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La noix de cajou sèche les larmes du coton De l’anacarde naturel à la noix de cajou certifiée bio dans la région de l’Atacora–Donga au Bénin Avril 2016 / Cotonou Encadré 1 : La Facilité d’Appui aux Filières Agricoles dans les départements de l’Atacora et de la Donga Le développement des filières riz, anacarde et de maraîchage est la base de l’intervention de la Facilité d’Appui aux Filières Agricoles dans les départements de l’Atacora et de la Donga (FAFA AD), qui est une intervention de la coopération bilatérale entre le Bénin et la Belgique. La FAFA AD vise à contribuer à la sécurité alimentaire et à l’augmentation des revenus de la population rurale de l’Atacora et de la Donga associée à ces trois filières. Son objectif spécifique est l’amélioration de la productivité et de la rentabilité des filières riz, anacarde et de maraîchage. La FAFA AD s’intéresse particulièrement au fonctionnement des organisations de producteurs, au développement des services pour leurs membres et à l’articulation des acteurs des filières ainsi qu’au rôle régalien des services agricoles publics. Elle finance principalement des activités au travers de différents acteurs pour améliorer les conditions de production, de transformation et de commercialisation des trois produits ciblés tout en renforçant les capacités individuelles et organisationnels des acteurs clés. Mise en place pour la période 2010- 2015, la FAFA AD est dotée d’un budget global de 5.500.000 €, financé par la Belgique dans le cadre de sa coopération bilatérale avec le Bénin. L'Agence Belge de Développement (CTB) fournit une assistance technique pour la mise en œuvre des activités. Introduction Dans les départements de l’Atacora et de la Donga au nord du Bénin, l’anacarde constitue depuis la dévaluation du franc CFA et par conséquent la baisse du prix du coton, de plus en plus, une source de revenus pour les petits producteurs. En réponse à la demande croissante en noix brutes d’anacarde, les producteurs se sont organisés en coopératives villageoises, unions communales et union régionale. Depuis plusieurs années ces structures organisent, avec succès, la vente groupée des noix brutes aux exportateurs de noix et aux unités industrielles de transformation sur place. Le marché niche de noix bio se révèle être une opportunité pour les producteurs d’anacarde dans l’Atacora et la Donga. Plusieurs données ont incité l’Union Régionale des Coopératives de Producteurs d’Anacarde de l’Atacora et de la Donga (URCPA AD) à s’y intéresser : l’expansion observée du marché de niche, l’approche de l’union par des sociétés de transformation qui servent ce marché et les conditions agro-écologiques qui sont généralement favorables à la production biologique. Avec l’appui de la coopération bénino-belge à travers l’Agence belge de développement (CTB), qui est responsable pour la mise en œuvre du projet Facilité d’Appui aux Filières Agricoles (FAFA AD), l’union a mené les premières expériences en commercialisation des noix d’anacarde bio (Encadré 1). Ces expériences telles que décrites dans la présente note, sont riches d’enseignement visant à profiter de l’opportunité offerte par le marché de niche de noix d’anacarde bio. Contexte Au Bénin, la production de l’anacarde est pratiquée dans cinq des douze départements que compte le pays. Au total, 250.000 hectares de plantation sont consacrés à cette culture pratiquée pour l’essentiel par de petits producteurs familiaux. En 2012, le Bénin a produit 120.000 tonnes de noix brutes conventionnelles. Plus de 95 % de cette production est commercialisée auprès des commerçants-exportateurs, le reste alimente le marché national où les noix sont transformées en amandes par des unités de transformation locales (Encadré 2). Mohamed O. BARANON (URCPA AD) et Théodore C.A.HOUNTONDJI (CTB), Wilma BAAS (CTB) et Bertus WENNINK (KIT)

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La noix de cajou sèche les larmes du cotonDe l’anacarde naturel à la noix de cajou certifiée bio dans la région de l’Atacora–Donga au Bénin

