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Dossier d’accompagnement DIE TOTE STADT (LA VILLE MORTE)

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Page 1: DIE TOTE STADT (LA VILLE MORTE) · Korngold, le lyrisme comme revendication au début du XX. e. siècle. Mardi 22 janvier 2019 - 18h30 - Musée national Adrien Dubouché. • Parcours

Doss ier d ’accompagnementDIE TOTE STADT

(LA VILLE MORTE)

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VENIR À UN SPECTACLE

Nous sommes très heureux de vous accueillir à l’Opéra de Limoges !

Ce dossier vous aidera à préparer votre venue avec les élèves. Vous pouvez le diffuser et le dupliquer librement.

Le service d’actions éducatives et culturelles est à votre disposition pour toute information supplémentaire.

N’hésitez pas à nous envoyer tous types de retours et de témoignages.

INFORMATIONS PRATIQUES

La représentation débute à l’heure indiquée.Nous vous remercions d’arriver au moins 30 minutes à l’avance, afin de faciliter votre placement en salle. Les portes se ferment dès le début du spectacle.

Nous rappelons aux enseignants et accompagnateurs que les élèves sont sous leur responsabilité pendant toute leur présence à l’Opéra. Ces derniers doivent demeurer silencieux pendant la durée de la représentation afin de ne pas gêner les artistes et les autres spectateurs.

Il est interdit de manger et de boire dans la salle, de prendre des photographies, de filmer ou d’enregistrer. Les téléphones portables doivent être éteints.

Nous vous remercions de bien vouloir faire preuve d’autorité si nécessaire.

Cliquer sur les liens Internet dans le texte et accéder directement aux pages concernées.

Vendredi 25 janvier 2019 - 20 hDimanche 27 janvier 2019 - 15 h

Chanté en allemand, surtitré en français2h environ, sans entracte

AUTOUR DE LA CRÉATION

• Conférence tout public Korngold, le lyrisme comme revendication au début du XXe siècle. Mardi 22 janvier 2019 - 18h30 - Musée national Adrien Dubouché.

• Parcours thématique scolaire Rencontre avec S. Anglade. Vendredi 25 janvier 2019 - 14h30. Représentation le vendredi ou le dimanche. Visite (réservation en début de saison).

Nous vous souhaitons une très bonne représentation !

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DIE TOTE STADT

Die Tote Stadt est un opéra d’Erich Wolfgang Korngold, en trois tableaux créé simultanément à l’Opéra de Cologne et au Stadttheater de Hambourg, le 4 décembre 1920. Le livret a été écrit par Julius et Erich Wolfgang Korngold - alias Paul Schott - librement adapté du drame Le Mirage que Georges Rodenbach transposa de son roman Bruges-la-Morte.

A l’Opéra de Limoges, Die Tote Stadt est mis en scène par Sandrine Anglade. La direction musicale est confiée à Pavel Baleff.

L’HISTOIREAu chœur de Bruges, Paul - désespéré depuis des années après la mort de sa femme Marie - vit dans la vénération de son souvenir. Quand soudain surgit Marietta, un personnage de chair et de charme. Danseuse, elle est l’incarnation même de la vie ...

LES INSTRUMENTS DE L’ORCHESTRE DE L’OPERA DE LIMOGES10 violons I8 violons II6 altos6 violoncelles4 contrebasses

3 flûtes traversières et piccolo3 hautbois et cor anglais3 clarinettes et clarinette basse3 bassons et contre-basson

4 cors4 trompettes3 trombones 1 tuba

1 mandoline2 harpes3 claviers : un célesta, un harmonium, un pianoTimbalesXylophoneClochesTriangleTamGrosse caisse…

PERSONNAGES, RÔLES ET VOIXPaul, ténorMarietta, danseuse - sopranoLa vision de Marie, épouse défunte de Paul - sopranoFrank, ami de Paul - barytonBrigitta, servante de Paul – altoJuliette, danseuse – sopranoLucienne, danseuse – mezzo-sopranoFritz, le Pierrot - baryton

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Bruges, vers la fin du XIXe siècle. Les scènes de vision (2e tableau et 1ère partie du 3e tableau) se déroulent plusieurs semaines plus tard que celles du 1er tableau.

