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L’image de la police dans les médias et la

fiction

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Les 28 et 29 mars, le CNRS

proposait un colloque international dédié à la police dans les médias, « entre fiction et

non fiction ». L’occasion de mettre en avant sur le même pupitre de nombreux

chercheurs et intervenants de différentes nationalités pour nous montrer comment est

définie la police dans leur pays à travers les médias, dans la réalité d’un côté et dans les

films et les séries policières de l’autre. Colloque riche et passionnant qui offrait une

large fenêtre sur la police à travers le monde. En voici un aperçu.

Quand la police est mise au ban des accusés :

Notamment à travers l’exposé de Sam McIntosh, universitaire à The City Law School de

Londres, venu rappeler, entre autres, la mort de Joy Gardner en 1993. Cette immigréejamaïcaine clandestine, mère de famille, est morte après une bagarre avec des policiersbritanniques venus l’arrêter pour la renvoyer dans son pays. Autre bavure, cette fois plus connue,la mort de Jean-Charles de Menezes en 2005, au lendemain des attentats de Londres du 21juillet. Cet électricien de 26 ans avait été pris pour un terroriste avant d’être abattu par ScotlandYard.

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Marianne Colbran (dont la douce voix et l’accent typique tranchaient avec sa fortedémonstration) chercheuse en criminologie qui a par ailleurs travaillé en tant que consultantepour des séries policières en Grande-Bretagne, est revenue sur les scandales qui ont entaché laréputation, somme toute déjà sulfureuse, de certains journaux anglais, à commencer par celuides écoutes téléphoniques réalisées par les journalistes et révélé en 2011, ainsi que les relationsparfois ambiguës entre les journalistes et les policiers, les uns offrant des informations auxautres, et inversement, selon des méthodes pour le moins sujettes à caution. Sur ce point, maiscette fois en « off », elle a aussi évoqué sa dernière étude qui n’a pas encore été publiée et quine manquera pas d’être commentée le moment venu. Mais elle en est arrivée à un clivage fortintéressant qui ne concerne pas uniquement nos voisins d’outre-Manche. Pour elle, il y a, d’unecertaine manière, deux camps de journalistes, les correspondants spécialisés dans les faits diversqui doivent travailler avec la police, avec leurs sources et selon leur bon vouloir, et de l’autre, lesjournalistes d’investigation qui enquêtent de temps à autre sur la police mais surtout qui « contre-enquêtent » et qui, dès lors, ne considèrent pas les policiers comme des informateurs.

Mais c’est évidemment aussi la politique de chaque pays qui contrôle le système policier. Ana

Carolina Alves Luz Pinto, chercheuse brésilienne rattachée à l’université de Grenoble, estvenue nous montrer l’image de la police de Rio dans le cinéma récent. Ainsi, le « Bus 174 » , sortien 2008, fait directement référence à une prise d’otages en juin 2000, le bus cerné autant par lapolice que par les médias et l’évènement dramatique retransmis en direct à la télévision. Mais lapersonnalité et l’histoire tragique du preneur d’otages, Sandro do Nascimento, ont pris le pas surle geôlier d’un jour dans son geste funeste. Ce jeune homme d’à peine 22 ans, a été témoin dumeurtre de sa mère par trois hommes alors qu’il avait seulement dix ans et fut ensuite, là aussi,témoin du massacre de Candelaria, le 23 juillet 1993. Ce jour-là, des hommes encagoulés ont faitfeu sur des enfants des rues à Rio de Janeiro. Parmi eux se trouvaient trois policiers. Huitpersonnes ont été tuées, sept enfants et un jeune homme. Et Sandro a témoigné au procès.

La prise d’otages du bus 174 s’est achevée dans un bain de sang, une otage abattue et Sandro tuépar la police, tout cela devant les caméras. L’histoire, aussi bien dans la réalité que dans saversion cinématographique, devenant symptomatique des rapports musclés entre la police et lapopulation brésilienne.