Avril 2016 / Cotonou

Encadré 1 : La Facilité d’Appui aux Filières Agricoles dans les départements de l’Atacora et de la Donga

Le développement des filières riz, anacarde et de maraîchage est la base de l’intervention de la Facilité d’Appui aux Filières Agricoles dans les départements de l’Atacora et de la Donga (FAFA AD), qui est une intervention de la coopération bilatérale entre le Bénin et la Belgique. La FAFA AD vise à contribuer à la sécurité alimentaire et à l’augmentation des revenus de la population rurale de l’Atacora et de la Donga associée à ces trois filières. Son objectif spécifique est l’amélioration de la productivité et de la rentabilité des filières riz, anacarde et de maraîchage.

La FAFA AD s’intéresse particulièrement au fonctionnement des organisations de producteurs, au développement des services pour leurs membres et à l’articulation des acteurs des filières ainsi qu’au rôle régalien des services agricoles publics. Elle finance principalement des activités au travers de différents acteurs pour améliorer les conditions de production, de transformation et de commercialisation des trois produits ciblés tout en renforçant les capacités individuelles et organisationnels des acteurs clés.

Mise en place pour la période 2010-2015, la FAFA AD est dotée d’un budget global de 5.500.000 €, financé par la Belgique dans le cadre de sa coopération bilatérale avec le Bénin. L'Agence Belge de Développement (CTB) fournit une assistance technique pour la mise en œuvre des activités.

Introduction

Dans les départements de l’Atacora et de la Donga au nord du Bénin, l’anacarde constitue depuis la dévaluation du franc CFA et par conséquent la baisse du prix du coton, de plus en plus, une source de revenus pour les petits producteurs. En réponse à la demande croissante en noix brutes d’anacarde, les producteurs se sont organisés en coopératives villageoises, unions communales et union régionale. Depuis plusieurs années ces structures organisent, avec succès, la vente groupée des noix brutes aux exportateurs de noix et aux unités industrielles de transformation sur place.

Le marché niche de noix bio se révèle être une opportunité pour les producteurs d’anacarde dans l’Atacora et la Donga. Plusieurs données ont incité l’Union Régionale des Coopératives de Producteurs d’Anacarde de l’Atacora et de la Donga (URCPA AD) à s’y intéresser : l’expansion observée du marché de niche, l’approche de l’union par des sociétés de transformation qui servent ce marché et les conditions agro-écologiques qui sont généralement favorables à la production biologique.

Avec l’appui de la coopération bénino-belge à travers l’Agence belge de développement (CTB), qui est responsable pour la mise en œuvre du projet Facilité d’Appui aux Filières Agricoles (FAFA AD), l’union a mené les premières expériences en commercialisation des noix d’anacarde bio (Encadré 1). Ces expériences telles que décrites dans la présente note, sont riches d’enseignement visant à profiter de l’opportunité offerte par le marché de niche de noix d’anacarde bio.

Contexte

Au Bénin, la production de l’anacarde est pratiquée dans cinq des douze départements que compte le pays. Au total, 250.000 hectares de plantation sont consacrés à cette culture pratiquée pour l’essentiel par de petits producteurs familiaux. En 2012, le Bénin a produit 120.000 tonnes de noix brutes conventionnelles. Plus de 95 % de cette production est commercialisée auprès des commerçants-exportateurs, le reste alimente le marché national où les noix sont transformées en amandes par des unités de transformation locales (Encadré 2).

Mohamed O. BARANON (URCPA AD) et Théodore C.A.HOUNTONDJI (CTB), Wilma BAAS (CTB) et Bertus WENNINK (KIT)

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Bobo Dioulasso au Burkina Faso. GEBANA Afrique intervient dans la commercialisation équitable de produits agricoles biologiques et investit dans le développement de la filière. A ce jour, GEBANA est présente au Burkina Faso, au Togo, en Tunisie et au Brésil.

