataille, I. Delourme, J.-B.Millard, D. Nedelec, B. Peignot, C. Sédillot • Liste des a nnonceurs : saf agr’iDées, SPACE • Crédit photo de couverture :© Fotolia • Dépôt légal : à parution • Imprimerie : Apothem, 47, rue Alexandre-Dumas, 59200 Tourcoing• Abon ne ment : 48 euros TTC • N° de Commission Paritaire de Presse : 1218 G 83987 • La reproduction,même partielle, de tout matériel publié dans la revue, sous quelque procédé que ce soit, est strictement interdite• ISNN : 0339-4433 • Périodicité bimestrielle.

    3Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    Agriculteurs de France est une revue éditée par la Société des Agriculteurs deFrance : 8, rue d’Athènes, 75009 Paris. Tél. : 01 44 53 15 15. Fax : 01 44 53 15 25.E-mail : [email protected]. Internet : www.safagridees.com

    Le monde du cheval, à la croisée des cultures

    Catherine HalbwachsAdministratrice de saf agr’iDées

    © D

    R

    Lors de l’agr’iDay du 2 juin 2016, organisé par saf agr’iDées, la place du cheval

    dans la politique agricole commune a été largement questionnée, mettant en

    exergue la mutation que vit aujourd’hui le cheval dans notre société.

    Certains auteurs considèrent que le monde du cheval a connu depuis les

    années 50 une révolution aussi majeure que la généralisation de la cavalerie

    il y a 3 000 ans.

    Avec la motorisation des transports, de l’agriculture et des armées, le cheval

    est passé de la sphère de l’utilitaire, de l’indispensable, du travail, à celle des

    loisirs. Ce passage, réalisé avec succès, s’est accompagné d’un formidable

    développement des activités équestres (2,2 millions de pratiquants et 700 000

    licenciés des sports équestres).

    Parallèlement, on assiste à un bouleversement sociologique, le mythe du noble

    chevalier millénaire a vécu, l’homme de cheval d’aujourd’hui est une jeune

    fille issue des classes moyennes.

    Permettre l’adaptation des filières économiques Dès lors on comprend mieux le changement de paradigme que le statut de

    cheval vit aujourd’hui entre animal de rente résolument agricole et celui

    d’animal de compagnie dont il se rapproche.

    Comme le dit Jean-Pierre Digard : le monde du cheval est aujourd’hui à la

    croisée des cultures, les unes en voie de disparition, les autres en cours de

    formation. Comprendre, accompagner ce choc est indispensable pour

    permettre l’adaptation des filières économiques du cheval et donc leur déve-

    loppement. Le monde agricole a tout à gagner, car le cheval est sans aucun

    doute son meilleur ambassadeur dans ce monde qui se métropolise. Un lien

    vivant, plein d’émotions entre ce qui fut et ce qui sera, tant il est vrai qu’il

    porte l’humanité. n

    P 03-04 Edito-somm_223 22/07/16 09:37 Page3

  • p. 28 • Entreprise du Patrimoine Vivant :la Tonnellerie de Champagne

    p. 29 • Moutarde, fleurs comestibles ettapis horticoles : l’innovation aucœur de l’Eure-et-Loir

    S O M M A I R ENuméro 223 – Juin 2016 – 179e année

    La filièrelaitière

    La filièrelaitière

    Au sommaire du n° 224,août 2016

    À retourner sous enveloppe affranchie avec votre règlement à :

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    ENTREPRISEÉDITORIAL

    DOSSIERp. 12 •Mieux intégrer les équidés dans la politique agricole

    p. 5 • Des entreprises agricoles faceaux marchés

    p. 5 • L’année 2015 de saf agr’iDéesen vidéo

    p. 6 • Du producteur spéculateur augestionnaire de risque

    p. 7 • Produits agricoles : une offre abondante et unedemande asiatique en hausse

    p. 8 • Meunerie : de nouvelles ambitions

    p. 9 • Regards sur...l’Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiers

    p. 10 • Les rôles des outils numériques, actés par les instances internationalesp. 11 • Technologies Clés 2020

    FORUM

    SAF AGR’IDÉES

    p. 28

    p. 3 • Le monde du cheval, à la croisée des cultures

    p. 30 • Les arts équestres,symboles des relationsentre l’homme et le cheval

    Numéro 223 Juin 2016 Prix au numéro : 8 €

    L ’ a g r i c u l t u r e d ’ e n t r e p r i s e – L ’ a g r i c u l t u r e p r a t i q u e • 1 7 8 e a n n é e

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    p. 25 • Loi Sapin II : bientôtdavantage de prérogativespour les Safer

    p. 26 • DAREGAL, leader mondialdes herbes aromatiquessurgelées

    p. 26

    CULTURE

    p. 7

    P 03-04 Edito-somm_223 22/07/16 09:38 Page4

  • Des marchés de plus en plus volatils, uneredistribution des soutiens européens,la fin des garanties de volumes... Plus quejamais, les chefs d’entreprise agricole doivents’adapter à des situations susceptibles de mettreen péril économiquement leurs activités. Commel’ont expliqué trois agriculteurs (lait, vin, céréales),le 9 juin 2016, lors de la Conférence-débat de safagr’iDées(1), une des solutions passepar une différenciation de l’offre.Producteur de légumes près dePerpignan (66), Jean Sales, a choisidès 1987 de s’orienter hors de laproduction de masse. « En me lan-çant dans la production de mini-légumes, j’aicherché à créer et capter de la valeur » explique-t-il. Cette différenciation a retenu l’attentiondes restaurateurs, et lui permet d’être reconnucomme spécialiste et de vendre ses produits surla base d’un prix d’acceptation et non plus duseul coût de production.En viticulture, il y a trente ans, les viticulteurs sepréoccupaient quasi uniquement du volume,n’étant presque pas confrontés au marché, alorsqu’aujourd’hui, tous y sont exposés. « Nousavons fait notre révolution culturelle » fait remar-quer Jean-Louis Salies, viticulteur près dePerpignan et ancien président du CNIV. « Cemarché qui s’impose à vous a modifié ce qui“sortait” des exploitations. Chaque vigneron,

    REPÈRE

    5Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    FORUMAssemblée générale 2016

    Des entreprises agricolesface aux marchésFace aux soubresauts des marchés, trois chefs d’entreprise agricoletémoignent de l’importance des stratégies de différenciation.

    Isabelle Delourme

    Déterminer la capacité de résilience des agriculteursDans ce monde en pleine évolution, les banquiers font aussi évoluerleurs critères d’analyse de la situation économique des entreprises agri-coles. Cyrille Brousse est responsable du marché de l’agriculture à laBanque Populaire Val de France. Il explique que « L’agriculture se rapprochede plus en plus de la PME dans l’analyse des banques »(1). Plus que l’ana-lyse de la rentabilité de productivité, c’est désormais la rentabilité de mar-ché qui est scrutée. L’examen des coûts de production reste fondamental,mais les banquiers s’intéressent de très près à la capacité de résistance desagriculteurs à faire face à la flexibilité des cours (EBE de résilience). Ils sontdonc amenés à élaborer des matrices de risques et de gains, et à travaillerde plus en plus avec l’ensemble des partenaires du monde agricole pouranalyser plus finement les dossiers de financement. I. Delourme

    Financements

    Cyrille Brousse estresponsable du marchéde l’agriculture à la BanquePopulaire Val-de-France

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    producteur individuel ou coopérateur est enconcurrence avec son voisin, tout en étant com-plémentaire, car le marché est basé sur desmarques collectives ou individuelles. »Patrick Durand, secrétaire général de safagr’iDées et Président de la Coopérative céréa-lière de Boisseaux (45) a aussi témoigné de lanécessité de « produire pour un marché ». La

    segmentation de la production des120 agriculteurs de la coopérative,via la contractualisation volontaire(contrats de semis, filière CRC ®(Culture raisonnée certifiée, contratpluriannuel McDonald’s...) permet à

    ses adhérents d’obtenir un différentiel, particu-lièrement intéressant en période de prix bas.Les secteurs bovins lait et bovin viande pourront-ils y parvenir ? C’est ce qu’espèrent les représen-tants de ces filières, faisant écho aux notes lait etviande publiées en 2015 par saf agri’Dées(2). n

    (1) « Les entreprises agricoles face aux marchés ».Conférence-Débat organisée par saf agr’iDées le 9 juin2016, à la suite de l’assemblée générale 2016. Vouspouvez retrouver les interventions vidéo de tous lesintervenants sur www.safagridees.com.Voir aussi d’autres articles sur ce thème en page 6.(2) http://www.safagridees.com/publication/viande-bovine-cinq-defis-a-relever/ ;http://www.safagridees.com/publication/viande-bovine-cinq-defis-a-relever/

    Créer de la valeur

    ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 2016

    L’année 2015de saf agr’iDéesen vidéo À l’occasion de son assembléegénérale, saf agr’iDées aprésenté pour la première foisson rapport d’activité de l’année2015 sous la forme d’un film de36 minutes. Une innovation quivient compléter la panoplie desoutils de communicationmultimodaux du think tank,afin de permettre au plus grandnombre de découvrir ses thèmesde réflexion. Accessible via lesite internet de saf agr’iDées(1)

    ou via le site Youtube, la vidéomet particulièrement enévidence les acteurs de laréflexion de saf agr’iDées. Damien Bonduelle, présidentactuel de saf agr’iDées etsecrétaire général en 2015, qui asuccédé à Laurent Klein, anotamment souligné la diversitédes sujets traités et remercié laparticipation active desadministrateurs, adhérents oupersonnalités invitées qui ontcontribué à enrichir les travauxdu think tank.Outre la pertinence desconférences-débats (agr’iDay,agr’iDébat) qui ont étéorganisées, et pour la plupartfilmées et mise en accès libre surle site internet de saf agr’iDées,plusieurs notes de think tank ontégalement été publiées en 2015et téléchargeables gratuitement.Tous ces sujets développés ausein des groupes de réflexion,continuent de vivre et d’êtrediffusés, grâce à la montée enpuissance de saf agr’iDées surInternet et sur les réseauxsociaux.

