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LARCIER Avant-propos

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Avant- propos

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Cet ouvrage a été conçu comme un manuel, principalement des-tiné aux étudiants de l’Université du Luxembourg, auprès de qui il devrait combler un manque. Enseignant depuis quatre ans le droit des contrats et le régime général des obligations dans cette uni-versité, j’ai constaté la difficulté que les étudiants pouvaient avoir à faire le lien entre le cours oral, les exercices demandés en droit luxembourgeois, et les manuels de droit français (ou plus rarement de droit belge) qui constituaient, jusque- là, leur principale source de documentation écrite. L’utilité pédagogique de cet ouvrage devrait encore s’accroître avec la mise en place à Luxembourg du nouveau bachelor en droit qui dissocie le cours – désormais centré sur une approche transnationale de la matière – des travaux dirigés axés sur le droit luxembourgeois. Les étudiants pourront ainsi trouver dans ce manuel une présentation systématique du droit national, qui ne leur sera plus dispensée sous la forme d’un cours oral. Cependant, par rapport aux manuels traditionnels, cet ouvrage présente une certaine spécificité, qui pourrait justifier son utilisation par d’autres lecteurs que les étudiants.

L’ouvrage emprunte au genre du manuel à la fois son contenu et ses techniques d’exposition. Du point de vue du contenu, l’ap-proche se distingue évidemment de celle d’une encyclopédie qui tend, sur chaque question, à l’exhaustivité. Il s’agit ici, fondamen-talement, d’un ouvrage de formation, qui ne vise pas à tout dire, mais seulement à délivrer les connaissances essentielles à l’ap-prentissage d’un savoir de juriste. De ce point de vue, le présent manuel ne prétend pas en particulier rivaliser avec le récent et très complet ouvrage de droit des obligations d’O.  Poelmans1, qui donne une analyse détaillée de la jurisprudence luxembour-geoise récente sur les mêmes matières, et auquel les lecteurs pourront utilement se référer pour compléter et illustrer les déve-loppements de ce manuel. S’agissant des techniques d’exposition, on les a souhaitées les plus pédagogiques possibles. Ce souci pédagogique a commandé, dans une large mesure, la structure des développements, qui cherche à n’aborder les questions que dans l’ordre où elles sont accessibles à  un lecteur débutant, en évitant de traiter d’abord des questions dont la compréhension suppose des connaissances qui ne seront dispensées que dans des développements ultérieurs. Dans tous les cas où cela n’était pas

1 O.  poelmAns, Droit des obligations au Luxembourg, Principes généraux et examen de jurisprudence, coll. Les Dossiers du Journal des tribunaux, Bruxelles, Larcier, 2013.

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possible, on s’est efforcé de donner une présentation sommaire de la question ne devant être abordée qu’ensuite ou dans le cadre d’un autre cours, et on a, volontairement, multiplié les renvois aux développements postérieurs ou antérieurs pour bien montrer les liens entre les différentes questions. Par ailleurs, pour éviter aux étudiants débutants de se perdre dans les détails, on a utilisé la désormais classique distinction, due à Jean Carbonnier, entre les développements en gros caractères, destinés à donner un premier aperçu de la matière, et les « petites lignes » permettant d’appro-fondir où cela apparaîtra utile (notamment pour la préparation des travaux dirigés) ou donnant des indications complémentaires à des lecteurs plus avancés. Contrairement à Carbonnier et à ses suiveurs, cependant, on a intégré les développements en petites lignes dans la continuité des développements, pour mieux montrer les liens entre les grands principes et les détails, tout en veillant à ce qu’il soit possible de lire en continu même en sautant les passages en petites lignes.

Ce manuel de droit luxembourgeois n’est cependant pas, et ne pouvait pas être, un manuel complètement similaire à ceux qui existent déjà, sur la même matière, en droit français ou en droit belge. Même si, comme ceux- ci, il est centré sur le droit national d’un pays, dans la tradition de l’enseignement du droit civil en Europe, le particularisme du droit luxembourgeois impose une ouverture beaucoup plus grande sur les droits étrangers que celle qui est d’usage dans les manuels. Comme on le sait sans doute, le droit luxembourgeois des obligations (et en particulier des contrats) trouve ses bases textuelles dans un Code civil qui est, pour l’essentiel, analogue au Code civil français. Le Luxembourg a en effet, comme la Belgique voisine, adopté au XIXe  siècle le Code Napoléon lors de son indépendance, et il l’a conservé depuis. Sans doute, depuis cette période, les législateurs des trois pays ont disposé du code à leur guise et il en résulte évidemment que l’identité textuelle des trois codes n’a pas été intégralement conser-vée2. Néanmoins, leur structure reste pour l’essentiel la même, et, dans certaines parties, les articles ont subsisté quasiment à l’iden-tique dans les trois pays. Il en va ainsi tout particulièrement pour le Titre III du Livre III du Code civil relatif aux contrats et aux obliga-tions conventionnelles où, dans l’attente de la prochaine réforme française, environ 90 % des textes restent communs aux trois pays.

