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DANS LE PRESÉNT NUMÉRO: Rapports de: Albanie, Allemagne, Guyane, Inde, Malaisie, Nigéria, Etats-Unis N.8 2001 “Rencontres de Catholiques et de Musulmans à Patna”, Paul Jackson, S.J. .... 3 “Réunion du Comité Consultatif”, Francis X. Clooney, S.J. ................ 9 “Programme d’été 2000 pour les EJIF en Albanie”, Darko Perkovic, S.J. .... 11 “Dimensions religiuses du dialogue”, Chandra Muzaffar. ................ 13 “Allocution du père général à la consultation”, Peter-Hans Kolvenbach, S.J. . 17 “Dialogue en Guyane pour la justice et la paix.”, Joshi Praadep, S.J. ....... 18 “Vue du Nigéria. Prière qui unit”, Peter Schineller, S.J. .................. 21

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DANS LE PRESÉNT NUMÉRO:

Rapports de:

Albanie, Allemagne, Guyane, Inde, Malaisie, Nigéria, Etats-Unis

N.82001

“Rencontres de Catholiques et de Musulmans à Patna”, Paul Jackson, S.J. . . . . 3

“Réunion du Comité Consultatif”, Francis X. Clooney, S.J. . . . . . . . . . . . . . . . . 9

“Programme d’été 2000 pour les EJIF en Albanie”, Darko Perkovic, S.J. . . . . 11

“Dimensions religiuses du dialogue”, Chandra Muzaffar. . . . . . . . . . . . . . . . . 13

“Allocution du père général à la consultation”, Peter-Hans Kolvenbach, S.J. . 17

“Dialogue en Guyane pour la justice et la paix.”, Joshi Praadep, S.J. . . . . . . . 18

“Vue du Nigéria. Prière qui unit”, Peter Schineller, S.J. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

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RENCONTRES DECATHOLIQUES ET DEMUSULMANS À PATNA

Paul Jackson, S.J.

AntécédentsEn mars 1979, un groupe decatholiques accompagnés dequelques protestants se réunirent àAgra, sur invitation de l’archevêque,Mgr Dominic Athaide. Il s’agissaitd’une consultation demandée par laCommission oecuménique de laConférence des évêques catholiquesde l’Inde pour étudier les relations del’Église catholique avec lesmusulmans en Inde.

Comme résultat de cette consultationfut fondée l’Association des étudesislamiques (Islamic StudiesAssociation, ISA).

Ce fut un moment exaltant pour ceuxd’entre nous qui étaient engagésdans le rapprochement avec lesmusulmans en Inde: c’était l’espoir degrandes choses à venir. On constataen toute clarté que le plus grandobstacle à surmonter était le mélanged’ignorance et de préjugé silargement répandu parmi lescatholiques de l’Inde. On décida quela percée initiale de l’Associationserait de donner des cours sur l’Islamdans les séminaires et les maisonsde formation.

On découvrit rapidement qu’iln’existait aucun livre convenable quipût servir de manuel pour les coursdans les séminaires. En vérité, il n’y

a pas pénurie d’ouvrages générauxsur l’Islam, mais un grand nombred’entre eux ne mentionnent mêmepas l’Inde, tandis que les autresportent une attention insuffisante ànotre pays. Aussi, l’Associationplanifia et publia en collaboration TheMuslims of India.

Beliefs and Practices [Lesmusulmans en Inde. Croyances etpratiques], édité par Paul Jackson, S.J. L’ouvrage fut bien reçu et unedeuxième édition est actuellement enpréparation. Deux séminairesaboutirent à la production d’un autreouvrage utile, encore que de moindredimension, Questions Muslims Ask[Questions que les musulmansposent]. Salaam, le “Quaterly toPromote Understanding” del’Association, en est actuellement àson vingt-deuxième volume.

Tout modeste qu’il soit, il représenteune voix unique de l’Église catholiqueen domaine de relations chrétiens-musulmans en Inde.

Une autre oeuvre entreprise parl’Association consiste à organiser descongrès tous les deux ans, àl’occasion du General Body Meetingde l’Association.

Des congrès s’étaient déjà tenusauparavant à Patna, à Lucknow,Mumbai (Bombay), Kolkata(Calcutta), Chennai (Madras) etDelhi.

Ces congrès ont donné auxcatholiques et aux musulmans desoccasions de parvenir à se mieuxconnaître mutuellement. En rapportavec cela, on produisit le dépliantsuivant:

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ISLAMIC STUDIESASSOCIATION

10e CONGRÈS NATIONAL

THÈME: AN EXPÉRIENCEDE VIE MUSULMANE

Quelles sont les sources de votreexpérience de la vie musulmane?Vous fiez-vous entièrement à ce quedécrivent les médias? Savez-vousseulement quelque chose de genscomme les Osama bin Laden et lesTalibans, très éloignés de notrepropre expérience?

Aimeriez-vous acquérir une vision dela vie musulmane, telle que la viventdans la réalité et en font l’expériencede vrais musulmans dans une grandevariété d’occupatios et de contextes?Aimeriez-vous les entendre raconterleurs propres histoires, pour ensuiteavoir l’occasion de vous mêler à euxet de causer avec eux en prenant lethé du matin, le lunch ou le thé del’après-midi? L’Islamic StudiesAssociation (ISA), associationcatholique nationale fondée à Agraen mars 1979, vous offre cetteoccasion, le samedi 24 février 2001àNavjyati Niketan, Patna. Ne ratez pasl’occasion de profiter de cette chanceunique! La rencontre se tiendra de 9h à 17 h. La langue sera l’anglais,avec place pour le hindi, au besoin.Une contribution de 20 Rs seraitappréciée. Avez-vous jamais visité unmadrasa, l’Imarat-i Shari`a dePhulwari Sharif, un dargah, unkhanqah, ou la bibliothèque KhudaBakhsh ? Vous êtes-vous jamaisassis avec des musulmans dans cesinstitutions, ou dans une mohallamajoritairement musulmane, pourparler avec eux dans ces contextes?C’est là le programme organisé pourle dimanche 25 février, commençant

avec Navjyoti à 8 h 30 et se terminantà 17 h 30. La langue sera surtout lehindi, avec l’anglais au besoin. Unecontribution de 20 Rs seraitappréciée. Dans le but d’aider lesconférenciers musulmans à secentrer sur leur expériencepersonnelle propre, plutôt que denous entretenir sur l’Islam, la lettred’invitation qui leur a été envoyéeétait très détaillée. Le paragraphe clése lisait comme suit:

Tout tourne autour du thème ducongrès: Une expérience de viemusulmane. Le mot clé estexpérience. Le thème sera d’autantplus vivant que votre exposé serévélera un partage réel de votre viepropre. Le congrès ne porte pas surla théorie: il porte sur une expériencepersonnelle réelle. Ce qui veut direque, moyennant votre partage, vousvous adressiez aux participants entant que personne, qu’être unique.Dans un langage simple, on vousdonne l’occasion de raconter votrehistoire. Enfin, le programme impriméet distribué aux institutionsc a t h o l i q u e s c o m m e a u xconférenciers musulmans unesemaine avant le congrès expliquaitcomme suit son centre d’attention:

En résuméL’Islamic Studies Association (ISA),association catholique indienne, tientnormalement des congrès endifférentes parties du pays tous lesdeux ans. Ces congrès traitent dedifférents thèmes. Le thème actuel,Une expérience de vie musulmane,vise à fournir à la communautécatholique de Patna une occasion deconnaître quelque chose de lamanière dont les musulmans quivivent ici font l’expérience de la vie.

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Comme l’illustre si bien le récentexemple de Salim Ansari, le mineurcoincé dans l’obscurité totale sur unepetite plate-forme de charbon etentouré d’eau saumâtre pendant 138heures, beaucoup de musulmans ontune foi en Dieu profonde et vive. Cegenre de foi se manifeste davantagedans la manière dont une personnedonnée vit en conformité avec cequ’elle dit. Nous espérons entrevoircette foi à l’écoute de l’expériencevitale des amis musulmans qui sontavec nous aujourd’hui.

