bulletin de la société des sciences et des arts de l'Île de la réunion, 1862

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^r; , BULLETIN

tëI! 1! |fîE

U SOCIÉTÉ

SCIENCES ET ARTS

DE LI! K DE LA HKIM01

1862.

SAICT-DKNIS, (RÉUNION. )

1MP.MTFIOGRAPHIQUKKTTYl'Or.RAPHIQUKDE A. ttOVStfl.V.

Rueîle l'Eglise,50.

4862.

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SOCIÉTÉ DES SCIENCESET ARTS

Membre fondateur.

M.Henri IIubert-Deusi.e, sénateur. (0$*)

Membre protecteur.M.le Baron Darricau (C ^), Gouverneur de la Réunion.

Président honoraire.

M. (rAUDisileLagrange, ($j) Directeur de l'Intérieur.

Membres honoraires.MM.Ïmhais (0 <$~)Directeur de la librairie.G. Couturier, Directeur de l'Intérieur à la Martinique.(!n. Desbassayns, (0 ^) président delà chambre d'agriculture'

et du Conseil général.Gibert des Molières, (<$j)maire de St-Benis.

Membres titulaires.MM.

Le Si>er, président.Bridet, vice-président. ($?)Voiart ($$) trésorier.De Monforand, secrétaire.Azéma(Mazaé), administrateur.

MM. MM.Arnaud (*$). Naturel.Azéma(Georges). Pajot.Bailly (^) RaffRay.

Berg (^ )'. Ricfiard ($j ).Crivelli. Roussrx.Dejean de la Bâtie . Ste-Colombe .Dostor. DeSouville.d'esménard. tliononv

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lu» uni . \ iNxiN Aici >ri: .GoYI'IKR('HrolILM'. \i\sn\   Hmii.e).

lltltl.V.M». V|\SO\ 'FhIÈXE'.I.ECI.ERC. Y|\IK\.1.i:ji:im:.Ih: i.v Skiivi•..Mmu:u . .Il ilsMoiui..

Membre* vonrsjiondaiils.

MM. MM.

Ai dieu, I»Si-Paul. II. Lacaze a St-Pierre..1.11.lÎAHonssKM,St-Pierre. A. ni; i.a Serve, St-André.lÎKiuxiii-j.i», a Maurice. I.avou.ée ft&é)a Paris.lÎKi.rvKiii:sde BniHAS,a Paris. I.ecome de 1,'isi.e, il Paris.L. lîoiTdx, a Maurice. M. Feperv.vxciieJi S'°-Su/anne.G'1'de Gastei.xai , au CIn|>. I.épi ré, il Gap.A. Comie, a Nantes. Maillard, (;«f) a Paris.S. Gréma/.v, il Ste-Su/amie. Michel, à St-Benoit.in. Desiiayes, à St-Pierre. Martixs, a Montpellier.

Despre/  (•:&)a Ste-Su/.anne. Ma/.é, a Brest.Kv. Dipo.vr, ii Maurice. Naitrel, a St-Benoit.GlL'de Foicun,(•*$?) à Gayenne. Pue de UusE.Mo.vr({o-})il Saint-A. Frappier, ii St-Pierro. Benoit.Gh. Froppier, a St-Pierre. Pkrichox de S1''Marie, ($:•)aG. Frappier, il Maurice. Saint-Denis.J. Gérard, à Ste-Marie. A. Beilhac, àSt-Joseph.P. de Giioxé, à Paris. Saxdwith, à Londres.Grv. de Ferrières ({&) àSaint-S.u'GER [<°})à St-l)enis.

Joseph.Tardv dr Mo.xtravel

(()i<?5jHerschexroder, il Maurice. G. deToi:rris, à Ste Suzanne.Huioi'r.ix, ({^) ilParis. Gn. Viéiié, ii Maurice.Jacob de Gordemoy, St-Benoil. Wislez, St-Paul.A. Lacalssade, à Paris. Ytier, à Paris.

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Séance du 10 Janvier 1802.

PRÉSIDENCE DE M. LE SLNER.

M de Foueaud a écrit pour annoncer son départ et de-mander le titre de membre correspondant, qui lui est donnéà l'unanimité.

M. Volsy Focard lit un fragment historique: Les troublesde saint Louis en 1818.

M. Yoïart communique à la Société une note biographiquesur les frères

Faucher.M. de Monforand lit ensuite une élégie traduite d'Uhland,le Départ.

La Société invitée par le Président à choisir un sujet de con-cours pour 1802, décide que le sujet restera indéterminé etque le prix sera donné à l'auteur du meilleur mémoire surune partie quelconque de l'histoire de la Colonie.

La séance est bvée à 10 heures 1/2.

Le Secrétaire;P. DKMONFOHAM».

Le Président.Le Sinfr.

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TROUBLES

DR

SAINT-LOUIS EN 1848

.... Mais l'avenir de l'Agriculture coloniale commençaitadonner des inquiétudes: l'administration elle-même s'en

préoccupait beaucoup.Le décret d'émancipation annoncé pouvait, en effet, nous

arriver d'un  jour à l'autre et apporter avec lui, danslacolo-me, en môme temps que la libération des noirs, l'abolitiondu travail.

Il fallait donc approprier aux circonstances exceptionnel-les qui allaient se produire, des mesures propres à empêcherl'éminente désorganisation des ateliers, les noirs, disait-on.n'attendant que le premier coup de cloche de la liberté pourabandonner les habitations.

Dans cette grave conjoncture, l'arrêté local du 17 Juin1846, intervenu après la promulgation des lois du 18 juillet1845 sur le régime des esclaves et réglant les engagementsdes gens de travail libres, parut une législation toute faite.un

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palande retenue tout trouvé

pourconserver à nos

champsles

bras qui les cultivaient.Cet appelé déjà promulgué depuis ikxux années oftïait le

grand avantage de n'avoir pas été rédige poup lecas papticu-lier dans lequel on allait su trouver plaeé, et de pouvoir, pareela même, être exécuté à l'heure venue, comme une loi

générale, applicable à tous les gens de travail soumis au droitcommun.

11fut donc décidé que-l'on étendrait lesefîéts de cet acte

 jusqu'aux nouveaux citoyens, ainsi qu'on les a qualifiés pluslard, aussitôt la promulgation du décret, d'émancipation.C'était sortir avec bonheur pensait-on, d'une véritable impas-se administrative, cpéée pap les circonstances mêmes desquel-les allait surgir 'a liberté individuelle qui ne manquerait pasde faire valoir ses droits à rencontre de l'engagement obliga-toire.

VIII

Ainsi le moyen qui se présentait au gouvernement local

répondait aux exigences de la situation. Il ne s'agissait quede l'employer,c'est-à-dire,faire exécuter rigoureusement, dèscet instant, l'arrêté :1eI8ÏG qui n'avait été appliqué jusque-làqu'ave; des tolérances municipales et des préférences policiè-res. Seulement,il fallait opérer avec beaucoup de tact et de cir-

conspection, deux qualités qui manquaient essentiellementaux

agentsinférieurs de l'autorité. Us le firent bien voir en

généralisant tellement cette mesure qu'elle atteignit les an-ciens affranchis, (ou noirs libères avant la loi sur le rachat

forcé,) dispensés d'engagement sur certaines  justifications.Jusques aux petits créoles, eux-mêmes, cette partie de la

population blanche, tout à tait en dehors des gens de travail,en étaient menacés.

Il faut convenir quec'étail-là, procéder avec autant d'igno-rance que d'arbitaire. En eflet, qui aurait   jamais pensé que

l'arrêté rendu depuis plus do deux ans, pour les noirs libérésen vertu des lois de 184-5 sur ie patronage et les affranchis-

sements, put-être appliqué aux libres de naissance, pour

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nous servir d'une désignation coloniale, gens qui se suffi-saient à eux-mêmes et dont la iierté aussi bien que l'originene soutiraient aueune assimilation.

.Nouscomprenons qu'il était important d'exécuter à la let-tre, et avant Vémancipation, l'arrêté dont nous venons de par-ler, mais c'était-là surtout qu'il fallait se hâter lentement.

Les esclaves devenant tout-à-coup des hommes libres, ilétait prudent de ne pas les laisser, aux premiers moments

d'un enivrement bien naturel d'ailleurs, se jeter dans les brasde l'Oisiveté, cette mère des vices qu'ils caressaient déjà en

imagination.11importait assurément de forger un frein pour les ins-

tincts de brutalité et de paresse qui allaient se déchaîner chezles cultivateurs de toutes castes, le jour où la discipline ruralene les tiemlrr il plus en laisse.

Mais,nous le répétons, jusqu'à ce moment fatal il fallait pro-céder avec beaucoup de ménagement, autrement vous

agissiezcontrôles individus pour lesquels l'arrêté du 17 Juin n'avaitpas été fait et qui n'étaient soumis qu'aux obligations impo-sées par les lois générales à tous les citoyens libres, vivantd'un travail volontaire.

Or, cette classe de la population n'ayant jamais donné lamoindre inquiétude, c'était donc exclusivement aux affran-chis à venir, c'est-à-dire ceux pourqui la liberté, on s'en sou-vient, devait être le rien faire et le long dormir, qu'il y avait

lieu de demander des garanties à t'égard an travail et de Tor-dre public, et afin d'arriver jusqu'à eux, le jour de l'émanci-

pation, il fallait commencer par les noirs îécemment libérés envertu des lois sur les affranchissements; nous voulons dire

qu'on devait exécuter à la lettre l'arrêté de 1810.Les choses allaient, pourtant, se passer tout différemment

dans quelques quartiers éloignés, si un fait qui aurait puavoir des conséquences déplorables, nous voulons parlerdes troubles de St-Louis, n'était venu en temps utile heureu-

sement, faire ouvrir les yeux à l'autorité supérieure et l'ins-truire do la manière dont ses agents entendaient l'exécutiondes règlements sur rengagement de travail.

Voici ce qui s'était passé à St-Louis :

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IXLe jour delà Proclamation de la Uépubliipie dans, celte

commune, des cris partis du bataillon dos milices s'élevèrentcontre lu docteur Larré qui assistait à la llevue. un sa quali-té de chirurgien-major du Bataillon.

La cause de celte manifestation personnellement hostile, àM. Larré était, dit-on, la récente proposition qu'il avait for-mulée au sein du conseil municipal dont il était membre, afin

de faire supprimer les échoppes établies au lieu dit l'Etang-Salé, sur le prétexte (pie ces échoppes étaient tenues par desreceleurs.

Si cette proposition suffisait à elle seule pour attirer à sonauteur les récriminations des échoppiers de l'Etang-Salé,combien le motif sur lequel elle avait été appuyée ne devait-il

pas les irriter encore: aussi le jour dont nous parlons, criè-rent-ils: /l bas Larré! et voulurent-ils, après la revue, prendreà

partiele conseiller

municipal chirurgien-major. \ 

•A tort ou à raison, on pensa (pie cette démonstration de-

mandait une répression quelconque et on procéda, en consé-quence, à une enquête judiciaire.

L'un des premiers témoins, qui devait y être entendu,peut-être môme le premier, fut le tambour-maître de la milice, le

sieur Jean Marie Fradelisy, demeurant à l'Etang-Salé. Il ar-riva au bureau de Police, un peu exalté et répondit gros-sièrement aux questions qui lui étaient adressées sur les faitsà constater.

L'officier de police, M. Rivière, le fit arrêter et eut la ma-lencontreuse idée de lui reprocher de ne pas avoir de livretd'engagement, celui-là même que l'arrêté du 17 Juin 1846,ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, ne rendait obliga-toire qu'à une certaine catégorie de travailleurs dans laquellene se trouvait pas Jean-Marie.

Cette arrestation, qui n'avait rien que de légal, quant auxgrossièretés du témoin exclusivement, se rattachant ainsi à

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un prétendu délit de vagabondage, celte arrestation, di-sons-nous, produisit une émotion générale riiez les habi-tants de l'Ktang-Salé, placés tous dans les mômes conditions

que le tambour-maître, c'est-à-dire n'ayant pas et ne voulantpas avoir de livret.

De là un attroupement considérable se porte au bureau dePolice et demande la mise en liberté du détenu.

« Il n'a pas fait plus que nous, disaient les meneurs de cette.

« démonstration, nous n'avons pas fait moins que lui. Mettez-le>' hors de prison, ou enfermez-nous avec lui. Nous voulons<<notre camarade. »

Le Commissaire de Police ne pouvait répondre à des récla-mations formulées de la sorte que par des refus énergiqueset, tout aussi conséquemment, do pareils refus ne devaientqu'irriter d'avantage les impérieux solliciteurs. Us le prouvè-rent par leurs cris sédicieux, par leurs vociférations inju-rieuses.

Puis ils allèrent se recruter d'autres mécontents, se nom-mèrent un chef et vinrent renouveler leur réclamation; mais,cette fois, menaçants, avec la sommation à la bouche et le fu-sil à la main. On prétend même que l'un de ces hommes éga-rés coucha en  joue le commissaire de Police que ce mouve-ment ne put pourtant intimider.

Cet officier ne cédant pas, la foule se précipita vers le lieuoù était détenu Jean Marie, enfonça la porte de la prison et

le lit ainsi évader au milieu même des agents de la force pu-blique. Il disparut dans les bois avec ses violents libérateurs.

XI

La nouvelle de cet acte de rébellion, parvenue rapidement.àSt-Denis y causa une vive impression: l'imagination desnouvellistes voyait déjà les habitants de St-Louis divisés endeux camps, armés et prêts à faire feu les uns sur les autres.

Dans une situation aussi critique pour l'autorité localecompromise d'une façon si éclatante, le Gouverneur devaitnécessairement prendre l'initiative. En conséquence il envo-ya à St-Louis un officier supérieur accompagné de soixante

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... t2 —

hommes d'infanterie, pour défendre, le cas échéant, l'ordrepublic ainsi menacé.Mais K*schoses ne s'arrangeaient pas à St-Louis. Lcin de

là. L'exaspération y était arrivée à son comble par suite d'unnouveau bruit qui y circulait à propos des derniers faits ac-

complis, lesquels, assurait-on, entraînaient la peine desGalères.

Les premières investigations que le parquet de St-Paul com-mençait à diriger contre les fauteurs de ces mômes faits, don-

naient, aux yeux des délinquants, un semblant de vérité àcette absurde assertion.

Ainsi la cause de ce déplorable état de choses était devenue

multiple, puisque les rebelles se croyaient triplement mena-cés et d'un engagement de travail et d'une repression pour lamanifestation exercé contre le docteur Larré et enfin de la

peine des galèrespour l'étrange délivrance de Jean-Marie.De pareilles menaces devaient nécessairement exciter leurs

craintes,il n'était donc

pasétonnant

qu'ilsrestassent armés.

La lancke avait  jeté le cri d'alarme répété de case en caseparles échos de l'Etang-Salé. Les balles étaient moulées.Les fusils s'amorçaient.

XII

En présence d'une telle effervescence que les correspon-dances de l'arrondissement sous-lc-vcnl exagéraient encore,M. Graëb

comprit qu'unecollision était devenue imminen-

te cl que nul autre que lui ne pouvait l'empêcher d'éclater.Il expédia en conséquence, un courrier « express » an-

noncer sa venue aux autorités du lieu, en leur recommandantde laisser les choses en l'état ; et il partit en toute hâte doSt-Denis, accompagné seulement d'un aide-de-camp. En même

temps il fit donner l'ordre à la compagnie d'infanterie en mar-che sur St-Louis de faire halte à St-Paul.

De son côté le conseil municipal de St-Louis s'était réuni

en une séance extraordinaire à laquelle avaient été appelés leCommissaire de la République et le Juge d'Instruction qui seprouvaient sur les lieux, pour délibérer avec ces deux magis-

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trats, sur le plus ou moins d'opportunité qu'il y avaitàconli-nuer l'enquête commencée contre les délinquants.

Le Commissaire delà République et le Juge d'Instruction,tous les deux peu rassurés d'ailleurs, furent d'avis, avec leConseil, de s'en remettre à cet égard à la sagesse de M. leGouverneur.

Il est évident qu'il n'y avait rien de plus sage à fairc-

XIII

Juste h ce moment même, la nomination de M-Sarda-Gar-rigaau gouvernement de l'Ile Bourbon, avec le titre de Com-missaire Général de la République, est annoncée dans laColonie.

Il devait, écrivait-on de Paris, arriver très-prochainementà Bourbon et y proi'lam:;r immédiatement l'émancipa-tion des esclaves. De l'indemnité coloniale, il n'en était pasquestion.

A peine cette nouvelle est-elle connue des rebelles, qu'elleleur suggère la pensée audacieuse et peut-être ingénieuse, de(aire tourner ;ui profil de la cause coîonhde, et ainsi de la légi-timer, leur inquiétante et coupable namlestalion.

Ils se souviennenl'de l'exemple donne jadis par nos pères quiavaient empêché de débarquera l'Ile Bourbon et l'ait rembar-

querà l'Ile de

France,les Commissaires

de l'ancienne Répu-blique, porteurs, eux aussi, d'un décret abolissant l'esclavagedans nos colonies.

lisse souviennent de cet exemple et veulent, égalementà leur tour, repousser le Commissaire Général de la nouvelleRépublique.

Ils étaient armés et en assez grand nombre pour former unnoyau au soulèvement général sur lequel ils croyaient pou-voir compter, ils pensèrent avoir trouvé une issue pour sortir

de la situation embarassante qu'ils s'étaient créée.Ils expédient, en conséquence, quelques uns de leurs afli-dés à Si-Benoit et à St-Pierre demander le concours des Mili-ces de ces deux communes pour l'exécution de leur projet.A Si-Benoit et à St-Pierre on accueille, on peut le dire avec

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empressement, la proposition do St-Louis. Ici et là, les mili-

eiens sont prêts à marcher an premier signal.On se prépare donc à empêcher le débarquement de M.

Sarda Garriga. L'émancipation des esclaves n'aura pas lieu.Dès lors plus d'engagement de travail, plus de livret. Lescréoles n'auront plus rien à redouter ni pour leur indépen-dance ni pour la vie nomade qu'ils mènent.

Voilà dans quelle situation d'esprit étaient les créoles derotang-Salé, à l'heure où le Gouverneur se décidait à quit-ter St-I)enis.

L'annonce de l'arrivé du chef de la Colonie à St-Louis, eutpour effet immédiat de rassurer ceux des propriétaires lesplus inquiets de cette localité, mais elle ne modifia en rienl'altitude prise par les rebelles.

Il importait cependant démettre le Gouverneur à même,soit en montrant de la sévérité, soit en accordant un pardon,de faire rentrer dans l'ordre ces hommes si étrangementfourvoyés dans les sentiers île l'insurrection, c'est-à-dire de

les réunir et de les préparer à accepter sa décision suprême.Ce n'était pas chose facile, à ce moment surtout où ils par-laient de se retirer dans les montagnes, afin sans doute, derésister avec plus d'avantage aux soldats qu'ils savaientavoir été envoyés deSt-Denis.

Il n'y avait donc pas de temps à perdre. Quatre honorablescitoyens qui jouissaient à St-Louis d'une grande popularité.se chargèrent de cette délicate mission, MM. Théodore Dcs-haves, commandant des milices,

Fémy,maire de la commu-

ne, Sénac, conseiller municipal, et Dominique Ozoux, Jugele Paix; ils s'entendirent pour aile trouver les révoltésau lieu même du rassemblement et tirent, en conséquen-ce, connaître leur intention au sieur Montfleury Ferrèrohomme dévoué, ardent, énergique, qui en raison de cesqualités, avait acquis une influence illimitée sur ses compa-gnons : Montlleury attendit en un endroit désigné MM. Des-hayes, Féiny, Sénac et Ozoux.

Ceux-ci s'en allèrent donc, expédition pacifique, à la con-quête delà tranquillité. Us espéraient tenir ainsi le moyencherché vainement  jusque là, de faire réunir les mécontents,de connaître le vérilablc sujet fie leur conduite coupable el

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Oc les ramener dans la bonne voie. Mais ils no rencontrèrentiiu rendez-vous, que le sieur Monfleury.

Ils durent dès lors démontrera ce dernier combien il étaitimportant pour le résultat de leur démarche, qu'ils communi-

quassent avec les intéresses eux-mêmes.

XV

Apeine Monfleury

eùt-il accueilli cettedemande, qu'illit entendre un coup de Lanckc. et aussitôt descendirent des

arbres environnants, sortirent des taillis voisins, cinq ou sixcents créoles, le fusil à la main, accoutrés des costumes les

[dus bizarres, dans lesquels se montraient ça et là quelquespièces de Tuniforme ou de la butïleterie de la milice. Ils ap-parurent, nous disait-on, simultanément,tout-à-coup, comme

apparaissent en scène ces acteurs (pie des trappes cachéeslaissent monter sur le théàtrc,au moment où le spectateur s'y

attend le moins.C'était la nuit,au fond d'un ravin ereux,écarlé.oùla Lune,très pâle ce soir-là, projetait une clarté douteuse et triste.

Le lieu, l'heure, ces hommes armés au milieu d'un calme

profond, le silence qu'ils gardaient, leurs costumes et encore!leurs physionomies, tout se réunissait pour jeter sur celleentrevue un je ne sais quoi de souverainement solennel.

Kl M. Deshayes devina sans doute tout le parti qu'unorateur

pouvaittirer de ces eilets de la nature car il

profilade

cet instant même pour monter sur une énorme pierre, qui setrouvait là, on aurait dit tout exprès, et, debout sur cettetribune improvisée, drapé dans son manteau à la façon clas-sique, il harangua les rebelles.

Il fut très heureux nous a-l-on dit.dans sa parole et dans son

geste. Il expliqua tlaits quel but l'arrêté sur les gens de tra-vail avait été rédigé en 1810, après la promulgation des loisde 18iî) sur le rachat, cl prouva, qu'en dehors des rares im-

migrants de celte époque, les affranchis seuls y étaient assu- jettis. 11s'attacha particulièrement à démontrer à ces hom-mes, faussement prévenus, (pie cet arrêté, pas plus que ceuxà venir, ne pourrait enlever quelque chose de lludépendan-

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_... lli _..

ce. des petits créoles partie intégrante de la population Man-che ; et, tout en ne leur ménageant pas les reproches à l'égarddu déplorable exemple d insubordination qu'ils donnaient à la

Colonie,clans un moment aussi critique pour elle,M. Deshayeslit toutefois ressortir combien il était absurde dépenser qu'onput cepfiHiiit't punir celte insubordination de la peine desGalères.

Après avoir ainsi alarmé que l'obligation faite aux travail-

Heurs nouvellement allruneliis età

ceux qui allaient être libé-rés, de prendre un livret d'engagement, ne pouvait concernerles créoles, l'oiateur (it comprend/e à son auditoire qu'il con-viendrait, quant aux faits déplorables relatifs à M. l.arré et autambour Fradélisy, il conviendrait d'en témoigner des regretsà M. le Gouverneur dans la bonté du quel il fallait espérer.

M. Deshayes est un homme de taille avantageuse, à la

pose étudiée, à la parole laeile et assouplie par les luttes dubarreau, il devait, suivant ure expression vulgaire, produire

de l'ciVct, il en produisit ; il devait persuader ses auditeurs ,il les persuada,et de telle sorte,que sur le champ même, et aumilieu des applaudissements, on convint qu'une revue de lamilice aurait lieu le lendemain, en présence du Gouverneur,et que là. sous les armes, on entendrait et accepterait, qu'ellequ'elle fut, la décision du chef de la Colonie.

MM. FémySénae et Ozoux curent peu de choses à ajouteraprès un tel succès.

Toutefois, les créoles en les reconduisant, se recomman-daient à leur sollicitude connue: l'honorable il excellentM. O/.oux, particulièrement,était celui qu'ils interpellaient le

plus fréquemment :« Vous et'in créole, lui disaient-ils, n'abandonne pas

u nous! »Le lendemain, pas un milicien de l'fctang-Salé ne manqua

à l'appel, et le regrettable M. Graëb, avec cet esprit d'intel-

ligente fermeté qu'il nous avait déjà montré, sût tout ména-

ger, tout concilier.11 se lira de la position délicate qu'il s'était faite lui-mêmeen prenant l'initiative dans une alVaircque la Justice régulièreavait abandonné à son autorité suprême; il s'en tira avec un

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... 17 -..

grand bonheur, ayant trouvé le merveilleux, moyen de cédersans faiblesse et de sévir sans rigueur: c est- adiré qu'il com-mença, en blâmant sévèrement les délinquants, par leur faire

supposer qu'il voulait livrer à la justice les plus coupablesd'entre-eux; mais en définitive il leur lit grûcc en raison deleur soumission et du repentir qu'ils lui témoignaient.

Quelques heures après la revue, le paisible quartier de St-

Louis. un moment si troublé, avait repris son très-tranquilleaspect.

XVI

Nous devions nous appesantir sur ces faits et en rappelerles détails ignorés sans doute, delà plupart de nos compatrio-tes, pour montrer combien ils avaient eu un caractère bienautrement alarmant (pie celui qu'on leur attribuait alors.

On peut juger aujourd'hui, dans quelle situation se futtrouvée la colonie, si une partiede la population avait mani-festé à main-armée, la volonté de s'opposer au débarquementdu Commissaire Général, n'aurait-ellc pas entraîné les autreshabitants dont le plus grand nombre ne croyaient pas à l'in-demnité? Dans quels embarras dès lors, un pareil mouve-ment n'eut-il pas jeté l'administration locale?

Voit-on M. Sarda-Gariga repoussé de nos bords comme enfurent

repoussés jadisIîaco cl Burnel?

L'émancipationdes es-

claves était ajournée peut être pour longtemps ainsi qu'ellefut ajournée sous l'ancienne République.

Et il ne faut pas croire qu'on eût eu à redouter la moindre,résistance de la part des plus intéressés, non certes.

Le noirest essentiellement conservateur, dans toute la nou-velle acception donnée à ce mot, il comprend ou plutôt, il

comprenait, et en cela il était plus judicieux (pie ceitains né-

gropbiles de la commission Schoeu her, il comprenait que son

maître devait demander le iemwôiu sèment du prix de sonacquisition, cela entrait dans sa manière de voir. Il trouvaitcela très  juste, surtout depuis (pie les lois de I8i» sur lerachat étaient venues confirmer la logique de leur grosbon sens.

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.... |8 —

Ainsi ce qui s'était passé dans notre <olonie en iTOliaurait pu se renouveler eu 181-8: ainsi un l'ait identique,s'aceomplissant dans les mêmes circonstances, aurait pu se

reproduire à plus de cinquante années d'intervalle.tët dites que ce n'est pas une roue que l'histoire humaine!Tels eurent été certainement les résultats, nous pouvons

dire considérables,qu'eussent produits les malentendus qu'ona appelles les troubles de St-Louis, tant la vieille sagesse des

nations à raison de dire qu'il suffît d'une étincelle pour incen-dier un monde.

Et c'est M. Graebqui, deux fois en quelques mois, dansl'affaire Monct et dans celle (pie nous venons de rapporter,en prônant l'init'ative sous sa responsabilité personnelle,avait arrêté des collisions toutes prêtes à surgir.

XVII

L'autorité locale était donc avertie. Après une si éclatante,

expérience, elle devait se délier de ses agents pour la miseen vigueur des règlements sur les engagements de travail.Aussi arrèla-t-elle leur zèle inintelligent qui n'aurait pas man-

qué, d'un moment à l'autre, quelque part dans la colonie, defaire naître des contestations et de provoquer des résistances.

On laissa dès lors dormir dans le bulletin officiel l'arrêtéde 1810 et le Pays attendit, s'en remettant aux promessesde l'administration centrale, pour avoir des mesures propres àmaintenir le travail et a prévenir le vagabondage.

Voisy Fïmiahi».F.\traitd'unehistoireinédite.

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le i>i;;i\\in\ 

Quel bruit de pas, quels bruits troublent la ville entière?Fillettes, soulevez vos rideaux un instant:Ce sont des compagnons qui vont a la frontière

Et que l'on conduit en chantant.

Mais quand tous à l'envi prennent part à la tète,Lorsque tous les chapeaux se couronnent de fleurs,Un d'eux reste à l'écait et, s'il levait la tète.

Dans ses yeux on verrait des pleurs.

Le vin coule a longs flots et s'épanche a plein verre:— Ami, bois avec nous pour noyer la douleur —— Loin de moi, loin de moi cette liqueur amère;

Ce vin me brûlerait le coeur. —

Dans la vieille maison, tout là-bas, la dernière.Une modeste enfant regarde le chemin:Elle est triste et voudrait cacher ses pleurs derrière

Les rosiers blancs et le jasmin.

Il soulève en passant les yeux vers la fenêtre.Puis les baisse et sa main*se porte sur son coeur ;C'est qu'il a vu soudain la vierge disparaître

Sans unsigne

consolateur.

— Pourquoi seul sans bouquet'.' vois ces roses nouvellesQui se penchent vers nous du haut de leur balcon :Allons, la jeune fille, allons, perle des belles.

Une lleui pour le compagnon ! —

— Et que ferais-je, amis, de ces branches fleuries?Personne ici pour moi n'aura même un regret :Bientôt par le soleil elles seraient flétries.

Ou le vent les emporterait. —Il passe, il ne voit pas une main tout émueLui jeter une fleur derrière le rideau,Et la rose est tombée au milieu de la rue

Et dans la lange du ruisseau....

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Dans les échos lointains de la poudreuse routé

Dcjh se sont éteints lès chansons et les pas.I^iigtcmps eriçor pourtant la pauvre filleécoute,

Puis>rendre en murmurant tout bas :

— Hélas ! il n'a pas sudevinor ma tendresse;11n'a pas.vii la ilcùr qui tombait de; ma main:Et je reste à présent seuleavec ma tristesse,

Mcsrosicrs blancs et mon jasmin.

v P. dcMpNFORANbV

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Séance du M !Hars «862.

PRÉSIDENCE DE AI. LE SLNEH.M. Ilambosson, en s'excusant de n'avoir pu adressa* ses

adieux à la Société, par suite de son départ précipité, de-mande le titre de membre correspondant qui lui est conféré.

M. Rridet ayant insisté de nouveau pour se démettredes fonctions de Vice-Président , la Société accepte sudémission.

M. Richard, directeur du Jardin botanique, ayant renoncé

à son titre de membre titulaire, pour des motifs de santé, estnommé, à l'unanimité, membre honoraire.

Sur la proposition de M. Crivilli, appuyée par le bureau,la société décide qu'elle prendra G exemplaires des Sensitives

publiées par M. Cotteret.M. Voïart lit une Comédie-Vaudeville: L'Enfant de nos

enfants, ou la Prise de Jéricho.Les Elections sont fixées au mois de Juin.

Le Secrétaire.^

P. IH-:MoNFORAND.

Le Président,

Le Siner.

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L'ENFANT

DE NOS ENFANTS.

ou

LA PRISE DE JERICHO.

!.'•Théâtrereprésenteun salon.— Porteau fond.— Porteà gauchodonnantchezBrabançon.—Porteà droitedonnantchezJourdanet.

—L'uctablesur le devant,à gauche.SCÈNE PREMIÈRE.

BRABANÇON, seul.

BRABANÇONentrantpar le fond;il porteuncartonde chapeaude fem-meet un autre cartonlonget plat, et lesposesur la tableainsiquesoi!chapeau.

Onze fiches à 20 francs, total 220 francs. Cet argent

nie brûlait la poche, et  je me suis dépêché de le dépen-ser pour notre chère enfant : un mantelet à la dernièremode et un chapeau de Victorine, le tout choisi avec le

goût naturel à un ancien chef de bureau à la Directiondes beaux-arts. L'enfant sera contente, (il s'approchedela por-tedegauche.) Floi'C! Floi'C!

SCÈNE II.

BRABANÇON, FLORE, puis M™ BRABANÇON.FLOUE.

Vous m'appelez, Monsieur?

BRADANT'v ' Ma chère Flore.

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— 22 —

Mmo BRABANÇONentrant.

Ma chère Flore ! Monsieur Brabançon . vous m'expli-querez ce que cela veut dire.

BRABANÇON.

Ah! Baucis, douter de votre Philémon! Eh bien! celame flatte. Mais, ma chère Ilermionc, votre  jalousie sefourvoie. Si j'ai appelé Flore, si  j'ai dit: Ma chère Flore,

un instant de patience vous eût démontré l'innocence devotre époux.

Airnu Vaudevilledela Somnanbule.

Moi qui sans cesse à la foi conjugalePayai ma dette avec fidélité,Aurais-je donc besoin de martingaleContre l'élan de ma vivacité.Sacrifiant à la paix du ménage,

Je t'ai toujours donné ce qui t'est dû;Peux-tu donc craindre, en songeant à mon âge,Que j'aille ici placer a fonds perdu?

Ecoute et  juge. (a Flore.)Ma chère Flore , allez tout desuite porter ces cartons à Mllc Jenny, de la part de songrand-père Etienne.

FLORE.

Oui, Monsieur, (niicsort.)

SCÈNE III.

BRABANÇON, MmoBRABANÇON.M"10

BRABANÇONEncore des folies pour celle enfant?

BRABANÇON.Et quand cela serait? Mais non, il

n'ya

pasde folies;

hier, à la soirée de mon ancien ministre, j'ai été pris àune table de whist, où   j'ai gagné 220 francs; ce matin,

 je suis sorti de bonne heure pour les employer à faire unesurprise à notre Jenny. Etes-vous satisfaite, Madame Bra-bançon ?

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- 25 —

Mmo BRABANÇON.

A la bonne heure, je n'ai rien à dire; d'autant moin»

que cela lui vaudra nécessairement un autre cadeau de son

grand-père Jourdanet.

BRABANÇON.

J'y ai bien compté.

SCÈNE IV.

Les Mêmes, JOURDANET, MmoJOURDANET.

M. ET Mmc JOURDANET,entrantpar la droite.

Bonjour, amis.M. ET Mmc BRABANÇON.

Bonjour, chers.

JOURDANET.

Comment va notre enfant, ce matin?

Mmc BRABANÇON.Nous ne l'avons pas encore vue.

Mmo JOURDANET.

Comment! à huit heures et demie?

BRABANÇON.

Ma foi, nous ne tyrannisons pas Jenny ; elle se lève àl'heure qui lui plaît.

JOURDANET.

Est-ce que vous pensez qu'elle eût été tyrannisée avecnous ?

BRABANÇON.

Non, sans doute, Jourdanet; mais, vous vous le rap-pelez, lorsque, il y a quinze ans, ce funeste choléra nousenleva , à vous une charmante fille, à nous notre pauvreCharles , ils laissèrent Jenny à peine âgée de deux ans.Vous et nous, nous disputions le droit de la recueillir; lehasard, pris pour juge, nous a favorisés. Seulement; nous

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- 24 —

rivons décidé que nous habiterions cet appartement un com-mun, pour que l'enfant de nos enfants put partager ses ca-resses entre tous. VA\bien! nous la gâtons, comme vou>l'auriez gâtée , comme vous la gâtez tous les  jours, ja-loux i

Mmo BRABANÇON.C'est quelle est si bonne!

Mmo JOURDANEr.Si gentille!JOURDANET.

Si caressante!

BRABANÇON.VAsi espiègle!

TOUS.C'est un ange!

JOURDANET.

Ainde Turenne.

Mais aujourd'hui la voila grande,Ne faut-il pas la marier?

Mmo Brabançon.

Qui presse, je vous le demande?

JOURDANET.

Il ne faudra pas la prier.Mmo JOURDANET.

Non, mais craignons de la contrarier.

BRABANÇON.A dix-sept ans, le coeur de la filletteNe peut-il donc avoir déjà parlé?

JOURDANET.

Tant mieux, ma foi, car tout bien calculé,Notre besogne sera faite.

Et mon  jeune ami Fortin pourrait bien avoir touché ce •'

petit coeur.

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- 2.v;—

BRABANÇON.

IVuli ! il y ii, de par le monde, un  jeunu artiste tics

distingué, Emile Bornai, qui a toute mon estime et quimérite qu'on le remarque.

JOL'RDANRTavecdé<lam.(n peintre!

BRABANÇON.

Cela vaut bien un courtier marron.

JOLRDANET.

Parce que vous avez été chef de bureau à la Directiondes beaux-arts, le premier rapin venu vous séduit.

BRABANÇON.

Parce que vous avez été négociant, vous ne trouvez du

mérite qu'à ceux qui s'occupent d'un commerce.... quel-conque.

Mino Brabançon.

Taisez-vous tous les deux, voici Jcnny.

SCÈNE V.

Les Mêmes, JENNY.

JENNVentreen coûtantet va présentersonfrontà Brabançon.Bonjour, grand'père Etienne, et merci.

JOLRDANET.

(Test cela! grandpèrc Etienne d'abord; grand'pèrePo-lydore ne vient qu'après.

JENNYlui faisantla révérenceet allantaussi lui présentersonfront'

Pardon,grand'père PolydorCj,

maisgrand'père

Etienne

m'a envoyé ce matin un chapeau si coquet et un man-telet si charmant que j'ai dû commencer par lui.

JOURDAN'ET.

Je te donnerai demain deux chapeaux et deux mantelets

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— 26 -

JFNSVfrappantdansses main*.A.merveille! Eh bien! Embrassez-moi encore, mais vous

me donnerez autre chose. Bonjour, mes chères grand'mères( Ellelesembrasse.)

M,no Brabançon.Bijou, va!

MmoJoURDANEr.

(Hieramour!

JOURDANET.

tlenny, avancez ici à l'ordre.

JE.NNYportantmilitairementla mainh son front

Présent! c'est-à-dire, présente!JOURDANETlui donnantunepetitetape sur la jour.

Mademoiselle Jenny veut-elle se marier >

JENNY.

Pourquoi pas, si le mari me convient.

M"10Brabançon.

Mais, Monsieur Jourdanet, est-ce qu'on lait de ces ques-tions-là aux jeunes filles?

BRABANÇON.

Ma chère amie, vous savez bien qu'il n'est pas possi-sible de les adresser aux grand'mères.

Mme Jourdanet.

Encore,, f?llait-il y mettre des ménagements.

JOURDANET.

air: J'onsuncurépatriote.

Pourquoidonc tant de

mystèreQuand on parle de maris?Bon pour la prude Angleterre,Mais nous sommes à Paris.Puisqu'il faut que cela soit,Je montre le but du doigt ;•

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~ 27 —Aller droit,Cest mon droit,

Moi, je marche au but tout droit,Le plus adroitVa toujours droit.

.le n'aime pas à tourner autour du pot. D'ailleurs, vou*

voyez que la petite a répondu catégoriquement.Mmc Brabançon basà Jourdanct.

.N'allez pas plus loin, ne nomme?, personne; vous savezbien que je penche pour votre protégé; laissez-moi taire.

JOURDANETriant enlui répondant.

Nous faisons alliance contre les beaux-arts! Bravo!(haut.) Eh bien! Jenny, si le mari qui te conviendra nousconvient aussi,cela ne sera pas long; a'est-ce pas, Brabançon?

BRABANÇON.D'accord, si le mari nous convient.

Mmc JûURDANET.

Vous oubliez, Monsieur Jourdanet, que nous devons êtreà dix heures à la gare du chemin de fer d'Orléans, pourfaire nos adieux à notre cousin le chanoine.

JOURDANET.

C'est vrai; allons, chère amie.MmoJOURDANETbas à Brabançonen sortant.

Soyez sans inquiétude, je me charge de mener à bienles affaires du   jeune peintre.

BRABANÇON'.Bah!

Mmc Jourdanet ,icmCrae.

Chut! (haut) Allons, adieu, à bientôt.

JOURDANET.

Oui, à bientôt.

Brabançon,Au revoir donc.

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— 28 —

SCÈNE VI.

M'»e BRABANÇON, JENNY, BRABANÇON.

M'"° BRABANÇON.

Et moi (|ui oublie à mon tour que mes conlitures tir

groseilles ne sont pas encore clarifiées! ce serait dommagede les manquer, car ce cher petit bec-rose les aime bien.

J'y cours.JENNY.

Allez, grand'mère , et surtout ayez soin île les nicttivdans de grands vases , car c'est bien ennuyeux de voietout do suite le fond de celui qu'on tient.

•M,ac Brabançon en sortant.

Oui, gourmande.

SCÈNE VII.

JEiNiNY, BRABANÇON.

BRABANÇON.Ainsi donc, Jenny, un mari no t'etVraierait pas?

JENNY.

C'est selon.

BRABANÇON.Comment cela, s'il vousplait!

JENNY.air: C'estcequi vieconsole.

Qu'une jeune fille ait souriLorsqu'on lui parlait d'un mari,

C'est reflet ordinaire.

Mais pour qu'un lien soit formé,Que le prétendant soit aimé,Voilà le nécessaire.

Ainsi donc , grand'père , qu'on me présente un mariaimable, je serai bonne prince-

•• '•"' "-* nu*,

sépare î™^:~ ,i~ -

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_ fjçr -.

KRABANÇONl'iuti.

C'est bien comme cela que je l'entends, m;i bénie. Soir*

tranquille, j'ai ce qu'il te finit.

SCÈNE VIII.

Lks Mêmes, ft.MIEE

EMILE.Est-on visible chez M. Brabançon?

BRABANÇONallantau-devantde lui.

Toujours pour vous, mon cher Emile. Jeniry. M. EmileBornai; tu sais, un peintre distingué et mon  jeune ami.

JENNVsouriant.

Mais   j'ai déjà le plaisir de connaître M. Bonvul,

EMILEsaluant.

Oui, cher Monsieur Brabançon, j'ai eu le bonheur de ren-contrer plusieurs fois Mademoiselle.

BRABANÇON.Eh bien !  jHUsque ta connaissance est faite, parlons de

choses sérieuses.

EMILE.

l>e choses sérieuses^ et devant Mademoiselle t Puis-jedonc, croire?....

JENNV.

Mais., grand'père....

BRABANÇON.Du calme, jeunes gens. Tout vient à point, qui sait atten-

dre. Quand jeparle

de choses sérieuses, mon cherEmile,vous savez bien ce que je veux dire :   je pense au grand

tableau dont  je vous ai donné l'idée.

EMILEa part etsegrattantl'oreille.

Ah! Diable! la prise de Jiricho!

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— 50 —

JKNNYà part.Ce bon grand'père, il m'a causé une émotion... que je

n'aurais pas été fâchée de voir se continuer.

BHABANÇON.

Allons, voyons, Emile , je suis sûr (pie ce sujet vou>;i souri.

KMII.Kavecaplomb-

S'il m'a souri? Le tableau est fait.BHABANDON'.

Comment! depuis trois  jours!KMII.Kse louchant!cfront.

Je veux dire qu'il est là; c'est là même chose, sauf 1rsdétails d'exécution.

BRABANÇON.

Voyons cela, je vous prie.KMIl-H.

Volontiers. Vous permettez, Mademoiselle'.'

JKNNY.Je vous écoute.

KMH.Eà part.Emile, mon ami, marchons droit, et du chic, (haut., Je

place la scène au moment où les Jébuséens, au milieu des-quels se distingue, à sa couronne, le farouche Adônisédec,sont saisis d'épouvante,9 en voyant leurs murailles tituberavant de se livrer à une polka cclievcléc. Les Israélites, souf-flant dans la trompe, ont les   joues gonflées par la confianceet l'enthousiasme. L'Arche sainte, portée par les lévites,brille au premier rang, et, près d'elle, Josué levant majes-tueusement la tète, semble jeter un regard de déli au soleil,

comme pour l'avertir qu'il lui réserve un plat do son métier.Qu'en dites-vous?BRABANÇON.

Bien! très bien! seulement, j'aimerais mieux voir les mu-railles s'écroulant tout-à-fait.

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51 ~-

KMII.K.Kien de plus larde; alors, les Israélites auront dégoutte

leurs joues et mis leurs trompes au repos.WIABANÇ.ON.

Ohl ce seia uu eheï-d'couvre, si vous mette/, ee projet ;'<.exécution.

km»m;.

N'en doute/, pas.un: Duchâteaude mononcl<'.F/aissez l'inspirationGuider l'exécution,

Et sous peu ce tableauSurgira de mon pinceau:(le magnifique sujetVa s'élancer tout d'un jet,

Palpitant,

Saisissant,Vers un succès éclatant.D'abord, sur la toile,Le ciel qui se voile,

Pour ces HébreuxHeliiqueux,

Semble adoucir tous ses leuxrKl. l'année, entière,De Ilots de poussière

Se coîim'o, en se déroulantComme un immense serpent.Sous les murs de Jéricho,L'Arche et l'armée, ex oeqno,

Maîtrisant leur élan,Occupent le second plan;Devant, de zèle enflammés,Kt de leurs trompes armés,Vous apercevez les choeursKutonnant leurs airs

vainqueurs.Voyez ici la muraille.Se détachant en grisaille.Sous cette rauque mitraille,

Prèle à s'écrouler;Les Jébusécns derrière,Soutenant, par la prière,.

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-- r^2 -

Leur bannièreSur la pierre,

Qui semble rouler.Joàiié, dans son manteau'

Du plus beau

Rouge poneeau,Attend pour lui du ciel

L'appui providentiel;Au premier plan arrêté,

Le regard en haut jeté,ïl invoque Jéhova:Le Dieu des Hébreux est la!'

Puis, chaque léviteQue ce geste excite

Mnl'honneurDu Seigneur

Entre en danse avec ardeurKh bien! que vous semble

De tout cet ensemble?vie sujet, par vous choisi.Ne l'ai-je pas bien saisi!Oui, si l'inspirationSoutient l'exécutionf 

Avant peu le tableauSurgira de mon pinceau.Ce magnifique sujef Va s'élancer tout d'un jet,

Palpitant,Saisissant,Vers un succès éclatant.

BRABANÇON.

Mon dur. ce sera un triomphe.

JENNY.

Sans doute, si M. Bonval manie le pinceau aussi bienque

Que fa plaisanterie, n'est-ce pas, Mademoiselle? quevoulez-vous? 011se souvient toujours un peu de l'atelier.

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— oft —

JENNY.

Pour se moquer d'un vieil ami? Ali! Monsieur Kmilo!

brarançon.

Tais-toi, Jennv; je lui pardonne ses folies, s'il veut jue

promettre de prendre mon idée au sérieux.

KM1I.E,

Je vous le jure.

(MocBrabançonparaîtà la portedo gauclie.et s'arrête pour écouter, onvoyantEmile.)

BRABANÇONprenantEmileet Jennysouslebras.

Alors, chère petite, si lu le veux, nous pourrions parlerde ces choses sérieuses qu'avait imaginées tout-à-l'heure

notre jeune ami.Mni° BRABANÇONà part.

H était temps; avisons. (Eiiesort.)

JENNY.

Grand'père, je n'aime pas les choses sérieuses.

EMILE.

Mais, Mademoiselle, le bonheur de notre vie n'est-il pasaine chose très-sérieuse?

JENNYémue.

Le bonheur de notre vie! vous ai-je autorisé à dire notre!

BRABANÇON.

Allons, chère mignonne, un bon et brave  jeune hommeque j'aime beaucoup ; est-ce que tu ne pourrais pas l'aime*1

un peu, quand cela ne serait que pour moi?

JBN1Wbalbutiant.

sGrand'père

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....3i

_.

SCÈNE IX.

Lks Mkmks, FLORE

H.ORK,outrant|>arla ,qauehr.

Mademoiselle, M" 1 Brabançon vous prie il»*venir tout de

Miite;elle vous attend

pourdonner le

glacis;'i la

geléede

groseilles et tailler les couvertures.

JKNN'Vembrassantsont-ranti'jiOiv.Chères eonlitures! voyez connue elles sont utiles, a!i;ut

pour me tirer d'embarras. ( a KmUe.)Voilà, Monsieur, ce quer'est «pie d'être artiste.

mu: DeJulie.

Vous êtes habile enpeinture,Je vous en fais mon compliment,

Moi, Monsieur, pour la confitureJe crois avoir quelque talent.Ces travaux d'art où l'on m'invite,Attendent l'exécution,Et sentant l'inspiration,Pour en profiter je vous quitte.

Viens, Flore. ,'Ellesalueet sort avecMore.)

SCÈNE X.

BRABANÇON, EMILE.

KMILE.

J'avais dès ma plus tendre enfance, une profonde horreur

pour les confitures ; c'était un pressentiment.

BRABANÇON.

Ce n'est que partie remise; ne vous découragez pas.air: Contentons-nousd'unesimplebouteille.

J'ai pris à coeur d'arranger cette affaire,Ayez du calme et nous réussissons.L'instant viendra, mon cher, laissez-moi faire;J'ai de vieux airs pour ces vieilles chansons.

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--5.S

EMILE.Je nie confie il tout ce que vous faites.Mais il me faut lutter contre un rival.

BRABANÇON.

Je le sais bien; mais, croyez-moi, vous êtesPremier en date, et c'est le principal.

SCÈNE XI.

Les Mêmes, JOURDANET, FORTIN.

JOURDANETintroduisantl-'orlinpar ladroite.

Venez, venez, je vais vous présenter.

BRABANÇONhEmile.

Tenez, justement, le rival; mais rappelez-vous que jesuis là. (à ion in.) Certainement, Monsieur, il y aura présenta-tion. Et d'abord, je vous présente mou jeune ami, M. Emileitonval, homme d'un beau talent et peintre d'histoire.

JOURDANETà Fortin.

Peintre d'histoire, c'est un conte.

FORTINs'avançantversEmile.

Monsieur, j'ai bien .l'honneur de vous saluer.EMILEsaluant

Je suis le vôtre, Monsieur.

JOURDANET.

Mon cher Brabançon, vous savez que M. Fortin aspireà -la main de Jenny.

BRABANÇON.Mon cher Jourdanet, vous savez que M. Emile Bonval

doit épouser notre enfant.

JOURDANET.Nous verrons cela, (ii s'avanceauprèsd'Emile.) Monsieur,

,( Emilesalue.)vous ignorez sans doute que M"e Jenny Braban-çon a hérité de ses parents d'une somme de 120,000 francs

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-- ."»»»—

fi que cette somme, avantageusement placée par innï depuisquinze ans, représente aujourd'hui un capital de plus d<-.ilHLOOOfranes.

KMII.K.

Je l'ignorais, Monsieur, mais je vous  jun; <|iio«'çla ne inodilie en rien mon admiration pour M11''Jennv.

JOlKllANKl.Vous ignorez sans doute (juemoi, PoivdoivJourdanel, son

aïeul maternel, je lui donnerai de plus en dol dix lionnes millelivres de renies, sans compter (pu? je lui en laisserai eneoivau moins autant plus tard, le plus tard possible.

km île.

Monsieur, je ne conteste nullement vos droits à cet égard.

JOIT.DAMU.Kl qu'enfin M. Brabançon, son aïeul paternel, lui donnera,

de son côté, 100,000 francs !

KMU.K.

Tout cela. Monsieur, ne peut empêcher Mllt' votre pc-tite-lille d'êtte une adorable personne.

BRABANÇONsouiiaiit

.Non, non, cela ne gâte rien.FORTINà part.

Peste! voilà bien ce qui rend pour moi si atlravantecette   jeune personne que j'ai à peine vue.

JOIRDANET.

M. Bornai comprendra, je le suppose, qu'imparti aussibrillant doit amener des exigences.

KMILE.ua : Pourun soldatquin'ena pas l'usage.

La fortune est une puissance,Je n'en méconnais pas le prix;Mais cette barrière, je pense,N'existe pas pour des coeurs bien épris.