2 C’est pourquoi il serait inexact de dire que le Luxembourg a « conservé le Code civil français ».

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Certes, cela ne signifie pas que le droit des obligations est resté le même en France, en Belgique et au Luxembourg. D’une part, il faut tenir compte des différences souvent importantes qui peuvent exister quant aux textes spéciaux relatifs aux différents contrats (dont la théorie générale du contrat ne saurait être séparée) ou dans les matières périphériques ayant des incidences sur les relations contractuelles (incapacités, régimes matrimoniaux, voies d’exécu-tion, faillites, etc.). D’autre part, même si les textes sont les mêmes, ils peuvent être interprétés (et complétés sur les points qu’ils ne règlent pas) différemment par la jurisprudence de chaque pays. Cependant, si les divergences sur ce terrain peuvent aujourd’hui être considérables entre la France et la Belgique, la jurisprudence luxembourgeoise en matière contractuelle reste, elle, très proche de celle de la Cour de cassation française. La raison principale en est que, jusqu’à une période récente, il n’existait pas d’université au Luxembourg, et que les magistrats luxembourgeois, de même que les juristes en activité au Luxembourg ont été formés ailleurs, dans l’immense majorité des cas en France. Les juges dans leurs décisions, comme les avocats dans leurs conclusions, ont dès lors une tendance naturelle à se référer aux décisions des juridictions françaises et aux opinions doctrinales des auteurs français – parfois d’ailleurs sans marquer la distance qui s’impose avec ce qui ne devrait être qu’une source d’inspiration comparative, et en intégrant complètement ces éléments de droit français à leur raisonnement. La situation est à cet égard complètement différente en Belgique, qui est dotée depuis longtemps d’importantes universités, où sont formés la plupart des juristes belges et où a pu se développer une pensée doctrinale spécifiquement belge qui nourrit largement, autant qu’elle s’en nourrit, une jurisprudence qui prend de plus en plus ses distances avec le modèle français. Il en résulte que les manuels de droit belge, aujourd’hui, n’utilisent plus les sources françaises que de manière marginale. En revanche, il est toujours rigoureusement impossible de faire l’étude du droit luxembourgeois comme s’il s’agissait d’un système clos, complètement autonome, sans se référer constamment au modèle français. C’est d’autant plus impossible que, sur de nombreuses questions, la jurisprudence luxembourgeoise, évidemment peu abondante compte tenu de la taille du pays, n’a jamais eu l’occasion de prendre position (ou ne l’a pas fait depuis très longtemps), et qu’on sera naturellement porté, pour combler les vides, à aller chercher les solutions et les opinions françaises.

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Il convient cependant d’éviter de de rédiger un tel ouvrage comme si c’était un manuel de droit français, dans lequel on signalerait sim-plement au passage les solutions spécifiques au Luxembourg, en partant du présupposé qu’à défaut de telles solutions, c’est le droit français qui est applicable. Même si les juges paraissent parfois eux- mêmes l’oublier, il faut rappeler que l’appel au droit français ne vaut qu’à titre de source d’inspiration, et que, sur chaque question, le droit luxembourgeois est libre de choisir sa propre voie, éventuellement en allant regarder du côté d’autres droits étrangers. De ce point de vue, le droit belge des obligations, parce qu’il repose très largement sur les mêmes textes, et parce qu’il fait partie du même « système » de droit civil, peut évidemment constituer, à côté de l’alma mater française, une source d’inspiration privilégiée. C’est pourquoi, on veillera, dans le présent manuel, à se livrer à une comparaison sys-tématique des solutions et des opinions doctrinales françaises et belges, soit pour aider à mieux situer les solutions luxembourgeoises lorsqu’elles existent, soit, si elles n’existent pas encore, pour offrir plusieurs alternatives au développement de la jurisprudence future. Mais, même si le recours aux droits français et belge s’impose prio-ritairement au Luxembourg dans un souci de cohérence du système, on peut penser que, de nos jours, ces droits ne devraient plus y servir de référence exclusive. Rien n’interdit, en particulier, de regarder du côté des codes qui, issus à l’origine du Code Napoléon, ont évolué ou ont été refaits pour s’adapter aux transformations de la société et des idées, en intégrant parfois au passage des influences d’autres systèmes3. Rien n’interdit non plus, sur certains points au moins, de prendre en considération certaines solutions reçues dans les droits germaniques où, on le verra, le législateur luxembour-geois contemporain va lui- même puiser quelques concepts. Et, bien sûr, rien n’interdit de s’inspirer des multiples projets qui fleurissent actuellement en matière de droit des contrats, qu’ils soient nationaux (notamment français), ou européens (Principes du droit européen du contrat, DCFR, Droit commun européen de la vente). Le « petit » Luxembourg, pays européen par excellence, pourrait ainsi être un lieu privilégié de circulation des idées et des concepts juridiques des différents pays d’Europe (comme l’est actuellement son université) et un laboratoire d’expérimentation de solutions européennes. De ce point de vue, il ne me semble pas y avoir de contradiction entre la

