briquel - visions étrusques de l'autochtonie

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  • 7/22/2019 Briquel - Visions trusques de l'autochtonie

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    Monsieur Dominique Briquel

    Visions trusques de l'autochtonieIn: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 12, 1986. pp. 295-313.

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    Briquel Dominique. Visions trusques de l'autochtonie. In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 12, 1986. pp. 295-313.

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1986_num_12_1_1724

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_dha_184http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1986_num_12_1_1724http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1986_num_12_1_1724http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_dha_184
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    Rsum

    La question des origines trusques a toujours t l'objet d'un vaste dbat - et dj dans l'antiquit

    comme le montre Denys d'Halicarnasse. Mais le dbat n'a pas alors t d'ordre purement scientifique.

    Dfendre une opinion sur les origines trusques signifie adopter une position par rapport aux Etrusques

    eux-mmes. Ainsi les auteurs grecs qui dfendent la thse de l'origine plasgique ou lydienne (qui

    rattache les Etrusques l'univers des Grecs) signifie leur tre favorable ; dfendre celle de l'autochtonie

    (qui fait d'eux de purs Italiens, des barbares) leur tre hostile. Le dbat ne concernait pas seulement les

    trangers : il a eu une importance idologique pour les Etrusques aussi. Ainsi il semble que

    l'autochtonie a jou un rle dans le contexte des troubles socio-conomiques de la priode hellnistique

    : Cette thse a fourni un moyen la classe dirigeante de justifier sa position dominante par rapport la

    classe infrieure : celle-ci tait prsente comme compose d'immigrants tardifs, d'trangers qui

    n'avaient aucun droit sur une terre qui appartenait celle-ci, qui la possdait depuis le temps des

    origines.

    Abstract

    Problem of Etruscan origins has always been matter of great debate among scientists - already in

    classical times, as shown by Dionysus of Halicarnassus. But the debate was not then a purely scientific

    one. Uphold an opinion about Etruscan origins means adopt a position about the Etruscan themselves.

    Thus for Greek writers defend the theory of a Pelasgian or Lydian origin (i.e. connecting Etruscan with

    Greek universe) means be favourable to them ; defend that of autochtony (i.e. making them purely

    Italian, barbarian) means be adverse. Debate was not only among foreigners : it had an ideological

    importance for the Etruscan too. So autochtony seems to have been stressed upon by Etruscan during

    the social - economic disturbances of the hellenistic period. It was a mean for the leading class to justify

    their privileges against the lower one : the later was presented as later immigrants, foreigners who had

    no rights to hold the country, which belonged to the former, who had been granted with it from the

    origins.

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    DHA 12 1986 295-313

    VKIONS TRUSQUES DE L'AUTOCHTONIEDominique BRIQUEL

    La question des origines trusques a t pendant longtemps un lieu d affrontement entre truscologues : aux partisans de l'origine orientale et ceuxde l'autochtonie, thses dj exprimes dans l'Antiquit, se sont adjoints, poque moderne, ceux d'une origine septentrionale (1). Et ce n'est que relativement rcemment qu'on s'est avis, grce en particulier aux travaux deM. Pallottino, que le problme tait mal pos, et qu'au lieu de vouloir dfinirles Etrusques en termes de drivation comme si cela pouvait rendre compte dece qu'ils ont t rellement il fallait chercher comprendre la formationde l'Etrurie historique partir d'apports locaux et externes nombreux et divers.Mais, si le temps des positions tranches et exclusives semble heureusement rvolu, n peut demander pourquoi le dbat a connu une telle ampleur : on ne constate rien de tel propos de bien d'autres peuples pour lesquels le problmeaurait pu se poser.Or, il est clair que les modernes n'ont fait que prolonger un dbat quiavait dj exist dans l'Antiquit, opposant les tenants de l'autochtonie ceux de l'origine orientale. On le constate clairement chez Deny d'Halicarnassequi expose les deux thses et les discute pour trancher en faveur de l'autochtonie2). Ceux qui ont crit aprs ce premier truscologue se sont borns poursuivre la controverse, dans les mmes termes, en appliquant des catgoriesdont l'insuffisance nous apparat aujourd hui.Mais ces catgories taient celles de la rflexion antique, grecque, sur lesorigines des peuples. Comme montr EJ. Bickermann, les Hellnes classaientles populations en celles auxquelles ils attribuaient une origine hellnique, enfaisant intervenir des migrations de peuples ou de hros grecs, et en celles purement indignes, autochtones (3). Pour les Etrusques on constate que le dbat

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    296 D. BRIQUELa tourn autour de ces deux catgories : Denys distingue ceux qui font d'eux desimmigrs de ceux qui font d'eux des autochtones (4). La seule nuance est que,pour ces Barbares non hellnophones, on a eu recours dans le premier cas non des Grecs vritables, mais des sortes de para-Hellnes, distincts des Grecs,mais en mme temps assez proches pour tablir une certaine liaison avec l'univershellnique : les Plasges et les Lydiens (5).En l occurrence fl ne s'agissait nullement d'un dbat thorique, et sesimplications taient loin d'tre purement scientifiques quand bien mmeDenys parat aborder la question d'une manire parfaitement objective, enayant recours des arguments (faits de langue, de civilisation) qui annoncenttout fait ce qu'on trouve dans des exposs modernes du problme (6). C'estle mrite de D. Musti d'avoir montr que la conception de l'autochtonie desEtrusques qui apparat chez Denys, et qui implique le rejet de la thse oppose,les rapprochant du monde des Grecs (qu'ils soient alors des Plasges ou desLydiens), est indissociable de la perspective d'ensemble de son uvre (7) :prsenter Rome comme une polis hellms, et mme faire d'elle la seule villevritablement grecque de l'Italie, lui rservant ainsi, dans une pninsule toutentire barbare, le privilge d'une suggneia hellnique (8).Attribuer aux autres peuples une origine locale, autochtone, participeclairement de ce dessein : cela revient en souligner la nature barbare, et faireressortir d autant la place exceptionnelle de Rome (9). Et propos des Etrusquesle problme se posait avec une acuit particulire. s'agissait d'un peuple sansconteste puissant et important Denys le reconnat volontiers (10) , auquelcertains taient ports attribuer un rle primordial par rapport Rome aupoint que Rome ait pu passer pour une polis tyrrhnis, affirmation contre laquelle Denys s'insurge (1 1). Or les thses plasgique et lydienne revenaient associer ces Etrusques au monde grec, et tout porte croire que, sinon la premire bien passe de mode, du moins la seconde tait couramment admise l'poque de Denys (12). Il tait donc important que Denys dfendt contre cesthories la thse de l'autochtonie (13).On voit ainsi se manifester, propos des Etrusques, une conception ngative de l'autochtonie. Faire de ce peuple un peuple autochtone revient lui refuser tout rapport profond avec l'hellnisme. Ce qui est en jeu, c'est laquestion de la relation entre Etrusques et Grecs. Il s'agit au fond d'un problmeexterne, et la thse de l'autochtonie n'est alors que l'envers de la thse oppose,celle qui fait, par le biais des Plasges ou des Lydiens, des Etrusques des sortesde quasi-Hellnes, Barbares sans doute, mais bien proches des Grecs et par lmergeant des populations vritablement barbares. Or ce n'a pas t l unsimple dbat intellectuel. La question du rattachement des Etrusques au mondegrec, par les Plasges ou les Lydiens, a jou un rle dans les rapports entrel'Etrurie et la Grce au temps de l'apoge de la puissance trusque, entre le Vieet le IVe s. Elle a t au centre de controverses entre les Etrusques, leurs allis

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    DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 297et leurs adversaires au sein du monde grec (14). Et on peut mettre l'hypothseque ce soit dans ce contexte que soit ne la thse de l'autochtonie, telle qu'elleapparat chez Denys (15), soit mise au service d'une conception dprciative,et tributaire d'une mise en forme trs hellnique (explication du nom des Tyrrhenes par turseis, rapprochement avec les Mossynoeques) (16).

