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THINK • STIMULATE • BRIDGE CYCL O PE ARCADIA Annual Report on Commodity Analytics and Dynamics in Africa L’Afrique et les marchés mondiaux de matières premières 2017 sous la direction de Philippe Chalmin et Yves Jégourel

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THINK • STIMULATE • BRIDGE

CYCL O PE

ARCADIAAnnual Report on Commodity Analytics and Dynamics in Africa

C’est le visage d’une Afrique légèrement rassérénée qui estapparu en 2016. Si la croissance mondiale est restée assezterne et le commerce international atone, le rebond des prixde nombreuses matières premières et le maintien d’unedynamique d’investissement ont, en e�et, quelque peu

sou�lé sur les nuages menaçants qui avaient obscurci le cielde son économie en 2015. Une légère embellie donc qui illustre

la résilience dont ont fait preuve nombre de pays africains maisqui ne peut faire oublier que l’hétérogénéité du continent demeure,

tant au regard des performances économiques des pays qui le composentque de la conjoncture des di�érents marchés de commodités (agricoles,minérales, énergétiques) auxquels il est exposé.Une année 2016 qui a, par ailleurs, été marquée par des évènements poli-tiques ou géopolitiques majeurs dont les conséquences ne peuvent êtrenégligées. Car s’intéresser à l’Afrique et les marchés mondiaux de matièrespremières, c’est embrasser d’un même regard la réalité des marchés ducacao ou du café, celui du minerai de fer, du pétrole, du gaz, du cuivre oudu phosphate tout en observant avec acuité les mutations structurellesdu continent. C’est pouvoir apprécier le développement économique denombreux pays africains sans oublier l’importance des dé�s économiques,logistiques ou humains que le continent se doit encore de relever. C’estaussi pouvoir multiplier et croiser les analyses, qu’elles soient écono-miques, juridiques, �nancières ou géopolitiques: l’approche que le rapportArcadia tente, précisément, de développer au travers, notamment, de seschapitres sur la sécurité alimentaire et les politiques agricoles africaines,sur le �nancement des économies africaines, sur la géopolitique régionale,sur la réforme des codes miniers ou sur la question essentielle de l’électri�-cation du continent.L’Annual Report on Commodity Analytics and Dynamics in Africa (Arcadia)est rédigé par une trentaine d’experts internationaux sous la directionde Philippe Chalmin, Professeur à l’Université Paris Dauphine et YvesJégourel, maître de conférences à l’Université de Bordeaux et Senior Fellowà l’OCP Policy Center. Le rapport Arcadia s’inscrit dans le cadre d’une colla-boration entre CyclOpe et l’OCP Policy Center.

L’Afriqueet lesmarchés mondiauxde matières premières

L’Afrique et les m

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2017 2017

sous la direction dePhilippe Chalminet Yves Jégourel

ARCADIAAnnual Reporton CommodityAnalytics andDynamicsin Africa

CYCL O PE

THINK • STIMULATE • BRIDGE

ISBN OCP Policy Center :978-9954-9636-8-5

ISBN Economica :978-2-7178-6977-449 €

www.cercle-cyclope.com www.ocppc.ma

A

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CA

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www.economica.fr

Ceci est une épreuve PDF 100dpi pour BAT2565556D-01-CV_ARCADIA - 06-Jun-17 - 11:20:20 - couv-arcadia_economicaVF2017_BAT_printOK_IN_VERIF

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L’Afrique et les marchés mondiauxde matières premières

Sous la direction de Philippe CHALMINet Yves JÉGOUREL

N

2017

49, rue Héricart, 75015 Paris

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© Ed. ECONOMICA et OCP Policy Center, 2017Tous droits de production, d’adaptation et d’exécution

réservés pour tous les pays.

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À propos d’OCP Policy Center et de CyclOpe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .IVAvant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .VLes collaborateurs d’Arcadia 2017 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .VIII

L’Afrique et les marchés mondiaux de matières premières . . . . . . . . . . . . . . .XI

Première partie : Les mutations structurelles du continent africain . . . . . . . . . .1

La croissance économique mondiale en 2016 : bilan et perspectives . . . . . . . . . . . .3Chapitre I Évolution du prix des matières premières et perspectives

macroéconomiques africaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13Chapitre II Ressources naturelles et réalités géopolitiques du continent africain . . .27Chapitre III Financements multilatéraux, dépenses d’infrastructures

et politiques d’investissements dans le secteur des matières premières en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35

Chapitre IV Organisation du commerce mondial, sécurité alimentaire et politiques agricoles africaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47

Chapitre V Réformes des codes miniers et évolution de l’environnement réglementaire des secteurs extractifs en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . .59

Chapitre VI Énergies renouvelables et non renouvelables : comment renforcer l'électrification du continent africain ? . . . . . . . . . . . . . . . .71

Deuxième partie : Les grands marchés de l’Afrique en 2016 . . . . . . . . . . . . .81

I Grains et agriculture tempérée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .83II Produits tropicaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .109III Produits animaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .161IV Minerais, métaux et engrais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .175V Énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .229

Sommaire

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À propos

OCP Policy CenterOCP Policy Center est un think tank marocain qui a pour mission la promotion du partagede connaissances et la contribution à une réflexion enrichie sur les questions économiqueset de relations internationales. à travers une perspective du Sud sur les questions critiqueset les grands enjeux stratégiques régionaux et mondiaux auxquels sont confrontés lespays émergents, OCP Policy Center offre une réelle valeur ajoutée et vise à contribuer àla prise de décision stratégique à travers ses quatre programmes de recherche : 1) Agri-culture, Environnement et Sécurité Alimentaire, 2) Économie et Développement Social,3) Économie et Finance des matières premières, 4) Géopolitique et Relations Internatio-nales.

CyclOpeCyclOpe est une société d’études spécialisée dans l’analyse des marchés mondiaux desmatières premières : elle tire son nom du « Rapport CyclOpe » publié chaque année de-puis 1985.CyclOpe est dirigé par Philippe CHALMIN, professeur à Paris-Dauphine, consultant au-près d’organismes internationaux (OCDE, CEE, CNUCED). L’équipe de CyclOpe estconstituée d’une soixantaine de spécialistes dans le monde entier.

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Réalisée conjointement par CyclOpe et l’OCP Policy Center, la premièreversion du rapport sur l’Afrique et les marchés mondiaux de matières premièresa suscité l’enthousiasme de nos lecteurs, qu’ils soient décideurs publics, profes-sionnels du secteur, universitaires ou étudiants. « Enfin un rapport sur les matièrespremières dédié au continent africain ! » : voilà, en substance, les premiers motsque nous entendîmes lorsque nous le présentâmes à Rabat, Dakar, Abidjan et Paris.Un rapport que nous avons voulu exhaustif et, convenons-en sans modestie de circonstance, utile dans un contexte économique aujourd’hui difficile à décrypter.Car, au-delà de l’expertise et de la réactivité de nos auteur(e)s, la force de notreapproche est de lier, dans un même ouvrage, des analyses de marché approfondiessur les différentes matières premières qui comptent pour les pays producteurs africains aux explications macroéconomiques sans lesquelles notre compréhensionserait largement imparfaite.

Portés par ces échos favorables, mais également par la volonté d’offrir unevision toujours plus fine des réalités et des potentialités africaines dans le mondedes commodités, nous avons tenté d’améliorer ce rapport en y apportant trois mo-difications majeures par rapport à l’édition 2016. Deux années sont un bien jeuneâge, mais il nous fallait en premier lieu prendre notre envol et nous démarquer durapport CyclOpe en adoptant un nom différent. Arcadia pour Annual Report on

Commodity Analytics and Dynamics in Africa : tel est désormais le nom de ce rap-port, dont la signification rappellera aux amateurs de mythologie que les liens deparenté avec son ainé demeurent bien présents. L’Arcadie était une région mon-tagneuse du centre du Péloponnèse qui fut au cœur de la naissance de la civilisa-tion grecque. Et puis, beaucoup plus tard, il y eut le cénacle des poètes arcadiensqui se réunissaient autour de Virgile. Il nous a semblé en deuxième lieu importantde renforcer les analyses que nous pouvions offrir sur les dynamiques structurellesqu’a connues le continent africain durant l’année considérée. Des approches ma-croéconomiques donc, mais pas seulement. Géopolitique, environnement, fiscalité,

Avant-propos

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VI / Arcadia 2017

réglementation : le lecteur trouvera, dans la première partie de ce rapport, des chapitres portant sur des questions aussi essentielles que la réforme des codes etdes conventions minières en Afrique, l’incidence géopolitique des matières premières, le rôle des énergies renouvelables et non renouvelables dans le déve-loppement économique du continent, ou celui de la sécurité alimentaire en Afrique.La deuxième partie de ce rapport demeure, quant à elle, dédiée à l’analyse del’évolution des différents marchés de matières premières qui, bien que mondiaux,ont une importance économique pour l’un ou plusieurs pays producteurs africains.Le lecteur assidu y retrouvera donc, parmi d’autres commodités, le pétrole, le gaznaturel, le cuivre, le minerai de fer, la bauxite, le charbon à coke, les bois tropi-caux, le diamant, le cacao, le café, le coton ou le riz… mais découvrira égalementune nouveauté : le charbon vapeur. Les textes produits, il s’agit là de la troisièmemodification par rapport à l’édition 2016, ont été repensés pour offrir une pers-pective désormais exclusivement africaine sur des produits échangés mondiale-ment. Remercions à ce titre tous nos auteur(e)s qui ont su faire cet effort que noussavons important pour s’extraire de leur quotidien professionnel et vous proposercette analyse tout à fait unique. Anacarde, arachide ou… ? Nous pensons d’oreset déjà à ces matières premières que nous n’avons pas encore traitées et que nouspourrions considérer dans l’édition 2018 afin de prétendre à cette exhaustivité quifait de CyclOpe et d’Arcadia des rapports uniques au monde.

Si l’on s’en tient aux marchés des minerais, des métaux et de l’énergie,2016 a clairement marqué une nette embellie sur le front des prix par rapport àl’année noire que fut 2015. Ce rapport appelle cependant, s'il en est besoin, à conti-nuer à mettre en œuvre sans relâche ces réformes structurelles qui sont une desconditions sine qua non du développement économique. Car d’ambiguïté, il enest encore et toujours question en 2017 : l’ambiguïté des liens qui unissent parfoisune économie, africaine ou non, à des matières premières dont on sait que les prixsont par nature instables. « Se diversifier pour éviter de subir la malédiction desmatières premières ! » répète-t-on à l’envi. Certes, mais au-delà du bien-fondéquasi tautologique de cette affirmation, la question essentielle est bien celle du« comment ? ». Comment piloter cette diversification ? Par une transformationaccrue des matières premières produites, des politiques de contenu local, ou l’ex-ploitation d’avantages comparatifs qui ne seraient pas liés au secteur primaire ?

On le sait par ailleurs : la question de la fourniture d’électricité au continent africain est un des éléments-clés de son développement, mais quelle pondérationtrouver entre énergies renouvelables et fossiles ? Et puis, comment financer cettetransformation structurelle alors que l’épargne nationale peut être insuffisante etque les gouvernements n’ont guère de prise sur les conditions des financementsinternationaux ? Comment, enfin, s’assurer de la permanence de ces financementsalors que les stratégies de transformation industrielle s’inscrivent par nature surle long terme ?

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Arcadia 2017 / VII

De toute évidence, ces questions n’appellent pas de réponses simples ouuniques applicables à l’ensemble des pays considérés, indépendamment de leurcontexte économique ou politique et du produit considéré. Elles imposent aucontraire d’appréhender la problématique de la dépendance du continent africainau secteur des matières premières en multipliant et en croisant les angles d’ana-lyse : géopolitique, macro, micro et méso économique, financier, juridique, histo-rique, environnemental. Elles imposent, en définitive, des expertises variéessusceptibles de nourrir le débat politique et, en cela, d’éclairer l’action publique…L’approche que le rapport Arcadia tente, précisément, de développer.

Bonne lecture !

Philippe Chalmin Yves Jégourel

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Les collaborateursd’Arcadia 2017

Philippe CHALMIN Professeur d’histoire économique Introduction générale,Coordination générale à l’Université Paris-Dauphine, La croissance économique Président de l’Observatoire mondiale en 2016, de la Formation des Prix et des Engrais Marges des Produits Alimentaires

Yves JEGOUREL Maître de conférences à l’Université Introduction générale,Coordination générale de Bordeaux, Chapitre VI (Énergies Senior Fellow, OCP Policy Center renouvelables et non renouvelables), La croissance économique mondiale en 2016, Minerais, métaux et engrais Abdelhak BASSOU Senior Fellow, OCP Policy Center Chapitre II (Ressources naturelles et réalité géopolitique)

Ludovic BERNET Avocat au Barreau de Paris Chapitre V (Réformes des Fieldfisher LLP, Africa Group codes miniers et évolution de l’environnement réglementaire des secteurs extractifs en Afrique)

Benoît de CARBONNIèRES Banquier secteurs miniers Métaux précieux, et hydrocarbures RAWBANK Diamants Katanga (République démocratique du Congo)

Bénédicte CHATEL Directrice associée Cacao, Café de Commodafrica

Patrice CHRISTMANN Direction de la Stratégie Petits métaux et de la Recherche, BRGM

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Arcadia 2017 / IX

Sylvie CORNOT-GANDOLPHE Présidente SCG Consulting Charbon vapeur

Medhi EL KADIRI Chargé de mission auprès Chapitre III (Financement, de la Direction générale, dépenses et politique Groupe OCP d’investissement…) Jean-Christophe DEBAR Directeur, Fondation pour l’agriculture Chapitre IV (Organisation et la ruralité dans le monde (FARM) du commerce mondial, sécurité alimentaire et politiques agricole…)

Anne GUILLAUME-GENTIL Directrice associée Chapitre I (Evolution prix de Commodafrica matières premières et perspéctives macroéconomiques…)

Dominique GUYONNET Direction de la Stratégie Petits métaux et de la Recherche, BRGM

Amandine HOURT Chargée d'études économiques, Sisal et fibres dures, FranceAgriMer Thé

Helga JOSUPEIT Chercheur, marché des produits Produits de la mer de la mer (Rome, Italie)

Alain KARSENTY Économiste, CIRAD Bois tropicaux

Elisabeth LACOSTE Directeur de la Confédération Sucre Internationale des Betteraviers Européens, CIBE (Bruxelles)

Florent LAGER Administrateur général adjoint, Chapitre V (Réformes des MPD Congo et Vice-président codes miniers et évolution de la Fédération des Mines du Congo de l’environnement réglementaire des secteurs extractifs en Afrique)

