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1 ELASTOPLASTICITE

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ELASTOPLASTICITE

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3

CHAPITRE I

LE COMPORTEMENT

ELASTOPLASTIQUE

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1. Introduction

La mise en évidence du comportement (élasto)-plastique des matériaux résulte en tout premier lieu d'observations expérimentales faites soit sur des objets ou structures plus ou moins complexes constitués de ces matériaux, soit de façon plus précise à partir d'essais sur des éprouvettes que l'on soumet à des sollicitations homogènes bien contrôlées. L'essai le plus couramment utilisé est l'essai de traction-compression simple dont l'analyse nous permet d'introduire les notions fondamentales de limite d'élasticité, de déformation plastique et d'écrouissage (section 2), qui viennent s'ajouter à la celle d'élasticité.

L'homogénéité des champs de contrainte et de déformation dans la partie centrale de l'éprouvette ainsi soumise à un tel essai de traction-compression, permet alors d'interpréter cet essai en termes de courbe contrainte-déformation (section 3), puis de formuler complétement sous forme incrémentale la loi de comportement d'un matériau élastique parfaitement plastique sous sollicitation 1D (section 4).

La généralisation au cas d'une sollicitation 3D passe tout d'abord par une description cinématique tridimensionnelle du cycle charge-décharge (section 5), ainsi que la détermination d'un domaine d'élasticité dans l'espace des contraintes tridimensionnelles et d'un critère de plasticité associé (section 6). On aboutit alors à une formulation complète, dans le cadre de la transformation infinitésimale, de la loi de comportement 3D d'un matériau élastoplastique en précisant notamment la règle d'écoulement plastique formulée dans le cas où le Principe du Travail Plastique Maximal (P.T.P.M.) est vérifié (section 7).

La section 8 explicite complètement une telle loi de comportement (en l'absence d'écrouissage), exprimée en vitesse, pour un matériau élastiquement isotrope, puis généralise très simplement cette loi au cas où une sollicitation thermique vient se superposer à la sollicitation mécanique, aboutissant à la formulation d'une loi de comportement thermo-élastoplastique.

La section 9 vient clore ce chapitre en décrivant de manière détaillée deux critères de plasticité les plus couramment utilisés (notamment pour les métaux et les sols "purement cohérents" de type argile) que sont les critères de von Mises et de Tresca.

Enfin une annexe (que l'on peut omettre en première lecture) développe quelques considérations énergétiques et thermodynamiques relatives à un matériau élastoplastique avec et sans écrouissage.

2. Mise en évidence expérimentale du comportement élasto-plastique à parti de l'essai de traction simple

La figure 1 représente la courbe-type d'un essai de traction simple d'une éprouvette métallique, donnant l'évolution de l'effort F exercé par une machine de traction (rapporté à l'aire S0 de la section transversale initiale de l'éprouvette) en fonction de l'allongement relatif l/l0, mesuré dans la partie centrale de l'éprouvette.

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5

Figure 1. Courbe-type expérimentale de traction d'une éprouvette métallique.

L'analyse d'une telle courbe expérimentale fait apparaître les caractéristiques suivantes :

La réversibilité de la réponse de l'éprouvette dans la partie OA du diagramme effort-

allongement, c'est-à-dire tant que l'effort F demeure inférieur à un seuil correspondant à

l'ordonnée du point A, appelé seuil d'élasticité initial. Cette réversibilité se traduit par une

relation de proportionnalité entre l'effort et l'allongement, caractéristique du comportement

élastique linéaire du matériau constitutif.

La non-linéarité de la courbe de chargement si l'on poursuit le chargement au-delà de ce seuil

d'élasticité initial, la tangente à la courbe de chargement décroissant progressivement jusqu'à

s'annuler lorsque la rupture de l'éprouvette est atteinte.

L'irréversibilité de la réponse de l'éprouvette, mise en évidence lorsque l'on effectue une

décharge complète (F 0) à partir du point B jusqu'au point C. La courbe BC de décharge est

différente de la courbe OAB de première charge, de sorte qu'au point C subsiste un allongement

résiduel. C'est la manifestation du comportement plastique du matériau constitutif.

Rechargeant l'éprouvette à partir de ce nouvel état déchargé, on constate que le point

représentatif dans le diagramme parcourt en sens inverse le segment BC de décharge.

L'ordonnée du point B représente le nouveau seuil d'élasticité, appelé seuil d'élasticité actuel.

3. Interprétation en termes de courbes contrainte-déformation

Ces premières observations expérimentales appellent un certain nombre de commentaires et conclusions.

a) Les champs de contrainte et de déformation dans la partie médiane de l'éprouvette étant homogènes (ce qui suppose notamment l'homogénéité du matériau constitutif à l'échelle de l'éprouvette), les quantités mesurées 0/ SF et 0/ ll peuvent s'interpréter respectivement comme la contrainte uniaxiale de traction subie localement par le matériau, et la déformation linéarisée

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6

correspondante selon l'axe de l'éprouvette, supposée en transformation infinitésimale ( 10 ll /). On obtient ainsi le diagramme «contrainte-déformation» de la figure 2, homologue de celui de la figure 1, mais caractérisant cette fois-ci le comportement local du matériau sous sollicitation uniaxiale de traction. La valeur de la déformation correspondant à l'allongement résiduel consécutif au cycle charge-décharge, s'appelle la déformation plastique, notée p .