Le congrès lui-mêmeQuelque 130 personnes serassemblèrent à Navjyoti Niketan,Patna, le 24 février 2001, pour lepremier jour du congrès. Après uneprière d’introduction, Benedict J.Osta, S. J., archevêque de Patna,souhaita la bienvenue auxparticipants et plaça le congrès dansle contexte actuel de la scènecontemporaine de l’Inde. PaulJackson, président de l’ISA, donnaune brève descr ip t ion del’Association, mentionnant “lesdifficultés rencontrées dans larecherche de catholiques désireux des’engager dans quelque effortsoutenu pour rejoindre lesmusulmans, en collaboration avecleurs compagnons catholiques”. S. S.Mashhadi, notre premier conférenciermusulman, nous donna un aperçusur la manière dont un musulmanengagé peut jouer un rôled’importance comme administrateurgouvernernental.

Puis, nous fîmes une pause pour lethé du matin et eûmes uneinteraction. Dans la deuxièmesession, Muhammed K. K.,archéologue en chef de Bihar,

décrivit son travail de préservationdes Églises chrétiennes de Goa et lamanière dont i l découvr i tl’emplacement de l’ Ibadat Khana, oùles pères jésuites, à leur arrivée à lacours d’Akbar de Fatehpur Sikri, en1580, se mêlèrent aux discussionsqui se tenaient là. Il découvritégalement l’emplacement de la petitechapelle et de la résidence. ZakiaMashhadi nous donna un vivantaperçu de la vie d’une femmemusulmane éduquée de classemoyenne du Nord de l’Inde. Safamille était un mélange d’idéeslibérales et conservatrices. Elle devintelle-même institutrice, écrivain ettraductrice. Le dr Razi Ahmad,directeur de Gandhi Sangrahalaya,partagea son expérience et ses vuesen tant qu’activiste gandhien etscientiste social. Le dernierconférencier fut le dr Isri Arshad deBihar Sharif. Il commença sa viedans une famille pauvre de bassecaste et eut une douleureuseexpérience de discrimination de castecomme jeune garçon de Bihar Sharif.Il décida de briller par uneapplication diligente à ses études etil brilla bel et bien. Attiré parl’égalitarisme de l’Islam, il se faitmusulman. Il s’est distingué commechirurgien, leader de communauté etami des pauvres.

La pause du midi a fourni uneoccasion appréciable d’interaction.Quand nous nous rassemblâmes ànouveau, notre premier conférencierfut le dr A. A. Hai, éminent chirurgiene t o u v r i e r d e b i e n - ê t r ecommunautaire, qui partageal’inspiration reçue de sa foi en Dieu.Ishrat Hussain, travailleuse sociale àl’hôpital Holy Family de Patna, vientd’une famille très libérale appartenant

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à la communauté de la minoritéBohra. Dans sa jeunesse, elle futathlète championne, détentrice d’unrecord pan-indien. Elle fut admise àprendre part à des campsd’entraînement où la plupart desathlètes étaient des hommes, maisdit qu’elle n’a jamais eu deproblèmes. Soeur Manju, H. C., quivit avec une famille musulmane dansun village mixte d’Uttar Pradesh,décrivit le sort des femmesmusulmanes de son village. Lesfemmes battues sont monnaiecourante, mais il existe un seul casde divorce et aucun cas de bigamiedans la centaine de famillesmusulmanes. Le dr Akhtar Hussain fitun appel vibrant à la promotion de laface humaine de toutes les religionset Imtiaz Ahmad, l’historien de l’Indemédiévale le plus éminent de Patna,expliqua ce que représente pour unmusulman le fait de jeûner. Il fit aussiquelques commentaires sur lasituation présente, en tantqu’historien professionnel. Nousprîmes, alors, la pause de thé del’après-midi.

La session finale fut confiée auxparticipants, pour qu’ils exprimentleur réaction au programme du jour.Se sont distingués parmi lesintervenants John Baptist Thakur,évêque de Mazaffarpur, le père. R.H. Lesser, l’écrivain célèbre,plusieurs prêtres, religieuses etjeunes en formation, de même queJami Mashhadi, jeune musulmanétudiant en ingénierie. Leurscommentaires furent tous positifs, cequi fut très encourageant pour lesorganisateurs. Le lendemain, 25février, 36 personnes montèrent àbord d’un autobus et se rendirent àPhulwari Sharif, grand établissement

en majorité musulman près de Patna.La plus vieille tombe est datée de1385. La première place que nousvisitâmes sur la Fiqh Academy. C’estl’endroit où les jeunes musulmans quiont terminé le cours complet deformation dans un madrasa, ouséminaire, viennent pour y apprendrecomment devenir avocats et juges endomaine de loi personnellemusulmane, encore observée enInde. Junaid Alam, le directeur del’institution et principal professeur,donna un compte rendu lucide desétudes entreprises là et répondit auxquestions, à la satisfaction de notregroupe. Les religieuses présentes,cependant, jugèrent qu’il étaitdiscriminatoire qu’aucune étudiantene se trouvât là.

Puis, nous nous rendîmes à l’Imarat-iShari`a, l’institut véritable où sedonnent les opinions et jugementslégaux. Les étudiants vont là pourformation pratique. On nous fit voirles divers départements et nousrendîmes visite aux jeunes garçonsqui apprennent le Coran par coeur.

Avant tout, on leur apprend commentlire l’alphabet arabe, puis ilscommencent à mémoriser le Corantout entier. Ce processus exigenormalement quatre ans. Ce quiétonna les visiteurs fut le fait que lesgarçons ne comprennent pas cequ’ils ont mémorisé. La plupart semettront à l’étude de l’arabe, maiscertains se contenteront de savoir leCoran par coeur. Cela leur donne ledroit d’être appelés Hafiz Sahib, titrede respect dans la communautémusulmane. On nous servit le thé,puis nous fîmes une courte visite aupetit hôpital dirigé sur place. Nousn’eûmes pas le temps de voir l’institut

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technique.

Ensuite, nous cheminâmes à traversle quartier des bouchers, où latentative initiale de nous vendre de laviande le céda à l’étonnement de voirle groupe se déplacer le long de laruelle étroite. Notre arrêt suivant futle Sangi Masjid (mosquée de pierre).édifiée par Mir Ataullah Ja`fari,gouverneur de Bihar sous l’empereurMughal, Humayun, en 1549. Unefoule de gens de l’endroit serassemblèrent, lors de notre entréedans la mosquée. J’expliquai lesprincipales caractéristiques de lamosquée, puis l’imam, le directeur dela prière, apparut sur la scène. Je luidemandai de nous faire voir où il setenait et ce qu’il faisait quand ildirigeait l’office de prière. Il consentitaimablement à nous présenter uncycle de prière. Nous regardions etécoutions respectueusement. Ce futun beau moment de communiondans la prière.

Un arrêt ultérieur se fit à la tombe deMujibullah Qadri, saint soufi mort en1777. Puis, nous jetâmes un brefregard au Khanqah, les édifices quiconstituent les quartiers où vivent lesdescendants du saint. Nous n’eûmespas le temps de rencontrer RizwanAhmad Qadri, l’actuel Shah Sahib, oudirecteur de l’institution. Nousretournâmes à Navjyoti Niketan pourle lunch. Après celui-ci, nous nousrendîmes à la Khuda Bakhsh OrientalLibrary, où Atiqur Rahman, en chargedes manuscrits, nous expliqual’histoire de la bibliothèque et nousmontra, avec grand dévotion,quelques-uns des manuscritsconservés dans la bibliothèque. Lesmagnifiques enluminures, de mêmeque l’exquise calligraphie, furent

grandement admirées par tous. Nousvîmes même un portrait de MirAtaullah Ja`fari, celui qui avaitconstruit le Sangi Masjid que nousavions vu le matin. Une dernièrevisite fut pour la famille Mashhadi, oùnous pûmes échanger avec lesmembres de la famille, de mêmequ’avec une demi-douzaine dejeunes étudiants musulmans eningénierie, tout en prenant unagréable thé d’après-midi. Ce fut unmoment très détendu et agréable, oùles gens se sentaient libres de poserdes questions. C’était la clôture quiconvenait pour un heureux congrèsde deux jours.