Denis LOEILLET Responsable de l’Observatoire Bananes, des marchés du Cirad-Persyst UR 26, Ananas, Rédacteur en chef de la revue FruiTrop Fruits tropicaux (Montpellier) François LUGUENOT Responsable de l’Analyse des marchés Céréales chez InVivo

Philippe MASSEBIAU Chef de projet Politiques et marchés, Chapitre IV (Organisation Fondation pour l’agriculture du commerce mondial, et la ruralité dans le monde (FARM) sécurité alimentaire et politique agricole)

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Patricio MENDEZ DEL VILLAR Chercheur au CIRAD, Rizéditeur d'Observatoire Osiriz/InfoArroz(Montpellier)

Emmanuel NEE Directeur du département ingrédients Vanillede Touton SA

Francis PERRIN Président de Stratégies et Politiques Pétrole, Gaz,Énergétiques et directeur de la rédaction de Pétrole et Gaz Arabes/Arab Oil

& Gas et de la Lettre OAG Africa/OAG

Africa Newsletter

Senior Fellow, OCP Policy Center

Quentin POINTEREAU Responsable service Trading, CotonMambo Commodities

Jean-Paul SIMIER Directeur Filières alimentaires ViandesBretagne Développement Innovation (Rennes)

Béatrice BEYER Mise en page des versions française et anglaise

Dominique DALLE-MOLLE Graphiques

Geoffrey FINCH Coordination de la version anglaise

Martine GRANGÉ Coordination et adaptation

Claire MABILLE Couverture

Isabelle TANGUY Secrétariat et presse

X / Arcadia 2017

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L’Afrique et les marchésmondiaux de matières premières

« Voilà la difficulté, voilà l’épreuve »… Ces quelques mots écrits par Virgile dansle chant VI de l’Énéide ne peuvent manquer de résonner en ce début d’année 2017.Les raisons à cela ne sont pas liées aux marchés de matières premières qui, contrai-rement à 2015, se sont dans l’ensemble bien tenus. Elles ne sont pas non plus d’or-dre économique, même si, avouons-le, le bilan de l’année 2016 s’est avéréparticulièrement terne. La croissance mondiale s’est, en effet, affichée à 3 % et2017 ne devrait pas sensiblement changer cette réalité même si des signaux positifsse sont fait jour sur les derniers mois de l’année 2016. Derrière ce résultat mitigése cachent, comme toujours, d’importantes disparités non seulement entre les paysavancés (entre 1 % et 2 % de croissance) et certains pays émergents, mais égale-ment entre pays d’une même zone régionale. L’Europe a ainsi vu se côtoyer l’Irlande dont la croissance économique a dépassé 4 % et la Grèce dont l’activitééconomique n’a pas progressé, parmi d’autres problèmes. Ce constat apparaît en-core plus marqué en Afrique avec, d’un côté, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Kenya,le Rwanda ou le Sénégal dont la croissance économique devrait dépasser 6 % et,de l’autre, la Guinée équatoriale ou le Soudan du Sud dont l’activité économiquerecule. Que dire, enfin, de ces fameux BRICS dont nous entendîmes largementparler, promesse d’une croissance économique sans cesse renouvelée et qui n’ontaujourd’hui de réalité que le nom. La Chine et les États-Unis ont, pour leur part,continué à marquer le tempo de l’économie mondiale mais que d’incertitudes ja-lonnent désormais leurs parcours. à l’Est, une économie chinoise au cœur detoutes les attentions et dont la mutation structurelle, par nature complexe, rythmeles échanges internationaux et détermine, en cela, la vigueur des économies dumonde, notamment celles du continent africain ; à l’Ouest, la politique monétairede Janet Yellen dont le resserrement progressif devra faire écho à la politique bud-gétaire expansionniste de Donald Trump dont on peine, parfois, à comprendre tousles contours.

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XII / Arcadia 2017

Une aggravation des tensionsinternationales

Des incertitudes économiques fortes donc,mais les difficultés ou les épreuves les plusgrandes ne se sont probablement pas situées à ceniveau mais bien en amont, sur le versant poli-tique. En Syrie et en Irak où Daech a perdu unetrès large partie des territoires qui étaient sous soncontrôle depuis 2014, mais également au Yémenou en Libye, la guerre a continué à faire rage dansun théâtre d’opérations où les puissances régio-nales et internationales composent ou s’opposent :les États-Unis, la Russie, l’Europe, la Turquie,l’Iran ou l’Arabie Saoudite. à l’utilisationd’armes chimiques en Syrie, les États-Unis ontrépondu, au début du mois d’avril 2017, par lebombardement de la base aérienne d’Al-Chaayrate tenue par l’armée régulière du régimede Bachar El Assad. Soulevant approbations oudésapprobations, le tir des tomahawks américains,une des mesures les plus radicales depuis le débutdu conflit, a surtout rappelé toute l’impuissancede l’Organisation des Nations Unies sur la scèneinternationale. Car la question syrienne est aussicelle maintes fois posée du maintien ou du départde l’actuel Président syrien. Une question àlaquelle les accords de « Genève 4 » n’ont pas suapporter de réponse. En Afghanistan, c’est laMother of all bombs, la plus grosse bombe nonnucléaire de l’arsenal américain, qui a été larguée,ce même mois, sur les caches de Daech. Ungroupe aéronaval américain était, dans le mêmetemps, dérouté pour aller patrouiller au large de lapéninsule coréenne. Une réponse, a-t-on justifié,aux provocations militaires du régime dePyongyang qui a poussé Pékin à rappeler qu’uneguerre pouvait éclater à tout moment avec laCorée du Nord et que seule une issue pacifique auconflit devait être envisagée.

Une Chine qui continuait, en 2016, à asseoir sadomination en mer de Chine méridionale. En jeunotamment, le petit archipel des Spratleys disputépar Taiwan, les Philippines, la Malaisie, Brunei etle Vietnam et ce, en raison de ses ressourceshalieutiques et en hydrocarbures, mais égalementde son intérêt géostratégique. En juillet 2016, laCour permanente d’arbitrage de La Haye déclarait

que « la ligne en neuf traits » chinoise n’était pascompatible avec les règles du droit maritime inter-national et confirmait les Philippines dans leurlégitimité territoriale sur le récif de Scarborough,un atoll dont la Chine a pris possession en 2012.Les Philippines qui ont, dans un autre domaine,défrayé la chronique en raison des déclarationstonitruantes de leur président Rodrigo Duterte,mais également des ambiguïtés de la politiqueinternationale de ce dernier. La Russie, bien qu’af-faiblie par la baisse des prix du pétrole, est, poursa part, restée à la manœuvre sur les deux rives duGolfe arabo-persique, sans pour autant perdre devue ses marches ukrainiennes et d’Asie centrale.Bien que présente au travers de ses pays membressur plusieurs théâtres d’opération, l’Europe est,quant à elle, restée bien silencieuse, tout autantsonnée par un Brexit qu’elle ne voulait envisagerque percluse par son absence de vision politiquecommune sur les questions internationales.

Autant de tensions géopolitiques et de déve-loppements militaires dont il est particulièrementdifficile de prendre toute la mesure, mais qui sem-blent consacrer l’avènement d’une situation géo-politique nouvelle caractérisée par un recul dumultilatéralisme et la montée d’un équilibre despuissances dont on aurait du mal, au regard de laversatilité des relations politiques entre les États-Unis, la Russie et la Chine, à trouver le bary-centre. Fait trivial ou évocateur, jamais la questionde la « troisième Guerre mondiale » n’a été, en cedébut d’année 2017, autant présente dans lemoteur de recherche de Google. Tout ceci sansoublier la persistance des conflits « historiques »au premier rang desquels celui qui opposePalestiniens et Israéliens au Proche-Orient. Quedire, par ailleurs, des guerres civiles et des mou-vements sociaux violents qui perdurent de par lemonde ainsi que des actes et des tentatives terro-ristes qui se sont multipliés au Moyen-Orient(Arabie Saoudite, Turquie, Syrie, Irak, Israël,Liban, Pakistan, Afghanistan, Yémen), en Europe(Belgique, France, Royaume-Uni, Suède), auxÉtats-Unis, en Russie, en Asie (Bangladesh, Inde,Philippines, Thaïlande et Indonésie) ou en Afrique(Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Nigeria,République démocratique du Congo, Somalie,Tchad, Mali, Tunisie et Égypte) ? à ce triste bilan

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Arcadia 2017 / XIII

politique, il convient d’ajouter les catastrophesnaturelles dont certaines ont, à partir de 2014, par-ticulièrement heurté le continent africain : l’épi-démie de fièvre Ebola qui a ébranlé la Guinée, leLiberia et la Sierra Leone entre 2014 et 2016 etdont les conséquences économiques et humainesperdurent et, à partir de 2016, la sécheresse quitouche l’Afrique de l’Est et australe et fait peser,dans cette zone géographique, un risque trèsimportant sur la sécurité alimentaire. La main del’homme est parfois étrangère aux drames qui letouchent…

Dans ce contexte aussi difficile qu’anxiogène,on oublierait presque que l’année 2016 et les pre-miers mois de 2017 ont aussi été marqués par desvictoires politiques et géopolitiques de grandeenvergure. Parmi celles-ci, figure l’accord de paixobtenu, en juin 2016, entre le gouvernementcolombien et les Forces armées révolutionnairesde Colombie (Farc) après plus de cinq décenniesde conflits. Un accord historique qui a valu auPrésident colombien Juan Manuel Santos le prixNobel de la paix. Parmi les autres victoires poli-tiques de 2016, davantage symbolique qu’opéra-tionnelle cette fois, figure le vote par cent-treizepays d’une résolution à l’Organisation desNations Unies, pour convoquer une conférence« chargée de négocier un instrument juridique-ment contraignant d’interdiction des armesnucléaires conduisant à leur élimination totale ».Le retour du Maroc au sein de l’Union africaine,une organisation que le royaume chérifien avaitquittée en 1984, s’affirme également comme unévénement politique majeur à l’échelle du conti-nent africain. Si le Roi Mohammed VI a, depuisson couronnement, multiplié les tournées afri-caines, celles de 2016 et 2017 ont été marquéespar une multiplication d’accords commerciauxattestant du dynamisme des investissementsmarocains. Le Maroc qui, fort de sa politiqueambitieuse en faveur des énergies renouvelables,a accueilli la COP 22 en 2016.

Les incertitudes américaines

Pénalisée par la fermeté du dollar et par labaisse des prix du pétrole, la croissance de l’éco-nomie américaine n’a été que de 1,6 % en 2016.

Sur le plan économique, tout n’a cependant pasété décevant au cours de cette dernière année demandat de Barack Obama. Ce sont, en effet,2,5 millions d’emplois qui ont été créés dansl’économie marchande ramenant le niveau duchômage du pays au-dessous de 5 % et faisantapparaître, pour la première fois depuis la crise de2008, des tensions sur le marché du travail. Unesituation qui n’a d’ailleurs pas été étrangère à ladécision prise par Janet Yellen d’augmenter lestaux directeurs de la Banque fédérale américaine.

Le bilan de l’ancien Président américain estbon, mais certainement pas exceptionnel. En2016, la situation économique américaine estcertes bien plus favorable que lors de son investi-ture à la Maison-Blanche le 20 janvier 2009, maiselle a profité de vents porteurs aux premiers rangsdesquels la poursuite de la révolution technolo-gique portée par les célèbres GAFA, celle du gazet du pétrole de schiste et une politique monétaireparticulièrement accommodante conjuguant tauxd’intérêt bas et mesures non conventionnelles derachat d’actifs. Force est, par ailleurs, de rappelerque l’incapacité de Barack Obama à cohabiteravec un Congrès républicain a rapidement limitéses velléités de réforme et son texte emblématiqueadopté en 2010, l’Obamacare, montrait déjànombre de déficiences avant que Donald Trumpne tente de le démanteler. Le principal reprocheque l’on peut faire à l’ancien Président américainn’est cependant pas là, mais probablement dansson incapacité à mieux accompagner les change-ments structurels auxquels sont confrontées l’éco-nomie et la société américaine, comme d’ailleurscelles de tous les « vieux » pays avancés : la mar-ginalisation de l’Amérique rurale et industrielle,celles des « Farm belts » et des « Rust belts », lamontée des inégalités et l’exacerbation des ten-sions sociales autour des minorités raciales. Unracisme présent dans la société américaine etdénoncé notamment par le mouvement « Blacklives matter », mais que Barack Obama n’a pas suou pu combattre.

Des éléments qui peuvent expliquer l’émer-gence puis l’élection de Donald Trump gagnée àcoups d’« America first ». Une courte victoired’ailleurs, favorisée par un système électoral quele nouveau Président n’hésitait pas à contester

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quelques jours avant le scrutin. Une victoire ôcombien surprenante en définitive, mais qui rap-pelle l’échec d’Hillary Clinton et surtout deBarack Obama dont la sortie élégante n’a pu mas-quer la profonde amertume. Car, de l’Obamacareau Traité transpacifique en passant par l’oléoducKeystone, c’est bien de l’héritage de son prédé-cesseur dont Donald Trump a, avant tout, cherchéà se défaire. Une tentative marquée par plusieurséchecs, souvent lourds de conséquences lors despremiers mois d’un mandat présidentiel : celui desdécrets anti-immigration plusieurs fois invalidéspar la justice américaine et celui, retentissant, dela réforme du système de santé, signe patent desdissensions dans les rangs républicains auCongrès. Il reste désormais à savoir si le vasteplan de modernisation et de développement desinfrastructures voulu par Donald Trump sera plei-nement mis en œuvre et, le cas échéant, s’il serasuffisamment efficace pour doper la croissanceéconomique du pays. à l’image du prix Nobeld’économie Joseph Stiglitz, certains en doutentdéjà. Conjuguées aux promesses de baissesd’impôt, les dépenses budgétaires que ce planimplique devraient faire bondir le déficit budgé-taire. Il pourrait atteindre, en 2017, $ 650 mil-liards et surtout $ 950 milliards en 2018 contre« seulement » $ 439 milliards en 2015. Entre uneappréciation du dollar américain qui pèserait surla compétitivité-prix du « made in America », lestensions qu’il pourrait créer sur le marché del’emploi et les incertitudes quant à sa capacité àréellement bénéficier aux entreprises américainessans contrevenir aux règles de l’Organisationmondiale du commerce (OMC), son efficacitéreste encore à démontrer. Au début du moisd’avril 2017, les marchés obligataires américains,un des curseurs de la crédibilité de la politiquebudgétaire du pays, affichaient leurs premiersdoutes. Pragmatique, la directrice générale duFonds monétaire international Christine Lagardedéclarait, quant à elle, en février 2017, être opti-miste sur la situation américaine tout en recon-naissant qu’il était encore bien trop tôt pour seprononcer définitivement.

