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Chapitre 4. La mondialisation productive La mondialisation productive renvoie à l'internationalisation des processus de production (lorsque un produit est constitué d'éléments réalisés dans différents pays) et à l'internationalisation des organisations productives que sont les entreprises. Les investissement directs étrangers (IDE) constituent un élément essentiel de ce processus et ont pour corollaire l'existence de firmes multinationales. Nous allons présenter dans une première section l'évolution des IDE. Nous verrons ensuite la place des multinationales dans l'économie contemporaine et l'organisation des chaînes de valeur globales. I. L'évolution des flux d'IDE Les investissements directs étrangers sont les flux de capitaux internationaux par lesquels l'entreprise d'un pays crée ou développe une filiale dans un autre pays. Un IDE entraîne non seulement un transfert de ressources mais également l'acquisition d'un contrôle. Il existe deux types principaux d'IDE. D'une part les investissements appelés « greenfield » qui correspondent à la création d'une nouvelle entreprise à l'étranger (construction d'une usine par exemple). D'autre part les opérations de fusion-acquisition qui n'entraînent pas en tant que telles un investissement réel mais correspondent à un changement de propriété d'une unité économique donnée. Il faut d'ailleurs souligner que les années de forte croissance des IDE ont été marquée par des montants records pour les fusion et acquisition. L'analyse des IDE se heurte à des difficultés de mesure. Ainsi, tous les IDE ne laissent pas nécessairement des traces dans la balance des paiements du pays récepteur ou du pays d'origine de l'entreprise qui investit. L'investissement peut en effet être financé par recours au marché financier du pays d'accueil ou aux marchés internationaux de capitaux ou encore par les profits réalisés sur place par l'unité de production déjà crée. Selon la CNUCED (commission des nations unis pour le commerce et le développement), à la fin des années 1990 seulement un quart des investissements étranger étaient financés par des apports e capitaux des maisons mères. Ces facteurs suggèrent que les mesures disponibles tendent à sous-estimer les entrées de capitaux. Il y a également des problèmes liés à l'identification de la nationalité des investissements. Ainsi, en Russie, une très grande part des IDE entrant provient de Chypre mais correspond en fait au rapatriement de capitaux russes qui avaient fuit dans les années 1990. Un indicateur de ce problème 1

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Chapitre 4. La mondialisation productive

La mondialisation productive renvoie à l'internationalisation des processus de production (lorsque

un produit est constitué d'éléments réalisés dans différents pays) et à l'internationalisation des

organisations productives que sont les entreprises. Les investissement directs étrangers (IDE)

constituent un élément essentiel de ce processus et ont pour corollaire l'existence de firmes

multinationales.

Nous allons présenter dans une première section l'évolution des IDE. Nous verrons ensuite la place

des multinationales dans l'économie contemporaine et l'organisation des chaînes de valeur globales.

I. L'évolution des flux d'IDE

Les investissements directs étrangers sont les flux de capitaux internationaux par lesquels

l'entreprise d'un pays crée ou développe une filiale dans un autre pays. Un IDE entraîne non

seulement un transfert de ressources mais également l'acquisition d'un contrôle.

Il existe deux types principaux d'IDE. D'une part les investissements appelés « greenfield » qui

correspondent à la création d'une nouvelle entreprise à l'étranger (construction d'une usine par

exemple). D'autre part les opérations de fusion-acquisition qui n'entraînent pas en tant que telles un

investissement réel mais correspondent à un changement de propriété d'une unité économique

donnée. Il faut d'ailleurs souligner que les années de forte croissance des IDE ont été marquée par

des montants records pour les fusion et acquisition.

L'analyse des IDE se heurte à des difficultés de mesure. Ainsi, tous les IDE ne laissent pas

nécessairement des traces dans la balance des paiements du pays récepteur ou du pays d'origine de

l'entreprise qui investit. L'investissement peut en effet être financé par recours au marché financier

du pays d'accueil ou aux marchés internationaux de capitaux ou encore par les profits réalisés sur

place par l'unité de production déjà crée. Selon la CNUCED (commission des nations unis pour le

commerce et le développement), à la fin des années 1990 seulement un quart des investissements

étranger étaient financés par des apports e capitaux des maisons mères. Ces facteurs suggèrent que

les mesures disponibles tendent à sous-estimer les entrées de capitaux.

Il y a également des problèmes liés à l'identification de la nationalité des investissements. Ainsi, en

Russie, une très grande part des IDE entrant provient de Chypre mais correspond en fait au

rapatriement de capitaux russes qui avaient fuit dans les années 1990. Un indicateur de ce problème

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est patent dans le fait que la Belgique et le Luxembourg se situent au 1er rang des pays en ce qui

concerne les IDE sortants depuis le début des années 2000. A l'évidence, c'est le rôle de place

financière du Luxembourg qui explique cette situation sans rapport avec la puissance réelle de

l'économie de ces pays.

Les IDE ne constituent pas un phénomène nouveau. Ils se sont développés dès la seconde moitié du

XIXème siècle, à l'époque de la première mondialisation. Dans les pays alors colonisés ou sous

zone d'influence les investissements directs étaient réalisés par des administrations publiques et des

firmes des pays colonisateurs dans les secteurs agricoles et miniers principalement. Différents

calculs montrent que la part des IDE des États-Unis et de la Grande Bretagne par rapport à leur

production nationale vers la fin des années 1960 représentait approximativement le même niveau,

qu'à la veille de la première et de la seconde guerre mondiale.