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— 57 --

fous les plaisirs qu'on tloil a la richesseSullisent-ils à duinter le bonheur'.'Eu se liant iileur vaine promesse,On perd souvent les richesses du eoMir.

IORTJX.

.le partage entièrement l'opinion de M. Bornai. Toutefois, je ferai observer <pie lorsqu'il s'agit de disposer dune grandefortune, il est à désirer de la voir tomber entre des mains qui-sachent la faire valoir.

i:mii.i:.

Ou la laisser valoir.

im.VHANÇON.

Moi, mon cher Jourdamiet, je ne doute nullement du mé-rite de M. Fortin, ni de son aptitude à faire un bon mari.

 jot un.iNF.r.In homme qui gagne, bon an mal an. de t.'ià IN,000

lianes !

IIKVIIANÇOX.(l'est beau; mais dans le commerce, on peut aussi bien

perdre (pie gagner.l'OIUÏX.

Il n'y a (pie les maladroits qui perdent.

BH.Ui.VXÇOX.

Je le veux bien; mais il ne s'agit pas ici d'une allàire com-merciale. Il s'agit de l'avenir de notre Jemry, et avant tout,nous voulons la voir heureuse; n'est-ce pas Jourdanel?

JOUKDAXEÏ.

Parbleu î IJKAIUXÇOX.

Eh bien ! mon ami, proposez-lui M. Fortin, comme  je lui ai

proposé Emile, et laissons la choisir.

IORTIX.

Unie semble. Messieurs, que MmCâBrabançon et Jourdanel.

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— 58 —

ne doivent pas être oubliées dans cette circonstance. ( à partLe bonhomme Jourdanet m'a prévenu que nous avions des

intelligences dans le camp ennemi; il ne nuit pas les négliger.

EMILE.

Oui, cher Monsieur lirabançon, que M,lcJenny entende lesconseils de tous les appuis qui l'entourent; mais, malgré votre

bienveillante partialité pour moi, je n'accepterai le bonheurauquel j aspire que si Mell° Jeimy elle-même me donne le droit

d'y prétendro.' Il salueet se retire. ,

BRABANÇONcourantaprèslui.

Ne vous éloignez pas, enfant, et revenez bientôt.

SCÈNE XIÏ.

Les Mêmes, moins EMILE

«RADANÇON.

Jourdanet, je vais loyalement chercher Jenny, et j'amèneraima femme. Allez, vous-môme prévenir M"10 Jourdanet.

à part. ) Mon alliée me viendra en aide.

JOURDANET.

Très bien, j'y vais. Moucher Fortin, un moment de pu-lience.

FORTIN.

Comment donc! quand vous travaillez, pour moi : allez, jevous en prie.

( ltrobançonet Jourdanetrentrentchezeu\.

SCÈNE XIII.

FOKT1N seul.

FORTIN.

ïl a du bon cet artiste, mais il est  jeune.

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—59"

.un: Du(u'fHii'r.

Sans doute il faut, pour entrer en ménage.Chercher a plaire a l'objet de ses voeux;Mais à l'amour qui fait un mariageOn doit souvent des jours bien malheureux.A qui s'y plait je laisse la tendresse,J'ai pende goût pour les doux sentiments;

Et c'est assez pour moi, je le confesse,Si  je puis être aimé..... des grands parents.

SCfcNK XIV.

rWH.W M. ct M'»c BRABANÇON, JKNNY.M. kt M»" JOURDANKT.

JKNN'V.à ihabançoiiqui lui tient la main.

Mais grand père Mienne, je n'avais pas lini.

BRABANÇON.Allons, viens; c'est ton grand père PoI\dore qui veiH'te

présenter un jeune homme, M. Fortin, ([lie lu as déjà vu.

M"11'JOURUINKT.qui s'est approchée.

Oui, unel'ois,

àl'opéra-comique, où il nous a beaucoupparlé de la faillite Brillât frères ct de la hausse dés Orléans,ce qui nous a fait grand plaisir.

BRABANÇON,il M" Juimlarid.

Taisez-vous, taisez-vous, Connnère. Jourdanel, j'amènenotre enfant.

JOliRDAN'KrprenantFortin par la main.

.lenny. voici un charmant  jeune homme qui prétend avoirtrouvé à la-bourse le moyen détenir le bonheur toujours enhausse dans son ménage.

JKNNV.saluant.

Monsieur est marié''

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— iO —

l'ORllN.

Pas encore, Mademoiselle. Mon digue ami M. Jotirdauel a

parlé seulement de l'avenir. Je serais tout prêt à lui prouver,avec votre permission, que j'entends assez bien ce ireuivd'affaires.

JOlRI>ANETsj'inaiil.

M. Fortin est courtier.

M"H'JoiRDANEltir* \ito.

Marron.

10KlIN.

Peu importe, (juaud on opère loyalement. Mademoiselle.M. Jourdanel m'a laissé espérer un bonheur qui ne dépendipiede vous.

M""' BraHANÇONiij.c'trt.

lie maladroit, il se presse trop.

JEX.NVà i'oilin.

Monsieur connaît ma dot?

EOilTIN.

Oh ! mademoiselle!

JEXNV trcs-froiilciuciit.

C'est une simple question. Monsieur; voulez-vous bien :

y répondre?

ioutin.Je sais sans doute, Mademoiselle., que vous êtes l'oit riche.

M"10 BllAllANCON],ns.

Mais, Jenny, à quoi penses-tu donc'

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.._il

JF.NNVl>ns.

A moi. , i-auià Foriin.) Ainsi, Monsieur, vous connaisse/ un dot: niais moi. me connaissez-vous?

ioi;iu)Am;t.

La connaissance se fera, Petite.

h:\nv.

Alors grand père Polvdorc, nous attendrons qu'elle soitl'aile avant de nous occuper du genre d'affaires pour lequelMonsieur nous a fait connaître ses dispositions.

M"K Jounn.vNKï;, iait.

C'est qu'elle ( st channante, notre lillette !

IHîUIANT.OX|)as;1.(rntiv.

ICsl-eo (pie c'est un congé?

JKNNVlui ri'pondaiif.Je n'aime pas les gens d'affaires.

BRABANÇONde mémr.

Kt les artistes?JKNNVdoniômft.

Vilain euiieux. (1i.uk.)Grand père Polydore, je vous renierciede m'avoir présenlé M. I^oitin. J'ai le projet, quand je se-rai mariée, de faire quelques petites spéculations et j'auraile plaisir d'employer Monsieur.

FORTINàpart.On ne peut être éconduit avec une plus aimable imperti-

nence.

iOURDANKravecvivacité.

Jemry, vous ne rcllccliis.se/  pas que c'est moi, le père devotre mère, qui vous ai présenté M. Kortin,

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_ 42 —

JICNNV.

Mais,si, eher.grand père, j'ai parfaitement compris, vou>de voyez bien, que vous m'aviez amené un courtier d'aftaires.Kst-ce que vous pensiez à autre chose?

(.fourdanctlui tournele dosonhochantla tetr.

MmoBRABANÇON.

Tais-toi, démon.FOKTIX.

Mademoiselle, il me sera permis de vous revoir, je l'espère,et je serai peut-être assez heureux pour vous prouver (jue labourse et le commerce n'occupent chez moi que l'esprit.Agréez l'hommage de mon respect.

i'11saineet sort par lefond.

sckxk xv.

Li:s Mêmes, moinsFOKTIN.

 joritDAMn.

Ah ! Mademoiselle Jcnnv,voilà les tours que vous me jouez!

JKXNYaveccalinoric.

Mon bon grand père Polvdore, est-ce pour vous ou pourmoi «pie vous voulez (pu; je me marie?

M"11'JOIHDANKT.

Kl puis, mon ami, vous jetez, à brùle-pourpoint, à la tètede cette enfant, un prétendu qui débute par vouloir emporterd'assaut le coîur de la place!

BRABANÇON.

Vous reconnaîtrez, Jourdanet. que j'ai gardé la plus scru-puleuse neutralité.

JoniDANKI'furieux.

C'est bon ! venez maintenant me parler de voire Honval :.m peintre, jamais!

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— 45 -

JENNY jeliintuncri.Ah ! grand père Polydore, mon père était peintre, et vous

lui aviez donné ma mère !( Jourdanetprofondémentému,se couvrelesyeux d'unemamet appui©

l'autresur l'épaulede Jenny.)

SCÈNE XVI et dernière.

Les Mêmes, EMILE paraissant à la porte du fond.JOURDANETprenddansses mainsla têtede Jennyet l'embrasséau front.

Pardon, mon enfant bien aimée. (Ense relevant.ilaperçoitEmileprès dolaporte,et vale prendrepar la main.) Ah ! Emile, venezici, venez tout de suite. Ce n'est pas Brabrancon qui vousdonne Jenny; c'est moi ! (Il metla ruainde Jenny dans celled'Emileet tendlui-mêmela mainà Brabançon.)

BRABANÇON.'u' serrantlamain.Oh ! je ne suis pas jaloux, moi.

EMILE.

Tant de bonheur, mes dignes amis ! Et vous, Jenny, vousvous taisez.

JENNV.

Oui, puisqu'on a si bien parlé pour moi.( Emilelui baiselamain.}

(Elles'approchede Jourdanet,et lui présentesonfrontenlui j allantbas.)Grand père Polydore, c'est vous qui m'aimez le mieux,car vous sacrifiez vos projets au bonheur de votre Jenny.( Allantà Brabançon,mémo jeu. ) Grand père Etienne, je vous doismon bonheur, c'est vous que j'aime le plus.

Mmc Brabançon et MmoJourdanet.Et il n'y a rien pour nous?

JENNVs'approchede sesgiand'mèieset leurpasseà chacuneunbiàs autourdu cou enlesembrassant.

GAtoz-mni toujours, je ne veux rien perdre.

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— tt —

JOl'RDANET..Brabançon, lomari nous convient, cela ne sera pas long !

BRABANÇON.

Emile, nous vous ferons installer ici un bel atelier, et vousv commencerez notre grand tableau.

EMILE.

Vous pouvez y compter, mon bon père, et si je l'expose anSalon, le livret portera: La Prise de Jéricho, sujet donne

par M. Etienne Brabançon, ancien chef  de bureau ù ladirection des beaux arts.

Brabançon et Joirdanet savan<,;mt.aiu: de Lan(ara.

JOIRDANET.

Depuis quinze ans, notre seul rêveFut notre petite Jcnny.

brabançon.

Maisvient un mari qui l'enlève,Notre rôle est bientôt Uni.

ENSEMBLE.

Oui,notre rôle est a

peu prèslini.

JOIRDANET.

Four son bonheur unissant nos prières,Nous lui cherchons îles amis bienveillants.

BRABANÇON.

Il nous faudrait trouver beaucoup de pères,Pour cette enfant de nos enfants.

ENSEMBLE.Il nous faillirait trouver beaucoup de pères,Pour cette enfant de nos enfants.

IIN.

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Séance du H Avril 1862..

PRESIDENCE DE M. LE SINER.

En l'absence de M. de Monforand, M. le Président prieM. Azéma(Mazaé) de remplir les fondions de secrétaire.

M. le Président annonce à la Société qu'il a écrit àM. Maillard au sujet de la médaille d'or et à M. Collcret poursouscrire à six exemplaires de ses Sensitivcs.

Divers envois ont été fait à la^IVihliolhequc de la Société :Ahnanach religieux, Annuaire de la Réunion, Revue duMonde Colonial.

Les rapports des commissions ne peuvent être lus et sont

renvoyés à la prochaine séance.M. Edouard Railly donne lecture d'un travail intitulé

Pensées.M. Berg, lit une Elude sur les Réformateurs modernes.

La séance est levée à 10 heures.

Pour le Secrétaire empêché;M. A/.KMA.

Le Président.I.iKSlNKR..

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ÉTUDE

St'R I.F.S

RÉFORMATEURS MODERNES.

9,'x K*nu,osopiiiK positive. -- ÎLe positivisme.

M. Ato. Coiite.

Toutes L»simaginations vives s'enthousiasment pour un

livre, pour un système. Gela se conçoit d'autant plus que sou-vent I» seule manière de lire et de comprendre est de s'identi-fier avec l'auteur. La digestion de l'esprit s'opère après, onrevient sur le sujet avec un esprit critique, on sépare l'ivraiedu bon grain et l'on se forme soi-même de nouvelles idées. Le.

danger sérieux se trouve dans le choix absolu que chacun faitd'un auteur favori sur l'autel duquel il brûle do l'encens en

proclamant l'infaillibilité du système. On a pu voir naguèresla lutte acharnée des Réformateurs modernes:

chaquedemi-

Dieu prétendait redresser d'un seul couples torts du genrehumain et refaire en un  jour la société, oeuvre des siècles etélaboration de l'esprit humain. Il y a de par le monde beau-

coup d'hommes ù principes, mais dont les idées, quoique bienArrêtées,nous paraissent profondément troubles. C'est en cher-chant à élucider ces idées, à leur donner la coordination quil.'ur manque, c'est en voulant combler les lacunes dans un butnaturel de satisfaction de l'esprit, que l'on revient fatalement,

naturellement aux principes de la philosophie scholaslique.Pour arriver à ce résultat, la première condition est de

f.iire une étude consciencieuse et particulière de toutes lesKcoles. Cette étude est nécessaire, indispensable. Il n'appar-tient qu'aux intelligents épaisses de la dédaigner. Ly philoso-

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— .m —

phie est la menée de l'être en général, île ses causes et de seslois: quoiqu'on puisse faire, elle est le fondement de toutes lesseiences particulières. Les êtres ne sont pas indépendants lesuns des autres, toutes les omises s'enchaînent; on ne peutconnaître un être sans les connaître tous, ef, degré ou deforce on impose à tous les autres, le système .qu'on a forgépour l'un deux: loi inexorable de notre nature sous laquelle

tout plie et dont aucun travailleur ne peut s'affranchir. L'es-prit humain a sa logique naturelle à laquelle il se soumetconstamment.

Le philosophe dont l'influence-a. été la plus incontestable,dans le siècle ou nous sommes est M. Auguste Comte.

L'idée fondamentale de sa doctrine esl celle-ci, (pie Proud-.bon a exprimée d'une manière remarquable dans sou Oiyuni-sationdc l Ordre: « la nUure sî  présent; à nous sous trois

« faces: substance, cause, relation. De ces ;î faces, la dernière.« seule est compréhensible pour nous. » Smlenee par la-

quelle il nous indique que la recherche des substances et descauses nous est interdite, et comment lîespril humain ne peutagir que dans le cercle de la recherche des lois, ce qui esl pré-cisément le système (l'A. Comte.

L'ouvrage capital a pour titre* Philosophie posit-ve. Le

premier volume est destiné à la maîhématiqu \  le seconda

I astronomie, le '}%et I.; ï" traitent d »la Pysiqu i et de.l »cbi •mie. Là est son point d ' départ, et l'élude du i'' volume est

capitale.La mathématique esl traitée avec une hauteurde vue que.

nous n'avons pu que soupçonner. Le volume de 1!Astronomie,est wn des plus importants et il est facile de comprendre pour-quoi,c'est la réfutation delà fameuse parole: cjtvli.eiïfinwU glo-riam Dei. L'auteur cherche à annihiler complètement les preu-

ves de l'existence de Dieu tirées de Tordre céleste,qui sont pré-cisément celles qui influent le plus sur le vulgaire. « J'ai dû,« dit en terminant M. Comte, mattaçher soigneusement à<: indiquer, sous les diveis rapports principaux, l'influence" Fondamentale propre à la science céleste, pour contribuer à'«.affranchir irrévocablement la raison humaine de toute

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— iv —

<( tutelle idéologique ou mélhaphysique, en montrant lesc phénomènes lus plus généraux comme assujettis à des lois« invariables et ne dépendant d'aucune volonté, en représeii-« tant l'ordre du ciel comme nécessaire et spontané. ». Lu somme, le résultat des cinq volumes est ce (picM. Proudhon a exprimé dans ses Contradictions Economi-« (juesrh certitude est l'accord ,de la raison et de rexpérien-<

ce » c est-à-dire qu'il n'y a de, certitude (pie lorsque nosraisonnements sont continues par l'observation. Ce qu'avaitdit du l'esté déjà lîacon. Or, comme les idées religieuses cl

métaphysiques'ne peuvent avoir'l'observation pour point du

'départ, elles deviennent dé droit radicalement nulles. Toutvelà est fort'logique.

Le resté de l'ouvrage de M. Comte est intitulé: Physique'sociale. 11présente d'abord sa théorie des 3 Etals: religieux,

'métaphysique, positif.11divise la

phase religieuseen trois:

fétichisme, polythéisme, monothéisme.— La même idée setrouve dans Proudhon qui la puisée dans Cousin. —Lesanalyses du Félichisïne et du Polythéisme sont d'une profon-deur qu'on ne se lasse .d'admirer, c'est une analyse à la fois del'histoire et de l'homme, ennuie il n'en a  jamais été fait. Lemonothéisme est tout aussi brillamment traité dans les princi-pales parties, son étude sur le 'catholicisme est pleine de fi-nesse. Mais quand on le Voit "renverser d'un trait de plumeméprisant toutes les doctrines économiques et instituer sonclergé comme régulateur du mouvement industriel, on se

permet de prolester. Les Conclusions sont toutes renferméesdi\\\s\a Catéchisme positiviste. A la première page, Klogedel'empereur Nicolas, le noble tzar, qui est le seul homme quicomprenne son époque .... (avec 31. Comte bien entendu).A la seconde page, la France se partage enloou 10 petitesrépubliques. Puis, quatre pages d'invocation mystique à son

ange gardien. On se demande: qu'est-ce que c'est que çà? Ilnous apprend que cet ange est une femme (pi'il a aimée et avec

laquelle il a eu un mariage intellectuel. Puis, vientun beau temple où il y a une belle femme de 30 ans qui tientun enfant sur les bras et qui représente [humanité. C'est là

que se pratique le culte et que les prêtres l'ont fumer l'eiueus',

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puis, ailloli»' e.-.l un beau cimetière où l'un cnleire leshumains ainsi que les animaux utiles ( probablement aussi lislièvres qui tirent le pistolet et les chiens qui jouent aux do-minos ). — sur les tombes sont écrits les laits et gestes dechacun. — Il y a des reformes très utiles à l'humanité: lesmois ne s'appellent plus janvier, février, mais. . . mais Moïse,Homère, Orphée. . . . Les saints du calendrier soi.t changés.Les

 joursde la semaine ne

s'appellent plus:lundi, mardi, mais

patridi, matridi, tilidi....

Quelle plate imitation du catholicisme ! organisation du

Clergé, organisation du culte, tout y est impitoyablementvolé. Saints, anges, cérémonies, tout y est tidèljmei.t calquédans celte incroyable singerie qui est le catholicisme, moinsJésus. — Il n'y a que le pays où Founer a trouvé des adhé-rents déplus de vingt ans pour produire de parodies folies.

Il y a là une profanation, un mépris de la dignité humaine, devouloir organiser le coeur, organiser les sentiments et les

respects dus aux parents. — Qu'est-ce que M. Comte ensomme? C'est Joseph de Maistre devenu athée, qui supprimeDieu et garde b pape. Il signe: Fondateur de la religion il.*l'humanité, et tranche du chef  rtlgieux: se targuant déjà <!.?son pouvoir de pape, M. Comte a l'aplomb, au dix-nenv'îm.;siècle, de donner sa bénédiction à certains ouvragée, s. n ex-communication à d'autres, il me lixe mes lectures et bi«n

plusm'en interdit. Il tonne contre la libellé de la presse et f il teutdeuceltemer.t entendre qu'elle doit être a la discielLn du

clergé positiviste. — N'oublions pas en outre qu'ilest encore un imitateur de Mahomet, ci.r il nous conseille dene pas l'aire usage du vin. — En politique il iétablit lis castes,décrète le droit de primogénilure, soutien de toutes les aristo-craties. 11livre mon corps à une aristocratie industrielle etmon àme au clergé positiviste. Servile imitateur en tout du

moyen-âge, il donne à ce clergé le droit d'excommunication,comme au temps d'Innocent 111.

On ne peut croire tout ce qu'il y a d'hypocrisie dans ce sa -

vaut athéisme.

Ptoudhon dans ses contraiiiL'tions àonoiniiiiics dit : la dit-

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•il -

féreuce entre la philosophie ancunnj et la philosophie moder-ne peut s'exprimer par deux mots : dehors et dedans.

La question est la môme sur le terrain religieux politiqueet même physiologique. Il s'agit de savoir si toutes chosessont gouvernées par une force antérieure et supérieure oupar des lois spontanées et immanentes. 11s'agit en un mot dei avoir si le monde est gouverné par une force antérieure

quiest Dieu ou par des lois inhérentes à la matière ; si la secietéest guidée par la Providence ou par ses lois et sa virtualité

propres ; si la société doit être gouvernée par une autorité cx-tèrieurenommée Roi, Dictateur, Assemblée.... ou si l'ordredoit résulter du libre jeu des diverses forces économiques etsociales ; si enfin le corps est mu par une force particulière et

pour ainsi dire extérieure nommée vie, ou si au contraire, lavie n'est pas le résultat du  jeu spontané et de l'accord parfait

des diverses parties de l'organisme. Proudhon et FrédéricBaslial nient quel homme doive être gouverné, ils bornentle rôle du gouvernement à la justice et a la défense extérieu-re, voulut.l la libelle dans la presse, dans renseignement,ilt-ns l'industrie, dims ta travail, dans tout. Comte, aprèsavoir allumé la doctrine de la libellé en philosophie cl phy-siologie, l.i nie dans la politique. Que de contradictions dai.stous ces Réformateurs! Tous sont d^s hommes à  /j/Mi/po',a

idées arrêtées mais c'est à vousdj

choisir entre tas mille etun systèmes.

Oh! coites, cjux qui se font tas champions du positivismedans tass'.ienees naturelles ne l'ont pas étudie à coup sûr,car ils reviendraient bien vite d'un enthousiasme irrelluchi.—

Cepen anl. M. Comte fait école. Le positivisme a sa bannière.Les plus importantes questions d'histoire naturelle, les pro-blèmes d ardhropolegie et de zoologie les plus élevés, Lsso-

luticns doctrinales les plus déterminantes s'y pressent àl'envi.— La génération spontanée esl un produit de ta philo-sophie positive. Mais des faits, rien (pie des faits, voila toutce qu'elle oppose aux données du spiritualisme, on y chercheen vain un souille doctrinal cl ces conceptions logiques donttas sciences iv.iturcltas ne peuvent se pars-r. C'eM toujours ta

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:>:>

ïiiJiii •I mî.lmi", s mis prétexte (I anal»m1, à vouloir faire sor-'tir les principes dos t'aits. On proclame que l'observation estla seule méthode et en môme temps on nous lance nue pluiede théories, et ces théories, au bout du compte, ne sont miedes hypothèses. Et puis, un despotisme sans pareil dans les

principes, un arbitraire dont on ne se lait pas une idée— Sui-ve/  mon System.1 ou l'Humanité est perdue! Oui, e'esl dans'•lesiècle delà liberté intellectuelle que parlent ainsi les Réfor-

mateurs du genre humain, les grands redresseurs des toits'célestes et terrestres. Mais ce qui est grave, e'esl l'inconsé-

quence, de'leur méthode. La sciencea perdu'sa fixité, son as-surance, sa dignité.

Il n'y a plus examen et raisonneinent, laits cl principes-,mais Ai'slaits seulement, branchement, on éprouve quelquesatisfaction de se dire Eclectique. Non pas éclectique à la la-'çoudes syucrétislcs qui, sous prétexte de choisir, ont pris

partout et ont tout confondu, mais éclectique qui, emprun-tant à tous les moyens da connaissance, les classe, dans l'ap-préciation de leurs données danrès leur rang hiérarchique:expérience, raisonnement, tradition.

Autrement, il nous reste en compte tiua'l dans'la sciencedes opinions et pas de principes, c'est à dire la poussièicdela science.

Je

comprendsla

philosophie positivédes mathématiciens,

mais en vérité  je ne puis m'empêcher de sourire quand jevois dansla médecine les adeptes d'une doctrine qui a pourfondements 1a mathématique et l'astronomie. Le maître dftà la tin : « j'éprouve le besoin de me retremper moi-même.< dans les éludes mathématiques. •»

  €es Yalro-malhématfcieïis de notre siècle, ne font rienau-ïre chose (pic consacrer rhu'muManle formule (pie la médecineattend le mouveinenl et ta vie des progrès de la

physiqueet de

la chimie.En résumé, les positivistes ne veulent pas de la liberté.

Uevenant en théologie à tous les mythes qu'enfantait l'imagi-nation poétique et jeune de l'humanité, ils ont une morale dé

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eontraintect n • reconnaissent pas que Ii I lie:lé spiriluclli .est la tonne de l'ordre. Ils ni»conçoivent la morale que comme,étroitement unie à une autorité di. posant eu son nom d.'s pei-nes et des récompenses. Puis socialistes, ils no tiennent au-cun rompt..?de cel.ie pauvre Libelle.— IVoudhon et AugusteComte ont plus d'un i apport entre eux -Lise/. I nvyani&u-.

  //o/nKi l'ordre du premjor Itoformateur, et vous verre/. I >.

inèiiK!système •.guerre aux religions et guerre à la métaphy-sique.—Ce qui manque avan|;lout à la dorLrine de la, philosophie,

positive, n:>!isl avons déjà dit,ici nvm,1et dans une.autre oc-ra sion, <:est le caractère d.; la vérité. Les mêmes principesdirigent I esprit humain dans tojis ses. mpuyement.s, rt unev.eritc une. fois émis; ne peut p'us périr. Lu comparant lemouvement de.sidées de nas réformateurs modernes avec la

marche du véritahle progrès, 051apprécie!.; cachet de la vé-rjté. Aepropos, il y a un ouvrage qui ma toujours vivementému — qu'on nie p"rmetle celte digression —je. veux parlerde Cohden et de sa liinie.

Sept, individus obscurs se réunissent un jour à Manchester-et se forment en association .pour abattre le monopil.; (h?l'Aristocratie anglaise et retondre dp fond cm comhle I indus-trie anglaise. r»irri)lôl, quelques nuinidacturiers s'y joignent,

entr'autres un certain marchand de papier peint qui avaitgardé les cochons comme SixlCrQuinl,('t qui îj'ayait depuisguère ([iiitté son comptoir. Cj marchand (le.papiers ou d'é-toiles imprimés se trouve être un des premiers, oratem s dumonde cl un grand homme d'état. Partout, les hommes émi-nents se réunissent autour de ce petit noyau, et voici une

pléiade d:oraleurs sans égaux. Au'bout de trois ans, la mo-deste association a ses professeurs, dans chaque Comté sou

imprimerie,ses

colporteurs; un. ministère, établissement

magnifique où des chefs de Bureau, des secrétaires, entre-tiennent une immense correspondance, livres, pamphlets : af-fiches gratuites sont répandus à profusion, les chemins de ferroulent perpétuellement d'un bout à l'autre de l'empire desémissaires et des orateurs, on achète des terres pour donner

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M

lu!droit do voter à i.vi\  qui mï rallient à la ligiii-— sept hom-mes obscurs ont mis tout cela on branl\  l'aristocratie est

nl>l;gcode capituler, et uns Angleterre nouvelle, l';intipodtYde l'Angleterre que nous haïssons, a surgi !

Voilà hi véritable réforma. Cobden l'a opérée sans que ja-mais une parole de fiel tombât de ses lèvres, sans secousse,sans grands mots, sans grandes phrases. Cobden est un ré

formateur, pouvons-nous le comparer aux autres?Mais en revenant sur le terrain scientifique nous verrons

de. nos  jours une réaction véritable, énergique. Ici, c'estM. Flourensqui, dans son Ontologie naturelle, fait une pro-fes ion de foi monogéniste. Là, c'est M. deQuatrefages qui,Tan dernier, dans un ouvrage remarquable ayant pour titre :De l'unité de l'espèce humaine, reprend le débat compliquéparles théologiens d'un côté et L>sphilosophes de l'autre et

pose ces principes :« L'homme est soumis aux forces physico-chimiqu?s com-

me les corps bruts. Il est organisé comme les végétaux et lesanimaux. Comme eux il se meut volontairement et il sent.Dans son être matériel il n'est pas autre chose qu'unanimeperfectionné à certains égards, moins parfait sous d'autres

rapports que beaucoup d'espèces animales. Son intelligence,quoique incomparablement plus développée, ne suffirait pasà l'élever tout à fait au dessus des animaux, si deux facultésd'un ordre tout nouveau ne se manifestaient en lui. Ces deux

prérogatives sont la notion du bien et du mal connue sous lenom Se Mor(ilitè,ei celle de l'idée de Dieu, habituellement dé-

signée sous le nom de Religiosité. »

La philosophie envisagée à ce point de vue général est vé-ritablement la base de toutes les sciences. Elle fait justice detoutes ces doctrines adverses où la science

n'apparaît quecomme une boutique de faits disparates et d'opinions plus oumoins étranges. Il nous faut une doctrine générale, qui ré-sume le tout, qui interprète les lois générales, qui ani-me les théories particulières, qui plonge enfin dans les faits

pour tout animer et tout vérifier. Kt aussi, n'est-elle pas une

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rho3ti vaine mais une connaissance féconda : féconde pour \csavant parce qu'elle embrasse tout ce qui constitue la science,lui iesume tout C3qui est fait et lui ouvre les voies de tout ce

qui est à faire; féconde pour l'homme pratique, trouvant enelle le résumé de tous les principes qu'il doit prendre pourguide; féconde enfin pour celui qui apprend, parce qu'ellelui découvre, comme d'un point culminant, tout l'empiredont il doit

prendre possession, et qu'ellelui

apportecomme

flambeau les principes qui le guideront dans la conception detous les détails. C'est dans cette voie que nous devons cher-cher nos principes et non dans les doctrines systématiques denotre époque.

i'Lasuit»

prochainement.)

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PLiYSLLS.

Ou a eu tort ilediiv que l'avérité frappe l'esprit comme un

trait de lumière, ol (pion la reconnaît la première fois qu'ellenous esl annoncée. La vérité, malheureusement, ne se révèle

par aucun signe certain: l'erreur et le mensonge ont, avecelle, un air de liunillequï ne me permet pas toujouts de les

distinguer.

La vie est un capital dont b's plus avares se montrent ordi-

nairement prodigues: on n'en connaît bien le prix que lors-qu'on l'a dépensé presque en entier.

Pour comprendre ta maijieur et pour y compatir, il fautsoi-même l'avoir connu, et Virgile a raison. Mais quand lemalheur s'est, longtemps appesanti sur nous, il produit uneltet contraire :.il tue la pitié, il dessèche, il durcit notre

coeur; et quand quelqu'un vient, en pleurs, se plaindre de-vant nous de ses maux, nous le regardons d'un oeil-sec, pres-que avec dédain,, et nous disons :.qu'est-ce que cela !'On met,irailleurs, de l'amour propr.o à avoir été bien malheureux;on veut l'avoir été plus, (pic personne: c'est une supériorité^'ommeune autre.

Le bonheur est un fruit qui se gâte presque toujours avantd'être mùr.

Il n'est pas de savant qu'un enfant ne puisse embarrasserdeses pourquoi?..

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-* .Y/ 

. On en vent iiioîlis quelquefois à teïui de qui l on u reçu uneoll'cnso qu'à celui qu'on a offensé. On n'en veut guère plus heelui qiu vous fuit une injustice quu ivlui <in faveur île quicelle injustice vous est faite.

i/hampTorl disait i|tt'it y a tics soïtisèsïuen liahrllécs'eoiu

nie il y a des sots hieu vêtus: \\ aurait pu ajouter que celles-là-,comme ceux ci en imposent .presque toujours à la foule et:Jont souvent fortune.

1/esp •nuice est un usurier qui rM'mupleWs plaisirs et né"nous prête qu'à gros intérêts.

Il y a bien peu d'hommes qui ne soient à la Vois envieuxet enviés.

In  jaloux ne s'exagère pas moins tout bas les qualités etles avantages d'un rival qu'il n'exagère tout haut ses défautsou ses ridicules.

Quel est l'homme, quelle est surtout, la femme qui ose-raient toujours penser tout haut?

Chacun est  jaloux du sort de son .voisin ; et cependant onne trouverait peut-être pas une personne, une seule, qui vou-

lût faire, avec une autre, échange complet de position en mê-me temps que d'âge, dégoûts, de caractère, de figure, dofamille, d'aiï'ections. On envie à l'un son esprit, mais on névoudrait pas de sa réputation; à un autre, sa tounuue élé-

gante, mais c'est un sot ; à celui-ci, sa place, mais il s'y fail

haïr; à celui-là, son influence et sa fortune, mais sa femme

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est une mégère; à cet autre, sa gloire bien mérité?, mais il.ila goutte et quatre-vingts ans. Enfin partout des mais,«les si ; et K choix fût il possible , chacun finirait parcarder .*on !(!.

Le plus modéré et U plus modeste restent toujours en deçà

de leurs désirs et de leurs espérances.

Si les femmes avaient un secret, tous les hommes le sau-raient depuis longtemps.

Quel était le plus sage d'Heraclite ou de Démocritc? Je nesais; mais il me semble, en voyant comment va le inonde,que tous deux avaient d'excellentes raison?, l'un de rire,l'autre de pleurer.

Chacune de nos actions est comme la graine que nous je-tons insoucieusement au vent, que la terre recouvre, nue

nous oublions; et qui, croissant lentement, en silence, de-vient à nos yeux étonnes ou l'arbre chargé de Heurs et defruits à l'ombre duquel nous trouvons un abri, ou la roncearide dont les épines nous déchirent.

Probablement par la même raison <ue l'enfant qu'un pèrepréfère, est celui qui a donne le plus ce mal à élever, tel fait

bon marché du talent réel qu'il possède et tient fort peu auxéloges mérités que ce talent lui attire, qui attache au contrai-re une valeur exagérée à des essais médiocres dans un genreoù il ue réussira  jamais, et mendie pour eux un complimentbanni qu'il savoure avec délices.

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— ?iO -

'Lumitié. est un pou commis ces plantes qui su plaisentmieux et deviennent plus belles «laits une terre pauvre que

nians un sol hop rielie.

Le chemin le plus long est parfois le plus court.

Une disposition d'esprit, malheureusement trop commune.,<istcelle de se croire bien supérieur à la position ou à l'cnv-ploi qu'on occupe; il en résulte qu'un ne fait aucun citort,

.par conséquent, aucun progrès; et qu'on reste au dessous def"o qu'on pourrait, de ce qu'on devrait être.

'Ksl-ecune jeunesse triste et froide, ou une jeunesse beu•mise ut sans privations, qui rend les vieillards moroses cf 

chagrins? Quoique on en dise, il est probable que c'estmoins le regret des plaisirs qu'ils ont goûtes que le regretde n'en avoir  jamais eu, qui assombrit leurs derniers  jours eten fait des censeurs  jaloux. On doit céder sans peine sa placeau banquet où l'on s'est assis ; voir sans envie les  jeunes genss'enivrer des  jouissances dont on a eu longtemps sa part: i!

y a une grande consolation à se dire :« Kt moi je fus aussi berger dans l'Arcadie! »

La douleur présente est toujours celle qui nous paraitfe(plus cruelle; le plaisir passé, .celui qui nous semble le plus

,doux.

L'amour propre nous préserve de presque autant de sotitises qu'il nous en fait faire.

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• oo ...

Pou d'hommes saventuu peuvent choisir lu carrière et lïfemme qui leur conviennent; delà presque tous les mécomp-tes (|iie l'on rencontre dans son ménag-.

1et dans sa profession.

Nous sommes beaucoup moins fiers des avantages que'nous avons acquis par nous mûmes que de ceux que nous te-

nous seulement du hasard, comme la fortune, la naissance,la beauté,* la force corporelle. Cepi ndant nous ne devrions p s

plus nous enorgueillir de ceux- ci. que nous ne devrions tirervanité d'avoir gagne on terne à la loterie.

L'envie est un sentiment si triste, si bas. qui fait tant souf frir et

rapportesi

peu, qu'ondoit réellement s'étonner

qu'il yait des envieux.

Les qualités et les avantages que nous vantons le moins et

que parfois nous dénigrons, sont d'ordinaire ceux qu'en se-cret nous envions le plus.

Que d'hommes ressemblent à ces étotVes brillantes mais,mauvais teint, qui ne résistent pas plus à un rayon de soleil

qu'à une goutte de pluie, et qui ne peuvent conserver leuréclat trompeur qu'à la condition de n'être point employées !

La honte n'engraisse pas, sans doute; mais on engraissemalgré la honte, parce qu'on s'y habitue comme à tout. C'estla faute do notre société qui n'admet pas de prescription pourune faute; et qui, en se disant chrétienne, ne croit pas au re-

pentir, et le rend presque toujours impossible en le rendantinutile.

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- - Ôi

hcins l'cipinion d'une foule de gens', la poésie est exclusive -

ruent l'art du faire des vois; nsne la reconnaissant qu'à la'

rime; tout au plus ladmoltent-ils encore dans l'idée et l'ex-

pression d'uni* statue, ou d'un tableau; et on les étonnerait

beaucoup si on leur disait : véritable Prolée, la poésie prendtoutes les Tonnes; elle est partout, dans tout; elle prèle àtout l'éclat et le charme de son prisme: c'est le rayon de soleil

qui donneà la

gouttede rosée les feux du

diamant; quirevêt

d'argent, d'or et de pourpre les lhnés sans couleur du nuage;c'est le eh mt de l'oiseau, lu boulon prêt d'éclore; c'est le re-

gard de la jeune tille, c'est sa voix, son sourire ou ses larmes;<vsont les cheveux blancs du vieillard; on la retrouve dans lastatue qui pense et dans l'humble croix du calvaire breton;dans les soupirs et les gémissements de l'orgue, commedans le murmure du ruisseau; sous les sombres voûtes delà'cathédrale

gothique,comme sous a

coupolelumineuse de.

St-Pienv, comme sous" le pauvre toit du foyer paternel. Lapoésie! mais c'est la'jeunesse, l'amour, l'imagination, la gloi-re; c'est tout ce qu'il

1y a en nous de plus délicat, de plus pur/ 

de plus tendre et de plus noble !

Qu'on ne tire pas avantage contre la religion chrétienne,et qu'on ne tasse pas trop honneur à je ne sais quelles doctri-

nes philosophiques, des vertus qui distinguent entre toutesnombre de personnes vivant en dehors de l'Eglise: ces vertussont précisément le meilleur litre du christianisme à notrevénération et à notre gratitude; car elles lui appartiennent en

propre; nées de sa morale, elles viennent de lui comme lefruit vient de la semence; et son éternelle gloire sera de les"avoir introduites dont les lois et dans les moeurs; de les avoirrendues obligatoires à tous. . . à ceux là même qui se sont

sépaiés de lui, et lui so. t devenus étrangers, semblables à'l'homme que, dès son plus jeune Age, les circonstances au-raient arraché des bras de sa nière, et qui, plus tard, passe-rait auprès d'elle indifférent, sans la reconnaître, sans se dou-ter de ce qu'il lui doit de respect iln reconnaissance etd:amour.

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I,e temps m> console pas seulement; il t'ait oublier. . . cicomme s'il ne faisait pas oublier assez vite, nous lui vcnous maide de. tout nuire, pouvoir: nous évitons, c( chacun do ceu,\ 

qui nous entourent, évite l'allusion la plus indirecte à la perterécente d'une personne aimé»'. Il semble qu'elle n'ait pas vécu,ou qu'elle ait mal vécu, tant l'on s'entend bien pour ne plus en

parler; tant l'on craint même de prononcer son nom avant queles années ne l'aient rendu a peu près indifférent. Kt pour-quoi cette conspiration du silence qui se t'ait autour de nous,et dont, nous sommes les complices? Dans les premiers mo-ments, rien n'ajouterait, à notre douleur; plus tard, quandnous commençons à la porter plus légèrement, nous trouve-rions non pas un chagrin nouveau, mais une consolation réelleet un salutaire enseignement à nous entretenir de la chère vic-time que la moi1a l'aile, à parler do ses vertus, de son affec-

tion, de ses titres à notre amour et à nos regrets; à songer à

ses conseils, pour les suivre: aux torts que nous pouvonsavoir eus envers elle, pour ne pas nous en rendre-coupables à

l'égard d'un autre. Au lieu de chasser son soi enir commeune pensée importune, il faudrait le rappeler souvent; lu rap-peler à la mémoire de l'enfant oublieux; le rappeler dans nos

 joies et dans nos alfections; le rappeler à chaque réunion de

famille, comme celui de?l'absent que nous espérons revoir un

 joui, et dont la pensée reste sans cesse présente dans notre

coeur.

Ei». Baili.y.

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" — 'LA

FRANCE ET SON ME

La guerreest l'actepar lequelunpouplerésisteà l'injusticeau prixdosonsang.Partoutoù il y ainjustice,ilyacausede guerrejusqu'àsatisfaction.La guerre"estdonc,après la religion,le premierdesofficeshumains:l'uneenseigneledroit,l'autreledéfend;l'uneest la parolede Dieu, l'autre sonbras.

I.ACOBDAIRE.

I

Lorsque tes flancs s'ouvraient sous le fouet qui dévore;Lorsque du Golgotha les clous saignaient encore ;

Lorsquede tes

bourreaux la hideuse fureur,Tecrachait au visage, insultait ta douleur,Et couronnait ton front de sanglantes épines,Vengeance! oh! non, ce mot, de tes lèvres divines,Jamais il ne sortit, ô Christ, et dans les cieux,Ton sang, en s'élévant, intercédait pour eux.Tu ne maudissais pas, et l'écho du CalvaireN'a jamais répété qu'une ardente prière.

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- fil -

Chrétiens! if oublions pas ce sublime passé,Monument éternel qu'un Dion nous a laissé!Sachons oser! la gloire est an plus téméraire :tic que le Christ a fait, essayons de le faire!Inflexible vengeance, abjurons ta fureur!

Non, le Dieu «lesChrétiens n'est point un Dieu vtrj'.eur!Mais quand la Liberté, sa fille bien-aimée,En face d'un tyran se trouve désarmée;Quand des crimes sans nom, d'infâmes attentats,Viennent troubler le monde et frapper des Etats;

Quant à côté de nous se lève quelque borde,

S'échappant du limon dont la fange déborde;

Quand un peuple gémit sous un joug détesté,La justice est du ciel ainsi que la bonté.La guerre est d'aussi haut, quand par la délivranceElle vient consacrer son droit et sa puissance:La parole de Dieu, chaque pôle l'entend,La justice la suit, la guerre la défend.

Il

France! lu Tas compris, quand naguère en Crimée,De tes filsvaleureux tu guidais une armée;Ton aigle s'enlevait avec la liberté !Et lorsqu'il s'abattit sur l'altièrc cité,

L'oppression, l'orgueil fuyaient de son enceinte.France! tu délivrais! ton épéc était sainte.Tu le compris encor,

quandl'Autriche plus lard

Sous les murs de Turin plantait son étendard ;Quand tu lanças soudain ton cheval de bataille

Toujours prêt sous ta main à braver la mitraille,Quand il franchit les monts, plus rapide que l'air,De son sabot brûlant faisant jaillir l'éclair;Quand aux feux du combat sa prunelle alluméeBrillait de tout l'éclat de la foudre enflammée.

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- Go -

Crand! terrible duel! les soldats d'autrefois,(1rs nobles vétérans, ces ahallours de rois.Lu* qui virent tomber cent villes assiégées,Lux si souvent vainqueurs en batailles rangées,Du baul de tant de gloire, ils s'étonnaient encorCes héros de Wagram, d'Aréole, du Tbabor!Lt lorsque le destin couronna ta vaillance,Ils admiraient surtout le calme, la clémence,La grandeur du monarque habile cl valeureux.Commandant a sa gloire,cl restant généreux.Aux bords du Minciote guidait ion génie,'lu combattais encor contre la tyrannie !

C'est ainsi que du ciel les desseins consommésConfondent l'oppresseur, sauvent les opprimés:C'est ainsi que Cyrus aux murs de lîabvlone

Surprenait Baltba/ar et renversait son trône.

III

Maisdéjà, jusqu'à nous, de lugubres clameursArrivent du Liban et glacent tous les coeurs!Indicible démence! aveuglement impie!Souvenir d'un passé que le présent expie,C'est, au nom du prophète, un long rugissement !

Du côté de la croix, un long gémissement !D'un

peuplede

Chrétiens,c'est le

glas quirésonne!

C'est la hache qui tombe cl le tocsin qui sonne!C'est un bagne en débauche au milieu des autels,

Spectacle épouvantable inconnu des mortels!Des forfaits les plus noirs le hideux assemblage !Une scène de feu, de 1eret de carnage,Des crimes inouïs dont l'horreur nous confond;Un abîme de sang! des cadavres au fond!

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- m -

IV

Contre ces attentats tu ne t'es pas levée,Et ton âme, Albion, n'en fut point soulevée!Kl que l'importe à toi! qu'importe à tes grandeurs('es festins dégoûtants de vils gladiateurs!Que le démon du mal les abreuve à pleins verresComme autrefois Bacchus enivrait ses panthères,Qu'importe! ton orgueil n'est-il pas satisfait?Et du nord au midi n'as-lu pas assez fait?Eh ! quoi? ne viens-tu pas d'affranchir l'Italie?Li gloire, au grand Hedan, qui donc l'a recueillie?

Qui jamais, tant que toi, lit pour l'humanité,

Pour l'intérêt du monde et pour la liberté?Ne l'as-tu pas portée aux confins tic l'Asie?El quand l'Inde pour loi, d'un saint amour saisie....

Quand l'Irlande a tes pieds.... Assez ! —de ton grand coeurIl est temps d'arrêter la dévorante ardeur.

Ce que tu n'a* pas fait, un autre, un infidèl",Chrétien par les vertus que son âme révèle,

Abd-cl-Kader enfin, ce noble Musulman,Au mépris de ses jours l'a tenté hardiment.— L'Europe a bien souvent admiré ton courage,Et la France, trente ans debout sur ton rivage,L'a souvent éprouvé, noble fils du désert !

Honneur! honneur a loi!c'est leciel qui te sert !Tu viens, par ton grand coeur, d'ajouter a ta gloire

Des litres immortels au respect de l'histoire?Y

Eh quoi! l'impunité va rester au Croissant!Le ci'inu doit-il donc demeurer triomphant!Non! répond une voix, la voix de la patrie:

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— 67 -

« Achevons noire ouvrage et sauvons la Syrie ! »Dece cri généreux, le monde retentit:C'est la voix de l'honneur! c'est la France !elle dit,Et bientôt, sur les mers, une Hotte nouvelleConduit les bataillons que l'infortune appelle.

— Elle est encor debout, celte race de preux,Héroïques guerriers, dont le bras valeureuxA si longlcmp.vprès d'elle enchaîné la victoire,Dont les siècles toujours ont gardé la mémoire iContre elle vainement tout le globe lutta.C'est elle qui luttait encore à Magenta ;C'est elle qui répond au signal des alarmes,Qui s'exile aujourd'hui pour reprendre les armes !

L'Europe vous contemple et vous laisse partir,Ah ! puissc-t-ellc un jour ne pas se repentir!Puisse-t-elle, plus tard, ne pas pleurer la gloireQu'elle vous abandonne au prix de son histoire !

Frères! parlez,donc seuls! qu'on sache en Orient

Qu'il existe toujours un peuple a l'Occident,

Dont un bras généreux relève les victimes,Et dont l'autre est toujours levé contre les crimes !Un peuple qui protège et punit a la fois,Dont les plus orgueilleux ont respecté les lois !Partez! de la patrie intrépide avant-garde,Portez haut ses couleurs! la France vous regarde !

M

Et toi! toujours mêlée a de sanglants débats,Toi que l'humanité reconduit aux combats,Mère !bénis tes fils! que ton astre les suive,Et bienrùt leur phalange abordant sur ta rive,France! tu livras des mains de tes enfants,Bien mieux (pie des huniers, des drapeaux triomphants,

10

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— 08 •

Los i.o'iiâlietio.io d'une famille ci.lu iv,La famille du Christ que couvre la bannière.

Malheur! malheur à ceux de qui l'enivrement

Croirait te rencontrer un  jour impunément !Ils le croyaient, ceux-là, quand pleins de leur délire,Ils osaient provoquer ton redoutable empire!Les Alpes et la mer leur servaient de renions,Dans leur quadrilatère ils se croyaient bien fovKIls avaient contre loi soulevé la tempête,Et l'orage bientôt a crevé sur leur tète!

Ainsi de l'insensé, résistant au torrent,Qui s'élance, s'élève et triomphe en courant ;Ainsi de ces rivaux, jaloux de ton génie,Qu'un éternel soupçon condamne à l'insomnie ;Ainsi, dans l'Orient, de tous tes ennemis.Oui ! le destin du monde h ton sceptre est remis!

Lorsque tu mets la main au pommeau de l'cpcc,L'univers attentif, attend une épopée!

C. de la Serve.

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vt uASôancc du 8 Mai l^,rv v ;

PRÉSIDENCE DE .'M, LE SL\ER.

M. lePrésident communique une lettre de M. E. Cotteret»

par laquelle il remercié ta Société d'avoir bien voulu souscrire

pour si* exemplaires de son volume de poésie: les Scnstttics.

M. Crivelli fait hommage à la Société) au nom de l'auteur

d'un discours de M. Hubert-Delisle, sénateur, sur une ques-tion qui intéresse l'avenir de ta Colonie. M. Crivelli annonce

que» outre les exemplaires destinés à la bibliothèque, il en

tient un à la disposiflbH do chacun des membres de la So-ciété.

Par une résolution prise à l'unanimité, la Société chargeM. le Président d'écrire à M. IL Delisle pour le remercier du

concours actif  qu'il veut bien continuer à une institutiondont ilest le fondateur.

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- 70 —

M. Voïart lit une comédie-vaudeville en deux actes:Le Bisaïeul

La séance est levée à 10 heures.

Le Secrétaire,

P. DR Mo^TORAND.

Le Président,

Lu Siner.

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LE BISAÏEUL,

Comédie-Vaudeville en dent actes,

PAR

ut. tioiiu-t.

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M . de.M\KSl(iNY, ancien négociant 98 ans.

M. îMAUJ'ÎYlLLK, son petit lils, négociant. . i8 ans.

KAOUL, l ,. ... ,. „ ... 21 ans.,,.,,,,,,,,., cnlanls ilo 31. Malloville . . . ._MAllllLI)h,j 19 ans.

FlïrJXDAKIAY, médecin 28 ans.

LUZ\(jUKT, éleveur de bestiaux 38 ans.

La scène se passe à Paris, chez M. Malleville.

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LE MISAIKlJJ,

Comi:mi:-Yai;iu:vii.li: un in-:i'x .u:n:s.

I.c Théâtreiopicvsentounsalun.l'oile au fun<l.potles latéiales.Agan-clie,unelablr «Mil1fi'p «l'un'a is a oc i-pqu il fui! | o>irécrire. In avantde la table,ungiatul laulcnilà dossier('Itné.

SCÈNE K

M. de MAHSIC.NY. UATIIILDE. entrant par la droite.

M.uiui.m:.

Comment! bon papa, vous ne prenez, pas muii hras pour

•appui? M. de Mausic.ny.