Mais, une fois encore, ce n’est peut-être pas auregard de sa politique « interne » que les visées deDonald Trump suscitent le plus d’interrogations.

C’est, en effet, dans ses rapports avec le reste dumonde que celui-ci apparaît le plus imprévisible.« Take him seriously but not literally » a-t-on puentendre outre-Atlantique pour expliquer tantl’engagement du nouveau Président à appliquerson projet politique que l’incongruité de certainsde ses propos et sa capacité, parfois déconcer-tante, à faire évoluer ses positions. Une flexibilitétrès relative cependant. Les contentieux commer-ciaux, déjà nombreux sous Obama, devraient semultiplier, notamment avec la Chine, tandis queles velléités protectionnistes du Président améri-cain menacent les traités commerciaux, envigueur ou en négociation, tels que leTransatlantic trade and investment partnership

(TIPP), le Trans Pacific Partnership (TPP) oul’Accord de libre-échange nord-américain(Alena). Tout ceci sans compter la politique envi-ronnementale – mais peut-on réellement la quali-fier comme telle ? – de Washington qui a menacéde se retirer de l’accord de Paris sur le climat etaspire, parmi d’autres mesures en faveur des éner-gies fossiles, à relancer l’industrie charbonnière.

Le divorce européen

L’autre grande surprise politique de l’année2016 a, bien sûr, été le vote en faveur du Brexit auRoyaume-Uni. Une surprise alors que cela faisaitlongtemps que l’Europe vivait –  sans trop ycroire  – avec la perspective d’un abandon britan-nique. Une surprise car, en février 2016, DavidCameron n’avait-il pas obtenu de ses partenaireseuropéens nombre de dérogations qui lui laissè-rent dire que les Britanniques pouvaient voter sanscrainte contre le « Brexit » puisque bientôtl’Europe ne serait plus qu’une zone de libre-échange ? Le 24 juin 2016, c’est pourtant le refusde l’Europe qui l’a emporté à presque 52 %. Dupoint de vue européen, cette décision aura aumoins l’avantage d’éclairer le chemin de laconstruction européenne et de permettre aux« autres » Européens de faire cause commune ence qui concerne les termes de la négociation duBrexit. Celle-ci semble promise à des lendemainsdifficiles et c’est la raison pour laquelle la Premierministre Theresa May a annoncé à la mi-avril2017 – une autre surprise européenne – la convo-

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Arcadia 2017 / XV

cation d’élections législatives anticipées. Unefaçon de rassembler ses troupes face à des travail-listes largement divisés. Si l’économie et les mar-chés financiers se sont accommodés de cettedemande de divorce, nul ne sait en réalité ce queseront exactement les conséquences, tant écono-miques que politiques, de la sortie du Royaume-Uni. Mais l’avertissement du Brexit, tout commela montée des populismes se nourrissant de laphobie de « Bruxelles », ne peut laisser indiffé-rents tous ceux qui croient dans l’idéal européen.Une Europe qui a perdu de son lustre. En avril2017, elle voyait, de l’autre côté du Bosphore, laTurquie voter à 51 % en faveur du oui au réfé-rendum renforçant largement le pouvoir exécutifdu Président Recep Tayyip Erdogan. Un choix quine devrait pas être sans influence sur les relationsque le pays entretient avec l’Union européennemais également sur la « question kurde ».

C’est également vers la Chine que se sont– comme à l’habitude – tournés tous les regards.Confronté à une échéance politique majeure àl’automne 2017, Xi Jinping a tout fait pour main-tenir la croissance du pays au-dessus de 6,5 % etil y est parvenu grâce, notamment, aux investisse-ments publics et à une politique monétaire accom-modante. Si la question centrale de la mutation deson économie demeure en suspens, force est dereconnaître que la Chine a rassuré. Sur le planéconomique, Donald Trump et Xi Jinping se rejoi-gnent dans leur volonté de relancer leurs écono-mies respectives mais, au-delà de la simple ques-tion des politiques budgétaires de soutien, cecipourrait bien susciter quelques frictions au regardde leurs politiques commerciales respectives. Onse rappellera, à cet égard, des déclarations ou desfameux « tweets » que le Président américain a pufaire sur la manipulation supposée du renminbi oude l’épineuse question des surcapacités de pro-duction chinoise et des réponses que Pékin a pu yapporter. Signe de ce changement d’ère et quasi-paradoxe historique, la Chine est désormaisdevenue le chantre de la mondialisation alors queles États-Unis désirent lui tourner le dos. Face à lamontée des tentations protectionnistes, les décla-rations de Xi Jinping au sommet de Davos de jan-vier 2017 se voulaient cependant apaisantes : « leprotectionnisme, disait-il, c’est s’enfermer dans

une pièce sombre qui semble pouvoir vous pro-téger du vent et de la pluie, mais qui vous prive dusoleil (…). Personne ne gagne une guerre com-merciale ».

L’errance sud-africaine et la vision marocaine

Le continent africain a, lui aussi, été marqué,en 2016, par un certain nombre d’événementspolitiques, au premier rang desquels des électionsprésidentielles dans de nombreux pays (Cap-Vert,Gambie, Ghana, Bénin, Niger, Sao Tome etPrincipe, Gabon, Congo-Brazzaville etRépublique démocratique du Congo, Tchad,Zambie, Comores, Guinée équatoriale, Ougandaet Djibouti). D’autres sont également à l’agendade 2017 et ceci, sans compter les élections législa-tives. Si elle n’a pas connu de telles échéances,l’Afrique du Sud a continué d’inquiéter tant sur leplan économique que politique. Jacob Zuma estnotamment apparu de plus en plus isolé sur fondd’accusation de corruption et de procédure de des-titution. Parmi les derniers développements d’unfeuilleton politique aux multiples rebondisse-ments, figure le remaniement ministériel décidéen mars 2017 par Jacob Zuma. Celui-ci a vu lelimogeage d’une dizaine de ministres, au premierrang desquels Pravin Gordhan, le respectéministre des Finances. Une décision qui n’a pasmanqué de renforcer la contestation des partisd’opposition et de susciter la désapprobation deson Vice-président, de l’African National

Congress (ANC), son propre parti, mais aussi dela puissante confédération des syndicats du pays.Actant de l’incertitude institutionnelle et politiqueforte qui nimbe la première économie d’Afrique,l’agence de notation Standard and Poor’s adégradé la note du pays, faisant entrer ses obliga-tions d’État dans la catégorie « speculative ». Unebien mauvaise nouvelle alors même que le randsud-africain plonge et que l’économie stagne.

Comme évoqué précédemment, le retour duMaroc au sein de l’Union africaine a été un évé-nement particulièrement important de l’année2016. « L’Afrique est mon continent, et mamaison » : les premiers mots du discours du RoiMohammed VI lors du 28e sommet de l’Union

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XVI / Arcadia 2017

africaine à Addis-Abeba ont notamment marquéavec force la réciprocité des liens qui unissent cepays à son continent. Au-delà de la portée poli-tique et symbolique qu’il revêt, cet événementtémoigne de la vision économique du Maroc et, encela, du potentiel – mais est-il encore besoin de lerappeler ? – extraordinaire et largement inexploitédu continent. Que l’on raisonne en termes dedynamisme des investissements, d’intégration desmarchés commerciaux, de vigueur de la demandeinterne, de politiques agricole ou minière maiségalement de développement des infrastructuresde transport ou énergétique, le rayonnement éco-nomique de l’Afrique ne peut, en effet, passer quepar un renforcement des interactions intraconti-nentales.

L’Afrique et les marchés mondiaux dematières premières : quel bilan 2016 ?

Dans ce contexte économique encore peu por-teur et dans un environnement politique et géopo-litique baigné d’incertitudes, les matières pre-mières se sont, dans l’ensemble, plutôt bien com-portées en 2016. Certaines d’entre elles ont mêmeaffiché, à l’image de nombreux minerais etmétaux, un important rebond. Les raisons à celasont nombreuses et nécessitent un traitement spé-cifique, mais force est de reconnaître que les ventsqui ont soufflé des États-Unis et de Chine ont étéglobalement favorables. L’effet Trump a notam-ment porté le cuivre ou l’acier en fin d’année 2016dans la perspective de l’accroissement desdépenses d’investissement en infrastructures et dela volonté affichée du président américain de

favoriser les entreprises nationales. La capacité dela Chine à maintenir une croissance au-dessus de6,5 % a également bénéficié au secteur desmatières premières. En novembre 2016, la capa-cité de l’Organisation des pays producteurs depétrole à s’accorder – une première en huit ans –pour réduire la production a, quant à elle, redonnéquelques couleurs à des cours bien déprimés.

En dépit de certains contre-exemples dont lecacao, cette dynamique haussière a, de toute évi-dence, été une bonne nouvelle pour les nombreuxpays producteurs africains. Un satisfecit ne sauraitpourtant être pleinement justifié tant ce rebondfait suite à l’effondrement des cours observé en2014 et 2015. à l’instar du Brent notamment,cette trajectoire demeure, par ailleurs, instable enraison du regain d’activités spéculatives qui laporte pour partie. Et puis, faut-il rappeler que laforte volatilité des cours est, presque autant queleur faiblesse, source d’instabilité macroécono-mique en vertu de la tristement célèbre malédic-tion des matières premières. En ce sens, la ques-tion aussi fondamentale que complexe qui se posedepuis des décennies au continent africain estcelui de son modèle de croissance. Il est acquisque celui-ci ne peut, pour d’évidentes raisons,reposer sur l’exportation de matières non transfor-mées. Ceci ne signifie pourtant pas nécessaire-ment que l’investissement sur des activités de pre-mière transformation soit, par nature et pourtoutes les économies africaines, une optionpayante. La diversification économique par unsoutien de la demande interne et les stratégiesd’intégration verticale des filières de matières pre-mières ne s’opposent en réalité pas.

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Première partie

Les mutations structurelles du continent africain

La croissance économique mondiale en 2016 : bilan et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3

Chapitre I Évolution du prix des matières premières

et perspectives macroéconomiques africaines . . . . . . . . . . . . . .13

Chapitre II Ressources naturelles et réalités géopolitiques du continent africain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

Chapitre III Financements multilatéraux, dépenses d’infrastructures

et politiques d’investissements dans le secteur des matières premières en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35

Chapitre IV Organisation du commerce mondial, sécurité alimentaire et politiques agricoles africaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47

Chapitre V Réformes des codes miniers et évolution de l’environnement réglementaire des secteurs extractifs en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .59

Chapitre VI Énergies renouvelables et non renouvelables : comment renforcer l'électrification du continent africain ? . . . . .71

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2 / Les mutations structurelles du continent africain

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Selon les données, en date de mars 2017, del’Organisation pour la coopération et le dévelop-pement économiques (OCDE), la croissance éco-nomique mondiale s’est établie à 3 % en 2016, enléger retrait par rapport à l’année 2015. Sans sur-prise, celle-ci a été, en large partie, portée parl’Asie et notamment la Chine dont la croissances’est officiellement élevée à 6,7 %, tandis quecelles des États-Unis et de la zone euro sontdemeurées en dessous du seuil des 2 %, à 1,6 % et1,7 % respectivement. L’Inde peut, pour sa part,s’enorgueillir d’un taux de croissance de 7 %, etce, malgré le bouleversement créé par la démoné-

tisation décidée par le gouvernement Modi afin delutter contre l’économie souterraine. Le dyna-misme des tigres et des dragons asiatiques a éga-lement largement contribué à la croissance del’économie mondiale. S’enfonçant dans une crisetant politique qu’économique, le Brésil a, quant àlui, vu son produit intérieur brut (PIB) reculer de3,5 % dans un contexte de dépréciation du real etd’inflation difficilement contenue. La situation del’Afrique du Sud, proche de la croissance zéro,n’est guère plus favorable avec, en toile de fond,l’impuissance politique du président Jacob Zuma.Quant à la Russie, elle a certes pu quelque peu

La croissance économiquemondiale en 2016 : bilan et perspectives

Avec une croissance économique mondiale estimée à 3 % pour 2016 par l’Orga-nisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le bilan éco-nomique mondial apparaît encore bien modeste. Une performance d’autant plusrelative qu’elle s’accompagne d’une très faible progression du commerce mondial.2017 et 2018 pourraient néanmoins voir l’activité économique redécoller à la fa-veur des politiques fiscales de relance récemment mises en œuvre, en Chine etaux États-Unis notamment. De nombreux facteurs de fragilité subsistent néan-moins et pourraient se conjuguer avec des incertitudes politiques et géopolitiquesd’envergure pour gêner un retour à une dynamique macroéconomique pleinementvertueuse.

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4 / Les mutations structurelles du continent africain

profiter du rebond des prix du pétrole et desmatières premières minérales, mais sans pourautant parvenir à une croissance positive. Lesfameux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine etAfrique du Sud) n’ont, en définitive, de réalité quele nom tant leur performance macroéconomiquediverge depuis plusieurs années désormais.L’Afrique subsaharienne est, pour sa part, large-ment à la peine compte tenu de sa dépendance à lademande mondiale, mais ce qui frappe probable-ment le plus est la disjonction des trajectoiresmacroéconomiques entre les pays africains expor-tateurs de matières premières et les autres.Plusieurs de ces économies ont traversé avec briola période post-crise financière, d’autres se sonteffondrées avec la chute des cours des commo-dités observée entre 2014 et le début de l’année2016. Il faut néanmoins rappeler que, parmi cesderniers pays, certains ont dû faire face à descatastrophes naturelles d’ampleur considérabletelles que l’épidémie de fièvre Ebola qui a touchéle Liberia, la Guinée et la Sierra Leone entre 2014et 2015 ou la sécheresse qui a sévi en Afrique del’Est et australe à partir de 2016. Avec l’Afriquedu Sud, l’autre locomotive du continent qu’est leNigéria est à l’arrêt. Une année 2016 guèreenthousiasmante donc, mais les perspectivesapparaissent néanmoins plus favorables à courtterme avec une croissance anticipée de l’éco-nomie mondiale de 3,3 % ou 3,4 % pour 2017 etde 3,6 % pour 2018 selon l’OCDE et le Fondsmonétaire international. Une fois encore, le

moteur de cette croissance devrait être trouvé ducôté des pays émergents, notamment en Asie. Nile Japon ni la zone euro ne semblent pouvoir plei-nement profiter de ce rebond.