Figure 2. Diagramme contrainte-déformation pour un matériau élastoplastique avec écrouissage

b) Une caractéristique importante du modèle de comportement élastoplastique mis en évidence par des expériences telles que celle décrite ci-dessus, est l'indépendance par rapport au temps physique. C'est-à-dire que les diagrammes précédents ne dépendent pas de la vitesse à laquelle sont effectuées les phases de charge-décharge successives, ce qui revient à négliger les effets de viscosité et de vieillissement du matériau. Cette propriété est bien vérifiée par exemple pour des métaux à température ordinaire, comme l'illustre la figure 3 qui représente différentes courbes de traction d'une éprouvette d'aluminium, montrant qu'un effet de viscosité n'apparaît que pour des sollicitations très rapides 1( 1 )s . Il convient en revanche de prendre en compte un tel effet, à travers par exemple l'adoption d'un modèle viscoplastique, dès que la température s'élève (enceintes de réacteurs nucléaires, procédés de formage «à chaud», dégagements thermiques dans les massifs rocheux, etc.).

c) La notion fondamentale caractérisant le comportement plastique d'un matériau est celle d'irréversibilité et non pas celle de non-linéarité, même si les deux notions coïncident dans le cas où l'élasticité du matériau est linéaire dans le cadre de la transformation infinitésimale. La mise en évidence de cette irréversibilité nécessite l'application d'un cycle charge-décharge, seul à même de faire apparaître une déformation plastique au terme de ce cycle. La figure 4 montre la différence essentielle existant entre un modèle élastique non linéaire (mais réversible !) et un modèle élastoplastique, en dépit de la similitude des courbes de première charge.

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7

Figure 3. Evolution des courbes de traction d'une éprouvette d'aluminium en fonction de la

vitesse de sollicitation (Chen et al., 2009).

D’un point de vue énergétique, cette irréversibilité se traduit par le fait que l’énergie dépensée au cours d'un cycle charge-décharge (proportionnel à l'aire de la zone grisée sur la figure 4(b)) est strictement positive, autrement dit que le travail fourni dans la phase de chargement n'est pas entièrement récupéré à la décharge (on se reportera pour plus de détails sur ce point à la section 6 de ce chapitre).

(a) (b)

Figure 4. Courbes représentatives des comportements (a) élastique non-linéaire et (b) élastoplastique.

d) Bien que les mécanismes physiques microscopiques qui sont à l'origine de la plasticité des matériaux observés à l'échelle macroscopique, soient parfois très différents (propagation de défauts dans le réseau cristallin pour les métaux, réarrangement des grains dans le cas des sols, etc.), le point

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8

de vue macroscopique ici adopté va permettre de développer une formulation unifiée de ce comportement en termes de contraintes et déformations dans le cadre du modèle de milieu continu tridimensionnel.

4. Formulation 1D du comportement élastique parfaitement plastique

La figure 5(a) ci-dessous représente le schéma général de comportement élastoplastique 1D avec écrouissage (exemple de la courbe de traction simple d'un acier), tandis que la figure 5(b) représente le cas particulier important d'un comportement élastique parfaitement plastique pour lequel la courbe contrainte-déformation comporte un plateau horizontal (exemple d'un acier doux à faible teneur en carbone). Dans ce dernier cas, le seuil d'élasticité 0 demeure constant, c'est-à-dire que l’écrouissage du matériau disparaît. Ce modèle idéal du matériau élastoplastique parfait est souvent associé à la notion de ductilité, par opposition à celle de fragilité qui évoque l'idée de rupture brutale de l'élément de matière lorsque le seuil d'élasticité est atteint. Nous reviendrons ultérieurement sur ces notions importantes dans la seconde partie du cours portant sur la théorie du calcul à la rupture.

(a) (b)

Figure 5. Schémas de comportement (a) élastoplastique avec écrouissage, (b) élastique

parfaitement plastique (absence d'écrouissage).

La figure 6 présente la formulation complète du comportement élastique parfaitement plastique

1D. Contrairement à l'élasticité linéaire qui correspond à une relation biunivoque entre contrainte et

déformation, cette formulation est incrémentale reliant, pour un état de contrainte donné ,

l'accroissement infinitésimal (incrément) de la contrainte d à celui de la déformation d.

Plus précisément, cette formulation incrémentale peut être explicitée comme suit en se référant à la figure 6.

p

p

A

B A

A

B

A B0

B A

ruptureductile

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9

Figure 6. Formulation incrémentale du comportement élastique parfaitement plastique 1D

Cas n° 1. L'état de contrainte initial (à partir duquel est appliqué l'incrément de contrainte) est tel que 0 1. Dans ce cas, la réponse est purement élastique:

0 , d d =d de E (1)

où E est par définition le module d'Young du matériau, égal à la pente de la droite de charge

élastique.

Cas n° 2. L'état de contrainte initial est égal à la limite d'élasticité en traction ( 0 ),

tandis que l'incrément de contrainte est négatif ( d 0 ). On parle alors de décharge

élastique:

0 , d 0 d =d de E (2)

Cas n° 3. L'état de contrainte initial est égal à la limite d'élasticité en traction ( 0 ) et

s'y maintient ( d 0 ). On parle alors de charge plastique, l'incrément de déformation étant

purement plastique et positif ou nul:

0

0

,d 0 d =d d 0e p

(3)

Il importe de bien noter que la valeur de l'incrément de déformation plastique reste

indéterminée, ce qui traduit le fait expérimental que l'éprouvette s'allonge indéfiniment et de

manière irréversible lorsque l'effort de traction est maintenu constant et égal au seuil

d'élasticité.

Les cas n° 4 et 5, répertoriés sur la figure 6, correspondent à la situation où la limite

d'élasticité étant atteinte en compression2 ( 0 ), l'effort de compression de l'éprouvette

1 L'incrément de contrainte étant tel que

0d .

