ce roman est une œuvre de pure fiction. histoire un cadre

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Ce roman est une œuvre de pure fiction. Les références à des personnes réelles, à des endroits

existants, à des événements historiques ne sont utilisées que dans le but de donner à l’histoire un cadre approprié.

Tous les noms (y compris ceux des compagnies), les personnages, événements décrits ici sont le produit de l’imagination de l’auteur, et toutes ressemblances avec des personnes réelles ne sont que pure coïncidence.

L’auteur

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À tous les poilus de la grande guerre

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Prologue

La Belle Époque, qu’était-ce donc ? Une certaine couleur du temps, un art de vivre, Maxim’s, le roman-feuilleton, la Belle Otero et ses éventails ? Qu’il était doux de vivre avant 1914 : la capitale regorgeait de spectacles et de rentiers couchés sur leurs sacs d’or. Nulle autre monnaie n’était alors plus sûre que le franc.

Mais en marge de ce monde de paillettes, un autre plus sombre brûle d’ambitions inassouvies : l’esprit de revanche sur 1870 est tenace, la blessure prête à se rouvrir. Dès 1910, on se presse pour voir Chanteclerc de Rostand qui rend sa voix et sa force au coq gaulois.

Proust, lui, dans son livre À la recherche du temps perdu a déjà tout compris ; il sait, en effet, quel gouffre côtoie cette société de fastes prête à basculer dans l’abîme.

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I L ’orage gronde

La mort se réservait la plus belle portion de la vie.

J. Delteil, Les Poilus, Paris, Grasset, 1926

C’était la fin d’un chaud et calme été dans l’Aveyron. Les événements lointains de Sarajevo où l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie venait d’être assassiné étaient occultés en France par l’affaire Caillaux. La presse se délectait de cette histoire impliquant une femme à l’honneur bafoué qui s’était rendu justice elle-même. Rares sont ceux qui perçurent alors ce que le geste assassin du jeune nationaliste serbe Prinzip impliquait de fatal. Cet acte s’ajoutait au jeu des alliances dans une période de nationalisme exacerbé et aux sympathies politiques de chaque camp. En effet, la France, le Royaume-Uni, la Russie formaient la Triple Entente, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie, la Triplice. Quant à l’idée de revanche, depuis le traité de Francfort et la perte de l’Alsace Lorraine, elle était tenace dans l’esprit des Français et particulièrement chez le colonel Georges Dorgeval.

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Le samedi 1er août 1914, à 4 heures de l’après-midi toutes les cloches se firent entendre à Paris. Elles carillonnèrent à tous les clochers, de Notre-Dame à La Madeleine. Un bouillonnement s’empara de la capitale puis du pays tout entier.

À Rodez, fief des Dorgeval, seul le père, ancien colonel, maire de la commune, et Philippe, l’aîné, s’intéressaient depuis quelques semaines à cette crise internationale qui ne cessait de s’aggraver depuis le 28 juin. Mais dans l’Aveyron peu de gens lisaient le journal local et la finesse des discussions internationales ne touchait guère que les notables. Des trois frères, seul Philippe était mobilisable mais sa formation inachevée à Saint-Cyr allait le maintenir à l’écart durant les quatre prochains mois. Étienne n’avait que 15 ans et Maxime pas encore 19. Ce dimanche 2 août, lorsqu’ils virent arriver à la mairie le gendarme porteur du décret de mobilisation, Maxime se trouva chanceux de ne pas avoir l’âge requis. Le même jour, le curé, assisté de deux enfants de chœur, joua son rôle : les cloches de la cathédrale aux pierres rouges sonnèrent à toute volée. Un rassemblement se fit sur le parvis : les visages étaient tournés vers le ciel dans l’attente d’une réponse divine. Les Ruthénois, l’air sombre, se précipitèrent devant la mairie où l’ordre de mobilisation allait être affiché.

