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A u Maroc, la stérilité s’érige comme un réel problème de santé publique. Environ 15 à 17% des couples souffrent d’in- fertilité, en l’absence de taux officiels. Outre l’infertilité inexpliquée, les cau- ses de cette infertilité concernent les deux sexes de façon quasiment égale. Ainsi chez l’homme, l’infécondité peut être la conséquence d’une ano- malie spermatique (asthénospermie, oligospermie, tératospermie, azoos- permie) ou anatomique (éjaculation rétrograde par exemple). Du côté de la femme, elle peut être liée notamment à des facteurs tubaires ou ovulaires, à une endométriose et à l’âge. Le traitement de la stérilité s’est net- tement amélioré et dans 70 à 80% des cas, le médecin arrive à identifier le problème. Les traitements sont parfois simples et conduisent à une grossesse. Mais dans certains cas, le recours aux nouvelles technologies de la repro- duction, regroupées sous le vocable «Assistance médicale à la procréation (AMP) », devient la seule alternative. Trois techniques d’AMP sont prati- quées au Maroc, à côté de la matu- ration in vitro (MIV) réservée aux patientes présentant des dystrophies ovariennes, ou ovaires micro-polykis- tiques ou PCO. Il s’agit de l’insémina- tion artificielle avec conjoint (IAC), qui consiste en l’injection d’une in- fime quantité du sperme du mari amé- lioré dans la cavité utérine de l’épouse, la fécondation in vitro (FIV), objet de notre exposé, et la fécondation in vitro avec micro-injection (ISCI) : injection assistée par le biologiste du spermato- zoïde dans l’ovule. Cette dernière mé- thode a été perfectionnée par l’IMSI (Intra Cytoplasmic Magnified Sperm Injection). Peu répandue et non encore utilisée au Maroc, elle permet une vi- sualisation fine et une présélection des spermatozoïdes avant ICSI. FIV. Quand l’éprouvette supplée la nature L’essentiel de la FIV consiste à réaliser au laboratoire le développement de l’embryon puis à le replacer à l’inté- rieur de l’utérus. Elle est d’usage chez le couple n’ayant pas eu d’enfant après 2 ans de mariage. Les demandes pour faire une FIV se font de plus en plus nombreuses auprès des structures spé- cialisées, mais elles n’arrivent pas toujours à êtres admises. La prise en charge fait appel à une équipe médi- cale multidisciplinaire composée de gynécologue, de biologiste, d’uro- logue et de psychologue. La FIV ne peut s’exercer que dans le cadre de la cellule familiale légale, c’est-à-dire un couple marié. Les spermatozoïdes et les ovules doivent appartenir exclusi- vement à ce couple, selon « la charia islamia » Le déroulement de la fécondation in vitro passe par plusieurs étapes suc- cessives qui sont les suivantes : Etape 1 : Stimulation des ovaires Pour augmenter les chances de succès dans la FIV, le médecin essaie d’ob- tenir un maximum d’ovules matures. Il stimule ainsi les ovaires de manière artificielle en administrant à la femme De l’infertilité à la procréation Pour les personnes déclarées stériles auparavant, avoir un bébé est désormais possible grâce aux techniques de l’assistance médicale à la procréation dont la fameuse fécondation in vitro. Une alternative particulièrement bienvenue dans des sociétés où ne pas avoir d’enfants est mal vu, et où les femmes stériles sont parfois ostracisées, voire rejetées. FIV. AVEC LA COLLABORATION DU DR BENHAYOUN S. AZZEDDINE PHARMACIEN BIOLOGISTE ANCIEN INTERNE AU C.H.U. DE REIMS - CASABLANCA Le taux de réussite se situe autour de 25% par tentative. Les étapes de l’ICSI (intracytoplasmic sperm injection) Doctinews - N°4 - Octobre 2008 12-13 FONDAMENTAUX

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Page 1: Doctinews - N°4 - Octobre 2008

