dynamique régionale et développement inégal au...

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1 C.R.E.T.E.I.L. Centre de Recherche sur l’Espace, les Transports, l’Environnement et les Institutions Locales Institut d’Urbanisme de Paris Université Paris XII – Val-de-Marne Dynamique régionale et développement inégal au Maroc Communication au colloque international Inégalités et développement dans les pays méditerranéens Université de Galatasaray, Istanbul, Turquie 21-22-23 Mai 2009 Rachid EL ANSARI Docteur en urbanisme [email protected] Mots clés : Maroc, disparités spatiales, géographie socio-économique, développement régional, aménagement du territoire, urbanisation, migration, investissement étranger, industrialisation, internationalisation. Résumé : En tant que pays en développement, le Maroc connaît d’importantes disparités entre les seize régions qui composent son territoire. Ces disparités concernent à la fois la croissance démographique, les secteurs sociaux et la dynamique économique, et leur évolution est déterminée principalement par trois facteurs : l’urbanisation, les migrations et la localisation des activités. En effet, nos analyses montrent une concentration démographique et économique le long du littoral atlantique et des clivages entre la région centre et les régions périphériques d’une part et d’autre part entre les régions fortement urbanisées et les régions agricoles. Par ailleurs, cette recherche a fait apparaître qu’on ne pourrait freiner l’expansion de la métropole casablancaise, en étant le noyau dur de l’économie marocaine, qu’en offrant une alternative réelle pour la localisation des activités et des emplois dans les autres régions, et que celles-ci, ne pourraient le faire en comptant sur la seule aide de l’Etat. Elles devaient d’abord compter sur leurs propres forces, se mobiliser autour d’un projet. Et qu’il ne faudrait pas reproduire la tendance à la métropolisation du territoire marocain vers une poignée de métropole d’équilibre, au tour des capitales régionales comme le souhaitent certains responsables et spécialistes de l’aménagement du territoire. Mais, il fallait un développement socialement harmonieux et écologiquement durable, à chaque échelle du territoire. D’où la priorité urgente de développer le milieu rural, très longtemps marginalisé et en décalage avec la dynamique des villes. C’est un grand travail de rattrapage à faire.

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    C.R.E.T.E.I.L.Centre de Recherche sur lEspace, les Transports, lEnvironnement et les Institutions Locales

    Institut dUrbanisme de ParisUniversit Paris XII Val-de-Marne

    Dynamique rgionale et dveloppement ingal au Maroc

    Communication au colloque internationalIngalits et dveloppement dans les pays mditerranens

    Universit de Galatasaray, Istanbul, Turquie21-22-23 Mai 2009

    Rachid EL ANSARIDocteur en urbanisme

    [email protected]

    Mots cls :

    Maroc, disparits spatiales, gographie socio-conomique, dveloppement rgional, amnagement du territoire, urbanisation, migration, investissement tranger, industrialisation, internationalisation.

    Rsum :

    En tant que pays en dveloppement, le Maroc connat dimportantes disparits entre les seize rgions qui composent son territoire. Ces disparits concernent la fois la croissance dmographique, les secteurs sociaux et la dynamique conomique, et leur volution est dtermine principalement par trois facteurs : lurbanisation, les migrations et la localisation des activits. En effet, nos analyses montrent une concentration dmographique et conomique le long du littoral atlantique et des clivages entre la rgion centre et les rgions priphriques dune part et dautre part entre les rgions fortement urbanises et les rgions agricoles.Par ailleurs, cette recherche a fait apparatre quon ne pourrait freiner lexpansion de la mtropole casablancaise, en tant le noyau dur de lconomie marocaine, quen offrant une alternative relle pour la localisation des activits et des emplois dans les autres rgions, et que celles-ci, ne pourraient le faire en comptant sur la seule aide de lEtat. Elles devaient dabord compter sur leurs propres forces, se mobiliser autour dun projet. Et quil ne faudrait pas reproduire la tendance la mtropolisation du territoire marocain vers une poigne de mtropole dquilibre, au tour des capitales rgionales comme le souhaitent certains responsables et spcialistes de lamnagement du territoire. Mais, il fallait un dveloppement socialement harmonieux et cologiquement durable, chaque chelle du territoire. Do la priorit urgente de dvelopper le milieu rural, trs longtemps marginalis et en dcalage avec la dynamique des villes. Cest un grand travail de rattrapage faire.

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    Prsentation :

    Cette communication a fait lobjet dune thse de doctorat en urbanisme, amnagement et politiques urbaines, intitule : Le dveloppement rgional face aux disparits socio-conomiques au Maroc, et soutenue en novembre 2008 lUniversit Paris XII Val-de-Marne. Si les travaux sur lorganisation territoriale et les dcoupages rgionaux sont nombreux au Maroc, les tudes sur la mesure du degr des disparits socio-spatiales et les processus en cause dans la formation de ces disparits sont plus rares. Cette thse est une contribution ces deux problmatiques. Elle procde dune part de la volont dexpliciter et de mesurer la contribution des facteurs spatiaux et a-spatiaux la dynamique des disparits inter-rgionales au Maroc, et dautre part, de tester lhypothse de convergence et de dveloppement rgional dans les rgions priphriques.

    Introduction

    Lobservation des disparits1 spatiales, aujourdhui dans le monde rvle que, celles-ci ne distinguent pas seulement les pays dvelopps du nord et les pays mergents du sud, mais concernent galement les villes et rgions dun mme pays, suivant son niveau de dveloppement. Le Maroc, en tant que pays en dveloppement (Cf. carte ci-aprs), connat de fortes ingalits socio-conomiques, crant des ruptures entre la ville et la campagne, et entre le centre et la priphrie du pays, des rgions et des villes. Ce qui diffrencie le cadre de vie des habitants et favorise les migrations spatiales.Lide de traiter cette question se justifie par le constat que le dveloppement des territoires nest pas quitable et que lcart ne cesse de se creuser entre la rgion centre et les rgions priphriques, ou plutt entre des espaces favoriss et des espaces dfavoriss qui accumulent les retards et les handicaps (enclavement, sous-quipement, limitation ou mauvaise gestion des ressourcesetc). Un phnomne qui saccentue avec la fragilit de la situation socio-conomique et les dfis de la comptitivit que prsente la mondialisation2.Par ailleurs, une prise de conscience de ces enjeux est observe depuis llaboration du plan quinquennal de dveloppement (2000-2004), et lors du dbat national sur lamnagement du territoire (2000-2001) qui reconnat pour la premire fois la gravit des difficults et lincapacit de lEtat de mener une politique volontariste en la matire.

    1 Nous avons choisi demployer le terme disparits plutt que ingalits , mais les deux peuvent semployer ici comme des synonymes. 2 Selon Carrou L. (2002), la mondialisation est un processus producteur de profondes ingalits. Sa principale dynamique repose sur une double logique dintgration/fragmentation et de marginalisation/exclusion. La dfinition de lappartenance de telle ou telle rgion au centre, la semi-priphrie ou la priphrie repose sur la capacit des territoires et des nations matriser de manire endogne leurs processus daccumulation interne et tout autant leurs modes darticulation au reste du monde. On peut donc considrer que lingalit et le dualisme sont consubstantiels au mode de dveloppement et de valorisation diffrencie des territoires par le capital.

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    Carte 1 : Le dcoupage administratif du Maroc

    Rgions Administratives

    1 Oued Eddahab-Lagouira

    2 Layoune-Boujdour-Sakia El Hamra

    3 Guelmim-Es Smara

    4 Souss-Massa-Dra

    5 Gharb-Chrarda-Beni Hssen

    6 Chaouia-Ourdigha

    7 Marrakech-Tensift-El Haouz

    8 Oriental

    9 Casablanca

    10 Rabat-Sal-Zemmour-Zar

    11 Doukkala-Abda

    12 Tadla-Azilal

    13 Mekns-Tafilalt

    14 Fs-Boulmane

    15 Taza-Al Hoceima-Taounate

    16 Tanger-TtouanEchelle : 1 / 150 000.Source: Direction de l'Amnagement du Territoire, 1998.

    Ce nouveau contexte a des effets sur ltat des disparits inter-rgionales au Maroc, ce qui me conduit poser un certain nombre de questions :

    Quelles forces prsident au destin des rgions ? Ont-elles la matrise de leur dveloppement ? Les rgions dune nation entretiennent des relations troites au point que parler de dveloppement rgional, cest aussi sinterroger sur les mcanismes qui prsident lmergence des disparits entre les rgions : comment le dveloppement nat-il et se propage-t-il dans lespace national ? Lespace tend-il naturellement shomogniser ou se diffrencier ? La pense rgionale sordonne autour des quelques grandes rponses ces questions et sincarne dans quelques grandes thories.

    Cest ces rapports entre dveloppement rgional et disparits socio-conomiques que je me suis intress au cours de cette thse.

    Ma prsentation est organise en 4 parties :- Problmatique de la recherche,- La mthode et outils adopts,- Les principaux rsultats,- Et enfin, en dernier point, jen viendrai aux conclusions et aux pistes de recherche.

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    1 Problmatique de la recherche

    Cette recherche survient dans un contexte ou les modles de dveloppement dominants ne parviennent aujourdhui rendre compte que de faon partielle les dynamiques des conomies locales.

    Lobjet de cette thse est dessayer de mieux comprendre ce quest le dveloppement territorial. Laxe dapproche adopt pour ce faire est les disparits inter-rgionales.

    Au cours des quelques dcennies coules, les recherches go-conomiques ont connu des progrs apprciables dans le domaine des disparits spatiales. De nombreux dveloppements thoriques, souvent soutenus par les rsultats dinvestigations empiriques, sont venus enrichir et largir le champ danalyse de cette branche. Ainsi, des thories nouvelles, telle que la nouvelle conomie gographique (NEG), sont nes et ont foncirement modifi la manire dapprocher et dexpliquer les ingalits entre espaces et groupes dindividus.

    A ct de la rpartition fonctionnelle, qui a longtemps domin les dbats conomiques, la rpartition personnelle constitue ds lors une autre alternative dapprhender le problme des disparits sociales. Mais la vracit dun tel jugement nimplique pas que la rpartition personnelle qui a atteint son stade achev et quelle peut rendre compte de tous les aspects de lingalit. Certes, un grand nombre dlments gnrateurs dingalit ont fait lobjet de recherches approfondies qui ont permis de dterminer leur contribution prcise ou approximative au phnomne des disparits sociales. Nanmoins, de nombreux facteurs, non moins importants, demeurent lcart de ces investigations. Parmi ces facteurs, on retientparticulirement la composante spatiale.

    Linsuffisance de la prise en compte de lespace dans lanalyse conomique nest pas, au demeurant, surprenante lorsque lon sait la complexit du facteur spatial et le manque, voire linexistence, de donnes statistiques permettant la vrification des conclusions thoriques. Lintroduction de lespace dans lanalyse conomique remonte J.H. Von Thnen (1820). Les travaux ultrieurs marquent une nette volution de la conception de lespace qui ne cesse de se poursuivre jusqu nos jours. Dun raisonnement portant sur la distance qui spare les localisations des agents conomiques (Von Thnen, Dunn, Weber) ou sur lutilisation des surfaces de sol (W. Alonso) dans un cadre purement statique, on est pass ltude de loccupation du sol et la transformation de lespace conomique selon une optique dynamique.