    Isabelle Delourme

    (1) http://www.safagridees.com/rapport-dactivite-2015/

    P 05-08 Forum_223 22/07/16 09:39 Page5

  • Depuis les années 90, la Politiqueagricole commune (Pac) a abordéle démantèlement des prix garan-tis pour laisser les agriculteurs face auxmarchés mondiaux. Il n’aura pas fallulongtemps pour que les exploitants fran-çais prennent de plein fouet les consé-quences de leur instabilité. En 2010 parexemple, les cours du blé se sont effon-drés, et le bilan des fermes françaises asuivi inexorablement la tendance. Etpourtant, des outilsexistent pour se pro-téger de cette volatilitéinhérente à un marchéqui peine à adapterson offre à une demande en constanteaugmentation.Jusqu’alors, les exploitants disposaient dedeux méthodes de commercialisationauprès de leurs organismes collecteurs :le prix moyen du marché observé lors dela campagne, ou un prix fixe prédéter-miné. Ces outils simples sont certes par-

    faitement adaptés à des situations de prixrémunérateurs et stables, mais ils s’avè-rent insuffisants pour gérer les situa-tions particulières de nombreuses exploi-tations ainsi que les périodes de prixdégradés ou de forte volatilité.Tout un ensemble de solutions complé-mentaires de commercialisation ont doncété progressivement développé pourgérer les marges des producteurs :contrat avec option, prix indexé sur

    Euronext, prix mini-mum, contrat de pro-duction, marchés àterme, etc.La boîte à outils s’est

    ainsi beaucoup enrichie et les agricul-teurs peuvent y avoir accès directement,ou par l’intermédiaire de leur organismestockeur. Néan moins, leur utilisationnécessite une formation pour les appré-hender. Il est de surcroît nécessaire deréaliser au préalable un diagnostic sur lesatouts (présence de stockage sur la

    ferme...) et les contraintes (trésorerie...)de chaque exploitation. Il s'avère doncnécessaire de fixer des objectifs de com-mercialisation pertinents et d’établir unplan d’action clair.Savoir quand et comment vendre sa pro-duction représente par ailleurs un défi detaille qui demande beaucoup de tempset d’investissement. Les marchés sontglobalisés et leur analyse est en effettrès compliquée. Cette difficulté n’estd’ailleurs pas étrangère à la volatilité : lesopérateurs et les fonds d’investissementsréagissent brusquement à la moindreinformation, et les prix explosent ou s’ef-fondrent violemment. Des organismesde formation et des conseillers de mar-ché se sont donc développés pouraccompagner les agriculteurs dans lacommercialisation de leur production.Cette nouvelle compétence que doiventdévelopper les exploitants est sûrementl’une des plus difficiles à maîtriser. Elle estcependant indispensable car el leconcerne le revenu du producteur et lapérennité de son exploitation. Deux sujetsà fort contenu émotionnel qui peuventrapidement pousser à une prise de déci-sion mal éclairée.Maîtriser les marchés est certes inenvi-sageable, mais il est possible de réduiresignificativement leur impact sur l’ex-ploitation par un investissement en for-mation personnel et un accompagne-ment d’expert de la gestion de risque. n

    6 Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    Du producteur spéculateur au gestionnaire de risqueLe monde des matières premières agricoles a définitivement changé. Lesagriculteurs sont de plus en plus seuls face à la volatilité, néanmoins lesmarchés offrent les outils nécessaires à tout un chacun pour assurer sesmarges et la pérennité de son exploitation.

    Didier Nedelec, directeur groupe ODA

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    eSavoir quand etcomment vendre

    Bien gérer son entreprise« Saisir les opportunités offertes en veillant auxcoûts de production »« La gestion des exploitations agricoles se fait avec des gradiationsdifférentes » a expliqué Patrick Van Damme, expert-comptable, direc-teur d’AS76, administrateur saf agr’iDées, lors de la conférence-débat du 9 juin 2016 « les Entreprises face aux marchés ». En pratique,certains chefs d’entreprises ont des préoccupations fiscales et socialesqui passent avant la gestion économique. Il a ainsi regretté que de nou-veaux dispositifs tels que la DPI (déduction pour investissement),qui permet de déduire une partie du revenu pour investir aient été misen place avant la DPA (Déduction pour Aléas) qui offre la possibilitéde reprendre une partie de la trésorerie bloquée sur un compte spé-cifique pour alimenter le compte courant. D’autres dispositions légis-latives et réglementaires pourraient toutefois aider au développement

    des entreprises. Ainsi, la valeur économique des éléments incorporels de l’exploitation agricole pour-rait être incorporée au fonds agricole, dès le début de l’activité. Autre piste, le fonds agricole pour-rait être nanti en cas de besoin. Enfin tous les revenus professionnels civils ou commerciaux pour-raient être regroupés dans une seule cédule fiscale pour alléger les contraintes.Autant de mesures qui permettraient de donner un peu d’oxygène à des entreprises aux prises avecdes marchés de plus en plus instables. Isabelle Delourme

    Pour Patrick Van Damme, de nouvelles mesures fiscales etjuridiques sont souhaitables.

    Pour Didier Nedelec, directeur généraldu Groupe ODA, la sécurisation des marges des

    agriculteurs passe par un investissement personnelet un accompagnement à la gestion de risque.

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    FORUMCommercialisation

    P 05-08 Forum_223 22/07/16 09:39 Page6

  • FORUMMarchés mondiaux

    L’analyse conjointe des derniers rap-ports de la FAO, de l’USDA et deCyclope(1) permet de comprendreque nous sommes aujourd’hui sur lesmarchés mondiaux de produits agricolesdans une situation d’offre abondante, destocks élevés, et donc de prix plutôt basau niveau mondial. D’où le titre du rap-port Cyclope 2016 : « à la recherchedes sommets perdus ». La tonalité de cerapport est assez morose concernant lestendances de prix sur les marchés inter-nationaux, et ne prévoit qu’à moyen-long terme un choc de la demande enprovenance de l’Inde et des pays afri-cains(2). Les dernières estimations de laFAO sont moins pessimistes. Elles souli-gnent en effet la hausse de la demandeasiatique, et pas seulement en Chine. Lesproduits concernés par cette tendancesont divers (soja, poudres de lait, etviande de porc en particulier) et portentsur des volumes importants. Les mar-chés pourraient donc se retourner plustôt que certains ne le prévoient.Examinons plus précisément la situationproduit par produit.En blé, la production mondiale qui s’éle-vait à 734 millions de tonnes en 2015-2016, devrait rester élevée en 2016-2017 : entre 724 et 731 millions detonnes selon les estimations. Les stocksdevraient rester à des niveaux très éle-vés en 2016-2017, au-delà de 210 mil-lions de tonnes. L’Union européennereprésente 22 % de la production mon-diale de blé. Elle est attendue en légèrebaisse cette année, passant de 160 mil-lions de tonnes en 2015-2016 à 154-157 millions de tonnes selon les sources.Les chiffres pourraient être révisés à labaisse avec des rendements finalementplus bas que prévu.En maïs, la production mondiale estattendue à la hausse passant de 966-970 millions de tonnes en 2015-2016 à1 milliard de tonnes en 2016-2017 selon

    les estimations. Une bonne récolte estattendue aux États-Unis, qui produisentplus d’un tiers de la production mon-diale. La production européenne, qui nereprésente que 6 % de l’offre mondialede maïs, devraitpasser de 58 mil-lions de tonnes en2015-2016 à64 mill ions detonnes en 2016-2017, grâce à demeilleurs rendements qu’en 2015, oùils avaient été limités par la sécheresse.En colza, la production mondiale estestimée stable à plus de 66 millions detonnes, dont 22 millions produits enEurope. La production mondiale de tournesol est attendue en hausse,passant de 39 millions de tonnes en2015-2016 à 42 millions de tonnes en2016-2017. L’UE contribue à hauteurde 20 % à ces volumes. Les productionsukrainienne et européenne sont atten-dues en hausse en 2016-2017. Maisc’est le soja qui domine le monde desoléagineux, avec 60 % de la productionmondiale. Une récolte abondante estprévue en cette année 2016-2017,

    à 324 mil l ions de tonnes contre313 millions de tonnes l’année précé-dente. États-Unis et Brésil sont les deuxleaders de ce marché avec 103 millionsde tonnes attendues pour chacun.

    L’abon dance decette récolte de vraitpermettre à l’alimentd’avoir un pr ixattractif pour les éle-

    veurs de l’UE.L’UE est un des principaux producteursmondiaux de produits laitiers .L’augmentation de la production lai-tière mondiale en 2016 pousse les prixà la baisse et les stocks s’accumulent(3).

    7Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    Produits agricoles : une offre abondanteet une demande asiatique en hausseÀ la « mi-temps » de l’année en cours, cette période est l’occasion de faire un premier bilan des marchés mondiaux des produits agricoles.

    Marie-Cécile Damave

    Production de blé :l’UE en légère baisse

    Les marchésmondiauxde produitsagricoles sontactuellementdans unesituationd’offreabondante,de stocksélevés, et doncde prix plutôtbas au niveaumondial.

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    ◗◗◗

    (1) FAO (juin 2016) Perspectives de l’ali-mentation – les marchés en bref ; USDA(juin 2016) World Agricultural Production ;Cyclope (2016) Les marchés mondiaux –matières premières, monnaies, services, agri-culture, énergie, finance, industrie, commo-dités – À la recherche des sommets perdus,Economica.(2) Analyse de saf agr’iDées (26 mai 2016) :Cyclope 2016 : en attendant le choc desdemandes indienne et africaine... publiéesur notre site internet.