CommentairesIl pourrait se révéler instructif departager l’expérience d’organiser uncongrès dans cet esprit sur la scènede Patna. La première chose àremarquer, c’est que l’archevêque dePatna, lorsqu’on lui demanda deprononcer l’allocution d’ouverture,consentit immédiatement à le faire etnota la chose dans son journal. Celafut très encourageant. De même,aussi, la réponse de WilliamD’Souza, le provincial jésuite. Ilpromit de passer toute la journée desamedi au congrès. Il acceptaégalement de diriger la portionchrétienne de la prière du début. Ledépliant de présentation mentionnéau début a été produit en décembreet distribué au cours de ce mois et dejanvier. Il ne fut pas envoyé par laposte. Il fut remis personnellement àun personnage éminent del’institution catholique, avecexplication sur ce qui y était impliqué.En moyenne, cela prenait une heureet comprenait une tasse de thé. Ilétait intéressant de noter lesdifférentes réactions. En général,

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plus le groupe était ouvert, plusgrand était l’intérêt manifesté.Certaines écoles, par exemple,prirent immédiatement l’engagementde déléguer quelques professeurs,tandis que d’autres manifestèrentpeu d’intérêt. C’est compréhensible.Les institutions catholiques de Patnatravaillent à plein temps pourrépondre aux demandes qu’on leurfait. C’est pourquoi leur seule vraieconnaissance des musulmans est, engénéral, ce qu’ils apprennent par lesmédias. Elles connaissent toutes lesact iv i tés des Ta l ibans enAfghanistan, mais elles n’ontprobablement pas de relations avecun seul musulman de Patna. Lecongrès a été une occasion de créerun cadre mental par rapport auxmusulmans réels de Patna.Malheureusement. un grand nombred’entre elles se sont privées de cettechance. D’autre part, il futgrandement encourageant de voirJohn Baptist Thakur, l’évêque deMuzaffapur, venir passer toute lajournée du samedi avec un certainnombre de ses prêtres. Du côtémusulman, il fut intéressant de notercomment, malgré la claire indicationde faire un exposé fondé surl’expérience, renforcée par la brèveexplication donnée dans leprogramme, que tous ont reçu àl’avance, un certain nombre d’entreeux commencèrent par l’un ou l’autredes aspects de l’enseignementcoranique. En soi, cela était uneexpérience de la vie musulmane!Trois des conférenciers ne seprésentèrent pas. Je l’ai appris ausujet de l’un d’eux, deux joursauparavant, mais n’eus aucuneinformation sur les deux autres. L’unétait malade et l’autre aussi se disaitmalade, mais il avait rédigé ses

exposé en Urdu et je pense qu’iltrouva difficile de le donner enanglais. De toute manière, tous lesparticipants, à l’exception d’un seul,auraient suivi ses propos. Quandmême le programme n’en subit pastrop de tort: il fut plutôt rehaussé parleur absence, car l’un des messieursavai t préparé un discoursqu’autrement il n’aurait pas été enmesure de donner, et nous eûmesassez de temps pour que chaqueconférencier puisse faire son exposéet ensuite, répondre à des questions.Si tous s’étaient présentés, nousaurions dû nous presser par manquede temps Nous eûmes aussi plus detemps pour permettre aux gensd’exprimer leurs réactions auprogramme. Ce qui se révéla unavantage, puisque aussi bien leursinterventions montrèrent clairementjusqu’à quel point la journée avait étéun succès, touchant les coeurs et lesesprits.

Lorsque le programme fut prêt, unesemaine avant le congrès, trois joursfurent consacrés à en distribuer descopies aux catholiques et auxmusulmans. Il s’agissait du rappelfinal. Un autre coup de chance fut lefait qu’une réunion de provinciaux futtenu le 23 au matin dans la salle oùdevait se tenir le congrès. La grandebannière colorée était déjà en place.Le président de la réunion, le pèreWilliam D’Souza, rappela le congrèsaux provinciaux. Ce rappel se révélafructueux. La combinaison d’unejournée d’informations de la part demusulmans fondées sur l’expérience,suivi de visites à une variétéd’institutions musulmanes la secondejournée, de même que les occasionsd’interaction au cours de l’une etl’autre journée, s’est révélée une

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NOTRE BULLETINSUR INTERNET

Nous sommes heureux de faire savoirque les sept premières livraisons del’édition anglaise de notre Bulletin Jesuitsin Dialogue: the Interreligious Dimensionest disponible maintenant sur Internet. Onpeut nous trouver à l’adresse suivante:

http://puffin.creighton.edu/jesuit/dialogue/

Ainsi, on pourra consulter les numérosprécédents, si l’on en a manqué ou égaréun; on aura aussi les articles déjàscannés pour les recopier ou les envoyerà d’autres.À ce moment-ci, seule la version enlangue anglaise est disponible, mais nousespérons avoir un peu plus tard surInternet toutes les versions en différenteslangues.Nous espérons inclure, plus tard, desnotes sur des activités passées oufutures en dialogue interreligieux, desarticles pertinents et des rubriquesdocumentaires.

formule heureuse.

RÉUNION DU COMITÉCONSULTATIF DE

L’ASSISTANCE À SAINT-LOUIS

Francis X. Clooney, S.J.

En mai 1998, je reçus de la part dela Conférence jésuite unedemande de coordonner le travailde l’assistance des États-Unis, enréponse aux directives de la 34e

congrégation générale sur lamission et le dialogue interreligieux.Par la suite, après consultationavec les provinciaux, je constituai

un Comité consultat i f del’assistance sur le dialogueinterreligieux, pour m’aider danscette tâche: James T. Bretzke(JSTB; Wisconsin), Raymond A.Bucko (New York), Philip J.Chmielewski (Chicago), William J.Farge (New Orleans), Paul L. Heck(New England), Raymond G.Helmick (New England), Ignatius F.Ogno (Oregon), James D.Redington (Maryland), John A.Saliba (Detroit), Carl F. Starkloff(Missouri), Augustine H. Tsan(California). Joseph P. Horrigan, dela province du Canada supérieur,va aussi travailler avec nous,puisque plusieurs questionstouchent à nos deux assistances.

C’était là le premier rassemblementde jésuites pour cette fin aux États-Unis et, espérons-le, le débutfructueux d’une large initiative de lapart des jésuites américains. La cléde la réunion fut l’occasion pour lesmembres du comité de se connaîtremutuellement, partageant leurshistoires personnelles et leursexpériences apostoliques. Commele comité comprend des jésuites detoutes les provinces, nous fûmeségalement en mesure d’enapprendre davantage sur desinitiatives locales directementreliées au dialogue, et aussi surl’organisation des efforts end’autres régions qui pourraientservir de modèle à notre travail.Organiser des jésuites au niveaud’une assistance est une tâcheredoutable; aussi, avons-nouségalement examiné les rôles decelui qui a convoqué et du comité,et nous nous sommes demandé

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quelles espèces de planification estréellement faisable au niveau d’uneassistance.

Le deuxième jour, nous fûmes enmesure d’attaquer des études plussubstantielles relatives à la missionet au dialogue, nous rendantcompte que nous ne pouvions pasréaliser de progrès constants endomaine de dialogue sans unebonne intelligence des positions del’Église sur l’évangélisation et ledialogue et un sens de ce qu’unecontribution jésuite fructueusepourrait représenter pour la missiongénérale de l’Église. Nous fûmesd’accord pour dire que le dialogueest un indicateur de la situationprovidentielle dans laquelle nousnous trouvons aujourd’hui: commel’a dit le pape Jean-Paul II: “Par ledialogue nous permettons à Dieud’être présent au milieu de nous,car lorsque nous nous ouvrons àl’autre, nous nous ouvrons à Dieu.”

Nos conversations affirmèrent quele dialogue est une valeur positive,une réponse nécessaire à lasituation dans laquelle nous noustrouvons. Nous avons perçu,également, que le dialogue doit êtreintégré à d’autres aspects de notret ravai l , a l lant d ’un largeengagement à l’évangélisation de laculture à notre travail en éducation,dans le ministère des Exercices,avec les démunis et les réfugiés, et,en général, doit être mis en lienavec des questions pratiques quiregardent les Américains de toutef o r m a t i o n r e l i g i e u s e ,particulièrement dans les situationsde violence réelle ou potentielle où

les religions peuvent ou aggraverou alléger les tensions. Nousn’avons pas eu le temps d’analyseraucune question en profondeur,mais au moins, nous avons acquisun bon sens des équilibres requispour un dialogue fructueux avecdes gens d’autres confessions.