Créée en décembre 2004, l’URCPA AD fédère à ce jour dix Unions Communales des Coopératives de Producteurs d’Anacarde (UCCPA), elles-mêmes constituées de 93 Coopératives Villageoises des Producteurs d’Anacarde (CVPA). Au total 1.500 producteurs membres, dont 151 femmes (10 %) adhèrent actuellement à cette organisation, sans compter que six nouvelles coopératives sont en cours d’installation fortes de 225 nouveaux membres. L’union régionale a créé un service de vente groupée qui est fonctionnel depuis la campagne de commercialisation 2012-2013. En 2015, le service a commercialisé environ 2.978 tonnes de noix soit à peu près 40 % des 7.500 tonnes de la production totale dans la région de l’Atacora-Donga (sources : la base de données URCPA AD 2015 et les statistiques agricoles CARDER 2013).

Les freins à la production biologique d’anacarde

La demande en produits biologiques vient principalement de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique du Nord (97 % de la demande) où les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour des produits biologiques. Dans la région de l’Atacora-Donga, la faiblesse des rendements (autour de 200 à 300 kg par arbre) entraîne des revenus limités, de l’ordre de 100.000 à 150.000 FCFA par ha par an, pour les producteurs. Une grande partie de ces producteurs utilisent très peu, voire pas du tout, d’intrants chimiques sur leurs cultures qui sont déjà « bio » d’un point de vue agronomique (Encadré 3).

Les partenaires commerciaux

Dans le but de conquérir ce marché en pleine expansion, l’URCPA AD a saisi l’opportunité d’approvisionnement d’une unité de transformation appelée GEBANA Afrique, installée à

De l’anacarde naturel à la noix de cajou certifiée bio dans la région de l’Atacora –Donga au Bénin

La société V2M, installée à Parakou au nord du Bénin, est spécialisée dans la transformation des noix de cajou en amande blanche destinée à l’exportation. Cette société est entrée en partenariat commercial avec GEBANA Afrique pour assurer l’approvisionnement en amandes blanches biologiques à partir du Bénin. V2M est certifié Bio UE, pour le marché de l’Union Européenne, auprès de l’entreprise allemande Certification of Environmental Standards (CERES).

La société V2M a prospecté le marché de l’amande bio auprès de ces partenaires commerciaux. Elle a proposé à l’union régionale un contrat d’achat des noix bio avec une majoration de 25 % sur le prix du marché de la noix d’anacarde conventionnelle. L’union régionale s’est inscrite dans cette démarche et elle a sollicité l’appui de FAFA AD pour l’accompagnement à la certification biologique, la mise en relation d'affaires et la négociation de contrat commercial.

Processus de mise en place du dispositif de certification

De nombreux candidats pour la production de l’anacarde biologique

Pour satisfaire la commande de noix bio formulée par ses partenaires commerciaux, l’URCPA AD s’est engagée à faire certifier biologique de façon collective une partie de la production de ses membres. Pour se faire, elle a convoqué une assemblée générale extraordinaire en fin d'année 2012 au cours de laquelle elle a opté pour le choix d'une commune pilote afin de démarrer l’expérience. Parmi ses dix communes d’intervention, c’est l’UCCPA de Kouandé qui a été choisie pour héberger cette expérience de certification biologique. Plusieurs critères ont déterminé le choix de ladite commune, parmi lesquels on peut citer : les habitudes culturales, le potentiel de production, la qualité des noix produites (KOR supérieur à 46), et le niveau de fonctionnement des coopératives villageoises et de l’union communale.