    P 05-08 Forum_223 22/07/16 09:39 Page7

  • FORUMIndustrie

    Pour la FAO, les signaux de marchéssont plutôt encourageants en prove-nance de l’Asie, dont la demandedevrait progresser en 2016. C’est lecas de la poudre de lait écrémée enChine, au Vietnam, aux Philippines, enMalaisie, en Thaïlande, en Indonésieet à Singapour. Idem pour les importa-tions chinoises de poudre grasse, quidevraient rebondir après la baisse de2015. Ces perspectives devraient êtrefavorables aux exportations françaisesen 2016. Une bonne nouvelle pour nosproducteurs, dont la situation écono-mique reste tendue.L’UE est un grand producteur de viandebovine mais est peu engagée sur lesmarchés internationaux. La productionmondiale de ce produit est stable à68 millions de tonnes, mais seulement9 mil l ions de tonnes font l ’objetd’échanges commerciaux à travers lemonde, assurés essentiellement par leBrésil, l’Inde et l’Australie. Il n’en est pas de même pour la viandede porc. La FAO prévoit une productionmondiale à 116 millions de tonnes en2016. Sur ces volumes, un peu plus de7 millions de tonnes sont exportées.L’UE est le premier exportateur mon-dial de viande de porc, avec 2,5 millionsde tonnes exportées en 2016 selon laFAO, devant les États-Unis. En 2015, lesexportations européennes avaient étémises à mal par l’embargo russe, maiselles ont été réorientées vers d’autresdestinations (la Chine en particulier).Le retrait des produits européens sur lemarché russe en 2015 a été favorableaux produits brésiliens. C’est en directionde la Chine que les exportations euro-péennes devraient progresser en 2016selon la FAO.Enfin, l’UE est le troisième exportateurmondial de viande de volaille (1,3 millionde tonnes attendues en 2016 selon laFAO), loin derrière le Brésil (4,5 millionsde tonnes) et les États-Unis (3,5 mil-lions de tonnes). En 2015, les exporta-tions brésiliennes ont augmenté signifi-cativement en direction de la Chine, del’Arabie Saoudite, du Japon et des Émirats Arabes Unis en particulier. n

    ◗◗◗

    8 Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    (3) Analyse de saf agr’iDées « Marchés lai-tiers : bilan 2015 et orientations 2016 » du24 mars 2016 publiée sur notre site internet.

    Cette organisation professionnelle quiregroupe 94 % des meuniers français adonc identifié trois axes de travail pourredonner à la meunerie « une identité plusforte et une légitimité unique, au sein de lafilière céréalière et du secteur agroalimentairefrançais ». Ce programme entend encouragerles entreprises à investir pour optimiser la pro-duction et la logistique, à développer la R&Det l’innovation et également à se valoriser encommuniquant davantage notamment auprèsdu grand public.Deuxième producteur européen de farine, der-rière l’Allemagne (voir la note publiée parsaf agr’iDées en 2014[1]) et dixième mondial, lameunerie française fait face depuis cinq ans àune érosion de ses parts de marché. En cause :une baisse de la consommation intérieure, uneaugmentation des importations defarine (essentiellement en provenanced’Allemagne – 175 000 t en2011/286 000 t en 2015) et unenette baisse de l’export (forte concur-rence de la Turquie).Sur le marché national, la « taxe farine » estmise en cause et l’ANMF demande sa sup-pression. Destinée à abonder le budget de laMSA, cette taxe qui s’élève à 15,24 €/ tonnede farine commercialisée sur le marché intérieur,représente l’équivalent de l’EBE de la meune-rie (environ 62 millions d’euros/an). « Elle posedes problèmes de distorsion de concurrence »a souligné Bernard Valluis, président délégué del’ANMF. Il a expliqué que les produits manu-

    facturés introduits en France n’y sont pas sou-mis et que le mode déclaratif laisse planer desdoutes, compte tenu du doublement des intro-

    ductions de farine dans les cinqdernières années.À l’export, la Turquie a pris desparts de marché à l’UE et aux USA,en raison d’un prix de la farineextrêmement compétitif. Le sys-

    tème de subventions turc associé à des impor-tations sans droit de douane aurait fait l’objetd’une plainte à Genève des producteurs deblé américains. En dépit des demandes de lameunerie française, l’Union européenne n’a passouhaité pour l’instant aller dans le mêmesens, au grand regret des meuniers français. n

    1. http://www.safagridees.com/publication/france-allemagne-forces-et-faiblesses-de-lagriculture-et-agro-industrie

    Meunerie : de nouvelles ambitionsLe rôle des industriels de la meunerie dans l’activité nationale etrégionale n’est pas assez connu. C’est fort de ce constat que LionelDeloingce, président de l’Association nationale de la meunerie française(ANMF) a présenté à la presse le 16 juin 2016 le programme « Meunerie :nouvelles ambitions ».

    Isabelle Delourme

    Supprimerla « taxefarine »

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    Quelques chiffres La meunerie française se place au 2e rang européen et au 10e rang mondial pour la production defarine.◗ En 2015, on comptait 427 unités de production représentant 360 entreprises et employant6 000 personnes.◗ La meunerie française a utilisé 5,34 millions de tonnes de blé et produit 4,17 millions de tonnesde farine (dont 389 640 tonnes à l’export). 62 % sont destinées à la panification. 35 moulins de plusde 50 000 t (8 % du total) ont écrasé 3,41 Mt (64 % de l’écrasement total).Son activité a généré en 2015 un chiffre d’affaires de 1,9 milliard d’euros (dont 175 millions d’eurosà l’export).

    La Turquie concurrence fortement la Francesur ses exportations de farine, souligneBernard Valluis, président délégué de l’ANMF.

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  • Regard sur...

    L’Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiersStéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt a installé,le 21 juin 2016, l’Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiers (OENAF).Prenant la suite de l’Observatoire de la consommation des espaces agricoles, avec unecompétence élargie aux espaces naturels et forestiers, il devient une instance de réflexionet de débats, pour guider l’ensemble de la société vers une utilisation économe des solsagricoles, naturels et forestiers.Cet observatoire, placé auprès du ministre : – est chargé d’élaborer des outils pertinents pour mesurer le changement de destinationdes espaces naturels, forestiers et agricoles et homologuer des indicateurs d’évolution ;– d’évaluer la consommation de ces espaces en coopération avec les observatoires régionauxdes espaces naturels, agricoles et forestiers ;– d’apporter un appui méthodologique aux collectivités territoriales et aux commissionsdépartementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers pour l’analysede leur consommation.L’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers s’appuie pour effectuer ses missionssur les travaux et les outils de l’Institut national de l’information géographique et forestière.Présidé par la députée de l’Hérault Fanny Dombre-Coste, il est composé d’un sénateur,des présidents des associations de collectivités territoriales, de représentants de l’État, desorganisations professionnelles agricoles et forestières et des associations environnementales.

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    Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016 9

    Page réalisée en partenariat avec la photothèque du ministère de l’Agriculture – http://photo.agriculture.gouv.fr

    Forêt des Cévennesardéchoises composée

    de pins maritimes et dechâtaigniers. Reconnue

    Groupement d’intérêtéconomique et

    environnemental forestier(GIEEF), l’Association

    syndicale libre de gestionforestière (ASLGF)

    des Cévennes ardéchoisesréunit des propriétaires

    privés volontairesde parcelles forestières de

    toutes surfaces. Sonobjectif : entretenir

    et valoriser la forêt parune gestion durable.

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  • FORUMInternational

    L e Forum annuel de l’OCDE, quis’est tenu les 31 mai et 1er juin2016 à Paris, s’est particulière-ment focalisé sur le développement del’économie numérique à travers lemonde (1). Ce fut l’occasion pour lasecrétaire d’État française chargée dunumérique, Axelle Lemaire, de mettreen avant le positionnement de laFrance, à l’avant-garde des pays enga-gés dans cette voie inno-vante, avec une « FrenchTech » dynamique et unenvironnement favorableaux affaires et aux start-up. Pour elle, « les nou-veaux outils numériques bouleversentles relations institutionnelles et le fonc-tionnement de la société, au bénéficedu “pouvoir d’agir” de chacun, de sacapacité à participer et à contribuer à ladécision et à la production ».

    Elle a en outre souligné les problèmesde couverture du territoire en télépho-nie mobile et en très haut débit quitouchent certaines de nos régions agri-coles (2).À la suite de ce forum, l’OCDE a conviéla troisième réunion ministérielle du21 au 23 juin 2106 à Cancun auMexique, consacrée à l’économienumérique (3). L’OCDE s’intéresse par-

    ticulièrement à cettethématique, car cesinnovat ions doiventpour elle se développer« dans une optique stra-tégique pour relever cer-

    tains défis essentiels, dont font partiela lutte contre le chômage et les inéga-lités de même que l’éradication de lapauvreté (4) ». Pas de mention spécifique à l’agricul-ture dans ces travaux de l’OCDE. Parcontre, l’importance des Technologiesde l’information et de communication(TIC) dans l’agriculture a été soulignéepour la première fois par le G20(groupe des vingt pays les plus puis-sants du monde), le 3 juin 2016, dansle communiqué (5) des ministres del’Agriculture des pays membres, réunisà Xi’an en Chine. Ce troisième G20agricole (le premier s’était tenu à Parisen 2011 sous présidence française)avait pour fil conducteur l’innovationagricole et le développement durable.Il a conclu que les TIC sont « à la por-tée des agriculteurs, notamment despetits exploitants et des agriculteursfamiliaux, pour leur fournir des infor-mations en temps voulu sur les mar-chés, permettre des pratiques agricolesdurables et efficaces, et de nouvellestechnologies ».Le communiqué final du G20 agricole2016 poursuit « Internet et l’agriculturemoderne, dont internet et les applica-

    tions mobiles, les outils de communi-cation, une meilleure connectivité avecdes infrastructures et des réseaux decommunication, ainsi que les banquesd’informations numériques, peuventêtre sources de valeur ajoutée, alimen-ter la distribution et le commerce deproduits agricoles au niveau mondial ». Pendant cette réunion ministérielle duG20, le Commissaire européen à l’agri-culture Phil Hogan a indiqué qu’« ilexiste une nouvelle vague d’innova-tion des TIC dans et pour l’agriculture,dont l’internet des objets, l’informa-tique du “Cloud”, et les “Big Data” »,et que « les technologies d’agriculturede précision peuvent contribuer àrépondre à la demande alimentairemondiale croissante tout en assurant ladurabilité de la production primaire,grâce à une gestion de la productionplus précise et utilisant les ressourcesplus efficacement ». Les travaux du groupe de travail desaf agr’iDées sur les « Big data : quelsusages pour l’agriculture d’aujourd’huiet de demain ? » sont, on le voit, plusque jamais d’actualité (6) ! n

    (1) www.oecd.org/fr/forum.(2) www.observateurocde.org/news/fullstory.php/aid/4037/Pour_une_r_E9volution_num_E9rique_inclusive.html.(3) www.oecd.org/fr/internet/ministerielle/reunion.(4) www.oecd.org/fr/internet/perspectives-de-l-economie-numerique-de-l-ocde-9789264243767-fr.htm.(5) www.g20.org/English/Documents/Current/201606/t20160608_2301.html.(6) Retour sur l’agr’iDébat du 2 février 2016 :« Plateformisation de l’agriculture : nou-veaux services, nouvelles perspectives »,www.safagridees.com/publication/points-cles-de-lagridebat-la-plateformisation-de-lagriculture-nouveaux-services-nouvelles-perspectives.

