Des colorants naturels à l'essor de la chimie organique

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Des colorants naturels...

Les hommes de la préhistoire ont utilisé des terres colorées et des ocres pour la décoration de leurs corps ou des parois des cavernes. Par exemple, dans la grotte de Lascaux, on a découvert des peintures réalisées 17 000 ans avant J.C. avec des pigments jaunes, rouges, bruns, noirs et blancs.

Des colorants naturels, d'origine végétale, minérale ou animale, étaient connus depuis l'Antiquité pour teindre les textiles. On connaissait par exemple l'indigo ou le pastel, teignant en bleu, ou la pourpre tyrienne et la garance, qui donnaient un beau rouge. Cependant ces composés étaient rares et chers, à tel point que la pourpre était symbole de royauté ("revêtir la pourpre"). Elle était en effet extraite du Murex (un coquillage) et il fallait 12 000 de ces coquillages pour obtenir 1,5 g de colorant.

Taureau peint- Grotte de Lascaux (Dordogne) - il y a environ 17 000 ans

Des colorants naturels...Pourpre de Tyr  : teinture rouge violacée extraite d'un mollusque gastéropode marin, le murex.

Rouge garance : extrait d'une plante grimpante de la famille des rubiacées (latin : Rubia tinctorum ). On extrait le colorant de ses rhizomes broyés et séchés.

Rubia tinctorum appelée la garance des teinturiers Laine teinte avec de la garance

Murex brandaris

Le pastel (molécule : indigo ou indigotine)

Dès l'Antiquité, les Egyptiens teignaient au pastel (Isatis tinctoria en latin) les bandelettes dont ils emmaillotaient leurs momies. Ils se servaient aussi de colorants pour décorer les poteries, pour préparer les fards (maquillage).

Le Moyen-Age, à son tour, reconnut ses vertus médicinales et cicatrisantes. Selon les archives marseillaises ce sont les Maures qui introduisirent le pastel dans tout le sud de l'Europe.

Le début du XVe siècle le vit fleurir en Angleterre, alors que quelques temps plus tard, les pays du nord se spécialisent dans la teinture en redécouvrant les propriétés tinctoriales de cette plante.

Champs de pastel dans le sud-ouest de la France

Le pastel (molécule : indigo ou indigotine)

Moulin pastelier en Allemagne (1900)

Fabrication du colorant naturel à partir de la plante :

1. Les feuilles étaient récoltées en septembre et amenées chez le meunier pastelier où elles étaient écrasées sous une meule, pour produire une pâte végétale qui était laissée à fermenter pendant huit semaines.2. A partir de là, les mouleurs venaient mouler à la main des boules de la taille d'un pamplemousse. Ces boules se nomment des « coques » ou « cocagnes » dans le sud-ouest de la France d'où l'expression « pays de cocagne » qui est par la suite restée dans la langue française pour désigner un pays riche.

Elles seront mises à sécher durant quatre mois et ainsi deviendront dures, noires et plus petites et ainsi plus faciles à transporter. Sous cette forme, le pigment bleu se conserve quelques mois et peut donc faire l'objet d'un commerce international.

Coque ou cocagne

Laine teinte au pastel

Le pastel (molécule : indigo ou indigotine)

Réplique d'une chemise militaire de l'armée de Napoléon.

En France, à la Renaissance, Toulouse s'impose alors au cœur du commerce européen du bleu de pastel. Ceux qui deviendront les plus célèbres négociants pasteliers de l'histoire s'y installent, accumulant des fortunes extraordinaires et bâtissent des hôtels pasteliers dans la ville rose(Toulouse).

Cependant leur puissance aussi fulgurante qu'éphémère ne surmontera pas les incidents de l'histoire.

Ainsi les guerres de religion et l'arrivée de l'indigo importé des Indes plongent le midi toulousain dans le marasme. La culture du pastel connaît son premier déclin.

Au début du XIXe siècle, Napoléon Ier créa une école expérimentale à Albi pour l'extraction de la fécule colorante des feuilles de pastel. Les recherches aboutirent à la réduction du temps d'extraction de la couleur, passant de 8 mois à quelques jours. Tous les soldats de l'Empire seront habillés en bleu de Pastel.

