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OLD’UP Actualités culturelles : réunion du 20 janvier 2015 Visions d’Architectes Viollet le Duc : Les visions d’un architecte Cité de l’Architecture & du Patrimoine, Comment raconter un monument ? Eugène Viollet-le-Duc n’est-il pas devenu lui-même un monument ? Lui qui a restauré plus de 200 monuments historiques de la France dont les plus importants comme la basilique de Vézelay, la cathédrale de Notre Dame de Paris, la Cité de Carcassonne… Il les met « en état » tels qu’ils auraient dû être au Moyen Age. Il a été admiré comme le plus réputé d’entre les architectes de son siècle ; mais aussi critiqué, controversé déjà en 1880, date de l’exposition au musée Cluny quasiment au lendemain de sa mort. On lui reproche – hier et aujourd’hui encore - les ajouts à des monuments phares, des restaurations portant durablement les traces de ses conceptions, une absence d’authenticité. Pour le bicentenaire de son anniversaire, la cité de l’Architecture & du Patrimoine a souhaité relever le défi en présentant l’œuvre complete de VD en mettant en avant des facettes méconnues de sa personnalité complexe nourrie par visions et voyages. Comme son oeuvre est immense et multiple, c’est une exposition fleuve… Viollet-le-Duc est né le 27 janvier 1814 dans une famille de la haute bourgeoisie parisienne. Son père est conservateur des résidences royales. Chez son oncle maternel, Etienne-Jean Delécluze ( 1781 – 1863 ), ancien élève de David, il rencontre artistes, peintres et architectes et, parmi eux, Prosper Mérimée. A 17 ans il fait l’école buissonnière et part avec son oncle pour le premier grand voyage à travers la France ( 1831 )….. D’autres suivront. Jamais sans son carnet d’esquisses. Plus tard ( dès 1838 ) il va illustrer les « Voyages pittoresques & romantiques dans l’ancienne France » du baron Taylor . Le 12 mars 1836 à 6 heures du matin, le jeune homme de 22 ans ( au fait, il est marié et déjà papa ) part pour l’Italie, étape important dans la formation d’un architecte en herbe, parfaire son éducation hors de tout cadre académique…qu’il abhorre. « Je voudrais tant revenir de là en homme de vrai talent. Et j’ai tellement peur de la médiocrité » écrit-il a son père. Il reviendra 18 mois plus tard, rapportant 450 croquis & dessins. A Taormine, Palerme, Syracuse, Naples, Rome, Florence, Venise il récolte tout : architecture, statuaire, sculpture décorative, mosaïque, peinture murale… il est un magnifique conteur par la mine de plomb, le lavis de sépia, la gouache. A Rome l’imagination l’emporte : « Je vois le Colisée avec son immense mer de gradins couverts de la foule romaine…, et cette arène, aujourd’hui calme, silencieuse, je la vois teinte de sang. » En visitant le Palais des Doges à Vénise, il s’écrie : « C’est le Parthénon du Moyen Age ». A son retour, il est très vite enrôlé par Prosper Mérimée, ( 1803 – 1870 ) dans le service des monuments historiques dont ce dernier est depuis peu ( 1834 ) Inspecteur général. VD participe au chantier pilote de la Sainte Chapelle. En 1840 Prosper Mérimée le charge du chantier de la basilique de Vézelay, édifices délabré considéré par d’aucun comme irrécupérable … il n’a que 26 ans et il réussit. C’est le début d’une brillante carrière. Dans les années 1820-1830 une nouvelle conscience patrimoniale apparaît qui reconnaît « l’admirable enchaînement de nos antiquités nationales » ( François Guizot ). Grâce au mouvement de restauration du patrimoine médiéval porté par Prosper Mérimée, on redécouvre les œuvres d’art gothique autrefois

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OLD’UP Actualités culturelles : réunion du 20 janvier 2015 Visions d’Architectes Viollet le Duc : Les visions d’un architecte Cité de l’Architecture & du Patrimoine, Comment raconter un monument ? Eugène Viollet-le-Duc n’est-il pas devenu lui-même un monument ? Lui qui a restauré plus de 200 monuments historiques de la France dont les plus importants comme la basilique de Vézelay, la cathédrale de Notre Dame de Paris, la Cité de Carcassonne… Il les met « en état » tels qu’ils auraient dû être au Moyen Age. Il a été admiré comme le plus réputé d’entre les architectes de son siècle ; mais aussi critiqué, controversé déjà en 1880, date de l’exposition au musée Cluny quasiment au lendemain de sa mort. On lui reproche – hier et aujourd’hui encore - les ajouts à des monuments phares, des restaurations portant durablement les traces de ses conceptions, une absence d’authenticité. Pour le bicentenaire de son anniversaire, la cité de l’Architecture & du Patrimoine a souhaité relever le défi en présentant l’œuvre complete de VD en mettant en avant des facettes méconnues de sa personnalité complexe nourrie par visions et voyages. Comme son oeuvre est immense et multiple, c’est une exposition fleuve… Viollet-le-Duc est né le 27 janvier 1814 dans une famille de la haute bourgeoisie parisienne. Son père est conservateur des résidences royales. Chez son oncle maternel, Etienne-Jean Delécluze ( 1781 – 1863 ), ancien élève de David, il rencontre artistes, peintres et architectes et, parmi eux, Prosper Mérimée. A 17 ans il fait l’école buissonnière et part avec son oncle pour le premier grand voyage à travers la France ( 1831 )….. D’autres suivront. Jamais sans son carnet d’esquisses. Plus tard ( dès 1838 ) il va illustrer les « Voyages pittoresques & romantiques dans l’ancienne France » du baron Taylor . Le 12 mars 1836 à 6 heures du matin, le jeune homme de 22 ans ( au fait, il est marié et déjà papa ) part pour l’Italie, étape important dans la formation d’un architecte en herbe, parfaire son éducation hors de tout cadre académique…qu’il abhorre. « Je voudrais tant revenir de là en homme de vrai talent. Et j’ai tellement peur de la médiocrité » écrit-il a son père. Il reviendra 18 mois plus tard, rapportant 450 croquis & dessins. A Taormine, Palerme, Syracuse, Naples, Rome, Florence, Venise il récolte tout : architecture, statuaire, sculpture décorative, mosaïque, peinture murale… il est un magnifique conteur par la mine de plomb, le lavis de sépia, la gouache. A Rome l’imagination l’emporte : « Je vois le Colisée avec son immense mer de gradins couverts de la foule romaine…, et cette arène, aujourd’hui calme, silencieuse, je la vois teinte de sang. » En visitant le Palais des Doges à Vénise, il s’écrie : « C’est le Parthénon du Moyen Age ». A son retour, il est très vite enrôlé par Prosper Mérimée, ( 1803 – 1870 ) dans le service des monuments historiques dont ce dernier est depuis peu ( 1834 ) Inspecteur général. VD participe au chantier pilote de la Sainte Chapelle. En 1840 Prosper Mérimée le charge du chantier de la basilique de Vézelay, édifices délabré considéré par d’aucun comme irrécupérable … il n’a que 26 ans et il réussit. C’est le début d’une brillante carrière. Dans les années 1820-1830 une nouvelle conscience patrimoniale apparaît qui reconnaît « l’admirable enchaînement de nos antiquités nationales » ( François Guizot ). Grâce au mouvement de restauration du patrimoine médiéval porté par Prosper Mérimée, on redécouvre les œuvres d’art gothique autrefois