Non, Mademoiselle, je n'ai pas besoin de voire bras; macanne me siiflit, et même, je ne la porto (pie comme conte-nance. Mais pensez-vous donc., jeune fille, que si le mois

prochain doit voir s'accomplir ma quatre-vingt-dix-huitièmeannée, je sois pour cela un vieillard ! Erreur, ma chère ; et.

prends garde qu'au premier bal, je n'aille te demander une

polka ! (Il fredonne un air de polka, et, en s appuyant sursa canne, il marque la mesure avec les talons. ) Vois-lu ce-la ? Prends garde, te dis-je.

Mathilue.

Mais, bon papa, je serais bien heureuse el bien fière sivous me faisiez celle galanterie.

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- 71 -

M. de Marsigny.

•fou suis moralement convaincu, surtout si  je nn trouvaisalors en concurrence avec, M. Félix Dai'lay.

Mmiiii.dk.

M. Félix?

M. de Marsigny.Je connais ça. Antoine Dai lav, son grand père, chirurgien-

major il un régiment suisse, a été tué, à certain 10 août, enfaisant bravement son métier, sous lu feu. Prosper Darlay,le père de M. Félix, chirurgien-major aux grenadiers de h

garde impériale, a eu un pied gelé en Russie. Il ne danserait

pas la polka, lui. Je connais ça, te dis-jc. Et M. Félix Darlaylui-même, qui a fait, en amateur, la campagne d'Italie, com-

me chirurgien auxiliaire, et y a attrapé deux balles... et la dé-coration. .. Eh bien ! Est-ce (pie je ne connais pas ça?

Matiiildë.

Tant mieux, cher bon papa, car

M. de Marsigny.

Car ma chère petite fdle Mathilde, -qui donnerait la préfé-rence à son bisaïeul sur M. Félix pour une polka, donnerait la

préférence à M.Félix sur tutti quanti... pour en faire sonmari.

Mathilde très vite.

Mon père connaît les intentions de M. Darlay et ne les dé-

sapprouve pas. Mais M. Félix, qui doit être attaché au servicedu Val-de-Grâce, attend cette nomination pour faire sa de-mande.

M. de Marsigny.C'est 1res bien:AIR:T'en souviens-tu.

Lorsque Ton veut songer au mariageIl faut sans doute obéir h l'amour ;Mais ce follet, dans son esprit volage,Chez,nous souvent abroge son séjour.

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---  /«> —

A\ec l'amour, une simple chaumière.Semble sullire au bonheur des époux ;Mais ils'enfuit quand il craint la misère;Dorez sou nid, il restera chez \ous.

Or donc, Félix attend sa nomination qui, sans doute, netardera

pas?

Matiiii.dh.

Ilelas ! M. Félix a un concurrent redoutable, protégé parle Directeur qui doit l'aire la proposition au Ministre.

M. de Maiisk.xv.

Kt quel est ce Directeur? tu dois le savoir.

Matiiii.iif..

M. de Bussy.M. de Maiisignv.

M. de Hiissy ! je connais ça. Attends. (Il s approche de latable, mel des limettes pince-nez, s'asseoit et écrit. )

« M. le Directeur,

» Kn mil-sept -cent-quatre vingt-treize, M. le Comte dit» Bussy, votre père, grand propriétaire en

Champagne,al-

» lait )asser devant le tribunal révolutionnaire ; le président» du t istrict d'Epcrnay, M. de Marsigny, est parvenu à sau-» ver a vie et la fortune du Comte. M. de Marsigny s'inte-» resse vivement au  jeune Fclix Darlayqui sollicite un em-» ploi au Val-de-Gràce. C'est à prendre en considération ,» n'est-ce pas, surtout quand la recommandation viciât d'un» presque-centenaire?

» Votre serviteur,

» de Marsigny. »

(Il plie sa lettre, met l'adresse et sonne. Un domestiqueparaît.)

Celle lettre à son adresse. ( Il ùle ses lunettes et se lève. )Vois-tu cela, petite? Il faut que tu saches aussi que le Comtede Dussy, plus lard, avait demandé la main de ta défunte

tt

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— a> —

m'iiîiit nti'i'f*, ikutpauvre tille ; mais la pl;nv était prise. I.aissi-done aller les choses, nous verrons iv que cria (II*viendra.

M.viïm.ih:.

Oh ! vous êtes liti'ii mon bon papa !

.M. de Mahsionv.

Bah !il faut bien tpit' jt' m amuse à quelque chose;.

SCfcNK II.

Les mêmes, HAOLJL en petite tenue de lieutenant dechasseuis: il entre en donnant des s'ujnes d'humeur et jette,son keppy sur un fauteuil.

M. <leMahsuîny .st retournant.

Lieutenant .Malleville.nous ne sommes pas ici à la caserne.

Hvoi i..

Pardon, lion papa, c'est que je suis furieux.

.Matiiii.iu-:.

Qu as-tu donc, mon frère?

Kaoli..J'ai envie de chercher querelle à Unit le momie,

M. de Mahsicny.

Même à moi?

Kaou. souriant.

IVul être bien.

M.vnni.nK.

Mais enfui, quelle est la cause de cette fureur?

Alll: Vousi|ui redoutezl'esclavage.

Lorsf|iio, sur un champ de bataille.I'ji obéissant a l'honneur.Tu frappes d'estoc et de taille,IVnnis à loi d'être eu fureur.

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— t i —

M'ait-î-ous le toit (If lOllC pt'l<»Où lu ne \ois que di'S tiiuis,Mon (lut K;ioul, point de colère,<i;<i\le-l:t | o:ii' les oimcitiis.

Kaoi'i..

Vtiilà  jiislrmeiit |ioui*t]ti(.iijesuis furieux; c'est qu'on neveut pas me Isiissm*aller voir l'ennemi. l"n île mos camarades,lieutenant «li*spabis, que la morl de sou père rappelle d'Algé-rie, m'oiVrede permuter, et morbleul nton eolouel ne veut

pns y eousentir !

M. m: Maiisionv.

Kl tu as coi.suite ton pèie?

Iîaoii..Mun père qui m'a permis d embrasser la carrière des ar-

mcs, ne m'a pas condamne à la vie de garnison. Il connaîtmon désir.

Matiiii.kk.

Tu as donc bien envie .l'aller te faire tuer?

Uaoii..

Non, non, petit*' s cur, mais d'aller gagner mes épauletlesdj capitaine.

M. w. Maksu;xv.

Valu es sur de les obtenir?

Kaol'l.

Avant six mois, vous aurez a me les envoyer.

Matiiildk.Présomptueux.

M. dk MAnsicNv.

H n'y pas de mal. Mais dis-moi, comment s'appelle toncolonel ?

Haoll.BiTlhelol.

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— 78 —

M. hF Marsigny.

lU'Hlit'lol... dcllrenoble?

Kauii..

Il y est ne. unis il a clé élevé à Paris.

M. i»hMahsigny.

Je connais <;a. Kcoute: Vax 1815, M,,,e lîerthelot, veuved'un négociant de Grenoble, qui s'était brillé la cervelle, ense voyant ruiné parla Instauration, se réfugia à Paris, dé-nuée de ressources, avec un tils âgé do 11 on l'l ans. Les pa-rents sur lesquels elle comptait, reconduisirent poliment;mais un correspondant de M. tieïtlielot, qui avait connu la

probitéet

lesmaibeurs de cet

lionune estimable, vint en aideà la pauvre femme au moment oii la douleur la réunissait àson époux. Il lui avait promis de se charger de l'enfant quis'appelait Joseph Gratien; il lui lit donner de l'éducation etle plaça ensui'.eà l'école militaire. Joseph Gralien Berthelotest aujourd'hui colonel ; il n'a pas oublié le correspondant(Seson père, (l'était moi.

Viens, petit, conduis-moi chez ton colonel, et tu pourras.  je pjns. 1,ailjr W,l'aire luur, si cela te convient.

Kaom..

Toujours bon.M. dk Marsigny.

Laisse-moi donc tranquille, il faut bien que je m'amuse à

quelque chose. Viens-tu?

Haollallant vers le fond.

Je vous accompagne ; je vais seulement demander lavoiture.

M. dk Marsigny l'arrêtant

Non pas, s'il vousplait, Monsieur des Spahis; on a des jambes, on s'en seit.

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— 7i> —

SCÈNE ni.

Lks Mêmes, M. MALLEVILLE.

M. MALLEviLLEc/o/inaritla main àM. de Marsigny.

Eh bien! Mon père, toujours avec les enfants?M. de Marsigny.

Hé ! lié ! c'est de mon âge.

AIR:Pourunsoldaiqui n'ena pasl'usage.

Plus on est près du terme du voyage,Plus on voudrait revenir sur ses pas;Les souvenirs des rêves du bel âge,Dans nos vieux jours sont toujours pleins d'appas.Mais on a beau les rappeler sans cesse,Leurs horizons lointains sont trop changeants;On les retrouve auprès de la jeunesse,Voilà pourquoi j'aime les  jeunes gens.

(A Raoul.) Venez-vous, Monsieur l'officier?

Raoul.

Je vous attends, bon papa.M. de Mahsigsv à M. Malleville.

Nous allons, Raoul et moi, (aire une partie do garçons;soyez tranquille, nous serons sages.

M. Mai.lkvu.i.e.

Oh ! du moment que Raoul est là, je ne crains rien.

M. de Marsigny à Mathihlc, en prenant sa canne ni sonchapeau qu'il a posés pour écrire.

Adieu, petite.Maiiui.de l'embrassant.

Au revoir, iiiuii bien-aimé bon papa.

[M. de Marsigny et Iiooul sortent par le fond.,

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— 80 —

SCHXFIV.

MATHILDF, M. MALLKVILLK.

M. Mam.kvim.k.

(-hère enfant, je t'annonce une visite.

Mamuni:.Mon Dieu, mon père, quel ail*solennel !

M. Mam.kvim.k.

Oh! rassure-loi, il s'agit d'un original, d'un M. Bi/.aguel,(jui possède d'immenses pâturages en Normandie et qui élève;il est plusieurs l'ois millionnaire. Il l'a vue aux Tuileries,il désire l'être présenté, et il est venu assez rondement s'a-

dresser à moi dans ce but. Ce n'est plus un  jeune homme.'mais il n quarante ans tout au plus. Au reste, tu le verras.

Matiiimm:.

Mais à quoi bon, mon père, je te le demande?

M. Mam.kvim.k.

Ma toi. ma chère amie, un mari qui a trois ou quatre mil-

lions, n'est pas à dédaigner.Matiiii.de vivement.

Un mari!... il me semblait, mon père, que M. FélixDarlay

M. Maj.lkvim.k.

Il me semble, ma tille, que M. Félix Darlay ne se presse;guèreset ne se décide pas souvent. Je l'aime beaucoup, mais

tu as dix-neuf  ans, et tu sais que j'ai pris vis-à-vis de moirengagement de le marier avant tes vingt ans.

Matiiimik.

Sans doute ; mais Félix attendait,ne telai-je pas dit? qu'ilse lût l'ail une position, et j'ai lieu de croire... (pic... avantpeu... il l'aura obtenue.

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— 81 —

M. MALLEVILLE.

Soit ; je ne demande pas mieux. En attendant, tu recevrasM. Bizaguct; cela ne t'engage à rien.

AIR:Dans unvicuv château de l'Andalousie.

Vois-tu,chère

enfant,il

faut, dans la vie,Savoir faire accueil aux indifférents;Je le conçois bien, tu n'es pas ravie,Mais savons-nous donc ce que peut le temps?Sans doute, aujourd'hui, que ton coeurespère.Tu.dois te bercer de rêves d'amour;Mais, qui sait? demain, le millionnaire,Après son rival, peut avoir son tour.

Mathilde.

Oh ! pour cela, nion père, janrais !

SCÈNE Y.

MATHILDE, M. MALLEYILLE, BIZAGUET

(Un domestique entre et annonce.)

M. Bizaguel! (sortie.)Bizaglet donnant un coup de coude au domestique.

De quoi ! de quoi ! est-ce qu'on m'annonce, moi?

M. Mai.lemlle allant au devant de lui.

Pardon, nion cher Monsieur, j'avais dit à mes gens de nié

prévenir quand vous nie feriez l'honneur de vous présenter ici.

BlZAGUET.

Sufïicit. Eh bien! nie voila. Je ne suis pas long, hein?lirais cossu. Tiens ! la belle enfant est là? (Il la salue en lui

faisant un signe de télé. Mathilde lui fait une révérence. )"St. M.ULEV1LLE.

D'après le désir que vous m'aviez exprimé et qui nous dal-le, ma lilleel moi, je l'avais priée de rester au salon:

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-~ «Si>—

Biza<;ii:t.

C'est gentil de votre part, parce que, voyez-vous, moi,  j'aime que les choses aillent tout de go. (// passe entreM. Malleville et Matliilde.) Ma belle demoiselle, je vous ai

vue hier dans le jardin du Gouvernement, où, par parenthèse,on pourrait faire un bien beau patinage, ma foi; et je mesuis dit : Cristi ! voilà une bruuelte qui me revient! Si je pou-vais lui revenir aussi, ça me chausserait! Mais pour lui reve-nir, que j'ai ajouté, il faut bien quelle me voie. Alors, je suisvenu trouver le papa et je lui ai conté la chose. 11 a mordu:reste à savoir si vous voulez mordre?

M.vrwi.nK.

Monsieur, je....

lhzA<;n:r l'interrompant.

Attendez donc,je n'ai pas fini. Vous saurez,primo d'abord,que j'en ai des mille cl des cents, que ça fait trembler, et que

 j'en donnerai à ma femme plus qu'elle n'en pourra porter dansson tablier. Kl des herbages! des pâturages,si longs, si longs,

que lorsqu'onest à un bout, il faut un

berlingot pouraller à

l'autre sans se fatiguer. Secundo, je suis une bonne pâted'homme, pas grognon, pas embêtant, et enfin, je m'appelleIsidore de mon petit nom, Isidore Bizaguet ; ce qui fait quema femme pourra m'appeler Dodor, et c'est bien gentil.

Maïiiii.dk avec impatience.

Monsieur, avant d'énumérer les avantages....

lîiz.vui-KTl'interrompant.De quoi ! de quoi ! je ne vous ai parlé que du moral ; quant

au physique, (il tourne sur lui-même.) le voilà; trente-huitans;  joue suis pas unBarbaroux {Parlant à M. Malleville).Je dis un Barbaroux, parce que défunt mon père m'a conté

que c'était, dans son temps, tout ce qu'il y avait de plus Vénusmâle, (à Matliilde). Je ne suis pas un Barbaroux, ils sontrares; mais la beauté chez l'homme est un avantage ineohé-

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— 85 -

mit. Kl puis, un colfre! (Use frappe la poitrine.) Bâti àchaux et à sable! C'est pas moi qui ferai porter mon deuil àma femme, allez. Pauvre petite femme, pour lui rougir lesyeux? plus souvent ! Ça vous va-t-il ?

Matihluë se retirant en arrière et partant à demi-voix.

Mais, mon père, c'est intolérable!

M. Mai.levm.m-:quia souri ù toutes les na'icetès de Hizaguct,fait un siyne à sa fille.

Monsieur lïizaguel, vous prouvez d'une manière victo-rieuse la vérité de ce proverbe, la foi lune donne de l'esprit.

Vous avez parlé d'or ; mais, bien (pic, comme vous, j'aime àvoiries choses aller tout de i/o, je dois vous l'aire observer

qu'une jeune personne bien née, avant d'éprouver un sen-timent d'affection, a besoin d'un certain temps pour connaîtreet étudier celui à qui on lui demande de s'unir pour la vie.

lîiz.viui:r.

Ali! il faut du temps! Khbien! Kludiez. D'abord, je ne

suis pas pochard, je ne suis pas ladre ; je ne vous demandepas d'argent, je n'en veux pas, j'en ai ; et même, le beau-pèreaurait besoin de quibus, cent mille, deux cent mille, un mil-lion?  je lui dirais: tope! voilà. Ali ! il faut du temps ! ça pour-rait pourtant se bâcler si vite!

A1K: de l'iV'utlr»et Tnconnel.

Je vais rondo quand je lais mie affaire;Pourquoi tourner longtemps autour du pot?

Ilmcsulfit d'un peu de savoir-faire,Kl Dieu merci ! je ne suis pas manchot,Non, Dieu merci! je ne suis pas un sot!Vous prétende/, que pour le mariageIl faut toujours accorder un délai,.le le veux bien; mais alors, si c'est vrai,L'hymen est donc un lneufde labourage,Qu'on doit d'abord ne prendre qu'a l'essai.

Voyons,belle

enfant,combien de

tempsvous faut-il?

n

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— 84 —

Matuii.dk.

On me donnerait dix ans, Monsieur, que je ne.. .

M. Mai.levii.lk l'interrompant en passant auprès d'elle.

Mon cher Monsieur Bizaguet, on ne peut,, en pareille cir-

constance, fixer un délai, comme pour le paiement d'un billetà ordre. Ma maison vous est ouverte; venez quand il vousconviendra ; je ne vous fais aucune promesse; mais si vousparvenez à plaire à ma fille, nous ne serons pas éloignés denous entendre.

( Mathilde fait un mouvement de joie.)

Biza.glet qui a vu ce mouvement.

De quoi! de quoi! C'cst-il parce que je viendrai vous faire,un doigt de cour, que vous êtes contente? ça me ganterait,et ça ne serait pas malheureux, car je ne peux jamais réussirà mettre mes gants qui s'usent dans mes poches. Eh bien !e'estdit ; vous allez être mon pâturage, et vous verrez que

 je sais ruminer. Allons, maintenant je coupe ma longe; aurevoir, belle enfant. ( Mathilde lui fait une révérence.) Oh ! jen'aime pas ça ? une bonne poignée de main, ça vaut mieux.

( //  lui prend la main malgré elle et la lui secoue ; elle jetteun petit cri. ) Tiens! est-ce que je vous ai fait mal ? c'est

qu'il faut vous dire que j'ai louché beaucoup plus de boeufsque de demoiselles ; soyez tranquille ; à présent, j'irai aussidoucement que si j'avais affaire à un agneau qui vient de naître.Je m'en vas donc. Au revoir, papa Mal(cvillc ; ce qui est ditest dit, quand je serai votre gendre, mesquibus seront là,^ivotre disposition.

M. Mallkmllk le reconduisant.

Merci, Monsieur; j'espère que, dans ce cas, ma position;personnelle me permettra de n'avoir pas besoin de recourira vous. Je ne vous en suis pas moins reconnaissant. Au re-voir, mon cher Monsieur. (  // lui donne la main. )

( En se retournant, liizaquct heurte rudement Félix quiçnfrait fort rite. )

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— 8.) .-

Nizagif/i à Fi'li.r.

Pardon, excuse, Monsieur ; mais je n'ai pas d'yeux à l'o-moplate .

( Félix lui fait un loyer salut. liizaguct sort.)

SCftXK VI.

MATIIILDE, FÉLIX, M. MÀLLKV1LLK.

Fkf.ix.

CherMonsieur Malleville, Mademoiselle, soyez les premiersà connaître mon bonheur : je suis atlaelié au service du Val-

de-Grâce.

Mauiii.uk.

.le m'en doutais.

M. Mam.kvii.i.k.

Knclianlé, mon cher Félix. Vous savez tout le bien quejevous veux ; mais n'aviez-vous pas un concurrent dont, le cré-dit vous effrayait ?

Félix.

VAce n'était pas sans raison. .l'étais allé ce matin chez leDirecteur, pour chercher à le (lécliir ; mais il m'avais enlevétout espoir et me congédiait, lorsqu'on lui remit une

lettre. Je n'avais pas fait vingt pas ,qu'un garçon de bureaucourant après moi, me pria de revenir chez le Directeur.

Monsieur, me dit ce dernier,en me montrant sa lettre, « avec» des amis comme ceux que vous avez, vous devez remporter.» Voyez, voici mon mémoire de proposition ou  jo viens» d'inscrire votre nom. Allez, mon cher Monsieur, et dites» à votre protecteur que je serai toujours heureux de lui» être agréable. »

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— 86 -

Matiiii.dk.

Vous êtes-vous acquitté de cette commission ?

Félix.

Non, car ilme faudrait connaître ce cherprotecteur.M. Mallemlle regardant Mathilde.

Je parierais qu'il y a ici du M. de Marsignv.

Mathilde.Et lu gagnerais, car c'est bon papa qui a écrit cette pré-

cieuse lettre.

FïLIX.

Quoi ! ce bon M. de Marsignv ?

M. Malleyu.lk.

Oui, oui, il en est très-capable.

Mathilde.

Et c'est devant moi qu'il a écrit.

Félix.

Oh ! que d'actions de grâces à lui rendre ! car maintenant,Monsieur, j'ose espérer que vous m'accueillerez comme untils.

M. M\iiY,\iLi&passant entr'eux.

Ma chère Mathilde, il me semble, d'après la mine, queM. Bizaguet pourrait bien en revenir à ses moutons. Oui,mes enfants, votre union nie paraît convenable ; mais, lais-sez-moi deux jours avant de la fixer irrévocablement. J'aidemain une fin de mois très-lourde, et les affaires me récla-ment. Je vais chez mes banquiers, MM. Hanssmannet C'°,pour retirer une somme de 700,000 francs que je leur ai con-fiée et qui m'est indispensable. Demain, je ferai honneur à ma

signature de place, et après demain, je m'occuperai de faire

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— 87 -

aussi honneur au demi-engagement que je prends vis-à-visdevons. Embrasse-moi, ma fille ; adieu, Docteur. ( Mathildeïembrasse. Félix lui serre la main. ) Vous n'êtes pas encorede la maison, Félix, mais, faites comme chez vous.

Félix.

Ah! Monsieur, quedejoie vous me donnez !

Mathu.de.

Mon père me permet donc de faire aussi accueil à d'autres

qu'à des imliflérents?

M. Mam.kvili.i-:en sortant.

Accueil modéré pendant deux  jours ; après cela, nous

verrons.

SCÈNK VU.

MATHILDE, FELIX.

Félix prenant les mains de Mathilde.

Chère Mathilde !

Mathilde.

Mon Félix !

Félix.

Qu'il me larde de voir M. de Marsignv !

Mathilde.

Vous le verrez bientôt, mon ami. Mais savez-yous que j'avais fait une conquête? un ultra-millionnaire qui répondau nom d'Isidore Bizaguet.

Félix .

Qu'importe? ne sais-jc pas que vous devez charmer tousles yeux ?

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— 88 —

A1K.Heslez.restez,troupejolie.

Que chacun vous trouve jolie,Fn vérité, je n'y puis rien ;Ft je n'ai pas de jalousie,Puisque cet avis est le mien,(l'est un tribut qu'à son passage

Recueille partout la beauté;Fsl-on donc jaloux de l'hommageOffert a la divinité?

Mathu.di:.

(l'est bien l'aile, ce que vous dites là ; niais je vous le passeen raison du peu d'habitude. Et maintenant, remarquez, jevous prie, que ce Monsieur Dodor, comme il désire èlrc ap-

pelé parsa

femme,s'est

présentécarrément comme

préten-dant à la main de votre très-humble servante, et mon pèresemblait l'encourager, disant que vm.s ne paraissiez pas (rèss-décidé à vous décider

Félix.

Qu'importe, encore une fois? puisque mon bonheur estmaintenant une chose assurée.

Matiiiuie.Comment, marbre que vous êtes, l'ombre d'un rival ne vous

émeut pas ?

Fki.ix.

Je suis impassible.

Matiulde.

C'est bien; mais que M. Bizaguel revienne, et je verraicomment s'en tirera votre impassibilité ( Ecoutant dubruit dehors. )'Vme/., justement, je l'entends.

Félix souriant.

Qu'il vienne! nous avons déjà, je crois, échangé des no-Vitesses.

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— 811 -

SCK.XKVHI.

ïesmêmks, WZAGIJKT.

Iîi/aci kt repoussant un domestique.

(les gredins là voulaient encore m'aunoneer ! je n'aime paaça. ( A Mathilde. ) Me voilà, belle enfant ; j'ai été  jusque chez

moi, de l'autre côté de la rue. Je n'y tenais pas ; j'étais connueun boeuf piqué par un taon. Kl puisque le papa Malleville m'adit (pie la maison m'était ouverte, je viens, comme c'est con-

venu, vous faire un petit doigt de cour.

Matiuldi? lui faisant une révérence.

J'ai l'honneur de vous présenter M. Félix Darlay, docteur-^médecin. ( Fçlix salue. )

liiz.yr.uKTfaisant un petit salut de tête.

Je préférerais qu'il lut vétérinaire! ; ça nie coifferait mieux, à.cause des hrmifs. Mais c'est égal. Bonjour, comment ça va?

(Félix salue.) Vous êtes le médecin delà, maison ?

Fkux.Pas encore, Monsieur, mais cela ne tardera pas, je l'espère,

Biz.v(iiii:T,

C'est lion ; moi aussi t je veux en être, de la maison ; ( ili

 \%it.) ha ! ha ! ha ! ha ! Mais  je vous préviens qu'avec moi, çafait brossa : jamahi malade ; le pont-neuf  en chair cl en os.

N'importe!dans un bon

ménage,un médecin doit servir au

inoins une fois par an . ( Jl rit. )

Matii.ii.iu:.

Monsieur IVizaguel!

UlZACUKl,

ÏU'lle entant !

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— <)0 —

Mahul.dk.

Il me semble qu'avant de parler de ce c|ui est nécessaire àun bon ménage, il faudrait qu'il y eût d'abord un ménage.

BlZAUUET.

Kh bien donc !ça viendra, puisque je suis là et que vouséludiez.

Félix.

Pardon, Monsieur, je dois vous avertir (piej'ai des préten-tions à la main de MlleMalleville.

BlZAGLKT.

Bon ça ! au plus fort la poigne. Avez-vous des éeus?

Félix souriant.

Hélas ! non, Monsieur.

Matiiii.dk.

M. Darlay sait.que j'ai la plus profonde indifférence pourles cens.

Bizagukt frappant dans ses mains.

Oh ! bab! vous, vous n'avez pas d'écus, et vous, vous neles aimez pas !Fxcuscz ! moi, j'en ai, et je les aime.

AIU:l.ainùrcHontcnips.

Soyez convaincusQue, sur cette cliienne de terre,

Avec les écusOn t'ait bien voguer sa galère.

Qu'un sot animalDise: vil métal!

C'est qu'il n'en a pas dans sa poche;Maisau doux son de celte cloche.

Vous verrez CrésusEpouser Vénus.

(Il se tourne avec un air aimable vers Mathilde.)Je suis Crésus et....

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-. <)| --

M.vtiiildk très-vile.

.1cik; suis pas Vénus.

lllZAGUKT.Do quoi ! do ([iioi!

SCÈNE IX.

Lksmrmes, M. de MAUSIGÎSY, HAOUL

Kaoil //ah/ /(,*̂ y;s <7eJ/. </cMai'siyny-

AIU: Hataillc!l'alaillc!

Victoire !Victoire,

J'arriverai,bon gré, malgré ;

Victoire!Victoire!

•le partirai.Honneur a notre bon grand père,domine il sait conduire une aflairo!Mon colonel par lui capté,

A vile étéMaté.

Victoire !Victoire, clc, etc.

( Félix et Raoul, se donnent la main.)

Matimi.dk.

Tu permutes, Kaoul?

M. de Mahsigny souriant.

Il permute.

Félix allant à lui et lui prenant la main.

Ah . Monsieur, je suis heureux de pouvoir vous exprimertua rccounaissiiMce.

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— i)2 -r-

M. do Maksk.nv.

Ail'aire d'occasion. Voyez-vous, mon cher Félix, loccasioilest la plus facile des maîtresses, ( lui parlant bas. ) mais il nefaut pas la.... manquer. (Il se retourne, regarde altcrnative-nleut Matltildc et Bizagact. et reste les ijeuûùfixés sur ce der-

nier. )Bizagl'kt à part.

Qu'est-ce qu'il a donc, le vieux, à me regarder comme si

 j'étais le boeuf gros?Matiiiluk.

Bon papa, j'ai l'honneur de vous présenter M. Isidore

hizaguet,qui partage avec laboukwgère un bonheur bien rare;Bizagum riant et chantant.

La boulangère a des écus...

Ha! ha! ha! ha!

M. de Mahsiuny se frottant le front.

Bizaguet oii diable ai-je connu ça ?

Haoulù son grand père.

(le brave Monsieur a l'air d'une devanture de bijoutier.

Félix à M. de Marsigny.

M. Bizaguet, qui a des veux, n'a pu résister aux charmesilu MlleMalhildc.

BlfcAGMiï.

Et le papa Malloville, qui a des oreilles, n'a pu résister auxcharmes de mes écus. (Il rit. )

M. de Marsignv à Félix.

Mais la porte du Yal-de-Cràee est ouverte) ce me semble ?

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~ m -

.Maium.ih:bas à son nrand père.

A tut ballant seulement: mon père ouvrira l'autre dans<Iciix jours.

M. de Mausu;nv.

Bien, lu*en! mais alors ce Monsieur iVi/.aguet !... ' à part/.oii diable ai-je eonnu ça?

.M.uiuiDi- haussant les épaules.

Mon père a autorisé ses visites.

M. de Mauskînv.

Ah! ah!

Haoii,.Cher bon papa, j'ai retardé votre déjeuner, il est onze heu-

res, et mon père a dit de ne pas l'allendrc. Appuyez-vous surle spahi, et allons voir si les huîtres sont ouvertes.

M. de Mahsh;nv.

Marche/, lieutenant, j'emhoiterai.H voir.

Félix, donnez le bras à ma soeur. Monsieur Bizaguetje re-grette que l'absence de mon père ne me permette pas de vousofl'rir de partager notre pauvre déjeuner de famille.

Félix prenajit le bras île Malhikle.

Monsieur Bizaguet, je ne suis pas encore delà maison.

M.uïili.di:.

Monsieur Bizaguet, le déjeuner d'un homme comme vous,vaudra beaucoup mieux que le nôtre.

M. de Marsignv s arrêtant près de la porte de (jauvlte et seretournant.

Monsieur Bizaguet, je vous présente mes civilités.

Ils sortent par la porte de <jauehe. )

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M. (1(5MvKSKiNY.

All'airod'occasion. Yove/.-vous, mon cher Félix, l'orcasioiiest la plus facile «les maîtresses, ( lui parlant bas. ) mais il dofaut pas la.... manquer. (Il se retourne, regarde alternat ir.e-Uïeut Mathlhle et Bizaguct. et reste les tjeux fixés sur ce der-nier. )

Wwmwv.tà part.

Qu'est-ce qu'il a donc, lo vieux, à me regarder comme si• jetais le boeuf gros?

Matiiii.uk.

Bon papa, j'ai l'Iionneur de vous présenter M. Isidore

Bizaguet,qui partage avec laboulangère un bonheur bien rare:

Iîizaglki riant et chantant.

La boulangère a des écus...

Ha! ha! ha! ha!

M. de Marsiunv se frottant le front.

Bi/.aguet où diable ai-je connu ça ?

Raoul ri son grand père.

(le bravo Moiieioùra l'air d'une devanture de bijoutier.

Félix à M. de Marsigny.

M. Rizaguct, qui a des veux, n'a pu résister aux charmesde M»cMathilde.

BlfcAUUET.

Ktiepapa Mallcvillu, qui a des oreilles, n'a pu résister auicharmes de mes écus. ( // rit. )

M. de Maksigny à Félix.

Mais la porte du Yal-dc-Gràce est ouvirlc. ce nie semble i

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--.-•i»r>~

M \nui.m. bas à son grand pire.

  \ un haltanl seulement; mon père ouvrira l'aulie d;iu*deux  jours.

M. (11!M.UlSIUXY.

l'it'ii, bien ! niais alors ce Monsieur IViy.ngucl!... à pari.ou diahleai-je connu ça?

Matiiu.uk haussant les épaules.

Mon père a autorisé ses visites,

M. de M.viïskînv.Àli ! »li !

Haoi I..

(Hier lion [lapa, j'ai retardé votre déjeuner, il est onze heu-res, et mon père a dit de ne pas l'attendre. Appu\ez-\  ous surle spahi, et allons voir si les huîtres sont ouvertes.

M. de Mahsu.nv.

Marelle/., lieutenant, j emboîterai.

Haoii..

Félix, donne/, le liras à ma soeur. Monsieurlîizaguetje re-grette que l'absence de mon père ne me permette pas de vousoflïir de partager notre pauvre déjeuner de famille.

Feux prenajit le bras deMathilde.

Monsieurliizaguel, je ne suis pas encore delà maison.

Mumi.bi:.

Monsieur Bizagucl, le déjeuner d'un homme comme vous;vaudra beaucoup mieux que le nôtre.

M. de Marsignv s arrêtant près de la porte de gauehe et seretournant.

xMonsieurliizaguet, je vous présente mes civilités.

( Ils sortent par la porte de gauche^ )

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SOENFK.

WAGVKTseul.

Bi/.awii:t qui les a regardes à mesure qu'ils lui parlaient.Goujats! est-ce qu'ils croient par hazard que je no sais

pas ce que c'est que des huîtres ? il n'y (pie six lieues de Can-caleàmcs pâturages d'Arouville, (il met son chapeau avechumeur. )

AIR:Honjour,monamiVincent.

Doit-on ainsi procéder

Quand on va manger des luiilrcs '!Ils pouvaient bien m'inviter;Ce sont de laineux bélîtres.Maisle papa n'était pas la ;

A quoi bon crier comme un angora ?Je ne veux pas casser les vitres,Car j'en tiens pour la belle.... et voila.

Oui, calmons-nousEt filons doux,

Faut savoir hurler avec les loups.( Il s approche de la porte de gauche et se fait un porte-

voix de ses mains.)

Adieu, malhonnêtes! il y a des huîtres rue Monlorgueif.

( Il sort d'un pas majestueux. )

Fin du 1er acte,

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ftCTE II.

Mémo décoration qu an 1eracte.

SCÈNE Ire

M. de MARSIGNY, MATIULDK.

( Au lever du rideau. M, de Marsigny est étendu dansle.grand fautcuil^sur le devant du thèutre/i gauche. Mathildc

brode, assise auprès de la table. )Mathii.de posant son ouvrage sur ses genoux et regar-

dant M. de Marsigny avec affection.Cher bon papa, comme ildort profondément ! Moi, je mus

à mon poste.AIR:an bal,je l'ai revu.

0 vous qui, dans le cours d'une longue carrière,De tant de malheureux vous êtes vu bénir,Pendant que le sommeil ferme votre paupière,Ne puis-jc rappeler ce touchant souvenir ?Qu'un songe bienfaisant berçant votre pensée,Charme ce doux repos qui vous pïail parmi nous ;Moi, votre enfant chérie, heureuse fiancée,

Je suis la, mon bon père, et je veille sur vous.( M. de Marsigny tousse. )

Oh ! Mon Dieu ! l'aurais-jc réveillé? (Elle s approche de luisur la pointe du pied et le regarde.) Non, heureusement. (Peu-dont quelle se tourne pour reprendre sa place, M. de Mar-

signy ouvre les yeux et lui envoie un baiser. Il refermeaussitôt les yeux. )

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— 96 -

SCfiNF H.

la-s mêmes, FFLIX.

Félix.

Je vous trouve, chère Mathilde.

.Mathu.dese levant et portant le doigt à ses lèvres.Chut ! bon papa repose.

Félix l attirant vers la droite du devant de la scène.

Venez par ici, nous ne troublerons pas son sommeil.

( Mathilde le suit après avoir jeté encore un coup-d'oe lsur M. de Marsigny. M. de Marsigny rouvre les yeuxens ap-

puyant sur le bras du fauteuil et les regarde avec bienveil-lance. )

M. de Marsigny à demi-voix.

Chers enfants !

Félix.

Haoul voulait nie montrer le nouvel équipement dont ils'était

déjàmuni ;

jelui ai demandé un moment,

j'avaisbe-

soin de vous voir, Mathilde, de vous parier de mon bonheur.

Mathilde.

Comment? L'amabilité bovine de M. Bizaguet ne vous don-ne pas d'inquiétudes?

Félix.

Je terme lesyeux

sur sesmérites,

et j'espère.

Mathilde.

Noble confiance ! En attendant, cher Félix, vous ne devez

pas être ici. Ce quasi tête-à-tête n'est pas encore à l'ordre du

 jour.

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- 07 -

Félix .Mais au contraire, el je l'ai prémédité.

AlU: do la villeet ilu village.En attendant que le destinAccomplisse notre hyménée,Par vous je veux, dès ce matin vCompter une heure fortunée.

Vous ne sauriez me refuserUne délicieuse aumône;Je ne demande qu'un baiser,Puis-je espérer qu'on me le donne ?

Matwlde.Nrômcair,

Oui, bientôt nous serons époux,Et c'est ma plus chère espérance ;Alors je serai tout a vous,Pourquoi vouloir prendre l'avance?D'ici là je dois refuserJusqu'à la plus légère aumône....Monsieur, prenez-le, ce baiser,N'espérez pas que je le donne.

(.1m moment où Félix s'approche de Mathilde, M. de

Marsigny tousse en se renfonçant dans son fauteuil et en

fermant les yeux. Us jeunes gens se retournent avecvivacité. )

Mathildk souriant.

Vous le voyez, môme en dormant, mon bien aimé grandpère est toujours mon bon ange.

Félix avec tin peu d'humeur.

Unbon ange doit seulement empocher de mal faire, et ce(pieje vous demandais est bien permis au point où nous ensommes.

Matiiilde.

(lest ce que nous déciderons Une aiitçe fois.

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- 08 --

Félix .

A mon tour à vous dire: marbre que vous êtes !

Mathii.mï lui donnant sa mainà baiser.

"Tenez, voilà tout ce que j'ai de monnaie.

(On entend dans la coulisse la voix de M. Malleville di-

sant : Qu'on ne laisse entrer personne ! )Mon père, qui ne veut voir personne ! Allez vite retrouver

llaoul ; passez par la salle-à-manger.

Félix sortant par la gauche.

Au revoir, chère Mathilde. ( Il s1arrête près de M. de Mai-

signy et dit à demi-voix : ) Oh !si je ne vous devais pas tantde reconnaissance, comme je vous en voudrais ! ( Il sort en

disant adieu de la main à Mathilde.)

SCÈNE IIIi

M. de MARSIGNY, MATHILDE, puis M. MALLEVILLE.

Mathilde regardant sortir Félix.

Allez, mon Félix, mon coeur vous suit. ( Elle se retournevivement en entendant entrer son père, et lui montreM.de

Marsigny dans son fauteuil. )

M. Malleville. Il est très-pâle et très-agité.

Ah ! oui, le bon père fait sa sieste !

M. de Marsigny entr'ouvrant les yeux et parlant à

demi-voix.C'est-à-dire que je suis à mon observatoire.

• Mathilde remarquant la pâleur de M. Malleville.

MonDieu! qu'as-tu, mon père?

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uol/t»

M. Malleyime avec amertume.

(le que j'ai, mon entant ? presque rien : MM. Ilanssmaunoui suspendu ci! matin leurs paiements ; ce n'est point uni.'

simple faillite, c'est une odieuse banqueroute, et   je perds les700,000 francs sur lesquels je comptais pour faire demainhonneur à ma signature!.... (Il fait un mouvement de déses-poir. M. de. Marsignij s'agite sur son fauteuil. )

Matiulde.0 Ciel !

M. de Mausigny à demi-voix.

Je m'en étais toujours doute ; une maison d'Autriche, quelleconfiance cela peut-il inspirer"?

M Mau.kyii.le.i

AlII: ilola Sentinelle.Pendant vingt ans d'austère probité,Dans un passé qu'avec fierté j'embrasse.Avec honneur mon nom partout citéAu premier rang marquait ma place.Hélas! au souftte du malheur,

Je vois ternir ma vie entière.Demain, o poignante douleur!Demain, j'aurai perdu l'honneur...

Demain, tu n'auras plus de père,Pleure ton père.

*(On voit que M. de Marsigny a peine à contenirson émotion. )

Matiulde se jetant à sespieds.Mon père, mon père ! et tes enfants !

M. Maixevilled'une voix concentrée, en la relevant.

L'honneur, Mathilde, l'honneur avant tout!Matiulde sf éloignant de son père et portant ses deux

mains à son front.

Oui, l'honneur, l'honneur de mon père avant tout ! (Elleappuie une main sur son coeur.) Mon coeur, tais-toi! (Elle

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— 100 -

se retourne du côté de M. Malleville. ) Mon père, ce M. Biza-

guet que lu m'as présenté ce matin, t'a dit que lorsqu'il seraitton gendre, s'il te fallait un million, il te le donnerait!Feris-lui que je consens à l'épouser.

M. Malleville tremblant d'émotion.

Mais Félix à qui j'ai presque fait une promesse !

Matiiildk.Félix m'approuvera et le rendra ta parole.

M. Malleville.

Non, non, mon enfant, je n'accepterai pas le sacrifice (fi-lon bonheur.

Matiiildk.

Et moi, j'accepterais mon bonheur sur le corps sanglant demon père !

AIR:Ceque j'éprouveenvousvoyant.Dans ce premier et pur amour,J'avais placé mon espérance ;De l'hymen avec confianceJe voyais approcher le jour.Fol espoir! un destin contraire

Brisant mes rêves de bonheur,J'impose silence h mon coeur,Car je suis de ton sang, mon père,Et je dis : Avant tout, l'honneur.

(Elle prend la main de son père. ;

Viens, viens, viens écrire.

M. Malleville V'embrassant en sanglotant-

Ma fille!Mathilde s arrachant de ses bras et Ventraînant vers

la porte de droite.

Viens, viens, mon père!

( M. Malleville la stiit avec accablement.}

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- 101 -

SCÈNE IV.

M.doMARSIGNYseuf.

M. de Mahsiuny.

f II a suivi la fin de la dernière scène avec agitation.Il se lève avec toute la vivacité que comporte son âge, et

marche les bras tendus vers la portede droite.

)Ange du ciel, ma douce Mathilde, c'est beau ee que tu lais

là! Came rajeunit de trente ans.... Voyons ce que celadeviendra. (Pose.) En attendant, je vais emmener maître Ra-

oul;il ne faut pas qu'il puisse se mêler de tout ceci. (Il sonne ;un domestiqua paraît. ) Priez M. Raoul de descendre, j'aibesoin de lui. Demandez aussi la voiture. ( Le domestique sa-lue et se retire. )

AUt:I.anccen arrêt, casquebaissé'.Matliildc, chère et noble enfant,Oui, ton sacrifice est sublime;Ah ! ce courageux dévoùmcntTe plongerait dans un abime.Le sentiment qui t'inspira,Te soutiendrait dans ce fatal échange;Mais tu m'avais appelé ton bon ange,

Et ton bonange

veillera.

(Il sourit et pleure en même temps,puis prend son mou-choir et s essuie les yeux. ) Il ne faut pas que M. le spahi voiemon émotion. Je l'entends, je crois.

SCÈNE V.

M. de MARSIGNY,RAOUL,

FÉLIX.

M. de Marsignv..

(Test vous, lieutenant Malleville?

Félix.

Oui, Monsieur, et ce n'est pas sans peine que je l'ai arra-ché à la contemplation de son nouvel uniforme.

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- 102 -

lUoCL.

(Hier bon papa, rien qu'à voir mon burnous, je suis sûr

((lie vous auriez envie de vous engager dans mon régiment.M. de Mausigny.

lie! lié! pourquoi pas? si l'on voulait y prendre un conscritdelà classe de 1872, j'irais, ne fut-ce que pour être témoinde tes

prouesses.Mais ce n'est

pasde cela

qu'il s'agit.Raoil,J'attends la consigne.

M. de Maksignv.

Ce matin, nous avons fait ensemble une petite promenadedans ton intérêt. Maintenant, j'ai besoin de sortir pour uneaftairc personnelle et je désire que tu m'accompagnes ; ce serade la

réciprocité.Haoll allant chercher le chapeau et la canne de M. deMarsigny.

Mes jambes sont prêtes.M. de Mausigny.

Je les ménagerai; j'ai demandé la voiture et nous n'en avonspas pour un quart-d'heure.

Félix.:Vous ne voulez pas prendre un second aide-de-camp ?

M. de M'usigny le regarde et se frappe le front.

Non, non, Félix. Je mettrai autrement à profit vos bonnesdispositions. M. Mallcville est en ce moment, fort occupé....Matbilde estyprèsde lun 11peut venir des étrangers; restezici; vous êtes presque de la famille-, vous les recevrez.

(Aport. ) Voyons ce que cela deviendra.

Feux.A.vos ordres, Monsieur; heureux de vous voir me traiter

ainsi.

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— tor» ~.

IUoui..Félix, vous n'avez pas eu le temps du voir mes «armes?

Dovisme m'a servi eu prince ; vous verrez et vous admirerez,

Félix souriant.

Je verrai et j'admirerai.lUotiL.

A votre tour à marcher pour que j'emboitelepas, Monsieurle marquis de Marsigny.

M. de Marsicnv.

Veux-tu bien te taire, Raoul! Ne sais-tu pas que depuisl'année 1789, où je me suis fait négociant, j'ai dit: Saute, Mar-

quis !Viens, viens; nous perdons un temps précieux. Au revoir,Félix, courage !

(Il sort avec Raoul par le fond. )

SCENE VI.

FÉLIX seul.

Je n'ai pas besoin d'un courage hors ligne pour remplir la

mission qui m'est donnée. Et peut-être qu'au lieu de recevoirdes étrangers, je pourrai voir ici Mathilde.

AIR: Hassurez-vous,ma mie»

Que lentement le jour passeLorsque je ne puis lavoir !Puis vient le soir qui me chasse..,.Mais maintenant, doux espoir !Un bonheur que rien ne trouble

Ne m'est-il donc pas promis ?Les jours compteront double,Quand nous serons unis.

M. Malleville a renvoyé à deux jours son dernier mot;mais ses manières vis-à-vis de moi et les douces paroles qu'il

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----- 105 —

a l'ait entendre, ne peuvent me laisse!' aiuuii doute. Oh ! nui,iiKiiultMiantf .'NïfithiUîi'csl à moi.

SCfc.NK Vil.

IKLIX, mZ.UULT.

Hi/Ar.L'Krentrant fret-rite: il lient une lettre àla main et a ïair triomphant.

Les gredins, ils no m'ont pas vu. celle fois-ci. 7/  paraitstupéfait en aperceeant Félix. ) De quoi ! île quoi ! l'hommeaux prétentions, vous êtes encore ici ?

Vkux souriant.

Oui,Monsieur

Hi/.aguet,et même

avec quelque cliosede

plus que des prétentions.lV/vi;u.i.

Corne de boeuf! c'est drôle ça ! cl qu'est-ce que. c'est doncque votre quelque chose ?

Félix mw: un pende hauteur.

Je ne sais, .Monsieur, de quel droit vous m'interrogez.

( Se radoucissant.) Mais je suis si heureux, que je peux bienvous faire connaître mon bonheur: M. Mallcville approuvemes prétentions.

]>!Z.V(Hf;i.

Ah ! bah ! et quand cela les a-t-il approuvées?Félix.

Mais, ce matin.

BlZVlilKl.Ce matin? Eh bien! Monsieur le docteur, c'est du vieux.

Vous avez une approbation verbaïe, mettez quelque chosedessus. Moi, j'ai une lettre, et toute fraîche, et, comme disaitle curé d'AroiivilIe: Herbe à veaux, (ente.

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lu:,

l'j.i.t.varec la plu* rive emolinn.

Monsieur, «est impossible!

niz\<;ti:r élevant su lettre.

Possible, très-possible, plus que»possible.AIH:Iloul.ila.

Mou urgent,

MonargentKsi.un fameux intrigant,Oui vraiment,

Mon argentl)e moil'ait un conquérant.Il semblait tantôt, ma foi,Qu'on ne voulait pas de moi ;La grimace allait son train,Je

rengainaismon refrain.

(Parle.) Mais,Mon argent, ele, etc.

Fi-ux.

Monsieur, je ne puis

Nixauixt continuant .

On m'a demande du temps,Moi, le roi des bons enfants,Je n'ai pas fait le Ihutus,Le vent tourne pour Crésus.

Mon argent, clc, etc.

Fkux.

Mais, je le répète, c'est impossible.

lîlZAdl'liT.Ab ! Saint/riionias, va ! Tenez, mon bonhomme, vous

savez lire ? Kh bien'.lisez. (Il lui donne la lettre, met sesmains clans ses poches, se campe sur la hanche, et bat dubout du pied la mesure de son dernier refrain.)

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- 10(3 '—'

Félix prenant la lettre avec un tremblement convulsif.«Monsieur

Bizac.uet ïinterrompant.L'adresse d'abord, s'il vous plait; c'est plus catégorique et

ça fixemieux les idées. (Il retourne la lettre dans les mainsde Félix. ) Voyez-vous ça? Monsieur Isidore IHzaguet, pro-priétaire, rue du Ilelder, N° 8; là, en lace. Allez, maintenant.

Félix lisant avec une agitation croissante.

« Monsieur,

« Vous m'avez exprime le désir d'épouser Mlle Malleville.« Ma lille, après avoir mûrement réfléchi, me charge de vous« faire connaître qu'elle accepte votre recherche. » (^inter-

rompant.) Mathilclc ! Non, cela ne se peut !Rizaguet appuyant sur chaque syllabe.

Cela y est. Continuez.

Félix essuie son front.« Si vos intentions sont toujours les mêmes, venez après

« avoir lu cette lettre ; c'est mon gendre que je recevrai. Jesuis

Biz\GUi:r.

C'est mon gendre que je recevrai! Kh bien ! Saint-Thomas,avez-vous mis le doigt dedans ?

Félix en froissant la lettre.

J'ai lu, et je ne crois pas.Bizaguet lui retire la lettre des

mainsJaredresse sur

son genou avec sa manche, et la met dans sa poche.Ah ! ça, dites donc, docteur, croyez, ne croyez pas, ça

m'est bien égal; mais ne sophistiquez pas mon brevet.

Félix marchant très-vite.

Oh ! mais ! ce serait horrible!

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— 107 -

SCÈNE VIII.

Les mêmes; M. MALLEVILLE entrant par la

droite; il est dans un état de prostration extrême.

Félix allant à lui.

N'est-ce pasj Monsieur, que je fois un rêve affreux ?

M. Mallevilm; lui posant la main sur tépaule.

Félix, mon ami, entrez chez moi; vous y trouverez une

personne(jui vous attend. (Félix le regarde avec stupéfac-tion. M. Malleville le pousse doucement.) Allez, mon cherFélix. (Félix sort en chancelant. )

SCÈNE IX.

MZAGUET, M. MALLEVILLE.

RlZAGUKT.

Papa Malleville, j'ai bien l'honneur

M. Mai.levu.uî  le saluant.

Asseyons-nous, je vous prie, Monsieur. (Il tire un fau-teuil sur le devant de la scène adroite.)

Bizagukt allant prendre une chaise.

Comme vous voudrez.Est-ce que nous en avons pour long-temps à rester en tête à tête ? ( Il met sa chaise en biais ets'asseoit de côté, le coude appuyé sur le dossier.)

M. Mallevillb.

Peut-être, Monsieur ; mais  j'aime à penser que vous ne

regretterez pas le tGmps que vous aurez passé avec moi.

RizAcuKT,mettant une jambe sur Vautre.

Allez, fauchez, le foin est mur.

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~ 10S —

M. MaLLEVILLE.

Vous ave/, reçu ma lettre ?

|jiz.u;i:[-r.