    10 Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    Les rôles des outils numériques, actés par les instances internationalesPendant les mois de mai et juin, l’OCDE s’est focalisée sur le développement de l’économie numérique,tandis que le G20 agricole soulignait, pour la première fois, l’importance des Technologies del’information et de communication (TIC) dans et pour l’agriculture.

    Marie-Cécile Damave

    Lors du forum 2016 de l’OCDE, la secrétaire d’État françaisechargée du numérique, Axelle Lemaire, a mis en avant

    le positionnement de la France, à l’avant-garde des pays engagésdans cette voie innovante, avec une « French Tech » dynamique

    et un environnement favorable aux affaires et aux start-up.

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    À la portée desagriculteurs

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  • INDUSTRIE

    Technologies clés2020Pour tous ceux qui s’intéressentà l’industrie du futur et auximplications que l’innovation peutavoir sur les entreprises agricoleset agroalimentaires, la lecture del’étude « Technologies Clés 2020,préparer l’Industrie du futur »s’impose.Ce document de 640 pages a étéremis à Emmanuel Macron,ministre de l’Économie, del’Industrie et du Numérique parPhilippe Varin, président duCercle de l’Industrie, à l’occasiondu point d’étape sur la NouvelleFrance Industrielle organiséle 23 mai 2016 (1).Il identifie 47 technologiesstratégiques pour la compétitivitéet l’attractivité de la France dansles cinq à dix années à venir, ainsique les opportunités à saisir pourconquérir de nouveaux marchés.Ces technologies clés trouvent leursapplications dans les domaines del’alimentation, de l’environnement,de l’habitat, de la sécurité, de lasanté et du bien-être, de la mobilité,de l’énergie, du numérique, ouencore des loisirs et de la culture.

    Camille Bourguignon

    (1) http://www.entreprises.gouv.fr/politique-et-enjeux/technologies-cles-2020.

    11Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    REPÈRE

    FORUMPolitique internationale

    Le résultat inattendu du référendum bri-tannique a eu pour conséquence de pro-voquer immédiatement une déstabilisationdes marchés financiers et une crise politique quia entraîné la démission du Premier ministrebritannique, David Cameron, puis celle de plu-sieurs autres personnalités politiques des deuxcamps. Une situation qui a également conduità d’importantes interrogations de la part detous les acteurs politiques et économiqueseuropéens. En effet, bien que la sortie d’unÉtat membre soit prévue dans les grandes lignespar l’article 50 du traité sur l’Union européenne,les modalités pratiques ne sont pas détaillées,ni l’échéance précise. En matière agricole, la sortie de l’Union euro-péenne implique que le Royaume-Uni ne seraplus lié par la Politique agricole commune(PAC), la réglementation intra-européenne oules accords négociés par l’UE. Le principal syn-dicat agricole britannique, la NFU (NationalFarmers Union) a pris acte des conséquences duBrexit. Il a tenu à souligner l’importance desdécisions politiques natio-nales qui en découlerontpour le secteur agroalimen-taire (food and drinks indus-trie), dont l’activité est éva-luée à 108 milliards de livres sterling et emploie3,9 millions de personnes. Le 8 juillet 2016, ila décidé de lancer une vaste consultation auprèsde ses membres et au-delà pour esquisser unenouvelle politique agricole et rurale, plus adap-tée à leurs besoins et capable de conserverleur compétitivité sur les marchés internationaux.L’analyse précise des conséquences de ce votesur l’agriculture du Royaume-Uni, et plus lar-gement sur ses échanges économiques dépen-dra bien sûr des décisions qui seront prisespar les institutions européennes et le gouver-nement britannique. Du côté des organisations professionnelles agri-coles européennes, l’heure est aussi au prag-matisme. « Nous avons à cœur d’éviter touteperturbation supplémentaire des marchés agri-

    coles européens, au vu des liens économiquesforts entre le continent et le Royaume-Uni et dela crise actuelle sur les marchés agricoles. Ilest primordial de maintenir la stabilité du mar-

    ché » a souligné PekkaPesonen, secrétaire généraldu Copa et de la Cogeca,la voix des agriculteurs euro-péens et de leurs coopéra-

    tives, le 24 juin dernier. « Plus de la moitiédes exportations britanniques de denrées ali-mentaires et de boissons ont pour destinationl’UE et le marché britannique représente éga-lement un gros marché d’exportation pour lesdenrées alimentaires et les boissons des autresÉtats membres, fournissant aux consomma-teurs européens un large choix de produits degrande qualité. Nous mettrons tout en œuvrepour que la communauté agricole de l’UE et duRoyaume-Uni ne subisse pas les conséquencesde décisions politiques internationales et pourque l’impact sur le commerce soit limité. Lesnégociations concernant le départ du Royaume-Uni de l’UE devraient être finalisées dans undélai de deux ans, comme cela est stipulé dansle Traité de Lisbonne » a estimé M. Pesonen. n

    Brexit : le Royaume-Unifait tanguer l’EuropeLe 23 juin 2016, les citoyens britanniques, appelés à se prononcer lorsd’un référendum sur la sortie ou le maintien de leur pays dans l’Unioneuropéenne (UE), ont voté à 51,9 % en faveur de la sortie de l’UEqu’ils avaient rejointe en 1973.

    Camille Bourguignon

    Des lienséconomiques forts

    Ce projet piloté par John Deere en partenariat avecSULKY et trois autres sociétés (Landdata Eurosoft,Vista et Rauch) permet une gestion globale dela fertilisation des cultures, grâce à la technologieInternet et aux connectivités entre matériels et logiciels.

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    Plus de la moitié des exportations britanniques de denréesalimentaires et de boissons ont pour destination l’UE.

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  • Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

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    DOSSIER

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    Dossier coordonné par Isabelle Delourme

    Parallèlement au glissement de leurs utilisations vers le loisir et le sport,les équidés ont perdu dans notre société une part de leur qualification d’animaux de rente pour celle d’animaux domestiques de compagnie.L’Union Européenne a entériné dans un certain nombre de ses textes et déci-sions cette évolution.Saf agr’iDées, en sa qualité de laboratoire d’idées, s’est trouvé être lelieu adéquat pour rappeler que les équidés sont profondément liés aumonde agricole et cette nécessité de mieux les intégrer dans notre agriculture, dans les dispositifs de notre politique agricole.À la demande du GESCA, avec plusieurs partenaires dont les sociétés-mères,l’IFCE et des professionnels de terrain, nous avons travaillé, réfléchi,comparé notre situation à celles d’autres pays européens avec des traditionséquestres : l’Espagne, l’Allemagne.Oui, les équidés sont des animaux de rente à caractère agricole ; ils sontélevés, soignés, utilisés par des acteurs reconnus agricoles depuis dix ans enFrance. Alors oui, il convient d’en tirer les conséquences : les équidés doiventêtre considérés à part entière dans les dispositifs agricoles et bénéficier desréglementations, notamment fiscales appliquées à l’agriculture.

    Patrick Ferrère, délégué général de saf agr’iDées

    Agr’iDay« Perspectives et ambitionspour la filière équine » :la parole aux éleveurs p. 13

    Vers une 4e domestication du cheval, celle de l’homme par le cheval p. 15

    Négociations délicates auregard des multiplesdénominations européennes p. 16

    La Charte du Bien-Être Équin :pour le respect du cheval p. 18

    La fin de vie des chevaux : entreéthique et réglementation p. 19

    Pour une reconnaissance agricole des activitésde gardiennage de chevaux

    p. 20

    Mieux intégrer les équidésdans la politique agricole

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    « C’est une filière de passionnés,aujourd’hui confrontéeà de nombreusescultures différentes qui ne sont pas facilesà mettre ensemble ».« Il y a un gros potentield’actions communes à faire dans nos filières » a constatéLouis Romanet, président de la Fédération Internationaledes Autorités Hippiques (FIAH)venu clôturer l’agr’iDay. Il aégalement rappelé que la filièreéquine française était une filièred’excellence dans tous tousles domaines (plat, obstacle, trot,chevaux de sport, poney club,chevaux lourds).

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    DOSSIER

    Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    Agr’iDay

    « Perspectives et ambitionspour la filière équine » : la parole aux éleveurs Espace d’expression, l’agr’iDay organisé le 2 juin 2016 par saf agr’iDées surle thème des équidés et de la politique agricole, a contribué à faire émergerdes idées importantes pour l’avenir de la filière.