2 Cette limite d'élasticité peut bien évidemment être, en valeur absolue, différente de celle en traction: '0 0 .

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est soit relâché ( d 0 : décharge élastique, cas n°4), soit maintenu constant ( d 0 :

charge plastique, cas n°5). L'incrément de déformation plastique est dans ce dernier cas

négatif ou nul ("raccourcissement" plastique de l'éprouvette), mais sa valeur reste

indéterminée.

Remarques.

Dans l'hypothèse où les déformations restent infinitésimales ( 1) au moins jusqu'à

la limite d'élasticité 0 , il en résulte que cette dernière est petite vis-à-vis du module

d'élasticité puisque:

0 0 0( ) / 1E E (4)

Cette condition est par exemple bien vérifiée pour l'acier ou de nombreux autres

matériaux:

acier acier0 0400 MPa, 200 000 MPaE

L'expérience de traction simple décrite précédemment et la formulation incrémentale 1D

du comportement qui en découle correspondent à des conditions isothermes, où la

température est maintenue constante. Nous verrons ultérieurement comment les

variations de température et les déformations thermiques qui en résultent peuvent être

prises en compte dans le cadre d'une loi de comportement thermo-élasto-plastique.

5. Description cinématique tridimensionnelle du cycle charge-décharge

Figure 7. Configurations successives d'un élément de volume matériel au cours d'un cycle

charge-décharge élastoplastique.

Essayons maintenant, en nous plaçant désormais dans le cadre du formalisme de la mécanique des milieux continus tridimensionnels, de décrire plus précisément les transformations successives subies par un élément de matière infinitésimal 0d au cours d'un cycle charge-décharge tel que décrit précédemment dans le formalisme 1D. La figure 7 représente schématiquement la séquence des transformations subies par un tel élément de volume lors d'une telle expérience de charge-décharge. On désigne ainsi respectivement par :

0d : l'élément de volume dans la configuration initiale (état non chargé);

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td : le même élément au terme de la phase de chargement (configuration actuelle) ;

Rtd : la configuration atteinte par ce même élément à l’issue d’un déchargement total.

Adoptant la terminologie employée par Lee (1969) ou Mandel (1971), nous appellerons cette

dernière configuration la configuration relâchée. Nous introduisons alors classiquement les outils3:

permettant de décrire les transformations subies par l’élément de matière (volume infinitésimal)

entre ces différentes configurations

F désigne le gradient de la transformation (homogène tangente) faisant passer de 0d à

td . Il permet de calculer le transporté tMd dans la configuration actuelle d’un vecteur matériel

élémentaire quelconque 0dM attaché à 0d :

0d .d MFM t (5)

E et P représentent respectivement les gradients des transformations faisant passer de Rtd

à td et de 0d à Rtd . Ils sont définis par les relations homologues de (5):

Rtt MEM d .d (6)

et

0d .d MPM Rt (7)

D'où la décomposition multiplicative suivante du gradient total de la transformation en parties

élastique et plastique : .F E P (8)

Dans le cas où le comportement du matériau est purement élastique, P se réduit à l'identité 1 (ou éventuellement à un tenseur orthogonal, c’est-à-dire tel que . 1tP P ), de sorte que les configurations initiale et relâchée coïncident à un mouvement rigidifiant près. La mise en évidence expérimentale du comportement plastique correspond au fait que la transformation P , dite plastique, est associée à une déformation non nulle ( . 1tP P ). La transformation E , dite élastique, est la partie réversible de la transformation F , récupérée à la décharge.

Nous nous limiterons dans tout ce qui suit au cas où toutes les transformations précédentes restent infinitésimales, cadre dans lequel la modélisation du comportement élastoplastique sera désormais développée4. Une telle modélisation suppose d'apporter la réponse à deux questions complémentaires:

Pour quelles sollicitations, exprimées localement en termes de contraintes, la plastification du

matériau, c'est-à-dire son irréversibilité au cours d'un cycle charge-décharge, se manifeste-t-

elle? C'est la question du critère de plasticité traitée à la section 6 de ce chapitre.

3 Voir par exemple J. Salençon (2002) pour une introduction à ces outils.

4 On pourra trouver une introduction aux problèmes d'élastoplasticité en transformation finie dans le cours de master de P. de Buhan et G. Hassen (2007).

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Comment traduire cette irréversibilité du point de vue des déformations? C'est la question de la

règle d'écoulement plastique, qui sera abordée à la section 7, à partir de la formule de

décomposition multiplicative (8).

Ces deux aspects constitutifs de la loi de comportement élastoplastique vont être successivement abordés dans le cadre de l’hypothèse de transformation infinitésimale.

6. Critère de plasticité tridimensionnel et fonction de charge

La formulation 1D du comportement élastoplastique établie précédemment est suffisante pour traiter les problèmes d'élastoplasticité relatifs par exemple aux structures réticulées constituées par l'assemblage de barres ne reprenant que des efforts de traction-compression (voir l'exemple traité au début du chapitre 2). Il est en revanche indispensable de disposer d'une formulation tridimensionnelle de ce comportement pour pouvoir aborder la résolution des problèmes d'élastoplasticité relatifs à des systèmes en milieu continu 3D.

Etant donnée l'hypothèse de transformation infinitésimale dans laquelle nous nous plaçons désormais, qui implique que les déformations et les rotations subies par l'élément de matière restent simultanément petites, permettant alors de confondre les représentants lagrangien (i.e. défini sur la configuration initiale 0d ) et eulérien (i.e. défini sur la configuration actuelle td ) de l'état de contrainte, la condition de plasticité va porter sur le tenseur des contraintes de Cauchy qui décrit localement l'état de sollicitation du matériau.