Parbleu ! puisque nie voilà ; seulement le temps de traver-ser la rue. Tenez, regarde/, comme le médecin l'a traitée,votre lettre!

M. M.u.i.Kvii.1.1-:virement.Vous là lui ave/, montrée '/ 

Pii/.iGn.r.

Dame !il ne voulait pas me croire,

M. Mm.i.i-:vu.m-:à part.

Fatale circonstance! Mathildeaura un chagrin de plus.

( haut. ) Monsieur Bizaguel, je désire savoir d'abord si lademande que vous m'avez fait riioimeur de m'adrosser est duesimplement à la rencontre fortuite que vous avez (aile de mafille, ou si vous connaissiez déjà mon nom et ma position?

Biy.A(iii:r.

Je vous répondrai à la bonne franquette. Kn rencontrantla belle enfant, aux Tuileries, j'ai reçu comme un coup de so-

leil; jol'ai

suivie,et

envoyant quenous

étions logés porte àpoi le, je me suis dit qu'il y avait là un coup du ciel. Vous com-prenez qu'alors j'ai été aux informations, et quand je suis ve-nu vous voir, je savais déjà que vous étiez un des vieux bravesdu haut commerce, et que votre signature était de l'or en barresur la place et ailleurs, bref, que vous étiez un homme cossu,et je me suis dit : ça me chemiserait !

M. Mai.lkvili.b.

Il est vrai, Monsieur; depuis vingt ans, que je me suislivi'é aux spéculations commerciales, la prudence et la loyautéayant toujours été mes guides, j'ai su me concilier partoutestime et confiance. Oui, aujourd'hui, toutes les caisses, tousles portefeuilles me sont ouverts ; mais demain !....

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Wukwva entre ses dents.Tiens! tiens! est-ce qu'il v a quelque chose (jui florin» ?

M. Mam.kvu.i.k.

Demain, Monsieur, je puis voir anéantir celle honorable

position!....Pm/.awi:r.

Ma loi, si vous avez l'ait des pas de clerc... ça s'est vu.M. Mam.kvm.lb vivement.

.Non, Monsieur,non, jeu'ai à me reprocher aucune impru-dence ; un malheur imprévu me frappe: la banqueroutelïaussmanncl Ci(' m'enlève 700,000 francs qui m'étaient né-cessaires pour l'aire face à mes engagements rie la tin riu mois,cl c'est aujourd'hui le 29!

Iïi/.Af;ti:r se levant et repoussant sa chaise.De quoi ! rie quoi ! 700,000 balles d'une suée! Crisli !

M. Mavii.i.kvim.hfaisant im signe pour s'excuser de ne passe lever.

C'est un coup de foudre. Ma fille, en apprenant ce malheur,s'est rappelé les offres généreuses que vous me faisiez cematin, et m'a dit : Mon père, un homme qui a de si nobles

sentiments, ne peut rendre ta lille malheureuse. Kcris-lui.Di/.Ac,n-;ià part en sirotant.

Ah ! voici le dessous des caries.

SOENKX.

LiïssiiiMiîs; M. de MAItSIGNY paraissant à

la porte de droite et repoussant Raoul qui veut le suivre. Ilreste près de la porte, appuyé sur un fauteuil.

M. Mai.i.uvu.i.i:se levant avec peine.Mbbien! Monsieur lîi/.aguet. vous ave/, reçu ma lettre;

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— 110 --

vous venez deme dire que vos intentions n'étaient pas chan-

gées. Soyez mon gendre, et sauvez-moi la vie et l'honneur.

M. de Marsigny à part.

Voyons ce que cela deviendra ?

Bizaguet gui a pirouetté sur les talons, va jusqu'au boutde lavant-scène à gauche, les mains clans ses poches, revientet s arrête devant M. Malleville.

Ah! ça ! papa Malleville, savez-vous que vous êtes bien

 jeune pour votre âge !

AIR:Kh!ma mère,est-c' quej'sais ça?

Oui, vous êtes bien novice,Croire ceux qui vous ont dit :Je mets h votre serviceEt ma bourse et mon crédit.A l'homme que l'on désireVoir se tirer d'embarras,Tout cela peut bien se dire,Mais cela ne se fait pas.

M. de Marsigny à part.

Ah! bouvier que lues!

M Mallkville très-èmu.

Ne vous méprenez pas, Monsieur ; j'ai pu demander àl'homme dans lequel je voyais un fils de me venir en aidepour prévenir une funeste catastrophe; mais c'était un em-

prunt seulement que j'entendais faire.

IilZAGUET.

Oui, j'aurais fait un beau placement, à fonds perdus.M. Mallevu.uî  de plus en plus ému.

Ah! Monsieur, vous necomprenez donc pas que celte perle

énorme étant déjà connue, si  j avais pu, demain, faire face àmes engagements, mon crédit, doublé sur In place, meper-

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- m ~

mettait, en pou d'années d'acquitter une dette d'autant plussacrée, qu'elle eut été contractée envers l'époux de ma tille!

BlZAGlET.C'est possible, mais je n'aime p?s les jeux de hasard.

M. Malleville accablé.

0 Mathilde, ma lillc! Ton sacrifice aura donc été inutile!

BlZAGL'ET.

Dites donc, papa Malleville, c'était de m épouser, le sacri-fice? Eh bien ! Merci ! Il y a la fille d'un duc que j'ai refuséeà Êpernay.

M. de Mahsignys'avançant en se frappant le front.

Bizaguet... d'Kpernay !... Je connais ça.

( // se retourne et appelle Raoul du geste.)

SCÈNE XI.

Les mêmes; HAOUL.

M. de Mahsigny se plaçant entre M. Malleville et liizaguet.

Monsieur Isidore Bizaguet, je vous présente de nouveaumes civilités.

BizAGiEi-à part.

Qu'est-ce qu'il a donc, le vieux, avec son air miton-milaine?

M. de Mahsigny.

Votre père ne s'appelait-d pas Mathurin?

Bizaguet.Oui, Monsieur, Christophe-Mathurin Bizaguet.

M. de Mahsigny.

C'est cela même. Or, Gaspard Bizaguet, votre grand père,était, en 1783. garçon d'écurie chez...

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Iltl —

Hizvmt.t.

Oh ! cette farce!...

.M.(!(' MAliS!<iN\ .

(ïarçon «1écurie eln'Z in )i ; on m'appelait alors le titiii'ijnîs-d(i Marsii>ny. ( Hiz-nijucl baisse la tè(e-). Noire père, Cristo-phe-Malhurin lïî/.oi<iiot,chaudronnier à tëpeniay, s'êtint asso-

clo à la haude noire, i>Tàreà laquelle il est devenu deux onMois Ibis millionnaire. -Iai en l'honneur do le marier, enISI'J, lorsque j'étais maire d'Kscrnay. Aviez-vous fait con-naître celte ^éiiéalo^'ie au due dont vous ave/, refusé la fille?

Ilantil relaie de rire. )

[\\y.\vava à Haniil.

Ksl-ce (pie c'est drôle !d'ê'.iv letils de son père. ?

Raoul ril pi a* fort. ,M. de Mausuîxv en montrant des yeux M. Mallerille.

Raoul,ohservez-vous, je vous prie, Continuons. Christophe-Malhurin Rizaguct, en mourant, vous a laissé toute sa fortu-ne, car une siviu*(pie vous aviez et qui aurait pu se dire aussila soeur d'Ksope, était entrée au couvent, sur ma recomman-dation; est-ce hien cela!

]»i/\(iui:r.

Quand je dirais non! r"est éi>al, pour un vieux, vous avezune crâne mémoire.

M. de Mahsicnv.

Nous nous connaissons (!onc„el vous admettrez hien que je sois Irès-elmrmé, mais très-peu surpris cjuc M. Mallevillen'ait pas rencontré eu vous les nohles sentiments

(pt'ilvous

supposait. Au reste, je m'en serais toujours mêlé un peuà temps.

RlZ.UitKl'.

C'est à dire.... «pie je n'y comprends plus rien: le papa

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Malleville est quasi ruiné, et vous avez l'air de inreoiultiirc.quand c'est de moi-même que je m'en vas !

llAOlf..

Hou papa, laisse/ donc ce mérite à Monsieur.

Hiz.vccKi'regardant Itaoul, une foin ou deux.

Je l'ai dil.  je m'en vas.

( Il fait quelques pas. )

M. de Maiisicinv.

Restez un moment, Monsieur Bizagucl; vous pourrez en-tendre des choses (jui i-ervirontà votre instruction; restez,restez.

Hi/.Afii-KTrevenant.

Il ne m'en coûtera rien, je veux l»ienrester.

M. de Maksigxv lui tournant le dos et par-lant avec sentiment.

Malleville, vous aviez dos chagrins, le malheur vous mena-

çait, et vous n'en disiez rien au vieux père?

M. M.u.i.kvh.i.k.s'o/ïhhJ desa rêverie.

Kh bien ! mon père, vous savez tout Demain

M. de >hiisiciXY ////'prenant la main.

Demain'.... il y encore quelques heures cl'ici-là. KeMitcz-moi .(Itaoul lui donne un fauteuil ; il sourit à Itaoul et s'as-seoit. M. Malleville reprend son fauteuil, lîizaguet cherchedes yeux une chaise; Raoul lui fait signe de rester debout

comme lui cl va s'appuyersur le dossier du

fauteuilde

sonpère. ) Votre père, .Malleville,députe (\u centre, sous Char-les X, vit avec désespoir la révolution de IS.'Hhqui lui enlevaitles faveurs de la cour et les bonnes relations ministérielles.

Moi, né marquis, j'ai toujours été peuple parle coeur, par laraison, par le bon sens. 1830 déployait la glorieuse auréole

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— ili -

qui brillait dans les airs à la proclamation des droits de l'hom-me, j'espérais J'étais enthousiaste!... Nous eûmes, votre

père et moi, des diseussions interminables, et les choses envinrent au point qu'il m'oflénsa gravement. Cédant au premiermoment de vivacité, je voulus l'en punir en plaçant en viagertout ce que je m'étais réservé de ma fortune, 300,000 francs

environ.

M. Maijj-:vii.lk.Mon père m'avait fait connaître cette circonstance.

M. de Mahsignv.

Un spéculateur, alléché par mes soixante-dix ans, vint m'of-

frirquinzopourcenletdebonnesgaranties;j'acceptais. Hé'.hé!hé! hé! la bonne allai rc pour le spéculaient ! depuis 28 ans (piecela durej'ai touchéprès dequalre lois leeapital. Mevoilùduiu 1

avec quarante-cinq mille livres de rentes. Or, j'ai toujours eules goûts assez modestes et  je ne pouvais dépenser tout cela,.l'ai donc placé annuellement mes économies. Or, mon bon

qui savez coque c'est que des intérêts capitalisés, vous neMalle-ville,vous qui savez ce que c'est que des intérêts capitali-sés,vous ne serez pas étonné si  je vous dis que j'ai aujourd'huiquelque chose comme deux millions. Mon testament vous enréservait la surprise.

Hizagukt à part.Corne de boeuf ! le vieux a du bon. Si j'avais su cela !

M. Mai.i.hvili.k.

Je suis heureux d'apprendre votre brillante position, monpère.

M. de Marsigny avec clan.

VAne comprenez-vous pas, mon fils, que, moi, je ferai ceque vous demandiez à M. Bizaguet, et sans vouloir épourerMathilde, encore !

M. Mallbvillk se levant et lui pressant les mains.Oh! mon père, vous serez donc toujours le bienfaiteur et

le sauveur des malheureux !

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- \u\  -

M. de Marsignv se levant.

Bah ! il iaulbien que je m'amuse à quelque ehose.

Raoul qui est revenu à gauche, serre fortement le brasde Bizaguet.

Si vous avez un coeur, sous votre carapace de millionnaire,vous devez le sentir batire, Monsieur Bizaguet.

Bizaguet se frottant le bras.

D'abord, vous n'aviez pas besoin de nie prendre le brasdans un étau. Ensuite, je vous dirai que ce que j'ai comprisdans tout cela, c'est que je ne comprends pas que, quand on a îles millions, on les laisse moisir. ( Raoul hausse les épaules.)

M. de Marsigny.

Mon cher Raoul, va maintenant appeler ta soeur et Félix ; jelésai déjà rassurés à moitié. Que Mathildc n'oublie pas ce que je lui ai remis.

R\on,.

Bien, mon adorable bon papa, j'y cours.

SCfciNKXll.BIZAGUKT, M. de MARSIGNV, M. MALLEYILLK.

M. de Marsigny mettant les mains sur le dos et setournant vers Bizaguet.

Monsieur Bizaguet, que concluez-vous de tout ceci?

Bizaguet.

J'en conclus que vous êtes un malin.M. de Marsigny le saluant.

C'est très-bien potirce qui est de moi. Mais n'avez-vous

pas aussi maintenant une conclusion à tirer, en ce qui vousconcerne personnellement, Monsieur Isidore Bizaguet ?

16

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Biz.\Gii;i.Si, si.

AIR:le port.Million(\>tpih.

Il faut que je m'en aille.Ici,Ceci

Tourne la médaille :Vieux, vous rompez la paille.

Mais je n'eu mourrai pas,Je m'en vas. ( 1er. )Est-on embarrassé,Quand on csl bien foncé '.'Non, pour le mariage,

On peut toujours, comme au pâturage,Compléter l'attelage;On n'a qu'à se baisser,

Amorcer,

RamasserOu laisser.

Eh bien! je laisse moi;cai' si j'avaisété sensible à la proposi-tion éboui'iflanle du papa Malleville, c'était chose faite.

M. M.VI.I.KYIM.K.

Oh! Monsieur, le ciel est miséricordieux; il a permis que,

grâcesà votre

refus, jen'aie

pasà consommer le malheur de

ma lille.

M. de Mausigny.

Oui, le ciel est miséricordieux, puisqu'il permet qu'unelampe qui brûle depuis si longtemps, puisse jeter encore dedoux rayons de lumière.

AIH:dit Dieudos liomtrs jjoiis.

Depuis (pie Dieu m'a mis sur cette terre,.l'ai déjà vu près d'un siècle écoulé;C'est vivre,trop ; mais du ciel, je l'espère,.le ne suis pas a jamais exilé.D'un peu de bien j'ai grossi mon bagageSur le chemin nue Dieu me mesura ;

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- HT

Peul-l'Ire bien qu'a la lin du voyage,I!me j'e(opii;Ȕtra.

lïi/.Actr.i.

(les vieilles gens.ça parie toujours deTaiili-emotide. Haut.Allons, niions, papa Malleville. sans rancune. Moi, je paispour Mperuav; j'irai prendre la iill - du due. •' .1 part.malgré son Ih-ede lièviv. (Haut.

' Adieu donc. Il tarante

pour donner la main à M.Mallerille qui se recule et le aulnefroidement. Ml'est bon, vous laites le lier'? Adieu, Monsieur le

Marquis.M. de Maiisiuny le saluant en mettant les mains

sur le dos.

Monsieur Bizagurl. je vous présenledereebef  mes civilitéset voussoulnileun heiuvu\  voyage.

 \)\/.\e,\\A en s en allant.

De quoi ! de quoi! c'est \m coup de soleil tombé dans l'eau.

(Au moment ou il sort par le fond,Montrent rc par la droiteavec Mathilde et Vclix. ]

SCÈNK XIII et DliKNIÈKK.

1UOUL, M.doMAKSIGNY, MATlllLDK, M. MALLK-

VILLK, FÉLIX.

Félix à Mathilde.

Vous le voyez, M .Bizaguelse relire.

N\TMi.\n;arec émotion.

Ab !  je puis respirer !

Kvoii..

Bon papa, votre ambassadeur a rempli sa mission avec le

plus grand succès.

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- IIS -

M. Mai.i.kyh.lk tendant les bras à sa fille.

Malhildc, tu no ton somniera s pas cet aflVeux sacrifiée !

Mathilde souriant et regardant M. deMarsigny.

Mon bon ange me l'a dit.

M. de Mausigsy.

Alors, on embrasse le bon ange. (Il lui prend la tête àdeux mains et l'embrasse au front.) Et maintenant, ma douceenfant,ne t'ai-jepas confie un dépôt? (Mathilde tire une lettrede son sein. ^ Il y a une adresse.

Mathilde lisant.

C'est pour mon père.

M.deMAusujNY montrant M. Mallcville.Alors. ..

M. Mallkyille déchirant l'enveloppe.

Un bon à vue de douze cent mille francs!...

M. de Marsigny.

Oui, sur mon agent de change à qui j'ai été donner l'ordre

de vendre des rentes et des actions de chemins de fer, et detenir celte somme à voire disposition.M. Malleville.

Mais douze cent mille francs, quand ilne m'en faut

M. de Mahsigny.

Que sept cent mille? tili bien! c'est une difl'érence deiiOO,000 francs; il me semble que j'ai bien le droit de doter

Mathilde à moins que Félix ne s'y oppose.Veux ému.

Oh! Monsieur.

Mahiildk.

Le bonheur nous vient toujours de vous,

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— H9 —

M. yiw.ivMu.E faisant passer Mathikle auprès de Félix.

Oh mon pore! C'est avec joie que j'unis ces enfants.

Raoul se jetant au cou de M. de Marsigny.

Quand je vous disais que j'avais un amour de grand père!

M. de M.uîsigny.

Veux-tu l)ienme laisser, boa conslrielor! est-ce qu'on élouf-te les amours? Ecoute-moi. J'ai réservé ta part, et quand tuauras gagné ces épauletles de capitaine que tu ambitionnes,lu reviendras bien vite la chereber ; jeté préviens toutefois

qu'il faudra la gagner, car  je le prendrai pour mon bâton devieillesse.

H.voir,.

Xon, cher bon papa, malgré tous les attraits du burnous; je donnerai ma démission, pour exercer tout de suite mesnouvelles fonctions. Mais vous garderez ma part jusqu'à ce

«pieje me marie. ( Il s'approche de son oreille et lui dit.) Klvous saurez que nous mènerons longtemps ensemble la viede garçon.

M. de Maksionv. '

Pas de folies,Raoul. Mais tu as raison de vouloir prendreton poste sans relard; tu n'auras peut-être [ris longtemps àle remplir.

Matiiildk.

Paix !hou papa.AU!: du Mnlelol,deMineDuchnmligr.

Derrière vous, voyezce doux sillage

Que vos bienfaitsont laissé sur vos

pas;Ah! vous serezencor, malgré votre âge,Jeune longtemps, le coeur ne vieillit pas.De vos enfants les soins et la tendresse;Seconderont cette faveur du sort,El quand viendra l'heure de la promisse.En souriant vous entrerez au port.

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M. do Marsiqny secouant la tête,

Diou fera le mieux.Ku attendant, jeunes goi)s,&oiitoz-moï.(Il appelle du geste Mathildc et Félix, leur prend le braset les amènesur là devantde la scène,) Je veux ôtro lo par-raiit Jô votre promier-né; dépôe)ie7,-vous.

F»'.

V.'hi* ';!:::•.i'ii, i-'

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Séance du 8 «ai J86Î.

PKKSIDLXOE 1)L M. LL SINKR.

Le Président rend compte d'une lettre de M. Maillard qui.annonce l'envoi de la médaille d'or demandée par la Société.

Le Secrétaire dépose entre les mains de la commission la2° partie du discours de M. Magny (ils : influence de la litté-rature sur la Société.

M. Azéma, en qualité de rapporteur, donne lecture dutravail fait par lui et MM. Aug. Vinson et Herland sur la bro-

chure du docteur Sénèque (de Maurice) relativement à lamaladie connue dans le pays sous le nom de tambave.

Adoptant à l'unanimité les conclusions du rapport, la So-ciété nomme le Dr Sénèque membre correspondant.

M. de Souville lit l'introduction d'une élude philosophique,<>ùil recherche qu'elles sont les vraies destinées de l'homme.

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_ 122 -

M. Aug, Vinson fait ensuite la Biographiodu savant créoleUslet Geoffroy,

M. de Monforand lit une pièce de vers qu'il- intitule»Nocturne.

La séance est levée à 10 heures.

Le Secrétaire,

P. de Monforand.

Le Président,

LeSinkr.

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RAPPORT

SIR LNKUIIOCHL'KKDRM. LK DOCTRl'USKNKQUI'..

(dol'Ile Maurice)

Inlitiiléc:

QUELQUES CONSIDÉRATIONS

m$\ ZM MOT TA99K.IYI4,

Par M. MAZAÉ AZKMA.

Messieurs,

Vous ave/  chargé une Commission composée de MM. Aug.Yinson, Heiiand et moi, devons rendre compte d'une bro-chure intitulée: Quelques considérations sur le mot tambave,

(jue le Dr Sénoque (de Port-Louis, Maurice) a adressée à laSocikti':.Dans cet opuscule, railleur soulève une question de prati-

que coloniale grosse de préjugés, que se sont plu à perpé-tuer l'ignorance chez les uns, l'artifice chez les autres. Il sem-blait donc d'un intérêt capital de la dégager des obscurités

qui l'environnent. C'est ce qu'à tenté le Dr Sénèquo dans cetravail, auquel nous vous proposons d'accorder tout l'éloge

qu'il mérite. Conçue dans un excellent esprit scientifique,écrite dans lebut louable d'assurer contre l'erreur le triomphedelà vérité, basée sur une observation sévère et sur la cons-cience d'un devoir professionnel, cette brochure passe enrevue à peu près tout ce qui a trait à cette question de tamba-ve. On peut la résumer dans celle de savoir si au point de vue

17

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scientifique ce que le vulgaire appelle tambave se  justifiecomme entité morbide, s'il existe comme individualité patho-logique, ou mieux si ce nom ne sciait pas plutôt appliqué àdifférentes maladies parfaitement connues et dénommée*dans la science. C'est ce qu'il importe d'examiner en suivantl auteur dans les divers chapitres qu'il a consacrés à l'examende cette question.

Apres avoir,sans

commentaires, exposéles

opinions mani-festées à cet égard par plusieurs médecins pratiquant sur lemême théâtre (pie lui, le l)r Séuèque entre en matière encherchant à préciser la signification du mot tambave, et il nese llatte pas de pouvoir y arriver. Peu importerait à la rigueur(pièce mot dérivât de la langue malgache ou de tout autre, s'illaissait dans l'esprit l'idée d'un état pathologique spécial, avecune physionomie propre et des caractères bien accusés. Maisil n'en est rien.

A Maurice, suivant le I)1 Séuèque, et nous pouvons éten-dre celle remarque à notre colonie, le mot tambacc s'appliqueà une foule de maladies qui ne présentent entre elles aucuneconnexilé. D'une manière générale, il désigne toute maladiede l'enfance à marche lente, quelque en soit la cause et la na-ture, qui s'accompagne de troubles dans quelques-unes oudans toutes les fonctions organiques, dans la nutrition, l'assi-milation etlcs sécrétions, et qui se caractérise par de l'amai-

grissement ou de la bouflisure, ou bien encore par des érup-tions variées et îles excrétions morbides.

Un esprit sérieux, dégagé de préoeupations étrangères à

la'science,}' reconnaîtra bientôt soit,l'entéro-colile chronique,soit la diarrhée rebelle, conséquence d'ulcérations intesti-nales ou d'une alimentation vicieuse, soit le carreau, soit la

syphilis neo-natorum, ou d'autres encore dont la caractéris-

tique est un état .de.marasme ou de cachexie. En un mot, h;

médecin appelé à voir des enfants (moles parents disent at-teints detainbavè observe des maladies fort différentes lesunes desj autres.,Mais il est à noter que de tous les états pa-thologiques qualifiés de ce nom il ne s'en trouve pas un seulà l'état aigu: la pensée du tambave ne surgit que lorsque l'étal

chronique lui a succédé.

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-~ las -

Inutile, on I.' comprend, de remettiv chacune de ces mala-dies à la pince nosologique qu'elle doit occupur, et de s'ingé-nier à prouver que le mot tambave appliqué à l'une d'ellescomme expression d'une maladie spéciale aux colonies ne se.

 justitie en aucune façon.Existerait-il cependant un état qui, devenant une sorte

d'endémie non décrite, mériterait cette appellation vulgaire?

tleUe endémie aurait-elle sa nature, son étiologie, sa sympto-matologie et sa thérapeutique propres? Le Dr Sénèque ne le

pense pas, et en cela il nous semble dans le vrai.Avant de  justifier son opinion par la réfutation des vagues

assertions qui servent de hase à l'opinion contraire, il recher-che les causes qui ont pu entretenir la croyance populaired'une maladie spéciale, locah», appelée tambave. Il les re-trouve dans laemutaseendanee de quelques hommes de l'art qui

ne veulent pas sur un point si généralement accepté contra-rier les parents qui Ici'consultent. Mais surtout dans la pro-fession qu'exercent quelques personnes habiles à saisir tout

moyen de lucre et à qui il ne répugne pas de spéculer sur lesentiment maternel, si développe chez la femme créole.

N'attendez pas de ces guérisseurs, si vous les interrogez,une exhibition de caractères spéciaux qui fassent reconnaîtreet distinguer des autres cette pseudo-entité morbide. Le seul

argument qu'ilsmurmurent est

queles médecins ne veulent

pas croire au tambave; mais qu'il existe, puisqu'ils ont une

tisanequi en procure la guérison. Ils se font, sans s'en dou-ter, un appui singulier de l'axiome hippocralique : Natufammorborum curalioncs ostendunt. Et si par aventure un mé-decin instruit a la chance de les suivre, sans prévention j'en-tends,dans l'application de leur merveilleuse panacée, il a voitindistinctement adressée aux divers états qui sont réunissous le nom

génériquede tambave, aussi bien à l'entéro-co-

lite chronique qu'à la syphilis congénitale.Ils feront mieux : ils diront aussi atteints de tambave les

parents de tout enfant malade et leur feront suivre le mêmetraitement, tant pour guérir l'enfant allaité que pour prévenirla production congéniale de la maladie sur un autre enfant.

Chose remarquable, fait à ce sujet observer le Dr Sénèque,

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i-'vA que les parents no sont pasreconnusalleints de tambave,Vils n'ont pas perdu i!js enfants sur lesquels un puisse* cous-Utiv cettemaladie. Us en sont atteints dès que celte circons-tance arrive, sans qu'il ne se manifeste chez eux aucun signeextérieur (jui indique une maladie ou un principe morbide

quelconque, comme il en est de ceux qui sonl atteintsdes affections scrofuleuses, dartreuses, etc. Ainsi, c'est la

maladie de l'enfant qui diagnostique la maladie des parente,tandis (pie pour toutes les autres à principe spécifique et quipeuvent se communiquer par hérédité,-c'est létal des parents,déterminé à l'avance, qui pronostique une maladie semblabledans sa progéniture, dette circonstance est donc tout À laiten contradiction avec les observations de la science et ne peutqu'être défavorable à l'opinion de l'hérédité d'un vice spécial.

Il ne faut donc pas espérer (pie ce puisse être de ce côté

(pie jaillirala lumière:

voyonsavec le D1

Sénèquece

qu'enpensent les médecins.Les plus sages n'admettent pas le tambave comme entité

morbide. Ils n'ignorent pas que plusieurs maladies de nos

régions parvenues à une certaine période, à celle de cachexieou de marasme, ne puissent revêtir un cachet particulier,qu'uniformisent sans doute les intluenecs climatériques;mais sous ce manteau commun ils savent retrouver des mala-dies Uès-diiierentes par leur début et eonseï vaut toujours leurnature première. Ils ne se méprennent pas au point défairei!e ce marasme, provoqué par la longueur et par l'intensitéde maladies primitives parfaitement classées, une individualitéinnonmicedansla science, un état nouveau qui justifierait une

appellation nouvelle.Cette remarque- n'a pas échappé au I)1

Sénèque et il l'ex-

pose avec sagacité.D'autres, sans admettre l'existance propre du tambave,

ne nient pis la possibilité que certaines maladies locales,arrivées à une certaine péiiode,ne revêtent un caractère spécialqui ne fait que donnera la maladie primitive une physiono-mie nouvelle et particulière, à laquelle ils veulent bien accor-der le nom de tambave. Mais lorsqu'ils cherchent à localiserl'état pathologique qui synonimisedans ce cas cette appellation

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vulgaire, ils se divisent en deux camps: les uns le pincent danscertaines maladies du tube digestif; les autres dans quelquesmanifestations delà syphilis.

Une telle divergence d'opinion démontre l'impossibilité oùils seraient de faire entrer dans la science le mol tambavecomme expression d'une maladie spéciale, accompagnée decaractères particuliers.. Enfin quelques-uns pensent avec le vulgaire et admettentle tambave comme une entité morbide, les uns l'attribuantà une diathèseehezle sujet qui en est atteint, les autres àuu vice spécial chez les parents.

Comme le fait observer avec justesse le Dr Sénèque, qu'ilsl'attribuent à une diathèse, à une susceptibilité individuelle,ou à un vice spécial héréditaire, qui ne serait aucun des vicesconnus, les preuves qui servent de base à leur opinion sont

loin d'être assez concluantes pour établir un fait scientifiquede cette valeur. Ils prennent, nous ne craignons pas de le leurdire avec le Dr Sénèque, pour une maladie particulière, dif-férentes maladies bien connues et arrivées à une périodeultime, celle de marasme, trompés qu'ils sont par une uni-formité de physionomie que revêtent ces maladies parvenuesà cette période.Les symptômes qu'ils disent n'avoirreneontrésdans aucune autre maladie que dans le tambave. tels (pie la

sécheresse et la nuance lisse de la peau, sa coloration  jaunâtre,la nature particulière des déjections etc., ils ne les ont pasrencontrés pareequ'ils ne les ont pas recherchés.

Le Dr Sénèque nous semble avoir bien réfuté l'opinion deces médecins. Cherchant lui-même en dernière analyse à

préciser, non ce (pie la science entend par tambave, motvide de sens pour elle; mais ce que le vulgaire comprend sousce nom, leDr Sénèque en écarte les manifestations syphiliti-

ques, pour réserver ce mot, sans que cela lui paraisse encorebien nécessaire, à cet état de marasme ou de cachexie auquelaboutissent plusieurs maladies de l'enfance ayant principale-ment le tube digestif pour siège, solution, il faut le dire, assezcommune dans les régions tropicales,

11serait cependant inexact de ne pas reconnaître que par-mi ces maladies c'est au carreau ou phthysie mésentérique*

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que le vulgaiic semble plus particulièrement attribuer le nom(le tambave. Si cette synonimie était toujours maintenue dansdes limites aussi bien déterminées, la science n'aurait nulleraison de ne pas l'accepter, comme elle a déjà pris au langagevulgaire des dénominations qu'elle s'est appropriées. .Maiss'il en était ainsi, nous nous bâterions de faire remarquer(pie le carreau n'étant pas une maladie aussi commune qu'on

le pense et n'atteignant jamais ou presque jamais les enfantsaudessus de trois ans, cette concession n'aurait pour résul-tat que de perpétuer la confusion en autorisant encore l'appli-cation du mol tambave à plusieurs autres maladies de la pre-mière enfance fort différentes du carreau. On ne peut, enelfcl, attribuer qu'à une confusion de cette nature cette sin-

gulière assertion qu'on trouve consignée dans un ouvrage sé-rieux (l)ict. deMcd. en 30 vol., VIII, page 138J: à savoir

qu'à Bourbon et à l'Ile de France, le carreau, synonimisantsans nul doute le tambave même dans les méprises que cemot traîne à sa suite, fait de tels ravages parmi les enfants,qu'on ne peut les arracher à la mort certaine qui les attendqu'en les éloignant du pays dès leur naissance..

Le Docteur Sénèque termine enfin sa brochure en se de-mandant si le tambave réclame un traitement particulier. Laréponse ne leur paraît pas douteuse en présence de la diversitédes éléments

primitifs quiconstituent l'état

vulgairementappelé tambave. Il ne peut y avoir de traitement uniforme: làoù il se rencontre des maladies différentes, il faut évidem-ment des traitements différents. Mais celui qui deviendra unutile adjuvant, celui qui pourra même dans quelques cjs êtrele seul efficace, c'est le traitement hygiénique.

A.ce sujet, le I)r Sénèque trace d'excellents préceptes d'hy-giène,, qui scrupuleusement observés, constitueraient le trai-tement prophylactique le plus sage.

Telles sont les réflexions que nous a suggérées la lecture dutravail soumis à notre appréciation. On ne saurait trop félici-ter l'auteur de l'initiative qu'il a prise en cherchant à éluci-der le point de pratique médicale qui fait le sujet de sa bro-chure. -

Aussi votre commission n'hésite-t-elle pas à vous proposer

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Messieurs, de remercier le Docteur Sénèquo de son intéres-sante communication et de le nommer membre correspondantde la Société.

M. AzKMA.

Cettepropositiondola commissionest acceptéeà l'unanimité.

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DES DESTINÉES DE L'HOMME.

Soûl, dotons les êtres qui peuplent l'espace et la durée,riioinme à la conscience rie la lin pour laquelle il a été crée.Les plantes et les animaux concourent, comme lui, à l'accom-

plissement riel'ordre universel ; mais les premières sont en-traînées vers leur riestinee passivement et fatalement, sansaucune intelligence riela loi qu'elles subissent ; les autres ne

 /s'intéresssentque par

leplaisir

et la soutï'ranee au butqu'ilsdoivent atteindre, ci ricïî iïu leur indique que le monde survit

à leur existence d'un jour.L'homme, au contraire, oeuvre de prédilection de Dieu,

possède, à l'exclusion du reste des créatures, le magnifiqueet sublime privilège de connaître sa fin, et d'en poursuivre,par une action personnelle et libre, la réalisation. À la terre

qui le léclame au nom de la matière, il oppose le ciel dont ilentrevoit les splendeurs, et qui lui offre l'immortalité.

Le secret de cette incontestable supériorité réside tout en-tier dans la triple faculté dont est douée l'âme humaine riesentir, rie comprendre et rie vouloir. Par l'intelligence, elleperçoit l'infini dans le majestueux éclat de ses incomparableset éternelles perfections qui sont le beau, le vrai et le biendans leur plénitude absolue ; par la sensibilité, elle s'y at-tache avec amour ; et par l'activité, elle multiplie ses effortspour se rapprocher de plus en plus de ce type divin d'où elle

émane, et à l'image duquel elle a été faite.C'est cette aspiration rie l'àme vers l'infini, c'est-à-dire,vers Dieu, qui constitue la véritable destinée humaine.

Grande et belle destinée dont la philosophie païenne elle-même avait conçu l'idée, mais d'une manière vague, confuseet incomplète, et qu'il appartenait au christianisme seul uV

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fixer avec la lumineuse certitude et l'inflexible autorité qui luisont propres !

Les sages delà Grèce et de Rome avaient, en elVet, poséce grave et redoutable problème de la lin de l'homme et de ladestinée générale des êtres. Mais quelle solution pouvaient-ils en donner, qui (Vitentièrement satisfaisante ? Ils sentaienten eux quelque chose d'immatériel et d'impérissable qui dé-liait la

destruction,et dont les

aspirationsne

pouvaientêtre

satisfaites dans les limites de. l'univers créé: ils reconnais-saient qu'ils étaient, aussi bien que tout ce qui les entourait,des elVets supposant une cause première, et impliquant la né-cessité d'un principe supérieur et préexistant. L'imposantenotion de l'existence d'un Dieu unique commençait donc à seré-véler à eux,en même temps que celle de l'immortalité de l'âmese dégageait des erreurs grossières qui en étaient inséparablesdans

l'esprit

du vulgaire. Mais l'erapport

qui unit le-fini àl'infini, la créature au créateur, restait livré à l'incertitude etau discussions des écoles. L'àmc était immortelle, mais de

quelle immortalité devait-elle jouir? Comment retournait-ellevers son auteur pour réaliser sa destinée? Telles étaient les

importantes questions qui agitaient ces philosophes impuis-sants à les résoudre, puisque le principe de la véritéleur étaitinconnu. Et l'on peut dire avecBal/.ac : « Comment eussent-« ils pu trouver la vérité qu'ils cherchaient, puisqu'elle

« n'était pas encore née: il fallait que la vérité se fit chair,« afin de se rendre sensible et de devenir familière aux« hommes, afin île se faire voir et toucher. »

Àristote, en définissant Dieu « le centre de l'aspirationuniverselle », a sans doute élevé sa doctrine au dessus de tou-tes les autres. Socrate, en prenant pour base de son ensei-

gnement philosophique cette célèbre maxime de la sagesseantique qui brillait, inscrite au parois du temple de Delphes

« Connais-toi, toi-même », a pu sonder les mystères de l'or-ganisation intellectuelle de l'homme étudier avec succès sanature et ses tendances, et éclairer d'une puissante lumièrecette partie si vaste et si considérable de la science humaine.

Mais leurs conceptions devaient rester incomplètes, carils n'étaient guidés, dans ces immenses recherches, que par

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Icslueurs incertaines do la i\iison livrée a ses propres forces.Aussi, n'ont-ils fait qu'entrevoir la vérité, sans pouvoir lasaisir tout entière.

C'est qu'il est des hauteurs inaccessibles où l'infini se ca-che avec ses impénétrables secrets et la raison du philosophe,si elle n'est aidée par la foi du chrétien, ne saurait y atteindre.Dieu ne répond pas toujours aux orgueilleuses questions quel'homme lui adresse, et il a fallu que, dans sa bonté

provi-dentielle, i| vînt, par une communication directe, s'affirmerlui-môme deux fois à travers les âges, pour que le derniermot de l'humanité et du monde fut révélé.

Ce dernier mot, la religion seule le contient et peut l'ex-

pliquer. Elle est le bien nui unit la créature au créateur, etelle définit les rapports de la nature avec son auteur. C'estdonc à ello qu'il faut demander le secret de l'ordre éternel etde l'harmonie universelle, en s'mspirant de ces pages inimi-

tables pu Possuet, suivant l'éloquente expression de Cha-teaubriand, <cçjève ses lamentations prophétiques à travers« h poudre elles débris du genre humain. »

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LES FLEURS DE NUIT

(NOCTURNE)

Je.vous aime, fleurs de la nuit,Je vous préfère à vos compagnesDont le boulon s'épanouit,Pondant le jour, clansnos campagnes.

Quand !c soleil à l'orizon

Descend parmi l'or des nuages,

Que les ombres sur le gazonDessinent de vagues images ;

Alors des nuits s'ouvre la fleur,Et la lueur tremblante et molle-

Do l'étoile au regard rêveur

Vient se poser sur sa corolle.

Les étoiles, ces fleurs des cieux,Des fleurs sont les soeurs immortelles:

Dans leurs baisers mystérieuxSous l'oeil des nuits que disent-elles?

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- lof- —

Mlles content l'ennui du  jour.Et, réunissant leur murmure,Mêlent lo chant de leur amour

Au «rand concert de la nature.

Parfois un Sylphe en ses ébats

Vient troubler ce doux tête a-tête ;Mais la fleur ne l'écoute pas :

I.a fleur des nuits n'est pas coquette

Elle n'aime que le malheur :

Son parfum, souverain dyetame,

Pénètre jusqu'au fond du ca-ur,Vx calme les douleurs de l'âme.

Elle écoute l'amant craintif,Les doux rêves de la lillette,Kt le chant sublime et naïf 

Que vers Dieu lance le poule.

A notre premier rendez-vousElle apportait une espérance,Et semblait répandre sur nous

Comme un long voile d'innocence

1/insectc n'ose s'arrêter

Sur cette fleur, et le Phalène,

Qui près d'elle vient bourdonner,De son aîlc l'effleure a peine.

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Qui fuit un insolent lutin,Kt se cache tout effrayéeParfois seulement dans son sein*

Vient se réfugier quelque fée.

Kntendez-\ous ce léger bruit

Au moment où le soir commence ?.Du fond d'une belle-de-nuitC'est Titania qui s'élance.

Pendant que frissonnent les bois,

Que l'eau murmure, et qu'en cachette

Les amoureux mêlent leurs voix;lorsque, seul, rêve le poëte ;

Quand des accords mystérieux,Des soupirs qu'on entend a peineS'élèvent de la terre aux cieux,La fleur des nuits s'ouvre sereine.

frissons, soupirs, échos lointains,Nobles chants, ou plainte étouftec,Tout se mêle et sur nos jardinsRedescend avec la rosée.

Prenant sa part de ce trésor,  \m fleur des nuits dans son calice

Forme une perle humide encor,

Qui jusqu'au fond tombe et se glisse:

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:;'-'- m -

Elle tremblé eVpoùi* 1.1briserIl suffit d'un soufflé qui' passe

'

Héïas !.;.le ycrtt val sfélêvbrL'autre déjà biàncbit t'espace.

Alors des nuits. la douce fleur

Ferme sa corolle embauméePour conserver avec bonheurLa perle dans son sein fermée.

Tel le poète au fond du coeur

Garde, plein de sollicitude,Le trésor d'amour que, rêveur,Il puisa dans la solitude.

Voila pourquoi, fleurs de la nuit,Je vous préfère'h vos compagnes,I)ont le bouton s'épanouùvPendant le jour, dans nos campagnes

Pi tifeMôWOftAND.

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Séance du H Juillet 1861

PHfiSIDENCK I)K M. LK SIMM.

M. Le Président a reçu île M. Maillard pour ùtrtscommuni-

qué à la Société tout ce (jui a paru de ses Notes sur la Réunion:L'auteur demande à ses aurions confrères de vouloir bien

patroner son oeuvre dans la Colonie.

M. Maillard a expédié également la médaille d'or qui lui

avait été demandée. M. le nésident remet à M. G. Azéma'celle médaille qui lui a été décernée pour un travail sur lesPoéli's Créoles.

M. le l)1Lcelorc lit une étude sur le Climat du lirûlè deSt-lk'iùs.vl sur son influence au point de vue de l'hygiène.M. Yoïnrl donne ensuite lecture d'une Comédie-Vaudeville«n un acte. Créole et Marin.

La séance est levée à 10 heures V4

Le Secrétaire,

|.\ DKMoNFORAND.

Le Président,

LeSinkr.

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IIU CLIMAT DU BRULE.

En gravissant l'aride montagne qui s'élève, au Sud de laVille, entre la Ravine du Butor et la Rivière Sl-Denis, le Vo-

yageur est agréablement surpris, après un parcours de dix ki-lomètres, de rencontrer une oasis délicieuse, et de se sentirtout à coup transporté dans un autre climat.

La route qui conduit au Brûle est carrossable. Due à lamunificence d'un honorable négociant de cette Ville, M. deRonlaunay, elle est assez bien entretenue par des cantonniers•constamment occupés à réparer les dégâts des fortes pluies.La route Rontaunay est fréquentée par un grand nombre de

cultivateurs, et par beaucoup <lepersonnes de la Ville ou d'ha-bitants du Brûlé. Elle est chaque jour sillonnée par des cha-riots, portant au quartier les produits de la localité et se char-

geant au retour de denrées alimentaires ou de marchandises;on y voit encore circuler bon nombre de voitures conduisantdes malades convalescents, des voyageurs de passage à laRéunion, ou ies familles de S'-Denis que la saison des cha-leurs retient habituellement à la campagne. C'est une routecommunale dont l'entretien ne saurait

tropéveiller la

vigilancede la Municipalité.On arrive à cheval ou en voiture à ce séjour enchanteur, si

improprement appelé le Brûlé. Vous partez de S'-Denis parune chaleur torride, et cinq quarts d*heure après, lorsque vousavez quitté la butte des CambareSj vous vous trouvez au mi-lieu d'une atmosphère rafraichie par une végétation luxurian-te et par la rosée bienfaisante des fraîches nuits. La vue se re-pose alors agréablement sur de charmantes villas, ombragéespar de verdoyants acacias, et sur les plates-bandes des jar-dins, ornées de fleurs odoriférantes d'Europe aux couleurs les

plus variées. La zone dans laquelle vous venez d'entrer esttoute printanière; l'air que vous respirez est imprégné de l'o-deur balsamique des plantes sauvages; et des sites grandio-

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- MO —

.ses, ornés do ta plus riante verdure, se nmUiplicnl devantvous à mesure que vous avance/.,

Bien n'est plus curieux à observer que celle quantité deCitadins qui, dès l'aube, par une belio journée(Vclo- ou mômed'hiver, s'empressent <lemetlre à profil les loisirs du diman-che pour aller respirer l'air pur et irais du Binié. A peine out-ils mis pied à terre, vous les voyez doués d'une :<elivilé sur-

prenante,d'une ardeur

incroyable;la fraîcheur de l'air, sa vi-

vacité agissent instantanément, comme un stimulant efficace,sur la constitution de ces Voyageurs étiolés, allanguis par leclimat brûlant de TaVille. Alertes, ingambes, ils se répandentdans toutes les directions; vous les voyez,gravissant sans {'ali-

gnes les-baiiUnus, lesescarpemens. On dirait qu'ils ont tout-

à-coup changé de teinpcrammenl et que leur vigueur a dou-ble. A l'étal de langueur des diverses fonctions a succédé ra-

pidement chez eux une surexcitation dont le premier effet est

d'éveiller l'appétit.Quoi de plus séduisant que les sites grandioses et pittores-

ques des environs du Brûlé! Quoi de plus admirable que lepanorama de la Ville et di^. campagnes environnantes vu desvillas Cazeaux,. Deschamps, Carrère, Foulon, Prébay, etc,etc!! Pour nous,.qui connaissons parfaitement les localités etdont les souvenirs sont encore si présents, nous (liions qu'unepromenade dans les sentiers qui escaladent les crêtes culmi-

nantes charmera toujours le Voyageur le plus blasé. On nepeut se lasser en ellet d'admirer ces divers paysages si poéti-quement harmonisés par le Créateur; respirant la paix, invi-tant à la méditation, et remplissant l'âme d'un bonheur indi-cible, ils ont sur la santé du convalescent une influence in-contestable. Même durant l'hiver, le Brûlé peut offrir au va-létudinaire une nouveautéet une variété d'excursions, impos-sibles à rencontrer à la Ville.

Le Village du Brûlé, situé sur un vaste plateau, est très-sain. Son air,pur, la douceur de son climat, la fraîcheur de.ses nuits, l'abondance de ses eaux, et son beau ciel pendantune grande partie de l'année, tout concourt à en faire un sé-

 jour non moins agréable que salubre. L'atmosphère est cons-tamment saturée d'une abondante humidité dont la présence

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— 1*1 —

et surtout la précipitation sous forme de rosée, devient chaquenuit la source d'une grande fraîcheur. Quoique le souffle desvents s'y fasse rarement sentir, on ne cesse d'éprouver au Vil-

lage un état de iraielieur et de bien être qui en rapproche latempérature de celle du midi de la France.

Les forêts que la culture a généralement épargnées, et lesruisseaux qui sillonnent les emplacements concourent encore,surtout

pendant l'été,à l'entretien de cette fraîcheur.

Pendantcette saison, 1énorme dilatation (pie la chaleur fait subiral'air appelle sur le Village l'air des /.unes les plus élevées, plusfroid, plus condensé, plus pesant et qui, par cela même, tendà s'y précipiter.

Dans les mois les plus chauds de l'année le thermomètres'élève rarement au dessus de 20° Réaumur : la chaleur n'ya du reste   jamais paru aussi accablante que celle que Toi)

éprouve à la Ville.

La dilïérence entre la saison des chaleurs et celle du froidest bien marquée au Brûlé. Les mois de Mai, Juin, Juilletet Août sont pour celle localité de véritables mois d'hiver.Dans cette saison le soleil ne s'y montre guère que pendantla première moitié du  jour ; le temps se couvre l'après-midi,et le froid se fait sentir avant la nuit. Dans les parties plus«levées, dans les habitations situées au dessus du Village,le froid est encore plus humide et plus vif; on y est même

oblige d'allumer du feu le matin et le soir. Il n'est pointrare, même en été, de voir les brumes envelopper vers lemilieu du  jour le Village de leurs nébulosités.

La composition des montagnes du brûlé, si elle était exa-minée avec soin, ne permettrait point de douter qu'elles necontiennent une certaine quantité de pyrites ferrugineuses.

Nous croyons que les eaux qui s'écoulent parle canal Boyercontiennent, outre du fer, une certaine proportion de magné-

sie qui les rend légèrement purgatives.Il est facile de comprendre tous les avantages que l'on peutretirer, pour la guenon de 'plusieurs maladies, clccette cons-titution des eaux, de cette disposition de localité, et de la diffé-rence d'air et de température que l'on y observe. L'expériencedes siècles a démontré que dans les pays secs et élevés, les

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Rommes^sont très-sujets à toutes les affections aigùes ; et!

que les affections chroniques, au contraire, régnent dans les

pays bas et humides. On peut facilement vérifier celte in-fluence de l'élévation du sol dans certaines villes disposées en

parties haute et basse: dans la partie élevée les maladies-sont rares et ont une marche Irès-aigiïe ; dans la partie basse,au contraire, les maladies sont fréquentes et ont le plus sou-vent une marche chronique.

On sait encore que l'air sec et froid prédispose aux phleg-masies profondes, aux hémorrhagies actives, et imprime à la

plupart des affections aiguës le caractère inflammatoire; tan-dis que les catarrhes, le scorbut, Terhumatisme naissent sous-l'influence de l'air humide et froid.

L'air delà Ville de St-Denis donne lieu, lorsqu'il est sec et

chaud, au développement des phlegmasies superficielles, deI érysipèle, des exanthèmes, etimpnme souvent aux maladies

aiguës la forme bilieuse ; lorsqu'il est, au contraire, humideet chaud, il engendre les affections muqueuses et adynami-(pics. tl faut donc admettre qu'il y aura toujours lieu de pré-férer pour la convalescence ou le traitement de ces maladies-estivales le climat des montagnes où l'abaissement de la tem-

pérature est toujours bien marqué.De ce que les maladies revêtent assez généralement au

Brûlé le caraetèreinflammaloire, tandis qu'à la Ville les mêmes-

affections se montrent à l'état sub-aigù, il faut établir en prin-cipe que les affections aiguës, loin de se modifier dans ce cli-mat, ne peuvent que s'y aggraver. Au contraire, l'observationdémontre que les malades atteints d'affections chroniques,-ouparvenus à la convalescence, ne tardent pas à éprouver deselfets salutaires d'un séjour au Brûle.

On doit conseiller aux rhumatisants, aux asthmatiques, et

auxpersonnes atteintes de maladies des bronches ou des pou-mons de fuir

pendant!'hiverle froid

généralementhumide des

montagnes; mais nous pensons que la douceui de la tempéra-turequel'on y éprouve pendantl'été ne peut-être nuisible à cessortes de maladies.

Le climat du Brûlé pourra être profitable aux malades tou-tes les fois qu'il faudra recourir à une médication qui recons -

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— 145 —

tiluele sang devenu anhémique, qui ramène l'activité flansles fondions digestives et la circulation abdominale, qui ac-

complisse la résolution des organes engorgés; en d'autresternies, toutes les fois qu'une médication reconstituante,stimulante et résolutive sera reconnue nécessaire.

Les malades aîïaissés par l'épuisement, ou émaeiés parle marasme, y trouveront toujours une guérison rapide, sur-tout dans la cacliexie paludéenne des lièvres de Madagascar,de la côte d'Afrique,.pourvu (ln '' n ,vait Pas d'altérations ana-

tomiques trop profondes.Le séjour du Brûlé devra être conseillé aux malades à la

lin des diarrliéeset desdyssenlcries, ainsi que dans les phleg-tnasios chroniques du colon, dans l'hépatite chronique, dansles hypertrophies du l'oieet delà raleell hypérémic passive deces viscères, dans les engorgements du mésentère. Il convien-

dra surtout dans'les dysscnïeries chroniques des personnesà tempérament mixte, bilieux, mais peu irritable, et surtoutà tempérament lymphatique; dans les entérorrhées anciennesà l'omit! bilieuse ousiereuse: dans certaines formes d'entérai-gie ; dans les entére-colites chroniques, lorsque les évacua-tions sanguines (-lie tenesme ayant disparu, il ne reste nichaleur abdominale ni point fixe douloureux, ni filtre signede nl.lcgînasio a'gue.