Ces investissements étrangers ont façonné les système productifs des pays de la périphérie et ont de

cette manière fortement contribué à leur spécialisation ultérieure dans le commerce international.

Sans doute bien plus qu'une dotation factorielle naturelle, tombée du ciel en quelque sorte.

Les IDE se développe à nouveau fortement à partir des années 1960 mais dans le cadre d'une

configuration très différente. En effet, alors que la première mondialisation se caractérise par des

IDE des pays du centre de l'économie capitaliste vers des pays de la périphérie, l'essor des IDE dans

les années 1960 repose essentiellement sur des investissements croisés entre les États-Unis et

l'Europe.

Dans les années 1950-1960 le taux de croissance des IDE était inférieur à celui du commerce

mondial. Dans les années 1970 le taux de croissances des IDE rejoint celui de la croissance du

commerce mondial mais cet accroissement du poids des IDE est surtout lié au ralentissement de la

croissance du commerce dans un contexte de crise.

I.1. L'essor spectaculaire des IDE à la fin du XXème siècle

La véritable accélération des IDE intervient à partir de 1985. Les flux d'investissements passent d'un

rythme annuel de 50 milliards de dollars à plus de 200 milliards en 1989-1990. En dépit de reculs

liés aux périodes de récession ils continuent leur progression pour atteindre les 1150 milliards de

dollars dans les années 1999-2000. Malgré une nouvelle diminution au lendemain de la crise

financière de 2000 ils ont à nouveau atteint un niveau très élevé en 2005 de 900 milluards de dollars

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mais restent en deça du record de 2000.

La croissance des IDE à la fin du XXème siècle est un phénomène tout à fait important. Cette

croissance a fortement dépassé celle du commerce mondial. Ainsi, sur la période 1982-2002, la

croissance annuelle moyenne en dollars courants a été de 17% pour les IDE contre 7% pour le

commerce mondial. Cette nouvelle donne est également visible dans les chiffres sur le stock des

IDE par rapport au PIB mondial. Stable et inférieur à 5% dan s les années 1960 et 1970, ce rapport

(stock IDE / PIB mondial) dépassait 20 % en 2002.

Plusieurs facteurs peuvent évoquer pour expliquer que les IDE ne sont pas affectés par la crise du

milieu des années 1970 et qu'ils vont même s'accroître très fortement à partir du milieu des années

1980 :

• la libéralisation financière. les marchés financiers libéralisés offrent de nouvelles sources de

financement aux firmes agissant à l'échelle internationale.

• l'appréciation des monnaies japonaises et européennes au milieu des années 1980 permet

aux firmes de ces pays de se développer au niveau international à moindre coût.

• les processus d'intégration régionaux comme le marché unique européen ou l'ALENA

(Accord de libre échange nord-américain) incite les entreprises à développer des stratégies

unifiés à l'échelle régionale et à participer aux différents marchés nationaux inclus dans ces aires

régionales.

• les privatisations, notamment dans les pays en transition et émergents, qui a été favorisé par le

consensus de Washington permet aux firmes occidentales de s'établir avec des positions solides

dans ces pays en acquérant des firmes jusque là publique. Par exemple aujourd'hui au Mexique

il ne reste plus qu'une banque nationale appartenant à des mexicains et la première banque du

pays, BANAMEX, a été privatisée à la fin des années 1990 et rachetée par une grande banque

étasunienne, City Bank.

• la libéralisation des régimes d'investissements. Il existait jusqu'au début des années 1990 dans

la plupart des pays en développement qui avait jusque là une grande méfiance vis-à-vis des

multinationales un grand nombre de mesures restreignant les investissements directs étrangers.

Les gouvernements avaient les moyens d'orienter les projets dans telle ou telle région ou dans

tel ou tel secteur. ils pouvaient également interdire au capital étranger de s'établir dans un

secteur jugé stratégique. A cette époque là les expropriations de multinationales par les

gouvernements des pays du sud n'était pas rare. Depuis le milieu des années 1980 le contexte a

radicalement changé, les restrictions aux IDE ont été levées non seulement dans les législation

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nationale mais également à travers la signature d'un nombre considérable de traités bilatéraux ou

régionaux qui garantissent les droits des investisseurs. Une des version les plus extrême de cette

évolution est le chapitre 11 de l'ALENA consacré aux investissements. Ce texte prévoit en effet

que les firmes étrangères lésées par une modification des conditions de l’activité économique

dans un pays pourront obtenir réparation auprès de l’Etat concerné. Comme toute politique

publique peut avoir des conséquences sur l'activité des entreprises, ce chapitre restreint très

fortement les capacités des États à agir ou les exposent à de fortes amendes. Plus généralement

la libéralisation des régimes d'investissement augmente les possibilités pour les entreprises

étrangères d'investir et diminue les risques auxquels elles s'exposent.