    L'affirmation de l'autochtonie des Etrusques est donc, dans cette perspective,e fait de non-Etrusques, de Grecs traduisant en termes d'origines une opposition ce peuple. Il s'agit donc, peut-on dire, d'une question de politique extrieure, au mme titre que la thse oppose et symtrique de la provenance orientale par les Lydiens ou les Plasges) qui fonctionne comme acceptation desuggneia de la part de Grecs favorables ces Etrusques (17) ou encore commethme de captatio benevolentiae de la part de ces derniers. Telle est donc laconclusion que l'on peut tirer, la suite de D. Musti, de Denys Halicarnasse ,et qui apparat finalement valable pour toute la tradition grecque dont il dpend.Mais on peut se demander si la question de l'autochtonie est vraiment puisepour autant, et si ne coexiste pas avec cette vision, hellnique et ngative, del'autochtonie trusque une autre vision, diffrente, qui serait proprementtrusque. existe, en effet, au moins un tmoignage qui fait des Etrusques unpeuple autochtone de l'Italie, sans que la moindre connotation ngative duconcept apparaisse : celui de Jean le Lydien qui rattache les Etrusques au fondsicane de la pninsule (18). Or, il est clair que, dans cette prsentation des origines trusques qui semble remonter un contexte trs romain, rien nevient souligner le dbat qui tait central pour Denys comme pour les Athniensou les Syracusains des Ve/IVe s., la question de savoir si les Etrusques sontproches des Grecs. On a l une prsentation qui fait appel des notions italiennes comme le concept de Sicanes, ou les noms latins des Etrusques, Etrusciet Tusci, ou l'importance de VEtrusca disciplina qui renvoie clairement laRome de Nigidius Figulus, Caecina ou surtout Tarquitius Priscus et FonteiusCapito, voqus par Jean le Lydien propos de cette histoire (19). On pourraitdonc se demander si l'on n'a pas affaire cette fois une conception de l autochtonie dnue de toute coloration pjorative, et donc une conceptionpurement trusque du thme.Mais, si le texte de Jean le Lydien atteste bien l'existence d'une thseautochtoniste non dprciative dans un cadre italien, on ne peut pas pourautant s'en tenir ce seul tmoignage pour dterminer l'existence d'une reprsentation vraiment trusque de l'autochtonie. Car on peut appliquer la prsentation de l'autochtonie qu'offre Jean un type d'analyse, par ses implicationsexternes, qui est du mme ordre que celui auquel on peut soumettre la thsede Denys. Il est fait appel ici aux Sicanes, soit un concept latin, qui impliqueune parent non plus avec la Grce, mais avec Rome. L encore se font jour

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    298 D. BRIQUELdes proccupations d'ordre externe, une captatio benevolentiae, cette fois l'gard de Rome. Si ce texte peut confirmer l'acceptation d'une vision autochto-niste de leur pass par les Etrusques eux-mmes, fl ne peut suffire fonderl'existence d'une telle conception en Toscane. Il rpond au moins tout autant des proccupations extrieures qui concernent cette fois les rapports dePEtrurie et de Rome. Il faut donc se tourner vers d'autres tmoignages pourdterminer si a exist une vision proprement trusque de l'autochtonie et prciser,e cas chant, ce qu'elle a pu tre.

    On a propos, il est vrai, de reconnatre des attestations d'une visionautochtoniste des origines trusques dans un certain nombre de reprsentationsauthentiquement trusques mais qui ne nous paraissent pas pouvoir tre interprtes dans ce sens . C'est ainsi que L. Pareti, considrant que les thsesplasgique et lydienne taient d'origine grecque (ce qui est vrai, mme si ellesont t utilises par les Etrusques eux-mmes), voulait reconnatre dans lathse autochtoniste la genuine tradizione etrusca (20). Mais les donnes surlesquelles fl se fondait n'autorisent pas, notre avis, une telle affirmation.Il invoquait la lgende de Tags, cet enfant sorti du sol trusque pourrvler la science religieuse toscane, YEtrusca disciplina, et en particulier l'ha-ruspicine aux Etrusques (21). Mais il s'agit de la naissance d'un hros autochtone,non de celle du peuple trusque en lui-mme selon un motif lgendaire d'ailleurs assez courant (22) . Lorsque l'enfant Tags parat, le peuple trusqueexiste dj, et il rvle sa doctrine ce peuple dj form (23). On ne peut tirerde cette lgende aucune conclusion concernant cette population en tant quetelle. Etait encore moins probant le recours la thorie des sicles. On sait, eneffet, que selon les Etrusques les dieux avaient fix dix sicles la dure devie assigne leur peuple comme ils le faisaient pour toute entit humaine,individuelle ou collective (24) . Ce qui implique que les Etrusques admettaientque leur peuple avait commenc exister vers la fin du second millnaire ou ledbut du premier quelles que soient par ailleurs les difficults, nombreuses,qui s'offrent ds qu'on essaie de prciser cette doctrine des sicles . Mais ilest paradoxal d'y voir la trace d'une conviction autochtoniste. Un tel point dedpart peut tout aussi bien tre allgu l'appui d'une migration : il aurait alorsindiqu la date d'arrive sur le sol toscan des anctres des Etrusques historiques,et certains savants ne se sont pas privs d'utiliser ce tmoignage dans ce sens (25).Les tmoignages trusques invoqus par L. Pareti sont donc clairement carter.

    Nanmoins, il existe un texte manant certainement d'un milieu trusquequi, s'il ne parle pas directement de l'origine de la population de l'Etrurie etne dfinit pas expressment les Etrusques comme autochtones, n'en suppose