Pour mieux comprendre les exigences de la production biologique, les deux partenaires (URCPA AD et V2M) ont organisé avec l’appui de la FAFA AD un voyage d’étude à Bobo Dioulasso auprès de leurs homologues à la fin de 2012. Ce voyage avait pour but d’initier les membres de la mission aux connaissances théoriques et pratiques en agriculture biologique. De retour au Bénin, l’union régionale a informé et sensibilisé tous les producteurs de toutes les coopératives

De l’anacarde naturel à la noix de cajou certifiée bio dans la région de l’Atacora –Donga au Bénin

de producteurs d’anacarde affiliées à l’union communale de Kouandé aux avantages de la production biologique. Cette action a touché 690 producteurs. Lors de cette opération d’information et de sensibilisation, une liste a été ouverte pour recenser tous les candidats potentiels. Au terme de l’opération, 680 candidats ont été recensés dans 15 coopératives villageoises comme étant prêts à suivre le parcours de certification.

Un système de contrôle interne

La certification collective fonctionne grâce à la mise en place d’un Système de Contrôle Interne (SCI), défini par l’IFOAM comme étant un organe de contrôle interne au sein d’un groupe de producteurs d’anacarde biologique. Cette méthode a pour intérêt de réduire considérablement les coûts des inspections externes. Le principe du SCI consiste à transférer le travail d’inspection et de contrôle, réalisé normalement par l’organisme certificateur dans le cadre d’une certification individuelle, à une équipe en charge du SCI. Dès lors, le certificateur externe a pour rôle principal de s’assurer du fonctionnement du SCI et il inspecte un échantillon représentatif des plantations des producteurs dits biologiques (Schéma 1).

Schéma 1 : Le dispositif du système de contrôle interne

La mise en place d’un SCI implique la maitrise des règlements de l’agriculture biologique ainsi que ses modes de production compatibles. Cela implique également de connaître les modalités d’inspection. Ce dernier aspect se concrétise notamment par l’élaboration d’un manuel de contrôle interne comprenant l’ensemble de la documentation se référant à la réglementation, aux contrats producteurs, à la gestion des risques, aux procédures d’inspection, aux mesures de sanction et aux conditions d’approbation. La gestion des principaux risques (contaminations par des produits chimiques, mélanges des productions, etc.) est le point critique de contrôle de l’organisme certificateur. L’évaluation de la maitrise de ces risques par le SCI conditionne fortement l’attribution ou non

Encadré 2 : Le sous-secteur d’anacarde au Bénin (situation en 2012)Production de noix bruts

Production 120.000 tonnes % de la production mondiale 3,5 %Superficie plantée en anacarde 250.000 haRendement moyen 350 kg/haQualité moyenne (KOR) 47-50Tendance en production Légère hausse

Exportations de noix brutes

Exportation de noix brutes 118.750 tonnes

Transformation locale

Nombre d’unités de transformation Environ 10Taux de transformation 2 %Volume de noix brutes transformées 1.250 tonnesCapacité de transformation potentielle Estimée à 10.000

tonnesTendance en transformation locale Hausse

Consommation locale

Consommation d’amandes d’acajou 50 tonnesConsommation de pommes d’acajou Peu

Exportations d’amandes

Exportations d’amandes d’acajou 250 tonnes

Encadré 3 : Le marché biologique à la portée des producteurs d’anacarde dans l’Atacora-Donga

Selon la Fédération Internationale des Mouvements d'Agriculture Biologique (IFOAM), l’agriculture biologique est une source de nouveaux marchés sur lesquels les pays en développement et émergents se placent en position de force. L’anacarde est une culture peu exigeante en intrants. Les variations de rendements sont davantage liées à l’avancée des recherches agronomiques, aux techniques culturales pratiquées et aux propriétés intrinsèques du sol qu’à l’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires.

Les petits producteurs, qui représentent la grande majorité des propriétaires des vergers, ont quant à eux peu de possibilités de bénéficier de ces opportunités de marché. Les investissements à réaliser par ces derniers pour les mises aux normes sont modestes (p. ex. l’adaptation des magasins de stockage aux conditions biologiques). La difficulté se situe surtout au niveau des coûts de la certification qui sont très élevés pour un petit producteur. L’accréditation est souvent attribuée à des organismes certificateurs reconnus dans les pays industrialisés. Cette forme d’accréditation génère, lors de l’inspection externe, un coût supplémentaire lié aux frais de déplacement, séjour, inspection, etc. En réponse à cette problématique, l’IFOAM a proposé une solution concrète en vue de faciliter l’insertion des petits producteurs sur des marchés bio à travers l’accès à la norme : la certification collective.