    Filière d’excellence, la filière équine françaiseest saluée dans tous les domaines. Pourtantnombreux sont les sujets qui interpellent le

    monde du cheval et ne lui permettent pas undéveloppement serein. Tout au long de cettejournée consacrée au monde des équidés, vingtintervenants ont pu dialoguer et évoquer leurs dif-ficultés, pour construire lesbases d’un avenir meilleur(1).Pour réfléchir plus précisémentsur le thème « Perspectives etambitions pour la filièreéquine » saf agr’iDées a sou-haité donner la parole à deséleveurs de chevaux et à leurs représentants, afinqu’ils puissent préciser leurs attentes. MagalyBogaert, chargée de mission à la FédérationNationale des Conseils de Chevaux (FNCC) asouligné la confusion qui existe quant à l’accèsaux aides de la Pac pour les entraîneurs et lescentres équestres. Précédemment il était toutefoisclair que les éleveurs de chevaux avaient la pos-sibilité dans le cadre du premier pilier de la PACde faire appel à la réserve des DPU, et de béné-ficier d’aides pour les races menacées. Au titre dudeuxième pilier, en tant qu’acteurs du dévelop-pement des territoires ruraux, ils avaient accès àdes aides à la modernisation des bâtiments d’éle-vage. Pour les entraîneurs et les exploitants decentre équestre, la situation confuse qui existait

    déjà s’est complexifiée à partir de la mise enapplication de la Pac 2014-2020, qui a d’abordexigé la présence d’un cheval, puis les a inscrit surune liste négative. Elle a fait remarquer les diffé-rences qui existent entre le règlement européenet l’application française. Par ailleurs, le secondpilier étant désormais géré par les conseils géné-

    raux, certaines primes à la race sontmenacées dans le contexte desgrandes régions.Christian Morel a développé un éle-vage de chevaux de sport (SelleFrançais) en parallèle de la produc-tion laitière. Il bénéficie des aides

    Pac (DPB 260 €/ha) sur la totalité de ses surfacesy compris sur les prairies, et reçoit égalementdifférentes aides via l’association Selle Français.Pour Jean Lesne, « la reconnaissance de la filièrecheval au sein du monde agricole est importante ».Céréalier, mais aussi éleveur de bovins viande etde chevaux trotteurs, cet ancien président desHaras Nationaux estime toutefois qu’il faut abso-lument « distinguer les professionnels, et les ama-teurs éclairés, qui bien que très sympathiques, nesont pas soumis aux mêmes charges ».

    De gauche à droite :M. Bogaert (FNCC), I. Quenin (animatrice),C. Morel (éleveur de chevaux de sport),J. Lesne (éleveur de chevaux de trot), E. Rousseaux (éleveur de chevaux de trait).©

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    Distinguer lesprofessionnelsdes amateurs

    (1) Retrouvez l’essentiel des interventions de l’Agr’iDayorganisé le 2 juin 2016 sur le thème « Mieux intégrer leséquidés dans la politique agricole » sur la chaîneYoutube ou sur le site internet wwsafagridees.com,espace vidéo)

    ◗◗◗

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  • 14 Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    DOSSIER

    Prospective

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    Thierry Sodoir, étalonnier,président du GESCA :« Nous avons une absoluenécessité de savoir qui sont lesprofessionnels, pour continuerà être dans cette dynamique du mouvement agricole, même si une scission doitse faire entre professionnels etnon professionnels ».« Il faut faire la différence entrele professionnel et l’amateuréclairé ou pas. Notre animal estélevé, utilisé, soigné. C’est unanimal agricole, et non un animalde compagnie ».

    D’autant que 65 % des éleveurs ont une pou-linière, souligne-t-il. Jean Lesne souhaite une plusgrande écoute entre le « terrain » et l’administra-tion afin de trouver les meilleures solutions.« Depuis des années, on essaie d’analyser la santééconomique d’un élevage sur le nombre de nais-sances. C’est une erreur » déclare-t-il. « Elle doiventcorrespondre au besoin de naissances. Il faut quela profession analyse la vraie situation écono-mique de la filière. On sent que la passion refusede regarder en face la réalité économique. Or,pour s’intégrer dans une filière économique tota-lement respectable, qui veut s’équilibrer, il faut pas-ser par toutes ces démarches » fait-il remarquer.Réinscrire le cheval dans une activité écono-mique. Eric Rousseaux en est convaincu. Pour cetéleveur, président de la FFET travail, il faut aussiavoir un autre regard sur le cheval et envisagerson avenir différemment. Les exemples« modernes » de l’utilisation du cheval de trait,prestataire de service dans la ville, ou dans lesvignes sont là pour en témoigner positivement.« On est en train de tourner une page. Le fait quel’on puisse partager et construire avec les quatresociétés mères et la Fédération des Conseils des che-vaux laisse penser à un bel avenir pour notrefilière » a constaté Eric Rousseaux. Avant deconclure : « À condition de savoir s’adapter àcette nouvelle dimension économique et de savoirfaire un produit qui corresponde au consomma-teur final. » n Isabelle Delourme

    Avoir une démarche concertée auprès de Bruxelles

    « Notre futur est basé sur la politique agri-cole » a relevé Carlos Javier Escribano Mora.Le président du conseil d’administration del’Expasa Yeguada de la Cartuja, la plus impor-tante réserve de chevaux andalous, a rappelél’importance des discussions entre Étatsmembres et avec la Commission européenne(DG agriculture, DG SANCO, DG développe-ment rural). Il a souligné l’importance d’avoirune démarche concertée en amont qui soitforce de proposition à Bruxelles.

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    À quoi ressemblera la filière équine dans 15 ans ?Pour dresser cette perspective, Florence Meadu ministère de l’agriculture, de l’alimentation etde la forêt(1), s’est appuyée sur l’analyse « La filièreéquine à l’horizon 2030 » conduite entre 2010 et2012 par l’Inra en partenariat avec l’IFCE(2). À par-tir de quatre scénarios (« tous à cheval », « lecheval des élites », « le cheval citoyen », « le che-val compagnon), de nombreux enseignementstransversaux ont été mis en évidence. Ils visentaussi bien l’efficacité économique de l’ensemble dela filière, la santé et la médicalisation, les usagesdu cheval, les relations sociales entre les acteurset les relations homme/animal que la recherche,la biodiversité ou même l’utilisation des gaz àeffet de serre. Ils ouvrent également de perspec-tives pour la recherche et le développement.Comme le souligne l’étude, l’ensemble des scé-narios est impacté par plus ou moins de présencede l’action publique, qu’elle soit au niveau euro-péen, de l’État ou des collectivités territoriales,laissant alors plus ou moins de place à une gou-vernance socioprofessionnelle de la filière. À l’échelle de l’Europe, il faut distinguer la Politiqueagricole commune et la réglementation euro-péenne. La Pac revisitée 2014-2020, et en parti-culier, le deuxième pilier, davantage orienté versl’innovation, l’équilibre territorial, l’environne-ment et le développement durable peut être béné-

    fique pour la filière équine. La réglementationeuropéenne peut aussi concerner la fiscalité et plusspécifiquement la TVA, notamment si elle aug-mente et si les taux sont harmonisés.La réglementation publique européenne peutintervenir sur de multiples aspects : transport,identification et traçabilité, gestion des livresgénéalogiques, bien-être animal, gestion desaides, protection du consommateur, notammentdans le commerce des animaux, concurrence, etc.Selon les politiques libéralisées ou plus protec-tionnistes, les effets seront plus ou moins forts.À l’échelle de la France, l’État réduit son rôle dansla filière équine depuis une dizaine d’années. Iln’y a plus d’étalonnage public, et l’IFCE, le brasarmé de la politique publique s’est déjà recentrésur la formation, la structuration de la recherche.Pour l’avenir, cette étude estime que, selon lesscénarios, l’État pourrait être amené à intervenirdes secteurs aussi variés que la politique du jeuet de l’encadrement des courses, la délivrance despermis d’élever ou de détention, l’incitation à laformation professionnelle pour accroître la com-pétitivité de la filière française ou lutter contre laprécarité des emplois et favoriser leur adaptation,l’incitation à l’innovation, la recherche et le déve-loppement, la traçabilité et la gestion de base dedonnées d’identification, l’agrément de centres

    de soins aux chevaux âgés, de centres d’inciné-ration et de services funéraires comme alterna-tives à l’équarrissage, avec un renforcement descontrôles. C’est sur le plan de la veille sanitaireque l’État poursuivrait essentiellement sa missionrégalienne en lien avec le réseau des vétéri-naires sanitaires et spécialisés.À l’échelle des collectivités territoriales (dépar-tements, régions), la politique de décentralisa-tion a permis une redistribution des pouvoirs.L’action publique pourrait donc se manifester parun rôle d’appui et de financement à la filièreéquine dans les domaines suivants : dévelop-pement économique, aménagement du terri-toire, formation professionnelle, protection dupatrimoine, aide sociale, aide aux personnesen difficultés, culture, tourisme, etc.Depuis la publication de cette étude, la filièreéquine a vu monter en puissance les notions dubien-être animal mais aussi la prise en considé-ration des questions sanitaires et de traçabilité.(1) Florence Mea, est chef du bureau des viandes etproductions animales spécialisées, Direction géné-rale de la performance économique et environne-mentale des entreprises (DGPE), ministère de l’agri-culture, de l’agroalimentaire et de la forêt (MAAF).(2) « La filière équine à l’horizon 2030 ». http://inra.dam.front.pad.brainsonic.com/ressources/afile/224957-2b52f-resource-prospective-filiere-equine-rapport.html

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  • 15Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    Évolution

    Vers une 4e domesticationdu cheval, celle de l’homme par le chevalProduit de l’agriculture, le cheval l’est de par les mécanismes d’élevage ; produit intrinsèque à la fonctionagricole, il le fut jusqu’à une période très récente. La question de savoir s’il est encore un produit agri-cole s’apprécie en fonction de ce que l’on va désigner de façon plus ou moins tautologique par agricole.