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    DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 299pas moins l'acceptation par les intresss eux-mmes d'une thse de ce genre :c'est/ ainsi que l'ont bien vu M. Sordi ou G- Colonna (26), la prophtiede Vegoia (27).Ce texte, qui nous a t transmis par le trait des grimensores, est misdans la bouche d'une de ces figures de prophtes inspirs que la religion trusquea connues (28), la nymphe Vegoia, que son interlocuteur, Arruns Veltymnus,aurait not. D annonce de grands bouleversements de la socit trusque etdcrit d'une manire apocalyptique les malheurs qui frapperont l'Etrurie, sesterres et ses habitants, pour s'tre laisss aller l'avidit, une soif insatiablede terres. C'est l, on le sait, un document capital pour la connaissance dedonnes aussi diverses que la thorie des saecula ou l'apparente division binairede la socit trusque en classes de domini et de servi (29), et qui a suscit uneabondante littrature (30). Mais les problmes nombreux qu'il pose ainsicelui, toujours controvers, de sa datation (31) ne nous concernent pas directement ici. Il nous suffit de constater qu'il confirme bien l'existence d'une visionautochtoniste de la question des origines trusques dans le milieu toscan o ila t labor.Le texte, il est vrai, ne parle pas des Etrusques eux-mmes, mais de leurterritoire, et plus prcisment de sa dlimitation au moyen de bornes, marquantles limites des diffrentes proprits (32). Et sur ce point la doctrine est claire :l'existence de la terra Etruriae, avec sa rpartition en proprits dlimites pardes cippes de bornage, s'articule directement sur une cosmogonie. C'est Jupiterlui-mme qui a affirm son droit eminent de proprit sur l'Etrurie et a instituces techniques de dlimitation dont on sait que les Etrusques avaient t degrands spcialistes. Cela s'est pass au temps des origines, dans le mme tempsmythique qui a vu la mise en place de l'univers qui est voque au dbut de laprophtie (33).A. Piganiol et S. Mazzarino ont bien vu que la limitatio effectue surterre ne fait que reproduire celle que le dmiurge a opre dans le cosmos :la mise en place des champs toscans rpond celle des lments, mis chacun leur place part: du chaos originel (34). Elle intervient son tour dans leprocessus de mise en ordre de l'univers, lorsque, selon la cosmologie trusque,qui parat rendre compte, comme l'a suggr A. Maggiani, de la distinctionattribue ce peuple entre quatre genres de Pnates (35), le ciel, lment suprieur, a d'abord donn naissance l'eau, puis de l'eau a surgi la terre (36).De cette cration du monde dcoule ce qui apparat comme la cration particulire de l'Etrurie : le dieu suprme y fait galement uvre de dmiurge enmettant en ordre ce qui n'est jusqu'alors qu'un lment indiffrenci, peinesurgi de la mer, en y introduisant la limitatio. Le processus de bornage prenddonc sa place dans le rcit des origines : on constate quelle importance cettelimitatio avait aux yeux des Etrusques comme le suggre au reste galementun autre passage des Gromatici, o G. Colonna a judicieusement propos de

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    300 D. BRIQUELreconnatre une trace de rcit mythologique trusque relatif l'tablissementdes bornes par Silvanus agissant en tant que prpos de Jupiter (37).

    L'antiquit de la terre trusque pose par ce texte, qui l'enracine dansle rcit des origines, et la suppose en quelque sorte premire par rapport ses habitants, est affirme par d'autres sources. Dans les prsentations parailleurs sensiblement divergentes que Pline l Ancien et Jean le Lydien font del'histoire de FEtrurie, c'est la zone gographique, avec son nom propre, Etruria(dont Etrusci n'est qu'un driv), qui est pose d'abord, comme une donneintangible, quelles que soient par la suite les vicissitudes qui en affectent lesoccupants (lesquels peuvent recevoir des apports externes, tre chasss par denouveaux- venus, changer de nom) (38)Varron est sans doute la source de cette affirmation prsente dans cestextes de l'anciennet de l'Etrurie, plus prcisment de la terra Etruriae (39).Mais il n'a fait que reprendre une tradition indigne. Ce concept de terra Etruriaeest au centre de la prophtie de Vegoia, et on sait d'autre part qu'il avait tli aux rvlations de cet autre prophte toscan, l'enfant Tags n du sillon prsde Tarquinia. Parmi les nombreux ouvrages attribus Tags existait en effetun liber terrae juris Etruriae (40). Malgr la date tardive de ce renseignement,on peut penser qu'il conserve le souvenir d'une donne ancienne, importantepour les Etrusques. Et on sait que S. Mazzarino a propos de reconnatrel'quivalent trusque de cette notion de droit de la terre d'Etrurie dans un denos documents pigraphiques les plus considrables, le cippe de Prouse, cippede bornage sur lequel est inscrit un texte concernant une question de dlimitation de proprits entre les familles Velena et Afuna, o se lit helu tesneraine (41). est donc clair que les Etrusques avaient labor tout un systme dedlimitation des proprits dont les rgles thoriques avaient donn lieu unecodification juridique, et qu'ils avaient voulu sacraliser, fonder dans leurs conceptions religieuses (42), en l'insrant dans leur mythologie, avec le recours des figures divines comme Tinia-Jupiter ou Selvans-Silvanus, ces figures ausside prophtes qu'ils connaissaient, comme Tags ou Vegoia (43). C'est dans ceclimat religieux, justifiant le droit de proprit et ses formes, que la prophtieattribue la nymphe trusque trouve son origine. L'insistance sur la questiondu bornage, celle sur la terre trusque en tant que telle, se fondent sur ce soucipatent de valorisation idologique du droit de proprit.La signification sociale de ce fait n'a gure besoin d'tre souligne. Certesles modalits prcises de l'laboration de ce texte nous chappent, dans l'incertitude persistante o nous sommes concernant sa datation. Mais il est clair, aumoins, que cette prophtie a t labore dans une priode de troubles, deremise en cause de la proprit que ce soit par la volont colonisatrice desRomains ou du fait de servi qui, au lieu de rester soumis leurs matres, commeon le voit par exemple sur telle fresque d'Orvieto (44), veulent prendre le pou-

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    DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 301voir et s'emparer de leurs terres, comme on le constate lors des troubles sociauxdes environs de 300 (45), ou encore cause de la politique de concessions jugesexagres de certains matres l'gard de leurs servi, comme celle que nos textesfustigent propos des vnements de Volsinies. s'agit de toutes faons, face la menace, quelle qu'elle soit, de justifier et de dfendre l'ordre social ancien (46).Ce texte prsente une image de la socit trusque conforme ce qu'onpeut tirer d'autres tmoignages, et qui parat avoir correspondu la ralitsociale au moins d'une partie de la Toscane une certaine poque (et principalementde l'Etrurie du Nord intrieure (47) la priode des troubles sociauxqu'voque la littrature) : une socit o, comme l'ont soulign S. Mazzarino etJ. Heurgon, il n'y aurait pas eu de vritable classe moyenne, et o dansla mme catgorie dsigne par le terme romain de servi se confondent ce qui Rome serait distingu entre esclaves vritables, affranchis et une plbe, enEtrurie encore trs soumise l'aristocratie (48). Dans ce cadre, il est clair quel'ordre social traditionnel que dfend la prophtie est celui de la couche suprieure, des domini, des principes. Sans doute se veut-elle quilibre, distingue-t-elle entre les bons et les mauvais domini (les mauvais tant ceux qui laissentleurs servi dplacer les bornes, attenter la proprit d'autrui) ; dans ce systmeo il semble que les servi, ou du moins certains de ceux que ce terme empruntau latin sert dsigner (49)aienteuune sorte de droit de jouissance de la terre,elle dfend galement les servi contre les exactions. Mais il parat difficile d'enfaire un texte d'inspiration dmocratique, comme le voulait S. Mazzarino.C'est l'ordre social tout entier, avec sa hirarchie et donc sa classe dominante,qui y est justifi, sacralis, fl est clair que cela profite avant tout celle-ci.Et on peut penser avec J. Heurgon que la remarque propos des mauvais dominivise, plus qu' protger les victimes, servi aussi bien qu'autres domini, de leursagissements, dissuader certains domini de faire cause commune avec leursservi en couvrant les exactions dont ils se rendraient coupables : derrire l'allusion la conscientia des matres propos du dplacement des bornes, oprpar les servi, il y aurait la critique du laxisme de la couche suprieure que nossources reprochent l'aristocratie de Volsinies, coupable d'avoir laiss lesanciens esclaves prendre de plus en plus d'importance au sein de leur cit (50).Face au danger reprsent par les revendications de la partie de la populationdsigne par le terme servi, fl faut que la classe suprieure renforce sa cohsion 51).La dfense de l'ordre social, du droit de proprit s'appuie sur des justifications religieuses : notre texte l'insre dans une cosmogonie, la promeut ladignit de rcit des origines. Mais on peut penser que cette dfense idologiquene se limitait pas la question de la terre, mais englobait aussi celle de ses possesseurs. Et par l nous rejoignons la question de l'autochtonie.