    Cette tude, sans prtendre lexhaustivit, sefforce nanmoins de saisir les disparits rgionales en leur conservant toutes leurs dimensions, pour confiner au maximum avec la ralit conomique et sociale. Lespace conomique, sil est livr aux seules influences des lois conomiques aboutit un espace diffrenci, hirarchis, ingalitaire. Ce quil faut dire prsent, cest que ces structures spatiales diffrencies se retrouvent au niveau social travers la dissymtrie qui stablit entre ceux qui appartiennent aux rgions ou se concentrent le progrs et le dveloppement, et ceux qui se localisent dans les rgions pauvres et sous-dveloppes. Or toute action, toute dcision transforme le paysage conomique et partant les conditions sociales.

    A/ Milieu urbain vs. Milieu rural

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    La rgion est le fruit de conditions naturelles et de lhistoire, car chaque rgion a sa personnalit rgionale voire sa vocation rgionale. Si la rgion, dont la construction sest tale parfois sur plusieurs sicles, renforce en cela par la langue et la culture, est largement accepte dans linconscient collectif, les villes ont gnralement t juges de faon ngative. Ces prjugs anti-urbains ont comme origine les travaux des diffrents courants de lconomie politique. Lvocation de lurbain est axe sur lopposition villes-campagnes. Il est utile de souligner que ce courant de pense qui a dpass les limites des courants traditionnels de lconomie politique classiques et marxistes trouve son origine dans lAngleterre de la fin du dix-neuvime sicle, contexte de la plupart des auteurs, qui connat un bouleversement social caractris par une forte concentration de la richesse dans les villes et un appauvrissement des campagnes d lexode rural. Plusieurs raisons, selon les fondateurs de lconomie politique, militeraient pour lopposition entre les villes (lindustrie) et le monde rural (lagriculture). Ainsi, selon Adam Smith (1776) la hausse artificielle des prix de produits manufacturs paralllement la sous-estimation des prix de produits agricoles concourrait ltablissement de termes de lchange dfavorables au monde rural. Le financement des activits urbaines (lindustrie) serait dnu de toute logique conomique car les taux de retour sur linvestissement seraient plus importants dans le secteur agricole que partout ailleurs. Ricardo (1817) peroit dans lorganisation de la socit une nette coupure entre lurbain et le rural.Ces deux entits seraient opposes en termes de production et dans la poursuite dintrts divergents. Pour Marx (1867) la contradiction villes-campagnes essentiellement alimente par la poursuite dintrts traduit bien la lutte de classes qui oppose le capitalisme (les villes) et les classes pauvres et exploites que sont les paysans.Cette opposition systmatique entre les milieux urbain et rural, introduite par les fondateurs de lconomie politique a largement influenc toutes les tudes contemporaines, particulirement dans le cas des pays en dveloppement. Ainsi, selon Dumont (1966), Schikele (1968), Mamalakis (1971) et Lipton3 (1977) les villes des pays en dveloppement sont de vritables boulets qui freineraient le dveloppement du reste du pays : les villes draineraient la majorit des investissements et des forces vives de la nation au dtriment du reste du pays, les services comme la sant, lducation, leau, llectricit seraient beaucoup plus prsents dans les zones urbaines que partout ailleurs. Dans les pays dvelopps, cette dimension idologique se retrouve dans le bilan trs svre qui est port sur les villes en gnral et les grandes villes en particulier. Ce sentiment anti-urbain largement partag, aussi bien par la socit civile que par les institutions publiques, sappuie sur des sujets tels que la pollution, les embouteillages, les cots de fonctionnement exorbitants. Dautres arguments sont aussi utiliss : la thorie de la taille optimale des villes, selon laquelle il existe une dimension au-del de laquelle toute croissance nouvelle diffuserait plus deffets ngatifs que deffets positifs, les dsquilibres territoriaux lheure du dveloppement des politiques damnagement du territoire seraient viter et justifieraient donc la mise en place de mesures coercitives pour lutter contre lurbanisation et pour matriser la croissance urbaine.Ainsi, pendant longtemps, lconomie urbaine a t aborde de faon ngative ou au mieux dfensive, savoir apporter des rponses des problmes prcis apparus dans les annes 50 : 3 La question des relations de rciprocit entre processus durbanisation et devenir des espaces ruraux a longtemps t domine par la thse du parti pris urbain (urban bias) dfendue par M. Lipton. Cest la discussion des arguments de cette thse que des gographes, la suite dconomistes et de politologues, entendent concourir. Les textes de Chaleard J.-L. & Dubresson A. (S/Dir., 1999) montrent dabord que les relations entre urbanisation et agriculture ne relvent pas dune coupure simpliste entre citadins et ruraux , ngligeant trop souvent lhtrognit des intrts et la diversit des pratiques. Le creusement des ingalits sociales au Sud est ainsi loin dtre unilatral, gagnants et perdants pouvant tre tantt des fractions citadines, tantt des groupes paysans et parfois les deux.

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    Comment planifier la construction des infrastructures, crer une industrie du logement capable de construire des millions de logements ? Comment traiter la pathologie urbaine qui se traduit par des meutes ? Comment traiter les rpercussions de la crise conomique en milieu urbain ? Il a fallu attendre le dbut des annes 70 pour voir lmergence dune approche plus positive de lconomie rgionale et urbaine base sur la contribution des villes au dveloppement conomique en gnral. En effet, sil est tabli que lconomie nationale dfinit le cadre dans lequel opre et se dveloppe lconomie rgionale et urbaine, il nest pas moins vrai que lconomie urbaine ou rgionale a des consquences sur lconomie nationale.Les travaux sur la rpartition du budget de lEtat montrent que malgr les cots levs des infrastructures urbaines (cot par habitant), les normes frais gnraux de ladministration dans les grandes villes et les dficits courants des services urbains, gnralement les villes contribuent plus quelles ne cotent aux budgets publics. Les villes apparaissent sans ambigut, comme des contributaires nets aux budgets publics. Ainsi, tous les habitants de ces mtropoles perdent par lintermdiaire des budgets publics alors que les autres habitants y gagnent largement. Les zones urbaines constituent donc une importante source de ressources financires qui permet lEtat dassurer les dpenses dinvestissement pour lensemble du pays. Les villes jouent ainsi un rle de locomotive du dveloppement conomique et social (Prudhomme et alii, 1986).Courbis R. (1979), dans le cadre des simulations du modle REGINA4, montre comment la prise en compte dlments spcifiquement spatiaux se traduit par lamlioration de la comprhension des mcanismes nationaux. Par exemple, du fait des diffrences de niveau de salaire, la localisation de la cration dun mme nombre demplois (capitale ou province) na pas les mmes effets sur lvolution des cots salariaux et en consquence sur celle des prix (donc sur le rythme dinflation nationale), sur celle des profits et dautofinancement (donc des possibilits dinvestissement et de production). Dautre part, du fait des diffrences de productivit des facteurs et de possibilits de substitution entre capital et travail existant entre espaces, la manire dont les investissements sont rpartis entre rgions influe diffremment sur la croissance nationale, la production totale, lemploi national et de ce fait le chmage.

    B/ Centre vs. Priphrie

    La thorie des conomies externes dagglomrations (est de nos jours lun des axes les plus importants de la recherche rgionale et urbaine), celle des ples de croissance (qui voit dans linterdpendance entre les activits un facteur de croissance) et celle du rle incubateur, sidentifient aux zones denses, donc aux villes et rgions, et deviennent les facteurs principaux pour la localisation des entreprises. Cette chelle danalyse est intressante plus dun titre. Lurbanisation contemporaine se caractrise aussi par le dveloppement de laire dinfluence de la ville (hinterland) et par lallongement des migrations domicile-travail qui dbouchent sur la formation dune plus vaste entit socio-conomique. Socio-conomique parce que la ville a t, dans un deuxime temps, caractrise par des forces centrifuges lorigine du phnomne de priurbanisation (dit aussi de rurbanisation) rendant la limite entre espace urbain et espace rural plus diffuse. La ville est ainsi caractrise par son aire dinfluence qui correspond une vue plus extensive de lurbanisation : le concept de rgion urbaine est ainsi n. Laire dinfluence est le reflet des mutations rcentes du phnomne urbain qui, ne pouvant accueillir indfiniment les activits et les hommes, tend staler , aid en cela par le dveloppement des infrastructures de transport, lusage de lautomobile, la prfrence pour la

    4 Modle rgionalis pour la planification franaise.

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    maison individuelle, et le souci de matrise des cots fonciers pour les activits industrielles grandes consommatrices despace.Cette vision socio-conomique de la ville correspond aussi celle du march de lemploi. Les migrations domicile-travail traduisent les complmentarits entre espaces infranationaux et lexistence de marchs locaux du travail plus ou moins tendus qui dpassent lchelle des agglomrations. Le modle centre-priphrie est ici peine perceptible du fait de la prolifration de ples secondaires dactivits et de rsidence, et de la discontinuit spatiale induite par des espaces transitoires agricoles. La prsence de ples secondaires rend la gographie des flux plus complexe, dpassant les traditionnels mouvements centriptes et centrifuges. Une entit infranationale comme appareil productif est un regroupement dhommes et dactivits. Pour les conomistes, le local est en effet lorganisation de la proximit ne de la division du travail et donc de la condition defficience de la production. Sil est donc admis que le local est un acteur conomique pouvant se dcliner comme un appareil productif, malheureusement peu de travaux empiriques se sont penchs sur la quantification de la production des espaces infranationaux.Trs souvent, lconomie rgionale et urbaine sest cantonne la gestion de crise, ne dun besoin daction par un essai de rponses des questions pratiques comme la planification des transports, les problmes de logements et la gestion de la crise conomique dans les zones urbaines. Plusieurs approches ont t utilises pour la mesure de la dynamique conomique des rgions et des villes.La dynamique conomique locale est gnralement analyse par le biais de la croissance dmographique. Le taux de croissance de la population dune rgion ou dune ville est considr comme un indicateur de sa croissance conomique. Cette assimilation de leffet dattraction du local sa bonne sant conomique est si forte, quon a trs vite parl de leur crise dans les pays dvelopps, avec le tassement qua connu la croissance de la population des zones urbaines.

    L'analyse des disparits spatiales soulve de nombreuses questions. On trouve rgulirement dans la littrature rgionale des tableaux ou des graphes comparatifs montrant que les disparits inter-rgionales sont plus fortes ou plus faibles dans tel ou tel pays que dans tel autre ou dans tel systme dcentralis que dans tel autre plus centralis. Ces tableaux comparatifs sont utiles car ils permettent de qualifier l'tat des disparits dans un pays. Comme pour beaucoup d'autres sujets, on ne dfinit pas une situation de disparit dans l'absolu mais de faon comparative, dans le temps ou l'espace. Ainsi, l'analyse des disparits rgionales vise gnralement chiffrer l'ingalit qui existe dans un pays entre les rgions "riches" et les rgions "pauvres". Il s'agit donc d'valuer la richesse des rgions.