    Jean-Pierre Digard, ethnologue et anthro-pologue, spécialiste de la domesticationdes animaux évoque trois domestications

    du cheval. Comme tout produit élevé ou cultivé,il y eut une appropriation et un usage deschevaux très progressifs, avec une diffusioninitiale au sein du continent eurasiatique,puis africain. Le cheval est undes derniers animaux domes-tiqués, vraisemblablementpour une finalité alimentaire.La première domestication lefait passer de gibier à bétail. L’hippophagieest attestée. C’était il y a un peu plus de6 500 ans, bien après la domestication dubœuf, du porc ou des ovins. Or cet animalfarouche est aussi curieux et sensible auxfriandises, et mémorise bien les apprentis-sages. Il peut être apprivoisé.Le basculement vers une deuxième domesti-cation qui en fera un animal de travail et deguerre est attesté, mille ans après, par lesreprésentations de chars hittites. On retrouvedes premiers écrits et illustrations vers 3 500ans avant notre ère. L’équitation montée sedéveloppe vraisemblablement après.La troisième domestication est celle qui s’estdéveloppée dans les Amériques après l’intro-duction des équidés modernes.Depuis, l’histoire du cheval est axée sur sacapacité d’être un animal de bât ou de trait, àdes fins civiles et militaires. Il a été la force de

    traction militaire par excellence, alors quececi est moins vrai pour son usage civil,notamment agricole. Le développement desusages est passé par des innovations tech-niques comme les colliers, et les accessoiresd’équitation. Mais la motorisation mécaniqueva marquer en plusieurs étapes la fin des

    usages du cheval, tout envoyant le développement desa finalité de loisir.D’un point de vue militaire,sans entrer dans les détails de

    l’évolution de l’histoire de la cavalerie, on peutaffirmer que la première guerre mondialemarque la fin de son usage privilégié, et laseconde la fin de son usage.Dans le domaine civil, le cheval voit son apo-gée en tant que mode de locomotion dans ladeuxième moitié du XIXe siècle, supplanté petità petit par le chemin de fer, puis l’automobile.Dans le domaine agricole, il y eut un déca-lage. Il faut remarquer que le cheval n’est pasla seule force de traction animale. Dans cer-taines régions, il est toutefois dominant. Sonatout réside dans sa puissance instantanée etsa relative rapidité. Un avantage qui s’estconcrétisé avec la mécanisation de l’agricul-ture (à ne pas confondre avec la motorisa-tion) qui, combinée aux charrues, faucheuses,moissonneuses, a mis en valeur la vitessedu cheval par rapport au bœuf et permis devrais gains de productivité. C’est d’ailleurs à

    partir de cette époque que les races de che-vaux de trait se stabilisent et se développenten Europe : les modèles s’alourdissent. Ainsi,tandis que l’armée abandonnait le chevaldans la guerre et que l’automobile prenait sonessor, le cheval de trait puissant triomphaitdans les campagnes à la veille de la secondeguerre mondiale. Les photographies de cetteépoque montrant des attelées de six à huitchevaux dans les plaines céréalières sontparticulièrement saisissantes. Ceci fut decourte durée. La « révolution verte » fit dis-paraître les chevaux de la traction agricole audébut des années soixante.L’élevage équin est pourtant encore une réa-lité agricole en France. Jusqu’à il y a peu, laquestion du statut agricole du cheval ne seposait pas. Issu des fermes et partie intégrantede son modèle de production, le cheval étaitindissociablement lié à l’agriculture et donc parlà même agricole. La mécanisation de l’agri-culture a détruit en partie ce lien. La chute dela consommation alimentaire de viande decheval et son utilisation massive pour les acti-vités de loisirs donne du cheval une image quise rapproche de celle de l’animal de compa-gnie. Toutes les discussions, réglementations,et prises de position en cours sur la fin de viedes équidés montrent que cette évolution estprofonde. Les relations affectives vis-à-vis decet animal font penser que la quatrièmedomestication est en cours : celle de l’hommepar le cheval. n

    Christian Vanier, directeur généralde l’Institut français

    du cheval et de l’équitation (IFCE)

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    Un lien affectif

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    La motorisation mécanique va marquer la fin des usages du cheval,tout en voyant le développement de sa finalité de loisir.

    Christian Vanier, directeur général de l’Institutfrançais du cheval et de l’équitation (IFCE)

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  • 16 Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    Il y a de multiples dénominations européennesdu cheval. Selon le texte européen considérél’équidé est considéré comme un animal de

    ferme, de boucherie, un animalenregistré ou non enregistré.Chacune de ces définitions ren-voie à un stade du cycle de viede l’animal : élevage, utilisation oufin de vie.Actuellement trois règlements européens fontl’objet de toutes les attentions. Leur dimension« multi-espèces » rend les négociations d’autantplus délicates que l’équidé exige, en raison deses spécificités, un traitement particulier.

    � Le règlement, relatif à la santé animale(2)

    pose le cadre général à l’intérieur duquel seronttraitées les questions de santé et de traçabilité des

    animaux de rente. Il chapeautel’ensemble du dispositif réglemen-taire et fait de l’autorité vétérinairela référence. Parmi les textes d’ap-plication qui doivent être encoreélaborés, celui définissant le

    modèle de passeport et la composition dunuméro d’identification est particulièrementimportant pour les équidés.� Le règlement dit « zootechnique » porte surles conditions zootechniques applicables aux

    Réglementation

    Négociations délicatesau regard des multiplesdénominations européennesdes équidésComme les autres animaux de « ferme »(1), le cheval est concerné par lesrèglements et directives qui mettent en œuvre la politique européenne dansses différentes dimensions : marché agricole, sécurité sanitaire et déve-loppement rural. Toutefois, les utilisations variées de cet animal contribuentà lui donner une place à part.

    Un traitementà part

    AgendaLe cheval territorial,nouveau modèleéconomique et social◗ Les 15 et 16 septembre 2016,un équi-meeting cheval territo-rial sera organisé par l’Institutfrançais du cheval et de l’équi-tation (IFCE), sous l’impulsiondu Centre national de la fonctionpublique territoriale, et avec l’ap-pui d’un comité organisateurcomposé des opérateurs natio-naux du secteur. Ce séminaireprofessionnel proposera desdémonstrations et conférencesafin d’accompagner les collecti-vités territoriales dans le déve-loppement d’actions et projetsutilisant les équidés pour remplirdes missions de service public.Renseignements, programme etinscriptions sur www.equimeeting.fr

    Les textes d’application du règlementeuropéen « Santé animale »devront notamment définir

    le modèle de passeport des équidés.

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    17Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    échanges et importations d’animaux reproduc-teurs(3). Les équidés ont appelé, sur presquetous les points, des mesures spécifiques liés à lavariété de leurs usages (courses, sport, élevage,loisirs) et au rôle essentiel qu’y joue la génétique.� Le dernier projet de règlement actuelle-ment en négociation concerne les médica-ments vétérinaires( 4 ) . L’une des mesures importantes pour la filière cheval est celle desrègles de retour dans la chaîne alimentaire.Actuellement, le régime applicable aux équi-dés provenant des pays-tiers est plus favorableque celui réservé aux équidés « européens ». Lesnégociations sur l’application d’un « délai d’at-tente » de six mois avant abattage, qui permet-trait de réintégrer dans la chaîne alimentaireles chevaux traités avec des substances dont lalimite maximum de résidu n’a pas été établie,sont donc essentielles pour les professionnelseuropéens.

    Par ailleurs, en raison de ses spécificités, le che-val reste majoritairement en dehors des mesuresrelevant de la politique agricole commune.Toutefois, depuis la réforme de 2014, les exi-gences de développement durable accordentdavantage d’attention à des productions diversi-fiées, extensives et plus respectueuses de l’en-vironnement. Cette dynamique va se poursuivreaprès 2020. Sur ce point, le cheval présente desatouts indéniables. Il préserve les prairies et lesbocages tout en étant fortement consommateurd’emplois non délocalisables.Atypique, l’équidé apparaît néanmoins comme

    un produit agricole d’avenir, de par son adap-tation aux exigences du développement durable,son rôle dans le maintien de l’activité en territoirerural, le lien qu’il favorise entre univers urbainset ruraux. n

    Claire Cordilhac, mission européenne etinternationale, IFCE

    (1) « Farm animal » dans de nombreux textes régle-mentaires européens, dits de rente en droit français.(2) COM (2013) 260 final.(3) COM (2014) 5 final.(4) COM (2014) 558 final.

    Agenda

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    Equita 2016 accueillele Village des startups ◗ À Lyon, du 26 au 30 octobre2016, se tiendra la 22e édition dusalon Equita. 130 000 m2 sontdédiés au cheval et à son univers.Pour cette année, 3 500 chevauxseront réunis sur le même site.Equita 2016, c’est aussi 40 racesreprésentées, et plus de 700 éle-veurs et exposants. La précédenteédition avait accueilli plus de150 000 visiteurs. En outre, pour laseconde fois, Equita, en partenariatavec Hippolia, le pôle de compéti-tivité de la filière équine, accueillele Village des startups. http://www.equitalyon.com/

    Le Concours HippiqueIndoor au Salondu Cheval de Paris◗ Paris, le Salon du Cheval a décidéde prendre un virage résolumentsportif. Pour cette 45e édition qui vase tenir du 26 novembre au4 décembre 2016, les organisateursont souhaité le repositionner commel’évènement sportif majeur dédiéaux acteurs de la filière. Il va accueillirpour le premier Concours HippiqueIndoor de Paris. Cinq disciplinesseront présentées en simultané surdeux pistes : saut d’obstacles (disci-pline pratiquée par 75 % des licen-ciés sportifs), dressage, attelage,horse-ball, western. Il s’adresseraaux cavaliers de tous niveaux (prosou amateurs, clubs ou poneys).En parallèle, de nombreuses autrescompétitions sont prévues pendantces neuf jours : coupe du monde devoltige FEI, polo, sans oublier lesLongines Masters avec la venuede l’élite mondiale. 2 300 cava-liers en compétition et 150 000visiteurs sont attendus.http://www.salon-cheval.com/

    Le bien-être du cheval : une thématique sensibleL’Union européenne se préoccupe depuis plu-sieurs années du bien-être animal. Une attitudequi reflète une sensibilité forte dans de nom-breux États membres. En 2012, la Commission aadopté une nouvelle stratégie 2012-2015 quivise à améliorer encore le bien-être des animauxdans l’Union européenne. Elle a débouché, pourle cheval, sur un rapport de l’Eurogroup forAnimals(1). Les préconisations faites concernentl’identification, plus systématique, un meilleurcontrôle des règles de bien-être existantes, laformation des détenteurs, etc. Pour l’instant, leConseil et la Commission européenne ont retenul’option d’un « code de bonne conduite » plutôtque d’un texte contraignant. C. C.