Encadré 4 : Le rendement en amande ou KOR (Kernel Output Ratio)Le KOR est l’indicateur le plus important pour apprécier la qualité des noix d’anacarde. À partir d’un échantillon, on estime la quantité moyenne d’amandes consommables contenue dans un lot de noix brutes. Le résultat obtenu est généralement exprimé en livres (0,45 kg) d’amandes par sac de 80 kg de noix brute. Le KOR varie normalement entre 42 et 56 lbs.

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de la certification.

Chaque producteur candidat à la certification s’engage au travers d’un contrat à respecter les principes de l’agriculture biologique sur sa production et sur l’ensemble de ses plantations. Il s’engage aussi à accepter la visite d’un inspecteur interne au moins deux fois par an.

La sélection définitive des candidats

Les producteurs ont identifié trois principaux risques de contamination, liés aux produits chimiques utilisés dans l’agriculture. Le premier concerne la proximité avec les champs de coton, importants consommateurs d’intrants chimiques. Une parcelle de coton qui jouxte une parcelle d’anacarde représente un risque important de contamination lors des différents traitements chimiques (effet vent, pente, zone tampon).

La deuxième source possible de contamination est liée aux traitements appliqués sur les anacardiers pour lutter contre les fourmis rouges. Celles-ci causent peu de dégâts sur les fruits et les études montrent mêmes qu’elles protègent des attaques de certains ravageurs, mais elles rendent la récolte des noix parfois difficile pour les producteurs (piqûres).

Enfin, un troisième risque de contamination concerne les associations culturales dans les jeunes parcelles d’anacarde. Comme les arbres commencent à produire à partir de la troisième année, les producteurs font souvent des cultures associées au cours des deux premières années pour valoriser leur champ. Or, certaines de ces cultures, comme le maïs, sont souvent fumées avec des engrais chimiques.

Ces points critiques ont fait l’objet de discussions et de réflexions pour la définition de critères de sélection des parcelles à proposer comme candidates à la certification

en 2014. En arboriculture, la réglementation européenne exige normalement une période de conversion de trois ans en agriculture biologique avant d’obtenir le label. Toutefois, si les agriculteurs sont en mesure d’apporter suffisamment d’éléments justifiant qu’aucun traitement chimique n’a été appliqué durant les trois dernières années, celles-ci peuvent être reconnues comme rétroactives par l’organisme certificateur qui délivre alors la certification dès la première année.

Ainsi, les producteurs intéressés ont dû répondre à certains critères afin de valider cette période rétroactive auprès de l’inspecteur externe. Ces critères ont été définis avec les responsables des coopératives qui devaient tenir compte de mesures préventives efficaces face aux principaux risques de contamination des parcelles (Encadré 5).

De l’anacarde naturel à la noix de cajou certifiée bio dans la région de l’Atacora –Donga au Bénin De l’anacarde naturel à la noix de cajou certifiée bio dans la région de l’Atacora –Donga au Bénin

Un contrat de vente a été signé en 2014, pour la campagne 2014-2015, avec la société V2M portant sur un volume de 108 tonnes au prix du marché du jour majoré de 25 %. Malheureusement, seules 40 tonnes de noix bio ont été livrées, soit 37 % du volume contractuel. Ce contrat n’a pas été respecté, que ce soit par l’acheteur ou par les producteurs. Du fait de la flambée des prix de la noix conventionnelle, à hauteur de 700 FCFA le kg en 2014, les producteurs n’étaient plus prêts à livrer les noix bio au prix négocié avant l’ouverture de la campagne. Ils ont demandé la renégociation du prix, ce que V2M a refusé. D’autre part, l’acheteur, la société V2M, n’a pas toujours respecté les délais de versement des fonds.