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méprisées comme « d’un goût barbare et d’une exécution ridicule » et souvent saccagées quand elles n’étaient pas détruites sous la Révolution. Il faut sauvegarder cette vision du génie français. Et en premier lieu, sauver ND de Paris. « Cette vieille reine, œuvre colossale d’un homme et d’un peuple » : Livre troisième de Notre Dame de Paris de Victor Hugo publié en 1831. Le franc succès que connaît ce roman donne à cette sensibilité patrimoniale une large audience auprès du public. VD est appelé à la rescousse ( en collaboration avec Jean Baptiste Lassus et toute une équipe d’artistes et d’artisans). Le chantier durera une vingtaine d’années ( 1844 – 1865 ). Pour lui, la cathédrale est un organisme vivant qui réclame son accomplissement : une gigantesque fleur de pierre parvenue à maturité ( sa définition de la cathédrale idéale du 13° siècle ). Donc, iI invente une architecture totale inclus mobilier, orfèvrerie, vitraux, décors sculptés, un peuple d’animaux fantastiques, gargouilles, chimères… du vrai faux Moyen Age… mais quelle splendeur ! . Toute une salle accueille le Trésor de ND de Paris exécutés selon ses dessins : Buste reliquaire de St Louis 1857, Grand Ostensoir 1867, Grand lutrin 2,80 m haut Et pendant que le baron Haussmann rase les vieux quartiers autour de ND ce qui changera définitivement le visage de Paris, qu’est–ce que fait VD ? Il est très occupé : en tant qu’inspecteur des édifices diocésains, il assume simultanément la charge de 26 diocèses et de nombreuses cathédrales. Il construit des maisons, des immeubles, des écoles et des églises. Pour mieux faire connaître ses théories, il rédige des dictionnaires raisonnés et les Entretiens sur l’architecture ( 1863 ) – écrits théoriques considérés comme les bases de l’architecture moderne. Et la modernité ? Le fer, la fonte, le verre… Autour de lui, l’architecture métallique est en marche. Henri Labrouste réalise la bibliothèque Ste Geneviève ( 1851 ) et la salle de lecture de la bibliothèque impériale. Victor Baltard construit les 12 pavillons des halles centrales de Paris ( 1863 ) VD n’aime pas le métal, surtout pas dans ses chères cathédrales. Quoique intéressé par les nouvelles techniques du bâtiment, qu’il nomme des hardiesses futures, iI demeure partisan de la pierre et voit dans le fer qu’une sorte d’accessoire utile adapté aux constructions nouvelles. Son système va trouver ses limites face aux ingénieurs des chemins de fer. Mis en concurrence avec eux lors de la restauration de la tour de la cathédrale de Bayeux ( 1852 ) c’est leur solution qui est finalement retenue. Quand Napoléon III le nomme son architecte personnel pour la restauration du château de Pierrefonds, il utilise des structures de fer. Le chantier se transforme en projet de résidence impériale. VD réalise un rêve d’enfant en édifiant un palais médiéval en toutes pièces. ( début des travaux en 1858 ) Après le temps des cathédrales vient le désenchantement : la guerre avec la Prusse 1870/71, la défaite de la monarchie. VD, un éminent acteur sous le Second Empire, est condamné à mort par la commune. Il quitte Paris et s’installe en 1874 à Lausanne. Ses dernières années sont partagées entre le chantier de la cathédrale et des randonnées en montagne. Ses premières excursions sur le massif du Mont Blanc datent de 1868. Depuis, ce virtuose du dessin, rapporte de centaines d’esquisses et d’aquarelles de ses courses. En 1874, il publie une carte topographique du massif du Mont Blanc. Voyant des rapports intimes entre la géologie et l’architecture, il invente une vision géométrisante de la montagne qu’il voulait restaurer par le dessin dans ses formes originelles. Il meurt le 17 septembre 1879 à Lausanne ( 65 ans ). Au début du 20° siècle, VD devint synonyme des excès du romantisme d’une restauration arbitraire.

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Un colloque organisé à Paris en 1979 pour le 100° anniversaire de sa mort et l’exposition à l’Ecole des Beaux Art « Le voyage en Italie d’Eugène Viollet-le-Duc 1836 – 1837 » en 1980 contribuent à sa réhabilitation. La basilique St Sernin de Toulouse a été « de-restaurée » en 1995/96. On est revenu à l’état précédant les travaux de VD ANNEXE : 1884 créations de la société des Amis des monuments parisiens 1897 Commission du vieux Paris qui depuis étudie toutes les demandes de permis de démolir ou construire à Paris. Prosper Mérimée dès 1842 entreprend un classement des monuments historiques, repris par André Malraux un siècle plus tard : en résulte l’inventaire général des Monuments s et richesses artistiques de la France qui devient en 1978 la BASE MERIMEE, depuis 1995 en ligne.

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 Actualité Culturelle 17 février 2015

LA FONDATION LOUIS VUITTON

La plus grande fondation privée d’Europe, la fondation Louis Vuitton est née du rêve de Bernard Arnaud ( LVMH) de doter Paris d’un lieu dédié à l’art contemporain et du choix de l’architecte qui construirait l’édifice, Frank Gehry dont la renommée n’est plus à faire Bernard Arnaud voulait un édifice sans précédent, une véritable œuvre d’art. En 2004 il convoque Franc Gehry sur les lieux choisis le Jardin d’Acclimatation du Bois de Boulogne à Paris, celui-ci gribouille une ébauche, comme de coutume, et l’affaire est lancée. Il faudra 10 ans pour que la Fondation soit terminée, non pas à cause de problèmes techniques mais pour aplanir tous les tracas administratifs, débouter les associations de défenses écologiques, environnementales et autres. Enfin, le monument déploie ses monumentales voiles de verre autour d’un bâtiment de béton blanc aux formes irrégulières qu’on appelle l’iceberg. Un défi à la pesanteur et une prouesse esthétique et technique.

Il est inauguré en octobre 2014 par François Hollande.

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Un peu de technique :

Le bâtiment a une surface de 11 700 m2 et 40 m de haut. L’installation des 12 voiles de verre a nécessité une étude approfondie pour que leur poids et au vent ainsi que le comportement des différents matériaux la structure qui associe l’acier et le bois, 2 matières qui travaillent différemment selon les variations climatiques. Ainsi, la plus grande voile située à l’est, présente une surface de 3 000 m2 pour un poids de 500 tonnes le tout soutenu à 25 m au-dessus de la terrasse supérieure. La fabrication de 3600 panneaux de verre a nécessité l’adaptation d’un procédé sans moule pour fabriquer ces panneaux tous différents dans leur courbure. La création des 19 072 panneaux de béton de l’iceberg couvrant 9 000 m2 ont demandés la même prouesse technique. Le verre choisi est un verre feuilleté ultrablanc et sérigraphié par des points blancs tous les millimètres qui donnent à l’ensemble cette couleur laiteuse. Suivant les saisons, les voiles rendent plus ou moins visible l’iceberg qui, revêtu d’un béton très blanc ressemble à de la porcelaine. Et tout cela a été réalisé grâce à un logiciel de Dassault Système destiné au départ à l’aéronautique. L’ensemble de la structure contient environ 200 000 pièces

A la découverte de la Fondation

Si vous arrivez par la Porte Maillot, (côté ouest) vous découvrez la proue impressionnante de ce magnifique navire échoué dans la verdure, pas tout à fait à sec car d’un grand escalier cascade en vaguelettes l’eau qui alimente un bassin, bordé par une terrasse entourant le navire jusqu’à l’arrière de la proue. On découvre celle-ci en arrivant par la Porte de Madrid (Coté est). La façade sud (coté Bois de Boulogne) et celle du nord (coté Jardin d’Acclimations) sont d’un équilibre très harmonieux. Et l’intérieur ?

On y accède par une haute galerie en forme de cube, très lumineuse, grâce à des ouvertures à l’est et à l’ouest en trapèze, donnant sur la verdure et le ciel de Paris.

En entrant à droite, l’accueil, spacieux et sympathique avec des guides odios pour enfants, suivi d’une grande alcôve menant à l’auditorium et aux ascenseurs desservant les terrasses des étages 2, 3 et 4. Au fond, le

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restaurant « Le Frank » tout en lumière et en couleur grâce aux lampes poissons de Guéry qui pendent irrégulièrement du plafond. Côté gauche se trouve la librairie, spécialisée dans l’art contemporain peu spacieuse et mal organisée. Une alcôve faisant pendant à la précédente est consacrée à l’accès aux galléries.