    La principale hypothse de cette recherche repose sur lexistence dune corrlation entre le dveloppement rgional et les mcanismes de production des disparits au Maroc. En effet, dans ce pays en dveloppement, on assiste une concentration des populations et des richesses le long du littoral et un retard frappant des campagnes et des rgions priphriques. A partir de ce constat, on cherche analyser les disparits inter-rgionales selon plusieurs indicateurs socio-conomiques, avec un premier essai de calcul des Produits intrieurs bruts rgionaux selon trois mthodes bases sur lemploi, les revenus et la production, avant dvaluer les indicateurs de disparits.Afin de mieux comprendre le processus de formation de ces disparits, on cherche ensuite tudier trois dterminants qui sont : lurbanisation, les migrations et la localisation des activits et leurs impacts sur la dynamique rgionale. Avant daborder la question du dveloppement rgional et son rapport avec la formation des disparits.

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    La seconde hypothse consiste vrifier le cadre thorique dans le cas du Maroc, en tant que pays en dveloppement, ayant des caractristiques spcifiques.

    Quelle a t ma dmarche de travail pour essayer de saisir les nouveaux rapports quentretiennent les disparits socio-conomiques et le dveloppement rgional ? Cest lobjet de la 2e partie de ma prsentation.

    2 Mthodes et outils adopts

    A/ - Tout dabord, jai adopt une dmarche permettant danalyser ces rapports sous diffrentsangles et selon diffrentes approches.

    a- Cest--dire en analysant les indicateurs socio-conomiques de toutes les rgions et en valuant les PIB rgionaux et les indicateurs de disparit selon lemploi, les revenus et la production.

    b- En ce qui concerne les dterminants des disparits, jai choisi dtudier 3 facteurs qui sont :

    -lurbanisation,-les migrations,-et la localisation des activits.

    Ce travail ne vise pas dvelopper tous les aspects lis aux disparits rgionales. Il se limite apporter une bauche de rponse lvaluation des richesses et des disparits rgionales, la comprhension des mcanismes de production de ces dernires et leurs liens avec la rpartition du dveloppement rgional. A cet effet, deux ides fondamentales ont guids mes recherches :

    1-Le souci dapprhender les disparits rgionales dans leur multidimensionalit pour cerner le mieux la ralit. Les mthodes danalyse multidimensionnelle reprsentent un outil performant et oprationnel dans le cadre de cette tude. En particulier, la classification hirarchique ascendante est adopte, en tant que mesure multidimensionnelle des disparits rgionales, qui constitue un dpassement des mesures unicritres traditionnelles (le coefficient de Gini). En effet, partir dun grand nombre de donnes statistiques reprsentant les informations rgionales, elle conduit laide de lemploi de lordinateur, hirarchiser lensemble des rgions, sans ide prconue. De la mme faon, lanalyse factorielle en composantes principales permet dextraire les facteurs explicatifs dun nuage de points. En outre, en procdant des analyses sur des donnes relatives deux dates diffrentes, il est possible dapprcier lvolution des disparits rgionales et de faire des conclusions concernant lvolution compare de ces disparits.

    2-Prendre en compte des structures conomiques spcifiques aux conomies contemporaines : lintgration spatiale dans les conomies dveloppes, le dualisme spatial dans les conomies en voie de dveloppement. Cette distinction est fondamentale, car elle est dterminante pour la comprhension de lvolution des disparits qui varie selon le cas. En particulier, lespace conomique sous-dvelopp possde des caractristiques propres qui impriment aux indicateurs socio-conomiques une orientation diffrente de celle que lon observe dans lespace conomique dvelopp.

    B/ - Lchelle :

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    Jai choisi de mener cette recherche principalement lchelle rgionale, mme si elle peut paratre trop large pour apprhender finement le phnomne des disparits, mais relativement bien adapte pour analyser les disparits en rapport avec le dveloppement territorial. Pourquoi ?

    - Mener une analyse cette chelle apparat ncessaire pour effectuer un 1er travail de mise au point sur ce quil est aujourdhui des rapports entre disparit et dveloppement, avant de pouvoir analyser encore plus finement ces questions sur la base de ce travail.

    - Par ailleurs, un peu contraint de mener lanalyse cette chelle car cette chelle que les donnes concernant le dveloppement des territoires sont le plus souvent disponibles.

    Nanmoins, jai essay de dtailler le plus possible les rsultats une chelle plus fine, en prenant notamment en compte le rle des villes.

    C/ - Ensuite, je me suis appuy sur deux sources principales de donnes pour analyser le phnomne des disparits :

    -Bien videmment sur le Recensement Gnral de la Population et de lHabitat des annes 1982, 1994 et 2004 : * grce aux nombreuses informations quil dlivre sur les rgions, * mais aussi parce quil permet dtudier avec prcision les diffrents aspects dmographique et socio-conomique des disparits.

    -lautre source principale est lEnqute Nationale sur la Consommation et les Dpenses des Mnages, lenqute de 2000-2001 est la quatrime investigation ralise depuis lindpendance du Maroc : * elle permet de saisir de faon conjointe le niveau du bien-tre, * et de suivre les donnes se rapportant aux dpenses, aux quantits consommes et certains aspects des conditions de vie de la population.

    -on peut citer une 3me source, le recensement conomique, le premier du genre ralis au Maroc en 2001-2002, pour analyser la rpartition rgionale et sectorielle des entreprises.

    Et dautres enqutes relatives lemploi, la pauvret et le secteur informel.

    La 3me partie de ma prsentation : Quels sont les principaux rsultats de ces analyses ?

    3 Principaux rsultats

    Je vais prsenter mes rsultats, qui sont regroups en 4 sous-parties :-la 1re concerne les rsultats issus de lanalyse des disparits inter-rgionales.-la 2me est consacre aux rsultats de lvaluation des PIB rgionaux et des indicateurs de disparits. -la 3me aux rsultats de ltude des dterminants des disparits rgionales.-la 4me, je terminerai en mintressant au dveloppement rgional.

    A/ - Les rsultats de lanalyse des disparits

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    En effet, ces analyses montrent une concentration dmographique et socio-conomique le long du littoral atlantique et des clivages entre la rgion centre et les rgions priphriques dune part, et dautre part, entre les rgions fortement urbanises et les rgions agricoles.Ces disparits concernent plusieurs aspects socio-spatiaux savoir le niveau durbanisation, les taux de chmage et danalphabtisme, les conditions dhabitat et le niveau de revenus des mnages. Ma dmarche a confirm la domination de la rgion du Grand Casablanca qui reprsente seulement 0,23 % du territoire national mais accueille en 2004, 12,15 % de la population totale, avec un taux durbanisation de 91,6 %. Mais souffre de problmes sociaux majeurs, marqus par un taux de chmage lev (21,6 % en 2004) et un taux de pauvret autour de 3,5 % en 2004, sans oublier les problmes de congestion, de transport, de pollution et dhabitat prcaire. Cette mthode danalyse multidimensionnelle a permis de distinguer cinq groupes de rgions selon leurs situations gographiques : les rgions du Sud, la rgion du Grand-Casablanca, les rgions atlantiques, les rgions mditerranennes et les rgions intrieures (Cf. tableau ci-aprs).

    Tableau 1 : Indicateurs socio-conomiques par rgion

    Code Rgions Population Taux Taux Taux de Taux de Taux d'Ets Taux de

    rgion en % Urbanisation analphabt. chmage Pauvret Activits revenus

    Anne 2004 2002 2001

    1 Oued-Ed-Dahab-Lagouira 0,33 62,2 ) ) ) 0,43 )

    2 Layoune-Boujdour-Sakia El H. 0,86 92,3 ) 68,7 ) 18,3 ) 9,8 1,41 ) 2,9

    3 Guelmim-Es-Semara 1,55 62,0 40,2 ) ) 1,52 )

    4 Souss-Massa-Dara 10,42 40,8 46,9 7,8 18,9 10,51 9,6

    5 Gharb Chrarda-Bni H. 6,22 42,0 47,8 9,7 20,5 4,76 4,76 Chaouia-Ouardigha 5,54 43,7 46,3 9,0 13,5 4,30 4,57 Marrakech-Tensift-Al Haouz 10,38 39,2 52,0 6,5 19,2 9,53 7,6

    8 Oriental 6,42 61,7 42,9 15,3 17,9 7,11 5,6

    9 Grand Casablanca 12,15 91,6 25,0 21,6 3,5 17,07 19,7

    10 Rabat-Sal-Zemmour- Z. 7,92 81,1 32,2 16,2 8,0 9,34 9,8

    11 Doukala-Abda 6,64 36,0 52,6 7,7 15,5 5,07 5,6

    12 Tadla-Azilal 4,85 36,5 52,7 6,7 14,5 3,71 4,5

    13 Mekns-Tafilalet 7,16 56,2 42,0 11,6 19,5 7,08 6,2

    14 Fs-Boulmane 5,26 72,1 40,4 7,2 14,2 6,22 5,1

    15 Taza-Al Hoceima-Taounate 6,05 24,2 54,8 5,5 14,6 3,31 5,6

    16 Tanger-Ttouan 8,26 58,4 41,5 8,6 12,5 8,65 8,6

    Niveau National 100,0 55,1 43,0 10,8 14,2 100,00 100,0

    Source : Direction de la statistique.

    B/ - Le poids conomique des rgions

    Pour complter cette analyse, on a procd une estimation des produits intrieurs bruts rgionaux (PIBR) et une mesure des indicateurs de disparit, ce qui a montr lhtrognit et la hirarchisation du territoire marocain et la concentration des populations et de la richesse le long du littoral atlantique. Cet essai dvaluation de la richesse rgionale a fait apparatre des diffrences de rsultat selon la source utilise entre lemploi, les revenus et la production.

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    Ainsi, la variation obtenue des rgions dpend de lactivit principale de chaque rgion et de sa valeur ajoute. Sans oublier que chaque indicateur traduit une vrit qui lui est propre. Lemploi a tendance ne traduire que laspect social du territoire et de moins en moins laspect conomique. Le revenu5 traduit le pouvoir dachat des mnages et leffet redistributif des politiques publiques. Le produit intrieur brut infranational traduit quant lui la localisation spatiale de la production nationale. Cela reprsente pour le Grand Casablanca des taux respectifs de 22,2 %, 19,7 % et 26,1 % contre 3,0 %, 2,9 % et 1,7 % pour les 3 rgions du Sud (Cf. tableau ci-aprs).