Le sinistre tocsin résonnait depuis des heures dans la campagne aveyronnaise, coupant chacun de ses occupations. Bruit maudit pour les femmes mais non pour les hommes, animés par l’esprit de revanche sur 1870 et pressés d’en découdre avec l’Allemagne. Les ouvriers, bourgeois, patrons troquèrent bientôt leurs habits civils pour l’uniforme. Les paysans accoururent du fond de leur champ pour s’informer, poussés par les injonctions des gendarmes, eux-mêmes soumis à la pression des politiques. Seuls, ceux occupés à utiliser les batteuses pouvaient finir leur ouvrage et encore devaient-ils se presser.

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L’Aveyron comme la majorité des départements français était agricole. Les paysans commençaient alors la journée au lever du soleil pour s’arrêter à la nuit tombante. Dur labeur pour cette classe qui paierait un lourd tribut en vies humaines durant le conflit meurtrier.

Puis vint le tambour chargé de rappeler son devoir à chacun. À l’école de la République on inculquait ces principes : ordre, discipline, mais aussi défense de la patrie et culte des provinces perdues. Chacun des 3 580 000 hommes mobilisés le savait. Partout les maires lisaient les ordres de mobilisation, écharpe tricolore autour de la taille. À Rodez, il fut donc lu par Dorgeval père, ancien colonel, soucieux du bien public et de ses administrés. Il serait reparti au combat si son âge le lui avait permis mais il laissait cette tâche à son fils aîné Philippe qui avait toute sa confiance.

Aux frontières, le bruit du tambour annonçait que chaque homme devait venir compléter les effectifs. Le sinistre roulement rappelait à chacun son devoir et la fin d’une période de paix. Il fallait aller se battre, quitter ceux qu’on aimait. Tous étaient résignés, quelques-uns enthousiastes, on comptait très peu d’insoumis.

La France avait depuis peu instauré un service militaire universel qui se voulait juste et égalitaire. Les lois de 1889 et 1905 avaient mis fin au système de tirage au sort. La durée du service avait été rallongée à trois ans en 1913. Chaque Français se rendant à la caserne portait sur lui son livret militaire accompagné d’une feuille de route rose.

L’homme devenait alors un bien de l’État, un pion sur l’échiquier des généraux ; bientôt il ne s’appartiendrait plus.

À travers l’histoire de France, les guerres passées étaient toujours victorieuses dans la mémoire collective : Charlemagne, Saint-Louis, Louis XIV, Napoléon… Des grands hommes, des victoires, mais que de cadavres laissés sur les champs de bataille ! Les humains oublient les morts du passé, ils recommencent encore et encore les

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mêmes erreurs. Certains partaient résignés, d’autres à l’aventure. À l’écoute de La Marseillaise, une frénésie s’emparait des appelés. On paradait en tunique, hâtivement cousue : cuirassiers, dragons, cavaliers. Les gens applaudissaient à leur passage, fiers de leur armée.

Au petit matin, dans les rues de Rodez et aux alentours, les hommes se mirent en marche avec leur musette et leur besace. Seuls, puis par petits groupes, ce furent bientôt des torrents de soldats qui se rendirent à la gare la plus proche. Les troupes s’engouffraient dans les trains pour le nord et l’est. On observait une hémorragie de tous les hommes jeunes qui allaient se présenter à leur corps. Rodez comme d’autres communes se vidait : l’instituteur, le boulanger, le curé, tous partaient. Les femmes pleuraient, les enfants s’agrippaient à leurs jupes, ne comprenant pas très bien cette soudaine tristesse, les chiens aboyaient au passage de leur maître. Les vieux ayant connu la guerre de 1870, figés dans le chagrin de l’humiliante défaite de Napoléon III, s’asseyaient, voûtés, sans un mot. Où allaient-ils tous et pour combien de temps ? Le colonel, lui, enrageait de ne pouvoir se battre et s’agitait dans tous les sens, continuant à donner des ordres comme s’il était au front ! Les mères étaient prises d’angoisse ne sachant que trop vers quel monde cruel partaient leurs fils bien-aimés. Les gares se remplissaient de façon vertigineuse, de même que les trains en partance : dix mille seraient utilisés pour la mobilisation ! Les plus jeunes prenaient le train dans l’ivresse et l’effervescence.