L’atonie du commerce mondial et de l’investissement privé

2016 fut donc une année terne, mais dessignaux plus favorables sont apparus en find’année, laissant espérer une légère embellie dansle ciel de l’économie mondiale. Les vents de l’ac-tivité économique, porteurs ou rabattants, sem-blent cependant plus que jamais instables et c’estdonc la relative fragilité des bases de la croissanceéconomique qui, dans sa globalité, interpelle.

Parmi les points inquiétants de 2016 figure, detoute évidence, l’atonie du commerce mondialdont la croissance était attendue en septembre2016 à seulement 1,7 % par l’Organisation mon-diale du commerce (OMC) au lieu des 2,8 % ini-tialement annoncés en avril. Une erreur de juge-ment récurrente qui poussait le Centre d’étudesprospectives et d’informations internationales(CEPII) non seulement à nuancer les explications« conjoncturelles » d’une croissance des échangesdevenue – une première depuis longtemps – plusfaible que celle du PIB mondial, mais également às’interroger sur l’entrée du phénomène de mon-dialisation dans une nouvelle ère : celle qui voit lephénomène de fragmentation des processus pro-ductifs à l’origine des phénomènes de délocalisa-

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Introduction / 5

tion et donc des flux de commerce ne plus pro-gresser. Comment, par ailleurs, ne pas s’inquiéterdes tentations protectionnistes qui se font jour çàet là ? Les craintes semblent telles qu’elles ontpoussé le président chinois Xi Jinping à rappeler,lors du sommet qui s’est tenu à Hangzhou en sep-tembre 2016 notamment, mais également lors duForum économique mondial de Davos de janvier2017, tous les risques que feraient peser lesentraves au libre-échange sur la croissance mon-diale. L’argument qui les sous-tend est certesavant tout politique et l’on peut espérer que lesarguments macroéconomiques trouvent un échofavorable. Dans certains secteurs industriels pour-tant, il apparait difficile de distinguer ce qui relèvedes revendications politiques ou de la rationalitééconomique. L’année 2016 a notamment vu undurcissement des tensions commerciales entre laChine d’un côté, les États-Unis et l’Europe del’autre, avec pour pomme de discorde l’abon-dance des exportations chinoises d’acier brut etd’aluminium primaire. Tout ceci sans compter lesaccusations de manipulation des cours de changeadressées par Donald Trump à Pékin. À cet égard,on remarquera avec malice tout le paradoxe d’uneChine devenue le chantre de la mondialisation etdes pays occidentaux, notamment les États-Unis,criant à la concurrence déloyale et à la manipula-tion des devises. Comment, enfin, ne pas men-tionner, dans ce volet politique et géopolitique,toutes les incertitudes posées par la guerre enSyrie, en Irak et au Yémen où les intérêts étran-gers (américain, russe, européen, saoudien, turc etiranien) s’allient ou se confrontent, par le terro-risme international, mais également par les riva-lités territoriales en mer de Chine, par l’attitude dela Corée du Nord, ou encore par la récurrence demouvements sociaux, parfois violents, dans denombreuses parties du monde.

Si l’on dépasse ce constat politique et géopoli-tique, c’est le peu de dynamisme de la productionindustrielle qui inquiète. Son taux de croissance a,en effet, largement faibli en 2016 par rapport à2015. Entre 2015 et 2016, elle n’a progressé quede 0,26 % pour les pays de l’OCDE et a reculé de0,36 % au Japon et de près de 1 % aux États-Unis.Même constat pour la zone euro qui a vu sa pro-duction industrielle croître de 1,4 % en 2016

contre un peu plus de 2 % en 2015. Elle continuede reculer au Brésil : - 6,5 % en 2016. Pourmémoire, la Bolsa empresário, politique de créditsubventionné de la banque de développement duBrésil (BNDES), avait largement profité auxchampions nationaux alors que son coût pourl’État avait été considérable et ses effets en faveurde la diversification industrielle du pays quasinuls.

Si l’on privilégie une lecture de la croissanceéconomique par la demande, force est deconstater, par ailleurs, la relative faiblesse de l’in-vestissement privé. Alors que la consommationdes ménages s’est, peu ou prou, maintenue, la for-mation brute de capital fixe (FBCF) s’est étiolée.Elle ne progresserait, en effet, que de 1,4 % en2016 pour l’ensemble des pays de l’OCDE. Ceconstat se vérifie en particulier pour les États-Unisoù le taux de croissance de l’investissement privés’est établi à 0,7 % en 2016 contre 3,7 % en 2015et 4,2 % en 2014. Au sein de l’Union européenne,la situation est à peine plus favorable avec uneprogression de la FBCF de 1,9 % en 2016 alorsqu’elle s’inscrivait en hausse de 3,6 % en 2015.Cette lecture globale masque cependant d’impor-tantes disparités entre pays européens : alors quel’investissement privé a largement perdu de savigueur au Royaume-Uni (+ 0,5 % en 2016 contre

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+ 3,4 % en 2015), il s’est notamment accentué enFrance ou en Allemagne. Quant au Brésil, leconstat apparaît accablant.

Parmi les signes encourageants, figure néan-moins une amélioration, depuis la fin de l’année2016, de la confiance des entreprises selon l’in-dice développé par l’OCDE. Bien que restant àdes niveaux particulièrement élevés dans certainspays européens (la Grèce, l’Espagne, mais égale-ment l’Italie et la France), le taux de chômage aégalement légèrement décliné dans nombre d’éco-nomies industrialisées.

Avec un taux de chômage de 4,9 % en 2016contre 5,3 % l’année précédente, les États-Unis nesont désormais plus loin du plein-emploi. Autotal, ce sont 2,5 millions d’emplois qui ont étécréés en 2016 dans l’économie marchande et pasmoins de 235 000 en février, bien au-dessus desattentes. Conjugué à une hausse des salaires, cecis’est, sans surprise, traduit par une augmentationdu taux d’inflation dans ce pays. Il s’affichait, enmoyenne annuelle, à 1,3 % pour 2016 contre0,1 % en 2015. Pour la zone euro, l’inflation res-tait désespérément basse, signe notamment de lafaiblesse de la demande interne.

L’insouciance retrouvée des places boursières

Cette morosité économique et ces incertitudesgéopolitiques n’ont, semble-t-il, guère troublé lesbourses mondiales qui ont affiché une arrogantesanté en 2016, attestant s’il en était encore besoin,de la déconnexion à court terme des sphères finan-

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cière et réelle. L’indice américain S&P500 estainsi passé de 2 043 points au 1er janvier 2016 à2 238 le 30 décembre de cette même année, soitune progression de 9,5 % sur l’année, tandis quele Dow Jones Industrial Average (DJIA) s’estaccru de plus de 13 % sur la même période. Mêmeconstat au Royaume-Uni où le FTSE100 s’est ins-crit en hausse de près de 14,5 % après s’êtreinquiété des effets du Brexit. Une réalité quitranche avec celle de la zone euro qui a vu l’EuroStoxx 50 ne gagner sur l’année 2016 que… 0,7 %.Le Dax allemand progressait néanmoins depresque 7 % sur cette période et le CAC40 fran-çais d’un peu moins de 5 %. Sur les places asia-tiques, le Nikkei était désespérément plat, termi-nant l’année à un niveau à peine supérieur à celuidu début d’année. Il avait, il est vrai, fortementdévissé sur le premier semestre. Une performanceen réalité presque honorable si on la compare àcelle du Shanghai Shenzhen CSI 300 qui a reculéde plus de 11 % sur 2016.

L’insouciance des marchés financiers n’est, enréalité, que de façade, car s’il y a une chose que lesopérateurs de marché détestent c’est l’incertitude.De ce point de vue, l’année 2017 pourrait bienréserver quelques surprises en raison de la montéeen puissance des mouvements populistes et desélections dans plusieurs pays européens (France,Pays-Bas et Allemagne), mais également de lacomplexité du dossier du Brexit. Aux Pays-Bas, lavictoire aux élections législatives du Premierministre Mark Rutte devant le nationaliste GeertWilders s’est ainsi traduite par un relâchement mi-mars des spreads obligataires, notamment entrel’OAT française et le Bund allemand. Une détentede courte durée, car la possibilité d’une confronta-tion entre l’extrême droite et l’extrême gauche lorsdes élections présidentielles en France a, en avril2017, de nouveau accru cet écart de rendementscruté par l’ensemble des marchés. Du côté améri-cain, la confiance semble de mise, mais quelqueslignes sibyllines du procès-verbal de la réunion duFederal Open Market Committee en date du15 mars 2017 ont laissé entendre que les marchésd’actions, portés par la réduction de la fiscalité surles entreprises ou par la perspective d’une politiquebudgétaire expansionniste, pourraient être suréva-lués. Une mise en garde vite balayée par nombre

d’opérateurs qui rappelaient qu’Alan Greenspanavait, en son temps, évoqué l’exubérance irration-nelle des marchés… Une déclaration faite en 1996et considérée alors comme prématurée, l’éclate-ment de la bulle spéculative sur les valeurs techno-logiques ne survenant que trois années plus tard.Prématurée… ou visionnaire !

Vers un nouveau policy mixaméricain ?

C’est peu dire que l’économie mondiale a étéportée, sur les dernières années, par les politiquesmonétaires particulièrement accommodantes desbanques centrales des pays industrialisés, au pre-mier rang desquels les États-Unis. Dans ce pays, laRéserve fédérale (Fed) a néanmoins signé la fin departie en raison d’un regain d’inflation, d’unecroissance économique maîtrisée, mais égalementde la perception que les points de vulnérabilité éco-nomique de certaines grandes économies, etnotamment de la Chine, avaient diminué à courtterme. Après une hausse en décembre 2015 qui avu les taux de la Fed augmenter chacun de25 points de base pour s’établir respectivement à0,25 % (limite inférieure) et 0,5 % (limite supé-rieure), un nouveau relèvement était décidé endécembre 2016 puis en mars 2017 en raison d’unecroissance économique jugée acceptable et d’unmarché de l’emploi sous tension. Sur cette voie dela « normalisation » de la politique monétaire amé-ricaine, le pragmatisme de Janet Yellen devraitencore se faire ressentir en 2017 et pour cause. Lenouveau policy mix américain construit autourd’une politique monétaire plus resserrée et unepolitique budgétaire a priori expansionniste est lar-gement conditionné par la réalité que voudrontbien donner Donald Trump et le Congrès américainà ses engagements de campagne. Au regard dudébut de mandat du président américain et, notam-ment, de l’échec cuisant de la réforme del’Obamacare, il y a, ici, matière à prudence. En2017, le déficit budgétaire des États-Unis pourraitatteindre $ 650 milliards et surtout $ 950 milliardsen 2018 contre « seulement » $ 439 milliards en2015. L’état général des grandes infrastructuresaméricaines justifie certes un tel programme, maisil est fort probable que sa mise en œuvre provoque

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8 / Les mutations structurelles du continent africain

des tensions sur le marché du travail à un momentoù, par ailleurs, les vannes de l’immigration ont étéfermées. Quant à son efficacité, elle demeure large-ment débattue. Si l’effet « demande » est largementcompréhensible, il faudrait néanmoins que celle-cis’adresse avant tout aux entreprises nationales. Sile concept d’« America first » a connu un grandsuccès populaire et politique, sa transcription àl’économie devrait être plus compliquée. Le prixNobel d’économie Joseph Stiglitz a notammentexprimé de sérieux doutes sur l’efficacité de lapolitique budgétaire du nouveau président améri-cain. En diminuant l’épargne nationale, celle-cipourrait, en effet, créer les conditions d’une aug-mentation du déficit commercial et donc d’uneappréciation du dollar néfaste aux secteurs d’acti-vité traditionnels.

Du côté de la zone euro, les taux directeurs dela BCE sont restés, en toute logique, inchangésdepuis mars 2016 et ne devraient guère évoluersur les prochains mois au grand dam de la chance-lière allemande Angela Merkel qui a affiché, à denombreuses reprises, sa volonté de sortir du quan-titative easing de Mario Draghi. Mais… l’indé-pendance de la Banque centrale du pouvoir poli-tique ne vaut pas qu’en période d’inflation et detaux directeurs élevés et la BCE est souveraine

dans ce domaine ! Rachats d’actifs et taux d’in-térêt bas, voire négatifs, devraient donc encoredurer au moins quelques mois, car l’enjeu est biende pouvoir relancer l’inflation pour stimuler laconsommation des ménages. L’inflation s’estcertes raffermie sur les premiers mois de l’année2017, atteignant même le seuil des 2 % en février2017, mais ceci s’est expliqué par une augmenta-tion des prix de l’énergie et non par celle de l’in-flation sous-jacente. De quoi justifier la réductionpar la BCE de ses achats mensuels d’actifs, maiségalement… la prolongation de ce programme.

La lente transition du modèleéconomique chinois

L’accroissement du PIB chinois en 2016 pour-rait sembler faible au regard de ses performancespassées, mais il s’agit là, en réalité, probablementd’une victoire face à l’évolution du modèle decroissance du pays basée originellement sur lademande externe, la production industrielle et lesinvestissements et devant désormais davantagereposer sur la consommation et les services. Unevictoire ou, pour le moins, un soulagement, car nese rappelle-t-on pas de l’inquiétude qui s’étaitemparée des marchés en 2015 lorsque la Chine

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avait semblé vaciller ? Évitant une crise boursièreen 2015 et au début de 2016 ou gérant une bulleimmobilière dans certaines villes du pays, l’éco-nomie chinoise a semblé sous contrôle en 2016 etc’est bien ce que les opérateurs en ont retenu. Leprix de cette stabilité a cependant été le dérapagede certains fondamentaux (le déficit budgétairechinois a notamment atteint 3,8 % du PIB alorsqu’il était annoncé à 3 % par Pékin) et l’absencede grandes réformes économiques, pourtant indis-pensables. Certes l’obligation est désormais faiteaux groupes publics de rendre plus de comptes etde payer des dividendes à l’État actionnaire…Certes la politique anticorruption semble avoiragi… Certes Pékin a fait de la réforme de songigantesque secteur minier et sidérurgique unepriorité pour faire face non seulement au vasteproblème de pollution dans les zones urbaines,mais également aux attentes et aux pressions de lacommunauté internationale… Mais ce qui sem-blait prioritaire sur le plan micro et macroécono-mique ne semble pas suffisamment prégnant :ouvrir le compte de capital du pays, réformer desentreprises publiques souvent surendettées, amé-liorer le système de retraite et les politiques deredistribution afin de réduire l’écart de revenusentre les plus riches et les plus pauvres (la crois-sance des revenus observée en zone rurale estnéanmoins un point particulièrement positif de

cette année 2016, tout comme l’est depuis plu-sieurs années la forte réduction de la pauvretérurale), mieux allouer la masse d’épargne desagents privés afin que celle-ci alimente davantageles investissements productifs. Preuve de cettelente évolution de la structure économique dupays : la consommation des ménages ne contribuequ’à hauteur de 4 % au PIB chinois, tandis quel’épargne des ménages urbains ne cesse de croître.Elle est, en d’autres termes, insuffisante pourassurer dans le moyen terme un niveau de crois-sance qui ne dépendrait pas d’une relance, parfoisdangereuse, de l’investissement par l’augmenta-tion de l’offre de monnaie et du crédit bancaire.