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    302 D. BRIQUELLa prophtie de Vegoia ne pde que de la terra Etruriae, non de seshabitants. Mais il est clair que la division de la terre qu'elle envisage, la valeurreligieuse du droit de proprit qu'elle souligne, n'ont de sens qu'en fonctionde l'existence d'occupants de cette terre, travaillant ou en faisant travailler leslots dtermins par Jupiter qui leur sont chus. Et il faut qu'il y ait une harmonie entre l'acte de cration du pays, par sa dlimitation en parcelles, et l'apparition de ses habitants. Ceux-ci ne peuvent tre des immigrs venus de l'extrieur, qui auraient alors chass de plus anciennes populations tablies surplace.Ce seraient alors celles-ci qui se seraient les premires inscrites dans le cadredtermin par Jupiter lors de son acte dmiurgique, et les Etrusques seraientalors justement coupables de ce bouleversement de la proprit que tout le

    texte fustige. Notre texte est nettement incompatible avec une doctrine faisantdes Etrusques des colons venus de l'extrieur : il est inconciliable avec une reprsent tion faisant d'eux des Plasges ou des Lydiens arrivs d'Orient dateancienne. Il suppose en fait une vision autochtoniste : il est penser que dansla doctrine sous-jacente notre texte (dont on a de toutes manires des raisonsde penser qu'il rsume un original trusque qui dcrivait plus longuement leprocessus cosmologique), en mme temps qu'elle faisait apparatre leur territoire et prsidait sa rpartition en proprits, la divinit pourvoyait l'existence de ses habitants, et que ceux-ci taient des autochtones (52).On peut donc estimer, avec M. Sordi et G. Colonna (53) que, vers l'poquetardive entre le IJJe et le 1er s. laquelle renvoie l laboration de cetteprophtie de Vegoia, les Etrusques, ou du moins certains d'entre eux (54),se faisaient une conception autochtoniste des origines de leur peuple. On voitpar l que la mme ide de l'autochtonie peut avoir recouvert des motivationstrs diverses, rpondu des proccupations trs diffrentes selon les milieuxo elle se manifeste. Il est vident que sa prsence ici n'a rien voir avec l'utilisation qu'en fait Denys d'Halicarnasse, aprs d'ventuels prdcesseurs syra-cusains. Dans la prophtie de Vegoia, et dans le milieu o s'est labor un teltexte, il est patent que la question du rapport entre Grecs et Etrusques qui estcentrale aussi bien dans les thories plasgique et lydienne que dans la visionautochtoniste d'un Denys ou de devanciers syracusains (laquelle n'est que lacontrepartie des thses prcdentes) ne joue aucun rle. L'autochtonie rpond des proccupations purement internes. Et bien videmment elle n'a pas lamoindre connotation ngative.Cette diffrence de signification de la mme thse, exprime dans uncontexte autre, explique aussi que cette thorie autochtoniste, s'exprimant dansun milieu trusque, ne soit pas ncessairement exclusive des lgendes plasgique ou lydienne, comme elle l'est chez Denys d'Halicarnasse. Comme le remarque M. Sordi, elle situe l'origine du peuple trusque bien avant l'arrivede Tyrrhnos, bien avant le dbut du comput des saecua. Mais elle n impliquepas un rejet de telles traditions. Celles-ci peuvent s'insrer dans une autochtonie

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    DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 303qui les dpasse et les intgre. On le constate dans le rcit de Jean le Lydien,qui renvoie une laboration en milieu trusque, mme si s'y font jour, commenous l'avons soulign, des proccupations par rapport Rome, et qui doncpeut tre jug reprsentatif sur ce point des conceptions des Etrusques de cettepoque : Tyrrhnos n'est pas ni, comme chez Denys, mais il arrive son heuredans une histoire commence bien avant lui, admettant l'autochtonie desEtrusques, sans modifier ethniquement la composition de ce peuple, tabli lds les origines.Mais la prophtie de Vegoia montre que cette vision trusque de l autochtonie ne se rduit pas un simple souci d'orgueil national, la fiert dese poser en peuple trs ancien, tabli demeure ds les temps les plus reculs.Certes, cette ide, souligne par EJ. Bickermann et clairement affirme dans lesprsentations grecques de l'autochtonie (55), n'est srement pas absente. LesEtrusques taient fiers de leur antiquit : songeons aux Crites qui montraient Pline des peintures antrieures la fondation de Rome (56). Mais la thserpond en mme temps des proccupations beaucoup plus prcises, quitiennent la situation politique et sociale de l'Etrurie. L'autochtonie est directement lie la dfense d'un certain ordre social, d'une certaine rpartition dela proprit.Posant la situation existante comme voulue par le dieu suprme, perptuant l'acte dmiurgique originel, l'autochtonie fournitunejustifcationidologiqueaux bnficiaires de cet tat de fait. En tant qu'autochtones, lis la fondationmme de l'Etrurie et de l'univers, ils ont pleinement droit de possession surcette terra Etruriae. Et cette arme idologique joue videmment rencontred'usurpateurs potentiels, d'individus qui, n'tant pas autochtones, prtendraientbouleverser l'ordre tabli et entrer en possession de cette terre.Les conditions prcises de l'laboration du texte restant obscures, on nepeut dterminer avec une certitude absolue ceux que vise une telle conceptionde l'autochtonie, soit quels individus recouvre la distinction sous-jacente entreautochtones et non autochtones. Il est certain que l'opposition pouvait jouer rencontre d'ventuelles menaces de colonisation par les Romains (par exemplesi l'on situe le texte l'poque des Gracques). Les Romains, n'tant pas autochtones ne peuvent prtendre bouleverser le bornage traditionnel de la terretrusque, s'y tailler des proprits. Mais l'opposition pouvait aussi bien jouerau sein mme de la socit trusque, et ce sont effectivement des proccupationsnternes que renvoie le contenu de la prophtie, tout vibrant des tensionsentre servi et domini, des dissensions au sein mme des domini Elle pouvaitjouer rencontre des prtentions des servi supplanter l'ancienne aristocratie,que nous percevons surtout travers les vnements de Volsinies, mais qui ontd avoir une extension beaucoup plus grande que les quelques indices tirsdes sources littraires ne nous le font sentir. Par rapport cette couche infrieure, les domini, les principes se sont sans doute penss une certaine poque