• l'amélioration des moyens de transport et de communication et la libéralisation des

échanges commerciaux. Ces facteurs qui facilitent les échanges internationaux permettent aux

entreprises de réaliser des investissements dans un pays pour approvisionner le marché d'un ou

de plusieurs autres pays. L'amélioration des moyens de communication permet également

d'accroître le contrôle des maison-mères sur leurs filiales.

• l'ouverture aux investissement de pays aux marchés prometteurs, en particulier en Asie

avec la Chine et l'Inde

I.2. Les caractéristiques géographiques et sectorielles des IDE

la prépondérance des pays développés

L'envolée des IDE aux milieu des années 1980 n'a pas fondamentalement remis en cause la

prépondérance écrasante des pays développés tant comme pays d'origine que comme pays d'accueil

des IDE. Dans les années 1990 plus de 80 % des IDE étaient originaire desÉtats-Unis, d'Europe ou

du Japon. De façon symétrique, ces pays recevaient près de 70 % des IDE mondiaux. Les 2/3 des

flux d'IDE correspondent donc à des flux intertriadique.

Le fait marquant de la période est l'internationalisation des firmes européennes qui est un

phénomène massif dans les années 1990. Même en retirant les flux intra-européen, l'Europe est

depuis la fin des années 1980 la première source mondiale d'IDE. Entre 1998 et 2002, l'Europe était

à l'origine des 2/3 des IDE mondiaux et le stock d'IDE européens dans le monde serait aujourd'hui

égal ou supérieur à celui des États-Unis.

Autre phénomène important le mouvement d'internationalisation extrêmement rapide des firmes

nippones à la fin des années 1980. Un mouvement qui a cependant été brutalement arrêté du fait des

difficultés économiques du pays dans les années 1990. Le Japon en revanche est resté très

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hermétiques aux IDE étrangers.

Cette prépondérance des investissements croisés au sein de la triade reflète l'intégration économique

croissante des économies de ces trois pôles et, parallèlement, une homogénéisation des modes de

consommation des standards techniques.

La montée des services

La montée en puissance des services est également un phénomène remarquable. La première vague

d'IDE avant la première guerre mondiale visait principalement l'exploitation des ressources

agricoles ou minières. La seconde vague, après la seconde guerre mondiale a été marqué par l'essor

des investissements directs étasuniens dans le secteur manufacturier en direction principalement de

l'Europe et, dans une moindre, de l'Amérique latine ou les stratégies de substitution aux

importations empêchaient les firmes d'accéder aux marchés par le biais du commerce international.

En 1975 l'industrie manufacturière représentait 45 % du stock mondial d'IDE contre 25 % pour le

secteur primaire et 30 % pour le tertiaire. A la fin des années 1990, la répartition était

approximativement la suivante : 50% pour les services, 40% pour l'industrie et 10 % pour les

activités primaires.

Les IDE dans les pays en développement

La part des économies en développement dans le stock des IDE est déclinante sur le long terme: les

2/3 du stock mondial à la veille de la première comme de la seconde guerre mondiale ; 1/3 en 1960

; ¼ en 1980 ; 1/5 en 1990.

Jusqu'à la seconde guerre mondiale la prépondérance des flux d'investissement N/S était le reflet

des rapports coloniaux ou semi-coloniaux. L'investissement dans ce cadre était un investissement

impérial (ou impérialiste dans le vocabulaire marxiste).

A cette logique de zones d'influence économique des pays du Nord qui n'a pas véritablement

disparue s'est ajouté une logique d'intégration concurrentielle du monde capitaliste. Elle se

manifeste par des flux d'investissements entre pays riches et entre pays riches et pays émergents.

Ainsi le déclin de la part des pays en développement dans le stock mondial des IDE masque en fait

une expansion rapide du stock des IDE dans le secteur manufacturier et les services dans les

économie les plus dynamiques d'Asie et d'Amérique latine. Cette expansion déjà soutenue dans les

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années 1970 a été interrompue par la crise de la dette mais a repris très fortement à partir de la fin

des années 1980: de 1987 à 1997 vers l'ensemble des régions en transition et en développement a

progressé en moyenne de 28% en dollars courants.

Cette accélération, remise en cause momentanément par la crise asiatique, correspond cependant à

une forte concentration: dix pays capte les ¾ des flux vers les pays en développement: Chine,

Brésil, Mexique Argentine, Malaisie, Pologne, Chili, Corée du sud, Thaïlande et Vénézuela (ordre

décroissant).

En Asie un phénomène intéressant et le développement des investissements régionaux, depuis les

nouveaux pays industrialisés (Hong-Kong, Taiwan , Corée du Sud et Singapour) vers la Chine et le

Vietnam. La Chine qui occupe le 1er rang des pays récepteurs dans le monde en développement

s'est même hissé à plusieurs reprises au second rang mondial au cours des dernières années.

Par contraste, l'Afrique, le proche-orient, l'Asie du sud et l'Asie centrale n'absorbent que 2 à 3 % des

flux d'IDE.