En 2016, la politique monétaire chinoise apourtant semblé trouver ce juste équilibre permet-tant de concilier les différentes contradictionsimposées par la transition économique du pays :des conditions de crédit particulièrement accom-modantes qui ont nourri la flambée des prix del’immobilier, mais qui, dans le temps, ont allégéles contraintes financières des entreprises lourde-ment endettées ; une politique de change renché-rissant le coût des importations dans un contextede prix énergétiques relativement bas, mais facili-tant les exportations pour satisfaire les objectifs decroissance du pays. À moyen terme néanmoins,des facteurs de risque perdurent. En date d’oc-tobre 2016, le rapport sur la stabilité financière

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dans le monde du FMI soulignait que « la crois-sance rapide du crédit en Chine et le développe-ment des produits financiers du système bancaireparallèle constituent des risques croissants pour lastabilité financière. Le système financier, enrapide expansion, est de plus en plus intercon-necté et tributaire des effets de levier, et la créa-tion d’instruments et de produits d’investissementinnovants en accroît la complexité ». Selonl’OCDE, la croissance économique chinoise estattendue en léger retrait pour 2017 et 2018 à 6,5 %et 6,3 % respectivement, mais, une fois encore,c’est la contribution relative de chacune de sescomposantes qui importera le plus.

Une économie indienne sur les rails

En 2016, la croissance économique indienne aété robuste, même si le programme de démonéti-sation décidé en fin d’année n’a pas manqué decréer d’importants soubresauts qui ont pesé sur laconsommation des ménages et coûté au pays pro-bablement un ou deux points de PIB. Le8 novembre 2016, le Premier ministre NarendraModi annonçait, en effet, contre toute attente, unevaste opération de démonétisation des coupuresde 500 et 1 000 roupies alors même que celles-ciéquivalent à 86 % de la valeur de la masse moné-taire fiduciaire en circulation dans un pays où lestransactions en liquide représentent près de 80 %des ventes de détail et 12 % du PIB. L’ambition ?S’attaquer à l’économie illégale et au blanchimentd’argent après plusieurs années de manifestationspopulaires contre la corruption, mais égalementaméliorer via la bancarisation du pays la collectefiscale dans un pays où le ratio taxes/PIB nedépasse pas 10 % ou 11 %. Une opération quis’est heurtée à de nombreuses contraintes tech-niques et dont les effets à moyen terme pourraientne pas être aussi favorables qu’attendu. Parmi leseffets négatifs à court terme figure la chute de44 % des ventes immobilières au dernier trimestre2016, ce qui n’a pas manqué de peser sur le sec-teur de la construction. Autre élément importantde 2016, une légère relance de l’économieindienne par les dépenses publiques et la politiquefiscale. Une stratégie délicate en raison de lamarge de manœuvre liée à l’engagement de ne pas

dépasser un déficit fiscal fédéral de 3 % du PIB etqui a contraint le ministre des Finances ArunJaitley à déplacer le déficit prévu de 3,2 à 3,6 %du PIB. Parmi les mesures clés, l’investissementdans les infrastructures, la réduction du taux d’im-position des nouvelles PME à 25 % (contre 35 %)et l’élargissement des secteurs ouverts à l’inves-tissement étranger. Parmi les grandes réformes dupays figure l’introduction rapide de la nouvelleTVA panindienne (GST) en négociation depuisplus d’une décennie de façon à desserrer lacontrainte fiscale. Celle-ci s’est notammentdéplacée vers les États dont les déficits cumuléssont passés de 2,2 % du PIB en 2012 à près de3,5 % malgré le fort accroissement des transfertsfédéraux qui a suivi les recommandations de la14e Commission fiscale fédérale.

Parmi les atouts de l’Inde figurent la crois-sance de sa population active, son écart de pro-ductivité vis-à-vis du reste du monde, le faibleendettement des agents privés et sa faible dépen-dance aux marchés extérieurs à une heure où lecommerce mondial marque le pas.L’éparpillement politique de ce pays pourraitnéanmoins retarder la mise en œuvre des néces-saires réformes et ainsi peser sur la transformationstructurelle d’une économie néanmoins promiseaux meilleurs avenirs. L’Inde devra, par ailleurs,s’attaquer au problème de la détérioration desbilans bancaires dont les mauvaises créancesreprésentent désormais 14 % des avances brutesdes banques publiques qui forment toujours l’es-sentiel du paysage bancaire indien. Autre défi :réduire les surcapacités de production existantdans des secteurs comme l’acier ou le ciment.

Vers un resserrement des conditions de financement des émergents

Le relèvement des taux directeurs de la Fedpose naturellement la question de ses effets surl’économie nationale, mais également sur lesconditions d’octroi des financements internatio-naux. De ce point de vue, si l’impact sur la capa-cité d’emprunt des ménages et des entreprisesaméricains devrait être limité, il pourrait ne pas enêtre de même en dehors des frontières du pays.Sur les marchés obligataires, les taux à dix ans,

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vingt et trente ans se sont fortement redressés dansle sillage des décisions de la Fed et de la chro-nique annoncée de deux relèvements des tauxdirecteurs sur l’année 2017 et ceci n’est pas sansincidence sur le reste du monde.

Le dollar américain a, pour sa part, continué às’apprécier en 2016. Pour mémoire, 1 euros’échangeait contre 1,1 dollar en janvier 2016 etcontre 1,06 dollar le 30 décembre de cette mêmeannée, tandis qu’1 dollar valait environ 6,53 ren-minbis le 4 janvier contre 6,92 une année plustard. Au-delà de ces taux de change bilatéraux etnominaux, c’est une appréciation globale de lamonnaie américaine qui s’est observée en 2016 et,plus fondamentalement, un recul de la compétiti-vité-prix des exportations de ce pays. Calculé parl’OCDE, l’indice « taux de change effectif réel »des États-Unis a ainsi nettement progressé surl’année 2016 avec, néanmoins, un léger tassementsur les mois de février et mars 2017 malgré lerelèvement des taux directeurs de la Fed.

En mai 2013, ce qu’il a été convenu d’appelerle « taper tantrum » (à savoir la réaction vive desmarchés financiers à l’annonce d’une réduction

progressive du volet « non conventionnel » de lapolitique monétaire américaine) a rappelé, s’il enétait besoin, la forte dépendance des marchés obli-gataires internationaux aux décisions de la Fed et,dans une moindre proportion, à celle de la BCE.En zone euro, le spread obligataire entrel’Allemagne et l’Italie s’est ainsi accru en 2017.Pour la dette des pays émergents, les investisseursferont assurément preuve de pragmatisme en2017, même si la légère amélioration des perspec-tives de l’économie mondiale devrait maintenirl’attrait pour une classe d’actifs par ailleurs sous-pondérée dans les portefeuilles mondiaux. Il n’estnéanmoins pas impossible que les titres des émer-gents libellés en devise américaine soientdélaissés en raison de leur sensibilité aux rende-ments des bons du Trésor américains. Ceci neserait, de toute évidence, pas sans incidence nonseulement sur les stratégies de financement queces pays devraient mettre alors en œuvre, maiségalement sur l’impérieuse nécessité qu’ilsauraient à offrir des fondamentaux macroécono-miques solides, au premier rang desquels uneinflation maîtrisée.

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Depuis le milieu de l’année 2014, les prix des matières premières sont globalementbaissiers. Si, en 2015, l’Afrique a montré une certaine résilience avec des évolu-tions néanmoins contrastées entre les pays exportateurs de matières premières, depétrole notamment, et ceux importateurs, les écarts se sont creusés en 2016. Lachute des produits de base se répercute par ricochet sur l’ensemble de l’économie,affectant tout d'abord les équilibres extérieurs et, par voie de conséquence, les fi-nances publiques, puis la consommation privée et les investissements : de quoilargement peser sur le produit intérieur brut (PIB). L’Afrique avance aujourd’huià des rythmes très différents, certains pays maintenant des taux de croissance éle-vés, supérieurs à 6 %, d’autres entrant en récession. En 2016, l’Afrique subsaharienne a enregistré pour la première fois depuis plusde vingt ans son plus faible taux de croissance à 1,6 %, bien inférieur au taux decroissance démographique. Les trois locomotives du continent sont, en effet, enpanne. En 2016, l’économie nigériane s’est enfoncée dans la crise, entrant en ré-cession en se contractant de 1,5 % pour la première fois depuis deux décennies,celle d’Afrique du Sud a enregistré sa plus faible croissance depuis 2009 à 0,3 %tandis que celle de l'Angola a stagné. La croissance des pays exportateurs de res-sources non renouvelables a, pour sa part, été divisée par deux et l’image d’Épinald’une meilleure gestion macroéconomique vantée ces dernières années a été miseà mal par la montée des déséquilibres et de l’endettement. Les économies expor-tatrices de matières premières ont, par ailleurs, vu très souvent un affaiblissementde leur monnaie entraînant une inflation galopante et de plus grandes difficultésà capter des financements extérieurs. La problématique n’est cependant pas spécifiquement africaine. L’environnementmondial est peu porteur avec le ralentissement économique des principaux parte-

Chapitre I Évolution du prix des matières premièreset perspectives macroéconomiques africaines

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Pays pétroliers, alerte rouge

Les cours du pétrole ont commencé à chuterdès l’été 2014. En janvier 2015, ils sont passéssous la barre des $ 50 le baril puis sous celle des$ 30 le baril une année après, soit leur plus basniveau depuis 2003. La remontée des cours estengagée dès février 2016, mais elle est restéemodérée. Les cours ont fini l’année 2016 à $ 56 lebaril, grâce aux engagements pris parl’Organisation des pays exportateurs de pétrole(OPEP). Deux années de cours bas associées, danscertains pays, à une baisse de la production en2016, ont fini par faire boule de neige et peser surl’ensemble de l’économie. Le Nigéria, la Guinéeéquatoriale, le Soudan du Sud et le Tchad sontainsi entrés en récession en 2016.

À l’origine de cette réalité : cette faiblesse descours… et une réaction souvent tardive des auto-rités de plusieurs pays exportateurs de pétrole àprendre les mesures d’ajustements budgétaire etmonétaire nécessaires.

Les pays exportateurs d’énergie ont été lesplus touchés par la baisse des termes de l’échange.En particulier, la Guinée équatoriale (recettesdiminuées de 50 % en 2016 par rapport à 2011), laRépublique du Congo et l’Angola (- 38 %), leGabon (- 32 %), le Tchad (- 15 %) et le Nigéria(- 12 %).

L’économie du Nigéria est entrée en récessionen 2016, une première depuis plus de vingt ans eta alors perdu sa place de première puissance éco-nomique d’Afrique. La baisse des prix du pétrole

depuis deux ans, dont l’économie reste dépen-dante à 70 %, a entraîné un solde négatif de labalance courante en 2015 (- 3,1 % du PIB), pourla première fois depuis une décennie, et en 2016(- 0,7 %). Le déficit budgétaire s’est encorecreusé à - 4,6 % du PIB en 2016 (- 3,8 % en2015), le pays ne prenant pas les mesures d’ajus-tement nécessaires en réduisant significativementles dépenses tant que les recettes publiquesdégringolaient. En conséquence, les réservesinternationales sont tombées à un peu plus de cinqmois d’importation contre près de six mois etdemi en 2015, et devraient se réduire à moins decinq mois en 2017. C’est donc, en définitive, uneinflation à deux chiffres, une pénurie de devisesétrangères et, consécutivement, un effondrementde la monnaie nationale qu’a connus le Nigéria,pénalisant alors l’ensemble des secteurs de l’éco-nomie. En effet, la Banque centrale ne s’estrésolue à adopter un taux de change flottant qu’enjuin 2016, le naira perdant alors 30 % de sa valeur.Une décision qui s’est accompagnée d’unensemble de mesures restreignant les transactionsen devises et de l’interdiction d’importer qua-rante-et-un produits. La pénurie de devises aasphyxié les opérateurs économiques, des indus-tries aux compagnies aériennes tandis que lesbanques ont souffert, certaines parmi les plusimportantes semblant être confrontées à des défi-cits de crédit. L’aspect économique n’est cepen-dant pas le seul problème : le pays demeure frappéde plein fouet par Boko Haram. Ses attaquesdéstabilisent le Nord et engendrent des dépenses

naires de l’Afrique. Si la croissance de la Chine reste vigoureuse, la baisse desprix des produits de base a mécaniquement conduit à une diminution de la valeurdes exportations africaines et des recettes budgétaires. Les besoins de financementsont moins bien couverts avec des conditions financières mondiales plus dures.En outre, suite au phénomène d’El Niño, particulièrement actif, certaines régionsd’Afrique australe et orientale font face à la pire sécheresse depuis trente-cinq anset dont le coût humain est important. La situation sécuritaire s’est enfin, semble-t-il, dégradée.

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importantes pour le budget de l'État. Le coûtassocié à Boko Haram aurait été de $ 2,6 milliardsen 2016 selon le ministère des Affaires étrangères.

L’Angola a, en revanche, réagi plus rapide-ment à la baisse des cours, le budget 2016 ayantété révisé dès juillet en limitant les dépensespubliques. Toutefois, la dette publique a plus quedoublé depuis 2013 représentant près de 78 % duPIB, le déficit courant s'est établi à 5,4 % du PIBet l’inflation s’est élevée à plus de… 33 %.Toutefois, les réserves sont confortables à plus dehuit mois d’importation.

Tant en Angola qu’au Nigéria, le pétrole devraitapporter un peu d’oxygène en 2017. D’un côté, laproduction devrait rebondir. Au Nigéria, celle-ci

devrait être favorisée par la fin des attaques de pipe-line et, en Angola, par les projets de Mafumeira Sul,d’East Hub et de Kaombo ainsi que par la reprise,en 2016, de la production de GNL sur le site deSoyo, selon les informations fournies par Chevron.Les prix du pétrole devraient aussi s’établir à $ 55le baril selon la Banque mondiale, soit 29 % de plusqu’en 2016, si les deux accords conclus par l’OPEPsont mis en œuvre. Les pays africains participant audernier accord sont la Guinée équatoriale, leSoudan et le Sud-Soudan. L'Angola et le Nigérian'y participent en revanche pas.