6.1. Exemples d'essais multiaxiaux homogènes

Il existe de multiples procédés expérimentaux qui permettent d'accéder au comportement des matériaux soumis à des sollicitations multiaxiales plus complexes que la simple traction-compression uniaxiale précédemment considérée.

Citons par exemple, parmi les essais de laboratoire, l'essai "triaxial" utilisé couramment pour les sols, roches ou bétons, schématisé sur la figure 8. Dans cet essai, l'éprouvette est soumise à une force de compression verticale F et à une pression de confinement p (exercée par un fluide), qui induisent un champ de contrainte "triaxial de révolution" homogène dont les composantes dans le repère orthonormé 123 s'écrivent:

/ 0 0

0 0

0 0

ij

F S p

p

p

(9)

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13

Figure 8. Essai triaxial de révolution sur éprouvette cylindrique

De même, l'essai de "traction-compression-torsion" représenté sur la figure 9(a), est employé pour tester des matériaux métalliques ou composites sous sollicitation de traction-compression-cisaillement obtenue en chaque point en exerçant sur un tube un effort axial de traction (compression) F combiné à un couple de torsion C autour de l'axe du tube. Compte tenu de l'hypothèse de tube mince (e>>R), les composantes dans le repère cylindrique local de l'état de contrainte ainsi créé en tout point du tube valent:

2

2

0 0 0

0 0 / (2 )

0 / (2 ) / (2 )

ij C R e

C R e F Re

(10)

(a) (b)

Figure 9. (a) schéma de principe d'un essai de traction-torsion sur tube cylindrique mince

(e<<R); (b) essai de traction bi-axiale sur une éprouvette cruciforme

On peut également citer l'essai de traction bi-axiale consistant à solliciter une éprouvette plane cruciforme par des efforts de traction perpendiculaires comme indiqué sur la figure 9(b). Ce dispositif permet d'analyser le comportement de matériaux sous sollicitation en contrainte plane. Un tel état de traction bi-axial peut d'ailleurs obtenu en tout point du tube de la figure 9(a) en appliquant

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une pression p sur la paroi interne du tube tout en annulant le couple de torsion, de sorte que l'état de contrainte vaut:

0 0 0

0 / 0

0 0 / (2 )

ij pR e

F Re

(11)

Des dispositifs expérimentaux sophistiqués ont même été développées ces dernières années afin d'explorer le comportement de matériaux, tels que sols ou roches, sous sollicitations véritablement triaxiales (figure 10). De tels dispositifs permettent en effet d'imposer la valeur des trois contraintes principales indépendamment les unes des autres.

Figure 10. Dispositif d'essai véritablement triaxial ("true triaxial apparatus")

6.2. Domaines d'élasticité initial et actuel et fonction de charge

L'interprétation des expériences décrites précédemment permet de mettre en évidence l'existence d'un domaine d'élasticité initial (généralement convexe) du matériau, dans l'espace des contraintes de Cauchy identifié à R6 (figure 11).

Figure 11. Domaines d'élasticité initial et actuel dans l'espace des contraintes

Ce domaine, noté )(0C , est tel qu'au terme de tout cycle de chargement, représenté par une courbe fermée (telle que 1 sur la figure) contenue dans le domaine, n'apparaît aucune déformation plastique. A l'inverse, le suivi d'un trajet de chargement tel que 2, au cours duquel le seuil d'élasticité

ij

kl

EC

0C

1

2A

B

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15

représenté par la frontière de )(0C est franchi, va engendrer des déformations plastiques. Il en résulte alors dans ce cas une modification du domaine d'élasticité, appelé domaine d'élasticité actuel

)(EC manifestation phénoménologique, observée à l'échelle de la modélisation macroscopique, de l'écrouissage du matériau, symbolisé par E .

Figure 12. Détermination expérimentale du domaine d'élasticité initial en traction-compression-cisaillement d'un matériau à l'aide d'un essai de traction-compression-torsion (d'après Bui, 1969).

A titre d'exemple, la figure 12 représente dans le plan , un domaine de forme elliptique, déterminé expérimentalement à l'aide de l'essai de traction-compression-cisaillement décrit ci-dessus, à l'intérieur duquel le comportement du tube et donc localement du matériau, demeure élastique. Dès que le point représentatif du chargement franchit le seuil du domaine, appelé domaine d'élasticité initial, pour revenir ensuite à l'état déchargé ( 0) , il subsiste un allongement et une rotation résiduels du tube.

Figure 13. Définition de la fonction de charge associée à un domaine d'élasticité actuel

Il est alors commode de caractériser ces domaines par la donnée d’une fonction de charge, notée ( , )f E 5 et appelée également fonction critère, telle que pour un état d’écrouissage E (figure 13):

0),( Ef si est à l'intérieur de )(EC ;

0),( Ef si est situé sur la frontière de )(EC ,

5 Cette fonction sera supposée dans tout ce qui suit continûment différentiable par rapport à ses arguments et E.

Page 16: chapitre1 - École des ponts ParisTech

16

0),( Ef si est à l’extérieur de )(EC .

On observera que la seule situation physiquement possible correspond à ( , ) 0f E , c’est-à-dire que le point représentatif de l’état de contrainte ne peut jamais être extérieur au domaine d’élasticité actuel. Ainsi se référant à la figure 8, la portion AB du trajet de chargement 2 correspond au franchissement de la frontière du domaine )(0C ( ( , ) 0)f E 0 , mais à l'«entrainement» de la frontière du domaine actuel )(EC ( ( , ) 0)f E , les paramètres d'écrouissage E évoluant avec dans cette phase de «charge plastique».