Suivant l’heure et le temps, on peut :

- Descendre au -1 , magnifique environnement avec une promenade autour du bassin et vu sur l’architecture de la « cale » du vaisseau. Cette cale est occupée par la grotto, espace consacré à super(œuvre premanente) kaléidoscopique géante autour de la coursive du grotto donne un jeu infini de couleurs et de miroirs. La pièce maîtresse de ce niveau est l’auditoriumde 350 à 1000 places modulables, grande salle à la fois sobre et techniquement sophistiquée, pouvant devenir un grand espace plan pour l’événementiel, les fauteuils disparaissant sous un parquet magnifique. Le rideau de scène est une œuvre commandée à l’artiste Ellsworth Kelly, 5 bandes monochromes jaunes rouges bleues, vertes et violettes. L’idée de conception de cette salle est que les différents arts contemporains soient en résonnance.

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- - Accéder aux niveaux supérieurs. Les deux premiers sont constitués de salles d’exposition de la

CollectionLVMH ou d’artistes invités. L’accrochage se renouvellera périodiquement. Cette

-

- partie musée est blanche, froide. voire austère, de volumes diverses, pour que l’œil se concentre sur les œuvres. Ces deux niveaux plongent sur la galerie centrale et sont prolongés au deuxième niveau par une terrasse, ce qui les relie à l’ensemble de l’iceberg. Les étages3 et 4 sont un

éblouissement en découvrant des enchevêtrements inouïs de la structure et la qualité des matériaux. Entre ces enchevêtrements s’ouvrent des perspectives sur la végétation environnante, et surtout sur une perspective à 180o de Paris et la Grande Couronne. A ne pas manquer, même si on est sujet au vertige !

- En conclusion

- Ce bâtiment est conçu pour évoluer avec les saisons et l’heure de la journée, les activités variant beaucoup, les visites sont toujours surprenantes. Sa découverte de nuit est à ne pas manquer, la vue sur le bassin parisien est très belle et l’intérieur a une ambiance cinématographique élégante.

- Il faut souligner que cette belle réalisation est presque entièrement française (à part son architecte américain, ses ascenseurs allemands…) : son financement, la ville où elle se situe, l’ingénierie, les entrepreneurs (Vinci, Setec Bâtiment, Saint-Gobin, Dassaut…).

- Voici ce que dit Franc Gehry « J’ai eu au cœur de concevoir à Paris un vaisseau magnifique qui symbolise la vocation culturelle de la France »

On peut aimer ou ne pas aimer, être dérouté, mais c’est dorénavant un nouveau fleuron artistique parisien. Cocorico !!!

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Réunion du 21 avri l : Trois artistes contemporains - tous des septuagénaires - dans les années 1960 précurseur dans leurs domaines - qui comptent parmi les créateurs les plus marquants de leur génération. 1 ) Fondation Cartier pour l'art contemporain 261 bd Raspail 75014 Paris 4 mars - 21 juin installations, vidéos, pièces sonores de Bruce Nauman ( 73 ans ) et son théâtre de l'expérience sensoriel le BN artiste plasticien américain est un des pionniers de l'art vidéo - comme Bill Viola et Nam June Paik un des grands noms de ce média - qui explore de multiples moyens d'expression. né le 6 décembre 1941 à Fort Wayne, Indiana USA . Il abandonne ses études de mathématiques et physique et obtient son Master of Fine Arts à l'Université de Californie . Aujourd'hui, il vit retiré près de Santa Fé Nouveau Mexique dans un ranch avec ses chevaux 2009 Lion d'or à la Biennale de Venise. Annoncé comme première grande exposition depuis 1997 au Centre Pompidou, la Fondation accueille une mini-retrospective qui introduit dans le monde particulier de BN. Tout commence à la fin des des années 1960 quand la vidéo s'établit dans le contexte de l'art. BN - a 26 ans - saisit l'instant. Pour lui, la peinture est tombée en panne. Dans son atelier - une vielle épicerie à San Francisco - il se filme en train de marcher, adopte des poses sculpturales contre le mur et sur le sol. Il transforme des mouvements ordinaires en éléments d'art. Influence de la chorégraphe Meredith Monk. Pas exposé : 1967/68 Vidéo de 10 minutes: : "Walking in exagerrated manner around the perimeter of a square" dans lequel il déambule dans son atelier en accentuant ses mouvements. 1968 Wall/Floor Positions Dans son théâtre de l'expérience sensorielle ça parle, ça bouge, ça provoque. Il dit de ses oeuvres : " Je veux qu'ils soient véhéments et agressifs, parce que ça oblige les gens à prêter attention". Déjà de la rue on aperçoit dans la grande salle vitrée du RdC deux immenses écrans où se déroule une sorte de numéro de lévitation à la Houdini ( célèbre magicien, prestidigitateur 1874 - 1926) : Pencil Lift/Mr Rogers ( 2013 ). C'est une affaire de temps, du mouvement des corps dans l'espace. Les thèmes de prédilection de l'artiste. On est comme médusé devant ce spectacle : 3 crayons tenus bout à bout flottent dans l'air. De temps en temps on aperçoit les doigts du manipulateur. Les crayons montent, tressaillent, tombent. Et ça recommence sans fin. A droite la performance se passe dans l'atelier de BN, en arrière-plan on voit passer M Rogers, son chat. A gauche, le fond blanc donne une dimension abstrait et graphique à l'événement. Côté gauche du RdC une salle vide saturée de sons : Deux voix répètent inlassablement les mêmes mots : "For children - Pour les enfants". Une incantation magique, un mantra qui apaise plutôt qu'il excite, irrite. L'idée de cette installation sonore de 2015 lui vient quand il découvre les partitions pour enfants de Bela Bartok écrit vers 1908/09 en tenant compte de la taille de leurs mains. Le processus de l'apprentissage ( apprendre à jouer du piano ) est capté, transformé, rendu audible. Le langage est considérée comme forme de vie, comme activité ( concept qui s'appuie sur l'oeuvre de Ludwig Wittgenstein, philosophe autrichien). BN est également influencé par les composions sérielles, systèmes sans commencement et fin.