Au Maroc, la stérilité s’érige comme un réel problème de santé publique. Environ

15 à 17% des couples souffrent d’in-fertilité, en l’absence de taux officiels. Outre l’infertilité inexpliquée, les cau-ses de cette infertilité concernent les deux sexes de façon quasiment égale. Ainsi chez l’homme, l’infécondité peut être la conséquence d’une ano-malie spermatique (asthénospermie, oligospermie, tératospermie, azoos-permie) ou anatomique (éjaculation rétrograde par exemple). Du côté de la femme, elle peut être liée notamment à des facteurs tubaires ou ovulaires, à une endométriose et à l’âge. Le traitement de la stérilité s’est net-tement amélioré et dans 70 à 80% des cas, le médecin arrive à identifier le problème. Les traitements sont parfois simples et conduisent à une grossesse. Mais dans certains cas, le recours aux nouvelles technologies de la repro-duction, regroupées sous le vocable «Assistance médicale à la procréation (AMP) », devient la seule alternative. Trois techniques d’AMP sont prati-quées au Maroc, à côté de la matu-ration in vitro (MIV) réservée aux patientes présentant des dystrophies ovariennes, ou ovaires micro-polykis-tiques ou PCO. Il s’agit de l’insémina-tion artificielle avec conjoint (IAC), qui consiste en l’injection d’une in-fime quantité du sperme du mari amé-lioré dans la cavité utérine de l’épouse, la fécondation in vitro (FIV), objet de notre exposé, et la fécondation in vitro avec micro-injection (ISCI) : injection

assistée par le biologiste du spermato-zoïde dans l’ovule. Cette dernière mé-thode a été perfectionnée par l’IMSI (Intra Cytoplasmic Magnified Sperm Injection). Peu répandue et non encore utilisée au Maroc, elle permet une vi-sualisation fine et une présélection des spermatozoïdes avant ICSI.

FIV. Quand l’éprouvette supplée la natureL’essentiel de la FIV consiste à réaliser au laboratoire le développement de l’embryon puis à le replacer à l’inté-rieur de l’utérus. Elle est d’usage chez le couple n’ayant pas eu d’enfant après

2 ans de mariage.Les demandes pour faire une FIV se font de plus en plus nombreuses auprès des structures spé-

cialisées, mais elles n’arrivent pas toujours à êtres admises. La prise en charge fait appel à une équipe médi-cale multidisciplinaire composée de gynécologue, de biologiste, d’uro-logue et de psychologue. La FIV ne peut s’exercer que dans le cadre de la cellule familiale légale, c’est-à-dire un couple marié. Les spermatozoïdes et les ovules doivent appartenir exclusi-vement à ce couple, selon « la charia islamia »Le déroulement de la fécondation in vitro passe par plusieurs étapes suc-cessives qui sont les suivantes : Etape 1 : Stimulation des ovaires Pour augmenter les chances de succès dans la FIV, le médecin essaie d’ob-tenir un maximum d’ovules matures. Il stimule ainsi les ovaires de manière artificielle en administrant à la femme

De l’infertilité à la procréationPour les personnes déclarées stériles auparavant, avoir un bébé est désormais possible grâce aux techniques de l’assistance médicale à la procréation

dont la fameuse fécondation in vitro. Une alternative particulièrement bienvenue dans des sociétés où ne pas avoir d’enfants est mal vu, et

où les femmes stériles sont parfois ostracisées, voire rejetées.

FIV.

Avec lA collAborAtion du dr benHAYoun S. Azzeddine PHArmAcien biologiSte Ancien interne Au c.H.u. de reimS - cASAblAncA

Le taux de réussite se situe autour de 25%

par tentative.