On utilise fréquemment dans les calculs de structures deux modèles simplifiés d’écrouissage:

Celui de l’écrouissage "isotrope" (figure 14(a)) dans lequel le domaine )(EC est obtenu par

homothétie de centre l’origine et de rapport 1)(E à partir du domaine d'élasticité initial. On

peut alors adopter comme fonction de charge:

10 0( , ) avec . (., 0)f f f f E E E (13)

Celui de l'écrouissage "cinématique" (figure 14(b)) où le domaine actuel est obtenu par

translation dans l’espace des contraintes d'une quantité ( ) E du domaine initial, ce dont il est

possible de rendre compte par la fonction de charge:

EE 0),( ff (14)

On peut remarquer qu’à un domaine d'élasticité actuel )(EC donné, correspond une infinité de choix possibles pour la fonction de charge, qui respectent les conditions (12). Il conviendra alors de vérifier que la formulation de la loi de comportement est indépendante du choix effectué.

Figure 14. Modèles d'écrouissage "isotrope" et "cinématique".

Le cas de la plasticité parfaite correspond à la situation où le domaine d'élasticité est fixe, de sorte qu'il n'y a plus lieu de distinguer les domaines d'élasticité initial et actuel. La fonction de charge

( )f n'est plus alors argumentée par des paramètres d'écrouissage:

( ) 0f si est à l'intérieur de C ;

ij

kl

0EE CC

0C ij

kl

EC

0C

E

)(a )(b

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17

( ) 0f si est situé sur la frontière de C ,

( ) 0f si est à l’extérieur de C .

6.3. Critères de plasticité isotropes

La fonction de charge apparaît dans ce cas comme une fonction des seuls invariants principaux de la contrainte :

3

3

2

21 tr3/1 , tr2/1 , tr III (16)

ou de manière équivalente, et plus concrète, des seules contraintes principales notées ),,( IIIIII , puisque la propriété d'isotropie du matériau traduit le fait (vérifiable expérimentalement) que la condition d'apparition de la plasticité et donc le critère de plasticité ne fait nullement intervenir l'orientation du trièdre des directions principales de par rapport à un trièdre de directions matérielles (caractérisée par les trois angles d'Euler (de la figure 15). Soit:

IIIIIIff ,,~ (17)

Figure 15. Isotropie plastique d’un matériau.

Il en résulte en particulier que le domaine d'élasticité, qui peut être représenté dans l'espace R3 des contraintes principales, possède dans cet espace une symétrie ternaire autour de l'axe des contraintes isotropes )( IIIIII , puisque f

~ est une fonction symétrique de ses arguments. Les critères de plasticité usuels (tels que par exemple les critères de von Mises ou Tresca : voir Annexe) sont des critères isotropes.

7. Formulation 3D de la loi de comportement élastoplastique; règle d'écoulement plastique

7.1. Décomposition additive de la déformation totale linéarisée

Compte tenu de la décomposition multiplicative (8) valable dans le cas général, la déformation totale de Green-Lagrange entre t det d 0 peut s’écrire sous la forme :

1/ 2 1 t t e pF . F P . . P (18)

où l’on a introduit :

I

II

III

),,;,,(~

)( IIIIIIff

axe matériel

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18

1 12 2( 1) et ( 1)e t p tE . E P . P (19)

qui représentent respectivement les déformations associées à la transformation élastique E et à la transformation plastique P qui apparaissent dans (8).

L'hypothèse de transformation infinitésimale dans laquelle nous nous sommes placés implique alors par définition :

11et 11 PE (20)

de sorte que la relation (17) devient au second ordre près :

t e p e pP . . P (21)

où , et e p désignent les déformations linéarisées. La décomposition multiplicative (8) devient dès lors en transformation infinitésimale une décomposition additive, faisant apparaître la déformation totale de l'élément de volume d'un matériau élastoplastique comme la somme d'une partie élastique, récupérable à la décharge, et d'une partie plastique acquise au terme du cycle de chargement. Il s'agit donc maintenant d'évaluer séparément ces deux contributions en fonction de la sollicitation appliquée, ou plus précisément du trajet de sollicitation.

Pour ce qui est de la partie élastique de cette déformation, l'hypothèse couramment admise et

bien vérifiée expérimentalement, consiste à admettre que les propriétés élastiques du matériau ne

sont pas affectées par la déformation plastique acquise par le matériau. Dans le cas de l'essai de

traction schématisé sur la figure 2, cette hypothèse de "découplage" se traduit par le fait que la

pente de la droite élastique de première charge (égale au module d'Young du matériau) est égale

à celle de la droite de décharge élastique. Il en résulte que :

:e (22)

où désigne le tenseur des complaisances élastiques, c’est-à-dire dans le cas isotrope :

1 (tr )1e

E E

(23)

E et désignant respectivement le module d’Young et le coefficient de Poisson du matériau.

L’évaluation de la partie plastique de cette déformation est plus délicate. Elle n’est pas comme

la partie élastique une fonction biunivoque de l’état de contrainte, mais dépend a priori du trajet

de chargement, et plus précisément, le long de ce trajet, des "séquences de charge plastique"

caractérisées par le fait que le point représentatif de l’état de contrainte reste sur la frontière du

domaine d’élasticité actuel, qu’il «entraine dans son mouvement» (portions de courbe en trait

plein rouge sur la figure 16). Pour un état d’écrouissage donné, c'est-à-dire pour un domaine

d'élasticité )(EC donné, il est alors possible de raisonner en termes d’accroissements

infinitésimaux à partir d’un état de contrainte, mettant ainsi en évidence le caractère incrémental

de la loi de comportement élastoplastique.