1ER TABLEAU Paul ne s’est jamais consolé de la mort de sa jeune épouse, Marie, dont il conserve plusieurs souvenirs : une mèche de cheveux, un portrait grandeur nature... Tous sont gardés dans une pièce obscure, « Le Temple du Passé », dans laquelle nulle autre personne que lui et Brigitta, sa vieille servante, ne peut entrer. Paul reçoit la visite de Frank qui trouve son ami dans une étrange crise. Paul a rencontré une femme dont la ressemblance avec Marie est frappante. Il n’a pu résister au désir de l’inviter chez lui.

Devant le portrait de Marie, Paul se perd dans ses pensées lorsque Brigitta introduit une femme voilée. Marietta, pleine de vie et après s’être dévoilée, reproche à Paul sa tristesse. Avant de repartir au théâtre où elle joue Hélène dans Robert le Diable de Meyerbeer, elle exécute une danse érotique dont Paul subit malgré tout la séduction. Soudain, elle tombe sur le portrait de Marie. Paul se fâche et la laisse partir, déchiré entre sa loyauté à l’égard de Marie et son désir nouvellement apparu.

Dans la pièce obscure, Marie se détache du cadre et s’approche de Paul. Ce dernier lui jure fidélité mais à peine la vision de la morte disparue, Paul voit Marietta qui danse dans l’abandon le plus complet.

2E TABLEAULa vision continue.Paul, la nuit, arpente le quai en face de la maison de Marietta. Il brûle du désir de la revoir. Des béguines passent lentement, Brigitta coiffée du bonnet des novices, ferme le cortège. Paul cherche à la retenir. Mais, elle refuse lui reprochant sa trahison envers la morte. Soudain, une étrange silhouette s’approche : Frank a succombé également aux charmes de Marietta qui lui a donné les clefs de chez elle. Paul, furieux, lui arrache des mains. Frank devient un ennemi.

La lune se dévoile. Rires, chants fusent de quelques barques. Marietta et la joyeuse troupe du théâtre s’amusent, boivent. Ils décident de répéter une scène de la pièce de Meyerbeer. Sur un banc qui sert de sarcophage, Hélène/Marietta est étendue et enveloppée dans une voile de bateau en guise de drap mortuaire. Les béguignes qui reviennent de l’office assistent immobiles à cette scène nocturne. Dans un martèlement furieux de cloches, Marietta se relève. Paul surgit et l’accable alors de reproches : c’est l’Autre qu’il aimait en elle, mais le désir est plus fort. Tous deux sortent étroitement enlacés.

3E TABLEAUMarietta apparaît dans le Temple du passé. Une procession religieuse passe. Tous s’agenouillent, Paul y compris. Marietta l’observe avec ironie. Elle décide alors d’arracher le portrait de la morte, coupable de troubler le repos des vivants. Des chants d’enfants arrête son geste. Hors de lui, Paul ne supporte plus la présence de Marietta dans ce lieu. Cette dernière le provoque de plus en plus, tente de le séduire, de l’embrasser mais le souvenir triomphe au point que Paul se précipite sur elle, la renverse et l’étrangle.

La vision s’obscurcit. Paul se réveille et cherche le corps de Marietta. Rien. Brigitta frappe et annonçe que la femme qui lui a rendu visite a fait demi-tour : Marietta vient rechercher son ombrelle et ses fleurs, puis repart sans que Paul ne lui ai adressé la parole. Frank arrive. Les deux hommes décident de fuir Bruges. Paul reste quelques instants seul afin de contempler une dernière fois le portrait de Marie.

ARGUMENT

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UN COMPOSITEUR ÉCCLECTIQUE, DE L’OPÉRA AU CINÉMA

UN ENFANT PRODIGESecond fils d’un critique musical très en vogue notamment à Vienne, Erich Korngold est pourvu de dons stupéfiants : une mémoire incroyable, une oreille musicale hors norme. Dès l’âge de cinq ans, il révèle une inventivité mélodique étonnante. Malher, qui ne pourra pas le prendre comme élève, dira de lui qu’il est « un génie ! un génie ! ». Il est également un pianiste de talent, capable de recréér les sonorités de l’orchestre au clavier.

UN RÊVE : L’OPÉRAKorngold écrit ses premiers ouvrages lyriques dès l’adolescence. Ils remportent tous un véritable succès dès leurs créations car ils révèlent le sens inné de Korngold pour l’art dramatique.