    Tableau 2 : Estimation des PIB rgionaux selon lemploi, le revenu et la production

    Code Rgions PIB rgionauxRgions Emploi

    (2002)Dpenses (2001)

    Production (2004)

    1 Oued-Ed-Dahab-Lagouira )2 Layoune-Boujdour-Sakia El Hamra ) 3,0 2,9 1,73 Guelmim-Es-Semara )4 Souss-Massa-Dara 8,8 9,6 9,45 Gharb Chrarda-Bni Hssen 4,6 4,7 6,96 Chaouia-Ouardigha 4,7 4,5 3,77 Marrakech-Tensift-Al Haouz 8,6 7,6 9,48 Oriental 5,7 5,6 6,49 Grand Casablanca 22,2 19,7 26,110 Rabat-Sal-Zemmour-Zar 10,7 9,8 6,911 Doukala-Abda 5,1 5,6 5,012 Tadla-Azilal 3,1 4,5 3,813 Mekns-Tafilalet 6,0 6,2 6,014 Fs-Boulmane 5,9 5,1 4,715 Taza-Al Hoceima-Taounate 3,7 5,6 2,016 Tanger-Ttouan 7,9 8,6 8,0

    Total 100,0 100,0 100,0

    Source : Calcul de lauteur.

    Les conomies rgionales et nationales sont progressivement exposes la concurrence internationale accordant ainsi une part de plus en plus prpondrante aux facteurs de productivit. Lemploi devient ainsi de moins en moins, en terme quantitatif, un indicateur du niveau de dveloppement local. En outre, le fait que les espaces les plus dynamiques sont ceux ou le chmage est le plus important finit par brouiller la lisibilit dindicateurs comme lemploi et le chmage. Cette tendance est selon toute vraisemblance appele saccentuer dans le futur.Davezies L. (1993) relve que la distinction cruciale entre les deux nest jamais opre dans le langage courant par transposition implicite de lgalit que les comptes nationaux tablissent entre les termes gnriques de revenu et de production au niveau national6. Ainsi, la valeur ajoute dun espace alimente le revenu dautres espaces, le revenu primaire ou les impts sur le revenu dun espace alimentent celui dun autre. On peut ainsi imaginer des rgions ayant un

    5 Selon le milieu de rsidence, la dpense annuelle moyenne en 2001 dun citadin est environ deux fois plus importante que celle dun rsident en milieu rural. Et les 10 % de la population les plus aiss ont raliss environ 32,1 % de la masse globale des dpenses de consommation, tandis que les 10 % les plus dmunis ont totaliss prs de 2,6 % de cette masse en 2001.6 Lespace oblige en effet redfinir les notions utilises dans lanalyse aspatiale. Cest exactement le cas de lgalit production-revenu au niveau national et de leur ingalit au niveau rgional.

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    PIB faible et un revenu disponible lev ou linverse, plus difficilement il est vrai, un PIB lev et un revenu faible.

    En ce qui concerne les indicateurs de disparit, il ressort que selon les trois champs dexploitation : emploi, revenus, production, le niveau de dispersion varie considrablement suivant la branche dactivit, le milieu de rsidence et la structure conomique des rgions.Globalement, on a observ une double dpendance, de lconomie marocaine du dynamisme du Grand Casablanca7, et de lactivit agricole des alas climatiques et de la pluviomtrie. Ce secteur occupe 40 % de la population active (80 % de la population rurale) et contribue 17% du PIB national en 2004. Cependant, le Grand Casablanca reprsente 33,14 % de la production industrielle agro-alimentaire en 2003, et le milieu rural continue de manquer dquipement et de services ncessaires (Cf. graphique ci-aprs).

    Source : Enqute nationale sur la consommation et les dpenses des mnages (ENCDM), 2000-2001.

    Ltat des dsquilibres rgionaux au Maroc rpond donc, la logique de Benko G. et Lipietz A. (1992), qui distingue dune part des rgions gagnantes, dynamiques, intgres nationalement et qui peuvent tre ouvertes sur le monde ou bien centres localement. Elles concernent essentiellement les rgions du Nord-Ouest et du Centre-Ouest. Et dautre part, des rgions perdantes, marginalises, pauvres, replies sur elles-mmes qui souffrent dun dficit daccessibilit li aux contraintes physiques du Rif et du Haut Atlas, et des rgions priphriques telles que lOriental et les rgions sahariennes.

    C/ - Les dterminants de production des disparits inter-rgionales

    Les mcanismes des disparits rgionales rsultent dun type dorganisation spatiale qui, sous leffet de facteurs historiques et socio- conomiques, a imprim lespace un dveloppement ingal. Lespace marocain porte en effet la marque dun modle dominant qui a faonn, par le dveloppement de lconomie moderne et la primaut des zones littorales atlantiques, une organisation spatiale faite de disparits et dont les tendances se sont maintenues au-del de 7 Cette rgion concentre autour de la capitale conomique du pays 22,2 % des emplois en 2002, 19,7 % des dpenses de mnages en 2001 et 26,1 % de la valeur ajoute en 2004. En plus, 35 % des activits industrielles y sont installes en 2004, ce qui reprsente 49 % des produits effectus par les industries de transformation, 53 % du PIB industriel, 38 % de linvestissement industriel et 41 % de lemploi industriel total.

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    Frquencecumuledesdpenses

    Frq ue n ce c um ule de la p op ula tion

    G ra ph iq u e 1 : C ou r b e d e con cen tra t ion d es d p e n ses selon le m ilieu d e rs id en ce

    Urbain R ura l

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    lindpendance. Parmi ces facteurs, on a tudi limpact de lurbanisation, les migrations et la localisation des activits.En effet, lurbanisation est une consquence incontournable du dveloppement conomique, mais un facteur dterminant des disparits inter-rgionales, par son impact sur le march du travail et les conditions de vie. Le Maroc dispose dune armature urbaine quilibre mais la hirarchisation des villes qui jouent un rle important dans la cration des richesses, contribue lapparition de contrastes entre les diffrentes rgions.Dautre part, les migrations en gnral et lexode rural en particulier, contribuent la formation des disparits rgionales non seulement en terme dmographique mais aussi selon la productivit et la cration de richesse. La plupart des migrations inter-rgionales essentiellement vers les rgions trs urbanises telle que le Grand Casablanca, sont motives par la recherche demploi et lamlioration du niveau de vie. La vulnrabilit du milieu rural lie la dpendance de lactivit agricole aux alas climatiques favorise la concentration de la pauvret et renforce les dsquilibres rgionaux.Par ailleurs, on a montr que la localisation des activits lie au niveau dquipement, joue un rle important dans la dynamique rgionale. Cependant, sa concentration dans des rgions limites, surtout dans le Grand Casablanca, cre des carts en termes dactivits, demploi, de productivit et de revenus entre les rgions. Lanalyse a rvl que des rgions se sont atteles dans un processus de spcialisation dans le cadre de projets de grandes envergures. Or, les effets dentranement positifs qui dcoulent de ces projets se font sentir lextrieur de la rgion dimplantation plus que pour la population locale.

    D/ - La dynamique du dveloppement rgional

    Si la solution aux problmes de dveloppement que connat le Maroc est trouver au niveau local et national, personne ne peut encore se prononcer sur lefficacit et la capacit des projets mens actuellement acclrer les dynamiques de croissance et de dveloppement.La raison fondamentale tient la difficult dinsertion de ces projets dans leur territoire pour en faire de vritables leviers du dveloppement. Pour cela, il faut que les acteurs du territoire uvrent ensemble afin de rpondre aux besoins individuels et collectifs des populations dont ils sont en charge dans les limites des comptences lgales et des moyens financiers leur disposition. Car le problme nest pas seulement dinitier des projets plus ou moins importants, mais de faire en sorte dacclrer les dynamiques locales observes. Certaines peuvent tre grandement amplifies partir dune politique dencadrement adapte et en crant une synergie entre les potentiels du territoire et ses ressources humaines, tout en tant insr dans les orientations nationales en matire damnagement du territoire et de planification conomique et sociale.La distribution des rgions sur le plan factoriel, constitu par les indicateurs socio-conomiques rgionaux, permet de restituer une cartographie des rgions selon ltat de leur dveloppement socio-conomique. Schmatiquement, laxe des abscisses classe les rgions, de la gauche vers la droite, en fonction du niveau daccs aux services sociaux de base, particulirement la sant et lducation, et de leur niveau dindustrialisation. Le deuxime axe classe les rgions caractre rural et ayant une vocation conomique voue lagriculture. En outre, cet axe reprsente les rgions ayant une activit touristique florissante. (Cf. graphique& carte ci-aprs).

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    ICD

    R

    ISR

    Graphique 2 : Indicateur composite de dveloppement rgional (2004)

    Note : Abscisse sur le premier axe factoriel reprsente les indicateurs socio-conomiques rgionaux (23 sur les 32 ISR de l'analyse). ICDR = (valeur constate - valeur minimale) / (valeur maximale - valeur minimale)

    Source : Direction des tudes et des prvisions financires, 2006.

    Les rgions ainsi rparties sur la cartographie socio-conomique peuvent tre segmentes en cinq groupes homognes : - Rgions forte concentration de lactivit conomique et administrative : Form des rgions du Grand Casablanca et de Rabat-Sal-Zemmour-Zaer, ce groupe a le niveau de dveloppement le plus lev.- Rgions vocation agricole et touristique : Ce groupe rassemble les rgions de Souss-Massa-Draa et de Marrakech-Tensift-Al Houz et se caractrise par des potentialits agricoles et des richesses minires importantes, une industrie agro-alimentaire prospre et une activit touristique dveloppe. Ce groupe de rgions se trouve lgrement avanc du ct suprieur droit de la cartographie tmoignant de la combinaison entre les systmes productifs primaires, secondaire et tertiaire.- Rgions dveloppement socio-conomique moyen : Ce groupe, compos des rgions de Tanger-Ttouan, Fs-Boulemane, Mekns-Tafilalet et lOriental, est caractris par un niveau de dveloppement socio-conomique moyen sur le plan national avec une lgre avance pour la rgion de Tanger-Ttouan.- Rgions faible niveau de dveloppement socio-conomique : Constitu par les rgions de Doukala-Abda, Chaouia-Ouardigha, Tadla-Azilal, Taza-Al Hoceima-Taounate et Gharb-Chrarda-Bni Hssen, ce groupe de rgions prsente une faible industrialisation de son appareil productif, exception faite de la rgion de Doukala-Abda.- Rgions en nette amlioration : La prdominance dsertique dans ce groupe, constitu des rgions de Guelmim-Essemara, Laayoune-Boujdour-Sakia El Hamra et Oued-Eddahab-Lagouira, ne favorise pas le dveloppement de lagriculture. Par ailleurs, lactivit industrielle se caractrise par un fort potentiel de croissance. En particulier, la rgion de Laayoune-Boujdour-Sakia Hamra connat une activit industrielle mergente qui se concentre autour des industries agroalimentaires (62,1 % de la production et 96,8 % des exportations) lies essentiellement la transformation des produits de la mer.