Le dimanche, nous avons concluavec un remue-méninges sur cequ’il fallait faire ensuite. Nous avonsesquissé diverses stratégiespratiques: p. ex., un site Internetpour des nouvelles et desdocuments reliés au dialogue(http://web.lemoyne.edu/jesuit/dialogue); la rédaction d’un opusculec o m p r e n a n t d e b r è v e sprésentations de différentesreligions et une bibliographie utilesur les religions, l’histoire jésuitedes rencontres interreligieuses etles documents de l’Église. Bien quenous n’ayons encore structuréaucun plan, nous envisageons uneou plusieurs conférences pour lesquelques années à venir: p. ex.,une conférence pour les jésuitesintéressés et quelques-uns de noscollègues laïcs, et spécialementavec des personnes d’autresconfessions. Je puis aussi travailleren collaboration en convoquant unepetite conférence d’expertsspécialistes dans l’histoire de lamission jésuite.

J’espère que les lecteurs duprésent rapport partageront avecmoi et le Comité consultatif leursvues sur la manière dont nousdevrions mettre en pratique ledialogue dans le contexteaméricain, sur la manière de

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l’équilibrer et de l’intégrer auxautres valeurs et engagementschrétiens; et quelles initiatives,locales ou nationales, devraientêtre favorisées dans un avenirprochain. Faire du dialogue unedimension de tous nos ministèresjésuites est un projet encore dansson enfance et vos idées etsuggestions ont une importancevitale pour notre travail en cedomaine.

Programme d’été 2000 pourles EJIF en Albanie

Darko Perkovic, S.J.

Cet été, les EJIF (European Jesuits inFormation / Jésuites européens enformation) ont de nouveau réuni desscolastiques de toute l’Europe dansl’organisation de sa traditionnelleRencontre d’été. Dans le but de créerl’atmosphère propre de la rencontre,nous l’avons tenue en Albanie.Pourquoi l’Albanie? Comme le thèmede cette année était le dialogueinterreligieux, la Commission decoordination des EJIF a cru qu’il étaitimportant de trouver un pays d’Europequi pût nous donner le goût de nousmêler à des croyants d’une autrereligion. L’Albanie, aujourd’hui, estencore en train de se relever de 40 ansd’athéisme imposé officiellement etcomprend une population composée demusulmans, d’orthodoxes, de chrétienscatholiques et de non-croyants.L’Albanie était certainement la placetoute désignée pour nos délibérations.

La Rencontre d’été s’est tenue du 27juillet au 17 août. Nous étions dans lavallée de Pezë, à quelque 20 km deTirana, au Habib Conference Centerappartenant à la communauté Bahai.Nous fûmes très bien accueillis etl’endroit possédait toutes lesinstallations dont nous avions besoin.Comme dans les années précédentes,nos activités furent partagées en troisparties: le Forum EJIF, une retraite dehuit jours et le Symposium EJIF. Voiciun résumé de chacun de cesévénements.

Le Forum EJIF:

Nous étions 19 participants venus desdeux provinces allemandes et des deuxprovinces polonaises, des provincesespagnoles de Séville, Tarracone etLoyola, des provinces d’Italie, de Malte,des Flandres, de Croatie, de France,d’Irlande, de Roumanie, du Portugal,d’Autriche, de Grande-Bretagne et deSuisse. Le thème se centrait sur le dialogue interreligieux etles exposés s’échelonnèrent sur cinqjour par le père Tom Michel, S. J.. Nouseûmes des cours sur l’Islam et on nousdonna quelques aperçus sur les autresreligions principales du monde. Nouseûmes une foule d’occasions de poserdes questions en vue d’approfondirnotre connaissance et notre approchedes autres confessions. Pour cela noussommes extrêmement reconnaissantsenvers le père Tom, qui parla desautres confessions avec tellement derespect.

Nous fûmes aussi très heureuxd’accueillir le père Mark Rotsaert, S. J,vice-président de la C. P. E., avec quinous eûmes une rencontre au coursd’une des soirées, principalement sur lesujet de la formation et de lasignification de la C. E. P. et de sa

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tâche.

La retraite des EJIF:La retraite a été intégrée dans le thèmeinterreligieux. Le directeur de la retraitefut le père Christiaan van Nispen, S. J.,du Caire. Le père Christiaan est dotéd’une très riche expérience et d’unelarge connaissance en spiritualité etdans l’Islam, comme nous avons pu leconstater dans ses contributionsquotidiennes à nos méditations. La plusgrande partie de sa vie religieuse s’estpassée en Égypte, travaillant et vivantavec des musulmans. Les pères JoséMaría Orozco Morales, S. J., et TomMichel, S. J., fournirent leur aidecomme directeurs spirituels. Nousavons tous ressenti que c’était uneexpérience privilégiée que de faire laretraite ensemble, comme une manièreparticulière de favoriser des lienspuissants les uns avec les autres,enracinés dans notre commun désir desuivre le Christ comme sescompagnons.

Le Symposium EJIF:La question principale du Symposiumdes EJIF était l’élection de la nouvelleCommission de coordination. Cetteélection se fit en présence du pèreChris Dyckhoff, S. J., socius duprésident de la C. P. E. Les troisnouveaux membres de la Commissionde coordination sont Ludger MichaelJoos, de la province d’Allemagnesupérieure, Georges Henry Ruyssen,de la province de Belgiqueseptentrionale, et moi-même, DarkoPerkovic, de la province de Croatie.Après l’élection, nous avons étudié lesaspects positifs et moins positifs de laRencontre d’été 2000 et aussi lessujets possibles qui pourraient êtreinclus dans la Rencontre d’été 2001.Les intérêts majeurs allèrent à desthèmes comme la formation dans laCompagnie de Jésus et les questionsreliées aux réfugiés et aux migrantsd’Europe.

Pendant ces trois semaines, nousavons vécu en grande harmonie etfraternité, savourant pleinement les

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mots de saint Ignace sur notre faitd’être compagnons de Jésus et amisdans le Seigneur. Nous avions tous ungrand sens de notre grande variétéculturelle, linguistique et spirituelle et denos richesses comme membres d’unseul et même corps international,européen, ou communitas addispersionem. Nous avons été bienreçus par la communauté jésuiteitalienne de Tirana, qui a organisé àtrois occasions une soirée sociale pournous: le premier soir de notre arrivée àTirana, la fête de la Saint-Ignace et ledernier soir notre stage en Albanie.

Nous avons visité la CommunautéEmmanuel pour ex-drogués, qui est enconstruction, est située à mi-cheminentre Tirana et Pezë et est dirigée parles jésuites italiens. Nous avons euégalement la chance de rendre visiteau Grand séminaire jésuite de Sköder,dans le Nord de l’Albanie, ville pauvrehabitée surtout par des catholiques.Comme activités de loisirs, noussommes allés deux fois auxmerveilleuses plages de sable deDurrës, sur la mer Adriatique, passantles après-midis à jouer au water-polo etau football.

En revenant sur la Rencontre, jepourrais dire qu’elle a réussi une fois deplus à remplir son but principal, qui étaitd’établir une amitié et un sentiment plusfort d’unité parmi les jeunes jésuiteseuropéens. J’espère que cette espècede rapport encouragera nos prièresfraternelles pour la prochaineRencontre EJIF, qui se tiendra auPortugal.

Dimensions religieusesdu dialogue

entre civilisations

Chandra Muzaffar

Le dialogue entre gens de différentescommunautés religieuses est plusrépandu aujourd’hui que jamaisauparavant. Pour beaucoup de ceuxqui sont impliqués dans ce processus,le dialogue est une avenue pourexpliquer sa propre foi à l’autre et pouren apprendre un peu sur le copainpartenaire de dialogue sur la religion.Peu nombreux sont ceux qui voudraientvoir ce dialogue dépasser “laconnaissance de l’autre”. Ils espèrentque, grâce à une interaction et unengagement intellectuels, une vision dumonde universelle, spirituelles-moralepartagée surgira, qui servira de base,ou une nouvelle civilisation mondialevraiment juste et compatissante. Cequ’ils recherchent n’est pas seulementune intelligence interreligieuse, maisl’alimentation d’un profond lien humaind’amour et d’empathie transcendant lesaffiliations religieuses.