Conclusion

Les investissements directs étrangers ne constituent pas un phénomène nouveau. A la fin du 19ème

et au début du 20ème siècle, ils étaient cantonnés pour l'essentiel dans le secteur primaire dans le

cadre de la relation de domination entre pays riches et pays de la périphérie colonisés ou sous

influence. Une nouvelle vague de développement essentiellement du fait de la croissance de

multinationales étasuniennes à partir des années 1960 intervient dans le cadre de flux

d'investissement dans le secteur manufacturier et principalement à destination d'autres pays

développés. Mais c'est depuis 1985 que les politiques du consensus de Washington, entre autres

facteurs, ont favorisé une accélération des IDE et, notamment dans le secteur des services. Dans le

même temps une dizaine de pays d'Asie et d'Amérique latine apparaissaient en pointe dans le

monde en développement comme destination de flux d'IDE.

II. Les stratégies des multinationales

Derrière les flux d'IDE que nous venons de décrire il y a des acteurs, des firmes multinationales

(FMN) capables de mener des stratégies par delà les frontières nationales.

Qu'est-ce qu'une multinationale ? Une entreprise est considérée comme une multinationale si elle

contrôle des filiales à l'étranger. Inversement, une entreprise est généralement considérée comme

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une filiale de multinationale si elle est contrôlé par une firme étrangère, c'est à dire si une firme

étrangère détient au moins10 % du capital.

Après avoir présenté la place des FMN dans l'économie mondiale, nous allons exposer leurs

stratégies et les différentes explications théoriques de l'internationalisation des firmes.

II.1. Les FMN dans l'économie mondiale

En 2002, on dénombre plus de 64 000 multinationales et 870 000 filiales. Elle n'était que 11000

avec 82000 filiales en 1987. Elles jouent un rôle déterminant dans toutes les dimensions de la

mondialisation. Par leurs investissements directs d'abord, elles affectent directement les appareils

productifs des pays récepteurs. Elles contrôlent une grande part des flux commerciaux mondiaux,

puisqu'environ 60% du commerce mondial correspond à du commerce intra-firmes. Les plus

grandes disposent également de trésorerie considérables qui leur permettent d'être des acteurs très

importants des marchés financiers. Elles exercent enfin une influence politique importante en

intervenant auprès des gouvernements, des institutions régionales et des institutions internationales.

Des entités qui peuvent être de la taille économique des États...

Les plus importantes multinationales sont des entités économiques qui peuvent surpasser les États.

ExxonMobil ou General Motors sont ainsi, au plan économique, plus importantes que des pays tels

que le Pakistan ou le Perou. Ce constat émane d’un classement effectué par la Conférence des

Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED), organe rattaché à l’ONU, qui

recense les cent entités économiques les plus importantes du monde pour l’année 2000, pays et

entreprises confondues. Ces dernières trustant vingt-neuf places sur cent. La première entreprise

multinationale, la compagnie pétrolière américaine ExxonMobil, apparaît au 45ème rang juste

derrière le Chili et devant le Pakistan. Le Nigeria se positionne en 57ème place entre le groupe

automobile Daimler Chrysler et Général Electric.

L'intérêt de ce classement est d'utiliser un instrument de mesure commun. Alors que la taille des

entreprises est habituellement représentée par son chiffre d'affaires, la CNUCED s'est basée sur la

valeur ajouté créée par les entreprises, à savoir la somme des bénéfices avant impôt, des salaires,

des amortissements et moins value pour l’année 2000. Ce qui permet de les rapprocher du critère de

Produit Intérieur Brut, en vigueur pour les nations, et qui représente lui aussi la valeur ajoutée

produite.

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...sont principalement basées dans les pays du Nord

La carte ci-dessous montre sans surprise que la plupart des principales multinationales sont basées

dans les pays développés et en particulier, que les actifs des entreprises basées aux États-Unis

dépassent largement ceux des pays d'Europe considéré individuellement ou collectivement.

Sur les 500 multinationales qui arrivent en tête du classement mondial, 443 appartiennent à la triade

et les firmes étasuniennes sont de loin les plus importantes. En dépit de cette écrasante domination

des pays du Nord, l'émergence de firmes multinationales depuis certains pays semi-périphériques

est un phénomène récent et qui semble devoir prendre rapidement de l'ampleur. Parmi les plus

importantes, on peut citer: les firmes mexicaines Cemex (matériaux de construction) et America

Movil (télécommunications); les pétrolières Petrobras (Brésil), Petronas (Malaisie) et China

National Petroleum Corporation ; Hyundaï (automobile) et Samsung (matériel électrique et

électronique) de Corée ; la firme de télécommunications Singtel (Singapour).

...et sont pour beaucoup des firmes industrielles

Il existe différentes façons de classer les principales entreprises mondiales. Si on retient le critère du

chiffre d'affaire mondial, les dix premières firmes étaient en 2001: 1 Wal-Mart (USA), 2 Exxon

Mobil (USA), 3 General Motors (USA), 4 BP (GB), 5 Ford (USA), 6 Daimler Chrysler (ALL-

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USA), 7 Royal Dutch Shell (NL-GB), 8 General Electric (USA), 9 Mitsubishi (JAP), 10 Toyota

(JAP). Toutes ces firmes sont des multinationales.

Ce début de classement montre la persistance parmi les plus grandes firmes des secteurs classiques

de l'industrie, même si la montée en puissance de Wal-Mart (grande distribution) qui se se situe au

premier rang tant par le chiffre d'affaire que le nombre d'employés (1,4 millions) est un phénomène

nouveau. Au delà de ces 10 entreprises, les grandes multinationales dominent la production

mondiale dans la plupart des grands secteurs d'activité : automobile, électronique grand public,

chimie, produits pharmaceutiques, pétrole mais aussi banque, grande distribution, métallurgie,

télécommunications.