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    304 D. BRIQUELcomme les seuls Etrusques vritables, distincts ethniquement des servi.Nous parat significatif un dtail, dans le rcit que fait Zonaras des vnements de Volsinies (qui est, en l'absence de Tite live, la source la plus circonstancie que nous ayons ce sujet) sur lequel P. Gros a justement attir l'attention57). Les matres, ceux qui les Romains remettent la cit aprs avoirchti les esclaves rvolts, sont dfinis par le terme authigneis. Il est sansdoute prudent de ne pas donner ce terme la valeur d'autochtones au sensstrict, de supposer donc l existence, derrire ce mot, d'une reprsentationautochtoniste explicite (58). Mais fl n'en reste pas moins que ces domini sontconus par Zonaras (et assurment les sources annalistiques latines, perdues pournous, dont fl dpend) au moins comme des indignes de la Toscane, alors que lesesclaves seraient conus comme des trangers. Ce qui rejoint la remarque deTiberius Gracchus traversant l'Etrurie et n'y voyant que des esclaves travaillantdans des latifundia, dont l aussi le caractre tranger est soulign (59).Dans les deux cas, les choses ne sont, il est vrai, pas exactement superpo-sables (60). Au Ile s., l'poque des Gracques (et indpendamment du problmede savoir si la remarque de Tiberius vise des zones appartenant des Romainsou encore proprement trusques), il faut tenir compte de l'afflux d esclaves deprovenance orientale lie l'expansion romaine dans ce secteur. On constateeffectivement dans les inscriptions de cette poque, notamment celles dsignantsrement des esclaves ou des lautrd, la prsence de nombreux Grecs ou Orientaux, tels Antipater, Apluni, Nicipur, Tiphile ou Zerapiu (61). Mais on peutdifficilement reporter cette situation dans le pass, l'poque des troubles deVolsinies.Il pourrait certes y avoir report indu aux IVe/IIIe s. d'un tat de fait quin'aurait exist qu' une poque postrieure. Mais on peut nanmoins penseravec P. Gros que ce dtail recouvre une ralit de l'poque considre. Sansdoute ne faut-il pas alors songer des Grecs ou des Orientaux, mais desItaliques (62). H. Rix a constat l'importance des noms italiques dans l'onomastique des couches infrieures de la population trusque, en particulierdans la catgorie des porteurs de Vornamengentlicia, si importante dans lazone nord-intrieure de la Toscane (63). Et il a trs judicieusement proposde mettre en relation l'mergence de tels noms, en particulier Chiusi, enrelation avec des troubles sociaux du genre de ceux que la littrature nousfait percevoir pour Volsinies ou Arezzo.Dans ces conditions, les tensions entre aristocratie et couche infrieure,dsigne par les Romains par le terme servi qui n'est gure qu'un a-peu-prs,pouvaient tre conues comme opposant deux catgories ethniques diffrentes,dont seule celle des domini correspondait des Etrusques vritables. Celle desservi, chez qui se dnote une onomastique souvent non trusque, italique,pouvait aisment tre considre comme trangre. Il est certain que les faitsont d en ralit tre autrement complexes, et que cette distinction entre

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    DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 305domini trusques, authigneis, autochtones, et servi trangers a toutes chancesde simplifier considrablement une ralit plus fluide et plus complexe (64).Mais le trait, not dans le rcit de Zonaras, ne nous en parat dans un sens queplus significatif. D correspond une volont de justification idologique : ilatteste que, une certaine poque, les couches dirigeantes de l'Etrurie, au moinsdans certains secteurs, ont voulu se prsenter comme de purs indignes del'Etrurie, les seuls vritables Etrusques, par opposition la masse infrieure, dontl'origine effectivement trangre de certains de ses lments venait justifier lerecours une telle distinction.Ainsi, mme si l'on doit se garder de poser ncessairement un lien prcisentre les troubles sociaux que nous connaissons ou plutt entrevoyons pourl'Etrurie des IVe/Ie s. et la prophtie de Vegoia, il n'en reste pas moins quedans les deux cas on dnote un mme tat d'esprit des Etrusques, ou au moinsde leurs couches dirigeantes, attaches au maintien de l'ordre tabli et en cherchant la justification idologique dans une vision autochtoniste de leurs origines.Cette conception de l'autochtonie trusque, la diffrence de celle qui prvautchez Denys, ne va pas ncessairement rencontre des thses plasgique oulydienne : au contraire, elle permet de les intgrer, et donc d'offrir la gloire d'unrattachement supplmentaire l'hellnisme, une culture qui est conue, parces couches elles-mmes, comme suprieure (65). Mais elle souligne fondamentalement 'attachement la terre trusque de cette population : l'autochtonieest un moyen d'affirmer comme immuable, fonde dans le rcit mme des origines la proprit de cette terra Etruriae minutieusement dlimite par lebornage de ses champs au moment o l'ordre traditionnel apparat menac.

    Dominique BRIQUEL

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    306 D. BRIQUELNOTES

    1. Pour un bon expos du problme, on pourra se reporter J. HEURGON, Romeet la Mditerrane occidentale jusqu'aux guerres puniques, Paris 1969, p. 363-71,ou M. PALLOTTINO, Etruscologia6 Milan 1973, p. 81-117.2. Voir D.H., 1, 17-30.3. Voir origines gentium, CPh, XLVII, 1952, p. 65-81.4. Voir D.H., 1, 26,2 : tous Tupprivos ou yv axx-&ouas'IxaAag 1)\), ou e iirAuas . Une discussion analogueest engage propos des Aborignes en 1,10.5. Rappelons que, si les Plasges sont considrs comme les anctres des Grecs,ils n'en sont pas moins distincts d'eux ; et une discussion scientifique comme celle qui sefait jour en Her., 1, 57, sans doute tributaire des observations d'Hcate (voir M. PALLOTTINO,rodoto autoctonista, SE, XX, 1949, p. 11-6), y reconnat des Barbares, parlant unelangue non grecque. Pour les Lydiens, il est noter que cette dfinition ne semble pas avoireu de connotation pjorative, mettant par l en relief la mollesse toute orientale et barbaredes Etrusques. L'utilisation qui semble avoir t faite du concept dans le cadre de la controverse uscite par les menes de Denys de Syracuse en Etrarie atteste que le recours auxLydiens, comme celui aux Plasges, a t un moyen de rapprocher ces Barbares du mondehellnique.6. Voir en particulier, la discussion de la thse lydienne en 1, 30, 1, o il est faitappel aux donnes linguistiques, religieuses, institutionnelles.7. Voir Tendenze nella storiografia greca e romana su Roma arcaica, studi su Livioe Dionigi d'Alicamasso, Rome 1970, p. 7-29.8. On notera notamment la formule en 1, 89, 2 : on ne pourrait trouver aucunpeuple qui ne soit plus ancien ni plus grec.9. Les deux concepts d'autochtonie et de barbarie sont clairement associs proposdesSiculesenl,9, 1 :3p3ctpou ZlkeoU, 'uvos aULYevs.10. On sait qu'il annonce en 1, 30, 4, une tude particulire de la question, insistantsur la puissance de ce peuple et ses hauts-faits. On voit que la position, quant l'origine,n'implique pas une dprciation systmatique du rle historique des peuples rputs autochtones (cf. aussi propos des Ombriens, dfinis comme autochtones en U, 49, etBarbares en 1, 13, et 1, 89, et prsents en 1, 18, comme un peuple parmi les plus grandset les plus antiques).11. Voir DJHL, 1,29,2.12. Sur le succs de la thse lydienne cette poque, voir M. PALLOTTINO, L origine degli Etruschi, Rome 1947, p. 35. Le dcret rendu probablement par le concilium despeuples trusques auquel il est fait rfrence en Tac, An., IV, 55, montre que cette opiniontait admise par les intresss eux-mmes.13. C'est ce qu'ilfait en concluant au bien fond de cette thse en 1, 30, 2, aprsavoir prsent et rejet la thse lydienne en 1-27, 28, 1-2, 30, 1, la thse plasgique en 1,28, 3, 29.