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Dans le jardin : For beginners - instructed Piano...un confetti sonore sort de haut-parleurs cachés... un concert immatériel. Au sous-sol un boucan infernal : Rinde facing camera- Anthro/Socio ( 1991 ) une installations audiovisuelle complexe : Des grosses têtes (du performer et musicien Rinde Eckert ) hurlent en boucle : Feed me, Eat me, Anthorpology. Help me, hurt me, Sociology. Feed me, Help me, Eat me, Hurt me. La tête demande de la nourrir, de l'aider, de la manger de la blesser. L'installations se transforme en happening quand un garçon entre le public inspecte le matériel qui encombre la salle : 3 vidéoprojecteurs, 6 moniteurs couleur, 12 haut-parleurs. La tête articule AAA, ouvre grande la bouche, l'enfant avance perdu dans son jeu. Tout à coup c'est une scène d'effroi, l'illusion que le petit est happé, mâché, mangé par l'ogre. A côté se déroule un manège de la cruauté : Carousel stainless steel version ( 1988 ) : des corps démembrés d'animaux moulés à partir de modèles empaillés sont entraîné dans un infernal circuit sans fin. Des corps devenus des choses. 1970-2009 'Untitled' Video performance : 2 danseurs tournent comme des aiguilles d'une montre dans une mécanique inhumaine. Ce qu'on ne voit pas dans l'exposition qui s'adresse également à un public familial ( Guide Jeune Public ): 1 ) les installations de néon où des tubes en couleurs fluorescentes montrent à travers des mots, des phrases des situations violentes et/ou sexuelles. 2 ) les installations anxiogènes : 1969/70 "Live tapes vidéo corridor" Guggenheim New York : des lliques ou couloirs exigus construit en panneaux de bois dans lequel le corps sera contraint à l'immobilité et s'observe grâce à une installation vidéo. Des critiques parlent d'une sorte de purgatoire laïque. Angoisse en latin angustia : lien étroit 2 ) Galerie Gagosian 4 rue de Ponthieu, 75008 Paris 12 mars - 7 mai Books, Prints & Photographs - un ensemble consacré aux seuls médias imprimés : photographies, dessins, lithographies et livres dont les légendaires livres d'artistes réalisés entre 1963 et 1970 qui font de Ed Ruscha ( 77 ans ) l'homme des 26 stations-service. Peintre, dessinateur, graphiste, photographe, éditeur américain et admirateur de Duchamp. 11 et 12 mars : conférence internationale sur l'oeuvre d'ER au Centre Pompidou et le 13 mars au Centre de Création contemporaine à Tours. ER est né le 12 décembre 1937 à Omaha, Nebraska, depuis 1956, il vit à Los Angeles. Son oeuvre est intimement liée à à la vie californienne, à Los Angeles, capital du Pop Art et du cinéma. 2005 représente les USA à la biennale de Vénise 2006 ED photographer : expo au Jeu de Paume, Paris En 1956, à 19 ans, ER venant de son Nebraska natal, débarque à Los Angeles. Après les Beaux Arts, il travaille comme graphiste et dessinateur dans des agences de publicité. Mais ce qu'il aime faire: sillonner en voiture les routes californiennes, photographier des sujets banals non encore défrichés comme les stations-service. En 1963 il publie Twenty six Gasoline stations - des instantanés d'architecture fonctionnelle réunis dans une brochure de petit format vendue à 3,50 $. Ce sont des stations d'essence photographiées en N/B avec des légendes indiquant leur marque et localisation comme dans un catalogue d'oeuvres d'art. ER l'envoie à la bibliothèque du Congrès américain qui enregistre toutes les publications mais qui le rejète à cause de sa forme peu orthodoxe ( la lettre originale est exposée ).

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Depuis, 26 stations service est devenu une icône, un objet culte. Plus de 70 artistes 'imitateurs' - sont exposés à la Galerie - dont Bruce Nauman avec Burning small fires (1968). ER crée toute une série semblable : Tous les bâtiments sur sunset strip ( 1966) ; 34 places de parking (1967) ; 9 piscines et un verre cassé (1968 ) etc etc Il invente une esthétique photographique minimaliste sérielle, teinte d'un déroutant sens de l'humour ... pince sans rire ...un effet Buster Keaton, l'homme au visage impassible qui ne rit jamais . Ce sont des READYMADES actualisés à la mode POP. En 1962 se tient à Pasadena l'exposition historique New Painting of common objets - Nouvelles images d'objets banals - qui est considérée comme l'une des premières expos Pop Art aux Etats unis. Les oeuvres de ER sont accrochées à côté de celles d'Any Warhol et de Roy Lichtenstein. Duchamp a découvert les objets banals et usuels comme matériaux artistiques. ER les met au coeur des son oeuvre en s'appuyant sur la convergence entre l'art pop et l'art pub(licité) - le dessin commercial de la société de consommation - comme tout artiste pop qui se respecte, Warhol inclus. En 1961, il photographie et imprime ses "natures mortes de marchandises" - Product still lifes : un paquet de raisins ou un bidon de térébenthine - c'est le packaging, la typographie, la forme des lettrages qui l'intéressent...."There is no job too small" s'intitule un des ses tableaux à mots. Dès les années 1960 apparaissent les word pictures qui superposent des reliefs de mots, des images de Hollywood, des massifs de montagnes, et qui ressemblent à de panneaux publicitaires. ER crée des paysages mentaux qu'il magnifie en icônes picturales comme avec le célèbre écriteau Hollywood au-dessus de Los Angeles. Il le représente en cinémascope, scène finale d'un drame épique au coucher du soleil. ER l'investit d'une aura puissante et lui donne une version californienne d'infinité. La série Hollywood' 1968/69 prend une place prééminente dans son oeuvre. L'écriteau monumental ( 14 m hauteur ) a été érigé en 1923 sur la colline surplombant le quartier du même nom de Los Angeles destiné à commercialiser un programme immobilier. 1973 classé monument historique. 3 ) Centre Pompidou Galerie graphique, niveau 4 25 février - 18 mai Avec 74 peintures, dessins, collages, objets et assemblages, l'exposition témoigne de la diversité et virtuosité de son oeuvre à forte teneur autobiographique. Hervé Télémaque ( avec 78 ans le doyen ) et le plaisir des métaphores visuelles. Peintre et plasticien français d'origine haïtien, un des pionniers du nouveau réalisme et de la Figuration narrative avec Rancillac, Monory, Fromanger, Aillaud, Erro (1964 exposition historique Mythologies quotidiennes au Musée d'art moderne de la ville de Paris ). Autoportrait fictif plein d'humour cocasse : 1965 Petit célibataire un peu nègre et assez joyeux huile s/toile. HT superpose une image de nègre Banania et des sous-vêtements masculins ...allusion aux stéréotypes raciaux et sexuels. Il ne faut pas se laisser berner par le joyeux bazar d'objets, de personnages et de mots sur ses oeuvres. HT est un observateur lucide qui impose sa lecture du monde. Ses thèmes : la sexualité, la politique - qu'il considère comme des moteurs puissants - mais aussi la société de consommation, ses souvenirs haïtiens, ses racines africaines, la condition des Noirs, les politiques post-coloniales. HT est né le 5 novembre 1937 à Port au Prince, Haïti, dans une famille francophile de lettrés. En 1957, HT a 20 ans, il fuit Haïti et la dictature des Duvaliers / Papa Doc. Il reste 3 ans à New York, étudie au Art Student's League, peint dans la véhémence de l'expressionnisme abstrait ( De Kooning, Pollock, Rothko ) et découvre le pop art naissant. Mais le racisme ambiante lui pèse. Il ne se sent pas à sa place. ( Psychanalyse avec Georges Deveraux, fondateur de l'ethnopsychanalyse ).