II.2. Les stratégies des FMN et les explications théoriques de l'internationalisation

Sur le plan théorique, les explications de l'internationalisation des firmes restent jusqu'à ce jour très

incomplètes et non systématiques.

On ne peut donc qu'énumérer une série d'explications partielles qui peuvent être plus ou moins

complémentaires. On peut cependant prendre comme point de départ la théorie de la croissance de

la firme de Penrose qui date de 1959.

L'analyse de la croissance de la firme considère l'entreprise comme un centre de ressources destiné

à se développer ou à disparaître. Ces ressources sont notamment des ressources manageriales, une

forme de connaissance collective indissociable de la firme elle-même. Elles participent à la

constitution d'un avantage spécifique constitué d'actifs intangibles (technologies, savoir-faire,

capital humain..) ou liés à la localisation (situation géographique et contexte institutionnel). Cet

avantage spécifique oriente la croissance de la firme. Sur la base de ses ressources et en fonction

des opportunités qui se présentent à elle, l'entreprise a trois principales options pour croître:

1/ la croissance centrée sur son propre métier dans son pays d'origine ;

2/ la diversification de ses activités dans son propre pays ;

3/ la diversification géographique qui correspond soit au développement des exportations, soit à

l'internationalisation de la production aboutissant à la création d'une entreprise multinationale.

Le choix de l'internationalisation et, en particulier, celui de la création d'une multinationales est a 

priori le plus difficile: une multiplicité de facteurs rendent en effet plus compliqué, plus coûteux et 

plus risqué pour une entreprise d'opérer à l'étranger. Une série d'explication sont alors avancées.

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L'insuffisance de la demande

Les premières théories à avoir été formulées datent de l'époque de la première mondialisation. Il

s'agit des travaux marxistes sur l'impérialisme (Lénine, Luxemburg). Ces théories de l'impérialisme

analysent l'internationalisation des grandes entreprises comme une conséquence des contradictions

du capitalisme: D'un côté l'accumulation excessive des profits donnent aux capitalistes des moyens

considérables pour investir ; de l'autre, l'insuffisance de la demande agrégée limite les opportunités

d'investissements avantageux. Dès lors, l'investissement à l'étranger offre une solution aux

détenteurs de capitaux pour accéder à de nouvelles sources de profit et ainsi surmonter

temporairement les contradictions du système.

Ces analyses ont eu une validité empirique assez forte pour rendre compte de l'internationalisation 

du capital depuis les pays développés vers les pays colonisés ou sous influence avant la première 

guerre mondiale. Mais elles n'ont pas permis d'expliquer la croissance des flux croisés d'IDE entre 

pays développés dans le seconde partie du 20ième siècle, ni la situation actuelle dans laquelle la 

principale puissance économique mondiale est importatrice nette de capital. 

A  travers   le  concept  de  firme  pour  tous   les   temps  (all  weather  company),  Pitelis  propose  une 

nouvelle approche macroéconomique par  la demande. Il  pointe  la volonté  des entreprises de se 

protéger des cycle économique nationaux grâce à la diversification géographique. 

D'autres travaux s'attachent plus spécifiquement à la question des fusion­acquisitions. Le contexte 

global de croissance lente et de surproduction ouverte ou latente propre au régime néolibéral est 

ainsi un moteur de recomposition et de concentration des oligopoles mondiaux. Les mouvements de 

fusion acquisition observé permettent aux firmes non seulement de diversifier les risques mais aussi 

de démanteler des capacités de production redondantes et d'accroître leurs parts de marché même 

quand celui­ci n'est pas dynamique. Ce processus permet ainsi de faire supporter aux firmes les plus 

faibles et les moins globalisées le poids de l'insuffisance de la demande. 

La recherche d'un pouvoir de marché et la conquête de nouveaux marchés

Les explications par la demande peuvent être articulées aux analyses en terme de pouvoir de marché 

(« market power ») qui ont été  développées dès les années 1970 par des auteurs comme Hymer, 

Caves ou, en France  Palloix. Le comportement des firmes transnationales crée une tendance à la 

monopolisation ou à l'élimination du conflit à l'échelle mondiale. 

Les entreprises commencent par augmenter leurs parts de marché au niveau national aux dépens 

d'autres   firmes   amenées   à   disparaître.   Cela   conduit   à   une   concentration   de   l'offre   et   un 

accroissement   du   taux   de   profit.   Face   à   l'absence   d'opportunités   locales   d'investissement,   les 

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bénéfices sont engagés à l'étranger dans des projets qui participent de la même volonté d'échapper 

au processus concurrentiel. Des surprofits peuvent alors être générés grâce aux barrières à l'entrée 

qui protègent l'oligopole mondial du secteur concerné et à l'acquisition d'un pouvoir de marché plus 

grand comme acheteur ou comme vendeur. Le degré de concentration d'un maillon de chaîne de 

valeur est en effet directement corrélé à la part de la valeur ajoutée d'une chaîne de valeur qu'il est 

possible de concentrer dans ce maillon. Un motif complémentaire peut être de réaliser une menace 

symétrique  en entrant  sur   le  marché  d'une autre   firme de manière  à  créer   les  conditions  d'une 

collusion au sein d'un oligopole mondial. 