Déclaré inapte physiquement pendant la Première Guerre mondiale, Korngold reste en caserne et continue de composer : marches militaires, musiques de scène, concertos... Ses opéras remportent toujours de grands succès. Ainsi, Die Tote Statd, best-seller en Europe sera le premier opéra allemand joué au Metropolitan Opera de New-York après la guerre, en 1921. Toutes ces années vingt sont des années dorées pour ce compositeur à l’extraordinaire sens de l’humour.

LA MUSIQUE DE FILMAu début des années trente, l’impresario et metteur en scène Max Reinhardt invite Korngold à Hollywood. C’est l’occasion d’un nouveau départ professionnel (suite à quelques échecs) et le moyen de fuir le régime d’Hitler. Juif, Korngold ne pourra pas rentrer dans son pays. Il prend la nationalité américaine en 1943 et accepte un contrat pérenne avec la Warner pour écrire de la musique de film. Il invente alors de nouvelles normes, de nouveaux procédés - toujours utilisés

actuellement. Ces « opéras sans paroles » influencent l’écriture de musiques de films jusqu’à aujourd’hui (Star Wars, Braveheart...). Après un bref retour râté en Europe en 1945 (son écriture romantique ne correspondant plus au goût du jour), Korngold meurt en 1957 à Hollywood, persuadé d’être tombé dans l’oubli.

ERICH WOLFGANG KORNGOLD29 mai 1897, Brno (Autriche-Hongrie) – 29 novembre 1957, Hollywood

Enfant prodige, Erich Korngold a été encensé par Malher, Strauss ou Puccini. Négligé depuis la fin des années trente et la Seconde Guerre mondiale, le compositeur autrichien, naturalisé américain en 1943, avait tous les atouts pour transformer en or tout ce qu’il touchait.

Quelques œuvres1908 Sonate pour piano n°1 en si mineur1911 Zwölf Lieder, opus 51914 L’anneau de Polycrate (Opéra comique)1917 Marche militaire en si bémol majeur1935 Le Songe d’une nuit d’été de W. Dieterle et Max Reinhardt (musique de film)1938 Les Aventures de Robin des Bois de M. Curtiz (musique de film)1940 The Sea Hawk de M. Curtiz (musique de film)1952 Symphonie en fa dièse majeur, opus 40, dédiée à la mémoire de Roosevelt.

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LE ROMAN DE GEORGES RODENBACH : BRUGES-LA-MORTE

GEORGES RODENBACH : JOURNALISTE, AVOCAT ET HOMME DE LETTRESGeorges Rodenbach (1855-1898) est issu d’une famille bourgeoise belge de Flandre où - à l’époque - il convient de pratiquer la langue française au détriment du néerlandais et d’avoir une éducation à la française.Son œuvre littéraire est variée. Romans, nouvelles, contes, poésies, pièces du théâtre ... inscrivent Rodenbach dans une lignée d’écrivains flamands (Maeterlinck...) par lesquels émerge le mythe de l’âme belge. Paradoxe pour cet artiste qui plaide en faveur de la langue flamande bien qu’il écrive en français et qui manifeste son attachement à la Flandre tout en s’installant à Paris.Rodenbach refuse également de s’inscrire dans une tradition littéraire ou l’autre (réalisme, naturalisme, décadentisme...) mais les caractéristiques de son écriture le rattachent cependant au courant symboliste*.

LE ROMANEcrit en 1891, Bruges-la-Morte est publié une première fois en feuilleton dans Le Figaro durant 10 jours. Il paraît ensuite en volume, illustré de 35 photographies de Bruges, en juin 1892.