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Il a envie de raconter d'où il vient et s'identifie à Toussaint Louverture à NY - huile s/toile 1960 - l'artisan de la révolution haïtienne ( 1791-1802 ) et grande figure des mouvements anticolonialistes et d'émancipation des noirs. A Paris où il s'installe en 1961, il fréquente les surréalistes... l'écriture automatique transposée en peinture ? Entre 1963 et 1968 il invente sa propre langage poétique de l'objet : l'objet est signifiant. Désormais, ses tableaux abondent en métaphores visuelles. Sur un mode ludique, il fait appel à des nouvelles nourritures visuelles : films, presse, publicité, BD, personnages des cartoons américains, et intègre des objets de consommation sur un fond plat sans profondeur. 1963 My darling Clementine assemblage, technique mixte, huile s/toile. Titre du Film de John Ford, titre français La poursuite infernale. Commentaire de HT : "C'est un autoportrait nègre mi-cowboy mi flibustier. C'est d'abord un carnaval ou du jazz armé de violence symbolique : le peuple noir, libéré a pris la rue." Il peint ensuite en aplats cloisonnés de la ligne clair où s'entrechoquent mots et objets banals : chaussure des tennis, son propre acte de naissance, ustensiles ménagers, tentes de camping et l'énigmatique canne blanche de la cécité. A partir de 1967, il combine l'objet réel et peinture pour ensuite fabriquer ( 1968-1969 ) des assemblages de produits manufacturés : ses sculptures maigres... un clin d'oeil vers le surréalisme et Duchamp. C'est un véritable acte de sabotage : empêcher le fonctionnement normal de choses, des objets utiles - voiles, cannes deviennent impossible à manipuler.... avant d'aborder (1979 - 1996 ) des collages et une série de grands fusains sombres ainsi que des assemblages en bois de récupération peints mélangeant du marc de café aux pigments de couleur selon les pratiques Voudou haïtiens. Caraïbe / Coco-fesse / Chauve-souris. Haïti fut l'un des plus gros producteurs de café du monde . Référence à Braque et Picasso : sable mélangé à la peinture. Autour de 2000, il questionne l'état du monde et interroge ses sources africaines : 2001 Deep South : Blanc et Noirs séparés Afrique du Sud ; 2000 Le voyage d'Hector Hyppolite en Afrique : il reprend un sujet de ce peintre populaire haïtien (1894 -1948 ) avec le Baron Samedi, l'esprit Voudou de la mort et de la résurrection. Au fond une liste des dictateurs qui ont ensanglantés des états africains. Fonds d'actualités 2002 acrylique sur toile.... directement inspiré par la re-élection de Jacques Chirac Président en 2002. il joue avec l'actualité politique et jette en regard ironique sur les élections, la démocratie, les dessins de presse ( Plantu et Pancho dans Le Monde ) qui fait le nègre ? L'âne : hommage au peintre afro-américain Jacob Lawrence ( 1917 - 2000 ) peint des scènes représentant l'histoire des noirs en Amérique. 2010 HT parraine la vente aux enchères 'Haïti Action Artistes' restituer aux artistes haïtiens les moyens de retravailler suite au tremblement de terre du 12 janvier 2010 2011 Biennale d'art contemporain de Venise présent dans "Haïti deux siècles de création artistique nov 2014 - fév 2015 au Grand Palais La dernière en date de ses peintures : Le moine comblé 2014 acrylique s/toile... un émouvant hommage à Arshile Gorky qui avait tant compté lors de sa formation à New York ( The black monk 1948 - peint quelques heures avant son suicide ) . "J'ai eu tellement envie de faire pour lui un moine heureux". Afin que sa grande aventure qu'il a mené de Haïti à New York et Paris trouve un happy end.

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CR du du 16/06/2015 Du Nô à Mata Hari : 2 000 ans de théâtre en Asie L'exposition est richement documentée et habilement mise en scène mêlant allègrement témoins matériels historiques et créations modernes. Devant nos yeux se présentent des précieux objets d'art et des curiosités tels que :gravure sur feuille de palme de Kerala, toiles peinte ou imprimé ou rehaussé d'or du Rajasthan et d'ailleurs, des figurines en bronze de Cambodge, des bols en porcelaine, famille rose, dynastie Qing, des bas-reliefs, des statuettes et figurines du 11°, 13°,18°, siècles, des affiches de cinéma des années 1950, les chatoyants kimonos paysage d'Itchiku Kubota, un vélo kamishibai, petit théâtre de rue japonais des années 1930, une bande-dessinée de 2010 remarquable par son graphisme épuré, le prolifique peuple des marionnettes à tige, à fil venant de tous les coins d'Asie, des photos, des vidéos et évidemment un impressionnant défilé de costumes, parures et masques. Puisant ses sources dans des rituels religieux, au fil du temps, le théâtre s'est sécularisé pour devenir progressivement un divertissement au s'affrontent toujours et encore le Bien et le Mal. Les pièces se déroulent dans une intersection entre ce bas monde et l'au-delà. Pour s'en sortir indemne, il faut un rituel : un acteur du kathakali indien, du wayang indonésien, de l'opéra chinois ou du nô japonais s'avance sous des parures, des masques et des maquillages qui le transfigurent en dieu, en démon, en héros de légende. En guise de comité d'accueil : le mur des masques : la déesse Kali, Bengale / Hanuman, chef de l'armée des singes, Uttar Pradesh / Ganesha, dieu à tête d'éléphant, Himalaya / Kaishan, créateur de l'univers, Chine / l'oiseau Jatawu, Indonésie / Ravana démon à 10 têtes, Bengale. Premier acte : l'INDE Le Kathakali, théâtre dansé du Kerala existe depuis le 17° siècle - langage des gestes, mime, mouvement des yeux - interprétant les grandes épopées du Mahabharata et du Ramayana. Les rôles des femmes jouées par des hommes. Une jupe retroussé et le geste de la main signalent : je suis une femme. Magistralement exposées sur des estrades : les imposantes tenues des acteurs avec leurs coiffes incroyables, des colliers pesants, des lourds bracelets en or, des ceintures précieuses... ou chaque accessoire porte un sens restant mystérieux pour le non-initié. On se délecte en regardant un passage du Mahabharata ( une intrigue compliquée : racontant la rivalité opposant deux clans d'un film indien de 1957. Les 5 Pandava ont dû céder tous leurs biens et Draupadi, leur épouse commune aux Kaurava. Un des vainqueurs essaie de lui arracher sa robe. "Alors Draupadi implora Krishna. Krishna apparait dans les airs et la robe de Draupadi se renouvelle autant que le vilain tirait, tirait de longueurs de tissus." Les effets spéciaux de l'époque faisaient ce qu'ils pouvaient : une sorte de masse d'ectoplasme émane du dieu et embobine la chaste Draupadi. Le cinéma indien s'inspire dans sa frange populaire des mêmes épopées fondatrices que le théâtre. On pense qu'il a eu plus d'un millier d'adaptation ciné ou télé. Acte 2 : L'influence du théâtre indien : Le théâtre épique de l'Inde gagne le Cambodge, le Thaïlande. Lâ, le protagonistes changent de nom, enfilent des costumes luxueux et racontent les mêmes histoires d'un monde régit par les lois du Dharma. Nous pouvons admirer la finesse et fraîcheur d'un bas-relief d'Angkor Vat ( Ravana sur son char, bataille de Lanka ) grâce aux moulages faites par la mission française en 1881/82. Les originaux sont presque illisibles suite aux ravages du temps. L'Indonésie adapte et élargit les scénarios indiens par des contes et histoires des dynasties locales. A Java et Bali se développent depuis le 13° siècle les différentes formes du wayang réunissant conte, acteurs, danseuses, marionnettes, chant et orchestre de gamelan ( percussions métalliques ). Bali nous invite au grand spectacle avec - en vedette le majestueux lion céleste, le Barong. Envoûtante incarnation du Bien, ce lion mythique, affronte la sorcière Rangda, le Mal en personne. Troisième acte : Le théâtre des ombres : Là où tout est possible, représentable : ces fragiles silhouettes découpées dans du cuir, peintes, parfois articulées. sont le médium idéal pour évoquer aïeux et dieux. Présents partout en Asie,