Une des motivations importantes du déploiement à l'international des FMN correspond ainsi à une

logique de conquête de marché. Cette logique est particulièrement présente lorsqu'il existe des

barrières protectionnistes qui empêchent une firme d'exporter vers une destination donnée. dans ce

cas L'investissement étranger de la firme est un substitut au développement des exportations. La

présence sur un marché présente également des avantages en terme de connaissance affinée de

celui-ci et de meilleures satisfaction des clients. De plus, pour un certain nombre de services

d'infrastructure (eau, électricité, etc..) mais dans les activités bancaires ou dans la grande

distribution, il n'est pas ( ou de manière limitée) possible d'exporter. La conquête d'un marché

implique dans ces configurations nécessairement une implantation.

La logique de pouvoir de marché concerne aussi les investissements dans le secteur primaire. Il

s'agit alors pour les firmes d'avoir accès à des ressources naturelles (minerai, pétrole) afin

d'accroître leur puissance économique. Il peut s'agir de firme spécialisée dans les ressources

naturelles comme les les entreprises pétrolières et, dans ce cas, leur puissance est strictement liée à

leur accès à ces ressources. Il peut aussi s'agir de firmes qui veulent se garantir leurs

approvisionnements et ne pas être en situation de capture vis-à-vis de fournisseurs qui pourraient

leur imposer des prix très élevés comme dans le cas de la métallurgie.

La recherche d'un avantage techno-compétitif

D'autres auteurs soulignent au contraire que l'internationalisation croissante des firmes conduit à 

une  intensification de  la  concurrence.  L'attention accordée à   l'innovation semble  très pertinente 

étant donné le rôle décisif des avantages technologiques dans le processus concurrentiel global. En, 

effet,   la  littérature avance que la confrontation de méthodes de production domestique avec les 

conditions de nouveaux marchés favorise fortement l'innovation et montre que les firmes leaders 

sont celles qui ont atteint le plus haut degré d'internationalisation de leurs réseaux d'innovation. La 

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recherche d'actifs stratégiques (des innovations concernant tant les produits que les méthodes de 

production et d'organisation) est ainsi un puissant motif d'internationalisation des firmes.

Bien que le processus d'innovation se concentre dans très peu de firmes de chaque secteur à l'échelle 

mondiale,   la   plupart   des   auteurs   se   situant   dans   cette   perspective   insistent   sur   le   fait   que   les 

entreprises   qui   s'internationalisent   pour   exploiter   ou   accroître   leurs   avantages   technologiques 

contribuent à alimenter le processus compétitif global. A l'inverse de la perspective du pouvoir de 

marché, ils considèrent que la globalisation de la compétition conduit à la remise en cause de la 

collusion oligopolistique au niveau national et à une intensification de la concurrence. 

La perspective de la techno­compétition globale accroît sa force d'explicatio avec l'intensification de 

la   compétition   internationale  et   le  développement  d'industries  manufacturières  globales  dans   le 

régime néolibéral   ;  elle  semble en revanche relativement  démunie pour  expliquer   l'existence de 

multinationales   dans   les   secteurs   liés   à   l'exploitation   des   ressources   naturelles   où   l'innovation 

semble jouer un rôle moins décisif.

La recherche d'efficience et la perspective « diviser pour mieux régner »

Un autre type d'explication met l'accent sur les écarts de coûts salariaux mais également les

différences de législations, notamment du point de vue écologique. Le développement international

des firmes ne vise pas dans ce cas pas à la conquête d'un marché ou à la prise de contrôle sur des

ressources mais plutôt à jouer sur les coûts de production: typiquement alimenter le marché d'un

pays du nord avec des biens à plus bas prix produits dans les pays du sud. C'est le plus souvent ce

type de stratégie qui est en cause lorsqu'on évoque les délocalisations.

La perspective diviser pour mieux régner (divide and rule) développée notamment par Peoples et

Sugden montre ainsi que les entreprises peuvent exploiter la faible mobilité du travail pour obtenir

des plus bas coûts: la division géographique et culturelle de la force de travail est en effet un facteur

qui diminue la capacité de mobilisation des travailleurs et en conséquence leur pouvoir de

négociation. Cette logique est efficace par la seule crédibilité de la menace des délocalisations ; elle

peut conduire les travailleurs à renoncer à leurs revendications et même à revenir sur des droits

acquis. Ainsi, en 2004, les salariés de l'usine Bosch de Venissieux avaient-ils consentis à passer 36h

de travail hebdomadaires payées 35 pour éviter une délocalisation.

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L'internationalisation permet à la firme d'accroître non seulement son pouvoir de négociations par

rapports à ses salariés mais également par rapport aux communautés locales et à son Etat national

en particulier. La firme peut faire valoir diverses menaces ayant trait à son contrôle de segments des

chaînes de valeur globales pour obtenir des évolutions des règles institutionnelles en matière

sociale, fiscale, monétaire ou écologique ou bien un soutien dans son développement international.