Il est vrai, évidemment, qu’il existe desgroupes et des individus engagés dansle dialogue interreligieux dont le butvéritable est de convertir l’autre à sareligion, ou du moins “de prouver quesa propre religion est supérieure auxautres”.

Pendant que le dialogue interreligieuxgagne du terrain, les relations entrecivilisations se façonnent - comme cefut le cas pour la plus grande partie del’histoire - par les forces de pouvoir etde la richesse. Les centres de pouvoiret de richesse situés en grande partie àl’Ouest et au Nord sont en train decréer une civilisation mondiale menéepar le marché de l’argent, la machine etles médias. Étant donné que, à la

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racine de ce mouvement, il yl’obsession du premier M, nous avonsdécrit le fondement idéologique de lacivilisation contemporaine comme“l’argenthéisme”[ “moneytheism”]. Lescorporations multinationales (MNC) et,de plus en plus, les spéculateurs surdevises dominent l’économie mondiale.Coca-Cola et McDonald’s se retrouventdans tous les coins et recoins de laplanète. CNN entre dans la plupart dessalons de classe moyenne à travers lemonde. Films et vidéos, bandesdessinées et caricatures, musique etdanses américaines sont devenuesparties constituantes d’une culturemondiale, si l’on peut dire. Héros ethéroïnes promus par des activitésassociées aux centre de pouvoir et derichesse de l’Occident sont devenusdes idoles mondiales qui comptent desmillions de fanas délirants. Puis, partiset élections compétitives sontconsidérés comme l’essence de lapolitique, tandis que l’adhésion auxdroits individuels civils et politiquesconstitue l’ultime étalon de la maturitépolitique.

L’économie mondiale, la culturemondiale et la politique mondiale sontpeut-être dominées par les centres depouvoir et de richesse à l’Occident,mais on ne nie pas que certainséléments de civilisations nonoccidentales s ’ inf i l t rent dansl’architecture planétaire. Des alimentset de la musique, voire des figures dumonde du sport non occidental, dudivertissement et de la politiqueacquièrent ici et là une réputationinternationale. Mais plus souvent quede raison, c’est parce qu’ils sont aptesà s’insérer dans le milieu façonné parl’Occident dominant. Ils apportent peut-être de la variété, mais ils ne sont enaucune manière autorités à menacerl’hégémonie occidentale.

Sous bien des aspects, l’hégémonieoccidentale a produit un impact négatifsur le reste de l’humanité. Elle a contréla croissance ou les valeurs, lescultures et les systèmes sociaux qui ontpu avoir été en mesure de contribuer àla civilisation humaine dans sonensemble.

Tout en même temps, elle a conduit àl’imposition de systèmes, ou depensées et modes de vie qui sontl’antithèse des principes de la justicesociale et des dogmes de l’harmoniesociale et de l’équilibre.

Une consommation manifeste par uneélite et l’accentuation des disparitéséconomiques ont érodé la notion del’obligation sociale que les richesavaient envers les pauvres enbeaucoup de sociétés non occidentalestraditionnelles. De la même manière, ledéclin de la famille et la désintégrationde la communauté n’ont pas seulementaffaibli la cohésions sociale: elles ontminé la dissémination des valeursmorales positives au sein du peuple.Cela ne veut pas dire que l’influenceoccidentale, qui est omniprésente, n’aproduit aucun effet positif dans lessociétés occidentales. Les institutionsdémocratiques, l’habilitation desfemmes, les mécanismes d’atteinte dela prospérité économique et l’utilisationde la science et de la technologie pourle bien public seraient quelques-unesdes réalisations de l’Occident qui ontété exploitées par des sociétés nonoccidentales à leur propre profit. Quandmême, l’émasculation des cultures nonoccidentales et la perpétuation devastes iniquités de richesse, de pouvoiret de connaissance en beaucoup desociétés non occidentales ont contribuéà engendrer des mouvements religieuxde masse qui sont manifestementopposés à l’hégémonie culturel del’Ouest. Ces mouvements cherchent à

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réaffirmer une identité “pure et sanstache” - une identité invariablementtraitée en termes rigides, dogmatiques.Leurs leaders et interprètes, souventissus de la classe moyenne éduquée,ont commencé à découvrir que lesmasses démunies et désavantagéesaspirant à un minimum de justiceconstituent toujours un bassin prêt etréceptif pour leur rhétorique politiquehabile, simpliste.

Dès que ces groupes acquièrent lepouvoir politique, ils renforcent ladivision religieuse et les dichotomiesdans les sociétés. Parfois, ils fontmontre d’un degré de chauvinismereligieux qui trahit l’universalismeincarné dans leur propres philosophies.Cela est vrai jusqu’à un certain point duBharattiya Janata Party (BJP) de l’Indeaujourd’hui, avec son slogan de“Hinduvta”. Les clercs islamiques et lecentre de l’État islamique de l’Iran ontmontré encore une autre face de larésurgence religieuse. L’autoritarismequi concentre le pouvoir dans les mainsde l’élite religieuse et délégitimise lesperspectives compétitives sur ladoctrine religieuse est l’une descaractéristiques spécifiques de l’Étatreligieux. Entre-temps, les défiséconomiques fondamentaux, en Inde eten Iran, qui confrontent les gensdemeurent sans solution.

L’échec de l’élite religieuse autoritairede l’Iran, incapable d’aborder lesquestions de justice, de liberté etd’égalité, a donné naissance aumouvement de réforme populaire danslequel femmes et jeunes jouent un rôlede premier plan. Les réformateursislamiques, contrairement à l’éliteautoritaire, sont orientés vers lesvaleurs, plutôt que vers la loi; inclusifs,plutôt qu’exclusifs; universels plutôt quesectaires. D’où, leur engagementenvers le dialogue des civilisations.

Par contre, pour que les réformateursreligieux poursuivent leur combat, ilfaudrait être perçus commed ’ a u t h e n t i q ues f ac t e u r s d echangement, adoptant une formule derechange issue de l’intérieur, plutôtqu’étrangère à la tradition.

Point également important, ils doiventdémontrer devant le peuple qu’ilspossèdent la connaissance, la capacitéet les habiletés nécessaires poursurmonter les problèmes reliés à lajustice, à la liberté politique et à lacohésion sociale.

Le temps est venu, pour lesréformateurs religieux, de produire despolitiques et des programmes concrets,tangibles, qui ne soient pas seulementorientés vers leur propre peuple, maischerchent également à aborder descrises plus larges de civilisation, crisesqui se rattachent, en un sens, à laperpétuelle question de la place del’être humain dans l’univers et de sonultime destinée.

Les réformateurs sont-ils capables des’attaquer aux défis critiques decivilisation? Quelles que soient leursforces ou leurs faiblesses, la situationqui prévaut semble favoriser lesréformateurs. Comme nous y avons faitallusion, les défauts de l’approcheautoritaire, dogmatique à la religion sefont de plus en plus manifestes auxyeux de tout le monde. En outre,quelques-uns des problèmes majeursqui confrontent la société humaine auxniveaux national et internationaldemandent des solutions qui reposentsur des valeurs, ce qui est laperspective dans laquelle lesréformateurs perçoivent les défiscontemporains. Pour faire échec audéclin de la famille et à la dégradationde l’environnement, par exemple, il fautinculquer le respect des liens

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intrafamiliaux et des relations avec lanature.

Au niveau international, il n’est paspossible de réparer les torts causés parles spéculateurs sur devises sans uneréorientation fondamentale de notreapproche de l’argent, qui a aujourd’huiété transformée depuis un instrumentd’échange jusqu’à un facteur de profit.Autrement dit, la bataille contre lecapitalisme de casino est, en dernièreanalyse, un combat moral qui exige unnouveau système de valeurs.