Cette augmentation du prix de la noix conventionnelle est exceptionnelle et ne saurait être le cas chaque année. D’autres facteurs sont entrés en jeu pour l’explication de cette augmentation. Il y a des pays producteurs en Afrique de l’Ouest, comme la Sierra Léone, qui n’ont pas connu l’achat par des exportateurs internationaux du fait de l’épidémie d’Ébola. Ces derniers se sont donc rabattus sur d’autres pays comme le Bénin entrainant donc une augmentation de la demande de noix. A cela, il faut ajouter la faible productivité de la campagne 2014 pour l’ensemble des producteurs qui n’ont pas pu réaliser les plus de108 tonnes prévues.

Encadré 5 : Critères de sélection des producteurs

Les critères de sélection des producteurs candidats à la production biologique sont les suivants :

• Les producteurs ne doivent pas avoir traité leur verger avec des intrants chimiques au cours des trois dernières années.

• Les vergers doivent être âgés de plus de 5 ans afin d’éliminer les risques de résidus de synthèses antérieurs.

• Les producteurs ne doivent pas pratiquer de cultures associées sur leur champ d’anacarde.

• Une zone tampon d’au moins 2 à 5 mètres doit être respectée avec les parcelles limitrophes.

• Les producteurs doivent s’engager à ne plus appliquer de traitements chimiques non-conformes (contrat paysan).

• Si un producteur cultive plusieurs parcelles d’anacardes, toutes doivent satisfaire ces critères.

L’UCCPA de Kouandé, avec l’appui technique de la FAFA AD (Encadré 6) a appliqué les critères avec beaucoup de rigueur et de transparence au cours du référencement. Chaque producteur a ainsi été rencontré et questionné sur ses pratiques et l’ensemble des champs a fait l’objet d’une observation attentive. Cette démarche était indispensable pour des raisons d’égalité entre les agriculteurs et de crédibilité auprès de l’inspecteur externe et, par conséquent, de réussite de la certification.

Encadré 6 : L’accompagnement des producteurs par la FAFA ADDepuis 2012, la FAFA AD appuie le processus de certification biologique des plantations d’anacarde des producteurs membres de l’URCPA AD, et plus spécifiquement dans la commune de Kouandé.

Une assistance technique, financée par le projet, est à la disposition de l’union régionale pour l’accompagnement de son renforcement organisationnel et technique dans la production biologique. Des appuis techniques ponctuels ont été également donnés pour la mise en place et le suivi du fonctionnement du dispositif du SCI. Ces appuis concernent surtout l’organisation et le financement des voyages d’études, des formations spécifiques, des audits blancs d’inspections de certification, l’élaboration, l’impression et la gestion des outils d’une part. D’autre part, la FAFA AD a accompagné le suivi-contrôle du SCI, a financé la mise en place d’une équipe d’animateurs formés spécifiquement sur la production biologique ainsi que la gestion du circuit d’approbation et la gestion des non conformités.

La FAFA AD a aussi financé l’acquisition des infrastructures et équipements et matériels : des sacs de jutes spécifiques pour les noix bio, des tricycles pour faciliter le transport des noix au magasin, et la construction de magasins de stockage spécifiques dédiés à la production biologique, pour un montant total de 9.092.870 FCFA. Enfin l’assistance technique a joué un rôle dans la facilitation des liens d’affaires et de la négociation des contrats entre les trois partenaires (V2M, GEBANA Afrique et URCPA AD).