Lu dvssenterie, comme l'hépatite, est une maladie endé-mi(jueà l'Ile de la Héunion. A ces divers étals morbides suc-cède quelquefois un étal cachectique caractérisé par uii.i

physionomie extérieure saisissante: parla chloro-anhémie,la torpeur des for.cl:ons digestives et la tendance a l'engor-genu ut de certains viscères abdominaux. Eh bien! quelquesoit 1 îdégre de l'altération anhémique du sang, qu'il existeou non des engorgements matérii Is des viscères abdominaux,qu'il vienne

s'yaouterla

largueurde la circulation abdomi-

nale, de l'en.bai ras gastrique, un état hemorrhoidaire, de laconstipation,de i'iniqmeleuciM'lde la dysménorrhée,nous n'ensommes pas moins pot le à penser que vis-à-vis cet et'it coin-ploxeriudieal:on thérapeutique la plus foinielle sera de con-seiller ::ii\ malades Ifso'nurdu Biùle.

Lafrai-iit'ui-d s ; --i;: llmx-maliot et leurs propriété.;

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- 111 —

reconstituantes exerceront toujours une action fbvoraljle clansies gastralgies et les chloroses. Elles ont encore pour effetd'exciter I appétit chez les convalescents, et de dissiper lesdébilités d'estomac.

Les névroses, contractées à la Ville, srt guérissent assezsouvent, ou du moins se modifient en peu de temps, lorsqu'àune médication rationnelle vient s'ajouter l'inliucnce d'adju-

vants aussi précieux «pie la fraîcheur de la température, latranquillité de l'Ame, la paix de la solitude, et la contem-plation des magnifiques oeuvres de la Création. liicn n'estplus propre, en efl'el, à soustraire le corps aux diverses excita-lions des sens que l'habitude des moeurs douces de nos cam-pagnes. Ajoutez à cela l'influence tonique du climat des mon-tagnes, et l'on comprendra sans peine comment le séjour dulîrùlé est si propice aux diverses névroses des femmes, à

tempérament lymphatique.Nos avons observé que les enfants, tourmentés à la Villepar les phénomènes d'une dentition laborieuse, ne tardaientpas à être soulagés, si on les conduisait clans nos montagnes.1-etravail de la dentition s'y fait sans secousses et presque sansfièvre ; j'ajouterai même qu'il marche avec plus de régularitéet que la sortie des dents est plus rapide et moins doulou-reuse.

Les affections delà peau;'principalement celles endémi-

ques chez nous, telles que les diverses espèces d'éléphautia-sis, ne peuvent que s'amender, ou du moins avoir une marcheplus lente clans une localité montagneuse à climat tempéré,••omnie le lîrùlé. :

Pour en finir avecc-îlle énuméralion, nous dirons que leséjour du lîrùlé est généralement favorable aux convalescentset aux individus atteints cle maladies chroniques! Si l'on veutobtenirdes eifets convenables de l'influence efunatérique, il

ne faut pas attendre que le mal ait pris des -proportions tropgrandes, cl qu'il y ait un énorme affaiblissement de la cons-titution. Le médecin est seul apte à juger de l'opportunité deh saison, du degré, delà maladie compatible avec le change-ment de climat, etdes principaux moyens hygiéniques aux-

quels Il faut parfois avoir recours. Dans les affections nerveu-

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— liS -

sus en particulier, et surtout dans celles qui sont dues à descauses morales; dansées troubles variés et fréquens des or-

ganes d'gi'f.lifs, si communs à la Réunion; dans ces états dola convalescence où l'embonpoint el les forces ne reviennent àleur degré primitif qu'après un certain nombre de mois, oiiles fonctions digestives ne reprennent également que par de-

grés leur exercice régulier, où par les causes les plus légères

surviennent des palpitations qui n'ont rien do grave, où lesmalades sont devenus sensibles à l'impression du froid exté-rieur, l'emploi méthodique des moyens que-l'hygiène metala disposition du médecin a, en efl'et, une action infiniment

supérieure à celle des médira mens proprement dits.(les diverses considérations paraissent avoir été comprises

du docteur Henri Sainte-Colombe qui, dans un but éminem-ment louable, se propose de transformer sa campagne duBrûlé

en maison de convalescence. Les malades seront sursd'y trouver le confortable uni à des soins intelligents. Des si-tes pittoresques, un salon de réunion, une bibliothèque choi *

sie, des salles de bains, et de charmantes promenades ména-gées à dessein auront le privilège do captiver leurs loisirs.Les convalescents y rencontreront, sans risques à courir, sann

fatigues à braver, l'agrément ol l'intérêt, des distractions enun mot qui égayeront sans excitation, et qui seront accessi-bles à tous les goûts comme à toutes les

intelligences.Ce qui manque au Brûle se réalisera peut-être un  jour.A l'instar des maisons thermales d'Europe, la Villa Sainte-Colombo aura sans doute [dus lard sa salle de bals et de cou -certs. Cette création ne pourra qu'être accueillie favorable-ment par les Dames, les convalescents et tous nos amateur;*de plaisirs.

J.LkClkrc. 1). M. I».

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CRÉOLE ETMARIN,

Comédie-Vaudeville en un acte.

PAR

M. ti<rïrtrt.

40

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i»i:bisov\ %«.::*.

M. DELVINCOURT, riche habitant.

MmoMONVAL-DELVINCOURT, sa bellc-soeur,eiiropéeime.NOKMA.filledeDelvincourl.ERNEST de RELEEGARDE, capitaine de frégate.OSCAR de RELLEGARDE, son frère,lieutenant do vaisseau.

LA ROUSSOLE, vieux matelot.

HUMAIS, économe de l'habitation Delvineourl,ancien maître d'école en France.

Deux négresses, personnages muets.

MARIEA, noir de bande.

La scène se passe à la Réunion, sur l'habitation deM. Delvincourt.

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CHÉOLE ET MARIN.

Inthéâtreleprcscntel'intérieurd'unehabitation;à gauchesur ledo\ant,une wiangucattenanth lamaison; desbancsriisti'juescaet là. l'ond del'a;,sage,cucolieis,[.almisles,bananiers,usine,sucrerie,etc.

SCfiXK I™.

KKNKST, OSCAR; LAHOUSSOLU j/mmste/bwrf.EllNKST.

(le doit-être ici; d'après les dernières indications qu'onnous a données,nous no pouvions nous tromper: « Le premierv chemin horde de cocotiers que vous trouverez sur votreii droite, vous conduira à lîellesourcc, habitation de M.««Delvincomt. »

Oscar.

Certainement; impossible que nous ayons l'ail lausseroute:

et, pournous en

assurer,entrons

;voici....

(Il fait quelques pas.)Ernest l'arrêtant.

Mon cher Oscar, attends un peu ; ne vaudrait-il pas mieuxnous l'aire annoncer d'abord ?

Oscar.

Soit !

Ernest appelant.La lîoussole !

La Boussole.

Présent, Commandant.

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- i;;o -

KuNKSI.

Va l'aire prévenir M. Delviucburt de noire arrivée ; ludiras (jue MM. de ttcllegardc demandent à lui rendre leursdevoirs.

La Mousson:.

J'y vais, Commandant, je dirai (jiie vous ave/, mis eu

panne pour attendre la communication.

( Il passe ilcrrièi e la maison,)

SCfcNK U.

KHXKSÏ, OSCA1L .

OSCAU.

N'msidonc, mon cher frère, c'est un parti pris! dix-huif ans cl de beaux yeux (des yeux bourbonnais, c'est tout dire. )et do plus, iiO^OOOpiastres, tout cela to trouve insensible!...Tu refuses, lu ne veux même pas voir Mlle Dclviueeurt !Choisir expies pour faire (a première visite à son père, lemoment où tu la sais absente; cl cela, à cause de je ne sais

quels souvenirs de Paris! Morbleu!  j'enrage!... de talidélitcchez.un officier de marine?.... Tu nous peidras de-

réputation,Ernest.

Allt:doTurcimo.Par état et par caractère,Nous devons, en i»aisvoyageurs,D'un bout à l'autre delà terre,Porter et nos bras et nos coeurs.

Que le plaisir ou l'amour nous appelle,C'est une fleur oflerte au papillon;

Maisce n'est qu'à son pavillon

Qu'un marin doit être (idèle.EltNEn\ 

Ton tour viendra, mon ami ; laisse agir le temps et alors ..Cependant, je l'avoue, parfois aussi  je suis tente de me I'ùcIkt

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- 151 -

contre moi-même, quand la raison prend le dessus, quand jeréfléchis à la fragilité du mes espérances !

Oscar.

Mais enfin, cette divinité que lu adores, qui esl-ellu '/ Oùl'as-lu vue? Tu no m'en avais  jamais parlé avant ce  jour ; ce-pendant, au moment de risquer une folie en son honneur,tu devrais au moins me taire connaître les ci)constances at-

ténuantes. Les folies, tu le sais, Ernest, sont tout-à-fait dema compétence. Parle donc, parle à coeur ouvert ; peut-êtrealors t'approuverai-je. Mais je ne suis pas comme les Anciens

qui élevaient des autels aux Dieux inconnus, Dits iynotis.

Ernest.

lu le V(!tix,sois donc satisfait. Tu sais qu'après l'expédi-tion delà Dallique où je fus grièvement blessé, je revins enFrance. A

peine convalescent, jecourus à Paris.

Mon oncle,notre tuteur, me reçut comme un fils. Plusieurs mois s'écou-lèrent au milieu des plaines .... mais la mer, la mer me man-quait, et je sollicitai mon embarquement. Un  jour, je sortaisdu ministère oii  je venais de recevoir l'assurance que mesvoeux allaient être exaucés, lorsqu'un équipage s'arrête, elil en descend...

Oscar.

Pour le moins une Vénus !Ernest.

Non, mais une dame d'un âge déjà raisonnable. Je la

voyais seule, mon premier mouvement fut de lui offrir monbras. A sa prière, je devins son guide dans ce labyrinthe debureaux et de commis, et la ramenai ensuite à sa voiture. Là,mon ami, l'attendait la plus charmante personne du monde,

que mon empressement pour sa compagne m'avait empêchéde remarquer.... Oh!  je ne te ferai pas son portrait, car

 je te vois déjà sourire.... qu'il te suffise de savoir que je fustellement ébloui que j'entendis à peine les remerciements dema protégée ; et silo suisse du ministère ne m'eût tiré par

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— Kii! -

mon habit,  j'allais, je (M'ois,être renversé parla voilure.

Oscvu.

Oh ! te voilà bien; c'est comme au l'eu, tu ne vois jamais L

danger. Mais continue, je te prie.

Eunksv.

Je rentrai chez mon oncle, encore tout einu, et, laut-il le

dire, pivsque tache de mon prochain départ: a Kruest, me« dit Emile, notre cousin, as-tu donc oublie le hal du Comte« deSolberg? Toi, triste un jour de hal ! À la bonne heure« si, comme moi, tu ne pouvais y assister. Allons, allons.,u songe qu'il faut (pie tu y sois pour moi et pour loi. »

Osc.au.

Alors, lu vas au bal, et tu y retrouves Ion inconnue.

EîiNKST.

Précisément.

Oscar.

Tu la lais danser, valser, polker ; lu lui dis que tul'adores.Kilo commence par se lâcher ; alors lu deviens cloquent ; elle

rougit, balbutie et....

EllNKST.Point du tout. Elle était tellement entourée que je ne pus

d'abord percer la foule... J'avais au moins le bonheur de lavoir. Un seul moment, je parviens à m'approeber d'elle; elleme reconnaît, me remercie de nouveau au nom de sa tante....

 je l'écoutais, je lui parlais, j'étais heureux... l'orchestre vintme l'enlever, Oscar; je no pus la rejoindre delà soirée,et,dansmon trouble, je ne cherchai pas même à savoir son nom. Le

lendemain, je reçus l'ordre d'aller prendre sans délai le com-mandement de îa corvette l'Embuscade où,dans mon chagrin,

 j'avais au moins la consolation d'èlroréunià un frère dont

 j'étais sépare depuis longtemps. (Il lui serre la main. ) Tucuis tout maintenant.

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O.iC.AU.

Oui, jetais tout: mon oncle nous dit alors, on nous quit-tant à Bio t, qu'au retour cli*notre expédition lointaine, ,\no-tre passage à la Réunion, nous y trouverions son fils marié...hélas ! ce cher Kmile ! (Il porte*ta main à ses yeux. ) sa pas-sion pour les chevaux lui a été funeste. Lu l'annonçant icicette tiiste nouvelle, mon oncle t'écrit que sa seule conso-

lation est de pouvoir faire pour loi ce qu'il avait projeté pourson (ils avec son vieil ami Dolvincourl, resserrer les liens del'amitié pari\^ lions de famille.... El c'est pour une visiond'un moment., pour quelques mots échangés avec une incon-nue, que tu refuses de souscrire aux voeux <'onotre second

père!—

LllNEST.

Ne me condamnepas

sansm'entendre,

cherfrère;, quandlu connaîtras mes projets

svMk in.

Les mêmes, LA BOUSSOLE, et un peu après HUMAIS.

L.i Boussole.

Commandant, après avoir couru plusieurs hordées sansrien voir, j'ai jeté le grappin sur un vieux lougre que je vousamène a la remorqué, le voici; je non ai rien pu tirer.

(Au moment oh Dumais entre en scène,un noir court après lui, une pioche à la main.)

Le hoir.'

M'sié, M'siéDimaïs, monpiocen'apasbon.

Dumaïs se retournant.

Mais, triple brute, no pouvais-tu dire: ma pioche n'est pasbonne? Va-t-cn, tu n'en auras pas d'autre.

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- loi -

l-i-:noir.

Guetta in pè, M'sic, n'a pas bon, ça.

Dl'maïs le poussant pur les épaules.

Va-t-en, n'a pas bon; va-t-en, Marîla, et je le retrouverai.

( Le noir sort; Damais s avance.) Croiriez-vous, Messieurs,que moi, qui ai eu l'honneur d'être instituteur primaire àPithiviers, depuis quinze ans que je suis sur cette habitation,

 je n'ai pu obtenir d'aucune de ces laces de charbon d'observer

lapins simple règle do grammaire, l'accord de l'adjectif  avecfa substantif?... Mais, pardon, Messieurs; qu'y a-t-il pourvotre service? Vous demandez M. I)clvincourt?Ccs Messieursarrivent de France, peut-être? .le ne vous demanderai pas ce

qu'il y a de nouveau, car, grâces au courrier de Suez, c'est

moi qui puis vous donner des nouvelles. Sun ExcellenceTak'en bout chichi mat souké houmo dsoukino kami, pre-mier ambassadeur du Taïkoun du Japon, a passé trois heuresdevant la loge de l'ours blanc, au jardin des plantes, et lui aoffert un éventail. S. M. Néerlandaise Sophio-Frédéricque-Mathilde, ayant entendu parler, à Paris, du retour de la modeau fourreau de l'Empire, a demandé le maintien dumalakofl'.la gracieuse reine craignant que celte révolution n'amenât

du trouble dans les Pays-Bas. Les esclavagistesOscar à part.

Au Diable le bavard! (haut.) Si vous pouviez avertirM. Dclvincoui'l....

Dlmaïs.

Sans doute, sans aucun doute, je le puis ; mais peut-êtreÉcriez-vousmieux, de m'expliquer ce que vous désirez , parceque, au fait, c'est moi qui suis chargé de tout ici.

Oscar s'avançant sur Dumais.

Kles-vous chargé de nous faire damner ?

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-- l.vi —

KiiM-sr l'arrêtant.

(h-w !

Dlmais.

Laissez, laisse/.. Commandant ; je ne vous en dirai pasplus, puisque vous no comprenez pas que c'est moi qui suisle factotum de la maison. Cependant si... (Oscar fait un

il>!ste (l'impatience. ) Là, là, mon officier... ( à part. ) S'ilavait passé par mes mains, celui-là, pendant que j'exerçais, j'ose dire qu'il ne serait pas aussi vif. (haut.) Vous demandezdoue M. Delvincourl ; il est allé Hure sa promenade du ma-tin... Vous voyez là-bas ces deux palmistes? c'est là quecommencent nos nouveaux défrichements ; il est certaine-ment par là , car Monsieur est comme ses voisins , il veuttout voir par lui-même... et cependant, je suis là, moi, et

sans me vanter... ( Nouveau geste d'impatience d'Oscar.) Jevais vous conduire près de lui ; venez , Messieurs , venez.

Ernest.

Merci, mon ami ; vos renseignements nous suffiront.Viens ,Oscar , je vais, en chemin, t'apprendre tous mes pro-

 jets.

( Ils sortent par le fond à gauche. )

SCÈNE IV.

DUMAIS, LA BOUSSOLE.

Dumaïs les suivant au fond.

Pas par là ! c'est le chemin de la ravine ; là , vous y êtes ;toujours tout droit, jusqu'après le champ de cannes, etensuite

La Boussole. (Pendant les dernières paroles de Du-

maïs, il la regardé lès bras croisés ; en ce moment,il lui met pesamment la main sur Vépaule. )

Dites donc, l'ami, avez-vous bientôt vidé vos soutes ?

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- i;;o -

Dumaïs avec humeur.

Plaît-il ?

La Borssoi.K

Jiî vous demamle si vous allez former les sabords do votrebatterie ?

*

Dumaïs.Vous autres loups de mer, vous croyez avoir tout dit, quand

vous avez expectoré quelques termes do votre métier, c'est

déplorable, c'est...

La Boisson:.

Doucement, vieux ponton, diminuez de voiles, ou  je vouscoule bas.

Dumaïs.,

Est-ce ma faute si  je ne comprends pas votre galimatias ?

L\  Boussomî.

Par la Sainte-Barbe !

Dl'MAÏS.

Allons, de mieux en mieux... laissez en repos, je vous prie,les saints et les saintes.

La Boussolk.

Ah I AI» ! votre hamac est encore pendu là ! Eh bien! écou-tez-moi.

AIR:Ifcureuxliabitanlsdesbeauxvallonsdo l'Holvùtia.

Cette sainte-la plus d'une foisfut invoquée ,Et jamais marin

A l'aide ne t'appelle en vain ;Mais de sa puissance, hélas ! ceux qui l'ont évoquée.

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— 157 —

Haremcnt après,Viennent raconter les effet f.

Quand un brave;, nn jour, par l'ennemi se vit surprendre.( Hasard fort commun,

Les Anglais étaient trois contre un. )Voulant le sauver, ils lui demandent de se rendre:

« Sainte-Barbe est là,Dit-il, « elle nous sauvera ! »

Celte sainte-là, etc.

mwuïs.

Voilà donc pourquoi tous les marins ont de la dévotion poursa chapelle : ils n'en parlent jamais qu'avec enthousiasme...C'est pourtant un triste métier que le vôtre! être toute savie sur des planches ou sur des cordes, entre le ciel et l'eau !J'en ai encore le frisson, rien que de penser à ma traversée...

11faut être un diable incarné pour être marin.La Boussole.

Non, il faut être homme.

AIIl: Voilà,voilàtout le secret.

Affronter, dès l'enfance ,La mer et les autans ;Avec insouciance.Voir la fureur des vents ;Point d'humeur inquiète,Point de sombre chagrin ;Au travail faisant fêteAvec un gai refrain ;Au fort de la tempête,Le front toujours serein ;

Voila, voila le vrai marin.

Au cri de la patrieRépondant promptement,El, s'il lui faut sa vie,Sans regrets la donnant ;

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- 188 -

Au sein «lela victoire,litre toujours humain;Et se couvrir de gloire,Sans en être plus vain ;Puis, d'un nom dans l'histoireCouronner sou destin,

Voilà, voila le vrai marin.

DlMAlS.

Sans doute, sans aucun doute, j'aurais été moi-même bonmarin, s'il n'avais pas fallu quitter la terre ; aussi, je m'y suis

iitfaehé, et me voilà.

La Bolssoli:.

El comment gouvernez-vous votre barque, dans ces pa-rages-ei? Quelles gens sont ces habitants? Tenez, voyez-vous,mon brave matelot manque, depuis dix-huit mois que nousavons

quittéBrest, nous avons été aux

quatrecoins du mon-

de. Eh bien ! hier encore, je ne m'étais pas éloigné de dixbrasses du gaillard d'avant delà corvette mais puisqueme voici sur le plein, je ne serais pas fâché «le savoir sous

quel pavillon on peut y naviguer.

DlMAlS.

C'est très bien ; l'eoutez-moi donc à votre tour, puisquevous voulez connaître les habitants.

AMI:C'étaitllenauririe Moutauban.A l'industrie, à de nobles travaux,Consacrant une utile vie,Mais cultivant, aux heures de repos,Les arts et la philosophie.De tous les plus doux sentimentsSubissant la sainte influence,Et dévoués à notre belle France,

Voilà, mon cher, les habitants.Quant à leur hospitalité, s'il vous reste quelques incertitu-

des, j'espère qu'un Verre de bon vin achèvera de vous convain-cre.

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159

La H'iissoi.K.

Allons, niions! je vois que le mouillage va être si bon que- je pourrai bien y jeter l'ancre. Pare à virer, l'ancien. ( II le

'prend par le buts. ) A Dieu val ! (Il le fait tourner.) Orien-tons maintenant, le cap sur la cambuse.

DuMAÏS.

Sans doute, sans aucun doute; par ici.. (Us passent derrière la maison. )

SCÈNE Y

.MmeMONVAL, NOÉMA, deux négresses por-tant les châles et les ombrelles de ces dames.

( Des noirs portant des malles et des cartons à chapeau,les suivent et entrent dans la maison.

)NoKMi ôtant son chapeau et le donnant à une négressequi rentre aussitôt dans la maison avec l'autre. )

Tiens, Elina. (ùMmeMonval.) Ne vous l'avais-je pas dit,chère tante, que notre voyage à St-Pierre pourrait bien nepas s'achever cette fois,grâces aux pluiesde ces derniers  jours?'Vous qui, naguères encore, aviez si peu quitté Paris et lesbords de la Seine, vous avez souri de pitié en voyant nos

petites rivières, quand je vous parlais des dangers qu'ellesoil'rent dans cette saison; Eh bien ! ma tante, que dites-vuus-de la rivière St-Etienne?

M"ie Monval.

J'en suis encore toute émue, mon enfant ; une rivière'?c'est unallreux torrent.

AIR:C'està bon droitque la peinture.

Commeil s'élance et tourbillonne,Ce flotqui gressit en roulant!Dans son cours au loin il sillonneLe sol, d'écume blanchissant;Je n'y pense qu'en frémissant.

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-ICO

-

Longtemps encore ma mémoireEn gardera le souvenir;Je ne refuse plus d'y croire,Trop heureuse d'en*revenir.

La Saine déborde aussi quelquefois, mais au moins lesponts sont toujours là pour la passer.

NoÉMA.Rices ponts, chère tante, n'ont pas été construits en un

 jour. Attendez un peu, et pour nous aussi tous les obstaclesseront vaincus. Mes ehers compatriotes ne reculent devant au-cun sacrifice,quand il s'agit de servir l»s intérêts de la colonie.

Maisaujourd'hui,nous voici forcément de retoui à Belle-source,et les distractions que vous allie/, chercher vous échappent. El»bien ! ma tante, si notre beau ciel, si notre doux climat ne

vous font pas oublier la bruineuse atmosphère de ce Parisque vous avez quitte à cause de votre Noéma; si l'éiégancede nos palmistes, si la riche végétation de nos campagnesvous laissent des regrets pour les majestueux ombrages desTuileries, nous parlerons de ces lieux que vous aimez ;n'avons-nous pas nos souvenirs? (Elle soupire.)

MmoMonval avec intention.

Nos souvenirs ? Ah ! Noéma,je

voudraisque

les vôtres nefussent pas plus déraisonnables que les miens. Sans établiraucune comparaison au préjudice de la nouvelle patrie que

 j'ai adoptée,» cause de toi, mon enfant, je regrette notre chèreFrance, parce que j'y suis née, parce que le prisme de l'habi-tude, en embellissant les lieux auxquels elle nous a attachés,i-lTacesous les regrets tout 1echarme, toute la beauté de ceuxoù nous sommes obligés de porter ensuite nos pas. Quand

 j'épousai le frère de Ion père, Noéma, jelui avais fait pro-meltredc ne jamais me conduire dans cette lointaine coloniequ'il aimaitlant, et il avait tenu sa promesse.-.Mais, pour toi,Noéma, j'aitout quitté; n'otais-je pas devenue .tamère?

Noêma Vembrassant.*

Ah ! vous aie l'avez bien prouvé.

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— 101 —

Mmo Monval.

Mais laissons mes souvenirs et parlons des tiens. Dois-jedonc me reprocher de les avoir follement entretenus? Quet'importe, dis-moi, un jeune homme que tu ne reverras plus?

Noêma.

Ne plus le revoir! et pourquoi donc, chère tonte? il estmarin, ne

peut-ilvenir ici ?oh !

moi, je l'espèrebien.

MmpMonVAL.

Enfant, cette folie peut causer bien des chagrins à ton ex-cellent père qui, lu le sais, a des projets de mariage pour toi.J'en conviens, il était charmant, ce bon jeune homme; il étaitfort aimable; il m'avait moi-même séduite, ctpeul-ôlre, je nete désapprouverais pas de garder encore son souvenir, si,alors, il avait réellement songé à te plaire.... Mais deux mois

se sont passés depuis notre dernière rencontre, sans qu'il aitcherché à te levoir; et quand, à celte époque, les lettres pluspressantes de mon frère nous ont décidées à partir, ton belofficier, mon enfant, ne se souvenait sans doute plus de toi.

Noéma.

Qui sait, ma tante ? mais  je veux vous arrêter sur ce tristechapitre. Et puis, si vous mettiez mon mérite en  jeu, vouame rendriez tout-à-fait intraitable.

AIR:Ah!si ma datneme voyait!Dans un bal où tant de rivauxA la beauté rendent hommage,On peut échanger au passage.

Un sourire, un regard, quelques mots,.Nous levons toujours ces impôts.Ces tributs de galanterie,On nous les paie, et tout est dil ;

Mais jamais il ne les publie,Celui dont le coeur ies offrit.

MmoMonval.

Eh bien donc ! je laisserai au temps le soin de te désabuser.Mais en attendant, et pour nous distraire, toi, de tes souve-

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- 162 -

nirs, moi de mon épouvante, reprenons nos occu,Viens faire un peu de musique ; je t'écouterai tout en i..dant.

( Elle fait quelques pas vers la maison. )

N'okm.vl'arrêtant et avec une gravité comique.

C'esteela, aux grands maux, les grands remèdes.... Je

ferai de la musique, puisque vous le désirez; mais tenez, res-tons ici; mon piano est horriblement diseord; je vais vous direma chansonnette favorite,la dernière que j'ai reçue de Paris.

M,,ltf Monval.

Tout ce que tu voudras, pourvu que nous repoussionsl'ennemi.

Noksiala menaçant du doigt.

Repousser l'ennemi ?... n'en parlez donc plus. ( Elle s ap-proche de la varangue et appelle.) Elina !

( La négresse parait ; iXoèma lui parle bas et vient ensuites asseoir sur un banc rustique, près de la varangue; MmeMonval se place jn'ès d'elle. Elina apporte un cahier de

musique et la boîte à ouvrage, de Mme Monval, et rentredans la maison.

) iNoÉMA.

Ecoulez, ma Imite*

Allt:

Voyez qu'elle est heureuse,Misyla belle enfant,Quand, viveet gracieuse,

Elle court en chantant.Chacun prête l'oreille,Sur le bord du chemin,Et l'écho se réveille,'Emu de ce refrain :

Tra, la, la, la, &•.

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— 163 -

Elle chante sans cesse,Misy la belle enfant,Et foule sa richesseEst un coeur innocent.Aussi, sous la coudrette,Aux propos des garçons:Demain, dit la fillette,Maisaujourd'hui, chantons.

Tra, la, la, la, .&.Jouis de ton bel âge,Misyla belle enfant,DoiUon craindre l'orageQuand le ciel est riant.Et lorsque la tempêteAssombrira les cicux,Pour l'oublier, répète

de chant des jours heureux:Tra, la, la, la, &.

Mmc Monval.

Très-bien, mon enfant.

( Noèma parcourt son cahier de musique. )

SCÈNE VI.

Les mêmes, OSCAR.Oscar entrant fort vite par la (fauche, sans apercevoir

tes dames.

Quel bonheur ! ces daines sont revenues, me dit-on ; c'estcharmant ! Ernest m'a renvoyé ; il a besoin do causer de ses

projetsavec M.Delvincourt... ma foi, puisqu'il le veut absolu-

ment,je me sacrifie, je tenterai l'aventure dès que... ( Il aper-

çoit Noèma; les dames se lèveniet viennent sur le devant delàscène.) Ah ! le sacrifice ne sera pas pénible ; que n'est-il déjàfait ! Ernest aurait-il eu raison de me dire que mon tour vien-drait? (Il s'approche en saluant. ) Mesdames, vous pardon-nerez à un mai in de se présenter si brusquement à vous ;niais, dans notre état, on apprend bien, vite à connaître le

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— 164 -

prix du temps,et quand nous apercevons le port,nous tâchonsde profiler d'un vent favorable pour l'atteindre.

Mn,0MoNVAL.

Rien de mieux, Monsieur; mais* veuillez nous dire à quinous avons l'honneur de parler et quel est ce port où vous êtessi pressé d'arriver.

Oscar.

Sur le premier point, Madame, vous serez bientôt satis-faite: Oscar de Bellegarde, vingt-quatre ans, les épaulettesde lieutenant de vaisseau, voilà mes noms, âge et qualité;mais cela appartient déjà au passé. Quant à l'avenir,les étoilesde contre-amiral, si un brave boulet ennemi ne m'arrête enchemin.

M"ie Monval.

Oh! pourquoi de pareilles idées, Monsieur? Mais vousn'avez répondu qu'à l'una de mes questions, et.....

Oscar.

Je m'empresse de répondre à l'autre.

AIR:J'entendsau loinl'archetde lafolie.

Sur l'océan qu'on appelle la vie,Battu longtemps et des vents et des flots,

Le nautonier, quand sa barque dévie,Songe trop tard à prendre du repos.Il ne faut plus s'exposcrau naufrageQuand la beauté rappelle le nocher;Ah! le bonheur est près d'elle air rivage,C'est là le poil, et je viens le chercher,Voilà le port que je venais chercher.

NoÉsiA à part.Aimable

 jeunehomme !....

 jene sais

quelleshl'ées con-

fuses sa présence et sa voix ont réveillées dans mon. «oeur.

MmcMonval.

M.de Bellegarde?... mais attendez donc.. .quoi, Monsieur,c'est vous? (4 JSoèma.) Chère Noéma, voilà ce neveu de

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- 165 -

san vieil ami, dont ton père attendait si impatiemment l'arri-vée. Tu comprends maintenant; etle voyageur, mon enfant,touehera-t-il le port?

Noéma.

Que me dites-vous, ma tante V vous m'avez bouleversée.

( A part. ) Il me paraissait aimable lout-à-l'heure ; mais àprésent, (Elle le regarde. ) je crois que je me suis trompée.

Oscar passant entre Mme Monoal et Noéina.

Eh bien ! Mademoiselle, puisque le hasard m'a été assezfavorable pour me rapprocher de vous, pourquoi tardera'13-je-àvous dire tout ce qu'il y a d'émotion dans mon coeur depuisque je vous vois?...

Noéma.

Monsieur

Oscar.

Oh !ne vous offensez pas de ma vivacité ; un marin a si

peu de temps à donner au bonheur qu'il doit chercher aie saisir dès qu'il croit l'entrevoir.

AIR: Il fait si froid quo dans la rue.

Je le sens au fond de mon âme,Je dois bénir ces doux moments;Croyez à l'ardeur qui m'enflamme,Oui, croyez en bien mes serments.

Noéma.

Vos serments, j'y croirais peut-être,S'ils n'étaient pas venus si tôt ;Avant de s'engager, il fautPrendre le temps de se connaître.

( Elle le salue et rentre dans la maison. )

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- 160 —

SCÈNE VII.

M'"« MONVAL, OSCAR.

Oscvn. Il salue Xoèma d'un air décontenancé, la regardealler un moment, et revient rapidement sur le devant de lascène.

Vent de bout à imi première sortie !... ce n'est pas encou-

rageant.MJn0 Moav.u. à part.

Pauvre garçon ! il est tout abasourdi. (Haut.) Eb bien !Monsieur Oscar,il ne faut pas vous décourager parce que vousn'avez pas enlevé un coeur déjeune iille, connue vous pren-driez un navire ennemi, à l'abordage. Rassurez-vous, je doism'intéressera vos succès; mon frère m'avait confié depuislongtemps ses espérances et ses bonnes dispositions en votrefaveur.

Oscar.

Eu ma faveur! bêlas, non! ce n'était pas à moi qu'était'réservé ecï)ohbeur,.jenele vois (pic trop. Ce matin encore,mon frère avait seul ledroit'd'y prétendre; mais des souvenirsde coeur ont été pour lui plus puissants que les voeux de deux

familles, et c'est de concert avec M. Delvincourt, qu'en bonfrère, il a voulu (pie je prisse sa place.

M,,ieMokvai,.

Si telles sont les intentions de M. Delvincourt, je dois lesseconder. Noéma aime trop son père pour vouloir l'aHligerpar un refus opiniâtre; et, si ce n'était aussi quelques vaguessouvenirs....

" Oscar.

Encore des souvenirs ! ils me poursuivent.... ce matin, dmmoins, ils m'ont été favorables; auraî-je maintenant à m'einplaindre?

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— 107 —

Mn,uMONVAL.

Venez, Monsieur; peut-être nos efforts réunis seront-ils

•plus heureux.

Oscau lui offrant le bras.

Je m'abandonne à vous, Madame; miis. je l'avoue, monassurance a éprouvé un furieux échec.

( Ils entrent dans la maison.)

SCÈNE VIII.

M. DELVINCOUKT, ERNEST.

(Ils arrivent par le fond, à gauche, M. Delvincourt est

appuyé sur le bras d'Ernest. )M. Delvincourt.

' Votre résolution m'afflige, mon cher Ernest ; elle renverseune seconde ibis les projets que votre oncle et moi avions prisplaisir à former. Votre frère, sans doute, a plus d'un titre

pour justifier la substitution que vous m'avez demandée ; maisilest bien  jeune encore; votre âge cadrait mieux avec les plans

que je formais pour le bonheur de ma fille.Eiinest.

Croyez, Monsieur, qu'il m'en coûte beaucoup de tromperainsi vos espérances et celles de mon second père. Mais, meconfier le bonheur de votre lille, serait-ce donc l'assurer ? Elledoit prétendre à tout l'amour de son époux, et mon coeur n'est

plus libre d'acquitter celte dette.

M. Delviincourt.

Il ne faut donc plus y songer. Mais, je le répète, je crains

que ht trop glande jeunesse d'Oscar ne fasse évanouir tousmes rôves.

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- IG8 —

Ernest.

L'amour est un maître qui saura lu plier à vos voeux.

AI. Dki.vint.ourt.

Luifera-t-ilaimcrautant que je lu désire cette île perdueau sein des mers, comptée pour si peu de cho.se dans la ba-lance des puissants de ce monde, mais si fertile, si belle aux

veux de ses enfants, si chère à tous !AIR:Pointdocliagiinquinosoitoublié.( de la Vieille)

Oui, le saint nom de la pairieA des autels dans notre coeur ;Chaque lils de la colonieNail pour être son défenseur;Il doit lui dévouer sa vieKl concourir à son bonheur.

Fier de garder les couleurs de la France,Kn elle il met toute son espéranceIl met en elle espoir et confiance ;Kl son amour pour elle est seul égal *A son amour du sol natal.

Ce rocher isolé, si peu intéressant à vos yeux, mon  jeuneami, (pie d'émotions il éveille en moi, comme dans l'âme detous les colons ! Vous ne savez pas combien cette vie colonia-

le, la vie de l'habitant, offre de charme et de  jouissances ! Etcependant, vous étiez fait pour le comprendre... Mais revenonsau désir que vous m'avez exprimé. S'il m'est pénible de vousvoir persister dans ce dessein, je ne veux ni ne puis vous enblâmer; votre franchise m'a plu, tout en m'alïligeant. Ah!

puisse votre frère posséder toutes les qualités que j'ai dis-

linguées en vous ! Vos conseils le guideront du moins, car jene pense pas (pie vous l'abandonniez ainsi.

Ernest.

Que ne puis-je vous satisfaire au moins à cet égard ! maismes regrets, déjà si vifs, ne pourraient qu'augmenter si jeconnaissais toute l'étendue de mon sacrifice :  je dois vous,quitter sans voir AIl,cDelvincourt.

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— 169 —

AMI: l'aut l'oublier.

Il faut partir, je crains encoreD'accroître mes secrets ennuis ;Devant ce danger si je fuis,Que votre fille au moins l'ignore.Peut-être un tardif  repentirDéchirerait mon âme émue ;Pour mon repos je dois la fuir.

Si, malgré moi, je l'avais vue,Dirais-jc encore : Il faut partir !

Un mot à mon fidèle marin, et je reviens, mon digne ami,vous foire mes adieux.

(Il sort par la gauche.)

scène ix.

M. DELVINCOUHTseul; puis NOÊMA.

M. Delvincoliit le regardant.

Don jeune homme ! Pourquoi faut-il qu'un obstacle impré-vu vienne me priver d'un tel appui pour ma vieillesse?...

JVoémaentre en chantant.

Liberté chérie,Seul bien de la

vie,Liberté chérieAh ! mon père, je vous cherchais. ( Elle Vembrasse. ) Vous

savez déjà que la rivière St-Etiennc a mis son veto, commevom nous l'aviez prédit, sur les projets d'excursion que nousavions formés, ma tante et moi? ( Delvincourl fait un signeaffirmatif.) Eh bien! voyez-vous, j'en étais d'abord ravie,parce (jueje revenais plus tôt près de ce pauvre père.... Maisle méchant!

àpeinesuis-je arrivée, qu'ilm'affuble d'un

pré-tendu... tombe du ciel sans doute? Qui le savait ici, ce beauMonsieur? On ne serait pas .revenue, assurément.

M. Dklvincouut souriant.

Peut-èlre; ou du moins nous aurions été te chercher.

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— 170 -

NoKMA.

Oh !*Mais! vous ne parlez pas sérieusement?'

M. Delvincouiu.

Très sérieusement, ma chère-tille. Mais qu'a-t-ildonc d;rsi terrible, ce  jeune homme?'

Nokm.vRien, mon père, si ce n'est que c'est...un prétendu.

M. Delviscourt;

Oui, mon enfant, et un prétendu qui vient réaliser monvoeule plus cher, l'union de ma famille avec celle de monmeilleur ami.

ÎSoêmad'un Ion câlin.Certainement, pauvre père, je serais bien aise, à cause de

vous, d'accomplir ce voeu.

AïH: doTdnicrs.

Oui, chaque jour, empressée h vous plaire,Vuus obéir,est ma première loi;tin seul désir; un mot de vous, mon père,-Vous le savez, c'est un ordre

pourmoi.

Votre bonheur est ma seule pensée;Entendez-vous, je dis votre bonheur;Mais quand je suis partie intéressée,Permettez-moi d'obéir à mon coeur.

M. Delvincoumv

Nocma, la tante ne m'a pas laissé ignorer l'état dé tou:

coeur; je ne t'ai cependant jamais parlé de cette rencontre à'

Paris, dont tu gardes encore le souvenir. ( Noèma soupire. )Je t'ai seulement confié mes plans et mes espérances: c'étaitlo rêve de ma vie, ma fille; et quand, après bien des traverses,

 je le vois au moment de s'accomplir, est-ce bien toi, mon en-fant, qui tromperais mon espoir?

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- 171 -

.Noéma vivement émue.

Oh! mon Dieu! si vous saviez combien  je voudrais pouvoirvous (lire: vous le voulez, mon père? je le veux..., Mais, fer-mer ainsi brusquement son coeur à tel sentiment, pour l'ou-vrir à tel autre, est-ce donc possible? M. Oscar est aimablesans doute: encore mi faut-il le tamps de m'en convaincre; ne

peut-ilattendre un

peu?M. Delvintourt.

Oui, Noéma, il pourrait attendre, lui; mais moi?

AIR:Peaux joursde la clievalorlo.

Eh quoi! tu nié parles d'attendre!Ne \ois-tù pas mes cheveux blancs?Ma fille, pnis-je encor prétendre

A veiller sur loi bien longtemps?Près de terminer ma carrière,Je dois fixer ton avenir;Prends un époux, h ma prière,Qu'en mourant, j'aie a te bénir..

Noéma très émue..

Mon père! mon bon père!....

SCÈNE X,Les mêmes, M™ MONVÂL, OSCAR.

M"10 MoNVAL.à:Oïcar qui est entrelacée elle pendanttes deu$ dernien ven du couplet.

Lcmoment'cstfâvorablej.à vous, Monsieur Oscar, àyfrap-

per le dernier.coup»

Altl:Neraillezpasla garde,citoyenne.Son coeur ému vous la livre d'avance,De cet instant sachez donc profiter.Suivez l'avis de mon expérience,Elle ne peut longtemps vous résister.

33.

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- 172 —

Oscar.

En la voyant, j'ai besoin de vous croire,Quand votre voix me promet le bonheur;Mais dérober ainsi celle victoire,Est-ce trouver le chemin de son coeur?

I£nsi-:mui.e.

Oscaii.Oui, malgré moi, je tremble ici d'avanceHtdu sucées je dois encor douter.Moncoeur palpite, ah! lorsqu'elle balance,De cel instant saurai-jc profiter?

M. Dëlvincourt.

Machère enfant, sur ton obéissance,

Knce moment, ne dois-je pas compter?Ouand je te prie, en vain Ion coeur balance,Tu ne saurais longtemps me résister.

Nokma.

Sans doute, hélas! sur mon obéissanceUn si bon père a le droit de compter;Pour son bonheur, cachons-lui ma souffrance,Mon triste coeur ne doit plus hésiter.

.M",0Monval.

Son coeurému vous la livre d'avance,De cet instant sachez donc profiter;Suivez l'avis démon expérience,Klle ne peut longtemps vous résister.

M,m' Monval.

Allons! ilu courage!Oscar Rapprochant de Xoêma.

Vous me trouverez peu généreux, Mademoiselle, de mettreà profil contre vous le bienveillant appui qu'on me prêt"

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-- Iio —

ici: vous avoir vue, voilà mou excuse. La vie s'écoule si rapi-de pour nous qui l'éparpillons sur tant de rivages, que nossensations en deviennent plus vives, les besoins de notre coeur

plus'uiipéiieux, notre soif du bonheur plus ardente. Laissez-vous aimer, liez-vous à moi. Je suis jeune, bien  jeune sansdoute, bien étourdi peut-être: mais l'amour, dans ce monde,a tant de fois vaincu la raison, qu'il peut bien faire aujour-

d'hui allinnce avec elle,lorsqu'il s'agit de vous rendre heureu-se, (àpart, en m/ardant Nocma. ) (le que c'est (pie d'êtreamoureux! Ainoureu*? moi!.... Mbbien! oui, amou-

reux. Ma parole d'honneur, Ernest ne pourrait soutenir la

comparaison.

M1"0 Monval à Nocma.

Si tu ne pimx encore l'aimer, chère enfant, il n'est pas im-

possible que cela vienne.;\oèma.

Ali! matante, et lui?

M"10 Montai..

Lui! qui, lui?... lui que tu ne reverras plus!'Les absentsont tort, toujours toit. Kl à cela   je n'ajouterai qu'un mot:

llegarde ton père,'i\oéma.M. Dki.vint.ouut.

Ta réponse, nia (ille?

Oscau à part.

l)ois-je espérer?

NoKMA.

Alll-Du tnalelol(doMmc'Dudiambfc'c).

Ne craignez plus ma vaine résistance,De moi vos voeuxdoivent tout obtenir.Ali! j'oubliais une trop longue absence,Quand j'écoutais un bien cher souvenir.

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— 174 —

Près de l'époux qu'ici l'on me désigne,Si mes rcgrels ne sont pas tous bannis,De votre amour au moins  je serai digne...Bénissez-moi, mon père, j'obéis.

M,ne Mo.NVAL.

Enfin!

M. Dki.vincoukt embrassant Noêma.

Mon enfant!., (à Oscar en lui prenant la main. ) Oscar,vous me répondez de.son bonheur.

Oscak.

Je m'en charge.... (à part.) Qui diable se serait douté decela ce matin? (haut.) Mais où donc est Ernest?

M. Delyincouht.

Venez, mon ami, venez unir vos efforts aux miens pour leretenir près de nous. Il veut partira l'instant même... et, te-nez, le voilà qui vient sans doute m'annoncer son départ.

( // va au devant d'Ernest. )

SCÈNE XI.

LesMêmes,

ERNEST.

Ernest. // s'avance  jusqu'auprèsde M. Delvincourt sansvoir les autres personna-

ges.

Je vais vous quitter, Monsieur; croyez que mes regrets...( apercevant Noèma. ) ô ciel!

Noêma se cachant la figure dansses mains.

Lui, ma tante ! ah ! trop lard ! trop tard !

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- 175 —

Ernest à M. Delvincourt.

Quoi ! ce serait Mademoiselle voire fille?

M. Delvincourt.

Elle-même.

Ernest à part.

Elle , mon Dieu ! Qu'ai-je fait !

Mme Monval s'approchant de M. Del-vincourt.

Hélas, mon frère , nevoilà-l-il pas maintenant notre  jeunehomme de Paris !

M. Delvincourt.

Tout est fini ma soeur ; qu'y puis-jc encore ?

Oscar. Il a suivi avec intérêt toutecette scène qui doit être très-rapide ; il prend alorsle milieu du théâtre.

Eh bien! qu'y a-t-il donc? vous voilà tous avec de sombres

visages! Il iuô semble cependant qu'un jour de mariage, on nedoit songer qu'à la  joie. Un  jour de mariage, entends-tu,

Ernest? (Prenant là main de Noèma. ) Et voici la mariée;comment la trouves-tu, frère?

Ernest.

Adieu, Oscar, adieu, adieu, je pars...

Oscar.

As-tu perdu la tète? tu pars! lu pars, c'est aisé a dire; mais,est-ce cju on peut se passer de loi iei?Tu resteras; je te force-rai, parbLm! à rester, te dis-je.

Ernest.

Non, non; tu ne sais pas que....

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— 176 -

OSCAR.

Je sais que tu es indispensable ici pour signer.....

KiiNKsrl'interrompant.

Ton contrat de mariage'?

Oscar.

Eh! non!.... le lien, frère. (A part en regardant .Xoèma.)Ouf! il est heureux d'être arrivé à temps, car enfin, je tenais,

et, ma foi.... (haut.) Ali! Ernest, si tu n'avais pas été au bal

du Comte de Solberg, je ni*le dirais pas maintenant: (mettantla main de Noèma dans celle d'iïrnest.) A moi ta corvette, à

toi ma femme!.... à toi ma femme, c'est-à-dire, si le beau-

père....

M. Di'iAïNT-oiarsouriant.

Ci*était votre bien, mon  jeune ami; vous seul pouviez, ni

disposer. Mais un pareil trait vous portera bonheur.

Mn'° Monval.

Certainement, et  je veux lui trouver une autre Moêiua. A

coupsur, il no

manque pas

d'aimables   jeunes personnes dans

la colonie.

Oscar.

.l'accepterai plus lard vos bons ollices, Madame; quant à

présent, c'est ma corvette qui aura mes amours, et pour cau-se... (à Moèma.) Eh bien! Mademoiselle, si vous n'aviez, paspour moi une alîeetion bien prononcée ce malin, je parie, va-nité à

part, quevous m'aimez,

beaucoup.... depuis cinqmi-

nutes.

Nukma lui tendant la main.

Ah! comme une soiiir.

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- 177 —

Oscar à pari en lui baisant la main.

Comme une soeur, e'est quelque .chose, mais.... mais, c'esttout ce qu'il me faut maintenant.

SCÈNE XII et dernière.

Les Mêmes, IA HOUSSOLE, DUM.VIS.La Boussolk.

Commandant, quand vous voudrez appareiller, tout est

parc. C'est pourtant dommage de prendre le large «ilôt, jen'aurais pas été fâché de faire mon quart ici quelque temps;il y a du rcnahle à la cambuse. Et puis, j'aurais bien pu ygagner double ration, puisque le capitaine se marie.

Oscar.

Console-toi , mon vieux ; nous resterons ici quelques joursavec cette différence pourtant : au commandant le mariage, àmoi la mer, et bientôt la France.

La Boussolk.

Il paraît alors que vous avez changé lof  pour lof. (à Du-

maïs. ) En cecas, tiens bon, l'ancien ; faut dégréer les qua-drupèdes.

Humais.

Sans doute , sans aucun doute, j'en donnerai l'ordre debon coeur.

M. Dklvincourt à Ernest.

Mon cher Ernest, la Providence a comblé nos voeux, vousépousez celle que votre coeur aimait ; je trouve le fils que j'at-tendais. Vous vous fixerez auprès de moi, sous notre beaueiel, et si vous êtes heureux ici, tenez en compte à cette pa-trie adoptive dont l'avenir repose avant tout sur le dévoue-ment et l'union de ses enfants.

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- 178 ~

Noèma au public.

Air. Je revenaisde monvillage.

Notre auteur, tremblant, inquiet,En vous livrant ce faible ouvrage,Pour un tableau trop incomplet,N'ose espérer votre suffrage.Mais sur vous s'il avait compté,N'allez

pasvous montrer

sévères;Excusez sa témérité,Hse croyait parmi des frères.

FIN.

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ôoïïété îrcs dricnced et 2lrte*

Séance du 12 Septembre 1862.

PRÉSIDENCE DE M. LE SINER.

Sur la proposition du Président, la société décide qu'il se-ra demande pour la bibliothc(|ue.deux exemplaires des Notessur la Réunion , publiées par M. Maillard.

"*

Les membres de la société, seront en outre invités à faireconnaître le nombre d'exemplaires qu'ils voudraient deman-der en leur nom personnel, afin de réunir toutes les sous-

criptions.M. Raflraylitun travail constatant qu'Un fils naturel de

Déranger, a vécu à Saint-Paul, et y est mort. A cette noticesont   jointes plusieurs lettres fort curieuses du grand chanson-nier.

14

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— ISO v-

M. de Moiiforaml (lomio lecture d'une lïtude sur lesoeuvres de M. Azèmn.

La séance ^st levée à; 10 Iii»ijre8t

Le Secrétaire,

P. DRMONIORAND.

Le Président,

-Lfe-SlNBti.'

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UN FILS NATUREL DE BÉRJINGER.