L'indigotier (molécule : indigo ou indigotine)Dès l’Antiquité, les Romains importaient la fécule d’indigo (du latin indicium : de l’Inde) d’orient, compactée sous forme de pains même s’ils en ignoraient la véritable origine. Connu dès le XIIème en Italie et dès le XIIIème en France, il n’était alors utilisé que par les peintres.

Depuis le XVIIe siècle l'indigo est importé d'Inde puis d'Amérique ce qui va bouleverser l'économie de la culture du pastel en France. En 1609 Henri IV, réagit en interdisant l'indigo d'importation sous peine de mort.

Jusqu'au début du XXème siècle, l'indigo naturel était essentiellement extrait d'une plante : l'indigotier. Il existe différentes espèces ne donnant pas les même couleurs de colorant.

Le véritable indigo (issu de l'Indigofera tinctoria) est de couleur bleu sombre violacé voire rougeâtre.

Fleur d'indigotier (Indigofera tinctoria en latin)

L'indigotier (molécule : indigo ou indigotine)

Blocs d'indigo ancien - Université technique de Dresde (Allemagne)

On suppose que c’est en Inde que les artisans commencèrent à extraire le colorant de l'indigotier. Ils plaçaient les végétaux dans de l’eau et les laissaient fermenter. Par le brassage du bain on y introduisait le plus possible d’oxygène et l’indigo se déposait au fond. Le liquide était filtré, bouilli pour être réduit, puis pressé en blocs.

L'indigo fût tout d'abord rejeté car il faisait concurrence au pastel mais il a ensuite pris sa place car il fournit un colorant beaucoup plus concentré et qui tient mieux.

Vers des colorants de synthèseLe premier colorant industriel, la mauvéine, fut découvert par hasard pendant les vacances de Pâques de 1856 par le jeune W. H. Perkin, alors âgé de 18 ans, assistant de A.W. Hofmann, chimiste allemand (1818-1892).

En 1857, contre l'avis de Hofmann, Perkin quitta son poste d'assistant et fonda avec son père et son frère une compagnie pour commercialiser ce mauve appelé « mauve Perkin ». Pendant que se construisait l'usine, Perkin mettait au point la préparation industrielle du colorant et découvrait par la même occasion de nouvelles techniques de teinture. Le tout fut fait en six ou sept mois dans une buanderie !

Le colorant, fabriqué avec des matières premières peu coûteuses, fut un grand succès et se vendait très cher : des usines se développèrent dans plusieurs pays car il y avait beaucoup d'argent à gagner.

William Henry Perkin (1838-1907) tenant un écheveau de laine teinté à la mauvéine.

Vers des colorants de synthèseEn 1874, fortune faite, Perkin vendit ses usines, se remit à la chimie et s’imposa comme l’un des plus grands organiciens du XIXe siècle.

En 1880, Adolf Van Baeyer, chimiste allemand et professeur à l'université de Munich, détermine la structure de la molécule d'indigo et parvient à la synthétiser.

Perkin et Baeyer permettent alors l'essor des colorants de synthèse (Baeyer a reçu le prix Nobel de chimie en 1905, notamment pour ses travaux sur le développement des colorants) et affaiblissent l'extraction de colorants naturels comme l'indigo ou le pastel.

La concurrence aidant, vers 1900, une grande palette de colorants était déjà disponible, à des prix suffisamment modiques pour ruiner les planteurs de pastel ou autres plantes servant aux colorants naturels.

Adolf Von Baeyer (1835-1917)

L'indigo au XXème siècleEn 1914, l'indigo est utilisé pour teindre l'uniforme des « poilus » (appelé bleu horizon).

En effet, les soldats français portaient au début de la première guerre mondiale l’uniforme napoléonien avec le pantalon rouge garance.

Groupe de poilus à l 'entrée d'un abri (juin 1916)

Uniforme de poilu (1914)

L'indigo au XXème siècleAprès plusieurs dizaines d'années laissé de côté, l'indigo retrouve une seconde jeunesse et son utilisation est relancée dans les années 60 avec la mode du blue-jean.