Les étapes de l’ICSI (intracytoplasmic sperm injection)

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des médicaments inducteurs de l’ovu-lation qui permettent le développe-ment, en même temps, de plusieurs follicules ovariens et par conséquence plusieurs ovules.Dans certains cas, la patiente peut pré-senter une hyperstimulation. C’est une réponse ovarienne excessive qui se manifeste par des douleurs en bas du ventre avec une augmentation du vo-lume de l’abdomen : « ascite ». Mais ce risque est rare.Etape 2 : Monitorage de la stimulation ovarienneCette technique permet de surveiller le bon déroulement de la croissance des follicules ovariens sous l’effet des inducteurs de l’ovulation. Ce monito-rage est basé sur d’une part, les contrô-les échographiques des ovaires qui permettent de préciser le nombre de follicules en développement, la taille de ces follicules et leurs localisations à l’ovaire droit et gauche, et d’autre part, les dosages répétitifs de l’hormone de l’oestradiol dans le sang. En couplant les dosages hormonaux de l’oestradiol au nombre et taille des follicules observés à l’échographie, le médecin peut évaluer le degré de la maturation de ces follicules et donc de déterminer le moment optimal pour l’administration des (HCG ou les go-nadotrophines chorioniques) qui ne

sont que des hormones qui déclen-chent l’ovulation et dont l’administra-tion est nécessaire aussi pour achever la maturation des follicules ovariens en développement. Etape 3 : Ponction des follicules ovariensAyant pour but de recueillir les ovules, elle est réalisée entre 34 à 36 heures

après l’injection des déclencheurs de l’ovulation (Les HCG). Si l’on dé-passe les 36 heures, on risque de voir qu’une ovulation spontanée se produit au niveau des ovaires avec un désa-vantage énorme qui est la perte des ovules matures parce que leur recueil devient difficile. La ponction des folli-cules se réalise par voie vaginale sous contrôle échographique endovaginal sous anesthesie générale. Mais dans de rares cas, le recueil peut être réa-lisé à travers la paroi abdominale sous contrôle échographique abdominal. Enfin, la ponction des follicules peut être réalisée sous anesthésie locale. Etape 4 : Recueil des spermatozoïdesIl est fait par masturbation. Le jour de la ponction des follicules, le biologiste procède à la préparation du sperme qui consiste à sélectionner les spermato-zoïdes les plus fécondant.Etape 5 : Mise en culture des ovulesUne fois recueillis, les ovules sont :- Soit inséminés naturellement par mise

au contact avec un certains nombre de spermatozoïdes : c’est la FIV

- Soit inséminés artificiellement par mi-cro-injection d’un spermatozoïde dans le cytoplasme de l’ovule : c’est l’ICSI ( intracytoplasmic sperm injection ).

Durant cette étape, deux phénomènes sont observés :

La première naissance d’un enfant issu de fécondation in vitro, Louise Brown, date de 1978, et est due à l’équipe an-glaise de Streptoe et Edwards.Cette naissance (le 75ème être vivant conçu de cette façon, après quelques souris, rats et lapins..) fut entourée d’incré-dulité et ces chercheurs furent, à l’époque, qualifiés «d’ap-prentis sorciers»; une concep-tion non naturelle et en dehors de l’organisme ne pouvait en-gendrer que des enfants anor-maux... Le deuxième bébé éprouvette a vu le jour la même année en Inde.En France, ce n’est qu’en 1982 que naquit Amandine, bébé «éprouvette».

«Ces bébés éprouvette»!

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- Après 18h d’incubation à 37°C et 5% de CO2 médical, l’apparition d’un zygote (2 pronuclei) signe de la fécondation.

- Clivage cellulaire qui aboutira a la for-mation de l’embryon, au bout de 48 h de mise en culture de l’oeuf fécondé. C’est souvent à ce stade de division cel-lulaire que les embryons sont transférés à l’intérieur de l’utérus. Dans certains cas, le transfert est réalisé au bout de 3 à 6 jours après avoir été mis dans des milieux de culture spéciaux. Les em-bryons dans ce cas là atteignent un stade embryologique beaucoup plus avancé, appelé « stade de blastocyste ».

Etape 6 : Transfert des embryonsIl consiste à introduire les embryons ob-

tenus par la fécondation in vitro à l’inté-rieur de l’utérus (dans la cavité utérine) en passant à travers le col utérin. Il se fait, en général, sans anesthésie. Le nombre d’embryon transféré est de l’ordre de 2 à 3 embryons. Un nombre plus important augmente le risque de grossesse multiple (grossesse gémellaire ou plus). Actuel-lement en Europe, la plupart des centres de FIV ont tendance à transférer un seul embryon dit « Top Embryon ».