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    DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 30714. Nous avons tudi cette question dans notre ouvrage, Les Plasges en Italie,recherches sur l'histoire de la lgende, Rome 1984.15. Nous avons examin l'hypothse d'une origine syracusaine de la doctrine deDenys dans notre article L'autochtonie des Etrusques chez Denys d'Halicarnasse, REL,LXI, 1984, p. 65-86.16. Voir D.H., I, 26,2. Le caractre grec de la doctrine qui s'affirme ici a t galement suppos par M. GIUFFRIDA IENTILE, La pirateria etrusca, Rome 1984, p. 9-11,quoique dans une perspective diffrente de la ntre.17. Sur le concept de suggneia et son utilisation, voir en particulier D. MUSTI,Sull'idea di ovyyve ua in iscrizioni greche.^fi/vT31, II, XXXII, 1963, p. 223-239.IS.Yoa De mag.,pr.,I= De mens., 1,28 TuppnvoO b xfiv -pav in xris Auuag yexavaaxvxos xo xxe'ExpoaKous - l voz e r\v EuKavo - xs AuvLaavxos, o's en xris uuoqko as Ooaxousyexovoyaa^rjvaL .Cette thse est rappele dans l'histoire de Tags telle que la raconte De ost. 6. Sur ce textevoir nos articles dans Caesardunum, Suppl. 52, 1985, p. 3-22. et Actes du Ilme CongrsInternational d'Etruscologfe, paratre. Sur le caractre autochtoniste de cette prsentat

    ion,. PALLOTTINO, L 'origine degli Etruschi, p. 34, 37 .19. Dans De ost, 6.20. Voir Le origini etrusche, Florence 1926, p. 13-26.21. Pour les rfrences et la bibliographie, on pourra se reporter l'article rcentde J.R. WOOD, The Myth of Tages, Latomus, XXXIX, 1980, p. 325-344.22. Voir M. ELIADE, Trait d'histoire des religions, Paris 1970, p. 213-224.23. Il est souvent prcis que la rvlation est faite aux lucumons, chefs des citstrusques, ou des reprsentants des peuples. Chez Jean le Lydien, l'histoire de Tagss'articule sur celle de Tyrrhnos (qui forme Tarchon, lequel reoit les enseignements del'enfant).24. Pour les donnes sur cette question, voir CO. THULIN, Die etruskische Disciplin, Goteborg 1909, IV, p. 63-76, et notre article dans Actes du colloque les finsde sicles, Tours 1985, paratre.25. Voir par exemple H. HENCKEN, Tarquinia, Villanovians and Early Etruscans,Cambridge 1968, II, p. 615.26. Respectivement dans CISA, I, Milan 1972, p. 154-155, n. 20, Arch. Class.,XXXII, 1982, p. 12-28.27. Voir Grom. Vet, d. Lachmann, I, 350 : Scias mare ex aethera remotum. Cumautem Iuppiter terram Aetruriae sibi vindicavit, constituit jussitque metiri compos signa-rique agros, Sciens hominum avaritiam vel terrenum cupidinem, terminis omnia scita essevoluit. Quos quandoque quis ob avaritiam prope novissimi octavi saeculi data sibi hommesmalo dolo violabunt contingentque atque movebunt. Sed qui contigerit moveritque, posses-sionem promovendo suam, alteram minuendo, ob hocscelusdamnabituradiis. Si servi facient,dominio mutabuntur in dtenus. Sed si conscientia dominica fiet, celerius domus extir-

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    308 D. BRIQUELpabitur gensque ejus omnis interiet. Motores autem pessumis morbis et vulneribus affi-cientur membrisque suis debuitabuntur. Turn etiam terra a tempestatibus vel turbinibusplerumque lbe movebitur. Fructus saepe laedenturdecutienturque imbribusatque grandine,caniculis interient, robigine occidentur. Multae dissensiones in populo. Fieri haec scitote,cum talia scelera comittentur. Propterea neque fallax neque bilinguis sis. Disciplinm ponein corde tuo.28. Sur ce point, J. HEURGON, Vie quotidienne chez les Etrusques, Paris 1961,p. 283-286.29. Sur ce point, voir S. MAZZARINO, Sociologia del mondo etrusco e problemidlia tarda etruscit, Historia, VI, 1957, p. 112-116 ; J. HEURGON, L'tat trusque,ibid., p. 94 sq. ; T. FRANCFORT, Les classes servtes en Etrurie, Latomus, XVIII, 1959,p. 3-21 ; M. TORELLI, Per una storia del schiavismo in Etruria, DArch., VIII, 1974-5,p. 73-74. Pour les sources pigraphiques, et en particulier les inscriptions de lautni,S.P. CORTSEN, Die etruskischen Stances und Beamtentitel, Copenhague 1925 ;E. VETTER, Die etruskischen Personennamen le 6 e, le Qi, le 6 ia und die Namen unfreienoder halbfreien Personen bei den Etruskm, Jahreshefte desOst. Arch.Inst, XXVII, 1948,p. 57-112 ; H. RIX, Das etruskische Cognomen, Wiesbaden 1965, spec. p. 357-376.30. On pourra citer parmi les tudes consacres ce texte L. ZANCAN, II frammentodi Vegoia e il novissimum saeculum etrusco, A & R, III, VII, 1939, p. 213 sq. ; S. MAZZARINO, e. ; J. HEURGON, The Date of Vegoia's Prophecy, JRS, XLIX, 1959, p. 4M5 ;E. CAVAIGNAC, propos de Vegoia, note sur le servage trusque, REL, XXXVII, 1959,p. 104-107 ; W.V. HARRIS, dans Rome in Etruria and Umbria, Oxford 1971, p. 31-40 ;R. TURCAN, Encore sur la prophtie de Vegoia, Hommages J. Heurgon, Rome 1976,p. 1009-1019.31. Il est clair qu'il faut mettre ce texte en relation avec une priode de troublessociaux, de remise en cause de la rpartition ancienne de la terre. Mais il parat difficilede trancher entre les nombreux phnomnes de ce genre qu'a connus l'Etrurie. On a proposaussi bien le dbut du s. avec ses rvoltes d'esclaves que rprimera l'intervention romaine Volnies et Arezzo notamment, s'appuyant sur les aristocraties locales (thsede R. Turcan), que l'poque des Gracques (M. Torelli) ou celle de Drusus, prcdant de peula guerre sociale (J. Heurgon). Une priode postrieure 88 parat de toutes maniresexclue par l'allusion au huitime sicle trusque dont on s'accorde gnralement penserqu'il ait pris fin cette anne4.32. Sur l'importance de la limitatio trusque, voir S. MAZZARINO, art. cit, p. 101-110. Les Etrusques ont t les matres des Romains sur ce point comme bien d'autres :on sait que le latin groma vient du grec yvuya par l'intermdiaire de l'trusque (voir DE SIMONE, Die griechischen Entlehnungen im Etruskischen.Wiesbaden 1968, 1, p. 136-137). 33. En thorie les parfaits vindicavit, constituit, jussit peuvent se rapporter desvnements trs postrieurs la cosmogonie qui prcde. Mais la prsence de celle-ci dans letexte ne se conoit que comme une introduction ce qui suit, une justification du processusde bornage. Il ne peut donc tre question de deux ordres de faits indpendants, l'un ren-