3 On songe en particulier au Code civil du Québec, ou, dans le cadre européen, au Nieuw Burgerlijk Wetboek néerlandais de 1992 ou au tout récent Codul civil roumain.

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construction progressive d’un droit luxembourgeois autonome – qui est l’idée de base du présent manuel – et les aspirations d’une partie des juristes européens à l’harmonisation européenne du droit des contrats. Les récents déboires de ce mouvement semblent en effet montrer que c’est plutôt par la perméabilité progressive des droits nationaux aux solutions reçues ou discutées dans les autres pays ou dans les cénacles savants, plutôt que par le placage artificiel d’un corps de règles édictées à l’échelon de l’Union, que peut se construire un droit européen des contrats. Les petits états, parce que leur système est plus ouvert, et qu’ils sont moins repliés sur une tradition nationale prestigieuse mais parfois étouffante, ont à cet égard un rôle déterminant à jouer.

Cette nécessaire ouverture comparative devrait contribuer à donner à cet ouvrage un caractère moins dogmatique que celui qu’ont habituellement les manuels de droit civil. Dans la tradition de l’enseignement du droit national, les auteurs de manuels (qui sont, le plus souvent, des professeurs) cèdent souvent à la tentation de vouloir délivrer à leur lecteur une sorte de « vérité » –  que les étudiants, du reste, attendent très souvent qu’on leur révèle. Que de fois, ayant indiqué en cours qu’il n’existait pas sur tel point de jurisprudence au Luxembourg, et ayant exposé, principalement à partir de la jurisprudence et de la doctrine françaises et belges, les différentes solutions envisageables, ai- je entendu un(e) étudiant(e) me demander : « Alors c’est quoi, Monsieur, « la » solution ? ». Bien entendu, lorsqu’on enseigne et écrit à l’intérieur d’un système juri-dique aussi riche que l’est par exemple le droit français, où existent une multitude de textes interprétés et complétés par une jurispru-dence foisonnante, il est rare qu’on ne puisse pas dire, au minimum, quelle est la solution reçue en droit positif (même si, en réalité, on construit souvent assez largement cette solution à travers des choix subjectifs, par exemple dans la sélection des décisions qu’on cite ou dans la lecture qu’on en fait). Par ailleurs, lorsqu’on est un acteur parmi d’autres d’une communauté doctrinale, on est naturellement amené à faire comme les autres, à donner son opinion sur telle ou telle solution, voire à soutenir, pour ses étudiants ou pour ses lec-teurs, que la solution qu’on prône est la seule « bonne », voire la seule « vraie ». On contribue ainsi à inscrire dans la tête de ses étu-diants ce qu’un auteur a appelé « le dogme de la solution unique »4.

4 M. Boudot, Le dogme de la solution unique, sous la direction de O. pfersmAnn, thèse, Aix- Marseille 3, 1999.

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Curieusement, la mise en perspective historique des solutions, qui révèle leur constante évolution, n’aboutit pas toujours à remettre en cause ce dogme, soit parce qu’on présente l’évolution histo-rique comme un constant progrès vers la « bonne solution » enfin découverte par la jurisprudence ou par les auteurs modernes, soit parce que, à l’inverse, on se réfugie dans une sorte d’essentialisme historique consistant à tenir pour seules « vraies » les conceptions qui ont été forgées par tel auteur prestigieux du passé et consacrées un temps par les textes ou les tribunaux, et à présenter comme autant de déviations les évolutions postérieures qui s’en écartent5. De même, les quelques éléments de droit comparé qu’on s’oblige aujourd’hui, fort heureusement, à donner aux étudiants ne contri-buent guère à nourrir le relativisme à l’intérieur du système dans la mesure où les solutions étrangères, parce qu’elles se rattachent à un arsenal conceptuel différent, ne peuvent pas se dresser en rivales des solutions nationales.