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    Carte 2 : Classement des rgions suivant lICDR, 2004

    1 Dakhla

    10 Rabat

    11 Safi

    12 Bni Mellal

    13 Mekns14 Fs

    15 Al Hocema

    16 Tanger

    2 Layoune

    3 Guelmim

    4 Agadir

    5 Knitra

    6 Settat

    7 Marrakech

    8 Oujda

    9 Casablanca

    Echelle : 500 km

    [ 0.60 ; 1.00 ]

    [ 0.48 ; 0.60 [

    [ 0.35 ; 0.48 [

    [ 0.15 ; 0.35 [

    [ 0.00 ; 0.15 [

    Indice Composite de Dveloppement Rgional (ICDR)

    Source : Fond de carte BH. Nicot - Sirius, donnes DEPF 2006.

    N

    A cet gard, le dbat national sur lamnagement du territoire, qui a conduit llaboration du premier Schma national damnagement du territoire (SNAT), a permis lmergence de nouvelles pistes de rflexion (Systmes productifs locaux et Projets de territoires) sur les voies et moyens de conduire le dveloppement territorial au Maroc.Ce point est dautant plus important quaujourdhui, louverture du Maroc vers le monde est une ralit. La signature de plusieurs accords de libre change avec lUnion europenne, les Etats-Unis dAmrique, la Turquie et plusieurs pays arabes en tmoigne. Elle nest pas sans avoir des rpercussions parfois douloureuses sur les activits traditionnelles dans le domaine industriel (textile, habillement), et probablement terme, sur la production agricole (notamment la craliculture).Pourtant, comme le souligne Courlet C. (2001) la globalisation, quil ne faut donc pas confondre avec la banalisation, laisse toute sa place lespace, au territoire. Apparat ainsi un nouveau clivage : le global et le local. Il sagit dun dveloppement selon une logique de

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    rseaux multidimensionnels, complexe, cratrice, la fois trs territorialise et mondialise. Cette logique bouscule aujourdhui une approche spatiale qui se traduisait jusqu maintenant dans le domaine des relations conomiques par une logique de proximit et dembotement .Ces volutions obligeront de plus en plus le Maroc rechercher dans ces territoires des solutions nouvelles, alliant la qualit aux spcificits locales, afin de passer de la gographie des cots celle des comptences . (Courlet, 2001, op. cit.)

    4 Conclusion et perspectives de recherche

    Au final : quelle contribution cette analyse des disparits rgionales apporte-t-elle la comprhension de ce quest le dveloppement territorial aujourdhui ?

    La mesure des produits intrieurs bruts rgionaux est un indicateur utile des disparits inter-rgionales au Maroc et de leur volution. Ces donnes labores lchelle infra-nationale, permettent mieux que ne le font les traditionnelles analyses, de saisir la dynamique conomique spatiale, et constituent une jauge de la sant conomique des grandes agglomrations pour llaboration des politiques publiques.Les rsultats de cette recherche montrent que lurbanisation est une consquence invitable du dveloppement, ce qui favorise la fragmentation de lespace et la concentration des populations et des activits. Mais aussi que les disparits rgionales sont le produit dune rpartition dsquilibre du dveloppement. Les politiques damnagement du territoire lorsquelles existent, -ce nest pas le cas au Maroc- agissent posteriori pour corriger ces ingalits socio-spatiales. La rduction des disparits rgionales impose une redfinition du rle des espaces conomiques. Dune part dans le monde rural, ou la transformation des structures et la rduction des carts entre secteur moderne et traditionnel doivent saccompagner de la formation et de la mobilisation des hommes. Dautre part dans le monde urbain, ou ltat de concentration du rseau doit voluer vers des formes dorganisation dcentralises, intgres au plan rgional et utilisatrices de main-duvre.Cela suppose un projet dintgration conomique nationale, qui implique pour la formation de ples de dveloppement, des activits motrices intgres au plan conomique et spatial, et entranant une interdpendance entre les rgions. Mais lensemble de ces facteurs dpend dune rvision des options conomiques, que seule une politique volontaire, soucieuse de combler les retards en matire dorganisation de lespace, est en mesure de raliser.Une telle politique reste ncessaire concevoir, parce que le libre jeu des forces conomiques ne conduit pas spontanment la meilleure affectation possible des richesses. Chacun peut le constater, et Paul Krugman, qui a reu le Prix Nobel de lconomie en 2008, le dmontre : la logique conomique conduit la concentration en quelques points, des richesses et des populations, au-del de ce quil est possible de grer convenablement, et par contre une trop grande raret dans dautres espaces. La notion de dveloppement intgre lide de qualit, ignore par le terme de croissance . Une politique de dveloppement se choisit des objectifs plus ambitieux, plus complets, plus cohrents et conformes une haute ide de la diversit et de la dignit humaines. Mais un dveloppement nest durable que sil ne scrte pas lui-mme ses propres obstacles sociaux, environnementaux, conomiques ou culturels. Une conception quantitative et sectorielle du progrs peut gnrer des dboires conomiques, elle peut dtruire de faon irrversible des ressources prcieuses et des quilibres instables, comme la diversit du vivant ou le climat de la plante.

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    Aucune rgion ne peut concevoir un avenir rsidant durablement et uniquement dans des ressources provenant de la prquation entre rgions. De mme, le fait de brider la rgion casablancaise ne garantit nullement une dynamique de dveloppement pour les autres rgions.Les transferts nationaux servent accompagner des dmarches, mais ils ne peuvent remplacer la prise en charge, par chacun, de la part dinitiatives qui lui revient. Cest ce que lon appelle la subsidiarit, qui est elle-mme un pari sur le caractre profondment social des liens qui rassemblent un pays , et qui fondent la gographie socio-conomique 8.

    Ces rsultats mamnent esquisser quelques axes de travail pour poursuivre la recherche entreprise dans cette thse :

    De lanalyse parallle des disparits spatiales et des ingalits sociales en priode de croissance, on a essay de dduire une relation entre le spatial et le social. Que se passerait-il alors dans le cas dune phase de dpression ? Quelles sont les plus vulnrables aux effets dpressifs : les rgions avances ou les rgions en retard ? Quelles sont les mesures efficaces destines attnuer les disparits spatiales et partant les ingalits sociales en priode de crise ? Et enfin, la recherche de loptimum spatial li des impratifs de rduction des ingalits sociales pourrait constituer un axe de recherche fructueux dans le cadre de ce problme. Toutes ces questions appellent des dveloppements qui peuvent faire lobjet dautres recherches pour aboutir une description formelle de la relation qui existe entre les disparits spatiales et sociales dans un processus conomique et social. Lanalyse hirarchique et lanalyse factorielle en composantes principales constituent dans ce domaine des outils performants et encore perfectibles, notamment en cherchant largir leur champ plusieurs indices incluant bien entendu la dimension temporelle.

    Bibliographie :

    - Aydalot P. (1985), Economie rgionale et urbaine, Paris, Economica, 487 p.

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    paradigmes de la gographie conomique, Paris, PUF, 424 p.

    - Benko G. & Lipietz A. S/Dir (2000), La richesse des rgions : La nouvelle gographie socio-

    conomique, Paris, PUF, 564 p.

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    - Courlet C. (2001), Territoires et rgions, les grands oublis du dveloppement conomique,

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    - Davezies L. (1993), Les disparits spatiales, Thse dhabilitation diriger des recherches.

    LOEIL-Institut dUrbanisme de Paris-Universit Paris XII Val-de-Marne. 128 p.

    8 Selon Benko G. et Lipietz A. (S/Dir., 2000).

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    - Davezies L. (2000), Les fondements dune intervention publique en faveur du

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    - Prudhomme R. & alii. (1986), Les grandes villes subventionnent-elles le reste du pays ; le

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    - Prudhomme R. (2000), La contribution des infrastructures au dveloppement local ,

    Communication aux entretiens de la Caisse des dpts : Comment amliorer la performance

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    - Troin J.-F. S/Dir. (2002), Maroc : rgions, pays, territoires, Paris, Maisonneuve, 502 p.

    - Veltz P. (1996), Mondialisation, villes et territoires : lconomie darchipel, PUF, 262 p.

    C.R.E.T.E.I.L.

    Centre de Recherche sur lEspace, les Transports, lEnvironnement et les Institutions Locales

    Institut dUrbanisme de Paris

    Universit Paris XII Val-de-Marne

    Dynamique rgionale et dveloppement ingal au Maroc

    Communication au colloque international

    Ingalits et dveloppement dans les pays mditerranens

    Universit de Galatasaray, Istanbul, Turquie

    21-22-23 Mai 2009

    Rachid EL ANSARI

    Docteur en urbanisme

    [email protected]

    Mots cls:

    Maroc, disparits spatiales, gographie socio-conomique, dveloppement rgional, amnagement du territoire, urbanisation, migration, investissement tranger, industrialisation, internationalisation.

    Rsum:

    En tant que pays en dveloppement, le Maroc connat dimportantes disparits entre les seize rgions qui composent son territoire. Ces disparits concernent la fois la croissance dmographique, les secteurs sociaux et la dynamique conomique, et leur volution est dtermine principalement par trois facteurs: lurbanisation, les migrations et la localisation des activits. En effet, nos analyses montrent une concentration dmographique et conomique le long du littoral atlantique et des clivages entre la rgion centre et les rgions priphriques dune part et dautre part entre les rgions fortement urbanises et les rgions agricoles.

    Par ailleurs, cette recherche a fait apparatre quon ne pourrait freiner lexpansion de la mtropole casablancaise, en tant le noyau dur de lconomie marocaine, quen offrant une alternative relle pour la localisation des activits et des emplois dans les autres rgions, et que celles-ci, ne pourraient le faire en comptant sur la seule aide de lEtat. Elles devaient dabordcompter sur leurs propres forces, se mobiliser autour dun projet. Et quil ne faudrait pas reproduire la tendance la mtropolisation du territoire marocain vers une poigne de mtropole dquilibre, au tour des capitales rgionales comme le souhaitent certains responsables et spcialistes de lamnagement du territoire. Mais, il fallait un dveloppement socialement harmonieux et cologiquement durable, chaque chelle du territoire. Do la priorit urgente de dvelopper le milieu rural, trs longtemps marginalis et en dcalage avec la dynamique des villes. Cest un grand travail de rattrapage faire.

    Prsentation:

    Cette communication a fait lobjet dune thse de doctorat en urbanisme, amnagement et politiques urbaines, intitule: Le dveloppement rgional face aux disparits socio-conomiques au Maroc, et soutenue en novembre 2008 lUniversit Paris XII Val-de-Marne.

    Si les travaux sur lorganisation territoriale et les dcoupages rgionaux sont nombreux au Maroc, les tudes sur la mesure du degr des disparits socio-spatiales et les processus en cause dans la formation de ces disparits sont plus rares. Cette thse est une contribution ces deux problmatiques. Elle procde dune part de la volont dexpliciter et de mesurer la contribution des facteurs spatiaux et a-spatiaux la dynamique des disparits inter-rgionales au Maroc, et dautre part, de tester lhypothse de convergence et de dveloppement rgional dans les rgions priphriques.