Il y a dans la commune J«j Saint-Paul mie localité qu'onappelle le bout de l'iïtang ou le Banc «les Uoches. C'est la par-tie de cette vaste plaine qui enveloppe les deux rives du grandKtang. un peu au-dessus de l'endroit oùil se jette à la mer.C'est là qu'était autrefois l'emplacement delà première villede Saint-Paul: aujourd'hui ce n'est plus qu'un «espacedésert,

triste, maussade, pauvre surtout.De distance en distance, on y aperçoit quelques cabanesen chaume ou en planches vermoulues, isolées comme desblockhaus au milieu d'enclos de pignons dinde ou de haiesd'acacias; de loin en loin, comme pour reposer le regard parun peu de verdure, des touffes de Tamariniers semblentavec, complaisance oflrir leurs frais abris à ceux qui fuient

pendant le jour les brûlantes ardeurs du soleil des Tropi-

ques.Le vert sombre de ces boules de

feuillagestranche

agréablement sur le ton jaune et cru de e»îtle plaine aride ;et cà et là au dessus des lignes uniformes de «;epaysage Iran •

quille quelques dattiers solitaires élèvent au haut des airsleurs liges flexibles d'où s'échappent avec profusion des

palmes gracieuses que la brise tourmente au gré de ses

caprices.Tel est l'aspect qu'olhe toute cette plaine qui se présente à

votre droite

lorsque

vous traverse/ les trois

ponts

de

l'Étangpour vous rendre à Saint-Paul et que la voilure vous emporteà travers cette longue Chaus-sée impériale, bordée de lilaosélevés dont l'aspect funèbre et le murmure mélancoliquevous portent à la tristesse cl. vous Ont supposer que vouscheminez au milieu de l'Avenue d'un cimetière. Ces pauvrescabanes qu'on aperçoit de la routo, ne semblent habitées que

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— 182 —

par l'oisiveté ou la misère; cette impression pénible vouspoursuit longtemps.

Dans une de ces misérables demeures, le 20 Janvier 1841,un homme venait de mourir; aux premières lueurs du jour,le malheureux s'était endormi de son dernier sommeil n'ayantauprès de lui que la servante négresse qui, en qualité de gar-de malade, n'avait pas quitté son chevet et avait assisté à toute

l'agonie du pauvre exile.La case dont nous nous occupons en ce moment (pour em-

ployer la locution indigène) était toute en feuilles de lalaniers,toiture, horde et cloisons; elle était basse, enfumée, malsaine.La terre humide et grasse y servait de plancher.

On y voyait pour lout meuble un lit de corde, un esca-beau, une malle contenant quelques guenilles; et au fond decelte malle, deux ou trois livres, des lignes de pèche, des ha-

meçons, quelques lettres de la famille absente ou d'amisdisparus.our le lit de corde, on voyait un cadavre recouvert d'un

drap blanc; sur 1escabeau brûlaient deux bougies et sur lamalle une femme était assise, celle-là dont nous venons de

parler; elle entourait de ses bras trois  jeunes cillants qu'elleavait eus de ce blanc. Llle pleurait silencieusement, la pau-vre femme, celui que dans son Orgueil de mère et damanteelle

appelaitavec tiei té: « Un blanc de France! »

Après quelques instants accordes aux larmes, les enfantsainsi que leur mère se levèrent pour sortir. Celle-ci les con-duisit embrasser une dernière fois les mains du mort leur

père; les petits êtres s'acquittèrent de ce devoir aveccette dis-traction qui caractérise d'ordinaire toutes.les douleurs del'enfance et l'on lit place à l'officier public, le Juge de paix dela ville, qui arrivait pour son ministère.

L officier de paix dressa l'acte suivant que nous avons ex-

trait des minutes du greffe du Tribunal de Saint-Paul.« L'an 18*1, et le mercredi 20 Janvier à midi, informé« par M. le Maire delà ville de Si-Paul que le sieur Lucien« Paron natif de Paris, département de la Seine, était décédé« en cette dite ville de Saint-Paul, au lieu dit le Banc des Ro-« ehes, dans une petite case appartenant au sieur K/bel, où

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— 185 -

« demeurait le défunt cl oh il enseignait à lire et à écrire aux« enfants de ce lieu.

« Nous Joseph Elio HicqucbourgXhevulicrde Saint-Louis,«  juge de Paix du canton Si-Paul, île Bourbon, assiste do« M0 Alexandre de Sanglier, notre greffier, nous sommes« transporté à l'endroit sus désigné ou étant rendu y avons« trouve le sieur Félix Mailing charpentier, voisin du défunt,

« nui nous a introduit dans la case où est décédé le dit sieur« Paron et nous a montré son corps exposé sur lin cadre« cordé recouvert d'un drap blanc et nous a dit que le défunt« sieur Lucien Paron était décédé dans le plus grand denu-« ment et nous a l'ait voir quelques mauvais linges qu'il nous« a dit être tout ce que possédait le dit défunt.

« Attendu que ces objets sont de nulle valeur et ne s'étant« trouvé dans la dite case aucun meuble susceptible de rece-« voir 1

appositionde nos

scellés,nous nous sommes retirés-

« après avoir dressé lé présent procès-verbal les dits  jour,« mois et an et l'avons signé avec notre greffier après lecture,<( le sieur Félix Martin ayant déclaré ne le savoir faire, de ce«c interpellé. Signé. Elio Ricquebourg. A. Sanglier. »

La visite faite, le procès-verbal terminé, lés -voisins du dé-funt liront à eux seuls les frai» des funérailles.

Les amis de Paron, tous pauvres pêcheurs de la côte, vou-lurent éviter à ce malheureux l'ignominie de la bière commu-

ne. Ils s'occupèrent des préparatifs de son modeste convoi. Acette époque,l'esclavage existait encore dans les colonies et lesbons maîtres évitaient même à leurs esclaves cette humilia-tion de là bière municipale.

. Um heure ou deux après, le corps du malheureux Lucienescorté de quelques pécheurs,et porté par des esclave.*,fut dé-

posé au cimetière de Saint-Paul. Puis tout fut dit! La mort le

rayait du nombre des vivants, l'oubli allait achever l'oeuvre

en ellaeant son nom du souvenir de ses semblables! qui sesouvient aujourd'hui de lui?.... C'est un homme de moins etvoilà tout!.. La mort du pauvre ne laisse pas plus de trace surUisurface delà société que cette ride rapide produite par la

pierre qui disparaît au sein de l'onde.A quelques mois de là seulement, un bâtiment partait de

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— 184 —

l'Ile Bourbon; il emportait une lettre annonçant la nouvellede la mort tic Paron et lorsque cette missive arriva à sonadresse, à Passy près Paris, il y eut le soir un vieillard quiversa bim des larmes. Ce vieillard était Béranger!.. Ce LucienParon, mort à Saint-Paul, était son fils!..

Si  je révèle aujourd'hui ce fait de l'existence et de la mortdu fils qu'a eu Béranger, ce n'est point pour satisfaire unevaine curiosité de biographe ou pour livrer en pâture aux plu-

mes amies du scandale les détails intimes de la vie de notrechansonnier. Loin de moi une pareille pensée, et d'ailleurs lamémoire du vieil ami de notre  jeunesse n'aura pas A souffrirde ce que je vais raconter ici.

Lucien Paron donc, nous.le disons, était ile fils de Béran-ger; il est mort à Saint-Paul, comme on .vient de le voir, en1811. À cjlte époque, ce pouvait être un homme d'une qua-rantaine d'années. C'était le portrait vivant de son père. Ici

mes souvenirs personnels, quoique étant des souvenirs d'en-fance, sont encore bien présents. Lucien avait comme Béran-

ger la tête chauve çt penchée;, comme lui, ?le môme air médi-tatif et doux; tout, en un mot, rappelait d'une manière saisis-sante ce type du chansonnier, gravé dans la mémoire do toutela jeunesse française comme le type de.Napoléon est resté gra-vé dans le souvenir de nos soldats.

Mais faut-il le dire, mon Dieu, ce fils n'avait de son père

que l'enveloppematérielle. L'oisiveté cl lia débauche avaient

dégradé son intelligence. Aussi est-il mort misérable, aban-donné, relégué dans cette petite cabane en chaume où nousl'avons vu expirer ; c'est là qu'il a fini ses  jours n'ayant auprèsde lui «pie celte pauvre femme dont il a eu trois enfants quivivent encore.

Pour ce fils, Béranger s'est imposé les privations les plusdures. Vers 182o, il lui donna quinze ou dix-huit millefrancs pour se rendre en Amérique et aux Antilles françaises,

afin qu'il pùl s'y établir et y travailler ; mais Lucien, au lieud'aller aux États-unis, où son père désirait l'envoyer, préféraBourbon. Ici, les mauvaises liaisons et 1inconduite aidant,cette somme fut bien vile épuisée et lorsqu'il fut sans ressour-ces, il eut encore recours à son père qui lui envoya alors une

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pension annuelle do mille; francs  jusqu'à sa mort. Cotte pen-sion lui fut régulièrement payée par M. de Rontaunay, cor-respondant de Dérangera Rourbon. Pendant les premiersmois de son séjour dans cette Colonie, Paron travailla commecommis à fr. 2,000 par an dans la maison de commerce deM. Avanzini négociant à St-Dcnis.

Quelque temps avant révènemenl tragique qui fit dispa-raître cette maison de commerce (I ), Paron avait quitté la

place qu'il y occupait et était allé s'employer sur les proprié-tés de quelques colons de la partie sous le vent de l'Ile en qua-lité de Régisseur. C'est ainsi qu'il vécut pendant deux ou troisans chez SIM. Riche et Roussan. Chez ces derniers, il remplis-sait les fonctions honnoiahles mais ennuyeuses de maître d'E-cole des enfants du Propriétaire... Là, de même que chez M.Avanzini, on fut obligé de le remercier à cause de son ineon-duil'î. L'ivrognerie, celte passion fatale cui s'enracine avec

l'âge, devenait chez lui un vice incurable. Il prit et quitta suc-cessivement plusieurs emplois en raison ( e celte passion quilui ferma la porte de toutes les carrières et qui, en se dévelop-pant de plus en plus chez lui,finit par dégrader et anéantir tou-tes ses facultés. Les organisations les mieux trempées n'é-chappent pas à celte loi tatale. Aussi chez le pauvre Lucien,tout disparut : Amour du travail, énergie physique, énergiemorale, rêves de la patrie absente, souvenirs de la famille,

tout fut oublié, tout s'eflaça de son âme et lorsqu'il eût descen-du lès derniers échelons de la misère, il se retira où nousl'avons vu mourir, au bout de l'Etang, n'ayant pour seuleressource que la pension que lui continuait son père, vivantau  jour lé jour au milieu de ces pêcheurs dont il partageait lestravaux, les privations et les vices.

Tous ces faits (pie je relate sont pour la plupart inconnusdes divers biographes qui ont écrit des notices sur Réranger,et

cependantdans

l'ouvrage qu'ila

publié quelque tempsavant sa mort, dans Ma biographie, Déranger semble sortirde cette chaste réserve qui lui est habituelle et qu'il a su tou- jours garder au sujet des difterents épisodes de son existence.Cependant la vérité semble s'échapper comme malgré lui et

(I) M.Axanzinise suicidaen se coupantla gorgeavecun rasoir.

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douloureusement de son âme. Remarquez ce passage de lapage 118. Ktlit. in 8° de 1857.

« A peine assuré de cet emploi, une nouvelle charge me fut« imposée par la Providence. Je l'acceptai comme toutes cel-« les qu'elle m'envoya. Je pouvais voir dans celle-ci des con-« solations pour ma vieillesse; mais il n'en fut pas ainsi et je« la supporte encore sans compensation; mais sans murmu-«

re. Il est bizarre que moi qui, de bonne heure, me pressen-« tant une carrière incertaine, évitai tous les engagements« qui eussent alourdi le bagage du pauvre pèlerin, je «ne« sois toujours vu chargé d'assez pesants fardeaux. Ma eon-« fiance en Dieu m'a soutenu et ce n'est pas ma faute si ceux« au sort desquels je me suis intéressé n'ont pas su mettre à« profit les privations (pie je me suis imposées pour leur évi-te ter les ornières du chemin que j'ai parcouru. J'en gémis« souvent ; mais

quelcoeur n'a sa

plaie?Au vieux soldat res-

« te toujours quelque blessure qui menace de se rouvrir.« Pour tout bonheur, et cela est bien vrai, j'ai souhaité le« bonheur des autres, au moins autour de moi. Mes prières« sont loin d'avoir été exaucées.

« En dépit de quelques folies de jeunesse et des épines que« la misère laisse toujours aux  jambes de ceux qui l'ont tra-« versée, etc. »

Le coeur de père qui a éprouvé ces pénibles déceptions, la

main tremblante du vieillard qui a écrit ces tristes lignes plei-nes de demi aveux si douloureux, tout cela résume pour moiun côté inexploré jusqu'ici de cette âme et de cette physiono-mie de Béranger.

Cet ouvrage (Ma biographie) a attiré à Béranger certai-nes sévérités d'appréciation de la part d'un écrivain de laRevue des Deux Mondes. (I ) Et nous venons de voir cepen-dant avec quelle décence il glisse sur les détails de sa viede

 jeune homme, et chose étrange! c'est justement cette réservede Béranger dans ses appréciations sur les hommes qu'il acoudoyés, cette chasteté qu'il garde au sujet de détails qui luisont tout personnels qui soulèvent l'indignation du Critiquede la Revue.

*(I)M. EmileMontégut.' ~~

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Lut-il préféré à cette discrétion les cyniques aveux des con-fessions Je Jean Jacques?... Qu'aurait gagné la France à cesbrutales révélations? Nous sommes heureux au contraire queBéranger ait senti que dès le moment qu'il se mettait à écriresa biographie, il devait, devant cette  jeunesse française dont ilétait l'idole, dont il est et restera toujours le culte et l'admi-ration, il lui devait l'exemple de ce respect de soi-même qui siedsi bien à la

viellesse, quandcelte vieillesse surtout

porteau-

tour du front la double auréole de la gloire et des cheveuxblancs. On sent aux hésitations du chansonnier qu'il était bienl'ami de ce Chateaubriand qui, blâmant un jour les indiscré-tions de Jean-Jacques sur sa liaison avec Mine de Warens,s'écriait à ce sujet: «Ah! que la voix de l'amitié trahie nes'élève  jamais sur mon tombeau!»

Béranger lorsqu'il publia ses premières oeuvres, les dédia,tout le monde le sait, à son bienfaiteur Lucien Bonaparte. Ce

nom de Lucien était devenu pour lui sacré et lorsqu'il eut unlils il l'appela de ce nom. Oui la reconnaissance est bien lamémoire du coeur!...

Béranger écrivait quelquefois à cet enfant. Ces lettres,Lucien les avait pieusement conservées dans un petit havre-sac contenant également ses lignes, plombs, hameçons et au-tres ustensiles de pèche. Le médecin qui le traita pendant sadernière maladie s'en empara après sa mort, et  je les tiens de

ce médecin. Une seule était intacloles autres n'existaient qu'àl'état de lambeaux impossibles à réunir. Longtemps avantla mort de Béranger, elles se trouvèrent en ma possession;mais un sentiment môle d'embarras et de crainte respectueu-se <piechacun comprendra,m'a toujours empêché d'en donnerconnaissance à Béranger lui-même. Je craignais de raviver

par là la plaie la plus douloureuse de son coeur de père, etensuite le seul aveu de l'existence de ces lettres entre mesmains

m'imposaitle devoir de les rendre à leur Auteur.

- Voici donc cette lettre qui en dira plus long que tous lescommentaires.

« Passy, 20 Juin 1835.« A M. Lucien Paron, à St-Paul, île de Bourbon.

« Tu prétends n'avoir pas reçu de lettre de moi depuis

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— 188 -

« bien longions. J'avais pourtant chargé M. Dufuur, Ion« ami, dote faira passer la réponse à celle qu'il m'avait ap-« portée de toi ou tu me demandais de l'argent. Je l'y disais« qu'après le mauvais usage (pie tu avais fait du produit de la« pacotille, qui, selon M. Cousin, t'avait rapporté de 15à« 18,000 fr. et la perte d'une.plaec de 2.000 fr. que je l'avais« procurée auprès de M. Avanzini, je n'avais plus cru devoir

« entretenir de relations avec toi, -puisque lu continuais de te« mal conduire. J'ajoutais qu'ayant appris l'état de misère oii« lu étais tombé par ta faute, j'avais cependant prié M. de« Ftontaunay, dès 1829, cinq ans à peine après ton départ de« Paris, de te faire une avance do 1,000 francs par an. C'est« lorsque j'avais entre les mains tes rcçus'de 4 ans et lés lel-« très de change acquittées que tu m'écrivais pour te peindre« dans un état de détresse extrême. Je fis voir lés reçus et lesc traites à M.

Dufour, quia

pu jugerde

l'emploi quetu lai-

« sais de l'argent qu'on te remettait ou des fournitures qui« t'étaient faites. Ainsi lorsque je m:épuise pour subvenir àv tes besoins, la seule marque de souvemV-que tu me donnes« est la peinture affreuse d'une situation qui est ton ouvrage.« A ton âge, ne te suflit-H pas d'avoir à rougir, non-seule-« ment de mes secours, mais de l'oisiveté ou tu vis ? avec le« désir d'en trouver on a toujours du travail, surtout quand« on a déjà du pain assuré. Puis, quand on se rend capable,« le travail vient vous trouver de lùi-mème. Si tu as à souf-« frir de la situation actuelle de la Colonie, à qui t'-cn prendre« encore? En 1824, je voulaispoilr te retenir a Paris et t'y« établir, te faire apprendre l'épicerie; tu t'y es refuse.« J'avais des amis aux États-unis ; je te proposai de te reeom-« mander à eux : tu as préféré Bourbon, dont le climat et les« vices avaient déjà dégradé ta santé. D'après les soins (pion« avait pris de ton éducation, si tu avais voulu seulement ap-

te prendre un peu d'orthographe et do calcul, i'ai été à même,« depuis plus de \ 5 ans de te placer convenablement et, cer-« tes, à la révolution de Juillet, j'aurais pu faire beaucoup« pour.toi, moi, qui ai tant fait pour d'autres. Mais tu sais« trop combien tu as peu profité de ce que les maîtres et moi-« même avons tenté de t'enseigner. Ne te plains donc pas de

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— 189 —

« ton sort ; tu l'as fait ce qu'il est. Si j'avais écouté tes parens« de Përonnc, je ne t'aurais envoyé aucun secours. Hélas ! jea serai pjut-être bientôt forcé de suivre enfin leur conseil ;« car si tu lis les journaux français, tu as dû voir que j'ai fait« des pertes. Kilos réduisent mon petit-revenu de moitié.« Pour vivre, il me faut quiller^Paris, et  je vais nVinstalIcr à« Fontainebleau, avec ma tante .Merlot et Judith qui, tu le.«

-saisine peuvent se passer de mon secours. Je compte pou-« voir là, à force diéconouiie, suffire à notre existence com-« mime. Faut-il que pour assurer :<latienne, nous trois qui« sommes vieux et dont les besoins augmentent avec l'âge,•« nous soyons obligés de nous imposer de nouvelles priva -« lions ! Kt toi, àîJti ans, lu n'as pas assez do coeur pour te« mettre au travail et cesser de m'être à charge. 11faudra« bien pourtant mic*tu finisses par pourvoir toi-même à ton•« existence, car dans

peude

tempssans doute,

jeserai obli-

« gé de diminuer d'abord la pension que jeté fais ; puis de la« supprimer peut-être tout-à-fait. Je t'en préviens d'avance,« pour (pie.tu prennes tes précautions. -Alil s'il en est temps« encore, corrige ta vie. Les renseignements que M. de« Rontaunay me donne sur ton compte meilaissent peu d'es-« poir .àcet égard. Comme jc<ne te<crois pas méchant, l'idée.« d'être à charge à des gens qui ont*i peu, te fera peut-être« réfléchir et.pourra toucher ton coeur. Tu penseras, je me

« plais encore à le supposer, qu'il est temps que tu te mon-te très homme et te crées une existence honorable, et indé-.« pendante. Situ ne peux réparer les années perdues, au« moins peux-tu encore reconquérir d'estime des honnêtes« gens et l'amitié de ceux qui' n'ont cessé de s'intéresserau toi. Hougisdela vie passée et si l'on m'a exagéré tes fail-li tes, prouve le par une conduite qui ne donne plus le moin-K dre motif aux plaintes des autres et aux miennes.

« Judith est toujours ^souffrante; ma tante Merlot s'aflais-« sebeaucoup, et moi, je suis assez souvent indisposé.« Adieu : porte toi bien ; travaille et donne moi de tes nou-

« velles. Elles seront bien reçues, si elles m'apprennent que« tu te réformes.

« Ilérnngcr.

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« bien longlems. .lavais pourtant chargé M. Diifour, ton« ami, du tefaii\î  passer la réponse à celle qu'il m'avait ap-w portée de toi ou tu ino demandais de l'argent. Je t'y disais« qu'après le mauvais usage que tu avais tait du produit de ta« pacotille, qui, selon M. Cousin, l'avait rapporte de l«>à« 18,000 IV.et la perte d'une place de 2.000 fr. que je l'avais<: procurée auprès de M. Avanzini, je n'avais plus cru devoir

« entretenir de relations avectoi, .puisque lu continuais de te« mal conduire. J'ajoutais qu'avant appris l'état de misère où« lu étais tombé par ta faute, j'avais cependant prié M. de« Rontaunay, dès 1829, cinq ans à peine après ton départ de« Paris, de te faire une avance de 1,000 francs par an. C'est« lorsque j'avais entre les mains tes reeus'dc 4 ans et lés let-« très de change acquittées que lu m'écrivais pour te peindre« dans un état de détresse extrême. Je fis voir lés reçus et les«

traites à M. Dufour-, quia pu juger de l'emploi que tu fai-te sais de l'argent qu'on te remettait ou des fournitures qui« t'étaient faites. Ainsi lorsque je m:épuise pour subvenir à« tes besoins, la seule marque de souvenir-que tu me donnes« est la peinture aflVeuse d'une situation qui est ton ouvrage.« A ton âge, ne te suffit-il pas d'avoir à-rougir, non-seule-« ment de mes secours, mais de l'oisiveté ou tu vis ? avec le« désir d'en trouver on a toujours du travail, surtout quand« on a

déjàdu

painassuré. Puis,

quandon se rend

capable,« le travail vient vous trouver de lui-même. Si tuasàsouf-« frir de la situation actuelle de la Colonie, à qui t'-cn prendre« encore? En 1824, je voulais pour te retenir à Paris et t'y« établir, te faire apprendre l'épicerie; tu t'y es refusé.« J'avais des amis aux États-unis ; je te proposai de le recom-« mander à eux: tu as préféré Bourbon, dont le climat et les« vices avaient déjà dégradé ta santé. D'après les soins qu'on« avait pris de ton éducation, si tu avais voulu seulement ap-« prendre un peu d'orthographe et de calcul, j'ai été à même,« depuis plus de 15 ans de te placer convenablement et, cer-( tes, à la révolution de Juillet, j'aurais pu faire beaucoup« peur.toi, moi, qui ai tant fait pour d'autres. Mais tu sais« trop combien tu as peu profité de ce que les maîtres et moi-« même avons tente de t'enseigner. Ne te plains donc pas de

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« ton sort ; tu l'as fait ce qu'il est. Si j'avais écouté tes païens« de Peronne, je ne t'aurais envoyé aucun secours. Hélas î  je« serai pjut-ôlre bientôt forcé de suivre entin leur conseil;« car si tu lis les journaux français, lu as dû voir que j'ai fait« des perles. Kilos réduisent mon petit revenu de moitié.« Pour vivre, il me faut quittei^Paris, et  je vais m'installer à><Fontainebleau, avec ma tante Merlot et Judith qui, tu le

« saisine peuvent se passer de mon secours. Je compte pon-te voir là, à force d':économie, suffire à notre existence eom-« mune. Faut-il que pour assurer ;la tienne, nous trois qui« sommes vieux et dont les besoins augmentent avec l'âge,« nous soyons obligés de nous imposer de nouvelles priva-it lions ! El toi, à 30 ans,.'tu n'as pas assez de coeur pour te« mettre au travail et cesser de m'être à charge. 11faudra« bien pourtant que-tu finisses par pourvoir toi-même à ton«

existence, car dans peu de temps sans doute, je serai obli-« gé de diminuer d'abord la pension que jeté fais; puis de lah supprimer peut-être tout-à-fait. Je t'en préviens d'avance,« pour (pie.tu prennes tes précautions. Ali! s'il en est temps« encore, corrige la vie. Les renseignements que M. de.« Rontaunay me donne sur ton compte meUaisserit peu d'es-« poir à cet.égard. Comme je<-notc<crois pas méchant, l'idée« d'être à charge à des gens qui ontsi peu, te fera peut-être« réfléchir et

pourratoucher ton coeur. Tu penseras, je me

« plais encore à le supposer, qu'il est temps que tu te mon-« ;tres homme et te crées une existence honorable, et inde-xe pendante. Situ ne peux réparer les années perdues, au« moins peux-tu encore reconquérir d'estime des honnêtes« gens et l'amitié de ceux qui n'ont cessé de s'intéresseraft toi. Rougis de ta vie passée et si l'on m'a exagéré tes fail-li tes, prouve le par une conduite qui ne donne plus le moin-« dre motif aux plaintes des autres et aux miennes.

« Judith est toujours :souffrante; ma tante Merlot s'aflais-« sebeaucoup, et moi, je suis assez souvent indisposé.

« Adieu : porte toi bien ; travaille et donne moi de tes nou-« velles. Elles seront bien reçues, si elles m'apprennent que« tu te réformes.

« Hérauger.

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« M. de Uontaunay vient de m'emover ton reçu de deux« cents piastres, pour l'année l H',\ i, et je viens de payer mil-« le francs sur truite, à M. Yves et O correspondant de M.« de Dontaunay, pour l'année de ta pension à courir en I S;{0.« Tu vois que je suis en avance, pour qu'on ne soit pas en« retard avec loi. » „

Cette lettre est la meilleure réponse à faire aux détracteursde celle gloire si pure et si saine de notre vieux Déranger. —

Le grand poète, le vrai démocrate, le bon citoyen, le philoso-phe, le coeur même de père n'ont rien à perdre à ces révéla-tions tardives.

Il est une chose qui frappe tout d'abord à cette lecture.Jamais Déranger ne prononce ce,mot : mon fils. La termi-naison si naturelle de toute lettre de cette nature « Ton pèreet ami » ne se trouve pas à la fin de celle-ci. Et cependai.tqu'il est facile de reconnaître le père à la tendresse sévère qui

règne dans toute cette lettre ! Qu'on a bien sous les yeux la(H'évoyance

de l'ami, rien qu'à cette sollicitude à veiller aux)esoins de l'être aimé, alors môme qu'il se montre si peu di-

gne de l'intérêt qu'on lui témoigne !..Que cette correspondan-ce révèle de pénibles souffrances !.. .Et surtout les plus tristesde toutes, celles qu'on ne peut avouer devant les hommes,dont on rougit comme (Kune mauvaise action devant celui-làmême qui est l'objet de notre affection, et que par pudeur onn'ose pas nommer « son fils ! »

Qu'il y a loin du coeur de ce Déranger s'imposant les pri-vations les plus pénibles, jusqu'à la plus extrême vieillesse,pour subvenir aux besoins d'un fils, résultat des erreurs et

  îles oublis de sa  jeunnesse, qu'il y a loin du coeur de cethomme f impie, bon, affectueux et dévoué à celui du philoso-phe de Genève mettant froidement et par système ses fils auxenfants trouvés!...

Que de fois n'avons-nous pas entendu émettre devant nous

et par des hommes graves, épris cependant d'admirationpour le poète, l'opinion suivante que, pour ma part, j'ai tou-

 jours trouvée trop sévère et par conséquent injuste. Il est mal-heureux, disent-ils, que Déranger, malgré tout son génie,n!ait  jamais dans ses vers chanté les  joies intimes du foyer,

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- 191 -

ni les douceurs de la famille. Les affections de père, les ten-dresses dj fils, ees sentiments qui sont eomme le prélude in -

dispensable de l'éducation eiviquede celui qui doit être plustard dans la vie l'homme de la cité, le fils de la patrie, le frèrede tous ses semblables, tout cela semble étranger à Déranger,C'est un malheur, ajoule-t-on, et la cause en est dans ce seulmot: il était célibataire. Il n'a  jamais pu connaître les saintes

 joies delà famille, ni remplir les austères devoirs du père.

Voilà cj que j'ai maintes fois mtendu soutenir; je laissedécote maintenant les plates attaques dont il est et sera tou- jours le point de mire delà part de cette opinion dite reli-gieuse qui dei nièreement encore a fait contre notre poète na-tional celle levée de boucliers qui a soulevé d'indignation lecoeur de la France entière. Cette secte avait   jeté déjà l'insulteet la boue à la statue de Molière ; Déranger ne devait pas êtreépargné. La voix des insulteurs publics n'a   jamais manquéaux triomphes des Victorieux!

— La meilleure réponseà faire aux détracteurs de Bérangerserait de les renvoyer à la lecture de cette lettre où sont con-signées les privations de sa vieillesse et les charges de son

foyer si modeste et pourtant si digne aux  jours de l'infortune.Il me reste maintenant à dire quelle était la mère de cet

enftmt ?Paron était-il le fils de Mllc Judith, la bonne vieille du

chansonnier, celle dont Lamartine parle avec tant d'éloges,

dans un des chapitres de ses Entretiens familiers ?Voici comment  je me renseignai àcet égard.Lorsque l'Éditeur Perrotin, l'exécuteur testamentaire de

Déranger annonça la publication de la correspondance inéditedu Poète, il fit appel par la voie des journaux de Paris à tousles porteurs d'autographes de Déranger. Je m'empressai alorsde lui envoyer copie de la lettre en ma possession, et je trans-mis en môme temps à l'éditeur quelques détails sur l'exis-tence et la mort à Saint-Paul de ce fils de

Béranger.M. Perrotin me répondit une lettre des plus gracieusespour me remercier de ma communication, et me transmit àson tour d'autres détails sur cet enfant. Voici un passage (pie

 j'extrais de sa correspondance. Il est relatif à Lucien.

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- li>-2 —

u L'épisode de la vie <k' Lucien Paron n'osl plus inconnu« depuis que ma biographie, comme vous le dites, a commence« à soulever lu \oile. Il va être mis eu lumière par la publication« de la corresjiondance.

« Aucune des parties de la..vie de Hérangcr n'est plus hono-re rable et tout ce que vous en dites est excellemment pensé et« dit Vos renseignements nous ont tait un grand.plaisir« et nous ne pouvons (pie vous demander, puisque \ous êtes siu aimable de vouloir bien leur donner plus d'extension. J'ai

« trouvé le brouillon de cette lettre dans les papiers conservés« par Hérangcr ; il y avail aussi quelques autres brouillons de<(diverses dates et jusqu'il des devoirs de grammaire en caco-« graphie rédigés pour Lucien enfant. Tout cela est bienc<curieux,

« Lucien était lils d'une nommée Adélaïde Paron morte à« la (in de 1812 et très-vilaine femme; Hérangcr n'était même« pas bien sûr que l'enfant fut de lui; mais ce que vous dites« de la ressemblance montre qu'il se trompait.

« Parmi les fragments, je trouve un papier qui a pour en-te tète: « Autorisation donnée par moi à M. de Rontawiay ha-« bitant de l'Ile de Bourbon. » et qui est daté du 5 novembre« 1828.

« Vous pouvez nous aidera éclairer, a enrichir et a annoter« cette partie de la correspondance. Je compte même sur vous,« puisque vous nous en donnez le droit. Je serai heureux do« dire à qui je dois ces renseignements et de consacrer ainsi« votre nom dans cette publication si importante... »

M. de ilontaunay ne put, après avoir fait consulter lespapiers et archives de sa maison, trouver trace de la piècedont parle iM.Perrotin. Cependant il fil appel à ses souvenirs

personnels et ce que je vais raconter, je le tiens de lui :En 1828, M. de Rontaunay, déjà riche et à la tète d'une

belle fortune, se trouvait en France à faire un voyage d'agré-ment. Béranger était alors sous les verroux de la Restaura-tion.

La jeunesse française tout entière était attentive à cettelutte de la famille des Bourbons contre les idées de la France

moderne, représentées pour le moment parle Poète nationaldont elle répétait avec enthousiasme les refrains immortels;elle venait pleine d'élans généreux comme elle en a toujours

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- ior, ~

se suspendra aux barreaux île la Prison pour porter nu poêlede nos malheurs les bravos delà Franceel les remerciementsde la Patrie.

M. de Ronlaunay suivit comme la jeune et ardente généra-tion d'alors le courant qui portait vers Réranger, devenul'hommede la situation. 11sollicita l'honneur d'être présenté àl'illustre captif. Héranger le reçut dans sa prison et des rela-tions s'établirent entre eux à partir dece moment, M. de Ron-

taunay fit à liéranger des offres de service ( Réi anger le consi-gne dans sa correspondance) et c'est alors que le Chansonnierapprennantque M. deRontaunay, négociant à l'Ile Hourbon,allait bientôt revenir dans cette colonie son pays d'adoption,songea à lui donner l'autorisation de payer à son fils Lu-cien Paron la pension de mille francs dont nous avons parlé[dus haut.

Dès 182e.),Lucien loucha cette somme qui lui fut annuel-lement versée

 jusqu'àsa mort.

(yest sans doute à ce détail que fait allusion cet Kn-tète,mis au haut d'une feuille de papier, et retrouvé par M. Per-rotin dans les liasses de la correspondance de Réranger :« Autorisation donnée par moi à M. de Rontaunay habitantde llle Bourbon et au dessous, la date du 3 novembre 1828.

Celte autorisation verbale ou écrite avait trait à la pen-sion de Paron.

M. de Rontaunay m'a fait savoir en outre qu'il avait en-

tretenu une longue correspondance avec Réranger au sujetde ce fils. Aussi après d'assez longues recherches qu il fitfaire dans les dossiers de sescorrespondances diverses , je fusassez heureux pour mettre la main sur deux autres autogra-phes de Réranger. Je vais donc les reproduire ici in-extenso.

Je profile de cette circonstance pour remercier M. deRon-taunay de l'obligeant et gracieux empressement qu'il a mis àordonner ces recherches et à seconder mes désirs.

Ces deux lettres de Réranger sont certainement dépour-vues d'intérêt au point de vue politique et littéraire; maiselles auront toujours l'attrait qui s'attache à tout ce qui estsorti d'une plume comme celle de Réranger, écrivant sous ladictée d'un coeur comme celui du Chansonnier, alors que ce

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— IÏU -

coeur déborde île reconnaissance pour les attentions les plussimples, ou les services rendus de quelque minime impor-tance qu'ils puissent être. On verra à cette lecture combienilcsl llnUoiu*pour M. de Hontaunay d'avoir inspiré à Déran-

ger des sentiments comme ceux qui respuenl dans celte

correspondance, sentiments dont lerpression chaleureusedoit être pour lui un sujet de légitime orgueil,

Voici celte lettre qui trouvera sa place dan? la correspon-

dance inédite en voie de publication: on y verra avec, quelletendresse de père, Béranger veille aux moindres détails con-cernant l'existence de l'infortuné Lucien.

A Monsieur de Hontaunay, négociant, à l'Ile de Bourbon.

Ier Mars 1840.Monsieur,

« J'ai a vous remcrcier/lepuis longtemps des détails que vousavez bien voulu me donner sur votre situation actuelle. Vous

devez être lier d'avoir réussi à vaincre tant d'obstacles h force decourage, de raison et de peine. D'après le narré (pie vous mefaites, je ne m'étonne pas de la considération dont vous jouis-sez. Trop heureux le pays qui compterait beaucoup de citoyenspareils! puissiez-vous achever paisiblement l'édifice de votrerestauration commerciale. Je vous dirai que sur les menaces deguerre qui nous ont été faites, j'ai sur le champ pensé h vous,Monsieur, & me suis demande s'il n'y avait pas là pour vous degrandes craintes à concevoir, ainsi que pour tout le commerce

de Bourbon. L'humeur guerroyante s'est calmée: espérons quelapais durera assez pour consolider les avantages de vos sagesentreprises, digne récompense de votre noble conduite.

« M. Barbaroux (!) ayant eu la honte de m'écrirc au triste su- jet que vous ne connaissez que trop, je lui réponds et le prie devous remettre cette lettre. J'ai a le remercier des renseignemeusqu'il a fait prendre sur Paron, tout affligeans qu'ils sont. Je leprie, en même lems, de voir avec vous, Monsieur, dont la com-plaisance pour moi csl si grande et si durable, s'il ne serait pasnécessaire dans certains

cas, d'ajouterde deux à

trois centsfrancs par an aux mille francs que je fais déjà à Paron. Il n'enfaudrait pas faire une règle, mais se servir de celle ressourcepour les circonstances pénibles où l'horrible vice de Paron pour.

(!) AlorsProcureurGénéralà l'Ile-Bourbonet aujourd'huiSénateur.

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- io:; -

r.iil lo faire tomber. Il serait bon alors de le lui donner commeavance non autorisée cl d'en tenir un reçu en votre nom, pourqu'il crût à une délie contractée envers vous. Je sais, en vousdemandant tout cela, que j'abuse de votre extrême obligeance,mais, Monsieur, c'est par charité pour un pauvre insensé clvotre ciiMirdoit,être accessible a de pareils sentiments.

« Je vous ai dit nie j'avais assuré par mon testament une exis-tence à Paroi», el qu'en même temps, j'ai constaté votre droit àdes réclamations, si je venais a mourir avant l'échéance d'une

de vos traites sur moi. Je dois ajouter que l'un de mes exécu-teurs testamentaires est M. lîéjoï, celui de mes amis qui est en

rapport avec M. Yves pour le paiement de ces traites. Pour lessommes dont les circonstances grave.-;dont je viens déparierpourraient motiver l'avance, je joins ici une nouvelle obligation,qui, si vous la  jugiez insuflisante, pourrail-être refaite a votregré. Pour les petites traites qu'elle ferait l'aire, je vous prieraisseulement de remettre à 15 jours de vue, pour me donner letems d'y pourvoir.

« Au reste, Monsieur, vous causerez de cela avec votre digueami M. Barbaronx, el si quelque chose faisait obstacle, il pourravous éviter de m'en écrire, en se chargeant lui-même de m'é-clairersur la marche a suivre, ainsi que j'ose l'espérer de sabonté. Mais c'csl vous, Monsieur, que je charge de mes remer-cicmens pour M. Salèles (!) qui veut bien continuer ses soinsau malheureux Paron.

« Combien ne vous do:s-je pas d'excuses de Ions les embarrasque je vous cause, cl du tems que je vole ainsi à vos occupations

multipliées; unis vous m'avez appris a compter sur voire obli-geance, cl si j'en use trop largement, ne vous en prenez qu'auton affectueux de vos lettres et peut-être aussi à l'idée que j'aique vous croyez a toute ma reconnaissance.

a Hecevezen les nouveaux témoignages, Monsieur, et l'assu-rance de l'estime la plus profonde.

Votre dévoué,« Kéranger. »

La lettre qu'on va lire maintenant est la réponse à celle quelui adressait M. de Rontaunay en lui apprenant la tin mal-heureuse du pauvre Pavon. A côté de la douleur contenue du

père., on y remarquera cette effusion du coeur et ces élans de* ., — —(1) M.Salèlesétait a cette époquei!aiie de la \il!ede St-l'aul.

20

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— 190 -

reconnaissance qu'il éprouve pour tous ceux dont il se ".ligeencore l'obligé.

A Monsieur <le Uontaunay, négociant, à l'Ile de lïourbou.

Passy, près Paris, rue Vineuse N° !•'>,

20 Août 18il.

Monsieur,« La triste nouvelle que vous m'apprenez. m'auTige.pjusqu'el-

le ne nie surprenuM'existcnec que menait ce malheureux Paron,ne pouvait qu'amener une fin prématuré*?, l'aut-il que sa vie aitété telle qu'elle diminue do be mcoup les regrets qi;e sa mort simisérable doit me causer. C'est lorsque je vous écrivais, Mon-sieur, pour vous témoigner ma reconnaissance de toutes vosbontés, et pour augmenter la pension de Paron, dont l'âge ne

permettait plus d'e>pérer l'amendement, qu'il terminait sa cour-te et inutile carrière. Peu det:ms, sans doute, après le départde votre lettre,vous et M. Uarbaroux, aurez reçu les deux mien-nes, en réponse aux renseignements que votre excellent magis-trat; m'avait lait parvenir. Arrivées plus tùt, ces lettres n'au-raient pas remédié au mal, et peut-être un peu d'argent deplus eût-il été une source de nouveaux excès. J'en gémissais envous écrivant, et ne pouvais m empêcher de penser a toutes leschances heureuses que ce malheureux homme avait eues, sansavoir

 jamaisvoulu

proiiterd'aucune.

Mais, Monsieur,c'est

trop vous entretenir d'un si douloureux sujet pour moi; il cou -vient mieux de vous remercier de toute l'obligeance dont vousfaites preuve amon égard depuis longtemps. Voilàplus de dou-ze ans, Monsieur, que vous êtes venu me trouver dans ma prisonpour m'ofirir vos services, et depuis lors cette obligeance nes'est jamais ralentie, malgré tous les embarras que je vous aicausés, vous avez même perdu avec moi, car je reconnais que lecalcul des intérêts de l'argent avancé par vous était en ma fa-veur, et j'aurais été bienheureux, si j'avais pu trouver un moyende vous en témoigner ma gratitude. M. lïéjot, mon ami, quipour notre affaire, s'est mis en relations avec M. Poulet, (car jesuis en Normandie dans ce moment,) m'écrit qu'il a vainementsollicite ce Monsieur de lui indiquer quelque chose à faire quipût vous être agréable, et qu'il a reçu pour réponse que vous

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— Ii)7 -

n'accepteriez aucune coiiipoiisation ;iu\  sacrifices que vous aviezpu taire. A peine voulait-ii recevoir le prix des poils de vosder-nières dépêches qui cependant s'élevaient à 11 francs. Je restevotre obligé, Monsieur, nuis vous êtes de.ces nobles caractèresenvers qui cela ne coûte pas. On est fier d'avoir inspiré île labienveillance à des homme:* tels que vous. Votre lettre suffiraitpour me le prouver. Vous m'avez mis assez an courant de vosaffaires, pour que j'admire tant de courage uni à tant de probité,(iràce au Ciel, Monsieur, vous voila rentré au port, dont vous

avaient écarté momentanément des malheurs qui n'étaient pasvotre ouvrage. Puisse le sort vous être désormais constammentfavorable! Vous méritez bien de jouir en paix du fruit de tant detravaux; et ii est nécessaire qu'un si bel exemple encourageceux qui, dans la carrière que vous suivez, se laissent trop sou-vent séduire par les exemples contraires, si communs dans lestemp-ioù nous vivons. J'espère, Monsieur, que de temps à autrevous voudrez bien vous rappeler qu'il existe en France unhomme a qui la reconnaissance rendra chères les nouvelles que

vous lui donnerez de votre santé & des succès de vos en-treprises. />

« Ayezla bonté de faire nies remerciements a M. Salèles pourles peines qu'il n'a cessé de prendre no.»plus, a votre recom-mandation, il est vrai, mais qui ne m'en tiennent pas moinsobligé a son égard. Assurez-le, je vous prie, Monsieur, que jesens tout ce dont je lui suis redevable. »

« J'ai déjà remercié M. Barbaroux pour la peine qu'il avaitbien voulu prendre. Réitérez-lui mes remerciements et rappelez-

moi iison bon souvenir. »« Je ne puis trop me louer en finissant des faciles relationsque MM. Poulet & Yves avaient bien voulu établir avec moi etavec l'ami qui se charge de mes affaires. Vous voyez, Monsieur,que tout ce qui tenait a vous s'est plu a m'obliger; c'est vousdire à qui j'en reporte le mérite. »

« Croyez, à ta sincérité des sentiments que je viens de vousexprimer, comme aux voeux que je fais pour votre bonheur;si vous revenez en France et que ma vie se prolonge jusque la, il

me sera bien doux de vous assurer de la considération parti-culière et affectueuse, avec laquelle j'ai l'honneur d'être,Monsieur, »

Votre tout dévoué,

Ucrnnger.

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- 193 -

Ce dernier voeude lîéranger n'a pas été accompli. « Si« vous revenez en France , et que ma vie se prolonge jusque« /(/ // nie sera bien doux de vous assurer etc.

La vieux poète est mort avant d'avoir eu ce plaisir et M. doRontaunay, pour le bonheur duquel il faisait dH l'année 18 VIde* voeuxsi ardents, achève son honorable carrière au milieude nous, au sein d'occupations multiples que lui crée le vastecourant d'atlaires de sa maison de commerce, qu'il dirige avec

I énergie et l activité d un autre âge.II peut en relisant ces paroles flatteuses que lui a adressées

notre vieux Chansonnier se contenter delà part heureuse quela Destinée lui a laiîe ici bas î..

« Vous m'avez misasse/, au courant de vos alVaires pour« (pie j'admire tant de courage uni à tant de probité ! Grâce« au ciel , Monsieur, vous voila rentré au port dont vous« avaient écarté momentanément des malheurs qui n'étaient

« pas votre ouvrage.« Puisse le sort vous être désormais constamment favora-

« ble ! Vous méritez bien de jouir en paix.du fruit de tant de« travaux ; et il est nécessaire qu'un si bel exemple encou-« rage ceux qui dans la carrière que vous suivez, se laissent« trop souvent séduire par les exemples contraires, si com-« niuns dans les temps où nous vivons !... »

Tels sont les faits que nous avons recueillis ici concernant

le tils naturel de Béranger et nous ajouterons pour conclure cequenousdisions en commençant : que la mémoire deBérangern'aura rien à perdre à ces révélations de certains laits ignorésde sa vie intime. Ensuite pour qu'on ne se méprenne point surle but qui m'a conduit à raconter les souffrances de sa vieil-lesse et ses chagrins de père , je dois déclarer que personnene professe une vénération plus profonde pour ce nom, per-sonne plus que moi n'entoure cette mémoire d'un respect

plus filial. Et faut-il s'étonner de la grande popularité qui aentouré cet homme pendant le cours de sa vie , popularitéimmense qui n'a jamais faibli un seul   jour, qui l'a suivi aucontraire imposante et fidèle jusqu'au seuil de ce tombeau oùl'ont déposé un  jour les bras d'un peuple entier accouru les

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yeux pleins de larmes, le coeur gonlîé de sanglots a as hi-pcrbns funérailles du Père de la Patrie !...

Fa Popularité a accompagné jusqu'au bord de sa tornb*-'le Poète de la France et l'immortalité se chargera de perpétue''son souvenir chez toutes les générations de l'avenir !...

Kl en effet, sanspailer de l'admiration qu'inspire le poète,n'y a-t-il pas chez nous une sympathie profonde pour le Cito-

yen et le patriote nui, n'eùt-il pas été le Déranger de l'ode etde la Chanson,le Tyrlée inspiré des gloires et des malheurs dela France, serait encore le démocrate le plus sincère le répu-blicain le plus pur que nous puissions citer avec orgueil, nousles enfartsdela France actuelle. Voila notre maître à tous .notre père et notre modèle à la fois.

Béranger a dit dans un endroit île « Ma li'KHjruphk1, ••

qu'il était heureux de mourir au milieu de cette France mo-

derne, parce qu'il sentait tpie la  jeune génération quiallait en •sevelir sa dépouille vénérée était meilleure que celle qui l'avait

précédée. Si ce coirpliment pour la génération actuelle n'est

pas une illusion de sa vieillesse ou une tendresse trop aveugled'un coeur de père trop bienveillant, l'exemple de sa vie si di-

gne n'aura pas été et ne sera pas pour peu dans l'éducationinorale et politique de la  jeune Démocratie française. Son

exemple sera pour nous, les fils et petits (ils de ses idées, celui

qu'il faudra sans cesse s'cftbrcer d'imiter. Ft si dans nos jours(le tristes déchéances morales, au scinde notre société civile et politique si profondément bouleversée, il nous a étédonné de voir avec douleur des hommes qu'avait appris à res-

pecter notre  jeunesse, renier les dogmes qu'ils avaient incul-qués à notre enfance, aller porter au pied d'idoles élrangcrcsleur hommage et leur encens, il est sain d'avoir à mettre sousles yeux de la  jeune génération qui s'( lève l'exemple d'une vie

pareille.Comme

poète,Dérangervivra autant

quela

France,et

tant que la France sera une nation,elle chantera les vers qu'il aburinés en célébrant nos malheurs. Le soldat redira partout la

gloire de son drapeau et Déranger, comme le Tasse .aura

disparu depuis longtemps que sa poésie sera redite par toutela Vrance:comme les gondolieis de Venise répètent le soir aux

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— 200 —

échos des lagunes les vers du poêle dont ils ne connaissentmémo plus le nom.

Comme homme politique, il a droit à I estime de toutes les

opinions et il y a droit parce que par nos temps de bassesseet de servilismc il a eu le rare mérite d'être un caractère.

Béranger a su résister à toutes les séductions, à toutes lescaresses du pouvoir , il a su par là garder pures en son âme

ces deux vierges immaculées île la conscience humaine, la Pro-bité et l'Indépendance. Toute sa vie peut se résumer en quel-ques mots: comme poète il a doté son pays de chefs-d'oeuvre.,comme citoyen et comme homme politique il n'a demandé àDieu et n'a réclamé des hommes que deux choses : pour saboutonnière une simple fleur, et pour la France, la Liberté!

J. H. Il AU HAÏ.

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FABLES ET POÉSIES LÉGÈRES

de M. ETIENNE AZÉMA.

I.

La Musj Grcota a les droits les plus légitimes à nos dé-férences comme à nos respects.

Autrefois, en ce bon temps de sincérité, les poètes étaientles mieux aimés entre les hommes. Aux banquets d'Homëre,ils avaient les premières places, la plus belle coupe, les pré-mices des agneaux.

Comment n'eut-on-point vénéré ces temples vivants quiportaient un Dieu dans leur sein? Ils sanctifiaient le seuilque leur sandale avait touché. Lorsqu'ils allaient s'asseoirà quelque foyer, on brûlait le cèdre et l'aloèspour parfumerla llammequi les réchauffait. La jeune fille venait verser l'eausur leurs pieds et les essuyer avec le lin. On les écoutait com-me les prêtres, et lorsqu'ils se levaient on les accompagnai!respectueusement, comme des hôtes qui avaient laissé la

bénédiction des Dieux dans la maison.Nous sommes un peu des temps antiques dans notre ad-miration pour les poètes. Ils ont la première place à notre

foyer, et nous les accompagnons le plus loin qu'il nous est

possible de les suivre.Aussi bien, la Muse Créole ne doit peint demeurer ense-

velie dans les livres, sous ces pages tumulaires, que feuillettele doigt distrait, et rester voilée comme la statue d'Isis.