RÉSUMÉHugues Viane, un jeune veuf de 40 ans, cultive son veuvage au sein de la ville de Bruges depuis cinq ans. Il a choisi de s’y installer pour sa silencieuse mélancolie et son caractère éteint, afin de vivre avec dévotion la douleur causée par la perte de sa femme. Il habite avec une vieille domestique, Barbe. Ensemble, ils mènent une vie retirée : lui, vouant un culte à son épouse défunte (en conservant notamment sa chevelure mise sous verre, des photographies d’elle et des bibelots comme autant de reliques) ; elle, nourrissant l’espoir de finir sa vie au Béguinage.Un jour, Hugues rencontre Jane Scott, une femme de théâtre qui, de prime abord, ressemble étrangement à feu son épouse. Un réseau d’analogies se tisse tout au long du récit, entre Bruges et la morte, Bruges et l’état d’âme d’Hugues, Jane et la morte. La ville, elle-même rythmée par le silence et le son des cloches, agit comme un personnage, opérant par lente et insidieuse contagion. Elle envoûte Hugues et, après que ce dernier ait réalisé combien Jane ne correspondait absolument pas à l’image de son épouse défunte, le pousse à donner à cette histoire une issue tragique.

Photographie de Nadar

Photographies de Bruges / juin 1892

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LE ROMAN DE GEORGES RODENDACH : BRUGES-LA-MORTE

* LE SYMBOLISMELe symbolisme se situe dans la mouvance vers la modernité prise par la littérature dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il se caractérise par une rupture avec une tradition littéraire et culturelle conservatrice et par une présence affirmée de la nouveauté et de l’originalité.Ce renouveau prend ancrage dans un contexte particulier : celui d’une époque marquée par l’essor à la fois technique, économique (développement des villes, inventions des chemins de fer...) et démographique qui améliorent les conditions de vie des populations. Aussi, la représentation que l’on se fait du monde évolue et les artistes reconsidèrent leur rôle. L’art devient un accès à des connaissances supérieures que l’artiste a le droit de transmettre. Dans ce contexte, l’objet de la représentation change. Il s’agit de saisir la réalité prise par le mouvement et la vitesse. De ce fait, se pratique une esthétique du flou, du passage, de l’indétermination, mêlant réalisme et impressionisme. Il existe également une remise en cause du langage dont on rend compte des limites par une exposition des incertitudes liées au sens.La seconde moitié du XIXe siècle est marquée également par d’importants bouleversements politiques et sociaux : les révolutions se succèdent et la Révolution industrielle et les mouvements ouvriers invitent à l’engagement. Dès lors, le statut de l’art diffère en fonction de la position de l’artiste face à son temps. Soit l’art est un lieu de prise de position, il s’adresse directement au peuple et il se voit augmenté d’une portée sociale (réalisme) ; soit il est un lieu de fuite vers l’imaginaire ou la recherche d’un idéal qui n’est cependant pas hors de la réalité mais qui en offre une autre perspective (symbolisme).

Les grands thèmes : la femme à la longue chevelure, une atmosphère mélancolique, triste, le crépuscule ou la nuit, l’omniprésence de l’eau, l’onirisme...

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BRUGES-LA-MORTE / LA VILLE MORTE

DU ROMAN À L’OPÉRA• Germanisation des prénoms pour s’adapter à la

langue de l’opéra. Jane › Marietta Barbe › Brigitta Hugues › Paul

• Apparition d’un nouveau personnage, Frank. Les monologues intérieurs du roman deviennent des dialogues chantés. Paul peut ainsi extérioriser ses sentiments.

• Conservation du lieu où se déroule l’histoire. Bruges, comme dans le roman, devient un personnage. Description et utilisation symboliste de cette ville qui pleure lorsqu’il pleut...

• Quelques adaptations pour répondre aux contraintes de la scène et limiter la durée de l’opéra. Suppression notamment des descriptions physiques car inutiles puisque les personnages sont visibles sur scène.

• Transformation de la fin de l’histoire pour répondre à la moralité de l’époque. Paul rêve du meurtre de Marietta mais ne le commet pas réellement.

• L’importance de la musique qui apporte plus de rythme à l’histoire. Par exemple, les scènes de danse de Marietta avec sa troupe de théâtre brisent le rythme plus lent du récit. Cela introduit ainsi des moments de joie, de légèreté et permet à Korngold de produire une musique plus riche, plus variée.*

* LE STYLE DE KORNGOLDL’orchestration : comme dans la période post-romantique, l’orchestre est constitué d’un grand nombre d’instrumentistes. Prédominance des claviers (orgue / piano / célesta) propre à Korngold.Korngold utilise toutes les possibilités de variations de timbre et de masse propre à l’orchestre mais aussi à chaque instrument.Il affectionne également les contrastes (annonce des futures musiques de film).