Sur place, le soldat recevait sa plaque d’identification et un numéro de matricule. L’action des Français devait être offensive et l’infanterie était la reine de la guerre. L’armée était équipée de fusils Lebel, de canons de 75… mais était-elle bien encadrée ? Pas vraiment. Les généraux, eux, étaient sûrs de leur génie et de leurs manœuvres. L’État-Major était dirigé la plupart du temps par des polytechniciens sous la houlette de Joffre. Ce dernier, auréolé de ses victoires au Tonkin et au Soudan, avait

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l’estime des Français. Joffre, brillante intelligence, ne possédait cependant pas les compétences stratégiques nécessaires à la conduite du conflit.

Les grands chefs étaient souvent des anciens de 1870, pas toujours compétents et peu enclins à la guerre moderne, contrairement à l’ennemi. L’élite de l’armée sortait de Saint-Cyr. L’École comportait majoritairement des élèves issus de familles militaires : c’était le cas de Philippe, le plus brillant des trois frères Dorgeval.

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II La Châtaigneraie : les trois frères

Un frère est un ami donné par la nature. La mort d’Abel Acte III Scène 3

G. Legouvé

La jolie ville de Rodez était plantée aux confins des plateaux secs des Causses et des collines du Ségala. Perchée sur une butte, elle fut, au Ier siècle avant J.-C., la capitale des Ruthènes, une peuplade gauloise. En 1914, c’était une ville de province française, tranquille et agréable, comme bon nombre par ailleurs.

Passé la rue de Bonald, on s’enfilait dans celle de l’Embergue bordée d’échoppes. Au bout de cette rue, comme à l’écart du reste du monde, se trouvait un havre de paix, la propriété des Dorgeval.

Le colonel Dorgeval, sa femme, les trois frères, Philippe, Étienne et Maxime, habitaient la plus grande maison de Rodez : la Châtaigneraie. Cette bâtisse, typique de la région avec son toit de lauzes, était impressionnante. Le terrain s’étendait sur deux hectares et Georges Dorgeval l’avait héritée de son père. Cette propriété transmise de génération en génération depuis deux siècles était sa fierté. Toutes sortes d’arbres se côtoyaient dans le

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parc entretenu par deux jardiniers. Les fleurs restaient le domaine réservé de sa femme Lucie. Les roses avaient sa préférence, particulièrement les blanches. Elle les soignait avec amour. Aucune fleur rouge, elle abhorrait cette teinte. L’été, des chèvrefeuilles odorants entrelaçaient leurs tiges et grimpaient le long du mur est. Au sud, des clématites s’accrochaient telles des ventouses entremêlant fleurs blanches et mauves. Lucie Dorgeval plongeait les mains nues dans la terre comme pour se fondre en elle. Des roses fleurissaient partout, à l’infini, bordant les allées, le long des murs, en pots sur la terrasse.

C’était une terrienne proche des chevaux et de la nature : elle avait passé enfance et adolescence auprès de son grand-père éleveur de pur-sang et avait appris à monter dès l’âge de cinq ans. Puis dans un monde d’hommes, elle avait percé à force d’endurance et de courage, remportant très jeune de nombreux prix, cherchant toujours à se dépasser. À vingt et un an, elle avait rencontré le colonel et l’avait impressionné tant par sa beauté que par son caractère fort. Elle était tombée amoureuse de lui et de sa propriété, sachant qu’elle pourrait en faire ce qu’elle voudrait : la magnifier, la fleurir au gré de ses envies et retrouver les bonheurs naturels de son enfance. Près du sous-bois, des framboises retombantes mêlées à des fraises avaient fait le bonheur des enfants qui en mangeaient jusqu’à se rendre malades. Un peu plus loin, le potager aménagé par Étienne qui y apportait tant de soin : des carottes, des salades, des tomates, des pommes de terre… Il tenait de sa mère son amour de la nature et des bêtes.