Résultats obtenus

L’UCCPA de Kouandé a choisi les quatre coopératives villageoises les plus favorables sur les 15 coopératives désireuses de faire de l’agriculture biologique comme candidates à présenter à l’organisme certificateur en 2014. Chaque coopérative a mis en place un « groupe bio » animé par un producteur relais choisi parmi ses pairs pour servir de conseiller. Les producteurs relais sont des acteurs clés dans le SCI dont la structure a été mise en place par l’URCPA AD. Les groupes bio, quatre au total, étaient uniquement constitués des producteurs candidats à la certification biologique au sein de chaque coopérative. L’ensemble des groupes bio choisis pour la certification en 2014 était composé de 118 producteurs sur une superficie totale de 265,87 hectares.

En 2014, le premier certificat bio a finalement été obtenu par l’union régionale auprès de l’entreprise CERES pour 115 producteurs de quatre coopératives villageoises sur une superficie de 260,75 hectares avec une production prévue de noix brutes de 108,75 tonnes dont la valeur commerciale était estimée à environ 43.500.000 FCFA. La procédure de certification a couté 1.974.825 FCFA soit 3.015 euros.

Une séance de vente groupée d'anacardes. Photo : © CTB

Un agriculteur mettant en terre un plant d'anacarde. Photo : © CTB

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Finalement, les producteurs ont produit 70 tonnes et ils ont livré 40 tonnes de noix à la société V2M au prix de 400 FCFA par kg. Malgré cette situation, les deux parties, ont décidé de poursuivre la collaboration. Ceci, grâce surtout au partenariat avec GEBANA Afrique qui a accepté de s'associer à un nouveau contrat tripartite avec V2M et URCPA AD. Les trois partenaires ont établi un contrat pour la livraison de 500 tonnes de noix au prix de 460 FCFA par kg pour la période février-mars 2016 et 560 FCFA par kg pour la période avril-juin. En septembre 2015, l’union régionale a engagé de nouveau des procédures pour obtenir la certification biologique des 15 coopératives villageoises de Kouandé, cette fois-ci pour 579 producteurs et une superficie de 1.672 hectares moyennant des coûts globaux de 2.517.235 FCFA soit 3.838 euros.

Le contrat tripartite garantit le virement des fonds à l’union régionale pour l’approvisionnement des noix en temps réel, ce qui n’était pas le cas du premier contrat. Cet engagement a été confirmé par les responsables de GEBANA Afrique qui sont venus visiter l’union régionale courant novembre 2015 et ont fait un premier virement des fonds d’un montant de 17.250.000 FCFA sur le compte de l’URCPA AD. De plus, GEBANA a acheté l’unité V2M pour créer GEBANA Bénin comme société qui traitera avec l’URCPA AD.

Défis pour l’avenir

Financer et rentabiliser les coûts de certification

Les frais de certification sont actuellement couverts par un partenaire de développement (le projet FAFA AD). Etant donné que les noix bio sont vendues en système de vente groupée, un pourcentage des frais de gestion ainsi que la prime bio pourraient aussi être réservés pour payer les frais de certification. Toutefois, des frais de gestion trop élevés risquent de dissuader les acheteurs de passer par le dispositif. Dans tous les cas, une réflexion devrait être engagée au sein des unions et coopératives concernant les charges induites par le processus de certification à renouveler chaque année.

Les calculs de simulation ont démontré qu’à partir de 500 tonnes de noix bio vendues, les recettes pourraient couvrir les charges. Les noix bio font l’objet d’un supplément de 10 FCFA par kg (30 FCFA pour le bio au lieu de 20 FCFA par kg pour le conventionnel). Sous réserve que le contrat tripartite (entre URCPA AD, V2M et GEBANA Afrique) soit respecté, notamment la mise en place à temps des fonds par GEBANA Afrique, les 500 tonnes pourraient être vendues. Il n’en reste pas moins que les prix sur le marché mondial échappent au contrôle des trois partenaires commerciaux.

Gérer les fluctuations de prix internationaux

Ces dernières années, l’anacarde bio est devenu un produit recherché sur le marché mondial. Les prix offerts aux producteurs dépendent des tendances au niveau du marché mondial et ont comme conséquence, la forte fluctuation des prix. Ainsi, la variation des prix au niveau mondial crée une concurrence ‘locale’ entre le conventionnel et le bio (cas de la

campagne 2014-2015). La demande croissante en noix d’anacarde conventionnelles met ce marché conventionnel à la portée des petits producteurs. Surtout qu’ils ont déjà plusieurs années d’expérience en la matière.