    (1) Réseau européen d’associations de défense des animaux : Removing the Blinkers, rapport cité.

    La réglementation européenne a introduit des mesuresspécifiques pour l’identification des équidés.

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    18 Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    Toutes les familles de la filière équine (Course,Sport, Loisir, Travail, Viande) se sont retrou-vées autour de ce projet transversal dédié auBien-être équin. La plupart d’entre-elles avaientdéjà intégré cette notion depuis plusieurs années.L’élaboration de cette Charte a néanmoins étéaccélérée par un contexte spéci-fique (crises successives de laviande de cheval, évolution récentedu code civil quant à la définitionde l’animal, mais aussi des préoc-cupations grandissantes des asso-ciations de protection animale vis-à-vis du com-portement de l’homme avec les animaux et enparticulier dans les abattoirs). Elle permet aussi aux

    professionnels de devancer des demandes de laCommission européenne sur l’intégration du bien-être des animaux dans les filières alimentaires dequalité(1).Avec cette action commune, ces organisationspeuvent faire partager au plus grand nombre leurs

    savoir-faire professionnels enmatière de bien-être animal. Unepréoccupation partagée par le pré-sident de France Galop, édouardde Rothschild, qui a ainsi déclaré: « Il est très important que France

    Galop signe cette charte puisque le respect du che-val est au cœur de ses préoccupations ». La Charteencourage aussi la poursuite et l’amélioration despratiques et connaissances en matière de Bien-ÊtreÉquin, dans la formation initiale et continue.Bien que l’adhésion à cette charte soit volon-taire, les organisations signataires accompagnerontchacune dans leur domaine le déploiement decette Charte. Ainsi, il est prévu pour le Trot d’ajou-ter cette année un chapitre supplémentaire auCode de bonne conduite de l’Accord internatio-nal sur les courses au trot, sur la protection de l’in-tégrité biologique du cheval.Cette Charte du Bien-Être Équin s’appuie sur deuxprincipes fondamentaux :• « La responsabilité d’équidés nécessite de disposer des compétences et connaissances nécessaires et suffisantes pour assurer leur bien-être » ;• « Le détenteur d’équidés s’engage à mettre enœuvre les mesures appropriées à leur bien-être età en évaluer l’effectivité ».La question du statut de l’animal et de son bien-être, est un sujet que saf agr’iDées a particulière-ment étudié dès 2014. Pour aller plus loin, vouspouvez retrouver les deux notes de think tank deCarole Hernandez-Zakine, disponibles surwww.safagridees.com (espace publication)regroupées sous le thème « Un animal bien traitépeut-il être mangé ? » : L’animal, lame de fondsociétale (Fascicule 1), l’animal, l’éclatement juri-dique (Fascicule 2). n Camille Bourguignon

    (1) Welfare Quality, programme de recherche de 2004 à2009, cofinancé par la Commission européenne, en par-tenariat avec 39 instituts et universités européens etlatino-américains, dont le but était de proposer des outilspour la mise en place de systèmes d’information auprèsdes consommateurs en matière de bien-être animal.

    Engagement

    La charte du Bien-Être Équin :pour le respect du chevalLa décision irréversible par un propriétaire de cheval de ne pas accepterqu’il puisse être destiné à la consommation humaine, oblige également sespropriétaires successifs.

    Huit mesures fortesLes différents signataires de la Charte du Bien-Être Équin(1) se sont engagés dans les huitmesures fortes suivantes :Mesure 1 : Veiller à établir une relation de confiance lors de la manipulation des chevauxet de leurs contacts avec l’homme.Mesure 2 : Garantir un approvisionnement en eau et en aliments suffisants et adaptés auxbesoins physiologiques et comportementaux des chevaux ainsi qu’à l’intensité du travail quileur est demandé.Mesure 3 : Offrir aux chevaux un lieu de vie aménagé de manière à prévenir les risques deblessures et de maladies et leur permettant de s’adapter aux variations climatiques.Mesure 4 : Veiller à structurer et aménager l’environnement de vie des chevaux de manièreà leur permettre d’exprimer leurs comportements naturels et à leur offrir un confort derepos et de travail.Mesure 5 : Respecter le caractère grégaire des chevaux en favorisant les contacts sociaux positifs entre eux afin de limiter les troubles comportementaux.Mesure 6 : Définir collectivement les bonnes pratiques d’élevage, de détention et d’utilisationdes chevaux dans l’objectif de limiter les risques sur leur santé.Mesure 7 : Prévenir ou soulager la douleur.Mesure 8 : Assurer, tout au long de la vie des chevaux, les soins nécessaires. Leur mort devantadvenir dans des conditions décentes lorsqu’il n’existe pas de thérapies efficaces et économiquement supportables.

    (1) France Galop, LeTROT, La Fédération Nationale du Cheval, La Fédération Française d’Équitation, LeGroupement Hippique National ainsi que l’Association Vétérinaire Equine Française.

    Deux principesfondamentaux

    Six organisations du mondedu cheval ont signé

    la Charte du Bien-Être Équin,dont l’Association

    Vétérinaire Équine Française.

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    Le cheval et les productions qui y sont atta-chées (sports, courses, loisirs, viande) sontintimement liés au monde agricole. La recon-naissance du statut agricole des activités et pro-ductions équines est officielle depuis le milieu desannées 2000.Néanmoins il subsiste une « exception » à ce sta-tut : la fin de vie du cheval. Pour la plupart desautres espèces animales domestiques, la situationest simple. En tant qu’animaux de rente, ils finis-sent, dans la très grande majorité des cas, enétant abattus pour être transformés en carcasse etdevenir de la viande pour l’alimentation humaine.C’est beaucoup plus complexe pour les chevaux,qui sont très souvent considérés comme « animauxde compagnie ». Une relation particulière s’ins-taure entre l’animal et son propriétaire qui ne sou-haite pas que son cheval finisse dans l’assietted’un consommateur quelconque.En matière d’identification, les modalités envigueur pour les équidés sont également parti-culières et prennent leur origine dans la nécessitéd’être sûr d’avoir le bon concurrent en compéti-tion. Se posent aussi les pro-blèmes de soins médicamenteuxpouvant restreindre, voire inter-dire la consommation humainedu cheval traité.Les récents scandales ayantaffecté la filière (lasagnes contenant de la viandechevaline, équidés abattus avec des documentsfalsifiés) ont renforcé la réglementation sur latraçabilité des chevaux vis-à-vis de la consom-mation humaine pour sécuriser l’industrie ali-mentaire.Dans les faits, tout équidé doit être identifié etpucé (passeport et puce électronique). Le docu-ment d’identification qui accompagne sa viedurant l’équidé comporte depuis 2012 un feuilletintégré consacré aux traitements médicamenteux.Auparavant il s’agissait d’un feuillet volant, donctrès facilement égaré par les propriétaires. Il fauten effet préciser qu’un cheval peut changer plu-sieurs fois de propriétaire durant sa vie.En partie 2 de ce feuillet le propriétaire peutdéclarer, que son animal n’est pas destiné à laconsommation humaine. Il peut le faire pourpermettre l’utilisation de traitements à des fins desoins nécessaires aux activités de son cheval,mais il peut aussi le faire pour lui éviter déonto-logiquement l’abattoir. Il faut noter que cette décision est irréversible etengage les divers propriétaires successifs. A l’in-

    verse, si les anciens propriétaires n’ont pas ren-seigné cette rubrique, l’actuel peut le faire.La fin de vie du cheval ne peut être alors que samort naturelle ou l’euthanasie pour abréger dessouffrances. Il faut alors faire appel à un équa-

    risseur pour récupérer le cadavre, cequi entraine des frais importants àla charge du dernier propriétaire tenude respecter une décision qu’il n’au-rait peut-être pas prise.Cette situation est souvent source

    d’incompréhensions, surtout pour les animauxidentifiés avant 2012, pour lesquels l’absence duvolet sanitaire volant entraine de facto l’exclusionde la chaine alimentaire. n

    Yves Berger, administrateur saf agr’iDées, ingénieur général des Ponts, des eaux et des forêts,

    ancien directeur général d’Interbev, de l’ofival,ancien chef du service des haras nationaux

    Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    Éthique et réglementation

    La fin de vie des chevauxLa décision irréversible par un propriétaire de cheval de ne pas accepterqu’il puisse être destiné à la consommation humaine, oblige également sespropriétaires successifs.

    Éviterl’abattoir

    « L’absence du volet sanitaire volantentraine de facto l’exclusion de la chainealimentaire » explique Yves Berger,administrateur de saf agr’iDées.

    Une relation particulière s’instaure entre l’animal et son propriétaire

    qui ne souhaite pas que son chevalfinisse dans l’assiette

    d’un consommateur quelconque.