Il en va tout autrement lorsque l’ouverture comparative s’impose en quelque sorte ab initio, non pour donner un éclairage rétrospectif au droit national, mais pour contribuer d’emblée à sa compréhen-sion et à sa construction. Le dogmatisme paraît alors d’autant plus déplacé qu’on a, dans le cas du Luxembourg, constamment sous les yeux, pour combler les vides, des solutions différentes, consacrées comme « vraies » dans des droits nationaux différents (principale-ment le droit français et le droit belge), mais élaborées à partir des mêmes textes, avec le même arsenal conceptuel, à l’intérieur du même système. Il est évidemment un peu difficile de soutenir, lorsqu’on en est présence de deux interprétations divergentes du même texte, non par deux auteurs français ou belges, mais par deux cours de cassation, que l’une est dans le vrai et l’autre dans l’erreur. On peut bien entendu mesurer les avantages et les inconvénients de l’une et de l’autre position, et conclure que l’une semble préférable à l’autre, mais on ne peut en aucune manière tenir sur la question un discours de vérité. On le peut d’autant moins que, compte tenu du contexte précédemment décrit, on est un des seuls professeurs à enseigner le droit luxembourgeois des contrats, sans être adoubé pour cela par une communauté doctrinale qui tire sa légitimité de la reconnaissance mutuelle que se portent ses membres. En l’ab-sence d’une telle reconnaissance, il faudrait une prétention folle

5 Pour un exemple caractéristique, voy. le célèbre (et remarquable) article de P.  remy, « La “responsabilité contractuelle” : histoire d’un faux concept », RTD civ., 1997, p. 323.

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pour prétendre, à soi seul, révéler aux juges d’un pays dont on n’est même pas un ressortissant, lorsqu’ils ne se sont pas encore prononcés, quelle est « la » solution qu’ils doivent retenir, ou, s’ils en ont déjà donné une, leur délivrer une bonne ou une mauvaise note. On s’efforcera donc toujours, dans le présent ouvrage, de se tenir à distance de ce « dogme de la solution unique », et on cherchera plutôt à centrer le discours sur les problèmes, et sur les différentes solutions qui semblent raisonnablement possibles, principalement, mais pas exclusivement, à l’intérieur du système « franco- belgo- luxembourgeois ».

Du coup, on peut espérer que le présent manuel trouvera un public au- delà du cercle des étudiants auxquels il est d’abord des-tiné. C’est, à vrai dire, l’ambition de la plupart des manuels qui sont actuellement sur le marché, en France et en Belgique, qui cherchent à toucher un lectorat beaucoup plus large que celui des étudiants, et qui, de fait, sauf lorsqu’il s’agit de petits ouvrages à prétention strictement pédagogique, servent souvent de référence aux collègues universitaires et aux praticiens. Dans le cas présent, ce manuel pourrait avoir quelque utilité pour les praticiens qui opèrent au Luxembourg (juges, avocats, notaires, etc.), non parce qu’il les renseignera de manière exhaustive sur le dernier état de la jurispru-dence6, mais parce qu’il leur indiquera, sur les différentes questions, les tenants et les aboutissants des solutions actuelles, et les manières possibles de les faire évoluer, ou sur les solutions potentielles lors-qu’il n’en existe pas encore, sans nécessairement se laisser enfermer dans une application automatique du droit français. Au- delà, on peut imaginer que l’ouvrage, en raison de la comparaison presque systématique qu’il est amené à faire entre les interprétations et les conceptions françaises, belges (et, lorsqu’elles existent, luxem-bourgeoises), puisse intéresser certains juristes français ou belges, spécialement universitaires, qui pourraient y trouver des éclairages nouveaux de nature à revivifier quelques questions stérilisées par une pensée trop exclusivement nationale.

6 Pour cela, l’ouvrage déjà cité d’O. poelmAns, Droit des obligations au Luxembourg, Principes généraux et examen de jurisprudence, me paraît irremplaçable.

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