L’harmonie : Korngold reste toujours dans le système tonal mais s’aventure parfois vers la frontière avec l’atonalité. Il joue sur les modes (pentatoniques...), les gammes (par tons...), les chromatismes, les dissonances, les tonalités...

La mélodie : « le bel canto moderne » dans lequel tout est chant et mélodie que ce soit dans les thèmes assez longs ou les motifs plus courts. Korngold maîtrise l’art de dérouler les phrases entre points culminants et résolutions. Presque toutes comprennent des ornements mélodiques (appoggiature, mordant, gruppetto...), caractéristiques de son style.

Couverture originale / juin 1892

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EXEMPLE : LES PREMIÈRES MESURES DE DIE TOTE STADT.Les premières mesures de l’ouvrage ne sont pas à proprement parler une ouverture classique. Quelques mesures uniquement se juxtaposent donnant à entendre plusieurs thèmes contrastés.

Selon Alain Perroux, dans L’Avant-Scène Opéra, les trois premiers accords forment un motif réduit qui sera omniprésent dans toute la partition (le « destin »). Ces accords semblent annoncer un évènement heureux - la sortie de Paul de sa mélancolie et de son obsession.

Intervient ensuite un nouveau thème, celui de la rencontre avec Marietta, une cavalcade interprétée par les violons, du grave vers l’aigu.

Le tempo plus large qui suit annonce le retour à la vie de Paul, son nouvel enthousiasme. Dans ce thème se retrouve les trois accords du « Destin ». ...

Ainsi, la musique ne suggère pas des ambiances, n’illustre pas le propos dramaturgique. Elle traduit les mouvements de l’âme de Paul et se fait son expression.

BRUGES-LA-MORTE / LA VILLE MORTE

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DIE TOTE STADT / SANDRINE ANGLADE

SANDRINE ANGLADEAprès avoir été l’assistante d’Andrei Serban et de Jean-Pierre Miquel (1995-2001), Sandrine Anglade mène sa carrière, depuis 1999, entre le théâtre et l’opéra. A Limoges, elle a notamment mis en scène Hänsel et Gretel de Humperdinck, Monsieur de Pourceaugnac de Molière et Lully, L’Italienne à Alger de Rossini, L’Amour des trois oranges de Prokofiev et La Cenerentola de Rossini.

La Ville Morte est l’histoire d’un autre Orphée parti, comme lui, chercher sa bien aimée dans le monde des morts pour finalement la perdre une seconde fois. Un Orphée « décadent », imaginé en 1892 par le romancier symboliste belge Rodenbach et redessiné par le compositeur Erich Wolfgang Korngold et son père Julius en 1920.

Une histoire en rêves.

Au cœur de Bruges, Paul, désespéré depuis des années par la mort de sa femme Marie, la vénère pieusement et vit dans son souvenir.

Une ville et une morte.Une ville qui prend toute entière les traits d’une morte.

Quand soudain surgit un personnage de chair, Marietta, danseuse, femme de théâtre… Ses traits sont l’exacte réplique de ceux de Marie. Elle est la vie. Paul découvre en elle la possibilité de faire revivre sa femme. Il se débat alors dans un rêve où Marietta impose sa séduction, sa sensualité, qui est aussi le surgissement du désir profond de notre « autre Orphée ». Tiraillé entre ses obsessions et ses pulsions, au paroxysme de son cauchemar, il finira par assassiner Marietta, image de Marie.

L’histoire de « La Ville Morte » est bien celle d’un combat moins anecdotique que conceptuel : celui de la vie contre la mort. L’opéra se construit d’ailleurs sur cette dualité en déclinant sur ce même mode autant de points de tension (le passé / le présent ; le profane / le

sacré ; le réel / le théâtre ; Bruges/ Venise ; l’angélisme/le meurtre…). La métaphore, la superposition des sens, des images, des temps participent de l’effet hallucinatoire de l’opéra.