L’URCPA AD devra avoir un dispositif d’information sur les prix du marché international. Un suivi plus strict des prix du conventionnel permettra d’anticiper sur le succès ou non de la livraison pour les contrats bio et d’équilibrer la vente des noix bio et conventionnelles. De plus, pour ne pas dépendre d’un seul acheteur, l’union régionale opte déjà pour diversifier les acheteurs des noix d’anacarde bio. En effet, plusieurs unités de transformation des noix d’anacarde qui sont installées dans le nord du Bénin, prennent les dispositions pour faire certifier leurs unités afin de pouvoir servir ce marché de niche.

Développer la transformation locale des noix

Par ailleurs, l’URCPA étudie la possibilité de développer la transformation des noix bio en amandes bio. Cette initiative permettrait, selon les responsables de l’union, de réduire à terme la dépendance et le monopole des acheteurs surtout pour les noix certifiées bio et de bénéficier de la valeur ajoutée produite par la transformation. Cette initiative reste un gros défi à relever par l’union car cet exercice est limité par plusieurs facteurs (l’électricité, la main d’œuvre, les machines et leur maintenance, etc.).

Enseignements tirés de l’expérience

L’expérience de certification de la production des noix d’anacarde bio connaît un succès relatif si l’on considère l’adhésion timide mais progressive des producteurs qui acceptent de convertir leurs plantations d’anacarde en plantations qui répondent aux normes biologiques.

Toutefois, le dispositif de certification et de commercialisation qui vient d’être mis en place, demeure assez fragile. Dans un premier temps, une analyse critique approfondie devrait être réalisée sur les conditions à réunir pour assurer la durabilité institutionnelle de la certification biologique. Malgré toute l’attention apportée au transfert de compétences, le SCI nécessite encore un accompagnement technique permettant à chacun de jouer son rôle et travaillant de manière à ce que les frais liés au fonctionnement du système puissent être supportés par le dispositif de commercialisation lui-même.

Le marché de niche des noix d’anacarde bio sera un marché porteur pour les membres de l’URCPA AD si elle réussit à remplir trois conditions essentielles. D’abord, une maîtrise technique et une gestion rigoureuse du dispositif de contrôle interne (SCI) par les producteurs relais. A terme, ces producteurs devront être capables de détecter toutes les non conformités, puis de les consigner en rapport avant le passage du contrôleur interne de manière qu’à terme on puisse réduire le nombre de contrôleurs internes. Cette approche permettra de réduire le coût de fonctionnement du SCI sans altérer la qualité. Ensuite, avec une information régulièrement actualisée des tendances du marché conventionnel et du

Notes

marché de niche, l’union régionale peut se doter des arguments valables durant les négociations avec les acheteurs. Enfin, aller à une plus grande échelle, ce qui implique de plus grands volumes de noix bio et une organisation de la vente groupée, permettra de mettre en place un modèle de gestion d’entreprise qui assure l’autofinancement du dispositif de SCI.

De l’anacarde naturel à la noix de cajou certifiée bio dans la région de l’Atacora –Donga au Bénin De l’anacarde naturel à la noix de cajou certifiée bio dans la région de l’Atacora –Donga au Bénin

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Notes

La CTB, l’agence belge de développement, appuie et encadre des programmes de développement pour le compte de l’État belge et d’autres donneurs d'ordre.

Cette note est publiée sous Licence Creative Commons « by/nc/nd »

Notes

De l’anacarde naturel à la noix de cajou certifiée bio dans la région de l’Atacora –Donga au Bénin De l’anacarde naturel à la noix de cajou certifiée bio dans la région de l’Atacora –Donga au Bénin

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