Dans les autres pays pétroliers de moindreenvergure, le choc est aussi palpable, mais diffé-rencié selon les pays. Il est également moindre

Quels sont les pays les plus touchés par la contraction de la demande chinoise ?

La croissance chinoise reste vigoureuse mais elle a ralenti en s’établissant à 6,7 % en 2016, soitson plus bas niveau depuis plus de vingt-cinq ans. Plus inquiétant pour les pays africains expor-tateurs de ressources naturelles, Pékin veut davantage orienter son économie vers la consomma-tion et les services. Elle sera donc structurellement moins gourmande en matières premières.Toutefois, en 2016, l’appétit de la Chine pour certaines matières premières a été insatiable qu’ils’agisse du charbon, du cuivre, du pétrole ou du soja. Dans son dernier rapport World Economic Situation and Prospect pour l’année 2017, les NationsUnies montrent comment le rééquilibrage économique de la Chine affecte les perspectives decroissance des économies africaines. Le premier canal est la baisse des importations chinoises decommodités. Alors qu’elles ont été multipliées par plus de vingt au cours de la dernière décennie,elles se sont contractées depuis 2013, en valeur mais aussi, dans une moindre mesure, en volume.Elles ont notamment été en baisse de 50 % en 2015 à $ 69 milliards. Selon ce même rapport, lespays les plus touchés sont l’Afrique du Sud, l’Angola, le Congo et la Zambie. Un moindre appétitde la Chine en matières premières pèsera naturellement sur l’évolution des cours, la Chine repré-sentant environ 50 % de la consommation mondiale de plusieurs métaux de base, dont l'alumi-nium, le cuivre, le nickel et le zinc. Or, le cuivre représente respectivement 57 % et 78 % desexportations de la RDC et de la Zambie ; le nickel compte, pour sa part, à hauteur de 23 % desexportations malgaches et l’aluminium pour 34 % de celles du Mozambique. Autre canal detransmission : les investissements. Selon les données de la China-Africa Research Initiative(CARI), les stocks d’IDE chinois en Afrique sont passés de $ 0,3 milliard en 2003 à $ 32 milliardsen 2014, concentrés essentiellement dans les industries extractives. Le ralentissement chinoispourrait rendre plus frileuses les entreprises à investir à l’étranger et donc aussi en Afrique. Cecin’a cependant pas été le cas en 2016.De son côté, le FMI observe que les engagements de prêts de la Chine ont diminué depuis le picatteint en 2013 mais aussi se sont réorientés vers les infrastructures et l’industrie au détriment desmatières premières. Ainsi, au Mozambique et en RDC, les prêts officiels décaissés par la Chineont diminué de plus de deux tiers en 2015 par rapport à 2014. En revanche, ils ont fortement pro-gressé au Kenya, au Rwanda et en Tanzanie.

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que dans les deux grands pays pétroliers. Ainsi leGhana, « nouveau membre » du club des payspétroliers, apparaît moins dépendant de ce secteur.Il dispose, en effet, d’autres ressources substan-tielles comme le cacao dont il est le deuxième pro-ducteur mondial, ou l’or. Toutefois, le pays aaccru sa dette publique qui, bien qu’en retrait en2016, représente encore 66 % de son PIB tandisque son solde courant atteint - 6,3 % du PIB.

La Cemac, contrainte à l’ajustement

Les pays de la Communauté économique etmonétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) sont,quant à eux, confrontés à une grave crise écono-mique. Pour le Cameroun et le Tchad, elle seconjugue avec une montée de l’insécurité liée auxattaques de Boko Haram qui entrave l’activité éco-nomique et pèse, à l’instar du Nigéria, sur lesfinances publiques. À l’exception de la Républiquecentrafricaine (RCA) qui se remet difficilementd’une crise politique et humanitaire, les cinq autrespays de la zone sont des pays pétroliers. Or, lestermes de l’échange ont baissé de plus de 47,3 %par rapport à 2014. Selon les chiffres de la Banquecentrale des États d’Afrique centrale (BEAC), lacroissance de la zone est atone à 0,7 % en 2016,contre 4,8 % en 2014 et 2,4 % en 2015. Le déficitbudgétaire atteindrait, toujours pour 2016, 7,9 % etle déficit du solde courant 14,8 %. Les réservesinternationales ont fondu comme neige au soleilpassant en dessous du seuil minimum. En outre,souligne l’organisation régionale, les besoins definancement sont majoritairement couverts parl’endettement et le financement monétaire alorsmême que la BEAC est arrivée au bout de ses faci-lités monétaires. L’heure est donc à l’ajustementmême si le taux d’endettement de la zone est infé-rieur à 70 % du PIB. Un sommet extraordinaire dela CEMAC s’est déroulé fin décembre 2016 àYaoundé avec la participation de la directrice duFonds monétaire international (FMI), ChristineLagarde, ainsi que du ministre français del’Économie et des Finances, Michel Sapin.L’ambition ? Mettre en place des mesures d’ajuste-ment structurel et tenter ainsi d’enrayer la crise. LaRCA et le Tchad sont déjà sous programme avec leFMI, les autres sont en négociation.

Là encore, les économies certes pétrolières,mais plus diversifiées offrent de meilleurs résul-tats macroéconomiques. Le Cameroun et, dansune moindre mesure, le Gabon en témoignent. AuCameroun, les investissements dans les infrastruc-tures sont soutenus, les projets dans le secteurgazier avancent tandis que les exportations agri-coles (bois, banane, cacao, café, coton) se portentbien. De plus, la production pétrolière s’estredressée. Résultat, la croissance s’est établie à5,6 % en 2016, l’endettement, en progression, estlimité à 31,6 % et les réserves de change s’élèventà plus de cinq mois d’importation. Par contraste,l’économie de la Guinée équatoriale qui dépend à90 % du pétrole accumule les mauvais résultats, lepays étant entré en récession depuis 2013 avecune croissance de - 9,9 % réalisée en 2016. Si lepétrole ne contribue qu’à 20 % du PIB au Tchad,la chute des cours s’est conjuguée avec lesattaques de Boko Haram et ont entraîné non seu-lement une forte hausse des dépenses sécuritaires,mais aussi une perturbation de circuits commer-ciaux avec ses voisins que sont le Cameroun et leNigéria. À cela s’est ajouté un afflux de réfugiés.Le gouvernement a été contraint de prendre desévères mesures d’austérité générant une situationsociale très tendue.

Le coût macroéconomique de la baissedu prix des matières premières

Les autres pays riches en ressources naturellessont, eux aussi, en difficulté comme l’Afrique duSud, la RDC, le Mozambique, mais le chocmacroéconomique qu’ils ont subi semble moinsviolent que dans les pays pétroliers.

L’Afrique du Sud a connu des années 2015 et2016 difficiles. Celles-ci ont été, en premier lieu,caractérisées par une faiblesse de la demandeexterne, notamment celle de la Chine qui est sonpremier client. Elles ont ainsi été marquées parl’atonie des cours des matières premières, alorsque les exportations du pays sont composées àhauteur de près de 50 % de métaux, métaux etpierres précieuses et de produits minéraux. À celase sont ajoutés les grèves, une compétitivité del'industrie minière mise à rude épreuve, un appro-visionnement parfois difficile en électricité, une

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Reprise timide dans les pays post-Ebola

Les pays post-Ébola, la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone, remontent doucement la pente aprèsl’onde de chocs causée par l’épidémie en 2014. La Guinée enregistre la plus forte reprise, avecune croissance de 5,2 % en 2016, soutenue par la reprise des investissements miniers, l’augmen-tation de la production agricole et l’amélioration de la fourniture d’électricité. Si l’un des plusgrands gisements de fer au monde, celui du Mont Simandou, est à l’arrêt avant même d’avoirdémarré son exploitation, la bauxite est en plein boom. Au Sierra Leone, la reprise de l’activitééconomique et de l’exploitation minière a permis d’atteindre une croissance de 4 % en 2016contre une contraction de 21 % en 2015. Quant à l’économie du Liberia, elle est toujours à l’arrêtavec ces deux principaux produits d’exportation – le caoutchouc et le fer – affectés par la baissedes cours des années précédentes. Toutefois, l’envolée récente des cours ainsi que le redressementde l’agriculture, des services, de la production aurifère et la mise en œuvre de grands projetsdevraient relancer l’économie en 2017. À la tête de l’État depuis dix ans, Ellen Johnson Sirleafquittera le pouvoir en 2017.

consommation des ménages peu dynamique et unesécheresse. Bilan : une croissance au point mort en2016 (0,4 %), après une piètre performance en2015 (1,3 %). L’inflation est, par ailleurs, toujoursélevée avec en toile de fond un rand logiquementdéprécié. Le déficit courant est important, lesentrées de capitaux sont instables et les flux desinvestissements directs étrangers (IDE) négatifscompte tenu de la hausse des IDE des Sud-Africains vers l’étranger. La note souveraine del’Afrique du Sud n’a finalement pas été dégradéepar les agences de notation en 2016, mais le risqued’une révision n’est pas à écarter. À cette conjonc-ture morose s’est ajouté un climat politique délé-tère emmaillé de scandales de corruption qui tou-chent directement le président Jacob Zuma.

En République démocratique du Congo(RDC), la baisse des cours des métaux et l’insta-bilité politique ont contribué à la division par deuxdu taux de croissance à 4,6 % en 2016. Plusieursentreprises – Eurasian Resources, Trafigura,Gleencore – ont diminué ou suspendu leur activitéavec, à la clé, des baisses de production de 10 %sur le cuivre, mais aussi le cobalt, le zinc, les dia-mants, le coltan, etc. Les produits miniers repré-sentant 95 % des recettes d’exportation, lesdépenses publiques ont été réduites. Le déficit dela balance des paiements s’est néanmoins creusé,la monnaie s’est dépréciée et les réserves dechange ont diminué.

Également touché par la sécheresse et subis-sant le contrecoup de la baisse des cours ducharbon et de l’aluminium en 2015, leMozambique a vu sa croissance diminuer de prèsde la moitié. Si la conjoncture économique qu’ilconnaît est difficile, le pays a surtout plongé dansles scandales financiers où plus de $ 1,4 milliardd’emprunts illégaux contractés par des entreprisespubliques auraient servi à acquérir du matérielmilitaire. Mi-janvier 2017, le Mozambique a offi-ciellement déclaré qu’il ne serait pas en mesure depayer les intérêts de son emprunt souverain de$ 726,5 millions de titres émis en mars 2016, soit$ 59,7 millions. Les bailleurs de fonds ont logi-quement claqué la porte et le pays a sollicité leFMI pour tenter de sortir la tête de l’eau.

Le dynamisme des pays diversifiés

Les pays africains diversifiés ont pu bénéficierde la baisse des prix du pétrole, mais aussi d’inves-tissements élevés notamment dans les infrastruc-tures et d’une consommation dynamique. La Côted’Ivoire, le Sénégal, l’Éthiopie, le Kenya, leRwanda et la Tanzanie ont ainsi tous enregistré destaux de croissance de leur PIB supérieur à 6 % en2015 et devraient afficher, selon les dernières statis-tiques du FMI, des performances similaires en 2016.

L’évolution des deux espaces monétaires etéconomiques de la zone Franc, la CEMAC et

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l’Union économique monétaire ouest-africaine(UEMOA), est révélatrice de l’impact écono-mique des cours des matières premières. Les huitpays qui composent l’UEMOA (Bénin, BurkinaFaso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger,Sénégal et Togo) ont affiché une croissance solideà 6,9 % en 2016 avec une inflation contenue à1,4 % et un endettement limité à 32,9 % du PIB etce, dans un contexte sécuritaire fragile dans cer-tains pays, notamment au Mali et au Niger, et unenvironnement international moins porteur.

Toutefois, le solde budgétaire global de la zone (ycompris les dons) s’est détérioré se situant au-dessus de la norme communautaire (- 3 %) à- 4,3 % du PIB. La facture pétrolière s’est allégéetandis que les prix de plusieurs produits agricolesse sont appréciés comme l’anacarde, le caférobusta, le coton ou l’huile de palme. Enrevanche, les cours du cacao se sont écroulés àpartir de juillet 2016, après l’importante correc-tion du mois de décembre 2015. Les termes del’échange ont été globalement favorables.

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La Côte d’Ivoire, la locomotive de l’Afrique de l’Ouest

La Côte d’Ivoire, représentant plus de 40 % duPIB de l’UEMOA, a, pour sa part, affiché unecroissance moyenne annuelle de 9 % de 2011 à2015. Impulsée par les investissements et laconsommation privés, elle a été de 7,8 % en 2016.Mais le climat social s’est détérioré : les mili-taires, les fonctionnaires et, dernièrement, les pro-ducteurs de cacao, ont affiché leur mécontente-ment et sont descendus dans la rue. L’heure est àune répartition plus égalitaire et plus large de larichesse créée. Une nouvelle Constitution a étéadoptée et un nouveau programme national dedéveloppement (2016-2020) mis en œuvre avec à

la clé FCFA 30 000 milliards d’investissements.Bénéficiant de productions agricoles d’exporta-tion diversifiées – anacarde, cacao, café, caout-chouc, coton, palmier à huile – la Côte d’Ivoirejouit aussi d’un secteur minier bouillonnant, laproduction d’or ayant presque doublé depuis2011. Résultat, la balance commerciale est excé-dentaire de près de 12,8 % du PIB.

Le retournement brutal du marché mondialdu cacao au deuxième semestre 2016 n’est toute-fois pas de bon augure pour la Côte d’Ivoire etpour le Ghana. D’une situation déficitaire, lemarché est passé à un excédent de campagne enraison, notamment, d’une production ivoirienne2016-2017 qui pourrait atteindre un recordjamais inégalé de 1,9 Mt. Au-delà de la baisse

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des cours, la Côte d’Ivoire a aussi dû faire face àdes exportateurs de fèves qui ont fait défaut pourun montant de 350 000 tonnes et un coût estiméde plus de € 300 millions. D’ores et déjà, leministre des Finances a indiqué qu’il solliciteraiten conséquence une nouvelle assistance du FMI.Si les cours du cacao ont plongé, ceux du caférobusta, de l’huile de palme, du coton et ducaoutchouc ont progressé en 2016, et ce, avec desvolumes de production fréquemment en hausse,tandis que celui de l’anacarde s’est stabilisé à unniveau élevé. Une bonne nouvelle pour la Côted’Ivoire qui est devenue le premier producteurmondial de noix de cajou en 2015, passantdevant l’Inde, mais avec un taux de transforma-tion très faible.