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toujours accompagnées d'un orchestre et/ou de chants. Depuis ses origines intimement lié aux croyances, le théâtre des ombres tend à disparaître. (87% de musulmans en Indonésie ). Néanmoins, il trouve un nouveau souffle en inspirant les films d'animation. En Extrême-Orient ( Chine et Japon ) prévaut un théâtre sur base littéraire inspiré de contes et légendes Acte 4 : La CHINE En Chine, empereurs et nobles aimaient s'amuser... même outre-tombe. Déjà à l'époque des Han ( 20 avant JC - 220 après JC ) ils amenaient des troupes de saltimbanques dans leurs tombes : acrobates, jongleurs, danseuses aux manches à longueur exagérée, dites aquatiques. Il faut attendre le 13° siècle afin que se cristallise une proto-forme de vrai théâtre qui évoluera en 'spectacle total' mêlant chant, musique, mime, danse, acrobatie, jonglerie, jeu d'acteurs. Ce que nous connaissons en tant que opéra chinois trouve sa forme définitive qu'au 19° siècle à l'initiative de l'impératrice Cixi ( 1835 - 1908 ). Depuis, même les marionnettes ont l'air impériale. La révolution culturelle ( 1966 - 1976 ) balaie le répertoire classique dès 1966. Jiang Qing, l'épouse de Mao, impose des opéras révolutionnaires. C'est Shi Pei Pu (1938 -2009 ) acteur célèbre pour ses rôles de femmes qui a pu cacher et apporter en 1982 en France tout un trousseau de costumes et accessoires. Sa somptueuse collection est exposée. Acte 5 : le JAPON éternel Le Japon compte 3 formes dramatiques classées au patrimoine culturel immatériel de l'humanité : le nô, le kabuki et le bunraku. La forme aristocratique du nô est un long poème chanté et dansé selon un gestuelle hautement codifié depuis le 15° siècle qui trouve son pic d'élégance à l'époque Edo (1603 - 1868 ). Les spectateurs lisent les motifs des costumes comme des indication scéniques : le costume peut signifier un sentier grâce à un motif sinueux, l'automne grâce à des feuilles d'érable, une forêt à une heure tardive grâce à la couleur de l'écorce, et par la délicatesse de ses décors suggérer un personnage féminin. Dès l'époque d'Edo ( 1603 - 1868 ) s'impose une nouvelle forme théâtrale plus populaire : le kabuki qui s'installe dans des quartiers spécialisés entouré de maisons du thé, boutiques et restaurants. L'acteur, en particulier un onnagata ( homme qui joue des rôles de femme ) meut le kimono et lui donne sa séduction. Les artistes du Ukiyo-e immortalisent les plus célèbres acteurs dans les estampes. Jusqu'au 6 juillet le musée Guimet montre également 'Japon : images d'acteurs - estampes du Kabuki au 18° siècle'. Le Bunraku ( depuis le 17° siècle ) : théâtre des marionnettes de grandes tailles, mesurant entre 90 et 140 cm pesant jusqu'à 5 kg. Chaque poupée est manipulée à vue par 3 artistes vêtus d'une sorte de bure noire. C'est seul le maître, après des longues années de pratique, qui bouge la tête et le bras droite. Ses assistants, cachée sous une capuche, s'occupent du côté gauche et des pieds. Le but ultime de cette maîtrise, c'est de créer l'impression que le marionnettiste ne manipule plus la poupée : il lui donne vie, il fait naître l'émotion. L'intrigue est raconté par un récitant et accompagné par un joueur de shamisen ( luth japonais '3 cordes parfumées'). EPILOGUE Mata Hari soleil levant en malais En 1905 elle va défrayer la chronique parisienne en offrant dans la Rotonde du Musée Guimet une petite représentation de danses exotiques très déshabillées. Eugène Guimet l'avait invitée pour mieux faire connaître son musée fondé en 1889. Mata Hari s'appelle en vérité Margaretha Zelle, hollandaise, devenue Mme Rudolph MacLeod, mariée à 18 ans à un capitaine de la marine hollandaise de 19 ans son aîné. Elle l'accompagne à Java aux Indes néerlandaises où elle s'initie vaguement aux danses rituelles. Elle regagne la France en 1902, divorcée. En tant que Lady McLeod elle mène une vie de courtisane et de danseuse exotique. Elle se produit à l'Olympia, aux Folies Bergères, en Allemagne. Ah, elle aime tant les militaires. Liaison avec l'officier allemand Alfred Kiepert 1907. Pour payer ses dettes, elle accepte d'espionner 'sur l'oreiller' pour les Allemands. En 1917, elle est fusillé à Vincennes à 41 ans en tant qu'espionne.

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CR du 15 /09/2015 Combat du Dragon Gabriele Münter et Kadinsky

Dans la nouvelle présentation de ses collections modernes (1905 - 1965 ), le Centre Pompidou expose une acquisition récente : ‘Drachenkampf - Combat du dragon’ de Gabriele Münter, une des protagonistes du groupe Der Blaue Reiter, mouvement majeur d’avant-garde du début du 20° siècle. Peint en 1913 d’un style nettement expressionniste, la toile est accrochée à côté des oeuvres de Vassily Kandinsky de la même époque. Le peintre russe a été son compagnon de 1904 à 1914, années décisives pendant lesquelles il commence son lent cheminement vers l’abstraction. Gabriele Münter est considérée avec Paula Modersohn-Becker ( 1876 - 1907 ) comme la plus

importante femme peintre de l'expressionnisme allemand. Son œuvre n'était pas présente jusqu'ici

dans les collections publiques françaises. C’est chose faite grâce au don de la société Kandinsky ( 2015 ). Le tableau fait pendant à Kandinsky Improvisation III (1909) don de Nina Kandinsky en 1976. Gabriele Münter est né le 19 février 1877 à Berlin. A l'époque, les académies des Beaux Arts sont fermées aux femmes. A 21 ans, très déçue de la médiocrité de l'enseignement prodigué à l'Ecole

d'Art pour femmes de Düsseldorf, elle et sa sœur partent en voyage aux USA, rendre visite à la

famille de sa mère. Après 2 ans, elle revient avec des portfolios pleins de dessins et de photos. et cherche une formation sérieuse. En 1901 elle s'installe à Munich, une capitale artistique un peu assoupie dans les délices du Jugendstil fin de siècle et réussi l'entrée au Phalanx, école d'art

récemment crée par une poignée de jeunes artistes avides d'ouvrir l'enseignement à de nouveaux

horizons. Kandinsky en est le président. Quand la jeune femme, intrépide, rejoint le cours de peinture de Kandinsky, elle a 25 ans, lui 36. Kandinsky (4 déc 1866 - 13 déc 1944 ) est un homme cultivé de grande allure et d'une grande distinction intellectuelle. Dans sa Russie natale, Kandinsky se voyait promis à une belle carrière juridique et universitaire avant d'y renoncer tardivement à 30 ans pour devenir peintre. Dès 1896 il est à Munich. Gabriele Münter doit sans doute beaucoup de son évolution artistique à Kandinsky. Il détecte son don si particulier à réduire tout motif à sa forme la plus simple, ce qui restera un élément

fondamental de son art. Elle l'intéresse, l'intrigue peut-être, elle le vénère. Lors d'un stage d'été

( 1902 ) à Murnau am Staffelsee au sud de Munich arrive ce qui devrait arriver. Il tombent amoureux l'un de l’autre. Dès 1904 ils vivent ensemble. Kandinsky est encore marié à sa cousine Anna Federovna Tchimiakina. Pour fuir commérage et autres complications, ils partent en voyage. Ils vont parcourir l'Europe et pousser jusqu'en Tunisie. Dès 1906 Kandinsky et Gabriele Münter sont à Paris. Ils y séjournent une année entière, absorbent l'influence de Matisse, Gauguin, des Fauves, des cubistes. Mais Gabriele Münter ne lâche pas encore l'école impressionniste et peint ‘Portail de Jardin - Gartentor in Sèvres' ( à voir dans le Videomuseum du Centre Pompidou ). De retour à Murnau, Gabriele Münter achète en 1909 une Maison d'été que les villageois baptisent vite das Russenhaus. La maison des Russes sera un lieu de rencontres : Marianne de Werefkin et Alexei Jawlensky, Franz Marc, August Macke, Arnold Schönberg, Paul Klee, Alfred Kubin etc. En 1911 les amis - déjà réunis dans le cercle du la Neue Künstlervereinigung Munich, créent Der Blaue Reiter - Le Cavalier bleu. Kandinsky est l'indiscutable autorité au sein du groupe. Murnau marque un tournant. Gabriele Münter et Kandinsky collectionnent des objets d'arts populaires comme toute la peinyture occidentale.C'est Gabriele Münter se lance la première dans la Hinterglasmalerei, la peinture sous verre, pratique traditionnelle bavaroise : des motifs simples aux couleurs vives auquel le Blaue Reiter doit tant. En 1913 elle peint Drachenkampf - Combat du dragon : devant un fond de coloris contrastés, St Georges combat un monstre à six têtes, le sol rougi par le sang des décapitations. Un cavalier blanc sur un cheval blanc : motif aussi populaire en Bavière qu'en Russie... le cavalier blanc est évidemment le frère du cavalier bleu. Pour Kandinsky, le cavalier sur un cheval cabré est un motif récurrent et lui inspire la couverture de