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  • 20 Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    Droit rural

    Pour une reconnaissance agricole dede chevauxPlus de onze années après leur entrée en vigueur, les dispositions de la loi du23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux, qui ont décidé de« réputer agricoles les activités de préparation, d’entrainement des équidés

    dom cond’om

    Il y a déjà tout juste sept ans, dans une précé-dente chronique parue dans cette revue(1),consacrée à la genèse de la loi n° 2005-157 du23 février 2005 sur le développement des terri-toires ruraux et au dispositif, prévu par son article38-I et II, intégrant les activitéséquestres dans le périmètre del’activité agricole défini à l’article L311-1 du code rural et de la pêchemaritime, nous nous interrogionssur la position de principe trèsréductrice prise par la Cour decassation concernant l’activité degardiennage de chevaux, qu’elle refusait de voirentrer dans la classification des activités agricolesprévues par ce texte(2).Elle en avait alors tiré la conséquence que « lelocataire du fonds n’y exerce pas une activitéagricole susceptible de lui donner le bénéfice dustatut des baux ruraux et d’entrainer une requa-lification du contrat avec le propriétaire ».Déjà, nous soulignions combien cette positionde la Cour suprême apparaissait en contradic-tion avec l’évolution réglementaire dégagée auplan du droit fiscal et du droit de l’urbanisme,puisqu’il est admis que l’activité de prise en pen-sion ou de gardiennage est génératrice de béné-fices agricoles(3) et justifie la délivrance d’une

    autorisation de construire en zone agricole(4).Or, si l’on veut, comme le rappelait Maître ManuelCarius, lors de la récente journée organisée par safagr’iDées, « Mieux intégrer les équidés dans lapolitique agricole »(5) faire du cheval un acteur du

    développement rural, afin d’accélé-rer la revitalisation des régionsrurales françaises, ne faut-il pas, àtout prix, éviter de multiplier lescontentieux qui se révèlent sourced’insécurité juridique pour le justi-ciable, qui ignore le plus souvent lerégime juridique auquel il doit se

    soumettre ? Doit-on seulement se contenter deremettre en cause, cas par cas, des textes quidonnent prise, par leur insuffisance ou le carac-tère incomplet de leur rédaction, à des interpré-tations parfois contraires à l’esprit du législateur ? Pour notre part, nous pensons que c’est bien aujuge qu’il appartient de se pénétrer de cet espritet, en faisant œuvre prétorienne, de mettre enœuvre, avec bon sens et pragmatisme, une dis-position législative rédigée, à l’origine(6), en vuede « clarifier, simplifier, et unifier les règles appli-cables à l’ensemble de la filière équine et de recon-naître les nombreux métiers liés à la valorisationdu cheval comme partie intégrante de notre agri-culture et de la ruralité »(7).

    En droit de l’urbanisme, l’activité deprise en pension ou de gardiennagejustifie la délivrance d’une autorisationde construire en zone agricole.

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    Eviter demultiplier lescontentieux

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  • 21Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    le des activités de gardiennage

    dué deidés

    domestiques en vue de leur exploitation à l’exclusion des activités de spectacles », continuent à laisser, dans le vaste périmètre des activités agricoles, une zoned’ombre concernant l’activité de gardiennage et de prise en pension des chevaux.

    Aussi, peut-on s’interroger sur les raisons pour les-quelles les plus hautes juridictions continuent àinterpréter de manière bien réductrice les dispo-sitions de l’article 38 1 et II de la loi du 23 février2005, ajoutées à l’article L 311-1 du code rural etde la pêche maritime, qui « réputent agricoles lesactivités de préparation et d’entrai-nement des équidés domestiques, envue de leur exploitation, à l’exclu-sion des activités de spectacles » et quirangent les activités équestres aunombre des activités agricoles « pardétermination de la loi ».L’activité de prise en pension, quelles que soientles modalités de son exercice, qui peuvent êtrediverses, ne doit-elle pas être regardée comme uneactivité équestre au sens de l’article L 311-1 ducode rural et de la pêche maritime, tel que modi-fié par la loi de développement des territoiresruraux ?La Cour de cassation a pourtant confirmé, par denouvelles décisions récentes, qu’elle entendaiten rester à la position réductrice qu’elle avaitadoptée avec son arrêt du 13 mai 2009.Des propriétaires avaient conclu un bail soumisaux dispositions de la loi du 23 décembre 1986(8),pour une durée de six années, renouvelable partacite reconduction, portant sur divers biens immo-biliers bâtis au profit d’une association qui avaitpour activité, selon ses statuts, « la valorisation dujeune cheval, la défense et la protection des che-vaux réformés des courses et l’amélioration ducadre de vie des chevaux ». Dans ce cadre, l’asso-ciation prenait en pension des chevaux apparte-nant à ses clients.Les propriétaires avaient donné congé à l’asso-ciation le 27 avril 2007 et cette dernière l’avaitcontesté devant le tribunal paritaire des bauxruraux en soutenant qu’elle exerçait depuis long-temps une activité agricole au sens de l’article L311-1 du code rural, qui, en toute hypothèseentrait dans le périmètre des activités équestresdéterminé par la loi du 23 février 2005, de sorteque le bail, renouvelé après l’entrée en vigueur decette loi, était soumis au statut du fermage.Les propriétaires avaient soulevé une exceptiontirée de l’incompétence du tribunal paritaire desbaux ruraux, en l’absence de bail rural. Les jugesdu fond avaient accueilli cette exception et ren-voyé les parties devant le tribunal d’instance,

    juge de droit commun des rapports locatifs. Ilsavaient considéré d’une part que l’associationn’établissait aucune activité d’élevage, ni mêmeune activité agricole « les prises en pension dequelques chevaux appartenant aux clients de l’as-sociation non rémunérées ne constituant pas une

    telle activité » et d’autre partqu’en toute hypothèse « à lasuite du congé délivré le27 avril 2007, le bail ne s’étaitpas renouvelé postérieurementà l’entrée en vigueur de la loidu 23 février 2005 ».

    Était-on réellement en présence d’un bail rural,autorisant la requalification de la convention ini-tiale, eu égard à la nature de l’activité exercée ?À cette question posée par les locataires dansleur recours, la Cour de cassation a répondu, demanière catégorique, par la négative : d’une part,elle a approuvé la position de la cour d’appel pourqui « l’association ne justifiait d’aucune activité deharas, ni d’aucune activité d’élevage, alors que lesprises en pension de quelques chevaux apparte-nant à ses clients ne constituaient pas une activitéagricole ».D’autre part, se prononçant sur la question de l’ap-plication au litige des dispositions de la loi du 23février 2005(9), la Cour de cassation a relevé quele bail conclu le 23 novembre 1996, soumis

    Prise en pension« stricte »

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    Bernard Peignot, avocat auxConseils honoraire, vice-président de l’AFDR,

    ancien vice-président de saf agr’iDées

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  • 22 Agriculteurs de France - n° 223, mai-juin 2016

    aux dispositions de la loi du 23 décembre1986, avait été conclu pour une durée de six ansrenouvelable par tacite reconduction, de sortequ’il ne s’était pas renouvelé postérieurement àl’entrée en vigueur de la loi invoquée, ce quiexcluait que la convention pût, quelle que fût lanature de l’activité, entrer dans le champ d’ap-plication des nouvelles dispositions relatives auxactivités équestres.Il s’en déduisait qu’en l’absence d’ac-tivité agricole par nature ou par déter-mination de la loi, le bail liant lesparties ne pouvait être qualifié debail rural, de sorte que le tribunalparitaire des baux ruraux ne pouvait être déclarécompétent(10).Cette prise de position catégorique concernantl’activité de « prise en pension » dite pure, com-portant pour l’essentiel, des prestations d’entretiende la litière, de nourriture, de surveillance et degardiennage des équidés confiés au dépositaire,pouvait-elle étendue à l’activité dite « de centreéquestre » ? Répondre à cette question par l’affir-mative aurait contribué à réduire le périmètredes activités équestres ajoutées à l’activité agricolepar la loi du 23 février 2005, comme une peau dechagrin.Certes, certains centres, dispersés dans des com-munes rurales, consacrent l’essentiel de leur acti-vité au gardiennage et à la prise en pension avecnourriture de chevaux confiés par des proprié-taires dépourvus d’installation pour les recevoir.Pourtant, il suffit que ces centres établissent qu’ilsse livrent également, même de manière occasion-nelle, à une activité de dressage et d’entrainementde chevaux en vue de leur exploitation à titre deloisir ou de sport, pour qu’ils puissent bénéficier desdispositions favorables de la loi du 23 février 2005leur accordant la protection du statut du fermage.Ainsi, une société civile immobilière avait concluavec un tiers un bail portant sur la location deboxes, d’une carrière de dressage, d’un rond de

    longe et sur l’usage, limité à la période d’été, de12 ha de pâtures attenantes aux écuries, en vue del’exercice exclusif d’une activité « de dressage, decommerce et de pension, d’écurie de propriétaires,de centre équestre ».Désirant mettre fin à la location, la société pro-priétaire avait donné congé au locataire, qui,pour opposer son droit au maintien dans les lieux

    loués, avait revendiqué le bénéficed’un bail rural sur les biens immo-biliers mis à sa disposition en se pré-valant des dispositions de la loi du 23février 2005, applicables en l’espèce.Pour les propriétaires, sous couvert

    d’une activité de centre équestre, leur locataire sebornait à nourrir les chevaux pris en pension etentrainés par leur propriétaire sans pour autantprocéder lui-même à leur entrainement, de sorteque cette activité ne pouvait entrer dans le champd’application de la loi considérée, et ne permet-tait pas de bénéficier de la protection du statut dufermage.Les juges ont donné raison au locataire en retenantque « la mise à disposition lui était accordée à titrepersonnel et exclusif sans autres occupants etqu’il exerçait dans les lieux une activité de dres-sage, de sorte que la convention liant les partiesdevait être requalifiée en bail rural », et la Cour decassation, saisie d’un recours, s’est inclinée devantcette motivation.Autrement dit, c’est bien l’activité de dressagedes équidés, assimilée à celle d’entrainement ausens de l’article L 311-1 nouveau du code rural etde la pêche maritime, quelle que soit son impor-tance et les modalités de son exercice, qui permetde faire rentrer, de manière artificielle, les activi-tés de gardiennage et de prise en pension dans lacatégorie des