Au Burkina Faso et au Mali, les deux princi-paux produits d’exportation – le coton et l’or – ontlargement contribué à une croissance vigoureuse,supérieure à 5 % en 2016. Le secteur minier esttrès dynamique. Selon les déclarations du ministredes Mines et des Carrières Alfa Oumar Dissa enseptembre 2016, la production d’or au BurkinaFaso atteindrait un record de 40 tonnes en 2016 etpourrait encore progresser en 2017 avec la miseen exploitation de nouvelles mines et la refonte ducode minier. Même tendance au Mali dans unclimat sécuritaire plus aigu dans le nord du pays.De même, les deux premiers producteurs africainsde coton ont enregistré de très bonnes perfor-

mances macroéconomiques en 2016. Au Burkina,qui a totalement abandonné le coton OGM, la pro-duction s’approcherait des 750 000 tonnes en2016-2017, en hausse de 29 % par rapport à lacampagne précédente. Au Mali, elle a atteint unrecord de 645 000 tonnes, en augmentation de24 %. La Compagnie malienne pour le développe-ment des fibres textiles (CMDT), seul opérateurdans le secteur, a bouclé un plan de financementde FCFA 36 milliards pour la construction dedeux nouvelles usines d’égrenage et la modernisa-tion de trois autres, démontrant ainsi sa confiancedans l’avenir du coton. Dans les autres paysd’Afrique de l’Ouest, comme le Bénin ou la Côted’Ivoire, le coton a aussi le vent en poupe.

Depuis que l’Afrique est entrée dans une zonede turbulences économiques, le Sénégal a quittésa croissance atone pour s’aligner sur une ten-dance supérieure à 6 % par an. Le pays a bénéficiéd’un allègement de sa facture pétrolière, mais passeulement. Le Plan Sénégal Émergent (PSE),lancé en 2014 et d’un montant de $ 16 milliards, acommencé à porter ses fruits. De nombreux chan-tiers d’infrastructures sont en route, la fournitured’électricité a progressé tandis que la productionagricole s’est améliorée et les exportations se sontdiversifiées. Le déficit budgétaire s’est réduit,mais le compte courant s’est détérioré en raison dela hausse des importations de biens d’équipe-ments suite aux importants investissements.

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La sécheresse et la grande vulnérabilité aux conditions climatiques

L’Afrique de l’Est et l’Afrique australe ont été touchées par une grande sécheresse, pour ladeuxième année consécutive, qui a plongé des millions de personnes dans l’insécurité alimen-taire. En cause, un phénomène El Niño particulièrement féroce. Selon le Programme alimentairemondial, plus de 18 millions de personnes ont eu besoin d’une aide d’urgence au début de 2017.Il y a eu, en effet, une forte diminution de la production agricole mais aussi des perturbations dela production hydraulique en Afrique du Sud, au Malawi, au Swaziland et en Zambie. Ceci aengendré une hausse des tarifs et des délestages qui ont fragilisé les économies. Les prix des den-rées alimentaires ont, par ailleurs, grimpé. Au Malawi, ils ont, à titre d’illustration, progressé de172 % en 2016 par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Avec le changement climatique, qui touchera en particulier l’Afrique, il est impératif de déve-lopper une agriculture moins sensible aux aléas en développant l’irrigation, en adoptant desvariétés de semences résistantes, en favorisant la recherche, en facilitant l’accès à l’informationet en atténuant le risque porté par les producteurs via les assurances.

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L’Afrique de l’Est tire aussi son épingle du jeu

Plusieurs pays de l’Afrique de l’Est sont aussitrès performants sur le plan économique. C’est lecas de l’Éthiopie, du Kenya, du Rwanda, de laTanzanie, mais aussi d’un pays totalementdépourvu de matières premières : Djibouti. Eneffet, ce petit État surtout convoité pour sa posi-tion géographique stratégique avec des bases mili-taires de la France, des États-Unis et de la Chine,a massivement investi dans les infrastructures por-tuaires, les télécommunications, la zone franche etles aéroports. Le taux d’investissement est supé-rieur à 50 % du PIB avec la Chine comme parte-naire incontournable. En contrepartie, le déficitbudgétaire s’est creusé et la dette a progressé.Mais la croissance est au rendez-vous et devraitmême s’accélérer en 2017 à 7 %. Elle devrait êtremise à profit pour lutter contre le chômage et amé-liorer les services de base.

Son grand voisin l’Éthiopie, deuxième pays leplus peuplé d’Afrique, affiche depuis plus de dixans (à l’exception de 2012) des taux de croissanceannuels proches de 10 %. Pays essentiellementagricole, le gouvernement a investi dans les infra-structures et l’énergie (près de 40 % du PIB en2016) et a séduit les investisseurs nationaux etétrangers pour développer l’industrie. Le secteur

manufacturier, notamment le textile et le cuir enpleine expansion, a crû au rythme de 25 % par an.La croissance a néanmoins ralenti en 2016 à 6,5 %,affaiblie par la sévère sécheresse, par le ralentisse-ment de l’économie mondiale, mais aussi par unclimat social tendu. L’Éthiopie est, en effet,secouée depuis plus d’un an par d’importants mou-vements de contestation à travers le pays. L’Étatd’urgence a été décrété en octobre 2016 pour unedurée de six mois sur l’ensemble du territoire, unedécision sans précédent depuis vingt-cinq ans.

Un rebond modeste attendu en 2017

Quelles perspectives pour 2017 ? Le FMItable sur une accélération de la croissance mon-diale en 2017 et surtout en 2018, notamment dansles pays émergents et dans les pays en développe-ment. Pour l’Afrique subsaharienne, l’organisa-tion internationale prévoit un rebond de la crois-sance à 2,9 % en 2017 et surtout à 3,7 % en 2018.Mais le sursaut sera toujours différencié avec,d’un côté, les pays riches en matières premièresoù la reprise sera modeste et, de l’autre, les pays àfaibles ressources qui maintiendront une crois-sance soutenue. Les grands émergents, eux, seredresseront progressivement.

Si la croissance a effectivement fortementbaissé, l’Afrique subsaharienne garde des fonda-

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mentaux acquis ces dix dernières années et quiseront des relais de croissance pour les annéesfutures. Parmi ceux-ci, le développement de laclasse moyenne, l’urbanisation, une meilleuregouvernance, des investissements importants dansles infrastructures et une population jeune. Ainsi,le cabinet de conseil McKinsey & Company anti-cipe que la consommation des ménages enAfrique (y compris l’Afrique du Nord) progres-sera de 3,8 % par an pour atteindre $ 2,1 billionsd’ici à 2025 tandis que les dépenses des entre-prises atteindront $ 3,5 billions contre 2,6 billionsen 2015. En outre, la production manufacturièrepourrait presque doubler à $ 930 milliards d’ici à2025 dont les trois quarts en provenance desentreprises présentes en Afrique pour répondre àla demande intérieure. Il y aurait, à la clé, la créa-tion de 14 millions d’emplois. Un potentiel à réa-liser néanmoins sous certaines conditions.

La reprise, même modérée, des prix desmatières premières et de la demande soutiendra lerebond annoncé en 2017. La Banque mondialeprévoit un redressement sensible des matières pre-mières industrielles et de l’énergie en 2017. Leprix du pétrole brut s’établirait à $ 55 le baril, enhausse de 29 % par rapport à 2016, ceux desmétaux progresseraient de 11 % tandis que les

prix agricoles ne gagneraient que moins de 1 %.En revanche, les prix des métaux précieux recule-raient de 7 %.

Par région, les Nations Unies estiment quel’Afrique de l’Est se situera en haut de l’échelleavec une croissance d’environ 6 % en 2017 et en2018 tirée par les marchés intérieurs et par lesinvestissements dans les infrastructures. Celle del’Afrique de l’Ouest devrait rebondir à 3,1 % en2017 contre 0,1 % en 2016 grâce à la sortie duNigéria de la récession. Mais si l’on ne prend queles pays de l’UEMOA, la BCEAO table sur unecroissance de 7 % en 2017. En revanche, enAfrique australe, l’amélioration attendue estmodeste avec une hausse de 1,3 % en 2017 et de2,6 % en 2018. La reprise des cours du pétroledevrait donner un coup de pouce aux économiesd’Afrique centrale qui progresseraient de 3,7 %en 2017.

L’environnement international pourrait toute-fois à nouveau peser sur l’Afrique subsaharienneen 2017 : la transformation structurelle de l’éco-nomie chinoise en premier lieu, mais aussi lesincertitudes sur les impacts possibles du Brexit etde la nouvelle présidence américaine. Plusieursaccords commerciaux liant le Royaume-Uni auxpays africains se sont établis via l’Union euro-

24 / Les mutations structurelles du continent africain

Le Maroc réintègre l’Union africaine

« Il est beau, le jour où l’on rentre chez soi, après une trop longue absence ! Il est beau, le jouroù l’on porte son cœur vers le foyer aimé ! L’Afrique est mon continent, et ma maison » : tels ontété les premiers mots du discours du Roi Mohammed VI prononcé à Addis-Abeba lors du vingt-huitième sommet de l’Union africaine (UA) qui a marqué le retour du Maroc au sein de l’orga-nisation. Le royaume avait quitté en 1984 ce qui était alors l’Organisation de l’union africaine(OUA). Son retour est le point d’orgue d’un engagement économique et diplomatique fort du RoiMohammed VI en faveur de l’Afrique. Depuis une dizaine d’années, le Roi Mohammed VI amultiplié les tournées africaines (46). Elles se sont concentrées sur les pays d’Afrique de l’Ouestavec qui les liens se sont considérablement resserrés. En 2016, le Roi a également conduit desvisites diplomatiques en Afrique de l’Est. Il s’est rendu en Éthiopie, au Rwanda et en Tanzanie.Une première visite officielle s’est aussi déroulée au Nigéria où a été initié le méga-projet dugazoduc africain atlantique. Associé au dynamisme de grandes entreprises marocaines telles quele groupe OCP spécialisé dans la production et l’exportation d’engrais phosphatés, ceci pourraitrenforcer, au travers de l’investissement notamment, les moteurs intracontinentaux de la crois-sance économique en Afrique.

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péenne et pourraient donc être potentiellementremis en cause. Les pays les plus touchés pour-raient être ses principaux partenaires à savoirl’Afrique du Sud, le Nigéria et le Kenya. Demême, la remise en cause de plusieurs accordscommerciaux par l’administration Trump pourraittoucher l’Afrique via l’African Growth

Opportunity Act (AGOA) par exemple. Dans lespays développés, la montée du nationalisme tantsur le plan politique qu’économique pourrait éga-lement affecter commercialement l’Afrique. Ellepourrait, par ailleurs, modifier les politiquesd’aide au développement et celles portant sur laquestion fondamentale des migrants.

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L’année 2016 a vu l’amélioration des prix dela plupart des matières premières énergétiques etminières et la dégringolade de certains autres.Ceci ne semble néanmoins pas avoir conduit à desaméliorations visibles ou à des dégradations nota-bles des situations géopolitiques en Afrique, dumoins par rapport à l’année précédente. Qu’ils’agisse, par exemple, des producteurs de caout-chouc dont les prix se sont nettement améliorésentre 2015 et 2016, ou des producteurs de cacaodont les prix ont, à l’inverse, enregistré une chuteimportante durant les derniers mois de 2016, lespays africains continuent à bénéficier, lorsqu’ilss’en saisissent, des mêmes opportunités et à souf-

frir, en termes géopolitiques, de ces mêmes mauxqui entravent leur émergence. En dépit dequelques améliorations çà et là, le continent afri-cain ne semble pas, en d’autres termes, voir saréalité géopolitique évoluer radicalement et bonnombre de ses États continuent à ne pas tirer deleurs richesses naturelles tous les avantages queces potentialités permettent. Ce constat n’est ninouveau ni oublié et la prise de conscience qu’untel paradoxe existe est bien présent, comme entémoigne l’organisation du sixième forum de hautniveau sur la sécurité (forum de Tana) les 22 et23 avril 2017 en Éthiopie. L’ambition d’un telforum ? En premier lieu, analyser la situation

Chapitre II Ressources naturelles et réalités géopolitiques du continent africain

S’interroger sur les interactions pouvant exister entre réalités géopolitiques etressources naturelles en Afrique amène inévitablement à soulever deux questionsintimement liées : la situation géopolitique d’un pays africain dont la richesse et ledéveloppement dépendent des ressources naturelles s’améliore-t-elle du simple faitde l’augmentation en valeur et/ou en volume de celle-ci ? Et, symétriquement, sedégrade-t-elle si le commerce ou la production de ces matières subit des perturba-tions importantes ? Il en découle une autre question posée, ici, pour l’année 2016 :les événements et les faits politiques et géopolitiques de l’année sont-ils en relationavec les fluctuations des prix et des productions des commodités africaines ?

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28 / Les mutations structurelles du continent africain

paradoxale de l’Afrique, détentrice de 12 % desréserves mondiales de pétrole, de 40 % des gise-ments d’or du monde et d’environ 70 % des terresarables, mais qui reste assez largement dépen-dante du reste du monde dans bien des domaines ;en second lieu, chercher la manière de concevoir,de planifier, de mettre en œuvre de nouveauxcadres de gouvernance et définir les priorités per-mettant de mettre fin aux contradictions récur-rentes dans le secteur des ressources naturelles.

En 2016, force est de constater que la situationgéopolitique de l’Afrique a ainsi continué à êtrecaractérisée par quatre réalités : la fragmentationet les disparités aussi bien entre sous-régionsqu’entre pays, voire entre zones d’un même pays,comme en Libye ; les violences au premier rangdesquelles le terrorisme et la criminalité transna-tionale ; le renforcement des intérêts étrangersprésents sur le sol africain et enfin les recherchesincessantes d’intégration et de coopération entreles États du continent. Concernant les ressourcesnaturelles, l’image de l’Afrique reste, en 2016,celle d’un continent qui, malgré la disponibilitédes richesses, peine à voir certains de ses Étatsémerger en dépit des développements positifs qued’autres ont pu connaître. De plus, la dynamiquedes marchés des matières premières n’étant pasmaîtrisée par ces pays africains, le continent nesemble pas tenir entre ses mains le destin de sesressources et apparaît dépendant, dans cedomaine, du bon vouloir de ses clients.