De nos jours, l'indigo de synthèse a totalement remplacé l'indigo naturel. Ce colorant est ainsi produit en grandes quantités et à faible coût.

Les Touaregs appelés « hommes bleus » (l'indigo déteint et colore leur peau).

Vieux jean teinté à l'indigo

L'essor de la chimie organique

Comprimés d'aspirine, obtenue par synthèse mais pouvant être extraite des feuilles de saule ou de la reine des prés.

Le XXème siècle a vu se développer la chimie organique et de nombreuses molécules ont été synthétisées.

En effet la chimie permet de reproduire, grâce aux synthèses, des substances existant dans la nature comme par exemple des arômes ou des colorants.

Une substance de synthèse est strictement identique à celle existant dans la nature et possède exactement les mêmes propriétés, comme par exemple  :

- la vanilline, qui constitue 90% de l'arôme naturel de la vanille- l'acétate d'isoamyle, principal constituant de l'arôme naturel de banane- l'acide acétylsalicylique, plus connu sous le nom d'aspirine

L'avantage des molécules de synthèse est de les obtenir en grande quantité et à des coûts bien plus faibles que si on les extrait de matières naturelles.

Reine des prés Saule

L'essor de la chimie organique  La chimie permet également de produire grâce aux synthèses, des molécules artificielles, c'est-à-dire des molécules qui n'existent pas dans la nature, mais qui peuvent permettre d'améliorer nos conditions de vie, comme par exemple :

- les médicaments (ex : le paracétamol)- les matières plastiques (ex : le polystyrène sert d'isolant dans le bâtiment)- les engrais- …..

Le Gore-tex® est un composé artificiel imperméable à la pluie mais perméable à la transpiration, utilisée notamment pour les chaussures de marche.

Le savon n'existe pas dans la nature. Il est fabriqué par les hommes depuis l'antiquité.

L'essor de la chimie organique  Si la chimie permet de produire les substances dont la société a besoin, elle est aussi source de de pollutions diverses. Il faut veiller à ne pas rejeter dans la nature des substances qui nuiraient à notre environnement et à notre santé.

Il est d'ailleurs possible de mettre à profit la chimie pour la restauration de l'environnement, pour le traitement des eaux, l'incinération des déchets.

La chimie industrielle en France est divisée en plusieurs secteurs d'activités, la France étant bien située pour la production et pour les exportations au niveau mondial.

Secteurs d'activité de la chimie : - qualité, sécurité, environnement- fabrication- recherche et développement- études, procédés et ingénierie- laboratoire de contrôle- autres : achat, marketing, logistique, administration...

LexiqueRhizome (nom masculin) Tige souterraine vivace, généralement à peu près horizontale, émettant chaque année des racines et des tiges aériennes.

Tinctoriale (adjectif) Qui sert à teindre.

Marasme (nom masculin) Ralentissement important ou arrêt de l'activité économique ou commerciale : ex : Le marasme des affaires.

Organicien (nom masculin) Spécialiste de la chimie organique (chimie spécialisée dans l'étude du carbone et de ses combinaisons).

Synthétiser (verbe) : Préparer / fabriquer d'un composé chimique.

Essor (nom masculin) : Mouvement par lequel une entreprise, une activité, etc., se développent rapidement, progressent : ex :L'industrie électronique est en plein essor

Prix Nobel : Récompense de portée internationale décernée chaque année depuis 1901 dans différents domaines pour les personnes ayant, par leurs inventions, découvertes, améliorations, apporté le plus grand bénéfice à l'humanité, selon la volonté d'Alfred Nobel ,inventeur de la dynamite (1833-1896).

Poilus (voir le programme d'histoire) : Surnom donné aux soldats français de la première guerre mondiale (1914-1918).

Touaregs : Peuple berbère vivant au Niger, au Mali, au Burkina, en Algérie et en Libye.

Bibliographie

http://www.bleu-de-lectoure.com

http://www.futura-sciences.com

http://www.cnrs.fr

http://www.histoire-image.org

http://www.lascaux.culture.fr

http://www.larousse.fr

http://commons.wikimedia.org

Livre de physique-chimie de 3ème Collection ESPACE Edition Bordas

http://www.dgcis.gouv.fr