Pareillement, la prolifération des armesde destruction massive ne peut êtremise sous contrôle que si la civilisationcomme un tout perçoit la sécuritéhumaine et les relations humaines,comme exprimées à différents niveauxd’interaction, d’un point de vue nonviolent et non agressif. Ce qui, iciencore, requiert une transformation desvaleurs.

Les réformateurs trouvent égalementune aide dans le fait que les sociétés,aujourd’hui, deviennent partouthétérogènes. L’expansion de sociétésmultireligieuses signifie que les êtreshumains n’ont d’autre choix que devivre avec l’autre. Lorsque la présencede “l’autre religieux” n’est plus uneconstruction théorique, mais une réalitévivante, les attitudes et les valeurs d’unindividu donné subissent bon gré malgré un changement. Il n’est pasinconcevable qu’avec le temps les gensdeviendront plus tolérants et plusaccommodants les uns envers lesautres - encore que, en attendant,doive nécessairement exister destensions interreligieuses, voire desconflits.

L’approche accommodante, inclusivedes réformateurs, est-il besoin de ledire, se fera plus pertinente dans des

sociétés multireligieuses, cherchant àétablir quelque modus vivendi. Lamondialisation comme le monde sansfrontières qui en sort rehausserontégalement la pertinence desréformateurs. À mesure que le genrehumain comme collectivité devient deplus en plus conscient de son existencepartagée et de son destin commun, ilconstatera jusqu’à quel point il estimpérieux de renforcer les liens quiunissent la famille humaine, moyennantun intérêt partagé et des valeurspartagées. L’éthique spirituelle-moraleuniverselle des réformateurs fournira lefondement de cette unité mondiale dedemain.

C’est pourquoi, en dépit de toute laconfusion et la crise actuelles, il ne faitaucun doute que ce sont les mains desréformateurs qui façonneront l’avenir.

L’essai qui précède est le résumé d’unexposé fait à la Maison des culturesmondiales de Berlin, Allemagne, le 18novembre 2000.

Allocution du père généralà la consultation

“Jésuites parmi lesmusulmans en Europe”

Peter-Hans Kolvenbach, S.J.

Je vous souhaite la bienvenue à laconsultation “Jésuites parmi lesmusulmans en Europe”, parrainée parla Conférence des provinciauxeuropéens et organisée par lesecrétariat pour le dialogue

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interreligieux. Vous êtes ici, dans laplupart des cas, parce que vous avezété désignés par vos provinciaux, enraison de votre expérience, votrespécialité, ou votre intérêt pour cechamp d’apostolat, pour représenter laprovince à cette consultation et pourcommuniquer les résultats etdécouvertes de celle-ci aux membresde votre province.

La présence des musulmans en Europeest variée et soulève pour les jésuitestoute une série de questions. Pour ceuxd’entre vous qui viennent des provincesde l’Europe de l’Est, la présence demusulmans n’est pas quelque chose denouveau, puisqu’elle remonte auxconquêtes ottomanes et mongoles d’ily a des siècles, mais elle interpelle ànouveau dans l’ère postcommuniste, enraison de la responsabilité d’édifier dessociétés paisibles et pluralistes. Ceuxqui viennent de l’Europe de l’Ouest sontaux prises avec des situationsnouvelles et compliquées causées parla migration de musulmans desdernières décennies.

En un certain nombre de payseuropéens existe le phénomènerelativement récent de conversionsd’Européens à l’Islam, et il existe aussile phénomène nouveau des enfants demusulmans migrants, nés et éduquésen Europe, qui vivent entre deuxcultures à systèmes de valeursdifférents. Vos réflexions, dans laprésente consultation, couvrira un largeéventail de sujets et de situations. Vousaurez à réviser les craintes et lespréoccupations d’Européens confrontésavec des changements culturelsimprévus dans leurs sociétés natales,avec le danger toujours présent desréactions nativistes extrêmes. Vousaurez à examiner les réactions desmusulmans aux sociétés européennesmodernes hautement sécularisées

dans lesquelles ils vivent, réactions quipeuvent être critiques et travaillercontre l’unité nationale. Vous aurezégalement à examiner les possibilitésd’un “Islam européen” qui se fait jour,lequel cherche à intégrer ce qu’il y a demieux dans les traditions européennesde la dignité humaine et des droitshumains dans les enseignements del’Islam, offrant ainsi la possibilité defournir une contribution positive auxsociétés européennes et à lacommunauté musulmane du mondeentier.

En tant que jésuites, vous allezchercher à appliquer à vos propressituations nationales et régionales lesdirectives des documents de la 34e

congrégation générale, spécifiquementcelles de “Notre mission et le dialogueinterreligieux” et de “Notre mission et laculture”. Vous devez vous demander àvous-mêmes et les uns les autres ceque le dialogue peut et devrait signifierpour des jésuites qui vivent dansl’Europe contemporaine. Quel impact laprésence de musulmans a-t-elle surnotre mission aujourd’hui, alors quenous cherchons à offrir à notre mondeun service de la foi qui fait la justicedans un dialogue avec des cultures etdes gens d’autres religions? Commentétablissons-nous des rapports avec lesmusulmans et comment enseignons-nous à nos semblables chrétiens àvivre parmi les musulmans, comme descroyants profondément engagés enversDieu qui cherchent à rendre nossociétés plus humaines, justes,paisibles et respectueuses desdifférences légitimes? Pouvons-noustrouver des moyens de partager notrefoi avec les musulmans qui tiennentcompte de la voie profondémentreligieuse qu’ils suivent déjà?

Cette consultation de jésuiteseuropéens est la première de la sorte

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qui étudie la question des relationschrétiens-musulmans, mais on neprétend pas que ce soit la dernière. Ilne sera pas possible de traiter tout àfait en profondeur les diversesquestions qui surgiront. Il est réaliste,cependant, d’espérer que de cetteconsultation sortira un noyau dejésuites européens capables d’inciterles provinces à aborder ces questionsdans les années à venir. Ce sera votretâche de trouver les moyens les plusefficaces de promouvoir ce partage auniveau européen.

Pour encourager vos délibérations ences jours, je cite les paroles de “Notremission et la culture” de la dernièrecongrégation générale: “Cela fait partiede notre tradition jésuite que d’êtreengagés dans la transformation detoute culture humaine, lorsque leshommes commencent à remodelerleurs relations sociales, leur héritageculturel, leurs projets intellectuels, leursperspectives critiques sur la religion, lavérité et la moralité, et toute lacompréhension scientif ique ettechnique qu’ils ont d’eux-mêmes et dumonde dans lequel ils vivent.

Nous nous engageons à accompagnerles hommes, en différents contextes, aumoment où eux et leur culture passentpar des mutations difficiles” (4, 25). Jevais prier pour vous, en ces jours, pourque vos efforts à Ludwigshafenpuissent porter du fruit pour aider laCompagnie à réaliser cet aspect denotre mission en Europe.

Dialogue en Guyanepour la justice et la paix.

Joshi Praadep, S.J.

Quand je demandai à un musulmansi nous pouvions nous rencontrerrégulièrement pour partager nosexpériences religieuses mutuelles,il eut des soupçons: “Pourquoidésirez-vous que nous nousrencontrions et partagions desexpériences religieuses?” Il avait lesentiment que ce cachait là quelqueintention qui ne servît qu’à unobjectif final de conversion. “Voussavez, me dit-il, nous, musulmans,avons un esprit missionnaire etvous aussi, les chrétiens. Aussi, yaura-t-il nécessairement collisiondans des rencontres et desdiscussions sur la religion.” Jerépliquai: “Non, je ne désire pasdiscuter. Tout ce que je veux, c’estd’en savoir plus long sur l’Islam etles musulmans et les mieuxapprécier. J’aimerais aussi prieravec vous.” Ses soupçons ne sontpas chose rare chez les musulmanset, de façon moins marquée, chezles hindous. Mais je n’abandonnaipas. Après avoir causé avecplusieurs hindous et musulmans,nous fûmes un groupe de quelquedix personnes à nous réunir chaquemois. À un membre musulman jedis: “Votre père a dans sa boutiquequelques posters qui disent que leChrist n’est pas mort sur la croix etautres affirmations qui me gênentcomme chrétien.” - “Je vais parler àmon père” répliqua-t-il. Ces postersfurent enlevés. Son père devint untrès bon ami à moi et me demandamême de faire partie du Conseil depaix de Corentyne, qui comptaitdeux musulmans, deux hindous et

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moi-même. Certaines personnesnous amenaient leur problèmes.Nous les visitions dans leursdemeures chaque mercredi, ou ellevenaient à notre bureau. Nosobjectifs étaient de résoudre leursproblèmes et de leur éviter d’alleren cour. Nous avons résolu environ50 % de leurs problèmes. En mêmetemps, nous nous sommes gagnéla bonne volonté de tous. En tantque prêtre catholique, j’étais enmesure de favoriser beaucoup debonne volonté envers l’Église.