Son image sur un territoire … grand comme la Corse :

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Autre vision et pas des moindres : celle de la police sur le territoire corse dans la fiction, entreclichés et réalité. Pierre Bertoncini, anthropologue, est revenu sur la série Mafiosa, uneproduction Canal +, dans laquelle une femme prend les rênes, et où la police est représentée« par deux officiers à l’ancienne ainsi qu’un jeune policier chargé de la téléphonie ». Dans unautre genre, il a aussi évoqué Astérix qui ne manque pas de montrer la Corse comme une îlesurveillée. Il a également évoqué la vision d’une BD plus récente à succès « L’enquête corse »

de Pétillon, où les forces de l’ordre sont omniprésentes, à travers les gendarmes. Sur le mêmethème, mais de façon complémentaire, Pascal Génot, – bien placé pour en parler puisqu’il est àla fois scénariste de bande dessinée et docteur en sciences de l’information et de lacommunication – a d’abord insisté sur une évolution patente du personnage de policier dans lafiction dans le contexte corse, en particulier depuis l’assassinat du préfet Erignac, « passant de lacomédie au tragique réaliste », marqué récemment aussi par Canal + avec le téléfilm Les

Anonymes revenant sur cette affaire d’État, avec cette fois le point de vue des enquêteurs et dela justice.

A travers le regard d’un journaliste

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Vendredi, Jacques Pradel a tenu une conférence informelle, en forme de discussion avec Marc

Fernandez, le rédacteur en chef de la revue ALIBI, partenaire du colloque. Ce qui fut l’occasionde revenir sur sa carrière de journaliste et de ses relations avec la police, notamment dans lecadre de Témoin n°1. Nous avons d’ailleurs appris que les enquêteurs venaient directementfrapper à la porte de l’émission pour soumettre des affaires, et que tout se faisait en lien étroitavec eux. Mais aussi d’évoquer des affaires, parfois tristement rocambolesques, qu’il a connuesen discutant avec des policiers de l’IRCGN. Comme ce suicide maquillé en meurtre pour que lesproches touchent l’assurance-vie, inspiré vainement d’un épisode des Experts. Le présentateurde L’Heure du Crime a aussi fait état de vraies méthodes que l’on connaît encore peu, comme entéléphonie avec le boum des smartphones. Des téléphones qui peuvent, en cas de vol, êtreeffacés à distance par les opérateurs, un danger pour les enquêtes que la police scientifique paregrâce à une pièce protégée des ondes, telle un sarcophage technologique. Lors de cetteintervention, Yannick Danio, délégué national du syndicat Unité SGP Police FO, qui était aussiprésent pour débattre des statistiques de la criminalité, a rappelé qu’il s’étonnait que l’on parleautant des crimes dans les médias alors que le nombre des homicides est en constante baisse…Nous y reviendrons ici-même.

Quand elle est un personnage de série

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Cette journée s’est poursuivie sur le thème des séries télévisées, lesquelles sont parfois mises àl’amende quand il s’agit d’évoquer leur peu de réalisme pour certaines ou leur trop grandeouverture sur la réalité pour d’autres, laissant aux criminels des idées pour éviter de se faireprendre. Tel que l’a justement souligné Jacques Pradel avec cette histoire de braqueurs que lapolice n’arrivait pas à confondre puisque, de façon quasi miraculeuse, ils ne laissaient jamaisaucune trace de leurs passages. Jusqu’à ce que les policiers comprennent que les braqueurss’étaient équipés comme eux lorsqu’ils se rendent sur une scène de crime, sûrs de ne pas lapolluer…

Dans cette partie du colloque, Aline Hartemann, qui rédige actuellement une thèse sur lesrelations franco-allemandes à travers Arte, est revenue lors du colloque sur la politique d’achatsde programmes et de séries par la chaîne. Elle a notamment évoqué Commissaire Amanullah,une série policière étonnante puisqu’elle est afghane et met en scène une femme commissaire.Dans le pays, la série a en fait vocation à encourager les femmes à se lancer dans une carrièredans la police, « mais non dans une optique d’égalité, il s’agit plutôt d’engager des femmes pourqu’elles puissent fouiller les autres femmes ». Cela étant, la série propose une image tout à faitinédite de la police en Afghanistan, loin des stéréotypes mais tout aussi éloignée de la réalité.

Ariane Hudelet, maître de conférences en études anglophones à Paris-Diderot, et grandespécialiste des séries américaines a, quant à elle, proposé une passionnante étude sur la sérieThe Wire, qui avait (elle s’est achevée en 2008 après cinq saisons) la particularité d’inclure desacteurs non professionnels et issus de Baltimore, là où se déroulait l’action, créant une frontièreporeuse entre la fiction et la réalité. Son créateur, David Simon, mettant en avant le fait « qu’il nes’agissait pas d’une série policière en tant que telle », mais qu’elle était plutôt le reflet d’unesociété dans laquelle les policiers évoluent.