Les trois frères Dorgeval déjeunaient ce matin de l’été 1914 dans la cuisine de la maison familiale à la Châtaigneraie. Ils y étaient tous très attachés. Le colonel, lui, dès l’appel entendu, s’était comme de coutume montré maître de la situation. En effet, à 65 ans passés, le maire de Rodez avait déjà tout prévu, sentant l’imminence de la guerre. Tous les hommes valides, les femmes, les enfants

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furent constitués en équipes pour les travaux des champs. Il fallait terminer rapidement les moissons, rentrer le blé, le battre. Il était doué d’un sens remarquable de l’organisation, était assuré d’une forte énergie et soutenu par sa femme Lucie. Ces deux-là, unis par la même passion des chevaux, avaient conçu un mariage d’amour dans lequel le respect mutuel était toujours présent. Georges était en adoration devant cette femme rencontrée 35 ans plus tôt lors d’une course remportée par Lucie. Celle-ci, excellente cavalière et terriblement belle et romanesque, était adulée par bon nombre de jeunes hommes mais le colonel quoique doté d’un caractère autoritaire avait su conquérir son cœur. De quelle façon ? Maxime, le plus fantasque des frères ne parvenait toujours pas à répondre à cette question tant son père lui semblait rigide et dénué de tout sentiment humain. Quant à sa mère, dotée elle aussi d’un esprit fantasque et très indépendante, elle n’en faisait qu’à sa tête et c’était le seul être sur lequel le colonel n’avait aucune emprise. Comment deux personnes aussi étrangères parvenaient-elles à se comprendre ? Cela restait pour les frères un mystère. Sans doute se complétaient-ils l’un l’autre…

D’après leur grand-mère maternelle, Lucie était la seule qu’il écoutait et l’amour qu’il lui portait était allé chaque jour grandissant, virant à l’adoration. Il n’admettait aucune contradiction à son encontre, aucun obstacle entre elle et lui. Quant à elle, elle savait apaiser cet homme colérique et dirigiste. Il fondait devant Lucie tel un adolescent timide. À l’époque, il avait fièrement remporté tous les concours auxquels il s’était soumis avec rigueur mais surtout emporté par un amour démesuré pour cette femme. Il voulait briller à ses yeux et distancer les nombreux concurrents. Voir aujourd’hui cet homme dur et autoritaire l’idolâtrer était un spectacle saisissant. De cette union étaient nés quatre enfants, trois garçons et une fille. Cette dernière était morte quelques jours après sa naissance d’une infection pulmonaire, laissant place à une fratrie de trois fils

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totalement différents mais très proches physiquement : Étienne et Maxime étaient aussi blonds que Philippe était brun, tous de grande taille et minces. Le cadet était à la limite de la maigreur, Philippe paraissait le mieux proportionné, le plus athlétique des trois avec des muscles longs, un port altier. Quant à Maxime, tout le monde s’accordait à dire qu’il avait une belle gueule, des yeux bleu porcelaine très pâles, un teint mat, un sourire ravageur et insolent. Cela dit, Philippe du haut de son mètre quatre-vingt-dix gardait l’avantage, y compris sur le colonel. Il avait cette classe naturelle, ce charisme qui le distinguait du commun des mortels et lui donnait une aura particulière. Il se tenait droit comme un i et Maxime avait remarqué que ses pieds ouvraient légèrement vers l’extérieur, ce qui lui donnait de l’aplomb et sécurisait du même coup son interlocuteur. Il ne parlait jamais pour ne rien dire, contrairement à Maxime qui dissertait sur tout. Doté d’un sens moral aiguisé et d’une intelligence au-dessus de la moyenne, l’aîné savait se montrer brillant tant sur le plan militaire que dans l’ensemble des matières abordées dans ses études. Sa culture historique et architecturale par exemple surprenait son entourage et ce, particulièrement concernant les églises des XIIe, XIII e siècles. Il connaissait parfaitement celles de l’Aveyron et pouvait les décrire avec précision. L’art roman n’avait aucun secret pour lui.

Il était chrétien mais toutes les religions l’intéressaient, particulièrement le bouddhisme qu’il avait découvert avec Étienne. Le jeune frère s’était entiché de ce jeune prince qui avait abandonné femme et fils pour une vie tournée vers l’ascétisme pur, le refus des richesses et le non-attachement. Tout cela laissait Maxime de marbre étant, pour sa part, totalement athée et hermétique aux aspects spirituels de leurs discussions.