Lepoète

dont  je m'occupe aujourd'hui s'était,

il estvrai,de lui-même, et par tempérament, réfugié dans la solitude;

il avait toujours été pieux pour la poésie, il avait travaillé sé-rieusement, consciencieusement, loin des petits bruits,des petites querelles, des petites coteries. Celui-là, à coupsûr, ne pouvait être né pour cette poésie audacieuse qui re-

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traej les grandes actions d.j la vie humaine, mais il avait quel-ques- droits à cette poésie plus douce, plus tempérée, quipeint les passions tendres et mystérieuses du coeur. Consa-crons quelques instants à l'examen des oeuvres qu'il nous alaissées, et nous reconnaîtrons sans peine qu'il a en eHet con-

quis sa place parmi les écrivains qui méritent d'être lus, et

qu'on relit avec plaisir:

11

Comme ses prédécesseurs, et souvent ses modèles Paruyet lîertin, M. François-Paul-Etienne Azéma naquit à l'IleBourbon le 15 Janvier 1778,. Il était fils de bonne maison ;mais sa mère avait cru devoir l'élever, comme le voulaient lesmoeurs d'alors, durement, pauvrement, dans la poussière cl.sous les soleils ardents du climat des Tropiques. El l'enfantallait ainsi a travers nos habitations, aspirant par tous les po-

res cette atmosphère vigoureuse et purifiée des colonies, oùtlottent les âmes des végétaux,où passent sans cesse les rayonsdune lumière féconde. Il suçait le second; lait de vie sur lesein de la nature, cette mère commune dont le chaste et aus-tère sourire fait passer une autre àmedans nos âmes. Ce sera(a profondeur chez les philosophes ; ce sera la rêverie chezles poètes.

Seul, au milieu des champs de girofliers et de caféiers, (leslilaos, n'existaient

pasalors dans la

colonie)le candide enfant

respirait,dans les brises du soir,les vagues senteurs de nos ha-bitations parfumées. Il se sentait déjà pris de défaillances in-connues, d'inquiétudes sans cause, de pensées étranges quel'inexpérience de son coeur ne savait comment exprimer etqu'il regardait comme des 'souHtanccs. C'étaient des émo-tions qui devaient être un jour des poésies; ce n'étaient pasencore des hymnes, ce n'étaient que des rêves.

M.Etienne Àzéma reçut une éducation Joute religieuse.Il apprit la piété en même temps que la tendresse, au foyerdomestique, et alla doucement à Dieu, conduit parla main desa mère. La Religion apparut ainsi à sa  jeune intelligence àtraversée sourire d'inépuisable amour. Il reçut l'insufflation

religieuse des lèvres d'une mère, Jes plus aiinantes, les plus

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- 205 —

parfumées d'onction chrétienne. Cette jeune âme pure et af-fectueuse croyait par le coeur comme les plus doux et les plusangéliques anachorètes des premiers âges. Cela lui suffisait;plus tard cela ne lui suffira plus.

Knvoyéen France, jeune encore, il fut placé dans la floris-sante école de Sorrèze, célèbre abbaye des Bénédictins, bâtiesur le bord du ruisseau dont elle a pris le nom. Là, il puisa<es

principesarrêtés de morale,

quilui furent si

profitablesdans le cours de sa longue carrière. Il quitta les bancs, nour-ri de la littérature des deux antiquités, dont il devait plustard imiter et la grâce et le naturel. .

De retour dans sa famille, dans sa ville natale, à l'âge de21 ans, le premier idéal du jeune homme furent le Christia-nisme, la famille et la nature. Ses croyances étaient tradi-tionnelles, pleines d'affection, de respect envers le passé. Il secontenta de demandera ses solitudes, aux champs aimés de

.sonenfance, des formes, des émotions, des images inconnues.Il retrempa la poésie à sa véritable source. C était un jeunelévite élevé à l'ombre du temple, sous la robe de lin. Sesmains bénies n'avaient encore touché que le pain, le vin etle sel des sacrifices; Tousses hymnes étaient comme impré-gnés des douces évaporations de l'encens. Il adorait et priait ;et si quelquefois le doute bouillonnait dans ce coeur trop ar-dent et s'extravasait sur les dalles du parvis en plaintes trop

vives, ces révoltes fréquentes, mais bientôt comprimées, nesemblaient éclore que pour donner plus de gloire à la sou-mission.

III

Les oeuvres de M; Etienne Àzéma se composent de piècesqui différent et de forme et do sujets. Un recueil de fables ,une traduction des Eglogues de Yirmlc, quelques imitations

de Tibulle, de charmantes poésies légères : voilà le bagagelittéraire que M. Àzéma livra au vent de la publicité en 1832.On s'est plu trop souvent, à faire de l'apologue un

instrument à l'usage de nos petites passions, de nos petitesrancunes politiques. Sous le nom de fables, on nous adon-né des épigrarnmes, des satires plus ou moins heureuses ,

27

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— Wi —

plus ou moins spirituelles de telle sorte que la fable a déviéde sa mission naturelle, qui est d'orner et d'embellir les

grandes leçons d'une morale immuable et éternelle.La fable est cependant une fille de l'Orient, où il est dan-

gereux de donner des leçons aux grands. Rien ne futdonc

plus ingénieux que l'idée de renfermer des principes de mo-rale et une Une critique des hommes et des gouvernementsdans de

petits drames,dont les animaux devenaient les ac-

teurs et qui, sous une enveloppe frivole'ou apparence., ca-chaient d'utiles vérités et persuadaient mieux que des dog-mes sérieux. Mahomet qui devait faire servir à sa religiontout ce qui pouvait la rendre respectable aux hommes, ac-cueillit, comme avaient fait ses devanciers, les apologues deLokman, dont il fit môme l'éloge dans le Coran. Les fables?<etrouvaient de la sorte mêlées aux croyances de l'Asie.

Esope chez-les Grecs s'empara dés poèmes de Lokman, et

rendit populaires les enseignements que l'on ne puisait quedans les écoles savantes de la Grèce.

Socrate sut apprécier la morale qui y était renfermée , etPlaton trouvait les fables si utiles au commerce de la vie ,qu'il voulait que les enfants les apprissent sur le rein mémode leurs nourrices. , . ' .

Esope fut le seul poète qu'il admit dans sa république,(yest assurément rendre à l'apologue des honneurs qui nous

semblent incroyables aujourd'hui.Ce genre de poésie passa des Grecs chez les Romains,leurs imitateurs : Phèdre en fut le plus élégant interprète.

En France, il se personnifia pour ainsi parler dans La-fontaine et ne perdit pas de son importance morale. Il n'y a

qu'à parcourir la série de fables admirables de ce grandpoète pour voir avec quelle force de génie , quelle supérioritéd'esprit et de raison, et surtout avec quelle maligne bonhomieil

attaquaitles vices et les ridicules de la cour de Louis XIV.

Le grand mérite de M. Azéma, c'est de r. mener la fable àson véritable but et de lui rendre son style propre qui n'estni celui de l'épigramme, ni celui de la satyre, et qui consistedans un agréable mélange de bon sens et de naïveté, de bon-homie et de malice, de noblesse et de familiarité. Dans les

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fables de M. Azéma tout nous parait, être de bon goût, debon style ; la poésie en est brillante et soignée , la narrationbien tissue ; nous n'y voyons rien de recherché, •tout y estnaturel. L'auteur semble avoir pris Florian pour modèle : ilen approche souvent et l'égale quelquefois. Dans ses apolo-gues, dont le but est toujours moral, on remarque cette teintede douce philosophie et de sensibilité qui faisait le fond del'aimable caractère du chantre de Sceaux, et qui donne à tous

ses ouvrages un charme si attachant. Voici quelques fablesde M. Azéma qui permettront d'apprécier le talent du fabu-liste créole.

FABLE XXXIV.

LA CANNE ET LA SARCELLE.

A MBSENFANTS

Une jeune Sarcelle établit ses pénatesSur le bord d'un étang. Des restes d'un vieux nidElle fit son palais ; et son bec et ses pattes

Lui donnèrent bientôt et la chambre et le lit :Mais a moins que l'oiseau ne ponde,

Que faire dans un nid ?le nôtre, dieu merci,

N'y manqua pas, et mit au monde

Douze oeufs dont il faisait sou plus tendre souci.

LaSarcelle a l'essor, il avinl que l'orageEnfla Tonde ; et l'étang grossi

Emportale

logiset le

ménageaussi.

Une Canne vit le naufrage.Elle saisit du bec l'arche flottant sur l'eau ;

Et l'ayant traîné au rivage,Elle couva les oeufstrouvés dans un berceau.

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- 206 »

Les petits étrangers sortent de la coquilleEt notre Canne dès l'abord

Va promener dans l'eau la nombreuse famille.

Lorsqu'on nageant tout près du bordElle vit la pauvre Sarcelle

Qui gémissait tout bas. Que pleurez-vous ? dit-elleVous aurait-on fait du souci?

— Je pleure, hélas! mes oeufs, douce et tendre espérantQue l'orage a, je crois, noyés dans mon absence.

Sans lui  je serais mère aussi.— Vos oeufs? et depuis quand, ma mie,Les avcz-voiis perdus? — Un mois passé déjà.— Pouvez-vous témoigner en quel lieu, je vous prit.1,Arriva ce malheur ? dans les joncs que voila.— Vous voyezvos petits .; je leur suis étrangère;

Je les ai sauvésEt couvés —

Pour les rendre un jour a leur mère.Prenez-les donc ; c'est voire bien,Je n'ai fait que leur donner l'être,Les perdant, j'en mourrai peut-être ;

Mais je fais mon devoir. Adieu. Soignez-les bien,

Ktla Canne, à ces mots, prend dans,l'air sa volée :Jetant par-ci par-là dés regards attendrisSur la famille désolée

Qui appellail de loin avec des petits cris.

Mes chers enfants, prenez ma Canne pour modèle.Le plaisir d'un bon coeur est de faire le bien.

Propice aux malheureux, à la vertu fidèle,Il fait celui d'autrui même au dépens du sien.

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— 207 -

FABLE XII.

L'ES TOIL3S D'ARAIGNÉES.

J'ai lu, je ne sais où, que jadis dans la GrèceDes sages entre eux devisaient.

Ils discouraient des lois; et leurs avis disaient

Sur leur autorité, leur forces, leur" sagesse,Et leurs défauts, je pense, aussi.Anacharsis écoutait, sans rien dire.

Quand'vint son tour, il se mil à sourire ;Puis il conta la fable que voici :Dans un champ, certaine araignée

Avait tendu des filssi forts, si bien ourdis,Qu'elles auraient défié les gens les plus hardis

D'y venir troubler sa lignée,Dans ces fils tombe un moucheron :Pour ses petits bonne pâture ;La fourmi vient, même aventure;Autant en fait le papillon.Comme ma toile est bien lissuc !

Disait notre filcusc ; elle est, je crois, d'airain;Sans mentir, quand d'Hercule on aurait la massue

On l'entamerait bien en vainLa dame eût mieux fait de se taire;Car aux portes de son logisArrive une chauve-souris

Qui vous enlève et la commère,Et les enfants et les tissus,Et le papillon par-dessus.

Ces toiles sont vos lois : les fourbes les méprisent,Les faibles y sont pris, et les puissants les brisent,

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LES DEUX ENFANTS ET LA MONTRE-

Un enfant joli comme un coeur,Mais léger, étourdi, jouant avec sa soeur,

Aperçut par hasard au logis de son pèreUne montre qui cheminait

Et sonnait.Curieux il la considère ;Bientôt il entend : un, deux, trois.

Ce bruit l'étonné ; il veut en savoir le mystère.- Voila qu'avec ses petits doigts

Il la prend doucement, la porte a son oreille:Puis dit : Ma soeur, viens vite ; oh Sle charmant oiseau

Qu'on a mis là-dedans; c'est qu'il chante a merveille.

Qu'il doit-ètre gentil et beau !La soeur vient, examine. Oh ! que nenni, mon frère,C'est bien une souris qui cause ce bruit-là.

Prends-donc garde, elle te mordra.— Une souris ? Voyez!je gage le contraire.Cela dit, le marmot s'efforce de l'ouvrir.

L'esprit tout plein de sa chimère,Il la tourne, retourne, et n'y peut réussir.

Il faudra bien que l'oiseau sorte,Dit-il; et là-dessus, il s'en va, puis rapporteUn caillou qu'il choisit bien gros, bien arrondi ;

Sur le parquet la Montre est mise;Le bras levé, voilà que mon jeune étourdiLance aussitôt la pierre ; et la Montre se brise.Adieu roue et ressort ; tout n'est plus que débris.

Nos bambins regardaient avec grande surprise ;Mais point d'oiseau ni de souris.

Ces enfants curieux n'oflVent-ils pas l'image

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De nos esprits soi-disant forts,Qui du corps et de l'âme, inconcevable ouvrage,

Veulent deviner les ressorts?Leur orgueil insensé va creusant les mystères

Qu'ils ne peuvent pas concevoir.Le doute les accable ; et ces fous téméraires,

Souvent dupes de leur savoir,

Détruisent dans leurs coeurs, a force de chimères,Jusqu'au Dieu qui les fait mouvoir.

LES DEUX TAUREAUX ET L'ESCARGOT.

Dans l'arène on faisait combattreDeux superbes Taureaux. Maint et maint spectateur

Placé sur un amphithéâtre,Admirait les hauts faits de ce couple en fureur;

Vous l'eussiez vu bondir de terre.L'oeil en feu, les naseaux fumants.

L'un et l'autre croisaient leur corne meurtrière,Et s'entre-déchiraient les flancs.

Pendant ce beau combat, dans un coin de l'arène,Un Escargot, s'émancipant,Sort de sa coquille, se traîne,

Et droit h nos lutteurs se présente en rampant. »

On cria: Place, place au héros de la fête!Contre ces fiers Taureaux il vient combattre ici.— Eh! pourquoi pas? répondit l'impertinente bêle,

N'ai-jc pas des cornes aussi?

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À coup sûi', le style de M. Àzéma dans s:s fables est clair,précis, naturel; son vers aie ton élégant et harmonieux; sa

phrase poétique est habilement cadencée. Il y a bien là dequoi nous dispenser des chicanes de détail.

Venons maintenant à sa traduction des pastorales de

Virgile.Suivant nous, lo premier devoir d'un traducteur, après

celui d'être exact, c'est de respecter le génie de la langue dans

laquelle il écrit. Reproduire exactement le caractère de l'au-teur qu'on traduit, c'est une qualité qui demande une voca-tion toute spéciale. Voulez-vous que l'auteur dont vous entre-

prenez la traduction se ranime à votre voix, reprenne vie sousvotre plume, se fcolore- sous votre pinceau de tout l'éclatde celle impérissable jeunesse qui brille au front des grandsécrivains de l'antiquité? En appliquant votre intelligence àcette reproduction exacte d'un génie mort, d'un idiome éteint,voulez-vous

garderla

physionomiede votre

langue nationale,préserver son originalité, ménager sa susceptibilité la plusdélicate, imiter un modèle et rester vous môme, copier un

portrait et créer une oeuvre de maître ? Tâchez de ressembler

par l'esprit à votre modèle; du moins, parmi ces grands gé-nies que l'antiquité nous a laissés, n'abordez que ceux pour

«lesquels vous vous sentez quelque sympathie personnelle,ceux qui vous attirent, qui vous provoquent, qui vous pas-sionnent, ceux en qui vous reconnaissez quelques-uns des

traits de votre intelligente; ceux enfin avec l'âme desquelsvotre âme aquelquu parenté. M. Azéma aime certainementson auteur; mais   je n'aperçois pasassez, dans sa traduction,celte vive union des coeurs, cette sympathie puissante, cet ac-cord prédestiné qui me semble être la condition indispensabled'une bonne traduction.

Il est vrai que, pour traduire un poète ancien, on est ex-posé à bien des déceptions et des mécomptes: on accepte vo-

lontairement un combat de tout point inégal. Le vers fran-çais, tout chargé d'entraves, n'est pas de force à soutenir lalutte avec le vers ancien, d'allure si dégagée et si libre. Lerythme lui manque, l'hémisticele gène, la rime l'appesantit.D'un .autre côté, notre idiome poétique n'a pas les ressources

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infinies elles inépuisables richesses de la poésie ancienne; ensorte que cette infériorité de la langue vient se joindre, dansla traduction en vers français, à l'impuissance de la prosodie.Essayer de traduire les anciens en Yers français, c'est donctenter de couvrir l'héroïque harmonie du grand hexamètreavec le triste murmure de nos rimes monotones.

Ce que nous disons ici de la traduction des Eglogues deVirgile par M. Azéma s'applique aussi bien à sa traductiondes

Elégiesde ïibulle. Jo reconnais

toutefois queM.

Azémaa

traduit ces deux inimitables poètes avec exactitude et scrupu-le. Traduire en vers est toujours une entreprise très hasardeu-se: y réussir, c'est plus que du talent, c'est du bonheur.M. Azéma a été habile et heureux.

IV

M. Azéma fait mieux que d'expliquer et de  justifier la poé-

sie mythologique: il l'emploie avec beaucoup de talent dansAcis et Galathèe, délicieux tableaux que lui ontinspirés les

tableaux de Parny. C'est un sentiment exquis encadré dansun charmant paysage, oii la vierge n'apparaît que cachée sousle plus pudique des voiles. Ces soupirs d'amant sur le lac, aubruit harmonieux des avirons, ces longues scènes d'enivre-ment passent comme la brise légère, mais laissent dans l'Amedu lecteur de douces et palpitantes émotions.

ACIS.

L'Aurore de ses traits naissants,Blanchissait la mer de Sicile.Acis, sur la rive tranquille,Au doux sommeil livrait ses sens.

Un songe descend dans son âme,Et sur la surface des eauxLui fait voir une  jeune femme

Qui jouait au milieu dc&flots.28

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La perle à son cou s'entrelace,Et sur son sein tombe avec grâce.Elle tient dans sa blanche mainUne conque retentissante.Dans l'or de ses cheveux serpenteQuelque feuille de jonc marin.Et l'éclat de sa tresse humide,Son teint

rosé,ses

yeux d'azur,Son visage riant et pur,Tout annonce une Néréide.D'Acis elle approche en secret,Murmure un mot à son oreille.Le songe fuit. Acis s'éveille,Et maudit le jour qui parait.L'esprit frappé de cet image,

Il quitte son humble réduit,Et va s'asseoir sur le rivageOù ce vague objet le poursuit.

<;%rvn:i:

Acis, que son rêve tourmente,

Regarde en soupirant la mer.Une nymphe du flot amerFolâtrait dans l'onde écumanlc.Il contemple ses doux attraits.

Dans Veau son oeils'égare

etplongeDe la beauté qu'il vit en songe

Son coeur a reconnu les traits.

La jeune et blanche Galatéc

L'aperçoit, sourit doucement;

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— 213 -

S'enfuit sous la vague agitée,Reparait, nage mollement;Puis, debout sur le flot bleuâtre,Aux regards curieux d'AcisDe son corps de rose et d'albâtreFait voir les contours arrondis.De la mer qui bruyait encoreD'un

signeelle

apaiseles flots;

El d'une voix douce et sonore,Les yeux baissés, ebante ces mots:« Pourquoi rester sur le rivageQuand le ciel est calme et serein?De loi  j'écarterai l'orageS'il grondait sur le flot marin.« Je serai la brillante étoile

Qui dirigera ton bateau;L'Eurus qui gonflera la voile

Sur l'abîme immense de l'eau.« Livre donc ta barque au zépbyre;Et, quand tu seras de retour,Je ne demande qu'un sourirePour lous ces soins de mon amour. »

Elle se tait. Et sur la rive,

Acis, les sens encore émus,Prêtait une oreille attentive,Quand la nymphe ne chantait plus.

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- 214 —

L'JULCYOX*

'La mer n'était plus agitée.A peine ridé par le vent,Sur la plage le flot mouvant

Dépose une écume argentée.D'une coupe elle a la rondeur,

Et la neige a moins de blancheur.Au milieu mollement reposeUn alcyon jeune et brillant,Aux doigts d'ébcne, au bec de rose,D'or et d'azur étincelant.Sur sa gorge, où l'aigue-marineSe mêle aux couleurs de l'iris,Prend un anneau de perle fine

Où ces mots charmants sont écrits:« Je suis l'oiseau deGalatéc.Soit que le ciel brille serein,Ou que la mer gronde irritée,.Je dors tranquille.sur son sein.v Jeune habitant ;de ce rivage,.Veux-tu tendrement la chérir?

Prends-moi,caresse

mon plumage,El me laisse partir. »Flatté dece joli message,Acis en riant prend l'oiseau,Avec transport baise sa plume;Le remet dans sa blanche écume,Et l'alcyon vogue sur l'eau. &. &,

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- 21?i —

Voilà des vers qui me semblent excellents, qui me plaisentet qui me touchent. J'y trouve ce  juste mélange d'idées, desentiments et d'images qui font la vraie poésie. Ces image?sont toutes consacrées à embellir la pensée, à exprimer le sen-timent d'une manière vive et iorte. Elles charment le lecteur,loin de le déconcerter et de l'éblouir, parce que l'imagination,au lieu de travailler sur elle-même et de broder dans le vide,travaille sur un fonds solide, parce que les sentiments sont

vifs, touchants, et qu'ils dominent les images. Je ne crainspas dans la poésie les figures, les métaphores, les emblèmes,les allégories: je ne crains que les sentiments indécis, lesidées vogues, ce qui n'a pas de corps enfin et ce qui ne peutpas être vêtu.

V.

Je ne puis mieux terminer l'examen des oeuvres de M.

Azéma qu'en reproduisant quelques fragments des stancespleines do verve et de sentiment que l'auteur « composa à« Stc-Hélène môme, la tète nue, les mains appuyées sur la« grille qui entoure un auguste tombeau, » pour me servirdes expressions mômes de la préface de l'ouvrage. Ces stan-ces donnent l'idée du bon et du beau: or, c'est là le suprêmemérite de la poésie. Quand elle plaît, il faut qu'elle ravisse.Un poète n'est pas tenu de toujours plaire et d'être toujoursbon: il

peutavoir ses faiblesses et ses

langueurs;mais il faut

qu'à certains moments il transporte les âmes. La poésie n'est

pas, comme la vertu, obligée à persévérer dans le bien; maiselle est obligée à y exceller.

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^IE TOWBEAUDE SAINTE-rHÉLÊHE.

IwJuillet"1851.

.J'ai dit; J'irai m'asscoir au roc,4c Sainterïlélène;Parmi les noirs sapins de sa cime africaine:

De nobles souvenirs me suivront dans ces lieux.

Je verrai sous l'abri deleur feuillage sombre,Debout sur un tombeau, la Gloire comme une ombre,

Apparaître à nies yeux.

Je disais; et déjà, franchissant le rivage,J'étais agenouillé sur la rbcliè sauvageOu celte ombre pleurait, le front couvert dé demi.

0 trouble inattendu! la terreur m^envïrohhè;Mes membres ont frémi,Tjcpâlis,'je frisonne;

Et ce n'est qu'un cercueil!

Mais devant ce cercueil quel mortel ne s'enflamme?

Qui ne sent palpiter et tressaillir"sort âme,:Knvoyant ce tombeau placé dans lés déserts?

«Qu'il est simple et touchant! des saules sans verdure,&Jncpierre sans nom, un ruisseau sans murmure;

Et lebruit sourd des vers!

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— 217 —

Quoi calme autour de moi! des hauteurs de ces cimesf/oeil plonge avec effroi dans de vastes abîmesDont les bords déchirés sont minés lentement.On n'entend que le bruit de la blanche colombe,Qui d'un vol cadencé vient poser sur la tombe,

Et ronger son ciment.

Approchons-nous sans crainte, et mesurons la pierreOù s'est brisé l'éclat des pompes de la terre."0 néant des grandeurs que la mort vient finir!Je couvre de mon pied ce colosse superbeQue l'Univers entier qu'il foulait commeTherbe

Ne pouvait contenir.

Parcourons ces sommets battus par la tempête:Saluons le vieux chêne où reposa sa tète.

Montons sur le rocher où son coeurplein d'ennui

Allait rêver la France au bruit de la tourmente;Et contemplait recueil où la vague écumante

Se brisait comme lui.

Voila donc la demeure oîr le maître du monde,

Enseveli vivant dans une ombre profonde,À vu de son bonheur le songe évanoui!

0 coup affreux du sort! comme un torrent qui passe,-Trdne, sceptre, grandeur, en un jour tout s'efface,-

. Toutcroule, tout a fui!

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Où sont-ils les amis que dans ses jours de gloireLa forlune attachait a son char do victoire?Eux qui de ses splendeurs ont partagé le sort,Et qui couraient en foule inonder sa demeure?Il n'a pour compagnon que cet arbre qui pleure,

Le silence et la mort.

Indigne cl lâche oubli des mîmes qu'on ravale!La vachcoci mugit, les pieds de la cavaleFoulent impunément l'asile du héros.L'enclume retentit sous celte voûte sombreDont les brillants récits de nos gloires sans nombre

Réveillaient les échos,

Dans ces réduits secrets qu'embellit le sourire,Où de jeunes beautés préludaient sur la lyre,El conduisaient l'aiguille ou tressaient leurs cheveux,

Le pâtre insolemment pose un pied téméraire;Et de ces lieux sacrés profanant le mystère,

Désenchante mes yeux

0 quel poids accablant à son âme oppressée,

Quand ce géant a vu sa force terrassée,Son aigle foudroyé, ses bataillons épars;El sur l'obscur rocher où le destin l'isole,Le soleil d'Austerlitz, de Wagram et d'Arcole

Mourir dans ces brouillards!

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- 319 —

Le géant est tombé. Témoins de ses injures,Vous le savez, rochers! par-combien de torturesN'a-t-il pas expié son coupable bonheur?

Là, veillaient ses bourreaux, là, nouveau Prométhée,Vi\ vautour s'attachant à sa chair tourmentée

Lui dévorait le coeur.

Eh! que lui t'ont les dons d'une pitié barbare;Ce palais qu'à grand frais l'étranger lui prépare?Ah! donnez-lui son char, sa lance, ses chevaux,Seul luxe qui plaisait à son âme guerrière;Ou quelque humble gazon, quelque abri funéraire

Où reposer ses os.

Tandis que ma pensée, errante ou recueillie,

Prolonge sur ces monts sa longue rêverie,L'astre incliné du jour se plonge au sein des mers.

L'ombre des nuits s'avance, et l'étoile nocturnePromène lentement son globe taciturne

Dans le vague des airs.

Adieu, pics imposants, adieu, vallée obscure !

Abîmes ténébreux, rochers, âpre nature,Déserts qu'a consacrés l'ombre d'un demi-dieu;Vous tous, objets muets, qu'embrasse la pensée;Tombeau, dernier débris d'une grandeur passée;

Néant, poussière, adieu!

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-220 —

J'ai vu de l'Océan la vague menaçanteSur mon vaisseau brisé promener l'épouvante;La foudre en traits de feu serpenter dans les flots,Atix cris des nautonniers la bruyatffe\tcinpèteMêler ses sifflements; et la mort sur ma tète

Lever déjà sa faulx.

Si, dans ce jour d'cflïoï, j'avais'roulé dans l'onde,{Je vous l'atteste, ô cendre en souvenirs féconde! )•Que j'aurais regretté de n'av.oir pu m'asscoirDans ce champ de la mort, sur ce roc solitaire;Et rêver sous le saule, h la pâle lumière

De l'étoile du soir!;'; r :

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Btuicte bc$ Sciences et 3lrt$*

Séance du '10 Ocloke 1862.

PRESIDENCE DE M. LE SÎNER.

"M. le Président annonce à la société l'envoi du 2e frag-•ment de l'ouvrage que publie M. Maillard, et des nos dek.Revue Coloniale.

M. Focard lit un travail sur 7'introduction du Vanillierà Bourbon et sur la fécondation artificielle de cette liane.

M. Voïart donne lecture d'me comédie intitulée:M. Desoursons.

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Les élections sont fixées à la séance de novembre.

La séance est levée à 10 heures,-

LeSecrétaire,

'•

P.ÎDB MONFORAND,

U Président,

Le Sinkr.

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NTRODUCTION ET FÉCONDATION DU VANILLIER.

A L'iLEBOURBON.

I.

C'est en 1818 que la culture du vanillier a commencé àprendre, dans la colonie, cette extension qu'elle y a acquisedepuis, et qu'elle y acquiert encore chaque jour au grandavantage de nos petits propriétaires.

Mais à quelle époque celte liane précieuse a-t-elle été in-troduite à l'île Bourbon ? Plusieurs personnes indiquentl'année 1819, quelques unes l'année 4818 et enfin d'autresTannée 1817.

Ces contradictions nous ontporté

à rechercher le nom del'introducteur de cet admirable Epidendre comme l'a ap-pelé Linnée, dont les produits sont devenus une richesse

pour le pays.Il n'était pas d'ailleurs aussi facile qu'on pourrait le croire

d'arriver à connaître la vérité sur cet intéressant objet.EnelTet, d'après M. Thomas, l'un de nos anciens Ordon-

nateurs, ce serait M. Pcrrottetqui nous aurait apporté le Va-nillier; suivant M. David de Floris un dé nos compatriotes,ce serait M. Marchant; tandis que, Auguste Billard, dans sonVoyage aux colonies orienta les et Abel Hugo, dans un arti-cle inséré au tome IIIe d'une revue estimée, la France Pit-toresque , nomment toits les deux M. Philibert. Oh a citéaussi le nom de M. Leschenaud naturaliste voyageur.

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— 224-

Voici ce que M. Thomas a écrit dans son Essai de statis-

tique de l'Ile Bourbon , ouvrage couronne par l'Académiedes Sciences en 1828.

« M. Pcrrottet, botaniste voyageur, embarqué sur la divisionaux ordresdu capitaine de vaisseau Philibert,apporta le vanillier.Cet officier supérieur, créole de Bourbon, distribua à ses amisles plants dont M. Peuoltel avait pris soin. Le Jardin du Roi en

obtint quelques uns; j'en ai vu chez M. Joseph Hubert, auBras-Mussard, et tout annonçait un succès futur. »

Billard, de son côté, après avoir parlé du Jardin du RoideSt-Denis et des plantes qui s'y trouvaient, ajoute dansune lettre datée de 1818 : ,

*

« On y voit même quelques espèces que ne possède pointles Pamplemousses, tellest entre autres.le Vanillier que le mi-nistre de la Marine Portai, vient de faire apporter , de Cayenneà Bourbon, par le capitaine de vaisseau Philibert »

Abel Hugo, dit à son tour, dans lu rOvue citée plus haut« que le Vanillier a été apporté, de Caycnnc h Bourbon, en4819, par le capitaine Philibert. »

*-^

Kt enfin, M'. David de Flo'Hs, dans une ibrbclmre publiéeen 1857, s'exprime ainsi : :',

« Le Vanillier a été introduit ici, en 1817, par M. Marchantancien ordonnateur de la Colonie; je commandais alors le na-vire sur lequel il prit

passagede Maurice

pour Bourbon,à sou

arrivée de France, et j'avais à mon bord les deux grandes cais-ses vitrées où étaient renfermés différents plants que ^.Mar-chant portait pour le pays.

« C est donc a M. Marchant que nous sommes redevables decette plante si recherchée et sj productive, et c'csl-à M. Fréonque nous devons sa propagation. »

Ainsi, nous étions en présence de quatre noms ceux deMarchant, Perrottet, Philibert et Portai; et avec trois dates

4817, 1848etl8l9.Il est vrai que M. Perrottet, actuellement botaniste du

Gouvernement, à Pondichéry, a publié en 1860, pour réfuterl'assertion de M. de Floris, une brochure dans laquelleon lit le passage suivant :

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- 22o —

« En 1811),époque de mon arrivée pour la première fois àBourbon , le vanillier n'y existait pas et ne se trouvait sur au-cun point de Pile : il y fut introduit par moi, le 27 juin 1819.

« En effet, je débarquais ce jour là-mème de la gabarre del'Etat le Rbônc, sur laquelle j'étais embarqué en qualité de bo-taniste agriculteur du Gouvernement, plusieurs caisses de vé-gétaux divers, entre autres des bouturés de vanillier, la plu-part déjà enracinées, que je me procurai à Caycnnc où l'expé-dition relâcba etséjpurna plusieurs jours.(1)Mais à cette affirmation de M. Pérrôtlet M. de Fions dansune lettre qu'il nous a adressée, oppose cette autre affirma-tion: ; i;

« Je me rappelle fort bien avoir entendu dire par M. Bréon,que c'était M. Pcrrpltet qui avait introduit a Bourbon lagrosse espèce de vanille, dont les premiers plants étaient auJardin de l'Etat, mon père en eût l'espèce un des premiers,

mais déjà il cultivait  \%petitevanille qu'il tpnait de M. Fréon. »Certes, voilà une objection qui aurait pu avoir quelque va -

(1)« MPcrrottetajoute:le CommandantPhilibert,né à la Réunion,oùilavait toute,sa famille,prenantun grand intérêt à la prospéritéde sonpays,ne jugeapasprùdentVet c'étaitégalementmon opinion,de déposerdans un seulendroitet entreles mainsd'uneseule personne,le précieuxtrésordontnousétionsporteur,il pensa.au coiira ire, avec beaucoupderaison,nue,distribuésur plusieurspointsde l'Ile, aux habitants lesplusaccrédités,pnaurait plus.dechance.poursa conservationet on arriveraitainsiplussûrementà le répandre

' dans la Colonie.Il m'engageadonc de

faireporter;chezses

parents,où il

demeurait,'la

plus grande' partiedes

caissesdeivanilliersdont j'avais pris .un sointout particulierpendant latraversée.etdefairerçmçltro,tasautres.au jardin botaniquede St-penisaveccellescontenant'lesvégétaux'égalementvivantsqui lui étaient des-tinés » .

« Des.quecescaissesfurentrenduesà terreMPhilibertfit fairelarépar-titiondesplantsde-Vanilliers;il onfit porterquatrechezMmeFréon, deSte-Marie^àla Uivtèredes pluies,et quatrechezM.Hubertde MontflcurieaSt-Hcnoitet autant chezd'autres personneségalementrecommandablesdontles nomsne me reviennentpointen ce momentà lamémoire.»

e M. Bréon, jardinierbotanisteduGouvernementàSt-l)enis,fut mécon-tent dèsdispositionsqueprit le chefde l'expédition;il s'en plaignit aM.l'ordonnateur,alorsM.jTJiomas; celui-ci, accueillitla plainte.-qu'ilcrut fondée et

s'empressad'en informerM.le Gouverneur:c'était M.le

BaronMilius,qui, depuislongtempsdéjà,je nesais pour quelmotif,étanten délicatesseou brouilléavec M. Philibert,lit de cela, une affaireoffi-cielle;il en écrivit au Ministrede laMarineet des Colonies.Onretrou-verait  je pense,au secrétariatdu Gouvernementou à celui del'Ordon-nateurj cette correspondanceet probablementla dépêche ministériellequiapprouvait,sans réstriction,les mesuresprises par M.Philibert etmoi. » ( Brochurede 1860.)

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— 226 —

leur,si M.Perrotet n'y avait répondu d'avance par un paragra-phe que nous extrayons également de sa brochure de 18(>0:

« Voici un fait, dit M. Pcrrotlet, qui prouve sans réplique,que l'introduction a la Réunion , des deux espèces de vanilliersqui s'y trouvent et y sont oultivées aujourd'hui avec succès, ace qu'il parait, m'appartient incontestablement. »

(f  Pendant le séjour que l'expédition Philibert fit à Manille,

séjour qui fut de quatre mois, je rencontrai dans mes excur-sions scientifiques, au milieu «lesforêts vierges qui couvrent lesmontagnes cl les collines de cet admirable pays et en face do laCucva de San-Mathéo, h environ 50 milles de Manille, une au-tre espèce de Vanillier qui me parut nouvelle; elle grimpait surdes touffes de grands bambous, sur les arbres les plus élevés etformait de l'un h l'autre, de vastes guirlandes qui retombaienten festons. Celte découverte fut le Comble de mon bonheur.J'étais accompagné d'un grand nombre de pôrleurs, d'hommes

de peine et de deux guides. Je lis une ample moisson de ceslongues tiges charnues que je détachais des arbres auxquelselles tenaient singulièrement »

« Le Commandant Philibert, qui demeurait chez le Gouver-neur aumipl je rendis compte de ma trouvaille^ fut dans la  joie,il en lit immédiatement part au Gouverneur. Celui-ci me priade vouloir bien retourner sur les lieux pour faire connaître àla personne de confiance dont il me ferait accompagner, l'en-droit où se trouvait celle plante précieuse et lui en rapporter

des boutures qu'il ferait piauler dans son  jardin. Je me rendisdonc de nouveau dans les forêts de San Mathéo et profitai dece second voyage pour augmenter ma collection de boutures... »

« J'espérais les conserver intactes, la traversée de Manillea Bourbon ne devant être que d'un mois cl demi à deux moisau plus. En effet, l'expédition fut de retour à la Réunion leGMai 1820. »

Comme on lo<voit, si nous n'avions ea que les dires con-tradictoires de MM. Pcrroltet et de. Floris, nous, serions*resté dans une grande incertitude; car si c'est M. Marchantqui a doté la Colonie du Vanillier, en 1517, comment se fait-il que Billard et Thomas qui ont écrit sur les lieux, fort peude temps après cette époque, n'aient pas eu connaissanced'un fait aussi intéressant ?

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__ 227 —

dominent encore, notre compatriote Jo.*eph Hubert,avec lequel l'un cl l'autre de ces auteurs étaient en relationssuivies, qui l;ur a fourni à l'un et à l'autredes renseignementsprécieux pour leurs ouvrages, comment Joseph Hubert,qui leur avait, en outre, montré ses plants de vanille, leur au-rait-il laissé ignorer l'inestimable présent de M. Marchant?

D'autre part,si c'est eu 1819 que !a vanille a été introduiteà Bourbon, comment se fait-il que Billard ( I ) ait pu parlerde cette introduction dans une lettre datée de 1818 ?

Et encore, si c'était M. Perrottet qui nous avait apportécette plante, ne serait-ce pas sur les ordres de M. Philibertcommandant l'expédition; et si c'était M. Philibert, serait-cebien d'après les instructions du ministre Portai ?

On ne trouverait aucune réponse à faire à ces questions,tant il est vrai que partout, et toujours, la vérité est la chosedu monde la plus difficile à connaître, môme quand il s'agit

de laits contemporains et publics , même lorsqu'on a affaire àdes témoins honorables et dignes de foi. Mais, heureusement

que nos recherches et celles d'un de nos amis, nous ont faitdécouvrir des documents historiques où la vérité sur la datede la première indroduction du vanillier à l'île Bourbon, et surle nom de son introducteur, nous parait parfaitement établie.

Voici d'abord un n° du journal la Feuille Hebdomadairede Vîle Bourbon , du li  juin 18.20, qui donne les rensei-

gnementssuivants :

« Nous venons de recueillir de nouvelles instructions sur laculture de la vanille, et nous nous empressons de les faire con-naître.

a C'est M. Perrottet, jardinier botaniste de l'expédition com^mandée par M. Philibert qui nous les a transmises, et nous nelaisserons pas échapper l'occasion de rendre h ce jeune natura-liste, le  juste tribut d'éloges qu'il mérite pour ses connaiss^p-ces dans une partie si intéressante; son zèle et ;lçs soins mijil,np

cesséde donner à toutes les

plantes quele Commandant

Philibertnous a apportées . . . . »(l) Loslettres de Hillat-téïi-itesdo l'Ilefburb >n'en 'l'Sl'7,ISIS, lîÙSJet

1S-20.n'ont été publiées qu'en 1822(1 vol.in-S,(Parisohoz l.advooat )Danscet intcvallo.elle}ont nécessairenontété rc,»nos,corrigéeset aug-mentées.Il n'estpas douteux,dès b:s, que le paragraphe delà lettre pcISIS,rotatifau vanillier,n'yait été introduitaprès 1SL9.

30

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- 2*28 —

Après la description de.la méthode transmise par M.Perrottet pour la culture de la vanille, l'article continue ainsi:

« Si M. le Commandant Philibert approuve une vive satis-faction, en apprenant, à son retour, qu'il y a au Jardin du Roi etdans plusieurs habitations des boutures de vanille qui ont don-ne des tiges de 5 à 6 pieds, espérons qu'il en éprouvera unebien plus grande encore lôrsqu il apprendra qu'à 1aide de celtenouvelle méthode, et de notre

propreexpérience, cette

plantesera généralement cultivée et deviendra , un objet despéculation.

« Nous devons encore,à cemarin distingué, deux femelles debuffles et un mâle, . . . ,. . . . . . . .

« Enfin, pour ne rien négliger de ce qui peut nous être utile,ila introduit des oeufsde vcrs-à-sôic de chine, evle mûrier. »

Il n'y a pas d'ambiguïté danscet article de la feuille Heb-domadaire. La naît accordée àM. Perrottet est distincte de

celle faite à M. Philibert: au premier, des remerciements etdes éloges pour nous avoir appris la manière de culti*.-viavanille et pour les soins qu'il a donnés à cette plante pendantle trajet de Manille à Bourbon; au second, un véritable témoi-

gnage de reconnaissance pour nous avoir! apporté, à son pre-mier voyage— 27 juin 1819— ces boutures de vanillierdont la pousse lui a fait éprouver,à son retour dans la colonie,— 6 mai 1820— une vive satisfaction.

Rienqu'avec

cette feuille de journal^

avecce

seul docu-

ment, on pourrait affirmer que les plants de vanille prove-nant de Cayenne en 1819 et de .Manilleen 1820, ont été ap-portés, à Bourbon, par le capitaine Philibert.. .,!. .,

N'est-ce pas, en effet.,M, Philibert, qui. a distribué ces

plants dans la Colonie ? Et cela de son autorite privée, sanss'arrêter aux réclamations du jardinier botaniste M. Bréon,sans tenir compte des observations de l'ordonnateur, M.Thomas, pas plus que du mécontentement du Gouverneur,

M. Miliusqui, au dire de M. Perrottet, en avait pourtant ap-pelé à la décision du Ministre.

El de quel droit M.Philibert aurait-il agi ainsi, s'il n'a-vait eu la libre disposition des boutures qu'il a distribuées etsi ces boutures ne lui appartenaient point ?

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— 229 —

Si ce n'était pas lui qui les avait apportéesà Bourbon, si

c'était M. Perrottet, aurait-il accepté silencieusement les re-merciements que le journal de la (Colonielui adressait à cetteoccasion? M. Perrottet. de son côté, n'aurait-il pas réclamé,si ces remerciements devaient lui revenir? L'un et l'autreétaient sur les lieux, l'un et l'autre ont jii l'article de la feuille,Hebdomadaire du Ii juin 1820,et M. Philibert et M. Pcrrot-tetont

accepté,sans réclamation, la

pari quele

 journallocal

faisait à chacun d'eux; ;Mais qu'avons-nous besoin d'argumenter sur le plus ou

moins de fidélité des souvenirs de M. Perrottet, ou de ceuxde M. de Floris ou même de cçiix do MM. Thomas et Billard,nous avons un témoignage que ne réfutera aucune des par-ties en cause. Ce témoignage émane du capitaine Philibertlui-même. Nous copionste^tuéllemcht, dans la correspondan-ce échangée les 26 juin et 3 juillet 18t9, entre lui et M. Mi-

liiis administrateur et commandant pour loHoi à l'Ile Bourbon.

? lettre de M; Philibert à M. Milius.

'/  En rade de St-Denis, le2G Juin 1819

Monsieur le Commandant,

« En partant de France j'avais Un grand nombre de plantsd'arbres t'riiiticrs, de vignes, ainsi, que beaucoup de graines;le tout destiné pour Gaycnné. Faisant mes efforts pour en ré-server une partie polir l'île dé Bourbon ; j'y ai même  joint desplants et dés graines de Gayenne qui seront très utiles ici. LaGuyanne étant pc* cultivée, je n'ai pu m'en procurer autant que

 je l'aurais désiré, mais dans ce petit nombre, il y en a de pré-

cieux. Je crois, par exemple, que vous regarderez comme unbienfait, l'introduction du vanillier dans cette colonie qui peutlui offrir une source de prospérité. La France en enlèveraitlnotamment plus que Bourbon n'en pourrait récolter. Peut-être aussi ce végétal pourrait devenir un objet d'échange avecl'Asie. Ainsi les colons ne peuvent que gagner à le cultiver. »

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— 230 —

Lettre de M. Milius à M. Philibert.

St-Denis, le3 JuilK 1«I9.

Monsieur le Commandant,

« Les tributs de végétaux exotiques que j'ai déposés au Jar-din du Roi, au retour de ma campagne des îles du Vent, en

1814, me mettent à même, plus que personne, d'apprécier lecadeau que vous venez de faire à notre établissement, de quel-ques boutures de vanille. Nous désirions depuis longtemps faire1acquisition de celle plante précieuse. Aussi la Colonie h'ou-»blira-t-cllc pas que c'est a un doses enfants qu'elle le doit. Àmon particulier, je vous en témoigne toute ma reconnaissance,en regrettant cependant, que vous n'ayez pu ajouter a ce don,les trois caisses de la même piaule que*vous avez fait mettre àterre, et auxquelles vous avez jugé convenable de donner uneautre

destination. Il est fâcheux que vous ne les ayez pas en-rvoyées au JarJin du Roi où l'on cultive avec succès les plantes dunouveau A:de l'ancien monde. Il est h craindre que les liabUtants, à qui vous les donnerez, n'en aient pas les mêmes soinsque nous, et, alors la culture de la vanille sera retardée de plusde six ans, ce qui nous laissera ainsi qu'à vous, des regrets bienamers. >>

Réponse de M. Philibert à M. Milius."

St-Denis, le 3 Juillet 1819.

Monsieur le Commandant,« J'ai eu l'honneur de vous dire que je n'étais nullement char-

gé de porter ici les végétaux que j'ai introduits dans cette colo-nie. Le Gouvernement aurait pris une voie plus courte, et àCayenne on ignorait absolument ec qui pouvait lui-être utile.C'est par intérêt que je porte a Bourbon, [c'est par zèle à faire

ce que je crois utile à notre patrie que je sollicitai de M. le Com-mandant et administrateur pour le Roi,h Cayenne,de me donner990 plants et graines que je crois utiles a cette colonie. Le Géné^rai les lit ramasser sur plusieurs habitations royales. J'obtinsaussi des pieds de vanillier de plusieurs habitants afin d'enavoir qui fussent venus sur des terrains dillërents. Dans la

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— 231 —

caisse que j'ai fait remettre pour le Jardin du Roi, il y en a non-seulement de ceux qui furent fournis par M. le Général Carra:St-Cyr, mais encore de ceux qui m'avaient été donnés par leshabitants. J'ai fait tons mes efforts, j'ai pris toutes les précau-tions pour les conserver ; et si vous faites attention que cesplants sont embarqués depuis le mois de février, que nous-avons été exposés deux fois h dés températures bien différentes,vous jugerez qu'il a fallu des soins particuliers pour conserver

ceux que j'ai déposés au Jardin Royal, de celte Colonie, & ceux-que j'ai envoyés au Sénégal. /  *:> j« Cependant, Monsieur !ë Commandant, par votre lettre de

ce jour ( N° 1525) vous me témoignez des regrets de ce que je n'ai pas remis au  jardin du rôitotis les plants de vanille que* j'avais apportés de Cayenne.

« En voicila raison: .« Comme ces diverses espèces ont clé ramassées sur des ler-^

rains différents et éloignés, je suis convaincu que pour assurer

la réussite de ce végétal ilest prudent de le répandre sur diffé-rents points de l'ilc, exposés à des températures différentes:car s'il ne réussit pas dans un endroit, il est à supposer quedans un autre il trouvera des circonstances plus favorables. Etenfin s'il croit bien dans un seul, le succès est assuré. Ainsi lamesure qite j'ai prise d'en donner a plusieurs habitants me pa-rait la plus convenable pour naturaliser' cette plante précieuse.Vk\ outre, Monsieur le Commandant, je n'en ai destiné que pourdés habitants dont les talents agricoles sont reconnus, notam-

ment M; Hubert, vous voyez que c'est Une précaution de plusque j'ai- prise. . . /• . . . »

Ainsi, ce n'est pas d'après lés ordres du ministre Portai,comme l'a écrit Billard, que le vanillier a été introduit à l'IleBourbon: nous devons cette plante au patriotisme de notre

compatriote Philibert. Ce n'est pas non phisM/Perroltet quis!est procuré, comme il l'a dit, les' plants de vanille apportésde Cayenne à Bourbon : c'est M. Philibert lui-même qui les

a demandés et reçus du Gouverneur Carra Sl-Cyr et de plu-sieurs habitants de Cayenne. M. Philibert n'a pas introduità Bourbon seulement la grosse espèce de vanillé, comme lecroitM.de Floris, mais plusieurs espèces provenant de dif-férentes localités de Cayenne. Enfin les premiers plants.de

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— 252 —

Vanille no sont arrivés dans;la colonie ni en'l,8tftni en 1Si 8,maison 181 Oi/e^ôjWm.'fl,; ><-•; , >.- ,-i. <

Que nos cultivateurs do'vdnillelo sachent donc, c'est auCapitaine deNvaisseau iPhilibert, .créole do Bourbon, aussibravo marin qu'excellent patriotique le pays doit l'iritro'duc-lion de cette plante .dont les produits ont antené l'aisance dansplus, d'une defpéure dit la gène frappait cîéjh. ( 1 ) . - l :\ 

. > , • >s i ''i«fj»M|l *{(fi»....*it'*<>j-'« .'t •.." /••-*?»!.fv,j/u.t ou ,t't-."'»" * '.s!-if^ *•>, ; •;,.

., Mais,si yle vanilliçr éUalt;dans la Colonie depuis l'année1.810) il n'y a réellement été 'cultivé qt^'a partir, de J'année1848. - - .iv 'J ••(••') n"-.! kï'-'- '»»'.<}'• .v -!h«'-

D'ailleurs  jusqu'en 1841, il avait été planté seulementdans les  jardins de qu elques amateurs ;de plantes raros, oiiil

promettait plus par ses fleiirs^qu'il ne donnait par Ses fruits..

,' ...^— it'

,t t , il\{-['' t /  ...-;y>,';„;'

V

*

(t) Ilnbfaut pasoubliercèncWarit,les /.soins''donnés,par*M.PcrVottetau^plantsdo\nrttl(oiôpriôrtéidans WColOhte:On'doit'également delàreconnaissanceà H.famllIoHj^onpourJa tlipértlUéavfeolaquellerplje adistribuéàuf  propriétairesd6-VarrondlssomentM .Vent/les, premièresbouturesdôcôltoplliiiôi w.fi».tfl<--i »t»inô/Jim-* n*m«\ï » >/»•

quant> l'introduction,aUrJbufo.5 M.Marchant*par,M«David,dp,Florls,voicitfn^i'crslofi<|utV^H^dAit't'di^tif'tfi %btr&honorablecompatriote.Us bouturesde.vehllfopriseseaf.M.<Pbllibdrth'Coycnno'en MO et à

ManillecnlSiOjConQécsauxsoinsintclllgçnlsdo.M..Porrpttetet distribuéespar*M' Philiberta plusieursM'idhts'ncTaMesdo:1d Cotonlc.notammenth MmeKrédnpi.a M»<Josephuuherlt n'avaient!paSségalementréussi; 6uplutôt,lo,vanl)IIorapportede cayenno,et,.appelé.flwifc.Wnfffturésiste

parfaitementàJalransManïftUb'ri;fas1* ^b^WM WpWWeEà-dlreceluiprovenantdoManillo,laïutUt vanillé,mourutpresqueaussitôtaprèssamlsben terroi , ! ' *,.,,,., , t,'Celuiduts'étaitsi 'fecllentèM''l$6clltMt4s'ÔIM'o!fo^dcrfieht,rhàliIIno

lteurlssait<pas ous'il flcurisselUljtèjirodulsalUnue >,dès,goussesfortràréi: lo'prbcddédo la fécondation"hrUflcicllé, /n'élônt p̂as encorevenuaiderlânaluto a moitiéInipUMtthle^wn ,T nhfl ,tf'W{ -(vm"*».. C'estacelte époque,vers182lquo>t.JUarçhantfitun voyageen France'il obtlnt'duJardindos*Maniesdé forfs'querqWbodtuîes de .vanllllor.dolapetite espèce,probablementsemblable6 celle deltlo Mahlltô,et' vlritjà sonretourdans ta Colonie,lesplanterchezMme,Fréon,sa belle-mère.Cesboutures.Iflnsdouto/parcequ'elles avalent'déjà subi lei épreuvesd'unepremièreacclimatation&Paris/prirentracineCigrimpèrentlà*toéme,à cété.decellesde la CollectionPhilibert

quiavalentréussi. '

Onvoltôrtcoro6 la propriété Ilollô-Ëau,(aujourd'hui a MM.AubryPruchoet Noguos.) ta lianemèrede la grossovanilledohnédpar M,Phtll-berltenl$IMt la caissedanslaïuèlleTurentapportéede Partsà Ste>Marie,en itH, par M.Marchant,lesplantsde la petitevotilllo. '••«7\ Noustenonscesdétailsde M.Slcrode,FonlbfUrté/ neveu de M. Mar-chantet jâl/t nisdeMmeFréon,propriétairede Bellè*E^^»̂ y a éhéoroquelquemois. ,.-.,. » «./..*... ..•„***:.•. &»

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C'est à cette époque, en 1841, qu'un jeune noir, un enfant,le nommé Edmond , appelé Edmond Albius depuis l'éman-

cipation, esclave d'un honorable habitant de Ste-Suzanne dé-couvrit l'ingénieux moyen de féconder les 'fleurs du vanillier.