> Nous vous invitons par ailleurs à regarder une précédente intervention d’Ariane Hudelet, auForum des images en novembre 2012 sur l’image des enquêteurs dans les séries policières

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►Policiers en séries par Ariane Hudelet-Dub

Policiers en séries par Ariane Hudelet-Dub…

Ava Forum des images

Ava Forum des images

01h18

01h18

Policiers en séries par Ariane Hudelet-Dubreil par forumdesimages

Gérard Wajcman, psychanalyste et maître de conférences est, de son côté, venu complétercette étude du personnage de policier dans la fiction par la vision qu’en donne la série Les

Experts, le sujet de son livre Les Experts, la police des morts, aux éditions PUF (2012). Avechumour et une dose d’ironie, il a démontré à quel point cette série sur la police scientifique avaitla particularité « de ne rien expliquer sur la science », tout en se basant uniquement sur l’objet,sur l’inanimé. « Les Experts fondent leurs enquêtes sur les choses, ce qu’elles peuvent leur dire,plutôt que sur les personnalités et ce qu’elles pourraient leur cacher », là où la parole n’a plusd’importance puisqu’on ne peut pas la prouver scientifiquement, citant par ailleurs le titre del’ouvrage de Perrine Rogiez-Thubert, lieutenant de police à l’identité judiciaire de Paris et auteurede La parole est au cadavre (éd. Demos).

Son miroir déformant

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Mais parler du personnage du policier ou du gendarme sans évoquer l’avis de ces derniers « surleurs avatars fictionnels » serait vain. Pour cette raison, Guillaume Le Saulnier, maître de

conférences en sciences de l’information et de la communication, qui étudie le rapportdes policiers avec leurs homologues fictifs, en est arrivé à une première conclusion : ce rapportest paradoxal. Il y a, à la fois, un agacement devant ces personnages de fiction passant par undétail qui pourrait sembler étonnant : « une idéalisation des policiers en civil et unedévalorisation des policiers en tenue », laissant apparaître, à travers les entretiens qu’il a réalisés,un « jugement critique massif et homogène » mais, et c’est bien là que se niche le paradoxe, unefascination toute aussi massive pour les personnages de policiers « borderline » plus proches dela réalité, mais de façon hyperbolique, aux prises avec leurs démons dans leur vieprofessionnelle mais aussi privée, comme une sorte de catharsis de leurs angoisses bien réelles.Une fascination souvent illustrée par les posters de films dans leurs bureaux, comme MR 73

d’Olivier Marchal (lui-même ancien de la police judiciaire).

Alors, entre Pinot, simple flic, avec son gardien de la paix maladroit, et les policiers à brassardd’Engrenages, le panel des images de l’autorité sur les écrans est pour le moins large selon lesépoques. Bien sûr en France et ailleurs dans le monde, selon la politique qui y est exercée, leclimat qui y règne, surtout entre la police et la population, la donne change. Reste pourtant unélément qui a émaillé toutes les interventions de ce colloque, il a toujours existé un malentendudes deux côtés de la barrière, que la fiction, même quand elle le fait mal, pointe du doigt.Souvent mal-aimée et mal-comprise, – si bien qu’une étude du CNRS, parue en février dernier, amis en avant le malaise de plus en plus fort ressenti par les forces de l’ordre – parfois mise encause pour de véritables raisons, la police apparaissait à la fin de ce colloque comme unpersonnage central de notre pièce de théâtre, notre société, la réalité.

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[A noter, le colloque proposait jeudi 28 mars une soirée projection-débat "autour de l'affaire deTarnac", à laquelle nous n'avons pas pu assister par manque de temps, animée par MarcFernandez d'ALIBI, avec David Dufresne, journaliste et auteur de la contre-enquête "Tarnac,magasin général" (2012), Eric de Barahir, commissaire et co-scénariste de la série Engrenages, etle juge anti-terroriste Gilbert Thiel]

Citation

Après six heures d’interrogatoire, sans avocat, Roger signe des aveux. Alors que rien ne peut le

relier à la scène du crime : aucune preuve, pas d’empreintes digitales, aucune trace ADN.

Roger McGowen, condamné à mort #889, Planète + Justice

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