    Introduction

    Lobservation des disparits spatiales, aujourdhui dans le monde rvle que, celles-ci ne distinguent pas seulement les pays dvelopps du nord et les pays mergents du sud, mais concernent galement les villes et rgions dun mme pays, suivant son niveau de dveloppement.

    Le Maroc, en tant que pays en dveloppement (Cf. carte ci-aprs), connat de fortes ingalits socio-conomiques, crant des ruptures entre la ville et la campagne, et entre le centre et la priphrie du pays, des rgions et des villes. Ce qui diffrencie le cadre de vie des habitants et favorise les migrations spatiales.

    Lide de traiter cette question se justifie par le constat que le dveloppement des territoires nest pas quitable et que lcart ne cesse de se creuser entre la rgion centre et les rgions priphriques, ou plutt entre des espaces favoriss et des espaces dfavoriss qui accumulent les retards et les handicaps (enclavement, sous-quipement, limitation ou mauvaise gestion des ressourcesetc). Un phnomne qui saccentue avec la fragilit de la situation socio-conomique et les dfis de la comptitivit que prsente la mondialisation.

    Par ailleurs, une prise de conscience de ces enjeux est observe depuis llaboration du plan quinquennal de dveloppement (2000-2004), et lors du dbat national sur lamnagement du territoire (2000-2001) qui reconnat pour la premire fois la gravit des difficults et lincapacit de lEtat de mener une politique volontariste en la matire.

    Carte 1: Le dcoupage administratif du Maroc

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    Frquence cumule de la population

    Graphique 1 : Courbe de concentration des dpenses

    selon le milieu de rsidence

    Urbain

    Rural

    Rgions Administratives

    1

    Oued Eddahab-Lagouira

    2

    Layoune-Boujdour-Sakia El Hamra

    3

    Guelmim-Es Smara

    4

    Souss-Massa-Dra

    5

    Gharb-Chrarda-Beni Hssen

    6

    Chaouia-Ourdigha

    7

    Marrakech-Tensift-El Haouz

    8

    Oriental

    9

    Casablanca

    10

    Rabat-Sal-Zemmour-Zar

    11

    Doukkala-Abda

    12

    Tadla-Azilal

    13

    Mekns-Tafilalt

    14

    Fs-Boulmane

    15

    Taza-Al Hoceima-Taounate

    16

    Tanger-Ttouan

    Echelle: 1 / 150000.

    Source: Direction de l'Amnagement du Territoire, 1998.

    Ce nouveau contexte a des effets sur ltat des disparits inter-rgionales au Maroc, ce qui me conduit poser un certain nombre de questions:

    Quelles forces prsident au destin des rgions? Ont-elles la matrise de leur dveloppement? Les rgions dune nation entretiennent des relations troites au point que parler de dveloppement rgional, cest aussi sinterroger sur les mcanismes qui prsident lmergence des disparits entre les rgions: comment le dveloppement nat-il et se propage-t-il dans lespace national? Lespace tend-il naturellement shomogniser ou se diffrencier? La pense rgionale sordonne autour des quelques grandes rponses ces questions et sincarne dans quelques grandes thories.

    Cest ces rapports entre dveloppement rgional et disparits socio-conomiques que je me suis intress au cours de cette thse.

    Ma prsentation est organise en 4 parties:

    Problmatique de la recherche,

    La mthode et outils adopts,

    Les principaux rsultats,

    Et enfin, en dernier point, jen viendrai aux conclusions et aux pistes de recherche.

    1 Problmatique de la recherche

    Cette recherche survient dans un contexte ou les modles de dveloppement dominants ne parviennent aujourdhui rendre compte que de faon partielle les dynamiques des conomies locales.

    Lobjet de cette thse est dessayer de mieux comprendre ce quest le dveloppement territorial. Laxe dapproche adopt pour ce faire est les disparits inter-rgionales.

    Au cours des quelques dcennies coules, les recherches go-conomiques ont connu des progrs apprciables dans le domaine des disparits spatiales. De nombreux dveloppements thoriques, souvent soutenus par les rsultats dinvestigations empiriques, sont venus enrichir et largir le champ danalyse de cette branche. Ainsi, des thories nouvelles, telle que la nouvelle conomie gographique (NEG), sont nes et ont foncirement modifi la manire dapprocher et dexpliquer les ingalits entre espaces et groupes dindividus.

    A ct de la rpartition fonctionnelle, qui a longtemps domin les dbats conomiques, la rpartition personnelle constitue ds lors une autre alternative dapprhender le problme des disparits sociales. Mais la vracit dun tel jugement nimplique pas que la rpartition personnelle qui a atteint son stade achev et quelle peut rendre compte de tous les aspects de lingalit. Certes, un grand nombre dlments gnrateurs dingalit ont fait lobjet de recherches approfondies qui ont permis de dterminer leur contribution prcise ou approximative au phnomne des disparits sociales. Nanmoins, de nombreux facteurs, non moins importants, demeurent lcart de ces investigations. Parmi ces facteurs, on retient particulirement la composante spatiale.

    Linsuffisance de la prise en compte de lespace dans lanalyse conomique nest pas, au demeurant, surprenante lorsque lon sait la complexit du facteur spatial et le manque, voire linexistence, de donnes statistiques permettant la vrification des conclusions thoriques.

    Lintroduction de lespace dans lanalyse conomique remonte J.H. Von Thnen (1820). Les travaux ultrieurs marquent une nette volution de la conception de lespace qui ne cesse de se poursuivre jusqu nos jours. Dun raisonnement portant sur la distance qui spare les localisations des agents conomiques (Von Thnen, Dunn, Weber) ou sur lutilisation des surfaces de sol (W. Alonso) dans un cadre purement statique, on est pass ltude de loccupation du sol et la transformation de lespace conomique selon une optique dynamique.

    Cette tude, sans prtendre lexhaustivit, sefforce nanmoins de saisir les disparits rgionales en leur conservant toutes leurs dimensions, pour confiner au maximum avec la ralit conomique et sociale. Lespace conomique, sil est livr aux seules influences des lois conomiques aboutit un espace diffrenci, hirarchis, ingalitaire. Ce quil faut dire prsent, cest que ces structures spatiales diffrencies se retrouvent au niveau social travers la dissymtrie qui stablit entre ceux qui appartiennent aux rgions ou se concentrent le progrs et le dveloppement, et ceux qui se localisent dans les rgions pauvres et sous-dveloppes. Or toute action, toute dcision transforme le paysage conomique et partant les conditions sociales.

    A/ Milieu urbain vs. Milieu rural

    La rgion est le fruit de conditions naturelles et de lhistoire, car chaque rgion a sa personnalit rgionale voire sa vocation rgionale. Si la rgion, dont la construction sest tale parfois sur plusieurs sicles, renforce en cela par la langue et la culture, est largement accepte dans linconscient collectif, les villes ont gnralement t juges de faon ngative. Ces prjugs anti-urbains ont comme origine les travaux des diffrents courants de lconomie politique. Lvocation de lurbain est axe sur lopposition villes-campagnes. Il est utile de souligner que ce courant de pense qui a dpass les limites des courants traditionnels de lconomie politique classiques et marxistes trouve son origine dans lAngleterre de la fin du dix-neuvime sicle, contexte de la plupart des auteurs, qui connat un bouleversement social caractris par une forte concentration de la richesse dans les villes et un appauvrissement des campagnes d lexode rural.

    Plusieurs raisons, selon les fondateurs de lconomie politique, militeraient pour lopposition entre les villes (lindustrie) et le monde rural (lagriculture). Ainsi, selon Adam Smith (1776) la hausse artificielle des prix de produits manufacturs paralllement la sous-estimation des prix de produits agricoles concourrait ltablissement de termes de lchange dfavorables au monde rural. Le financement des activits urbaines (lindustrie) serait dnu de toute logique conomique car les taux de retour sur linvestissement seraient plus importants dans le secteur agricole que partout ailleurs. Ricardo (1817) peroit dans lorganisation de la socit une nette coupure entre lurbain et le rural.

    Ces deux entits seraient opposes en termes de production et dans la poursuite dintrts divergents. Pour Marx (1867) la contradiction villes-campagnes essentiellement alimente par la poursuite dintrts traduit bien la lutte de classes qui oppose le capitalisme (les villes) et les classes pauvres et exploites que sont les paysans.

    Cette opposition systmatique entre les milieux urbain et rural, introduite par les fondateurs de lconomie politique a largement influenc toutes les tudes contemporaines, particulirement dans le cas des pays en dveloppement. Ainsi, selon Dumont (1966), Schikele (1968), Mamalakis (1971) et Lipton (1977) les villes des pays en dveloppement sont de vritables boulets qui freineraient le dveloppement du reste du pays: les villes draineraient la majorit des investissements et des forces vives de la nation au dtriment du reste du pays, les services comme la sant, lducation, leau, llectricit seraient beaucoup plus prsents dans les zones urbaines que partout ailleurs.

    Dans les pays dvelopps, cette dimension idologique se retrouve dans le bilan trs svre qui est port sur les villes en gnral et les grandes villes en particulier. Ce sentiment anti-urbain largement partag, aussi bien par la socit civile que par les institutions publiques, sappuie sur des sujets tels que la pollution, les embouteillages, les cots de fonctionnement exorbitants. Dautres arguments sont aussi utiliss: la thorie de la taille optimale des villes, selon laquelle il existe une dimension au-del de laquelle toute croissance nouvelle diffuserait plus deffets ngatifs que deffets positifs, les dsquilibres territoriaux lheure du dveloppement des politiques damnagement du territoire seraient viter et justifieraient donc la mise en place de mesures coercitives pour lutter contre lurbanisation et pour matriser la croissance urbaine.

    Ainsi, pendant longtemps, lconomie urbaine a t aborde de faon ngative ou au mieux dfensive, savoir apporter des rponses des problmes prcis apparus dans les annes 50: Comment planifier la construction des infrastructures, crer une industrie du logement capable de construire des millions de logements? Comment traiter la pathologie urbaine qui se traduit par des meutes? Comment traiter les rpercussions de la crise conomique en milieu urbain? Il a fallu attendre le dbut des annes 70 pour voir lmergence dune approche plus positive de lconomie rgionale et urbaine base sur la contribution des villes au dveloppement conomique en gnral. En effet, sil est tabli que lconomie nationale dfinit le cadre dans lequel opre et se dveloppe lconomie rgionale et urbaine, il nest pas moins vrai que lconomie urbaine ou rgionale a des consquences sur lconomie nationale.

    Les travaux sur la rpartition du budget de lEtat montrent que malgr les cots levs des infrastructures urbaines (cot par habitant), les normes frais gnraux de ladministration dans les grandes villes et les dficits courants des services urbains, gnralement les villes contribuent plus quelles ne cotent aux budgets publics.