La Bruges de « La Ville Morte » n’a rien d’une ville réelle. Tout comme la temporalité de l’opéra est une temporalité intérieure, la ville est un espace mental, un lieu poétique dans lequel, entre les eaux des canaux et les brumes, se diluent les obsessions et les fantasmes de Paul. Tout ici respire l’imagination. Les figures qui s’affrontent dans la tête de Paul hantent cette géographie et ce temps de l’incertain. Ce sont des reflets, des mirages. Pas si loin d’un Cocteau, écrivant à propos de son film Le Sang du Poète (1930), qu’il « n’est qu’une descente en soi-même, une manière d’employer le rêve sans dormir, une bougie maladroite, souvent éteinte par quelque souffle, promenée dans la grande nuit du corps humain. ».

Notre projet veut mêler le théâtre et la musique, immergés les chanteurs au cœur de l’orchestre, faire que ceux-ci flottent au cœur de la musique et au dessus d’elle.

La musique structurant l’espace participe de notre architecture imaginaire. La géographie qu’est le positionnement de l’orchestre et la présence des musiciens à vue sont des ouvertures oniriques : structure d’une ville mais aussi flux et vibration de l’eau des canaux. Grâce à cette présence des musiciens en scène, sourd un monde souterrain, monde des morts, monde de Marie. Celui-ci affleure ou submerge.

Je vous livre le secret des secrets. Les miroirs sont les portes par lesquelles la mort va et vient. Ne le dites à personne … (Cocteau, Orphée, 1925.)

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DIE TOTE STADT / SANDRINE ANGLADE

Il est mouvement (tant sur le plan auditif que visuel). Il enfle, se déploie, s’éloigne, ondoie, se confronte.

Aussi la mise en scène est elle plus que la narration d’une histoire linéaire faites de rebondissements successifs. Elle veut considérer l’œuvre dans toute sa dimension musicale et dramatique, insistant sur les lignes de forces, les points de tensions. Entrer dans la tête de Paul, donner à voir la construction de son chemin intérieur,

fait d’obsessions et de fantasmes dont les images se tissent, se reflètent, toujours semblables et en même temps différentes.

Un souffle (« ce rêve d’un retour, je veux l’approfondir ») - Un échec déchirant (la chair de la mort est intransposable dans le champ de la matérialité) - Un cri (« la vie nous coupe de la mort, terrible commandement »).

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SCÉNOGRAPHIE ET LUMIÈRESLe projet mêle la présence de l’orchestre à l’action scénique.Une vaste pente, creusée de « fosses » de différentes profondeurs rassemble, en un même espace, la fosse d’orchestre et le plateau.Les chanteurs évoluent dans des « allées » au dessus de l’orchestre.L’espace s’organise suivant de grands axes :• Une « percée » face / lointain• Des « allées » jardin/ cour• La possibilité de faire sortir progressivement l’ensemble du chœur d’enfants et d’adultes depuis la fosse et

qu’ils investissent l’ensemble du plateau.Le chef dans la partie basse de la pente, à vue de tous les musiciens. On sera vigilent à la nécessité de contact de regard. Le chef d’orchestre est comme le gardien du royaume des morts, le royaume de la musique qui fait chanter les morts...

La présence de l’orchestre est pensée comme un paysage. Les musiciens, c’est le mouvement de l’eau dans les canaux de Bruges, le flux. Les protagonistes circulent entre ces canaux.

Afin de « fondre » et d’inclure l’orchestre au dispositif, les traditionnelles lumières de pupitres seront retirées. Seront réglées des découpes sur les partitions de chaque pupitre, éclairant les musiciens par réflection.

Les chanteurs seront repris plus ponctuellement, la mise en scène insistant sur une organisation très précise de l’espace, en rendant des points de jeux récurrents.

Le personnage de Marie inclura de la lumière dans son costume (comme le reflet d’un visage sous un voile).

DIE TOTE STADT / SANDRINE ANGLADE

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DIE TOTE STADT / SANDRINE ANGLADE

Maquettes du costume de Marietta / Cindy Lombardi

Brigitta en Beguine

Maquettes des costumes de Brigitta, Paul et un comédien / Cindy Lombardi

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DISTRIBUTION

Pavel Baleff, directionThomas Besnard, chef de chant

Sandrine Anglade, mise en scènePascaline Verrier, collaboratrice artistiqueFrédéric Casanova, scénographieClaude Chestier, dramaturgieCaty Olive, lumièresCindy Lombardi, costumes