Je fus également invité par lespasteurs pentecôtistes, par plus dedix d’entre eux, à une rencontredestinée à organiser une marchepour Jésus. J’ai eu l’impression quela manière dont ils faisaient celaoffenserait la sensibilité deshindous et des musulmans.J’expliquai le point de vuecatholique, selon lequel nouscroyons qu’il existe beaucoup decroyances et de pratiques dans lesreligions non chrétiennes qui sontvraies et saintes, et nous avons durespect pour leur manière de vivre;beaucoup d’entre eux feraienthonte à des catholiques. Leursreligions sont un reflet de la véritéqui illumine tous les hommes. Je luifis part de ma vue selon laquelle lamanière dont la marche seraitconduite reviendrait à les pointer dudoigt. Je lui dis aussi comment leChrist a loué la foi d’un officierromain païen qui avait dit à Jésus:“Je ne suis pas digne que tuviennes chez moi, mais disseulement une parole et monserviteur sera guéri.” Jésuss’étonna de cette grande foi et dit à

la foule qui le suivait: “Je n’ai jamaistrouvé une foi comme celle-ci,même en Israël” (Lc 7, 9). Mesremarques furent inscrites dans lesminutes et nous continuâmes à êtrebons amis. Dans le dialogue nousne nous étendons pas sur nosdifférences, mais nous ne lesaccentuons pas non plus. Nousinsistons sur les points que nousavons en commun, comme la foi enJésus, la prière, le jeûne et lesbonnes oeuvres à l’endroit despauvres et des malades. Souventnous nous sommes réunis pourprier ensemble. Dans la paroissedu Sacré-Coeur nous avons troisautres églises chrétiennes. Nousplanifions des rencontres entrepasteurs et dirigeants laïcs. Je nesais ce qui va en sortir, mais nouspouvons prier et planifier quelquechose ensemble. Nous pouvonscélébrer certaines fêtes ensemble.Sur un plan plus sérieux, nouspouvons lire et étudier certainesdes déclarations conjointes émisesen Europe et en Amérique du Nord.La déclaration romaine-catholique-anglicane la plus récente, de mai1999, sur “Le don de l’autorité” peutêtre considérée comme une percéeoecuménique. Cette déclarationpeut être étudiée dans lesparoisses, afin de comprendre etd’apprécier plus profondément ledon de Dieu de l’autorité à nousimpartie par Dieu, en différentesmanières, par son Fils Jésus et sonVicaire sur terre, le pape, lesévêques, les prêtres et lesdirigeants laïcs.

Tous les êtres humains sont faitspar Dieu et nos coeurs ne sont pas

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tranquilles, tant qu’ils ne sereposent pas en Dieu. Tous lesêtres humains recherchentconstamment un bonheur complet.La quête est inspirée par l’EspritSaint. Toutes les religions sontsorties de cette ouvertureprimordiale à Dieu. À leurs originesnous trouvons des fondateurs qui,avec l’aide de l’Esprit de Dieu, ontréalisé une expérience religieuseplus profonde. Passée à d’autres,cette expérience a pris forme dansles enseignements, les rites et lespréceptes des diverses religions.Toute expérience religieuseauthentique trouve son expressiondans la prière. Nous pouvonstoujours nous unir dans la prièreaux membres de différentes égliseset confessions. De la sorte, nousnous aidons mutuellement à noustranscender nous-mêmes. Je mesuis souvent joint à des alcooliqueset des drogués pour la prière de lasérén i té . Leurs membresappartiennent à différentesreligions, ou à aucune. Quel sensd e c a m a r a d e r i e n o u sexpérimentons tous dans la prière.Cette camaraderie est essentiellepour surmonter les faiblesses ets’approcher de Dieu. Jésus lui-même aspira à la camaraderie. Il lefit voir en beaucoup d’occasion,spécialement dans son agonie:“Restez ici avec moi et priez.” Vousvenez d’entendre ou lire commenthindous, musulmans, bouddhisteset chrétiens de plusieurs Églises sesont unis au pape Jean-Paul II pourla Journée mondiale de la paix àAssise, le 27 octobre 1986. Il y a eusemblables rencontres en d’autresoccasions. Hindous, musulmans et

chrétiens ont exprimé dans uneréunion ou mis par écrit ce qu’ilspensaient être bon et ce qu’ilspensaient être mauvais chez lesdeux autres. J’ai partagé cesréflexions et nous sommes tombésd’accord pour faire ressortir ce quenous pensions être bon chez lesautres.

De la sorte, nous avons fait tomberdes barrières et des imagesstéréotypées que nous avions lesuns sur les autres. Nous sommesdevenus moins critiques et plusfavorables. En lieu et place,s’accrurent respect, confiance etamour. Chacun de nous a faitl’expérience d’une interconversion,d’une manière ou d’une autre. Noussommes devenus plus ouverts lesuns aux autres et à Dieu. Ce fut làune grande expérience nonseulement pour moi, mais aussipour les autres que j’ai rencontrés.Notre désir de vivre en paix et enharmonie avec les autres n’étaitpas qu’un désir: c’était une action.J’ai prié avec des musulmans etdes hindous dans leurs mosquéeset leurs mandirs, et eux avec moi.J’ai assisté à leurs lectures du saintCoran et du Bhagavad Gita, aimême osé en expliquer desversets. Ils ont aimé mesexplications - ils pensèrent qu’ilsétaient uniques. Et ils m’ont surprispar leur appréciation de passagesde la Bible.

Vraiment, la justice et la paixpeuvent être consolidées par und ia logue oecuménique etinterconfessionnel. Nous avonstous à apprendre quelque chose et

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non à nous rechercher nous-mêmes, mais Dieu seul, qui s’estrévélé aux chrétiens et aux autres àtravers son Fils, Jésus.

VUE DU NIGÉRIA.

PRIÈRE QUI UNIT

Peter Schineller, S.J.

Nous avons tous fait l’expériencesuivante: à l’école, rassemblementpublic, ou célébration comme unmariage ou des funérailles. C’est lemoment de la prière d’ouverture ou declôture. Le révérend père, la révérendesoeur, ou l’un des anciens est sollicitépour dire la prière. Il s’agit d’un groupemixte, c’est-à-dire, beaucoup sontchrétiens, mais non catholiques, et ungrand nombre sont musulmans.

Dans ce contexte, comment prie-t-on?Commence-t-on par le signe de lacroix? Mentionne-t-on Jésus Christ etprie-t-on le Père par lui? Est-ce qu’onrécite le Notre Père?

Évidemment, si l’assemblée estcomposée de 90 % de catholiques, ilest convenable et approprié d’utiliserdes prières avec lesquelles lescatholiques sont familiers et aveclesquelles ils se sentent à l’aise. Le Jevous salue, Marie, le Salut, ô Reine, oul’Angelus peuvent être récités. Mais s’ilse trouve là de nombreux musulmans,qu’est-ce que l’on dit? Comment prie-t-on de façon que les musulmanspuissent s’unir à la prière?

Ma suggestion est la suivante: dans ungroupe mixte, avec un pourcentageconsidérable de musulmans, nousfaisons un bout de chemin et prions defaçon qu’ils se sentent à l’aise. Je vois,dans ces occasions de prière avec desmusulmans, des occasions demanifester notre respect et notreadmiration pour leur foi. Au lieu de lesfaire se sentir mal à l’aise en faisantressortir ce qui est distinctif descatholiques romains, nous, chrétiens,pourrions de préférence mettre en reliefce que nous croyons en commun avecnos frères et soeurs musulmans.