    Les villes apparaissent sans ambigut, comme des contributaires nets aux budgets publics. Ainsi, tous les habitants de ces mtropoles perdent par lintermdiaire des budgets publics alors que les autres habitants y gagnent largement. Les zones urbaines constituent donc une importante source de ressources financires qui permet lEtat dassurer les dpenses dinvestissement pour lensemble du pays. Les villes jouent ainsi un rle de locomotive du dveloppement conomique et social (Prudhomme et alii, 1986).

    Courbis R. (1979), dans le cadre des simulations du modle REGINA, montre comment la prise en compte dlments spcifiquement spatiaux se traduit par lamlioration de la comprhension des mcanismes nationaux. Par exemple, du fait des diffrences de niveau de salaire, la localisation de la cration dun mme nombre demplois (capitale ou province) na pas les mmes effets sur lvolution des cots salariaux et en consquence sur celle des prix (donc sur le rythme dinflation nationale), sur celle des profits et dautofinancement (donc des possibilits dinvestissement et de production). Dautre part, du fait des diffrences de productivit des facteurs et de possibilits de substitution entre capital et travail existant entre espaces, la manire dont les investissements sont rpartis entre rgions influe diffremment sur la croissance nationale, la production totale, lemploi national et de ce fait le chmage.

    B/ Centre vs. Priphrie

    La thorie des conomies externes dagglomrations (est de nos jours lun des axes les plus importants de la recherche rgionale et urbaine), celle des ples de croissance (qui voit dans linterdpendance entre les activits un facteur de croissance) et celle du rle incubateur, sidentifient aux zones denses, donc aux villes et rgions, et deviennent les facteurs principaux pour la localisation des entreprises. Cette chelle danalyse est intressante plus dun titre.

    Lurbanisation contemporaine se caractrise aussi par le dveloppement de laire dinfluence de la ville (hinterland) et par lallongement des migrations domicile-travail qui dbouchent sur la formation dune plus vaste entit socio-conomique. Socio-conomique parce que la ville a t, dans un deuxime temps, caractrise par des forces centrifuges lorigine du phnomne de priurbanisation (dit aussi de rurbanisation) rendant la limite entre espace urbain et espace rural plus diffuse. La ville est ainsi caractrise par son aire dinfluence qui correspond une vue plus extensive de lurbanisation: le concept de rgion urbaine est ainsi n.

    Laire dinfluence est le reflet des mutations rcentes du phnomne urbain qui, ne pouvant accueillir indfiniment les activits et les hommes, tend staler, aid en cela par le dveloppement des infrastructures de transport, lusage de lautomobile, la prfrence pour la maison individuelle, et le souci de matrise des cots fonciers pour les activits industrielles grandes consommatrices despace.

    Cette vision socio-conomique de la ville correspond aussi celle du march de lemploi. Les migrations domicile-travail traduisent les complmentarits entre espaces infranationaux et lexistence de marchs locaux du travail plus ou moins tendus qui dpassent lchelle des agglomrations. Le modle centre-priphrie est ici peine perceptible du fait de la prolifration de ples secondaires dactivits et de rsidence, et de la discontinuit spatiale induite par des espaces transitoires agricoles. La prsence de ples secondaires rend la gographie des flux plus complexe, dpassant les traditionnels mouvements centriptes et centrifuges.

    Une entit infranationale comme appareil productif est un regroupement dhommes et dactivits. Pour les conomistes, le local est en effet lorganisation de la proximit ne de la division du travail et donc de la condition defficience de la production. Sil est donc admis que le local est un acteur conomique pouvant se dcliner comme un appareil productif, malheureusement peu de travaux empiriques se sont penchs sur la quantification de la production des espaces infranationaux.

    Trs souvent, lconomie rgionale et urbaine sest cantonne la gestion de crise, ne dun besoin daction par un essai de rponses des questions pratiques comme la planification des transports, les problmes de logements et la gestion de la crise conomique dans les zones urbaines. Plusieurs approches ont t utilises pour la mesure de la dynamique conomique des rgions et des villes.

    La dynamique conomique locale est gnralement analyse par le biais de la croissance dmographique. Le taux de croissance de la population dune rgion ou dune ville est considr comme un indicateur de sa croissance conomique. Cette assimilation de leffet dattraction du local sa bonne sant conomique est si forte, quon a trs vite parl de leur crise dans les pays dvelopps, avec le tassement qua connu la croissance de la population des zones urbaines.

    L'analyse des disparits spatiales soulve de nombreuses questions. On trouve rgulirement dans la littrature rgionale des tableaux ou des graphes comparatifs montrant que les disparits inter-rgionales sont plus fortes ou plus faibles dans tel ou tel pays que dans tel autre ou dans tel systme dcentralis que dans tel autre plus centralis. Ces tableaux comparatifs sont utiles car ils permettent de qualifier l'tat des disparits dans un pays. Comme pour beaucoup d'autres sujets, on ne dfinit pas une situation de disparit dans l'absolu mais de faon comparative, dans le temps ou l'espace. Ainsi, l'analyse des disparits rgionales vise gnralement chiffrer l'ingalit qui existe dans un pays entre les rgions "riches" et les rgions "pauvres". Il s'agit donc d'valuer la richesse des rgions.

    La principale hypothse de cette recherche repose sur lexistence dune corrlation entre le dveloppement rgional et les mcanismes de production des disparits au Maroc. En effet, dans ce pays en dveloppement, on assiste une concentration des populations et des richesses le long du littoral et un retard frappant des campagnes et des rgions priphriques. A partir de ce constat, on cherche analyser les disparits inter-rgionales selon plusieurs indicateurs socio-conomiques, avec un premier essai de calcul des Produits intrieurs bruts rgionaux selon trois mthodes bases sur lemploi, les revenus et la production, avant dvaluer les indicateurs de disparits.

    Afin de mieux comprendre le processus de formation de ces disparits, on cherche ensuite tudier trois dterminants qui sont: lurbanisation, les migrations et la localisation des activits et leurs impacts sur la dynamique rgionale. Avant daborder la question du dveloppement rgional et son rapport avec la formation des disparits.

    La seconde hypothse consiste vrifier le cadre thorique dans le cas du Maroc, en tant que pays en dveloppement, ayant des caractristiques spcifiques.

    Quelle a t ma dmarche de travail pour essayer de saisir les nouveaux rapports quentretiennent les disparits socio-conomiques et le dveloppement rgional? Cest lobjet de la 2e partie de ma prsentation.

    2 Mthodes et outils adopts

    A/ - Tout dabord, jai adopt une dmarche permettant danalyser ces rapports sous diffrents angles et selon diffrentes approches.

    a- Cest--dire en analysant les indicateurs socio-conomiques de toutes les rgions et en valuant les PIB rgionaux et les indicateurs de disparit selon lemploi, les revenus et la production.

    b- En ce qui concerne les dterminants des disparits, jai choisi dtudier 3 facteurs qui sont:

    -lurbanisation,

    -les migrations,

    -et la localisation des activits.

    Ce travail ne vise pas dvelopper tous les aspects lis aux disparits rgionales. Il se limite apporter une bauche de rponse lvaluation des richesses et des disparits rgionales, la comprhension des mcanismes de production de ces dernires et leurs liens avec la rpartition du dveloppement rgional. A cet effet, deux ides fondamentales ont guids mes recherches:

    1-Le souci dapprhender les disparits rgionales dans leur multidimensionalit pour cerner le mieux la ralit. Les mthodes danalyse multidimensionnelle reprsentent un outil performant et oprationnel dans le cadre de cette tude. En particulier, la classification hirarchique ascendante est adopte, en tant que mesure multidimensionnelle des disparits rgionales, qui constitue un dpassement des mesures unicritres traditionnelles (le coefficient de Gini). En effet, partir dun grand nombre de donnes statistiques reprsentant les informations rgionales, elle conduit laide de lemploi de lordinateur, hirarchiser lensemble des rgions, sans ide prconue. De la mme faon, lanalyse factorielle en composantes principales permet dextraire les facteurs explicatifs dun nuage de points. En outre, en procdant des analyses sur des donnes relatives deux dates diffrentes, il est possible dapprcier lvolution des disparits rgionales et de faire des conclusions concernant lvolution compare de ces disparits.

    2-Prendre en compte des structures conomiques spcifiques aux conomies contemporaines: lintgration spatiale dans les conomies dveloppes, le dualisme spatial dans les conomies en voie de dveloppement. Cette distinction est fondamentale, car elle est dterminante pour la comprhension de lvolution des disparits qui varie selon le cas. En particulier, lespace conomique sous-dvelopp possde des caractristiques propres qui impriment aux indicateurs socio-conomiques une orientation diffrente de celle que lon observe dans lespace conomique dvelopp.

    B/ - Lchelle:

    Jai choisi de mener cette recherche principalement lchelle rgionale, mme si elle peut paratre trop large pour apprhender finement le phnomne des disparits, mais relativement bien adapte pour analyser les disparits en rapport avec le dveloppement territorial.

    Pourquoi?

    Mener une analyse cette chelle apparat ncessaire pour effectuer un 1er travail de mise au point sur ce quil est aujourdhui des rapports entre disparit et dveloppement, avant de pouvoir analyser encore plus finement ces questions sur la base de ce travail.

    Par ailleurs, un peu contraint de mener lanalyse cette chelle car cette chelle que les donnes concernant le dveloppement des territoires sont le plus souvent disponibles.

    Nanmoins, jai essay de dtailler le plus possible les rsultats une chelle plus fine, en prenant notamment en compte le rle des villes.

    C/ - Ensuite, je me suis appuy sur deux sources principales de donnes pour analyser le phnomne des disparits:

    -Bien videmment sur le Recensement Gnral de la Population et de lHabitatdes annes 1982, 1994 et 2004:

    * grce aux nombreuses informations quil dlivre sur les rgions,

    * mais aussi parce quil permet dtudier avec prcision les diffrents aspects dmographique et socio-conomique des disparits.

    -lautre source principale est lEnqute Nationale sur la Consommation et les Dpenses des Mnages, lenqute de 2000-2001 est la quatrime investigation ralise depuis lindpendance du Maroc:

    * elle permet de saisir de faon conjointe le niveau du bien-tre,

    * et de suivre les donnes se rapportant aux dpenses, aux quantits consommes et certains aspects des conditions de vie de la population.

    -on peut citer une 3me source, le recensement conomique, le premier du genre ralis au Maroc en 2001-2002, pour analyser la rpartition rgionale et sectorielle des entreprises.

    Et dautres enqutes relatives lemploi, la pauvret et le secteur informel.

    La 3me partie de ma prsentation: Quels sont les principaux rsultats de ces analyses?

    3 Principaux rsultats

    Je vais prsenter mes rsultats, qui sont regroups en 4 sous-parties:

    -la 1re concerne les rsultats issus de lanalyse des disparits inter-rgionales.

    -la 2me est consacre aux rsultats de lvaluation des PIB rgionaux et des indicateurs de disparits.

    -la 3me aux rsultats de ltude des dterminants des disparits rgionales.

    -la 4me, je terminerai en mintressant au dveloppement rgional.