Johanni Van Oostrum, MariettaDavid Pomeroy, PaulDaniel Schmutzhard, Frank / FritzAline Martin, Harietta / BrigittaJennifer Michel, JulietteRomie Estèves, LucienneLoïc Félix, Victorin / GastonPierre-Antoine Chaumien, Le Comte Albert

Chœur de l’Opéra de LimogesOrchestre de l’Opéra de LimogesEnfants chanteurs d’OperaKids, préparation vocale Eve Christophe

Johanni Van Oostrum, MariettaSoprano, néerlandaise

David Pomeroy, PaulTénor, canadien

Daniel Schmutzhard, Frank / FritzBaryton, autrichien

Aline Martin, Harietta / BrigittaMezzo-soprano, française

Loïc Félix, Victorin / GastonTénor, français

Jennifer Michel, JulietteSoprano, française

Romie Estèves, LucienneMezzo-soprano, française

P.-A Chaumien, Le Comte AlbertTénor, français

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Erich Wolgang Korngold à Hollywood, dimanche 22 juillet 2018https://www.francemusique.fr/emissions/horizons-classiques/erich-wolfgang-korngold-a-hollywood-63414

Star Wars : la musique de John Williams, formidable porte d’entrée à la musique classique, mercredi 13 décembre 2017https://www.francemusique.fr/actualite-musicale/star-wars-la-musique-de-john-williams-formidable-porte-d-entree-a-la-musique-classique-54798

Star Wars, suite pour orchestre, The BBC Concert Orchestra, sous la direction de Keith Lockhart, au Royal Albert Hall : https://www.youtube.com/watch?v=sEneq8fKpQw

John Williams s’inscrit dans la continuité de la musique romantique du XIXe siècle et de la musique de film, notamment celle de Korngold.

Comme ce dernier, Williams n’est pas un simple illustrateur musical. Leurs langages musicaux sont en parfaite adéquation avec l’image. Leurs partitions la magnifient. Ils élaborent - à la manière d’une symphonie - des constructions avec ouverture, thèmes, leïtmotiv... Qu’ils soient mis en avant ou à l’arrière-plan, tous les éléments servent l’histoire. Korngold et Williams triturent les thèmes et les modifient pour refléter l’évolution dramaturgique de l’histoire.

Les deux compositeurs proposent ainsi une musique, élégante et détaillée, d’une richesse orchestrale et harmonique incroyable, capables d’exister pour elles-mêmes.

LE CINÉMA : UNE PORTE D’ENTRÉE DANS LA MUSIQUE CLASSIQUE

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Anne ThorezChargée des actions éducatives et culturelles / accessibilité

[email protected]

www.operalimoges.fr

OPÉRA DE LIMOGES

ÉCOUTER, VOIR, LIRE

OUVRAGESM. Draguet, Le Symbolisme en Belgique, Fonds Mercator, 2010.P. Gorceix, Georges Rodenbach (1855-1898), Honoré Champion, 2006.Korngold, La Ville morte, L’Avant-Scène Opéra, no 202, avril-mai 2001.N. Derny, Erich Wolfgang Korngold. Itinéraire d’un enfant prodige, Éditions Papillon, coll. Mélophiles, Genève 2008.

Guide de l’opéra, Fayard, « Les indispensables de la musique», 2000.Dictionnaire encyclopédique de la musique, R. Laffont, « Bouquins », 1998.P. Dulac (sous la dir.), Inventaire de l’opéra, Universalis, « Inventaires », 2005.L. Helleu, Les métiers de l’opéra, Actes Sud, 2005.

LIENSSur l’opéra en général : https://www.reseau-canope.fr/tailleferre/#autour-de-laffaire-tailleferre

SitedeJoëlGoffinautourdeBruges-la-Morte : https://bruges-la-morte.net/

Dossier pédagogique sur le roman de Rodenbach : https://www.espacenord.com/wp-content/uploads/2018/10/DP-bruges-la-morte.pdf

E. W. Korngold, The Sea Hawk, filmetmusique : https://www.youtube.com/watch?v=3wUkq6JBoMQhttps://www.youtube.com/watch?v=C-RPzAbW7No

E. W. Korngold, La Ville Morte : https://www.youtube.com/watch?v=oGQ56c-6z5kRoyal Swedish Opera Chorus, Royal Swedish Opera Orchestra, sous la direction de Leif Segerstam

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