Page 19: chapitre1 - École des ponts ParisTech

19

Figure 16. Séquences plastiques (en rouge) le long d'un trajet de chargement dans l'espace des

contraintes

Se référant à la figure 17, plusieurs cas de figure se présentent selon la position de par rapport à la frontière du domaine d'élasticité actuel )(EC et la valeur de l'incrément de contrainte d .

Cas n°1. est strictement à l'intérieur du domaine d'élasticité, soit ( , ) 0f E . L'incrément

de déformation est alors purement élastique, d'où en tenant compte de (22) et (23):

1d d : d d (trd )1e

E E

(24)

Cas n°2. L'état de contrainte est situé sur la frontière du domaine d'élasticité, soit ( , ) 0f E ,

l'incrément d étant dirigé vers l'intérieur du domaine, ce que l'on peut caractériser par

l'inégalité:

d = : d 0f

f

E6 (25)

Figure 17. Différents cas de chargement incrémental : 1 élastique, 2 décharge élastique, 3

charge plastique

6 /f étant normale extérieure à )(EC en , le produit doublement contracté ( / ) : df (interprété

comme un produit scalaire de deux vecteurs de 6R ) a le même signe que la projection algébrique de d sur la normale

extérieure.

kl

ij

f

1

2

3

0) ,( Ef

d

( d , +d ) 0f E E

Page 20: chapitre1 - École des ponts ParisTech

20

La réponse est là encore purement élastique (on parle de décharge élastique) donnée par

l’équation (23).

Cas n°3. Cas de la charge plastique: d est orienté vers l'extérieur de )(EC à partir d'un état

de contrainte situé sur la frontière de )(EC . Ce qui se traduit par :

, 0 avec d = : d 0f

f f

EE (26)

Considérons alors le cycle de chargement suivant:

charge décharged

d d : de

plastique élastique

(27)

la décharge étant bien élastique puisqu'elle correspond au cas n°2 où +d appartient à la frontière de ( +d )C E E . L'incrément de déformation plastique est donc par définition égal à la déformation résiduelle associée à l'application du cycle, soit:

d :d =d p (28)

Il nous reste alors à préciser la valeur de l'incrément de déformation plastique d p . Celle-ci dépend a priori de l'état d'écrouissage actuel du matériau (qui détermine en particulier le domaine d’élasticité actuel )(EC ), de l'état de contrainte et de l'incrément de chargement appliqué d à partir de cet état. Il ne dépend pas en revanche, conformément à l'hypothèse faite d'indépendance de la loi de comportement par rapport au temps physique, de la vitesse avec laquelle cet incrément est appliqué :

d , ,d ,p F E (29)

La condition de continuité du comportement entre le cas n°2 de la décharge élastique et celui n°3 de la charge plastique impose en outre :

d 0 quand d ( , ) : d 0p ff

E E (30)

c'est-à-dire que l'incrément de déformation plastique s’annule lorsque d est appliqué tangentiellement à la frontière du domaine d'élasticité ("charge neutre"). Il en résulte que d p ne dépend de d qu'à sa projection, notée d n , sur la normale extérieure (figure 18). Sa projection d t sur le plan tangent n'induit en effet aucune déformation plastique, en raison de l'argument de continuité invoqué ci-dessus.

Ce résultat implique que la valeur de d p reste la même quel que soit le point d'arrivée +d situé sur la frontière du domaine d'élasticité ( +d )C E E et qu'elle est donc proportionnelle à l'incrément de la fonction de charge, ce que l'on peut écrire:

fH EE d ),(d p (31)

Page 21: chapitre1 - École des ponts ParisTech

21

Figure 18. Projections normale et tangentielle à la surface de charge de l’incrément de

contrainte d

7.2. Principe du travail plastique maximal; règle de normalité

Ce principe, énoncé par Hill dès 1950, indique que pour un état de contrainte "plastiquement admissible" (c'est-à-dire appartenant au domaine d'élasticité )(EC ) et un incrément de sollicitation d donnés, l'incrément de déformation plastique pd correspondant à l’application d’un incrément de contrainte, vérifie la propriété suivante :

( ), : d sup : d ; ( )p pC C E E (32)

où p d: a la dimension d'un travail élémentaire par unité de volume, d'où la dénomination du principe. Ce principe a plusieurs conséquences, illustrées sur la figure 19.

1. Lorsque est strictement à l'intérieur du convexe d’élasticité )(EC , le produit scalaire du

"vecteur" à six dimensions * (qui peut alors prendre toutes les directions possibles dans

l'espace des contraintes: disque jaune sur la figure) par d p étant toujours positif ou nul en vertu

de (31), cela implique nécessairement que d 0p . On retrouve l'expression (23) de la loi de

comportement (réponse purement élastique).

2. Lorsque est sur la frontière de )(EC , la condition (31) exprime la positivité du produit

scalaire de pd par tout vecteur * dont la direction pointe dans le demi-espace délimité par

le plan tangent en au domaine )(EC et le contenant (demi-disque jaune sur la figure). Il

s'ensuit que pd est nécessairement normale extérieure à )(EC en , ce que l'on peut écrire :

d d ( ) avec d 0p f

(33)

où d désigne le multiplicateur plastique qui est une quantité positive ou nulle.