Outre le chantage à la délocalisation ou à la non-localisation, elle peut mettre en place ou menacer

de mettre en place des stratégies d'optimisation fiscale pour diminuer les paiements d'impôts en

jouant la distribution géographique de la valeur ajoutée au sein du groupe à travers des

modifications des prix internes .

La logique du diviser pour mieux régner s'appuie sur l'asymétrie entre, d'un côté, le capital devenu

extrêmement mobile et, de l'autre, le travail qui reste peu mobile et les communautés qui sont

attachées à un territoire. C'est un moyen d'émancipation partiel des contraintes politiques et sociales

de localisation sur un territoire donné. La mise en concurrence par les firmes des différents

systèmes socio productifs est opérante dans le cadre du régime néolibéral en raison des institutions

formelles qui opèrent au niveau national et supranational. Si les Etats voient leur pouvoir de

négociation vis-à-vis des firmes s'affaiblir, c'est donc en partie du fait des politiques qu'ils mènent et

des accords internationaux dans lesquels ils s'engagent.

La stratégie de recherche d'efficience n'est pas mobilisable de la même manière dans les différents

secteurs en raison de l'ancrage plus ou moins fort de leur activité dans les territoires et de la

possibilité ou non d'internationaliser le processus de production.

Le cycle du produit et la question de l'internalisation

Cette approche développée par Vernon dès 1966 met en évidence le rôle des écarts technologiques

entre nations comme déterminant de l'investissement étranger des firmes.

1. une innovation ( sur le produit ou sur le processus de production) est testé sur le marché

domestique.

2. Au fur et à mesure que cette production se banalise le nombre de concurrents s'accroît ce qui

incite les entreprises à chercher de nouveaux débouchés à l'exportation.

3. La montée du risque d'imitation encourage les firmes du pays d'origine à investir sur les

marchés étrangers, tant pour conserver la maîtrise de ces marchés que pour profiter de coûts

salariaux plus bas.

4. la production sur le marché d'origine est abandonné car la demande est satisfaite par

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l'importation, notamment de firmes nationales produisant à l'étranger.

Une des limites de cette explication et de comprendre pourquoi les firmes préfèrent

s'internationaliser plutôt que de vendre une licence à un ou plusieurs producteurs étrangers. Si une

licence est un moyen sûr de générer des redevances et semble a priori beaucoup moins risqué qu'un

investissement productif elle pose néanmoins un problème majeur: l'entreprise à qui on cède une

licence peut devenir demain un concurrent majeur. On a vu ainsi de nombreuses firmes nippones

qui avaient acquis des licence auprès de firmes étasuniennes dans les années 1950/60 racheter 20 ou

30 ans plus tard ces même firmes étasuniennes.

En bref la firme qui a un avantage compétitif de nature technologique a intérêt dans un grand

nombre de cas à le préserver et donc à assurer elle-même l'exploitation internationale de cet

avantage.

Les stratégies globales

Les stratégies multinationales visent à produire des biens adaptés à chaque marché: chaque filiale

n'est pas spécialisée et est uniquement reliée à la maison mère. Porter (1988) montre au contraire

qu'une stratégie peut être qualifiée de globale si elle vise à unifier à l'échelle de la planète la gamme

des produits et à faire de chaque filiale une unité spécialisée dans la production d'un composant d'un

produit fini. Cette globalisation s'articule donc avec une segmentation du processus productif à

l'échelle internationale. De plus l'important pour la valorisation est la coordination de ce processus

et, souvent, le contrôle sur le produit fini (ex Nike). Dès lors les firmes peuvent avoir recours à des

stratégies globales tout en utilisant largement non pas des filiales mais des sous-traitants.

Ce type de stratégie est facilité par la libéralisation des échanges commerciaux et l'amélioration des

moyens de communication. L'entreprise qui a une stratégie globale peut contrôler les opérations

tout au long de la chaîne, depuis la R&D, la conception et le financement, jusqu'à la distribution et

la vente finale. Elle peut également redéployer ses actifs dans les différents pays en fonction des

opportunités qui se présentent ou de l'évolution des différents contexte nationaux.

Les stratégies globales s'appuient souvent sur des fusions et acquisition transnationales : plusieurs

multinationales fusionnent de manière à constituer une world company, c'est-à-dire une firme dont

l'horizon d'action est bien la planète entière.

La logique de globalisation des stratégies des firmes conduirait progressivement à leur perte de

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nationalité. En fait, si ces stratégies sont de plus en plus importantes elles ne concerne encore qu'un

petit nombre de FMN. La plupart des FMN conservent en effet une forte base nationale (activités,

propriété, management..) ou se développent principalement sur un espace régional (ALENA, UE,

ASEAN..).

Conclusion: les politiques d'attractivité des territoires en question

La dimension productive de la mondialisation s'est fortement accélérée depuis le milieu des années

1980 avec l'essor des investissement directs étrangers. Comme les autres dimension de la

mondialisation elle ne se diffuse pas de manière homogène à l'échelle de la planète. Au contraire,

les flux d'IDE ont principalement lieu au sein de la triade et les principales multinationales sont

basées dans les pays développés. Inversement des régions entières et, en particulier l'Afrique, sont

presque complètement marginalisées dans ce processus.