Elevé dans la maison de M. Féréol Beaumont Bollier, vi-vant à côté de cet homme instruit, et témoin assidu de sesétudes dirigées vers les sciences naturelles, Edmond s'épritde la

botanique,

et ses facultés bien

qu'elles

ne

pussent acqué-rir, en raison d'une absence complote d'instruction, le déve-loppement qu'elles méritaient, ne tardèrent pas cependantà attirer l'attention de M. Bellier. Il prit en affectionce petit négrillon qui avait des goûts si semblables aux

siens, et l'initia aux secrets de la vie des plantes. I/es-clave s'intéressa tellement aux leçons de celui qui devenaitainsi doublement son maître, qu'il avait douze ans à peine,que déjà il était presque un naturaliste; et pour ajouter encore

à ce phénomène, M. Bellier apprit à Edmond les noms scien-tifiques des arbres et des Heurs qu'il possédait à son habita-tion Bellevae. De sorte que le botaniste africain qui ne parlaitque le patois créole, qui ne connaissait même pas la valeurdes lettres de notre alphabet, ne désignait les plantes quedans la langue savante des Linnée et des Jussieu.

Certes, ce n'était pas le côté le moins original et le moins

surprenant de l'aptitude de ce singulier disciple de Flore.Edmond avait vu son maître pratiquer des rapprochements

entre certaines fleurs; ses observations constantes et sagacesle porteront à tenter les mêmes opérations sur la vanille. Sesessais furent couronnés d'un plein succès; et quand il les litconstater par M. Bellier, celui-ci tout heureux d'une décou-verte si importante s'empressa do l'annoncer par la voie de la

presse locale. ( 1 )

(1) Nousavonsvu plusieurspersonnesse refuserà croire qu'un petitnègreignoiantait pufaireladécouvertedontnous parlons.Elles préten-dent quelessavantsvontrire de notrenaïveté.Nousnocroyonspas les savantsaussigaisqu'ellesveulentbien le duc;et par celamômequ'ilssont savants, ils savent que lo hasard est ungrandinventeur.

Durestevoiciunextrait d'unelettrodenotrenaturalisteMezièrcsl.éper-vanclioqui convaincrates incrédules.

« Jonai pas laprétentiondédire que la féconjationde la vanillefut in-

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La fécondation artificielle des fleurs du vanillier était trou-vée. La colonie était dotée d'une nouvelle industrie agricole.Une foule de petits terrains qui ne pouvaient plus nourrirleurs propriétaires, allaient donner des produits qu'onpeut dire fabuleux.

Edmond, le petit noir de M. Fércol Bcjlier, avait donc bienmérité du Pays.

Mais le pays ne lui en témoigna aucune reconnaissance; et

nous sommes persuadé, qu'à l'heure où nous écrivons ces li-gnes, il n'y a pas vingt personnes, y compris les membres dela Chambre cl Agriculture, de/a Commission, du Musée et de

Ja Société des Sciences et Arts,([\i\  se souviennent do quelle fa-

çon a été découverte, à Bourbon, la fécondation artificielle desHeurs du vanillier.

Un de nos confrères (l) un naturaliste estimable, que lamort nous a enlevé l'année dernière, M. Mézières Lépervan-

. che, alors qu'il était juge de piix de Ste-Suzanne, présenta

.une requête à M. le Commissaire Général Sarda-Garriga afinde fairi! accorder à Edmond une récompense publique. Il de-mandait qu'elle lui fut décernée le  jour de la )ête du travail;mais le départ dcM.Sarda pour la France arrêta la suite fa-vorable promise à cette requête.

En récompensant Edmond Albius pour son ingénieuse etutile découverte, par une «marque de distinction quelconque,pouvant flatter son amour-propre et lui donner quelque di-

gnité de lui-même; en l'élevant ainsi aux yeux de ses sembla-bles et à ses propres yeux, leùt-on retenu dans une vie hon-nête? Nous le croyons ! Quoiqu'il en soit, il vit ses camarades

connuedansle mondeavant Kdmond;on l'avait pratiquée déjà di\ ansauparavantdansuneorangerie5 Bruxelleset au Muséumd'histoirena-turelle à l'ari».maiscettedécouverten'avaiteu d'échoque dansle mondesavantet leprocédéemployéétait lioaucoupmoinssimpleque celui d'Ed-mond.»

« M.Jannet. jardinierbotaniste,avaitégalementpubliévers cette époqueunprocédéqui.expérimentépar MM.Iticliardet Derniertous deux bota-nistes,avaitcomplètementéchoué,c'est doncréellementa Kdmondqu'estduc la découvertequi a doté l'Ilode la tléunionde cettenouvellebranched'orticulturoqui enraisondu poude fraisd'exploitationqu'elle exigeest,sanscontredit,l'unedespluslucrativesconnues.»

(1) M. MézièrcsKépcrvanchcétait à Stc-SuzonnemembreCorrespon-dantde la Sociétédes Scienceset Arts.

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- 25o —

déserter le travail dos habitations pour l'oisiveté du chef-lieu,il fit comme ses camarades. Il quitta Bellevue, et, ingratcomme un noir qu'il est, il oublia les soins que son maîtreavait pris de son enfance, rattachement dont il était l'objet desa part, et il vint à la ville, courant après la réalisation, nousne savons de quel rêve plus ou moins doré. '

A St-Dcnis, Edmond fit de mauvaises connaissances, il

y contracta de dangeureuses habitudes; bref  un beau matin

il se réveilla en prison.Ainsi l'Emancipation lui avait fait perdre le bien-être d'unevie aisée, exempte de préoccupations; elle lui avait fait quitterla case où il était né, les plantes qu'il aimait; elle lui avait cn-Jevé plus encore, la liberté.

En frappant si rigoureusement Edmond Àlbius, le sortvoulut-il le ranger au nombre des inventeurs malheureux ?

Toutefois, la leçon lui avait profité. On raconte qu'en re-couvrant sa liberté ce pauvre jeune noir, un instant dévoyé,.se hâta de retourner chez M. Bellier, où il est encore et oùil a retrouve, avec ses premières occupations, son bien-êtreet ses moeurs honnêtes.

Exception rare parmi les affranchis qui sortent de prison.Et puisque Edmond a su faire oublier les égarements de

sa   jeunesse, puisque aujourd'hui on ne se souvient plus quede son ingénieuse découverte, conseillons à nos cultivateursde vanille un acte méritoire: demandons-leur une récompense

pour celui qui contribue chaque jour à les enrichir.Puisse cet appel, fait pour ainsi dire à la reconnaissance

publique, franchir l'enceinte de nos séances et être enten-.du sur les propriétés vanillicres de la Colonie.

Volsy Focaïid.

31

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M. DESOURSONS,

Vaudeville en un acte.

PAR

Jtt, to<rï<rçt.

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PERSONNAGES.

DESOURSON&, amsien fourreur.SOLFAMIlSI, musicien.

HIPPOLYTE, ouvrier-mécanicien. 1

CIGALE, jeunehomme à la mode.MII,e FA130ULET, soeur île Desoursons. labricante do

corsets.FANÉLIE, sa fille.

OLIVETTE,CRYSOLINK, °Uvne,eSOuvrières.

Ià scène se passe à Paris, dans l'atelier de Mme Faboulel.

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M. DESOURSONS.

I.cthéâtre représentel'atelierde Miner'aboulct. Au fond une cioisonvitréedonnantsur la boulipie Agauche,sur le premierplan,une grandetablecomertcd'ouvragescommencéset entourée de chaises.L'nependuleest au-dessus,suspendueau panneau,l'orlcau fond,donnantsur la bouli-'(pie-l'ne porteau dernier plan,à gauche,une autre au pieuucr plan,à droite.

SCfiXH irc

Sou'amim. // entre par la droite, le chapeau enfoncé surles yeux, son violon sons le bras gauche et tenant son archetde la main droite qui est dans sa poche. Il s'arrête à la portecl regarde la pendule.

Six heures, treize minutes, vingt-deux secondes, personne

encore à l'atelier! (Il ra regarder à la porte du fond.) ladame de comptoir toulj seule à la boutique !... l/anélie, monamour, vous vous négligez. Maman Faboulet, il y a du relâ-chement dans votre administration. Va moi. qui accouraistout ému (Il marche rapidement jusqu'au trou du souf-fleur, pose un pied sur ledôme et s'appuie le coude sur songenou, le menton dans la main qui tient t archet.) Imagine/.-vous que je viens delà rue du Grand Huilent où  je donne,

depuistrois

mois,des leçons de chant à .M"'' Crsule Kevé-

cliou, une charmante personne d'un âge indécis, aux cheveuxdores, aux yeux tendres, .le m'étais aperçu ce malin quemou eeoiièro avait quelque chose dans le regard. Je n'y at-tachai d'abord qu'une attention superficielle, et nous com-mençâmes nos gammes, Ursula .avait le do tremblant, aussila mis-jeau ré; le ré glisse; le mi dit. le fa bien accentué, lesoi manque ... je m'arrête, elle s'arrête au si, elle, et finir

par m'écorcher eneor.' le do. ( Il se lève, remet sa main dans

sa poche el marche très-vite.) Gétait à n'y pas tenir, vu queloregard d Tisuie faisait, lui, pendant ce temps là, un mou-linet atroce. : // s'arrête tout près de la rampe et aie son cita-

peau.) Je ne sais ce qui m'est alors venu à l'idée, mais je mu

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— 2-iO -

suis rappciélcs malheurs de Joseph avec .ïï"° (hitiphar. et j'ai eu peur... J'ai lui, abandonnant l'étui de mon violon.

AMI:Apeineousortir tlel'enfance.

Des mains d'une femme impudiqueQuand Joseph voulut s'arracher,il abandonna sa tuniqueQu'il ne put lui l'aire lâcher.

Dansun

accident identique,Moi,  j'ai plusde chance que lui:.l'ai su conserver ma tunique,Je n'ai perdu que mon étui.

(Ils approcha de ht-fable. ) Iù! nu; voici, comme Jouassortant du ventre de la haleine; je reviens dans ce séjourpaisible où là baleine ( Pas celle de Jouas, à inoins (pie cene soit en détail ) , on là haleine,, dis--je. prend l'esformer les

plus capricieuses, où!e basin se prèle aux ambitions lesplus démesurées- et jette u\\  voile opaque el moelleux sur leshsmis.... ( lise retourne. )Kt les absentes ? ; // re-garde lu pendule.) Six heures, vingt-six minutes, trente-neuf  secondes,' et1 Fauche, qui est-toujours-In première,n'est pas encore arrivée!

SCfcNK II'.

SOUW.MIM, FAMÎLIK, OUVKTTIO, CUYSOUMvOuvrières.

Fanclic entre par la (jauclte. lesautres jeunes filles par le fond.

Ciiotini.

Alll:du l'elil hlanc( deI'anscrun.,-

Allons vite, à l'ouvrage,Réparons le temps perdu ;Travaillons davantage,Allons, c'est entendu.

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— 2U -

F.iNÉriE.Venez, Mesdemoiselles,Nous sommes eu retard.

Sof.f-WMIM.

Maisoui, mes tourterelles.

(km: m:.

Nous resterons plus tard.

Toutes.

 \oiis resterons plus tard.

Fam:LIE.

Heureusement ma mère

N'est pas encore là.Ckysw.ixe.

C'est le bon de l'aflairo.

Olive ru;.

Tais-toi donc, la voila!

Hkitïisi-: un ciiokui.

Allons vite, èva.

vSCfcNKIII.

LliS iMÈMKS, M',!CFAUOULFT.

M"10Faiuillei.

Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que n'est? Le chant setolère (|iuui(l on travaille; mais il me semble qu'on n'en a pasencore l'ail lourd, ce matin. (îrysolinu, vos goussets grima-

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— 242 —

cent. Olivette, il faut des baleines plus fortes pour le corset deM. Cigale. Eh bien ! Fanélie, tu n'as pas fini les oeillets?

.Solfawixi (fui a posé son violon, lui prend.la taille.

Ah! maman Fahoûlet, comment vos pensées vont-ellesaux (juillets, quand vous êtes au milieu des roses?

Mmc.F.VBOULKl.

Kl»!C'est <:e mauvais sujet de Solfamiui ; je ne m'étonneplus si le travail languit. Est-ce que vous ne pourriez pas nous

priver un peu plus souvent des agréments de .votre société?

.SoLFAMINl.

Madame Faboulet, celle plaisanterie est médiocre. Fanéliea mon amour, elle y correspond.

Fankmh «.part.Comptez là-dessus.

SoUAMlM.

Vous, mère sensible, vous y souscrive/., et....

Oliveitk.

Marne Faboulet, dites-y donc (pie son violon va s'enrhu-

mer, .sans son étui.Fankmiî.

(Test vrai ; oh donc est-il, votre étui ?

.Soi.fa.mim.

Fanélie, mu topaze, ceci touche à une aventure renouveléedo l'hisloire sainte, et ma moralité se met en travers de mon

désir de vous la faire connaître.Mino Kaboixet.

C'est donc garniilleux?

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— Uo —

Soi.FAMINl.

Mère Faboulet.  je verserai ce secret dans votre sein émi-nemment vertueux..et busqué ; mais dans une autre occasion.

Ckysoline.

(yest ça, on ne peut savoir rien de rien.

Fanélie.

Dame !s'il y a du décousu, je ne m'en soucie pas.Cuvette montrant son ouvrage.

Tiens, tiens, tiens, tiens! en voila du décousu pour lesbaleines de M. Cigale.

Mme'Fauoulet.

Allons, assez  jaboler ; il doit y avoir du monde à la bou-tique, il faut que j'y aille. Et vous, bel oiseau, dénichez.

Solfamini .

Minute, vous avez-là votre dame de comptoir, vous pou-vez bien rester ici. Quant à moi, je m'y cloue.

Alil: Je viensrevoirnia Noimniulic,Je viens revoir ma Fanélie,

I,'unique objetde mon

amour.Elle doit embellir ma vie,Chez vous, c'est à l'ordre du  jour.Kn ces lieux laissez-moi, de grâce,Vous avez accueilli mes voeux,Et je m'incruste h celte place,

Jusqu'au moment qui doit me rendre heureux.

Fanélie à part.

il risque bien d'y rester longtemps.M,nc Fauoulet.

Ah ça ! à propos de place, entendons-nous. Je vous ai dit

3s!

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- 2ii —

qu«je consentirais â votre mariage avec Ksiiiêliequand vousen amioz une à l'oivliestrc d'un théâtre, cl voilà six mois quevous me promené/. île la Porte-St-Mai tin aux Variétés el de la(îailôau Cirque. C'est assez me lanterner, il me semble.

Souasiim.

Madame Eaboulet, vous avez une mémoire colossale elunevivacité de locomotive. Je

possède septinstruments,

ycom-

pris le trombroneet loplijçlcïdo ; un homme militent me pro-tège ; j'aurai bien du guignon , si je ne trouve pas à me caser.(H reprend son violon.)

M™0 Fahoilet.

Eh bien! casez-vous, et nous verrons. En attendant, al-lez-vous en chercher votre étui.

SoLFAMINI.Oh! femme estimable, mais inconsidérée, vous ne savez

pas ce que vous dites.

Les jeunes filles.

Comme il est poli!

Mmo'Fabol'let le poussant par les épaules.

Suffît, mais débarrassez le plancher.Solfamim.

Je sors pat*la force de vos poignets, mais  je rentrerai parcelle du sentiment.

(Dans le geste qui accompagne cesparoles, il fait tomber avec sonarchet le.chapeau tle M.

Cigale' qui entre au même moment. )

M. Cigale.

Monsieur, prenez donc garde à ce que vous faites !

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S H.I-AM'M.Muii.-ii'ur, on in.1met à h porte, il finit bien que joorte.

(Ilsort. )

scknk iv.

M. CIC.AU;. M»'" fadouckt, faxkcïk, ouykttk.

CKYSOUNK, ouvrières.

.M. Ch.w.K brossant son chapeau avec sa manche.

Ce butor'.

Ciusoi.ine à Olivette,

Dis (loue, Olivette, voili ton adornleur.

OuvrniK.Oui, il va encore nrennuver comme à l'ordinaire; je sors

don prendre.

Mmp R\ifon.i;T:

On vous lient, Monsieur Cigale, et avec cela, vous-pounv/.vous viuiter -d'être bien ficelé.

M. Ciuai.k.lîien; nia chère dame.

AIR: Hrs!o.:,reste*,'Iroupcjolie

Quand d'une taille avantageuseOn a reçu le don flatteur*C'est une làelic sérieuse-De seconder le Créateur. •

Kl je m'en lais un point d'honneur.Je suis cité pour ma tournure,On me trouve bien pris, bien l'ail,Kt j'en rends grâce a la nature...

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— 2i0 —

Oi.ivKTn:.Sans compter l'aide du corset.

I.KSJF.l'Mv.71II.I.KS.

Il on rond grâce h la nature,Sans compter l'aide du corset.

M. ClfiALK.

.le vous dirai, ma chère Dame, qu'il m'est venu un doute à

l'esprit. Vous m'avez pris mesure, et  je rends  justice à votre

expérience et à votre habileté; mais il peut y avoir quelquechose à reprendre, et je voudrais essayer avant livraison. Kn-

voyez-moi donc à cet eiVel,une de ces demoiselles. Mlk" Oli-vette, par exemple.

OuvKin:.

Pausre chérubin, va ! ('omme c'est adroit!

(luYSOI.lXK.

Vas-y donc, Olivette, tu emmèneras deux hommes de

peine.

MmoF.\»on.KT.

-Monsieur,depuis vingt-sept

ansque je fabrique

le corset,ma maison est connue par la précision, dos contours, la soli-dité du basin et la moralité du personnel. Si vous voulez es-

sayer, j'irai moi-même, car je me suis réservé exclusivementle service des pratiques du sexe masculin.

Faxkue.

Allons, voilà maman sur ses grands chevaux.

M. Ciii.iLt-:.

Mais, ma chère dame, je n' aurais pas voulu vousdéranger.

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- 247 -

Olivette.

Mais, mon cher Monsieur Cigale, je n'aurais pas voulu medéranger.

M. Cigale s approchant d'elle.

Charmante Olivette, il y ace soir une fête superbe au Châ-teau des Fleurs.

Olivette.

Voyez-vous celte nouvelle ! J'ai promis à mon cousin Jules

d'y aller avec lui et Crysoline.

M. Cigale pique.

Ah !vous ne savez pasco que vous dédaignez.

Crysoline.

Si tait, si, elle connaît l'étendue de son sacrifice, puisqu'el-le place votre dernière baleine.

(Les jeunes fdks rient.)

M. Cigale.

Vous êtes des.... démons !

MmcFABOULET.

À quelle heure taudra-t-il me présenter chez M. Cigale?'

M. Cigale.

C'est inutile, ma chère dame, je m'en rapporte à ce quenous m'avez dit. J'enverrai tantôt mon groom.

SCfcNE Y.

Les Mêmes, DESOURSONS.Desoursons, Il entre par le fond sur la pointe des pieds et

vient seplacer doucement derrière Crysoline.Hou... hou ! (Il rit.) Ha ! ha ! ha ! ha ! voilà une peur.

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— 218 —

Crysolink.

Dieu ! que c'est bote, les vieux !

Fankme.

Konjour, mon oncle.

Desolrsons.

Ponjour,mon enfant. Ma

soeur, jevous liaise les mains,

lionjoui'à vous toutes, mes petites martres zibelines.— Mon-sieur, à votre service. (M. Cigale le toise. ) Hein ! Desoursons,Monsieur. Ancien fourreur, Monsieur. Marguillier de ma pa-roisse, Monsieur. Prêt à mettre un manteau fourré sur les

épaules de quiconque ... Mais avant tout, soutien île la gaiu*française.

AIR:(lai, gai, mariez-vous.

Gai, gai, rions toujours,Le rireKsi mon point de mire,

Et nos joursSont trop courts

'Pour qu'on les prenne a rebours.

Oui, j'évite du plus loinI/cnnui, quand je le rencontre,Et si le

chagrinse

montre,Je le fourre dans un coin.Gai, gai, &a.

Demon commerce content,Je me connais en fourrure;Regardez bien ma figure,J'ai le poil d'un bon vivant.

Gai, gai, &a.

Si je suis encor garçon,C'est qu'on rit jaune en ménage;Je n'aime pas ce pelage,Voilà pourquoi je tiens bon.

Gai, gai, &a.

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- 249 -

(Il rit.) Ha! ha! ha! ha! Une, deux!( Il se fend en appel et porte une

botte à Mm-Faboulet. )

M"10Faboilet.

Aie! vois n'en laites jamais d'autres, mou frère.

M. Cigale à part.

(!e Monsieur a une gaîté ébouriffante. (Haut. ) MadameFaboulet, je compte sur vous pour tantôt. ( lias ù Olivette. ),Kh bien! la rigueur tient-elle?

Olivette.

Klle tient.

M. Cigale.

Vousvous raviserez, n'est-ce pas?

Crysoline chantant.

Mi, mi, fa, ré, mi, chante/., mon petit1.

M. Cigale.

C'est un parti pris?Olivette.

Oui, mon chéri.M. Cigale soupirant.

Adieu donc!

Toutes les jeunes filles soupirant.

Adieu donc!

Desoursoxs qui ta examiné.

Haï ha! ha! ha!

M. Cigale avec humeur.

Ëh! Monsieur!

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— 230 —

Desoursons sérieusement.

Monsieur^ j'avais, dans mon magasin de la rue aux Ours,une peau de renard sans queue; elle était superbe, quand elleavait été brossée comme cela.

M. Cigale.

Sortons, pour ne pas sortir de mon caractère.

(Il salue les dames et se dirige vers la porte. )Desoursons ïarrêtant.

J'en ai fait un manchon, Monsieur; je l'ai encore. Mon-sieur; à votre service pour l'hiver prochain, Monsieur.

(M. Cigale sort furieux. ) lia! ha! ha! ha!

SCÈNE VI.

Les Mêmes, moins M. CIGALE.Mmo Faboulet.

A\ec tout cela, mon frère, vous allez me faire perdre une

pratique.M. Desoursons.

Rali! bah! c'est en dehors de votre compétence.

MmeFadoulet.Du tout.

AIR:de l'Artiste.Ce siècle qui progresse,A tout bouleversé,Et c'est, je le confesse,Le monde renversé.Tout chez nous le dénote*,El l'on voit en effetAux femmes la culotte,Aux hommes le corset.

Desoursons.

Ha! ha! ha! ha! C'est très bien; ce qui n'empêche, ma

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-- 231 -

nos chère saMir, que nous n'alliâmes déjeuner.... car c'est im

peu pour cela que je suis venu.

Fanèlie se levant.

Mon oncle a raison, maman; il est temps d'y songer.

Mmo Faboilet regardant la pendule.

Et oui vraiment. Voyons, Mesdemoiselles, allez cldépê-«•liez-vous. ( Les jeunes filles se lèvent et rangent leur ou-

vrage.) Toi, Fanélie, reste un instant avec ton oncle; j'iraitaire mettre un couvert pour lui.

( Elle sort par la porte de gauche. )

Les jeunes filles sortant avec elle.

AIR:Dutic tac, deMario.

Puisque notre temps est compté,Allons, déjeunons vite;Que chacune profite

De cet instant de liberté.

SCftNK VIL

DESOURSONS, FANÉLIE.

Fanèlie mettant les deux mains sur l'épaulede Desoursons.

Lavez-vous vu?

Desoursons.

O.u.i.

Fanèlie.

Eh bien! mon oncle, Hippolyte ?

Desoursons.

Eh bien! ma nièce. Hippolyte.33

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- 232 -

Faneur.AIR:En viîrjti4, je vousle dis.

Ne savez-vous pas que sans luiJe ne serai jamais heureuse?El voire amitié chaleureuseDoit me prêter tout son appui.Tachez de décider ma mère,Vous seul pouvez y parvenir.

Déboursons,

J'y vais. Toi, reste-la, ma chère,Tîi n'as pas faim?,., il va venir.

(Il l'embrasse au front et sort par la gauche. )

scène viii,

FANÉLIE seule.

Fanélie.

Ma mère est coiftec de son Solfamini, quoique elle ait l'airde réconduire, et  je serais bien à plaindre si je n'avais là mononcle. Parce que Hippolyte n'est que contre-maître mécanicien,maman dit que ce serait une mésalliance... Allons, courage;mon oncle lui veut du bien; c'est le fds de son meilleur ami, et

quelque chose me dit là

qu'il

nous mariera...

SCÈNE IX.

FANÉLIE, HIPPQLYTË.

Fanélie.

Ah! vous voilà, Hippolyte.

Hippolyte.

Oui, me voilà, ma petite Fanélie.

AIR:Non,mademoiselle.

Jamais h l'ouvrageJe n'ai de courage,

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- 253 -

Si je n'entrevoisVotre doux minois.Mnvotre présence,Je prends confiance,.l'espère, je crois.Mais je me désole,Car le temps s'envole,Rien ne vient pour nous.A vous est ma vie,

Dites, Fanclie,Quand la prendrez-vous ?

Fanklie.

Mêmeair.Ami, si ma mèreSe montre contraireAux voeuxde mon coeur,Je suis sans frayeur.

Nous avons près d'elle,Tout nous le révèle,Un Lon protecteur.Il faut, lorsqu'on aime,Qu'on s'aide soi-même ;Agissez pour nous.L'amour vous engage,Monsieur, ce courage,Quand le prendrez-vous?

IIlPPOLYTE.

Et comment voulez-vous, que j'aie du courage, quand je.sais que votre mère soutient les prétentions de M. Solfamini ?

(Solfamini passe eh ce moment la tête à laporte de droite.)

Fanelie.

Que vous importe ce nigaud, puisque je vous aime?Solfamini à part.

Bon ! voici un duo pour lequel je me sens peu disposé »faire un accompagnement.

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— 23! -

Fankjje.Il tant parlera ma mère.

Solfamini à part.

Oui, oui, oui, je lui parlerai.

IIippoi.ytk.

.le n'oserai  jamais, et si  je n'avais l'appui de votre oncle....Solfamini à part.

Pourquoi cet ex-fourreur iburrc-l-il le nez dans mesallaires?

SCÈNE X.

Les mêmes,DKSOURSONS, puis

SOLFAMIM.

Fanélie.

Vous ave/, bien raison, et c'est sur lui que nous devons

compter.

Solfamim à part.

C'est ça ; Kh bien!  je le verrai venir.

( Ence moment, Desoursons qui a, en en-trant, aperçu la tête de Solfamini, et s est

glissé le long du mur, arrive près de la por-te, y appuie la main gauche de manière àserrer le cou.de Solfamini, et le prend dela main droite par l'oreille. )

Desoursons.

Pris ! ha ! ha !ha! ha ! Donnez-vous donc lapeine

d'entrer.

(Il l'amène par l'oreille sur le devant de la scène.)

Solfamini.

Ho !aie !... Monsieur Desoursons, ménagez mon ouic !

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r.VMUlE.

Qu'y a-t-il donc?

Dksouusoxs.

Rien, moins que rien. C'est l'illustre maestro qui, purmodestie, restait à la porte, et je lui ai fait une politesse.

Soijamini.

Une politesse!... Monsieur, ces politesses-là ne doivents'adresser qu'aux animaux avec lesquels vous étiez en rela-tions, après leur décès.

Desoursons.

Quand je ne pouvais les prendre vivants.

IIippolytb.

Venir écouter à la porte !... Si je ne me retenais...Desoursons.

Uetiens-toi, Hippolytc, et viens avec moi. L«i déjeunerrefroidira, mais l'appétit n'y perdra rien.

Hifpolyte.

Vous suivre, et laisser là ce godelureau?

Desoursons.

Ha! ha! ha! ha! (Mettant la main sur la tête de Solfa-mini et la faisant tourner. ) Ça? ça te fait peur? J'ai toujourseu horreur des serins, et ma nièce tient de moi.

Fanélie.

Bien certainement.

Solfamini à part et tambourinant sur son chapeau.

On me croira si l'on veut, mais  j'aimerais mieux être l'ânesavant pendant trois   jours, que d'entendre ces quolibetsépais pendant'trois minutes.

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— 2,%>f>—

DiîSorusoNS.AIR:Dis-moidonc,monp'lit llippolytc-

Allons, viens, mon cher Hippolvlc,Cède la place h,ce pingouin.Ne redoute pas son mérite,Car il n'en a que de fort loin,De près très peu, beaucoup de loin.

IIlPPOLYTE.

Maiss'il reste avec Fanclie?

Desoursons.

Les peintres, tu dois le savoir,Près de la fleur la plus jolie,Placent toujours un repoussoir.

Haï ha! ha! ha!... Allons, viens.

Faneue.Mais, mon oncle...

Desoursons.

Ma nièce, tenez compagnie à ce Monsieur qui, pour le

quart-d'heure, a l'air d'un mouton d'Astracan qu'on vatondre Dis-lui de te chanter quelque chose, un canarddans la prairie, par exemple. Monsieur, je vous demande

bien pardon de la liberté grande.... ha ! ha ! ha ! ha ! ( // sorten emmenant llippolytc )

SCÈNE XI.

FANÉLIE, SOLFAMINI.

Solfamini (Il se met à cheval sur une chaise,lespieds sur les bâtons lesplus élevés, les cou-

des sur le dossier, et se prend les cheveux. )Je voudrais voir feu le duc de Buckingham à ma place !...

Il serait applali comme moi par cette grosse artillerie de larue aux Ours {Il se lève et vient auprès de Fanêlie.)

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- 2o7 —

Mademoiselle, laissant de côté le mouton d'Astraean de M.votre oncle, vous ne pourrie/, pas me dire à quoi je ressembleen ce moment?

Fanéme.

Dame, ça n'est pas facile.

SoLFAMINI.

Ah ! ça n'est pas facile ! Eh bien !  je vous le dirai, moi : je ressemble à un cerf-volant auquel on a coupé la queue, jem'égare dans les espaces imaginaires.

AIR:Dupasde Zéphyre.

Je suis un nigaud,Vous l'avez dit tantôt ;

Non, d'honneur,Pour mon coeur

Ce mot n'est pas flatteur.Si je m'endormais,

Tout haut j'en rêverais,Et comme Ralthazar,J'aurais le cauchemar.

Moi, simple et naïf,Que l'on me pique au vif ;Qu'un Monsieur DcsoursonsMe nourrisse d'affronts!

Malgré ma douceur,Cet ancien fourreurAurait bien pu, sans vous,Éprouver mon courroux.

Je suis un nigaud,J'y consens, s'il le faut ;

Mais, d'honneur,J'ai du coeur

El je suis en fureur.Si  je m'endormais,

Tout haut j'en rêverais,Et comme BallhazarJ'aurais le cauchemar.

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- 258 -

Mais, voyez-vous, Mademoiselle, la pureté de mes inten-tions el de mes sentiments, d'un côté, et, de l'autre, la puis-sance maternelle de Mmo Faboulet, me soutiennent dans cetteoccurrence; et, malgré tout, Fanélie, vous êtes la clef delàqui sait me remettre au diapason.

Fanélie avec volubilité.

Vous devriez, il me semble, savoirdepuis longtemps

l'ac-cueil que je dois faire à vos sentiments. J'aimerais mieuxêtre soeur grise que do vous épouser. Hippolyte m'aime, jel'aime aussi ; mon oncle veut nous marier, et quand mononcle se met quelque chose dans la tète, il en vient toujours àbout. On vous a laissé seul avec moi, c'est la première l'ois

que cela arrive, et j'en profile pour vous signifier que, nivous, ni votre violon, ni votre trombone, ni votre opbicléide,vous n'avez le don do me plaire.

Solfamini se bouchant les oreilles.

Oh! quelle gamme! c'est égal, voici une lettre (// la tire de sa poche.) qui m'ouvre la porte du ciel.— Je nel'ai pas encore ouverte, mais c'est la réponse que j'attendais,et j'en réserve les prémices à Mmc Faboulel.

SCÈNE XII.--Les mêmes, M'»c FAHOULET.

M,M0 Faboulet.

Mon frère, quand vous voudrez.... Eh bien! où est-ildonc à présent?

Fanélie.

Ne vous impatientez pas, maman, il va revenir tout desuite.

MmoFABouLur.

Comme c'est gai ! mon marengo ne vaudra plus rien.

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- 239 ~

Solfamini hù présentant ta lettre.

Madame Faboulet, je dépose entre vos mains....

MmcFaboulet faisant sauter la lettre.

Je suis bien d'humeur à m'occuper de vous.... un pouletde deux francs vingt-cinq!

Soi.iA.MiMramassant le papier.Ce n'est pas une raison pour repousser celui-ci.

Mmo Faboulet.

Vous m'ennuyez.Soliumim lui présentant encore la lettre.

J'en ai le droit.

M"10 FABouLKrlui tournant le dos.

J)ieudeDicu! est-il possible!... Et ces demoiselles quis'oublient; Faneîie, va donc les appeler.

Fanklik Rapprochant de la porte de gauche.

Mesdemoiselles, maman vous prie de venir prendre l'ou-

vrage.SoLFAMINUÏJUirf.

On merebute,

mais je

ne me rebutepas.

SCÈNE XIII.

Les mêmes,OLIVETTE, CUYSOLINE, ouvrières.

Olivette et Ckvsoline polkant.Tra la la. tra la la, tra la, tra la, tra la, tra la

Mmc Faboulet.

Qu'est-ce que c'est que ce genre d'exercice?

Olivette,

Madame Faboulet. nous nous mettions entrain pour ce.soir, au Château des Fleurs.

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- 260 —

Mmo Faboulet.

Suffit. A vos places, et qu'on travaille.

Solfamini.

Ça se mêle de polker, et ça outrage scandaleusement lamesure.

MmoFaboulet.

Mais M. Desoursons ne rentre pas!

Fanélie.AIR:Dufleuvede la vie.

Ayez un peu de patience,Quelqu'un a pu le retenir;Comme vous, j'attends sa présenceEt voudrais le voir revenir.Il n'en lait

jamais qu'asa

guise,Et, je le parirais vraiment,Il nous ménage en ce moment

Quelque douce surprise.

(Elle va se remettre à son ouvrage. )Solfamini à part et se frappant le front.

C'est un trait de lumière !...  je n'y seraipas pris. Prenons

nous-môme les devants. {Haut.) Derechef  qt en réitérant,

Madame Faboulet, je remets entre vos mains potelées l'ora-cle de ma destinée.

Mmc Faboulet prenantla lettre.

Qu'est-ce que vous me chantez là ?

Solfamini .

Respectable mère de ma Fanélie, je vous déclare que jen'ai pas la moindre envie de chanter.

Olivette.C'est dommage, on vous aurait donné le ton.

CltYSOLINE.

Oui, car vous ne me faites pas l'eflet d'être en voix.

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_ 261 —

SOLFAMIM.

Mesdemoiselles, vous appartenez à un sexe auquel il est

  jcaucoup pardonné. Faites-moi le plaisir de ne pas me trou-bler. (7/ prend Mme Faboulet par la main. l'cmm'm à droi-te et tousse deux ou trois fois. ) Madame rdionM, lorsque

 je vous ouvris mon coeur, il y a six mois...

SCÈNE XÏV et dernière.

Les mêmes, HIPPOLYTE, DESOURSONS, M. CIGALE.

Desoursons. Il a le bras de M. Cigale sous lesien et lui tient la main.

Ha ! ha ! ha ! ha !.... vous faites des façons? avec moi, c'est

superflu, vous avez tort. Entrez, je vous prie, mon cherMonsieur. Ma soeur, ce matin,

quandMonsieur nous a

quit-tés, vous avez témoigné la crainte de h perdre. En revenanttout-à-l'hcure, je l'ai trouve qui comptait les vitres devotre devanture, et je vous le ramène pour vous épargner lesfrais d'une réclame dans le  journal* Je ne demande pas de

récompense ha ! ha 1ha ! ha !

M. Cigale»

Monsieur, vous abusez étrangement de ma longanimité.

Desoursons.AIR:Pu Roi tlTvclot.

Vous avez grandement raison»Ne prenez pas la mouche;

Il ne faut pas, comme un ourson»Avoir l'humeur farouche.

Montrez plutôt, tout comme moi,Une gaîle de bon aloi»

Ma foi.( Riant. ) Ho! ho! ho! ho! liât ha! ha! ha!On se trouve mieux de cela,

Ha! ha!

C'est convenu, n'est-ce pas? allons, soyez aimable.

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— 262 —

M. Cigale, roulant s'en aller.Monsieur, si ce n'était par égard pour ces dames, je nous

montrerais qu'on ne se  joue pas impunément de moi. J'aimemieux nie retirer.

Desoursons.

Non, non; ne vous en allez pas ; tout-à-l'heure nous nous

expliquerons. Seulement, pour la minute, obligez-moi d'allercauser haleines et nankin avec

ces demoiselles. J'ai à réglerune affaire de famille. .

( Il le conduit près de la table et le fait asseoir.)M. Cigale se levant arec explosion.

Monsieur, jamais chose pareille

Desoursons le forçant à se rasseoir.

Là mon bon Mes petites chattes, amusez-le un

moment.Olivette.

Le beau plaisir !

Déboursons.

Et dimanche, la Porto Saint-Martin pour tout le inonde,comme on me la demandé depuis longtemps.

Les jeunes filles.Bien ! bien !

(Elles entourent J/. Cigale qui perd peu à peuson humeur. Fanclie se lève. )

M. Cigale à Desoursons.

Avec de telles auxiliaires, vous étiez sur do me désarmer.Mais, Mesdemoiselles, gare à ma vengeance !

Olivette.

Vous êtes donc bien terrible? vous n'en ave/, pas l'air

cependant.

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— 265 —

Chysoline.C'est qu'il cache son jeu.

Hii'polyte s approchant deFanèlie.

Quel bon oncle vous avez là!

Fanéme.

Est-ce que?....

Solfamini qui est venu se placer entre eux.

Oui, est-ce que?....

Hippolytk faisant un signed'intelligence à Fanèlie.

Chut !

Mme Fadoulet.Vous me direz peut-être, mon frère, ce que tout cela veut

dire?

Desoursons.

Oui, ma soeur.

AIR:de Turcnne.

Vous le savez, une gatté falottcKst un présent que m'a fait le destin;Maisen marchant, armé de ma marotte,D'un peu de bien je marque mon chemin,Je faisdu bien, mais je ris en chemin.

(montrant Mppolyte.)Ce jeune ami que je viens vous conduire,

Vous l'aviez repoussé, ma soeur;Moi,

 je

veux faire son bonheur,

( montrant M. Cigale. )

Ce qui n'empêche pas de rire,Vous pouvez bien me laisser rire.

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— 26-i —

Mm(?Faboulet.Mais....

Desoursons.

Mais, Madame Faboulet, nous n'avons échangé que quatreparoles, ce matin. Je vous ai demandé de marier ces entants;vous m'avez répondu: Ilippolyte n'a rien.— C'est juste, me

suis-jedit. Et si  je vous ai quittée sans

plusd'explications,

c'est que j*avais mon projet, (tirant tm papier de sa poche. )Vous voyez bien ceci ? C'est un acte en bonne forme qui assu-re à Ilippolyte soixante mille francs que j'avais placés dansla maison où il est employé.— Parez celte hotte, ma soeur.lia! ha! ha! ha!

Fanélie.

Cher oncle !

HlPPOLYTE.

L'excellent homme!

MmcFakoulet.

Ma foi, vous m'en direz tant....

Solfamim s avançant d'un air solennel.

Un instant, s'il vous plaît, j'ai des droits antérieurs.Madame Faboulet, une honnête femme n'a que sa parole.

M,no Fauoulet.

Oui, c'est vrai, je vous avais promis la main de Fanélie.mais si vous obteniez une place dans un orchestre.

Solfamim.

La place demandée est dans votre main.MnieFauoulet.

Quoi! cette lettre?

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- 265 -

Solfamini se posant.

Celte lettre.

Fanklie.

Oh! mon Dieu! quel malheur!

(M. Cigale et les jeunes filles s'approchent- )

Desoursons prenant la lettre.Voyons, ma soeur. Diable! vous ne m'aviez pas dit cela.

( Ouvrant la lettre après avoir lu l'adresse. ) « A Monsieur« Solfamini, musicien exécutant. » Monsieur, je vous pré-sente mes civilités.— « Monsieur, j'ai le plaisir do vous<( informer que, sur la recommandation toute particulière de« M. le Baron de Pianischka, et en raison des talents variés« que vous possédez, vous avez obtenu de faire partie de l'or-

« chestre du théâtre de l'Ambigu.... »Solfamini s'éventant avec son mouchoir.

Mbbien! Madame Faboulct, vous doutiez de mon succès!

Desouhson-s qui a lu la fin de la lettre.

Vous aviez tort, ma soeur; le mérite finit toujours par fairedu bruit dans le monde. Continuons. Heu heu heu. « do« l'orchestre du théâtre de

l'Ambigu,où vous êtes

appeléà

« l'emploi de grosse caisse, aux appointements de trente-six« francs par mois. Je suis, etc. »....Boum boum, boumboum boum, ha! ha! ha! ha!.... Monsieur Solfamini, je vous

présente mes félicitations bien sincères.

(Tout le monde rit.)

Solfamini se croisant les bras et les jambes.

Grosso caisse! !AIR:Commeil m'aimait.

Je suis joué,Je suis tloué, J

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- 2G6 -

Klait-ce donc la leur promesse ?Moi, de tant de talents doué,Devais-je être ainsi baflbué?M'employcr comme grosse caisse,(î est abuser de ma jeunesse;

Je suis joué,Je suis iloué.

Olivkttb s approchant de lui et faisant le geste.

Dites donc, ça ne fatigue pas la poitrine.

(Solfamini lui tourne le dos et se trow\ nez-ù-nez avec Crysoline. )

CllYSOLINK.

  \i[ vous pourrez faire de la musique à tour de bras.

Soi.famim lui fait une grimace et va s appuyerle dos à la muraille.

El moi, qui parlais ce matin de l'Anesavant, me voir réduitn la peau d'âne!

M. Cigalk .riant'.

lia! lia! fort plaisant!

Solfamini se redressant.

Monsieur, prenez garde que je n'entre immédiatementdans l'exercice de mes fonctions.

DëSUI'IISONS.

Ah ça! ma soeur, il me semble que la caisse d'Hippolvtevaut mieux que celle de Monsieur; ainsi donc....

M"10FaBOL'MÎT.

Ainsi donc, llippolyte épousera Fanélie.

Faneur .

Merci, ma bonne mère.

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HU'l'OLÏSlï.Kt vous aurez un bon (ils.

Solfamim Rapprochant de la rampe.

Tiens! une iuVv!.... j'irai chercher mon étui tant pis!

DkSOUISOXS.

  \A nous aurons une noce unpeu

bien folichonne,(à

M.

Ciijale. ) Kit bien! Monsieur, qu'est-ce que vous dites de toutcela? N'est-ce pas que le vieux farceur est, sui demeurant,assez, bon diable? Allons,,faisons la paix, .le vous invite à lanoce; vous danserez avec cas demoiselles et vous chanterezavec moi:

AIU:Dn'iin.riiinri.

(lai, gai, rions toujours,

Le chagrin abrège nos jours,Pour nous, en vérité,Hien ne vaut la gailé.

Au public.Oui, j'en conviens, j'aime beaucoup h rire,Maisc'est, dit-on, la marque d'un bon coeur;Si ma gaité parvient à vous séduire,Dites, Messieurs, comme le vieux fburrecr:

('ai, gai, rions toujours,l.c chagrin abrège nos jours.Pour nous, en vérité,Hien ne vaut la gaité.

'N '''

FIN.

 j'i

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Séance .du 12 Décembre (802.

PRÉSIDENCE DE M. LE SINER.

La séance est ouverte à 8 h. '/, Le procès-verbal est lu ut

adopté avec une légère modification.

M. Le Président rend compte de la correspondance.1° M. Noirot a continué à expédier à la Société des Scien-

ces et Arts les numéros de la Revue du Monde Colonial.

2° Les EE. des écoles chrétiennes ont adressés leur aima-nach accompagné d'un calendrier.

3° M. Couturier membre honoraire et Directeur de l'Inté-rieur &la Martinique a envoyé trois brochures.-- L'une rela-

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- 269 —

live à l'Usine Lareinty— la 2e aux produits exposés à Londrespar la Martinique, eniin la 3e est un rapport sur le  jardinbotanique de St-Picrre ( Martinique. )

M. le Trésorier donne lecture de son eompte-rendu sur la

position de la Caisse sociale fin do 1802; ce compte-rendu ac-cuse une somme de 350 l'r. I5 c. restant en caisse.

La Société procède aux élections.

M. Le Siner obtient 10 voix sur 17 c'est-à-dire l'unanimi-té moins sa voix.

M. Mazaé Àzéma après deux tours de scrutins obtient la

majorité voulue et est nomme Vice-Président.

M. Voïart est maintenu dans ses fonctions par acclamationunanime.

M. de Monforand conserve ses fonctions de secrétaire.M. Charles de La Serve est nommé administrateur.

Les Commissions sont composées comme suit:

MM. Focard.

LettresRaflray.• Souvilte. (de)

UM. Dridct.SciencesDostor.

Vivien.

MM. Lacaze.ArtsMoreau.

Roussin.

M, Moreau dépose un poëme oriental de M. LconI)lc,*xintitulé Sourè-ha.

M. Voïart déclare avoir vu une lettre dans laquelleM. Slc-Beuvc fait l'éloge de cette oeuvre.

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Le poème est. renvoyé à la Commission des l«llres qui devra

présenter son rapport à la prochaine séance!.

Le Bureau est invite à s'occuper dune séance publique età Caireun choix dans les travaux de l'année à cet elîel.

La séance est levée à 10 heures  \:i

Le Secrétaire,

P. dis MoxronANp.

te Président,

J,K SlM-jt.

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SOCIETE DES SCIENCES ET ARTS

MEMBRESTITULAIRES.

MM. Lk Siner (Louis), Adjoint du maire, médecin du Lycée

Impérial, Président.

Azkma(Mazaé), Dr médecin, vice-président.Voïart (Marcel) (<^), Commissaire-adjoint en retrai-

te, conservateur des Archives coloniales, trésorier.

Monforand (Paul de), Professeur au Lycée Impérial,secrétaire.

La Serve (Ch. de), administrateur.

Arnaud (F. D.) (>$), Chirurgien Principal delà marine

Azkma, (Georges).Iîailly (Edouard) ($), Commissaire-adjoint de la

marine de lrc classe.

Iîerg (Achille), Dr médecin.

Iîridet (IL) ($î), Cap. de Frégate, Capitaine de PortàSt-Dcnis.

Crémazy (Pascal), avocat.Crivei.li ($j), Inspecteur de l'instruction publique.Dostor (Georges), Docteur ex-sciences, professeur au

Lycée Impérial.Esménari) (A. cl1), Chef do bureau de 1ro classe à la

Direction cVl'Intérieur.

Focard (Volsy), Secrétaire du Procureur Général.Merlan», Dr médecin.

Lacaze (Honoré), Dr médecin.

Le Clerc (,L), Dr médecin.

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Lejeune, Dr médecin.Loiseau (Léon).Moreau (Jules).

Morkl(L), Avocat, Président de la Commission duMuséum.

Naturel, avocat.

Pajot(Elie).Raffray (J. M.), Secrétaire delà flanque.

Houssin (L. À.), Peintre, professeur de dessin au Lycée

Impérial.Sle Colombe, Médecin dé l'hôpital colonial.

Souyille. (Chalvetde)

Tiiunon, professeur de musique au Lycée Impérial.

Vinson (Emile), Pharmacien de lrc classe.Vinson (Eugène), Drmédecin.

Vivien (P.), Professeur de Chimie et de Physique au

Lycée Impérial. /.;>°

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TABLE DES MATIERES.

Page*.

Listes des Membres honoraires, titulaires et correspondants. 5Séance du 2 janvier 1862 oTroubles de St-Louis en 18-18. ( Volsy Focard ) ... 7Le Départ. ( P. de Monforand ). .' 19Séance du li Mars 1862 21l/Knfant de nos Enfants ou la Prise de Jéricho Comédie-

Vaudeville en un acte. ( M. Voïart ) 25Séance du 11 Avril 1862. . . tôlîtudc sur les réformateurs modernes. ( Dr A. lîcrg ). . 47Pensées. (Ed. liailly ) 06La France et son Epéc. ( C. de La Serve ) 65

Séance du 8 Mai 1862 69Le lMsaieul, Comédie-Vaudeville en deux actes (M. Voïart). 71Séance du 15Juin 1862 121

Rapport sur une brochure de M. le l)r Sénèque (de l'IleMaurice ) Intitulée : Quelques considérations sur le mottomate. (Mazaé-A/.éma ) 125

Desdeslinéesdel'homme.(de Souville ) 150Les tleursdc nuit, Nocturne.( Pde Monforand ) . . . 155

Séance du 11  juillet 1862 157Du climat du Hriilc.(Dr J.Le Clerc) 159Créole et Marin. Comédie-Vaudeville en un acle.

(M.Voiarl) 147

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Séance du 12 Septembre 1862 179

lin fils naturel de Déranger (J. M. Raflray). ... 181Fables et Poésies légères de M. Etienne Azcma

(de Monforantl) 201

Introduction et fécondation du Vanillier a l'Ile liourbon

(Yolsy Focard) 2lo

M. Desoursons, Vaudeville en un acte ( M. Yoïart ). . 25."Séance du 12 Décembre 1862 268Election du Hurcau et des Commissions 269

Nouvelle liste des membres titulaires . 271

 /  ; I,'

' / 

'

Fin de la Table. ' ;i'f 

GJlItVlV

'age 121, lro ligne, lisez: Séance du 13 Juin.

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