3. Dans le cas où la frontière du domaine comporte un point singulier7 (figure 18), la condition

(31) doit être remplacée par :

d p f (34)

7 Exemple du critère de Tresca (voir Annexe).

d

nd td

/f

)(EC

)d( EE C

Page 22: chapitre1 - École des ponts ParisTech

22

où f désigne le cône des normales extérieures à )(EC en , représenté sur la figure 19.

Figure 19. Illustration dans l'espace des contraintes du principe du travail plastique

maximal.

La règle de normalité associée à l'expression générale (33) précédemment établie, permet en définitive d'écrire d p sous la forme :

d1

d d , 0( , )

p ff

E M

M E (35)

Cette dernière relation est appelée la règle d’écoulement plastique qui, dans le cas où le principe du travail plastique maximal est vérifié, est dite associée. Le tableau 1 ci-dessous récapitule les différentes situations relatives à l'écriture de la loi de comportement élastoplastique pour un matériau écrouissable obéissant au principe du travail plastique maximal (matériau dit standard).

0),( Ef d =d : de

0),( Ef 0d fE

e d=d

0d fE

d =d de p

1d d , 0

( , )p f

f

E M

M E

Tableau 1. Ecriture incrémentale de la loi de comportement élastoplastique avec écrouissage

pour un matériau obéissant au principe du travail plastique maximal

Page 23: chapitre1 - École des ponts ParisTech

23

7.3. Identification du paramètre M dans un essai de traction simple (figure 1).

Dans cet essai, l’état de contrainte en tout point de l’éprouvette est homogène uniaxial, de la forme:

1111 ee (36)

où 1e est le vecteur unitaire porté par la direction de la traction. La formulation tridimensionnelle (34) de la règle d’écoulement plastique donne alors pour une telle sollicitation:

211

11

11 11 11 11

1 dd d

( , ) ( , )p f f

f

EM E M E

(37)

soit:

11 11

11211 11

d ( , )( , )

d pM

f

M E E (38)

Le rapport p1111 d/d M , appelé module d’écrouissage, est mesuré expérimentalement en

effectuant un cycle incrémental de charge-décharge, comme indiqué sur la figure 20. On obtient alors:

EEt

1111111111

ddddd

ep (39)

soit:

1

11

11 11

d

d=

EEM

tp

(40)

où E désigne le module d’Young et tE le module tangent (pente locale de la courbe de charge).

Figure 20. Cycle incrémental de charge-décharge dans un essai de traction simple et mesure expérimentale du module d'écrouissage

Cette dernière relation montre que la dimension physique de la grandeur M introduite dans l'expression de la règle d'écoulement plastique (35) dépend directement du choix fait pour la fonction de charge. En vertu de (38), elle ne possède la dimension d'un module d'élasticité ou

O

11

0

11

11

EtE 11d

p11d

e11d

Page 24: chapitre1 - École des ponts ParisTech

24

d'écrouissage que si l'on fait le choix d'une fonction de charge ayant la dimension d'une contrainte de sorte que /f est sans dimension.

Remarques

Malgré une dénomination quelque peu trompeuse, le "principe" du travail plastique maximal

(PTPM) qui nous a permis de préciser la direction de l'incrément de déformation plastique

comme étant normale extérieure à la surface de charge, ne s'applique pas à tous les matériaux

élasto-plastiques. S'il est en effet bien vérifié expérimentalement pour certaines classes de

matériaux tels que par exemple les métaux ou bien les sols purement cohérents (argiles), il

n'est en revanche pas satisfait pour de nombreux "géomatériaux" tels que sols, roches ou

béton, dont la plasticité est alors qualifiée de "non-associée".

Dans ce cas, la relation (31) reste toujours valable, mais la direction de d p , et donc de

( , )H E doit être spécifiée autrement que par la règle de normalité (35). C'est le cas par

exemple des sols "frottants" obéissant à un critère de Mohr-Coulomb pour lesquels

l'incrément de déformation plastique est normal à une surface définie par un potentiel

plastique différent de la fonction de charge (voir entre autres Salençon (2015)). Nous verrons

que dans ce cas les théorèmes généraux d'élastoplasticité énoncés au chapitre 2 ne

s'appliquent pas.

Comme indiqué en introduction, le présent cours se propose en tout premier lieu de mettre

l'accent sur la résolution des problèmes d'évolution élastoplastique et l'élaboration de

méthodes (analytiques et numériques) de calcul des structures en plasticité, et non pas sur

l'étude approfondie de modèles élasto-plastiques avec écrouissage plus ou moins

sophistiqués. Nous n'irons donc pas plus avant dans le cadre de ce cours8 en ce qui concerne

la modélisation de l'écrouissage des matériaux élasto-plastiques pour laquelle de nombreuses

références aussi bien théoriques qu'expérimentales sont disponibles. On pourra par exemple

trouver dans le cours de Halphen et Salençon (1987) une analyse détaillée du modèle de Cam-

Clay, classiquement utilisé en mécanique des sols. Nous constaterons néanmoins, qu'en dépit

du modèle élastique parfaitement plastique que nous adopterons désormais dans tout ce qui

suit, que la notion d'écrouissage apparaîtra à nouveau à l'échelle des paramètres de

chargement relatifs au problème d'évolution élastoplastique.