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l'Almanach du Blaue Reiter. Le cavalier représente une lutte spirituelle. Il se réalise dans l’action pour une grande cause. Selon Kandinsky, le Blanc, plein de joie juvénile, regorge de possibilités vivantes. Le Bleu, la plus immatérielle des couleurs attire l’homme vers l’infini. Pendant le premièr été à Murnau, les paysages peints de Kandinsky et ceux de Gabriele Münter se ressemblent. Gabriele Münter construit des formes massives saturés de couleurs lumineuses et trace des vigoureux traits noires autour des contours épurés. La manière de voir et de représenter

le monde de Gabriele Münter n'aurait-elle pas influencée le style de Kandinsky ? Il cherche sa

voie. Franz Marc écrit en paraphrasant Kandinsky : "l'art pur est tout simplement un acte créateur visible et symbolique, fier et entièrement en soi. La nécessité intérieure impose la forme et fait vibrer l'âme du spectateur. ‘’ L'art de Gabriele Münter reste attaché au figuratif : c'est sa nécessité intérieure pendant que Kandinsky commence son lent et puissant cheminement vers l'abstraction. ‘Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier’ ( 1912 ) sera le traité fondateur de l'abstraction dans lequel il définit les correspondances entre la peinture et la musique, la couleur et les sons. Quand en 1914 la Première guerre mondiale éclate, Kandinsky confie la totalité des ses oeuvres à Gabriele Münter et retourne en Russie. Elle les mettra en sécurité pendant les deux Guerres mondiales. En 1916 elle expose à Stockholm, Kandinsky aussi. Gabriele Münter ne le sait pas encore mais ce sera leur dernière rencontre. Leurs conceptions artistiques divergent de plus en plus et leur couple bat de l'aile. Kandinsky esr ballotté entre l'Ouest et l'Est, c'est la Russie qui l’emporte. Divorcé depuis 1911, il épouse en 1917 Nina Nikolajevna Andreevskaïa, une jeune fille de 17 ans. Il en a 50. Quand Gabriele Münter apprend ce remariage elle est ravagée... suivent

des années d’errance, des périodes de dépression : "Je vivais ici et là, pendant des années je

n'avais pas d’atelier." En 1931 Gabriele Münter et Johannes Eichner ( 1886 - 1958 historien d'art et philosophe ), son nouveau compagnon rencontré 1927 à Berlin, se fixent définitivement à Murnau. Depuis 1922 Kandinsky est de retour en Allemagne comme professeur au Bauhaus à Weimar. En 1933, quand débutent les années horribles, Kandinsky et Nina quittent l'Allemagne et s'installent à Paris. Gabriele Münter hiberne à Murnau. Depuis 1937 les Nazis ont déclaré ses toiles de l'art dégénéré. Renaissance : En 1957, l’année de son 80° anniversaire elle lègue à la Städtische Galerie im

Lenbachhaus Munich, l'intégralité de sa collection, ses archives et l'ensemble des œuvres de

Kandinsky en sa possession. Avec cette donation, elle offre une renommée mondiale au musée qui abrite depuis la plus importante collection du Blaue Reiter. elle ramène une part essentielle de

son évolution artistique à la source, là où l'aventure a commencé, chez elle.

Ce sont 88 tableaux, 24 verres peints, 116 aquarelles, 160 dessins, 28 carnets d'esquisses et tout

l'œuvre gravée que Kandinsky lui avait confiés en 1914, réclamés dès 1922 et après de longues

querelles juridiques cédés en 1926. Elle les a toujours considérés lui appartenant en tant que compensation morale suite à la promesse de mariage rompue. Pendant les dernières années de sa vie, Gabriele Münter réalise des compositions abstraites. En 1962 elle meurt à 85 ans. C'est peut-être dans le livre de Johannes Eichner ( Vassily Kandinsky - Gabriele Münter : von

Ursprüngen moderner Kunst ) qu’on trouvera une réponse à la question de la rivalité artistique

consciente ou inconsciente - entre Kandinsky et Gabriele Münter ayant favorisé l'éclosion de l'art moderne.

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CR du 17/11/2015 Picasso est toujours d’actualité (autour de 3 expositions) 1 ) Musée national Picasso Hôtel de Salé : L’Exposition anniversaire : Ï PICASSO ! En octobre 2015 le musée fête ses 30 ans en présentant 900 œuvres et documents sur 5 niveaux avec 2 000 sqm dans une scénographie inédite. Son Directeur Laurent Le Bon veut Revivifier le regard sur l’œuvre de Picasso : montrer l’artiste - peintre, sculpteur, céramiste, graveur et en son temps poète - en plein processus créatif, mais aussi Picasso figure publique et Pablo intime. Cela donne un immense collage visuel enrichi d’archives personnelles de Picasso. (Picasso est né le 25 octobre 1881 à Malaga, mort le 8 avril 1973 à Mougins.) Au sous-sol des photos-portraits récapitulent sa vie : le jeune mec aux yeux de braise qui arrive à 19 ans pour son premier séjour à Paris en 1900, c’est l’année de l’Exposition universelle. Il devient une star aux attitudes de grand seigneur. En 1962 - il a 82 ans - Picasso dans son atelier à Mougins assis dans un fauteuil à bascule en osier… au fond adossés au mur sa cohorte de tableaux. Lydie Salvayre le décrit dans son livre Le vif du vivant ( Editions Cercle d’Art 2001 ) : « Seul, dans sa maison Notre-Dame de Vie au nom prédestiné, à dessiner, peindre et sculpter, sans rien écouter d’autre que la voix du plaisir et de la fantaisie, ainsi que font les rois. Lui, seul, à dessiner la vie, sa vie, comme on baise. » Projection du film de Henri Georges Cluzot Le Mystère Picasso ( 1955 ). On voit la main à l’oeuvre : Lydie Salvayre : « Il jette ses dessins en trois secondes, l’un après l’autre, et sans fatigue. Il les jette d’un trait, subitement, comme charge un taureau. » Son style se renouvelle sans cesse à partir d’un petit fond d’images et de visions porté par un élan inépuisable et sa passion de la femme : épouse, compagne, modèle. Dans les étages on parcourt toutes les périodes successives. Sous les combles, sa collection privée avec les maîtres Cézanne, Renoir, Corot, les frères Le Nain, Matisse, Courbet, Miro. 2 ) Le Louvre ( jusqu’en mars 2016 ) expose 4 toiles de Picasso dans le circuit des Peintures françaises, Aile Sully, créant un dialogue avec les maîtres anciens qu’il a assidûment fréquenté : Les frères Le Nain, Ingres, Chardin, Watteau ( salles 19, 60, 47, 36 ). 3 ) Picasso.mania au Grand Palais ( 7 octobre - 29 février 2016 ) 408 œuvres dont 99 authentiques Picasso et 309 d’une diversité aléatoire de 78 artistes contemporains censés représenter la postérité du « génie artistique moderne » avec des tableaux, films, vidéos et installations. Une pièce maîtresse: le portfolio « hommage » à Picasso à l’occasion de son 90ème anniversaire ( 1971 ) avec des création de 69 artistes de renom international. Commence un parcours à travers 15 salles thématiques ponctué par des Picasso, des chefs-d’œuvre, accrochés en rangs serrés qui focalisent l’attention du visiteur. Picasso s’est mesuré aux plus grands : Velasquez, Manet, Delacroix et en a fait des œuvres à part entière. Hélas, n’est pas Picasso qui veut. Des pépites : L’art de la citation par Roy Lichtenstein, Andy Warhol, Erro. Les Quatre Saisons ( 1968 ) de Jasper Johns : des variations sur L’ombre 1953 et Le Minotaure à la carriole 1936 de Picasso. Antonio Saura avec un hommage à la peinture espagnole : Dora Maar travestit en Velasquez 1983, réponse à Femme au chapeau bleu 1939. Le plus touchant : la série « Jacqueline » de Martin Kippenberger 1996 : les tableaux que Pablo ne pouvait plus peindre. David Hockney et ses photo-assemblages à effet cubiste.« J’ai toujours dit que la plus grande peinture des années 60 a été faite en France, par un seul homme. » Le grand public se prête volontiers à ce savoureux jeu de l’oie. Les érudits se heurtent à l’absence de Bacon, de Kooning, Pollock profondément marqués par Picasso.