    A/ - Les rsultats de lanalyse des disparits

    En effet, ces analyses montrent une concentration dmographique et socio-conomique le long du littoral atlantique et des clivages entre la rgion centre et les rgions priphriques dune part, et dautre part, entre les rgions fortement urbanises et les rgions agricoles.

    Ces disparits concernent plusieurs aspects socio-spatiaux savoir le niveau durbanisation, les taux de chmage et danalphabtisme, les conditions dhabitat et le niveau de revenus des mnages. Ma dmarche a confirm la domination de la rgion du Grand Casablanca qui reprsente seulement 0,23 % du territoire national mais accueille en 2004, 12,15 % de la population totale, avec un taux durbanisation de 91,6 %. Mais souffre de problmes sociaux majeurs, marqus par un taux de chmage lev (21,6 % en 2004) et un taux de pauvret autour de 3,5 % en 2004, sans oublier les problmes de congestion, de transport, de pollution et dhabitat prcaire. Cette mthode danalyse multidimensionnelle a permis de distinguer cinq groupes de rgions selon leurs situations gographiques: les rgions du Sud, la rgion du Grand-Casablanca, les rgions atlantiques, les rgions mditerranennes et les rgions intrieures (Cf. tableau ci-aprs).

    Tableau 1: Indicateurs socio-conomiques par rgion

    Code

    Rgions

    Population

    Taux

    Taux

    Taux de

    Taux de

    Taux d'Ets

    Taux de

    rgion

    en %

    Urbanisation

    analphabt.

    chmage

    Pauvret

    Activits

    revenus

    Anne

    2004

    2002

    2001

    1

    Oued-Ed-Dahab-Lagouira

    0,33

    62,2

    )

    )

    )

    0,43

    )

    2

    Layoune-Boujdour-Sakia El H.

    0,86

    92,3

    ) 68,7

    ) 18,3

    ) 9,8

    1,41

    ) 2,9

    3

    Guelmim-Es-Semara

    1,55

    62,0

    40,2

    )

    )

    1,52

    )

    4

    Souss-Massa-Dara

    10,42

    40,8

    46,9

    7,8

    18,9

    10,51

    9,6

    5

    Gharb Chrarda-Bni H.

    6,22

    42,0

    47,8

    9,7

    20,5

    4,76

    4,7

    6

    Chaouia-Ouardigha

    5,54

    43,7

    46,3

    9,0

    13,5

    4,30

    4,5

    7

    Marrakech-Tensift-Al Haouz

    10,38

    39,2

    52,0

    6,5

    19,2

    9,53

    7,6

    8

    Oriental

    6,42

    61,7

    42,9

    15,3

    17,9

    7,11

    5,6

    9

    Grand Casablanca

    12,15

    91,6

    25,0

    21,6

    3,5

    17,07

    19,7

    10

    Rabat-Sal-Zemmour- Z.

    7,92

    81,1

    32,2

    16,2

    8,0

    9,34

    9,8

    11

    Doukala-Abda

    6,64

    36,0

    52,6

    7,7

    15,5

    5,07

    5,6

    12

    Tadla-Azilal

    4,85

    36,5

    52,7

    6,7

    14,5

    3,71

    4,5

    13

    Mekns-Tafilalet

    7,16

    56,2

    42,0

    11,6

    19,5

    7,08

    6,2

    14

    Fs-Boulmane

    5,26

    72,1

    40,4

    7,2

    14,2

    6,22

    5,1

    15

    Taza-Al Hoceima-Taounate

    6,05

    24,2

    54,8

    5,5

    14,6

    3,31

    5,6

    16

    Tanger-Ttouan

    8,26

    58,4

    41,5

    8,6

    12,5

    8,65

    8,6

    Niveau National

    100,0

    55,1

    43,0

    10,8

    14,2

    100,00

    100,0

    Source: Direction de la statistique.

    B/ - Le poids conomique des rgions

    Pour complter cette analyse, on a procd une estimation des produits intrieurs bruts rgionaux (PIBR) et une mesure des indicateurs de disparit, ce qui a montr lhtrognit et la hirarchisation du territoire marocain et la concentration des populations et de la richesse le long du littoral atlantique. Cet essai dvaluation de la richesse rgionale a fait apparatre des diffrences de rsultat selon la source utilise entre lemploi, les revenus et la production. Ainsi, la variation obtenue des rgions dpend de lactivit principale de chaque rgion et de sa valeur ajoute. Sans oublier que chaque indicateur traduit une vrit qui lui est propre. Lemploi a tendance ne traduire que laspect social du territoire et de moins en moins laspect conomique. Le revenu traduit le pouvoir dachat des mnages et leffet redistributif des politiques publiques. Le produit intrieur brut infranational traduit quant lui la localisation spatiale de la production nationale. Cela reprsente pour le Grand Casablanca des taux respectifs de 22,2 %, 19,7 % et 26,1 % contre 3,0 %, 2,9 % et 1,7 % pour les 3 rgions du Sud (Cf. tableau ci-aprs).

    Tableau 2: Estimation des PIB rgionaux selon lemploi, le revenu et la production

    Code

    Rgions

    PIB rgionaux

    Rgions

    Emploi (2002)

    Dpenses (2001)

    Production (2004)

    1

    Oued-Ed-Dahab-Lagouira

    )

    2

    Layoune-Boujdour-Sakia El Hamra

    ) 3,0

    2,9

    1,7

    3

    Guelmim-Es-Semara

    )

    4

    Souss-Massa-Dara

    8,8

    9,6

    9,4

    5

    Gharb Chrarda-Bni Hssen

    4,6

    4,7

    6,9

    6

    Chaouia-Ouardigha

    4,7

    4,5

    3,7

    7

    Marrakech-Tensift-Al Haouz

    8,6

    7,6

    9,4

    8

    Oriental

    5,7

    5,6

    6,4

    9

    Grand Casablanca

    22,2

    19,7

    26,1

    10

    Rabat-Sal-Zemmour-Zar

    10,7

    9,8

    6,9

    11

    Doukala-Abda

    5,1

    5,6

    5,0

    12

    Tadla-Azilal

    3,1

    4,5

    3,8

    13

    Mekns-Tafilalet

    6,0

    6,2

    6,0

    14

    Fs-Boulmane

    5,9

    5,1

    4,7

    15

    Taza-Al Hoceima-Taounate

    3,7

    5,6

    2,0

    16

    Tanger-Ttouan

    7,9

    8,6

    8,0

    Total

    100,0

    100,0

    100,0

    Source: Calcul de lauteur.

    Les conomies rgionales et nationales sont progressivement exposes la concurrence internationale accordant ainsi une part de plus en plus prpondrante aux facteurs de productivit. Lemploi devient ainsi de moins en moins, en terme quantitatif, un indicateur du niveau de dveloppement local. En outre, le fait que les espaces les plus dynamiques sont ceux ou le chmage est le plus important finit par brouiller la lisibilit dindicateurs comme lemploi et le chmage. Cette tendance est selon toute vraisemblance appele saccentuer dans le futur.

    Davezies L. (1993) relve que la distinction cruciale entre les deux nest jamais opre dans le langage courant par transposition implicite de lgalit que les comptes nationaux tablissent entre les termes gnriques de revenu et de production au niveau national. Ainsi, la valeur ajoute dun espace alimente le revenu dautres espaces, le revenu primaire ou les impts sur le revenu dun espace alimentent celui dun autre. On peut ainsi imaginer des rgions ayant un PIB faible et un revenu disponible lev ou linverse, plus difficilement il est vrai, un PIB lev et un revenu faible.

    En ce qui concerne les indicateurs de disparit, il ressort que selon les trois champs dexploitation: emploi, revenus, production, le niveau de dispersion varie considrablement suivant la branche dactivit, le milieu de rsidence et la structure conomique des rgions.

    Globalement, on a observ une double dpendance, de lconomie marocaine du dynamisme du Grand Casablanca, et de lactivit agricole des alas climatiques et de la pluviomtrie. Ce secteur occupe 40 % de la population active (80 % de la population rurale) et contribue 17% du PIB national en 2004. Cependant, le Grand Casablanca reprsente 33,14 % de la production industrielle agro-alimentaire en 2003, et le milieu rural continue de manquer dquipement et de services ncessaires (Cf. graphique ci-aprs).

    Source: Enqute nationale sur la consommation et les dpenses des mnages (ENCDM), 2000-2001.

    Ltat des dsquilibres rgionaux au Maroc rpond donc, la logique de Benko G. et Lipietz A. (1992), qui distingue dune part des rgions gagnantes, dynamiques, intgres nationalement et qui peuvent tre ouvertes sur le monde ou bien centres localement. Elles concernent essentiellement les rgions du Nord-Ouest et du Centre-Ouest. Et dautre part, des rgions perdantes, marginalises, pauvres, replies sur elles-mmes qui souffrent dun dficit daccessibilit li aux contraintes physiques du Rif et du Haut Atlas, et des rgions priphriques telles que lOriental et les rgions sahariennes.

    C/ - Les dterminants de production des disparits inter-rgionales

    Les mcanismes des disparits rgionales rsultent dun type dorganisation spatiale qui, sous leffet de facteurs historiques et socio- conomiques, a imprim lespace un dveloppement ingal. Lespace marocain porte en effet la marque dun modle dominant qui a faonn, par le dveloppement de lconomie moderne et la primaut des zones littorales atlantiques, une organisation spatiale faite de disparits et dont les tendances se sont maintenues au-del de lindpendance. Parmi ces facteurs, on a tudi limpact de lurbanisation, les migrations et la localisation des activits.

    En effet, lurbanisation est une consquence incontournable du dveloppement conomique, mais un facteur dterminant des disparits inter-rgionales, par son impact sur le march du travail et les conditions de vie. Le Maroc dispose dune armature urbaine quilibre mais la hirarchisation des villes qui jouent un rle important dans la cration des richesses, contribue lapparition de contrastes entre les diffrentes rgions.

    Dautre part, les migrations en gnral et lexode rural en particulier, contribuent la formation des disparits rgionales non seulement en terme dmographique mais aussi selon la productivit et la cration de richesse. La plupart des migrations inter-rgionales essentiellement vers les rgions trs urbanises telle que le Grand Casablanca, sont motives par la recherche demploi et lamlioration du niveau de vie. La vulnrabilit du milieu rural lie la dpendance de lactivit agricole aux alas climatiques favorise la concentration de la pauvret et renforce les dsquilibres rgionaux.

    Par ailleurs, on a montr que la localisation des activits lie au niveau dquipement, joue un rle important dans la dynamique rgionale. Cependant, sa concentration dans des rgions limites, surtout dans le Grand Casablanca, cre des carts en termes dactivits, demploi, de productivit et de revenus entre les rgions. Lanalyse a rvl que des rgions se sont atteles dans un processus de spcialisation dans le cadre de projets de grandes envergures. Or, les effets dentranement positifs qui dcoulent de ces projets se font sentir lextrieur de la rgion dimplantation plus que pour la population locale.

    D/ - La dynamique du dveloppement rgional

    Si la solution aux problmes de dveloppement que connat le Maroc est trouver au