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    DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 309voyant au temps des origines, l'autre bien postrieur (et contemporain par exemple du dbutdu comput des Saecida).34. Le problme de l'origine de cette cosmologie ne nous importe pas ici. Les analogies vec le rcit de Gense, 1, 1-13, sont frappantes (succession des lments dans l'ordreciel/eau/terre ; on sait qu'un autre rcit encore plus proche du rcit biblique est rapportaux Etrusques dans Souda, s.v., Tu p p x\ V ua ) et on a vu souvent dans cette doctrinela trace de conceptions orientales (en part. A. PIGANIOL, Les Etrusques, peuple d'Orient,Cahiers d'histoire mondiale, 1, 2, 1952, p. 344 sq. ; mais le rapport avec les rcits msopo-tamiens, purement mythologiques, mettant en scne des dieux individualiss et non deslments, est plus lointain). Mais R. TURCAN, art. cit, p. 1010, a raison de faire remarquerque de telles spculations se sont aussi dveloppes en milieu grec, rappelant par exemple lacosmogonie mise dans la bouche d'Orphe dans les Argonautiques, I, 496-S00, o estvoque la sparation des lments ciel/mer/terre (sans cependant que le trait caractristiqueici d'lments prenant leur origine l'un de l'autre soit prcis ). Pour l'analogie galemententre les conceptions trusques et grecques (thorie des quatre genres de Pnates et partagedu monde entre les fils de Cronos), G. DUMZIL, L'oubli de l'homme et l'honneur desdieux, Paris 1985, p. 46.35. Voir Qualche osservazkme sul fegato di Piacenza, SE, LI, 1984, p. 54-88, spec,p. 64-66. Sur la question des Pnates, voir aussi G. DUMZIL, La, qui souligne les rapportsavec la cosmologie grecque.36. LeHexte, tel qu'il nous est parvenu, ne paradons sa partie proprement cosmologique,ue de l'ther et de la mer. Mais il faut bien que la terre soit galement apparue pourque la terre d'Etrurie puisse exister et Jupiter-Tnia en revendiquer la proprit suprme etla diviser. Il est clair que le texte ici, soit rsume excessivement les choses, soit a subi desaltrations (p. ex. R. TURCAN, art. cit, p. 1010 : le texte devait s'expliquer sur la sparation des autres lments). On a de ce fait propos de le corriger. Ainsi une propositionde E. VETTR, reprise par AJ. PFIFFIG, Religion etrusca, Graz 1975, p. 157-9, proposaitd'introduire entre aethere et motm solidm vero e mari re-,37. Voir Selvans Sanchuneta.S , XXXIV, 1966, p. 165-72, o est bien montre lafonction de gardien des limites fixes par les bornes du Silvanus trusque. L'isolementdu rle de Silvanus dans Grom., I, 302, 12 sq., en contexte latin (not par G. PICCALUGA,Terminus, Rome 1974, p. 146-7), rend effectivement probable que cette lgende soitd'origine trusque (dans ce sens dj CO. MULLER, W. BEECKE^ieEtrusker2, Stuttgart1877, II, p; 63-64). Pour l'inscription Selvans Sanchuneta, voir galement F. RONCALLI,PP, XXXVnil, 1983, p. 296-298 ; CD. DE SIMONE, PP, XXXIX, 1984, p. 44-53.38. Voir PL., III, 5 (8), 50 ; I. Lyd., Le. Le premier se place dans une perspectiveinvasionniste o Ombriens, Plasges, Lydiens se succdent sur le sol trusque, chaque foisen chassant les oc upants antrieurs. Mais la rgion reste toujours Etruria, selon le nompos ds l'origine. Le second fait des Etrusques des autochtones, qui changent de nom l'arrive de Tyrrhnos ; mais leur nom premier, Etrusques, est le seul vraiment li au pays.Celui de Toscans s'explique par l'apport religieux de Tyrrhnos (la thyoscopie).39. Voir ., 1,30,3 : &l yp, l l xrjs x^pa . .-'Expop Caspoaayopeuoyvns 'Expoaxous tous

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    310 D. BRIQUELLa doctrine est emprunte Varron (cf. L.L., V, 132) ; d'ailleurs tant le passage de Pline(qui parat correspondre une adjonction du Ratin au schma hrit d'Artmidore) quecelui de Denys (avec sa richesse linguistique qui ne tient certainement pas l'auteur lui-mme) doivent tre issus de Varron.40. Voir Serv., ad Verg., Aeru, 1, 2 : est enom in libro qui inscribitur terme jurisEtruriae scriptum vocibus Tagae eum qui genus a perjuris duceret fato extorrem et proju-gum esse debere. La leon des manuscrits a t dfendue juste titre par S. MAZZARINO,art. cit, p. 108. Cf. dj J. HEURGON, Latomus, XI, 1953, p. 404. En revanche A. LION,d. Gttingen 1826, crivait ruris d'aprs une correction du manuscrit de base (vel ruris) ;G. THILO, H. HAGEN, d. Leipzig 1881, adoptaient une correction de BERGCK, litteraepour terrae, et l'dition de Harvard 1946, jugeait le passage dsespr.41. Voir art. cit, p. 106-110. L'inscription figure au n 570 du recueil de M. PAL-LOTTINO, Testimonia Linguae Etruscae.42. Il est significatif, si l'on adopte les propositions de S. MAZZARINO, que le mmeterme tesn se retrouve pour dsigner la disciplina Etrusca, soit les libri trusques avec unaspect plus proprement religieux, et en particulier la divination (tesns teis rasne, o teisest dmonstratif) et le jus terrae Etruriae (helu tesne raine o helu correspondrait terrae).Il s'agirait donc, si l'on veut, de la disciplina de la terre trusque : il n'y a pas de conceptionprofane du droit, indpendante de la religion.43. On a not depuis longtemps la correspondance ponctuelle entre la formule duliber terrae juris Etruriae cite par Servius et la fin de la prophtie de Vegoia (neque fallaxneque bilinguis sis). S. WEINSTOCK, RE, VIII A, 1955, 579, notait la correspondanceentre le texte de cette prophtie et les formules juridiques romaines, mais J. HEURGON,art. cit, JRS, p. 41, n. 5, souligne que cet aspect juridique reste subordonn au style prophtique l'aspect religieux.44. Voir tombe Golini I ; sur la signification sociale de cette reprsentation, contemporaine de la priode des rvoltes serviles, FJI. MASSA-PAIRAULT, Problemi dilettura,dlia pittura funeraria di Orvieto, DArch., III, 2, 1983, p. 19-42, spec. p. 20-26.45. Les donnes connues concernent Arezzo, avec la rvolte en 302 des lmentspopulaires contre la riche famille des Cilnii, soutenue par Rome (Liv., X, 3, 1-2), le sigede la ville inconnue de Troilum en 293, o le consul Sp. Carvilius laisse chapper les richesmais chtie la plbe, et surtout, cas o il s'agit explicitement de servi, les vnements rapports par le Pseudo-Aristote, Demir. ausc.,94, propos d'une cit Oinarea, qui est peut-tre Volsinies elle-mme (voir J. HEURGON, Oenarea-Volsinii, Festschrift F. Altheim,Berlin 1969, p. 273-279), o les esclaves s'taient empars du pouvoir, et ceux concernantVolsinies s'il s'agit bien d'un cas diffrent du prcdent avec sa conqute en 265-4sur les esclaves qui dominaient la cit (les sources sont nombreuses : Flor., 1, 16, Val.Max., IX, 1, De vir. ill, 36, Oros., IV, 5, 4, Iohan. Antioch., FHG, IV, p. 557, fr. 50, etsurtout, le plus explicite, Zonaras, VIII, 7 C, suivant Dion Cassius ; pour une bonne prsentation rcente de la question, P. GROS, Bolsena, guide des fouilles, Rome 1981, p. 2-12).Mais les troubles sociaux en Etrurie ne se limitent pas cette priode des environs de300, au cours de laquelle Rome soumet l'ensemble de la Toscane. Il y a eu une rvolte