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E.Svobodny

15/12/2015

CR 15 décembre 2015 Elisabeth-Louise Vigée Lebrun

L’Exposition au Grand Palais du 23/09/2015 au 11/01/2016 : 130 œuvres exposées majoritai-

rement des portraits de l’Ancien Régime à la Restauration en passant par l’Exil.

Elisabeth Vigée Lebrun nait en 1755, meurt en 1842 à 87 ans. «Peindre et vivre n’a jamais

été qu’un seul et même mot pour moi». Ses autoportraits sous leur simplicité apparente ca-

chent une personnalité complexe et révèlent une femme de caractère au physique attrayant par

son allure fine et élancée, sa beauté mutine, et son air vif et distingué.

Entrée à l’Académie royale de peinture et de sculpture à 28 ans en 1783, grâce à

l’intervention royale. Portraitiste déjà proche de Marie-Antoinette, avec cette entrée à

l’Académie, Elisabeth Vigée Lebrun accèdera à la consécration. Il est à préciser que le refus

de l’entrée des femmes à cette Académie était justifié par une pratique picturale très règle-

mentée : «La morale ne peut permettre aux femmes l’étude du nu masculin pilier de la forma-

tion du temps».

Elisabeth Vigée Lebrun évoluera toute sa vie dans un milieu artistique : son père pastelliste et

portraitiste de renom disparaît lorsqu’ Elisabeth Vigée Lebrun a 12 ans. Elle glanera quelques

leçons auprès de Joseph Vernet, elle s’éduquera l’œil en visitant collections royales et privées

Exécutera sa première commande à l’âge de 15 ans. Elle épousera Jean-Baptiste Pierre Le-

brun en 1776, peintre collectionneur et surtout le marchand d’art le plus important de sa géné-

ration. Cet homme bourgeois dandy préoccupé de son image aux mœurs dissolues

l’encourage dans sa vocation et prélève les bénéfices sur l’art d’Elisabeth.

Elle connut la rivalité artistique et fut mise en concurrence par la critique et le public à une

autre femme peintre, Adeline Labille-Guiard reçue tout comme elle à l’Académie royale de

peinture. Toutes 2 formèrent nombreuses élèves et aidèrent à promouvoir la peinture au fémi-

nin.

Elle deviendra la portraitiste de la famille royale après avoir réalisé en 1778 le premier grand

portrait officiel de Marie-Antoinette. Son grand talent sera de viser au plus flatteur le modèle

représenté sans perdre la véracité de l’expression. Sa complicité avec Marie-Antoinette, la

fréquence des séances de pose l’autoriseront à faire des propositions audacieuses et non-

conventionnelles à son illustre modèle. Elle représentera la Reine dans une tenue d’intérieur,

simple robe de mousseline blanche. Ce tableau scandalisera cependant. Cette liberté de mise

en scène certes peu digne du statut de Reine obtiendra un franc succès auprès de sa clientèle

choisie par la qualité de sa représentation : transcription des carnations, les contrastes insolites

de couleurs, les effets ombres et lumières, coloris chatoyants et aussi douceur…Elle lancera la

mode d’un nouveau naturel.

Dans un contexte de calomnie brutale déclenchée par l’affaire du collier de la Reine à propos

de la légitimité des enfants royaux, il lui sera commandé de célébrer la maternité Elle réalisera

un portrait de groupe dans une ambiance d’apparat. La Reine ne porte pas de bijou, ses 3 en-

fants seraient ses trésors.

Elle réalisera aussi plusieurs portraits de personnalité politiques : Ministres du royaume de

France (Calonne Ministre des finances) et dignitaires étrangers (Mohamed Dervich Khan)

Désir de le portraiturer du fait de l’originalité de son apparence (Montesquieu et les lettres

persanes): homme en pied, paré de blanc, souci de réalisme documentaire dans la restitution

du costume. Ce tableau a d’ailleurs, fait forte impression lors de sa présentation au salon de

1789. Et, d’amis artistes notamment le peintre Hubert Robert, personnage hors cadre institu-

tionnel (voyage en Italie pendant 10 ans), l’ami des bons et des mauvais jours qui l’aidera à

fuir de France à l’arrivée de la Révolution.

Servie par son talent, sa puissance de travail elle devint la coqueluche de la cour, elle eut un

énorme succès pour brosser les traits de toutes les beautés du royaume (silhouettes géné-

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E.Svobodny

15/12/2015

reuses, bouches pulpeuses, radieuses carnations, regard perdu ou provocant). Elle illustrera à

merveille les variations de la mode vestimentaire.

Sensible aux idées de J.J.Rousseau développée dans l’Emile, elle laissa 2 icônes la mettant en

scène avec sa fille Julie, elle fut qualifiée au salon de 1787 de «peintre de l’enfance»

Ce tableau «mère et fille» restera le tableau le plus populaire parmi les œuvres d’ Elisabeth

Vigée Lebrun.

Elle excellera également dans l’art du pastel, technique sur laquelle elle s’appuiera pour faire

des exécutions rapides et instinctives souvent en présence de ses modèles (Portrait de la

Princesse de Polignac), réalisa des têtes d’expression dont Greuze fut le grand interprète.

L’émigration

1789: départ en émigration durera 12 ans (34 ans à 46 ans). Elisabeth Vigée Lebrun quittera

la France avec «20 francs de revenus après avoir gagné plus d’1 million». Son charme, son

talent, sa renommée seront de vrais atouts pour servir une clientèle européenne fascinée par le

modèle français. Sa réputation et ses toiles de Marie Antoinette soutiennent sa cote dans

l’Europe monarchique effrayée par la Révolution française.

En Italie où elle séjournera 3 ans, Elisabeth Vigée Lebrun rencontrera un vif succès.

En Autriche, elle résidera 3 ans, apprendra en 1793 les exécutions capitales du couple royal,

en 1794 la prononciation de son divorce, son annonce sur la liste des émigrants lui fera pro-

noncer cette remarque: «je m’en console je suis sur la liste des honnêtes gens».

En Russie, elle restera 6 ans, le lendemain de son arrivée elle sera présentée à Catherine II.

Retour à Paris : 18 janvier 1802. Très vite elle retrouvera sa vie d’avant avec ceux qui

avaient constitué son cercle avant 1789 : Greuze, Hubert Robert, Ménageot…et les membres

de la société du Consulat et de l’Empire (Caroline Murat et sa fille). Dans cette France bona-

partiste elle se sentira déracinée, elle repartira portraiturer l’aristocratie européenne, fera plu-

sieurs voyages en Angleterre où elle s’imposera encore, deux séjours en Suisse en compagnie

de Mme de Staël.

Elle s’intéressera au paysage de plein air pour son plaisir, peu d’entre eux parviendront

jusqu’à nous, s’ouvrira au sentiment de la nature (annonce les romantiques et les réalistes).

Ses dernières années seront marquées par des deuils : mort de sa fille en 1819 et son frère peu

après. Elle s’éteindra le 30 mars 1842 rue Saint-Lazare et sera enterrée à Louveciennes : «Ici

enfin je repose».

Conclusions: Elisabeth Vigée Lebrun aura su faire de ses pinceaux une arme autant qu’un

charme.