Ce n’est pas injuste envers notretradition, ce n’est pas diluer ce quenous croyons. Ne récitons-nous pasrégulièrement les psaumes? or, ceux-cine font aucune mention explicite de laTrinité, de Jésus ou de Marie. Ce sontdes prières puissantes et, de fait, lesmusulmans se sentiraient très à l’aiseavec un grand nombre de psaumes.

Comme exemple de prière avec desmusulmans, nous avons les paroles dupape Jean-Paul II. En diversesoccasions il a rencontré des chefsmusulmans et des fidèles musulmanset prié avec eux. Je vais donner unexemple clé de la manière dont il a priéavec et pour les musulmans, puis jeferai un commentaire et montreraicomment nous pourrions adapter etutiliser cette prière. Notons, par-dessustout, que c’est là une prière qui met enrelief la foi que nous partageons avecles musulmans, non la foi qui divise.L’endroit est Dakar, Sénégal; l’année,1992. Le pape Jean-Paul II, à la fin de

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sa principale allocution, invita lesmusulmans à prier avec lui et priacomme suit:

Ô Dieu, tu es notre Créateur, tu esbon et ta miséricorde ne connaît pas delimites. Vers toi monte la prière de toutecréature.

Ô Dieu, tu nous as donné une loiintérieure par laquelle nous devonsvivre. Faire ta volonté est notre tâche.

Suivre tes voies, c’est connaître lapaix du coeur. À toi nous rendons notrehommage.

Guide-nous sur tous les chemins quenous parcourons sur cette terre.

Délivre-nous de tous les mauvaispenchants qui écartent nos coeurs deta volonté. Ne permets jamais que nousnous éloignions de toi.

Ô Dieu, juge de toute l’humanité,aide-nous à faire partie de tes élus audernier jour.

Ô Dieu, auteur de la justice et de lapaix, donne-nous la vraie joie et l’amourauthentique, et une solidarité durableparmi les peuples. Donne-nous tesdons éternels. Amen.

Puisse le Dieu de miséricorde, leDieu d’amour, le Dieu de paix bénirchacun de vous et les membres de vosfamilles. Amen.

Introduction à la prière. Notons que leSaint Père ne commence pas par lesigne de la croix. Je suggère que nouscommencions en demandant unmoment de silence avec des motscomme ceux-ci:

“Gardons maintenant un moment desilence.” Puis, après une brève pause,

on commence la prière.

Les noms de Dieu. Le pape s’adresseà Dieu selon différents noms ouattributs. Il est créateur, juge, celui quidonne la loi, l’auteur de la justice et dela paix, celui qui donne la joie. Onl’appelle le Dieu de miséricorde,d’amour et de paix. On voit que le papene se rapporte pas à Jésus, le Fils deDieu, même pas à Dieu comme Père,parce que pour les musulmans celapourrait s’interpréter comme unemanière de souligner que Jésus(comme nous le croyons, contrairementà eux) est le Fils unique du Père.

Autres noms de Dieu tirés de lalittérature islamique qui sont aussi trèschrétiens, noms qui pourraient s’utiliserpour invoquer Dieu, comme “Celui quiest exalté”, “Celui qui aime la beauté” et“le Glorieux”. Particulièrement favoriséspar les musulmans sont les attributs deDieu comme “le Miséricordieux, leCompatissant”.

Thèmes pour prière avec desmusulmans. Le pape prie pour quenous fassions la volonté de Dieu etsuivions les voies de Dieu. Nousdemandons à Dieu de nous guider, denous garder du mal et de nous inclureparmi les élus du dernier jour. Nousprions que Dieu nous bénisse etbénisse nos familles, que Dieu nousimpartisse la joie, l’amour et lasolidarité parmi les peuples.

Une contribution du deuxième conciledu Vatican peut assurer une directionsupplémentaire. Les pères du concile

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ont résumé de façon claire combiennous avons de choses en commun,mais aussi quelles sérieusesdifférences existent avec les fidèles del’Islam. Là, nous lisons que lesmusulmans figurent parmi ceux quireconnaissent “le Créateur” et quiprofessent tenir la foi d’Abraham, avecnous adorent le Dieu un etmiséricordieux, qui, au dernier jour,jugera le genre humain”. (The Church,n. 16). Un passage souvent cité, laDéclaration sur les relations de l’Égliseavec les religions non chrétiennes (n. 3)déclare:

Sur les musulmans, aussi, l’Église jetteun regard d’estime. Ils adorent un seulDieu, vivant et éternel, miséricordieuxet tout-puissant, auteur du ciel et de laterre et parlant aux hommes. Ilss’efforcent de se soumettre volontiersmême à ses décrets inscrutables, toutcomme fit Abraham, avec lequel la foiislamique se plaît à s’associer. Bienqu’ils n’admettent pas Jésus commeDieu, ils le vénèrent comme prophète.Ils honorent aussi Marie, sa mèrevierge; parfois, ils s’adressent aussi àelle, avec dévotion. De plus, ilsattendent le jour du jugement, alors queDieu accordera à chaque homme sondû après l’avoir ressuscité. Enconséquence, ils apprécient la viemorale et donnent un culte à Dieuspécialement par la prière, l’aumône etle jeûne.

Cette déclaration officielle de l’Églisesur l’Islam est pleine d’une sagesse quidevrait nous guider dans la prière avecles musulmans.

Conclusion de la prière. Le papetermine la prière en disant “Amen”. Il neconclut pas comme font souvent leschrétiens, en priant le Père dans l’Espritpar le Fils, Jésus Christ. Par exemple,nous terminons souvent nos prières endisant: “Nous te prions par le Christnotre Seigneur. Amen.” Mais dans lasituation où beaucoup de musulmanssont présents et prient avec nous, il estparticulièrement convenable determiner comme le pape le fait: “Donne-nous tes dons éternels. Amen.” Onpourrait aussi conclure avec des motscomme “Nous prions en ton nom.Amen”; ou, “Puisses-tu être béni etloué, pour les siècles des siècles.Amen.” Ou, encore: “À toiappartiennent la splendeur, lapuissance et la domination, maintenantet pour toujours. Amen.”

Des prières qui mènent à l’unité.L’Église presse tout catholique detravailler et de prier pour l’unité danstout le peuple de Dieu. Les occasionsoù chrétiens et musulmans serassemblent et prient sont desoccasions de favoriser l’unité.

Ce sont des occasions dans lesquellesils peuvent faire montre de bonnevolonté en priant d’une manière qui unitplutôt qu’elle ne souligne lesdifférences et les divisions. Percevantcela comme la voie vers l’unité, le papeJean-Paul II s’adressa aux musulmans,en Italie, en 1980: “Puisse l’espritd’unité et de respect réciproque serévéler plus puissant que celui quidivise et brouille.”

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Terminons par les paroles que le SaintPère adressait en Belgique auxchrétiens et aux musulmans. Ellesmettent en relief ce que nous avons encommun avec nos frères et soeursmusulmans et indiquent l’esprit danslequel nous pourrions prier de façonfructueuse avec ceux qui sont detradition islamique:

Comme chrétiens et musulmans, nousnous rencontrons dans la foi en un Dieuunique, notre Créateur et notre Guide,notre Juge juste et miséricordieux.

Dans nos vies de chaque jour nousnous efforçons de mettre en pratique lavolonté de Dieu selon l’enseignementde nos Écritures respectives. Nouscroyons que Dieu transcende nospensées et notre univers et que saprésence aimante nous accompagnetout au long de chaque jour.

Dans la prière, nous nous plaçons enprésence de Dieu pour lui offrir notreculte et notre gratitude, pour demanderpardon pour nos fautes et pourchercher son aide et sa bénédiction.”

Même dans les petites choses, lescatholiques peuvent promouvoir lacause de la paix et de l’unitéreligieuses.

La voie que nous indiquons ici estsensibilité et respect envers la foi desmusulmans, alors que nous sommesappelés à prier à une réunion où setrouvent un grand nombre de chrétienset de musulmans.