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    DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 311servile, prsente comme gnrale, en 196 (Liv., , 36, 1-3). Et Ylogium d'AulusSpurinna, trouv sur le forum de Taquinia, parle d'une guerre servile mene par ce personnage ontre Arezzo, qui serait situer, d'aprs l'interprtation de M. TORELLI, ElogiaTarquiniensia, Rome 1975, p. 3944, 47-92, dj vers le milieu du IVe s.46 . On a reconnu depuis longtemps que l'utilisation de YEtrusca disciplina Romes'est gnralement faite dans le sens du conservatisme politique et social. Sur cette question,on se reportera maintenant B. MAC BAIN, Prodigy and Expiation, Bruxelles 1982.47. La prophtie de Vegoia est gnralement attribue Chiusi : le nom de familleVcu est frquent dans cette zone. Elle semble tre une figure prophtique de Chiusi,comme Tags l'est pour Tarquinia.48. Voir supra, n. 29.49. Les remarques de E. CAVAIGNAC voir n. 30) pchent sur ce point dans lamesure o l'tat social trusque a pu tre sensiblement diffrent de celui que connaissaitRome, et admettre par exemple des sortes de pnestes (voir J. HEURGON, Les pnestestrusques chezDenys d'Halicarnasse, Latomus, XVIII, 1959, p. 713-723).50. Voir respectivement, S. MAZZARINO, art. cit, p. 111-2, J. HEURGON, JRS,p. 44. Dans le sens d'une propagande des domini, aussi H.M.R. LEOPOLD, SMSR, V,1929, p. 47, n. 7 ; W.V. HARRIS, o.c, p. 39.51. Il est frquent dans les prdictions d'origine trusque que le danger reprsentpar la perte de cohsion des classes dirigeantes soit voqu : on le voit ainsi dans la rponsedes haruspices voques par Cicron (Har. resp., 40). Pour l'analyse de ce texte,, voirCO. THU1IN, o.c., , p. 78-79 ; R. BLOCH, Les prodiges dans l'antiquit classique, Paris1963, p. 50-5.52. Il est bien sr impossible de savoir si cette conception avait donn lieu unmythe d'autochtonie au sens propre, expliquant que les Etrusques taient sortis du sol.Le motif n'est ainsi attest que pour Tags, et il parat dangereux d'extrapoler partir deson cas. Le Celsclan, fils de la terre, auquel s'oppose Laran sur un miroir, n'est que la transcription trusque des Gants grecs, Ggneis (voir G. COLONNA, RSA, VI-VH, 1976,p. 53-6). Et il est difficile de tirer quoi que ce soit des reprsentations d'urnes o figureun personnage brandissant un soc (parfois identifi avec Echetlos, le hros sorti du sol lorsde la bataille de Marathon ; voir M. CRISTOFANI, L arte degli Etruschi, produzione econsumo, Turin 1978, p. 210).53. Voir supra n. 26.54. Une telle reprsentation peut videmment coexister avec d'autres ; et en particulier avec une acceptation de la thse lydienne (qui est atteste pour l'Etrurie par le dcretrendu officiellement par sans doute le conseil des peuples trusques qu'voque Tac,An., IV, 55).55. Voir p. ex. Arstt., Rhet., 1,5, 5:euYveta yev o3v edvet uv. xal auTx^ovag pxctous evao Mai, tVyeuvcis tous uu-ml noAAos Lcpavets yeYovevau otUTv nl rots ChAouvols.Sur la valeur de l'autochtonie en Grce, voir maintenant E. MONTANARI, 77 mito del-l'autoctonia : linee di una dinamica mitico-politica ateniese, Rome 1981 ; N. LORAUX,

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    Les enfants d 'Athna, Paris 1981, p. 35-73.56. Voir EL, XXXV, 18.57. Voir o.c., p. 8.58. De mme il parat difficile d'affirmer l'existence, partir de la seule prsentationpar Zonaras des gens de Volsinies comme les plus anciens des Etrusques, d'une traditionexplicite, posant Volsinies comme mtropole et cit la premire fonde de l'Etrurie.59. Voir Plut., Tib. Gr., 8, 9 :60. Voir dans ce sens S. MAZZARINO, art. cit, p. 110, qui souligne bien la diffrence entre le vieux colonat trusco-italique et le systme esclavagiste des latifundia.61. Voir p. ex. J. HEURGON, Vie quotidienne, p. 88, et plus gnralement la bibliographie cite n. 29.62. P. GROS pense des Campaniens, en se fondant sur l'pisode du Samnite quirvle aux rvolts les menaces leur gard. On peut aussi penser des Ombriens, voiredes Vntes ou des Celtes, populations dont on constate la prsence dans l'onomastiquedes lautni (H. RIX, o.c., p. 364).63. Voir Dos etruskische Cognomen, p. 342-356.64. Dans ce sens, W.V. HARRIS, Rome inEtruria and Umbria, p. 113.65. Il est noter que, dans le rcit de Jean le Lydien, l'apport de Tyrrhnos estd'ordre culturel, non ethnique. Rappelons qu'il n'y a pas de fermeture systmatique deces principes toscans par rapport l'extrieur, et que le prestige culturel de l'hellnismepeut permettre certains Grecs de s'insrer dans le groupe. Un bon exemple en est offertpar le cas de Laris Pulenas, bien analys par J. HEURGON, Influences grecques sur lareligion trusque : l'inscription de Laris Pulenas, REL, XXXV, 1957, p. 106-21, dont lafamille est issue d'un Grec venu au IVe s., se prsentant comme issu du fameux devinPolies.

    RsumLa question des origines trusques a toujours t l'objet d'un vaste dbat - et djdans l'antiquit comme le montre Denys d'Halicarnasse. Mais le dbat n'a pas alors td'ordre purement scientifique. Dfendre une opinion sur les origines trusques signifieadopter une position par rapport aux Etrusques eux-mmes. Ainsi les auteurs grecs quidfendent la thse de l'origine plasgique ou lydienne (qui rattache les Etrusques l'univers des Grecs) signifie leur tre favorable ; dfendre celle de l'autochtonie (qui fait d'euxde purs Italiens, des barbares) leur tre hostile. Le dbat ne concernait pas seulement lestrangers : il a eu une importance idologique pour les Etrusques aussi. Ainsi il semble quel'autochtonie a jou un rle dans le contexte des troubles socio-conomiques de la priodehellnistique : Cette thse a fourni un moyen la classe dirigeante de justifier sa positiondominante par rapport la classe infrieure : celle-ci tait prsente comme composed'immigrants tardifs, d'trangers qui n'avaient aucun droit sur une terre qui appartenait celle-ci, qui la possdait depuis le temps des origines.

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    DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 313Problem of Etruscan origins has always been matter of great debate among scientists already in classical times, as shown by Dionysus of Halicarnassus. But the debate

    was not then a purely scientific one. Uphold an opinion about Etruscan origins meansadopt a position about the Etruscan themselves. Thus for Greek writers defend the theoryof a Pelasgian or Lydian origin (i.e. connecting Etruscan with Greek universe) means befavourable to them ; defend that of autochtony (i.e. making them purely Italian, barbarian)eans be adverse. Debate was not only among foreigners : it had an ideological importance for the Etruscan too. So autochtony seems to have been stressed upon by Etruscanduring the social - economic disturbances of the hellenistic period. It was a mean for theleading class to justify their privileges against the lower one : the later was presented aslater immigrants, foreigners who had no rights to hold the country, which belonged tothe former, who had been granted with it from the origins.