Enfin on procède à la congélation des embryons restant et de bonne qualité après le premier transfert (embryons surnuméraires). Ces embryons pour-ront être replacés dans un autre cycle si l’on n’obtient pas de grossesse après les transferts précédents ou s’il y a un désir de nouvelle grossesse dans les deux ans qui suivent l’accouchement après un transfert réussi.

« Enfin je suis enceinte! » Le taux de réussite se situe autour de 25% à 30% par tentative. Il est toutefois tribu-taire de plusieurs facteurs dont l’âge de la femme, l’état des gamètes du couple et des causes qui ont nécessité la FIV. Le diagnostic de grossesse est de mise au 12-13ème jour après le transfert em-bryonnaire. Il repose sur le test sanguin qui peut être quantifié et comparé aux résultats suivant contrairement au test urinaire.Un test de dépistage du risque accru de la trisomie 21 peut être également réa-lisé à partir du sérum de la mère entre la quinzième semaine d’aménorrhée (14 semaines, 0 jour) et la dix-huitième semaine (17 semaines, 6 jours). Il ne permet pas, à lui seul, d’établir le dia-

gnostic de trisomie 21. Si le risque éta-bli est élevé, un prélèvement de liquide amniotique (amniocentèse) est proposé, afin d’établir une analyse chromosomi-que (caryotype).Les éventuelles complications notées telles que les fausses couches sponta-nées, les grossesses extra-utérines et les malformations sont plus ou moins iden-tiques à celles survenues lors de gros-sesses naturelles.Côté matériel, le coût d’une FIV peut s’évaluer entre 20 000 et 30 000 Dhs, selon les cas (la femme âgée demande plus de FSH recombinante pour sa sti-mulation et pour les azoosperme une biopsie testiculaire s’impose). Cette somme inclut par ordre d’importance les médicaments, les interventions du gynécologue, l’intervention du biolo-giste et les frais d’hospitalisation. Dans ce cadre, il importe de signaler que l’absence d’une prise en charge totale de ce type d’intervention médicale constitue une barrière de taille face au bon nombre de couples en quête de progéniture légi-time. La problématique risque de s’ag-graver davantage si l’on sait que certains facteurs incriminés dans l’infertilité com-me la pollution, les infections(MST) et le mariage tardif sont en nette croissance.Les organismes de remboursement et les assurances privées sont ainsi vi-vement conviés à se pencher sur la question en vue de mettre en place les mesures adéquates pour une meilleure prise en charge. L’enjeu est de taille. Il y va de la santé de la population et de son bien-être. Bien plus que cela. La procréation est l’un des droits les plus fondamentaux de l’homme, source de tout développement.

Le principe de la vitrification, développé depuis 4 ans par un Belge, consiste à conserver les embryons par congéla-tion rapide. Ainsi, au lieu de congeler les ovules, sperma-tozoïdes et embryons humains avec la méthode lente, qui requiert trop de matériels, il est possible de recourir à une méthode ultra-rapide.C’est une amélioration des techniques classiques de congé-lation. qui donnaient - à l’échelon mondial- très peu de ré-sultats pour des moyens très lourds. Simple, cette nouvelle technique est peu coûteuse et reproductible. Elle offre un excellent taux de grossesse qui peut aller jusqu’à 20% sup-plémentaire par rapport a la congélation classique.

1- Bilan d’infertilité masculineSpermogramme – spermocytogramme - spermocultureTest de mobilité et de survie des spermatozoïdesRecherche d’anticorps antispermatozoïdes Bilan hormonal

2- Bilan de l’infertilité féminineTest de Huhner ou test post-coïtalBilan hormonal plasmatique

3- Bilan infectieux pour le coupleChlamydia - Hépatite BHépatite C - SidaSyphylis

Vitrification. Qu’est-ce que c’est?analyses médicales en aMP

Embryon à 4 cellules

Zygote