Ce matin-là, tout en déjeunant, les frères discutaient tous trois de l’entrée en guerre. Sur le mur de pierre près de l’évier, une vieille cruche de terre cuite vernissée était posée ; elle leur rappelait la grand-mère Marguerite qui

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interdisait d’y toucher. Il faisait bon dans la cuisine aux tommettes orangées et chauffées par le poêle. Chacun d’entre eux se posait des questions sur l’avenir.

– Passe-moi la brioche et le beurre, Étienne, tu veux bien ?

Maxime attendit quelques instants qu’il sorte de ses rêveries habituelles.

– Eh, tu m’entends ? Eh ? – Voilà Maxime. Excuse-moi. – Merci ! Laisse un peu le monde animal et tes

chevaux, reviens parmi nous ! – Oui, mille excuses. Je ne pensais pas à cela. Chaque

Français soumis aux obligations militaires doit se présenter, a dit papa.

– Lui, il est trop vieux dit Max. – Tant mieux ! ajouta Étienne. Je préfère le voir à la

mairie, à son bureau, à régler les affaires courantes. Étienne qui avait toujours peur de perdre ses parents

était le dernier de la fratrie, le plus sensible, un être à part, terriblement préoccupé par la nature et ses secrets. Il affectionnait particulièrement les chiens et les chevaux, qu’il bichonnait.

– Mais toi, Philippe, c’est pour bientôt ? – Oui, Maxime, dès que j’aurai terminé ma formation à

Saint-Cyr. – Saint-Cyr ! je ne supporte pas cet… – Heureusement que je n’ai pas l’âge, coupa Étienne

brutalement, et toi non plus Maxime. – Je vois, on soutient son grand frère ! Non, rassure-toi,

frérot. Et puis moi, la guerre, tu sais… tout ça à cause de cet imbécile d’Austro-Hongrois, qu’est-ce qu’il est allé faire à Sarajevo, celui-là d’ailleurs ? C’est une occasion rêvée pour Vienne de s’en prendre à la Serbie ! Cette zone des Balkans est une véritable poudrière. Et nous, avec notre union sacrée et nos réflexes patriotiques à la con !

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– Ça suffit, Maxime. Mesure tes paroles ! – Ah non, Philippe ! Ça va comme ça ! Et Poincaré,

soucieux de ne pas malmener l’alliance franco-russe, qui prône la cohésion nationale : « surtout pas de notes discordantes, messieurs » et tous ces politicards divisés qui s’unissent, convaincus de mener une guerre légitime ! L’union sacrée, et puis quoi encore ! Qu’il ne compte pas sur moi en tout cas pour me faire trouer la peau.

– Tu dis n’importe quoi ! On ne te demandera pas ton avis, tu sais !

– Je crois que Philippe a raison, Maxime, tu ne devrais pas parler comme cela et puis si le colonel t’entendait…

Cette remarque agaça Maxime outre mesure et il haussa encore le ton.

– Eh bien, qu’il m’entende ! je n’en ai rien à faire de toute façon, on ne s’adresse plus la parole depuis…

– Depuis ? Qu’est-ce que tu as encore trafiqué ? – Je ne peux pas en parler devant Étienne, il est trop

jeune… pour les filles en tout cas. Hein, mon titi, toujours dans les jupes de sa maman, le petit dernier ! Le colonel était vert de rage, il aurait fallu que tu le voies, attendez trente secondes, je vais vous le faire…

Il mit sa moustache, un coussin sous son pull, des lunettes, une pipe dans la main droite et prit l’air grave :

« – Écoutez mon garçon, il faut cesser immédiatement de vous rendre au 2 de la rue… bref, enfin, vous m’avez compris…

– Vraiment père, je ne vois pas… de quoi s’agit-il ? – Cela suffit ! Je ne saurais tolérer dans cette maison ce

genre de conduite, c’est inqualifiable ! vous m’entendez, Maxime !

– Je ne vois toujours pas… Ah oui, bien sûr, c’est dans ce lieu de débauche que j’ai rencontré le colonel Ducros, vous savez… mais si, votre ami, Ducros… sa femme est aussi grosse…