Néanmoins, dans la dernière période deux phénomènes marquant doivent être soulignés. D'une part

l'accroissement sensible des flux d'IDE à destination de certains pays émergents et, en premier lieu,

de la Chine. D'autre part, l'émergence de multinationales dans ces mêmes pays.

Un autre élément important à retenir est le fait que cette mondialisation productive n'est pas

indépendant des autres dimensions de la mondialisation. Au contraire, les différentes dimensions

semblent des renforcer les unes les autres. Le développement des multinationales s'accompagne

ainsi d'une gestion financière de leurs trésorerie qui joue de l'ensemble des options offertes par la

libéralisation que nous avons décrite. Différentes études montrent aussi que les multinationales, loin

de réduire les incitations à commercer entre les pays permettent au contraire de pousser plus loin la

mondialisation. En effet, si les IDE correspondent en partie à une substitution à des flux

d'exportations, dans un grand nombre d'autres cas ils résultent d'une fragmentation croissante des

processus productifs à l'échelle globale, ce dont témoigne le poids considérable du commerce

intrafirmes dans le commerce mondial.

Cette nouvelle dimension de la mondialisation est encore mal comprise par la théorie économique

qui ne dispose que d'explications parcellaires de l'internationalisation des firmes. En dépit de cette

faiblesse de la réflexion théorique la fin du XXème siècle a été marqué par un changement radical

d'attitude des gouvernements, notamment des pays en développement, vis-à-vis des firmes

multinationales.

A une attitude de défiance caractérisée par des restrictions aux IDE entrants, des mécanismes de

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contrôle et une conditionnalité a succédé une convergence vers des politiques libérales d'accueil.

Dans certains pays d'Amérique latine les multinationales ont été invitée à prendre part aux

privatisations avec des mécanismes de conversion de la dette extérieure en titres de propriété de

firmes locales : ce type de transaction a représenté sur la période 1985-1989 20 % des IDE en

Argentine, 340 %M au Mexique, 59% au Brésil et 80 % au Chili.

Dans les années 1990, un pays souhaitant attirer des IDE s'adresse à la banque mondiale qui lui

recommande , comme à tous les pays qui en font la demande, les mêmes mesures : exemptions

fiscales, concessions douanières, mise à la disposition d'infrastructures, démantèlement des

restrictions et des mécanismes de contrôle, transformation des organismes chargés du contrôle en

agence de de promotion de l'IDE... A ces mesures spécifiques s'ajoute l'arsenal des mesures de

libéralisation et de stabilisation définies dans le cadre du consensus de Washnigton qui visent à

favoriser un climat favorable à l'investissement.

Au cours des années 1990, le coûts des mesures d'attraction des IDE dans les pays en

développement comme dans les pays développés n'a cessé de s'accroître. Le dilemme pour les États

et les régions est le suivant: si ils n'ont pas intérêt à se laisser entraîner dans une surenchère

coûteuse pour attirer les IDE, ils redoutent que les firmes ne choisissent d'autres pays s'ils ne leurs

offrent pas plus d'avantage et d'aides.

On est ainsi passé d'une période où les multinationales étaient en concurrence pour investir et

devaient se plier aux exigences des États à une nouvelle période où des États endettés et cherchant à

diminuer le chômage font face à des multinationales qui se font prier pour investir. Ce processus

illustre bien la logique « diviser pour mieux régner » présentée plus haut. Et comporte de nombreux

risques.

En effet, la CNUCED (Commission des Nations Unis pour le Commerce et le Développement)

souligne que les politiques d'attractions des IDE ne devraient pas être indifférenciées car elles sont

très coûteuses et leurs effets sont incertains.

Dans les pays en développement, Les IDE peuvent sans doute dans certains cas avoir des avantages

en terme d'emplois, d'investissements productifs ou d'introduction de technologies, mais c'est loin

d'être toujours le cas. Les firmes transnationales peuvent importer massivement des biens

intermédiaires ou réexporter l'essentiel de leurs profits ce qui aura un impact négatif sur la balance

des paiements du pays concernés. Elles peuvent aussi profiter de position de pouvoir de marché

pour imposer des tarifs élevés dans certains services de distribution ( eau, électricité..) ou services

financiers ( les banques). Elles peuvent enfin empêcher les firmes locales d'acquérir de nouvelles

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technologies ou les détruire en raison de la pression concurrentielle accrue de leurs meilleures

performances. En bref, la littérature ne permet en aucun cas d'établir clairement que les IDE ont un

effet positif pour les pays en développement et pourtant les gouvernement se sont engagés au nom

d'effets positifs supposés dans des politiques très coûteuses et ont renoncé à des instruments

essentiels pour limiter les effets négatifs que peuvent avoir les multinationales.

De plus, ces politiques d'attractivité n'intervienne pas de manière essentielle dans les décisions

d'investissements des firmes multinationales. En effet des critères tels que la taille du marché, la

qualité des infrastructure ou la qualification de la main d'œuvre son,t bien plus important. il est ainsi

tout à fait marquant que le principal récepteur d'IDE dans les pays en développement est aujourd'hui

la Chine alors que ce pays est un de ceux qui impose le plus de restrictions aux multinationales qui

souhaitent y investir.

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