8. Le modèle élastique parfaitement plastique

8.1. Formulations incrémentale et en vitesse du comportement élastique parfaitement plastique

Nous plaçant toujours dans le cas du matériau élastoplastique standard, c'est-à-dire obéissant au principe du travail plastique maximal, le caractère parfaitement plastique, c'est-à-dire non écrouissable du matériau se traduit par le fait que:

8 Hormis dans la section 9 de ce chapitre consacré aux aspects thermodynamiques du comportement élastoplastique

Page 25: chapitre1 - École des ponts ParisTech

25

comme déjà vu en 6.2., le convexe d'élasticité est fixe: ( )C CE ;

le paramètre M, proportionnel ainsi que nous venons de le voir au module d'écrouissage M,

s'annule, de même qu'au numérateur de (35) l'incrément de la fonction de charge df, puisque

le point représentatif de l'état de contrainte ne peut plus sortir du domaine d'élasticité C.

0)(f d =d : de

d 0f d =d e

0)(f

0d f d =d de p

indéterminéd d , d 0, p f

Tableau 2. Ecriture incrémentale de la loi de comportement pour un matériau élastique

parfaitement plastique

Il s'ensuit que l'amplitude M/fdd du multiplicateur plastique, et donc de la déformation plastique, reste indéterminée, bien que toujours positive en raison de la règle de normalité. Le tableau 2 ci-dessus associé à la figure 19 (où le domaine convexe C remplace ( )C E ) récapitule les différentes écritures de la loi de comportement selon la situation rencontrée: évolution élastique, décharge élastique à partir de la surface de charge ou charge plastique en s'y maintenant.

Figure 21. Fonction de charge, convexe d'élasticité et règle d'écoulement plastique pour une sollicitation uniaxiale

On retrouve ainsi le cas de la sollicitation 1D décrit en 4 et plus particulièrement à la figure 6, pour lequel le domaine d'élasticité est le segment 0 0 ,C , auquel peut être associée la fonction de charge suivante9:

0( )f (41)

La règle d'écoulement plastique peut alors être réécrite:

9 Un autre choix possible est par exemple 2 2

0 0 0( ) ( )( )f

Page 26: chapitre1 - École des ponts ParisTech

26

0 0

1

d d ( ) d , d 0 si ( ) =0, d d 0 pf

f f

(42)

Cela signifie tout simplement que, comme cela est bien mis en évidence expérimentalement, le matériau subit une déformation plastique positive (respectivement négative) lorsque la contrainte atteint la limite d'élasticité en traction (resp. compression), et s'y maintient (voir figure 21). Il convient de noter que dans ce cas la contrainte demeure constante, tandis que pour une sollicitation 3D cette contrainte peut évoluer, mais en restant sur la surface de charge.

0)(f = :e ed d

0f

edd =

0)(f 0f = e pd d d

, 0p fd

Tableau 3. Ecriture en vitesse de la loi de comportement élastique parfaitement plastique pour

un matériau standard

8.2. Règle d’écoulement plastique dans le cas du matériau plastiquement isotrope

Comme vu précédemment en 6.3, la fonction de charge s'exprime dans ce cas comme une fonction des seuls invariants principaux de :

2 31 2 3ˆ tr 1 / 2tr 1 / 3trf f I , I , I (43)

et l'écriture de la règle d'écoulement plastique, exprimée en vitesse, dans le cas où le matériau obéit au principe du travail plastique maximal devient alors:

1 2 3 2

1 2 3 1 2 3

ˆ ˆ ˆ ˆ ˆ ˆ1p f f I f I f I f f f

dI I I I I I

(44)

Cette dernière expression montre que pd a les mêmes directions principales que , tandis que, si l'on suppose que le matériau est également isotrope du point de vue de ses propriétés élastiques, soit :

1tr 1e ν ν

dE E

(45)

(E: module d'Young, : coefficient de Poisson), le taux de déformation élastique ed a les mêmes directions principales que le taux de contrainte . En outre, il résulte de (44) que :

Page 27: chapitre1 - École des ponts ParisTech

27

2

1 2 3

ˆ ˆ ˆp

K KK

f f fd

I I I

(46)

où pKd (respectivement K ), avec IIIIIIK ,, , désignent les valeurs principales de pd

(respectivement ). D'où en observant que :

III

K=I

III

K=I

III

K=IKKK σ , Iσ , IσI 3

32

21 3

1

2

1 (47)

et donc:

1 2 3 21 K K

K K K

I I I , ,

(48)

il vient

1 2 3

ˆ ˆ, , : 0p

K

K K

f fK I II III d λ I ,I ,I λ , λ

σ

(49)

ce qui signifie en particulier que la règle de normalité est valable dans l'espace des valeurs principales de et pd .

8.3. Comportement thermoélastoplastique

Qu'il s'agisse d'un matériau écrouissable (tableau 1) ou parfaitement plastique (tableaux 2 et 3), la formulation de la loi de comportement élastoplastique présentée jusqu'ici suppose que la température soit maintenue constante (évolution isotherme). Mais il est bien sûr possible d'intégrer l'effet des variations de température et des déformations thermiques associées dans le comportement élastoplastique, tout comme cela est classiquement fait dans le cadre de la thermoélasticité.

Se plaçant toujours dans l'hypothèse de transformation infinitésimale, qui implique notamment que les variations de température sont suffisamment faibles pour que les déformations thermiques soient petites, et en supposant que ces mêmes variations de température n'ont pas d'influence sur les propriétés élastiques et plastiques du matériau, la loi de comportement thermo-élastoplastique ainsi linéarisée peut s'écrire sous la forme de la décomposition additive suivante du taux de déformation totale:

e p thd d d d (50)

avec, dans le cas où les propriétés thermoélastiques sont isotropes:

1(tr )1, , 1e p thf

d d d TE E

(51)

où T désigne le taux de variation de température et le coefficient de dilatation thermique.