Cette constatation est cependant loin d’êtrel’affirmation de l’existence d’une frontièreétanche entre les réalités géopolitiques (surtoutdans leurs répercussions domestiques) et la fluc-tuation des prix ou de la production de certainesmatières premières. Car une corrélation existebien et c’est avant tout au travers des réalitéssociales que celle-ci se manifeste. Les politiquesd’austérité initiées par nombre de gouvernementsdes pays africains à la suite de la chute des prixdes matières premières ont, en effet, souvententraîné des coupes salariales, un gel de certainsinvestissements sociaux ou des augmentations destaxes et autres impôts. Ceci s’est traduit dans cer-tains pays comme le Tchad, le Niger ou laRépublique démocratique du Congo (RDC) par ledéclenchement de grèves et de manifestations.

L’aspect social et politique des matières pre-mières n’est cependant pas le seul à considérer.L’une des premières craintes géopolitiques enAfrique peut aller jusqu’à celle de la faillite ou del’affaiblissement de l’État dans certains pays tota-lement dépendants des matières premières.Certaines perturbations de ce secteur peuvent, eneffet, conduire à des crises économiques qui,selon leurs degrés de gravité, mènent à la contes-tation de l’État et à sa déstabilisation. Ceci estd’autant plus vrai lorsque ces États sont déjàminés par d’autres facteurs de crise tels que l’ab-sence de bonne gouvernance, de l’État de droit, oude mécanismes contestés d’alternance autour dupouvoir, comme en atteste, parmi de multiplesexemples, le contexte des élections présidentiellesen RDC. C’est dans cette perspective que serontanalysées ici les réalités politiques internes etexternes de certains pays africains et leurs liensavec la conjoncture des marchés des matières pre-mières en 2016. Leur très grande diversité rend,de toute évidence, difficile toute prétention àl’exhaustivité. Seules seront donc évoquées lesmatières premières dont l’effet sur les politiquesinternes ou extérieures est le plus évident et lespays où les relations entre faits géopolitiques etmatières premières ont été les plus remarquées.

Des hydrocarbures au cœur des réalitésgéopolitiques africaines

Si la chute des prix du pétrole entamée en 2014s’est arrêtée en février 2016, le rebond observédepuis n’a pas permis de regagner les niveaux« d’avant-crise ». En raison, notamment, de l’inter-dépendance entre les prix du brut et le dynamismede l’activité de forage aux États-Unis, le seuil des$ 100 par baril apparaît désormais bien loin et l’op-timisme qui prévalait avant 2012 n’a désormaisplus cours chez les producteurs africains. Ceux-ciont non seulement ressenti les effets de la chute descours au travers d’un fort recul de leur produit inté-rieur brut (PIB) comme cela a notamment été le casen Guinée équatoriale, mais également dans ledomaine sociopolitique (niveau interne) et géopoli-tique. Parmi ces pays, le Nigéria et la Libye, deuxgrands producteurs d’hydrocarbures en Afrique quiont vu leurs productions perturbées par des pics de

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violence qu’ils n’ont pas pu endiguer en 2016. Lecas du Sénégal et de la Mauritanie qui doiventgérer, malgré leurs différends, des ressourcespétrolières communes aux deux pays peut égale-ment être évoqué, tout comme celui du Tchad quivoit s’accroître les revendications sociales dans uncontexte sécuritaire très particulier.

Le Nigéria : l’hostilité de la populationdu Delta du Niger et la gestion de la manne pétrolière

Le Nigéria est un des exemples africains de l’in-terdépendance pouvant exister entre les situationspolitico-sociales et économiques dans des pays fai-sant de la production d’hydrocarbures leur princi-pale, sinon unique, source de revenus. En 2016, cer-tains affirment que ce sont jusqu’à 70 % des puits depétrole (hors offshore) du Nigéria qui auraient pu êtretemporairement mis à l’arrêt à cause de l’insécuritéet des sabotages. Le pays dont le pétrole fournit lesdeux tiers des recettes budgétaires et la quasi-totalitéde ses revenus à l’exportation s’est donc vu double-ment pénalisé par la chute des prix d’une part et parla réduction de la production de l’autre.

La gestion de la manne pétrolière en termes derépartition, de justice sociale et de gouvernancereste globalement problématique au Nigéria, prin-cipalement dans la région du delta du Niger. Ceciimpose, avant d’évoquer l’année 2016, de rap-peler très brièvement la question du différend quioppose l’État aux populations du Delta du Niger,région concernée par l’exploitation des puits depétrole. Le pétrole a été découvert au Nigéria en1956, à la veille de l’indépendance obtenue en1960. Il est extrait dans le delta du Niger où lapopulation estime ne pas recevoir sa part de lamanne pétrolière. D’abord le Mouvement pourl’émancipation du delta du Niger (MEND) etensuite les vengeurs du delta du Niger n’ontjamais eu de cesse de mener la lutte voire mêmela guerre contre les compagnies étrangères etl’État du Nigéria qu’ils considèrent comme des« pilleurs de leurs richesses ». Aujourd’hui lesvengeurs du delta réclament notamment que 60 %des revenus pétroliers soient attribués aux com-munautés locales. En 2016, la situation du Nigériademeure marquée par cette crise qui semble

empirer : les différentes attaques des vengeurs dudelta ont fait chuter en quelques mois la produc-tion de pétrole brut de 2,2 millions de barils/jour(mb/j) à 1,6 mb/j. Entre janvier et juin 2016notamment, celle-ci a diminué de 21,5 % selon leschiffres de l’OPEP. Durant cette période,1 600 oléoducs ont été sabotés par la population etdes groupuscules opposants et 50 % de ces sabo-tages ont été l’œuvre des vengeurs du delta.L’arrivée au pouvoir du président MuhammadBuhari, un musulman issu du Nord, a compliquéla situation. Les populations du delta, en majoritéchrétiennes, doutent du nouveau chef de l’État etce, d’autant plus qu’il avait annoncé la suspensionde mesures réconciliatrices prises par son prédé-cesseur chrétien issu du Sud. Un accord signé en2009 avec le MEND prévoyait le versement d’uneallocation de $ 206 par mois aux 30 000 combat-tants sudistes sécessionnistes dans le cadre d’unprogramme d’amnistie et de réinsertion. Le nou-veau président avait annoncé, dès son investiture,la suspension de ce programme. À la fin de 2016et devant la dégradation de la situation, il a dûnéanmoins annoncer l’ouverture de négociations,mais la méfiance des groupes rebelles sembleentraver toute avancée dans ce domaine.

La tendance à l’interférence entre les faits poli-tiques et la gestion des ressources naturelles s’estdonc encore vérifiée au Nigéria durant l’année2016. La combinaison de la baisse des prix dupétrole et de la réduction de la production ontplongé le pays dans une situation de crise amplifiéepar la présence de l’organisation terroriste BokoHaram, par la multiplication de groupes de sabo-teurs dans les régions de production et par d’autresaléas tels que la corruption, l’état de santé du pré-sident et la prolifération de réseaux de criminalitétransnationale. Ces phénomènes risquent de désta-biliser non seulement le Nigéria, mais égalementl’ensemble des pays voisins et force est de recon-naître que le piétinement des dialogues entre l’Étatet les populations du delta ne place guère le paysdans une perspective très favorable pour 2017.

La Libye : un pays qui reste divisé

En Libye, pays politiquement instable, lecontrôle de l’or noir est crucial pour les deux auto-

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rités concurrentes qui souhaitent chacune asseoirleur légitimité. Ces deux autorités ne sont d’ail-leurs pas les seules sur le terrain à vouloir s’acca-parer cette ressource. Renforçant la complexité dela situation politique et sécuritaire libyenne, desgroupes terroristes, mais aussi des tribus semêlent, en effet, au conflit. Certains puits ou ter-minaux ont été régulièrement attaqués par desgroupes armés et parfois investis par des tribus aunom de revendications sociales. Cette situationconflictuelle agit sur la production du pétrole etretarde voire rend impossible toute solution de lacrise libyenne. De ce point de vue, la situation enLibye reste marquée par trois grandes réalités. Labaisse notable de la production pétrolière depuisles événements du printemps arabe est la premièred’entre elles et l’année 2016 n’a pas infirmé cettetendance. La production de pétrole en Libyes’était certes maintenue quelques mois après larévolution : le volume produit, de 1,7 mb/j en2010, est resté stable jusqu’en mai 2012. Maisdepuis, les crises, les conflits et les guerres suc-cessifs sont venus à bout de cette production pourla ramener au début de l’année 2016 à seulement360 000 b/j par jour et jusqu’à 250 000 b/j, aucours de la même année.

Deuxième réalité de la situation libyenne :chaque faction qui lutte pour s’accaparer le pou-voir en Libye doit, au préalable, s’assurer ducontrôle des sites de production. La géographieamplifie cette situation : les grands sites de pro-duction se trouvent, en effet, dans la zone dite du« croissant pétrolier » qui, tout en se situant enCyrénaïque, est enserrée entre celle-ci et laTripolitaine. Elle constitue une zone de démarca-tion entre ces deux régions et peut, de ce fait,constituer une zone d’affrontements armés,comme en attestent les développements de cedébut d’année 2017. Cette région est, en 2016,passée entre plusieurs mains : de Daech à l’Arméenationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar enpassant par les brigades de défense de Benghazi(BDB) et les milices de l’Est. Ainsi, la guerre pourle pétrole qui prolonge le conflit libyen et éloignetoute solution politique ouvre le pays aux groupesterroristes de tous bords.

Troisième et dernière réalité libyenne : lesinfluences étrangères ne sont pas absentes. Si le

chef du gouvernement d’union nationale, Fayezel-Serraj, est soutenu par la communauté interna-tionale, son adversaire Haftar semble, de son côté,s’approcher de plus en plus des Russes. Ces der-niers auraient même envoyé des conseillers dansune base située sur les frontières entre la Libye etl’Égypte. De plus, l’offensive que mène le chef del’armée nationale vers l’Est augure d’une haussedes tensions qui touchera pleinement la zone deproduction du pétrole. Les frictions ont déjà com-mencé à se transformer en actions de guerre entreles deux clans et 2017 n’apportera, semble-t-il,pas de bonnes nouvelles au regard de la situationgéopolitique de la Libye et donc de sa productionpétrolière.

Mauritanie et Sénégal : un champ gazier sur le tracé du projet de gazoducproposé par le Nigéria et le Maroc

Découvert par Kosmos Energy en janvier2016, le champ gazier Grand Tortue-Ahmeyin estsitué au large des côtes, sur la frontière maritimeentre la Mauritanie et le Sénégal. Il est présenté,par cette compagnie, comme le champ le plusimportant d’Afrique de l’Ouest, avec des réservesestimées à 450 milliards de m3 de gaz et une miseen production prévue pour 2021. L’exploitation dece champ nécessite l’implantation d’une plate-forme sur terre ferme ou en off-shore. Or, si l’op-tion initialement envisagée pour sa localisationprivilégiait la terre ferme, l’absence d’un accordentre les deux pays a fait peser la balance enfaveur de l’off-shore.

L’exploitation commune du champ en questionque les deux pays considèrent comme une prioritépour leur développement respectif est une épreuvepour l’esprit de coopération entre les deux Étatsavec, en toile de fond, une question fondamentale :le gaz peut-il dissiper les différends entre ces deuxpays et les rapprocher ou, à l’inverse, aggraver lesanciennes tensions ? Il convient en outre de rappelerque cette découverte coïncide avec l’initiative pro-posée la même année par le Maroc et le Nigéria. Laplateforme prévue par Kosmos Energy et BP pourl’exploitation du champ Grand Tortue-Ahmeyin setrouve, en effet, sur le tracé du gazoduc proposé parces deux pays. Loin de diviser, le gaz pourrait alors

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être un facteur géopolitique de construction de l’es-pace nord-ouest africain.

Le Tchad face à la chute des prix du pétrole et les remous sociaux

La baisse du prix du pétrole a certainementimpacté tous les producteurs africains. Mais auTchad, les conséquences ont été particulièrementvisibles en 2016. Pour répondre à la crise financièregénérée par la baisse des prix, le pays a, en effet, étéobligé d’initier une politique d’austérité qui n’a pastardé à entraîner des remous sociaux dus en grandepartie au non-paiement des salaires des fonction-naires de certains secteurs et à la réduction desprimes et indemnités dans d’autres secteurs. De plus,étant sollicité pour la lutte régionale contre le terro-risme, le pays était dans la nécessité de privilégier lesecteur de la sécurité et de la défense aux dépensd’autres secteurs tels que la santé ou l’éducation.Cette initiative a amplifié le mécontentement socialdans les secteurs lésés par la politique d’austérité.

Il importe ici de rappeler que, si les prix dupétrole ne connaissent pas une améliorationnotable, une perturbation durable du fonctionne-ment de l’État au Tchad ne serait pas uniquementpréjudiciable à ce pays, mais à l’ensemble des paysvoisins qui comptent sur lui pour la sécurisation dela zone du lac Tchad. Ce pays joue, en effet, un rôlemajeur dans la force multinationale mixte chargéede lutter contre l’organisation Boko Haram dans larégion et à laquelle participent, en plus du Tchad, leNigéria, le Cameroun et le Niger.

Les matières premières agricoles : des situations et des fortunesdifférentes

L’Éthiopie : des troubles en dépit de solides performances macroéconomiques

L’Éthiopie domine la production du café enAfrique et s’est affirmée comme le cinquième pro-ducteur mondial, avec 6,5 Mt produites lors de lasaison 2015-2016. Le secteur caféicole revêt ainsiune importance stratégique pour ce pays qui s’estnotamment traduite par l’accueil, en mars 2016, de

la quatrième Conférence mondiale du Café àlaquelle étaient présents le Premier ministre,Hailemariam Dessalegn, mais également et surtoutRoman Tesfaye, Première Dame du pays.

En 2016, le pays a connu plusieurs troubles,non seulement sur son territoire, mais également àses frontières avec l’Érythrée. Certains troublesintérieurs semblent découler de causes ethniques etont pris pour prétexte le projet d’élargissement etd’agrandissement de la capitale aux dépens desagriculteurs et fermiers de la région d’Addis-Abeba ; mais la dégradation de la situation écono-mique et financière de certains fermiers et paysans,dont les producteurs de café, n’était pas étrangèresinon au déclenchement des perturbations dumoins à l’enlisement de la crise. Le gouvernementne table pas seulement sur la répression et la forcepour venir à bout de ces troubles. Il s’oriente aussivers la prise de mesures économiques à mêmed’apaiser les mécontentements sociaux. Dans cebut, l’accroissement des prix du café s’avère êtreune opportunité pour le pouvoir éthiopien. Ainsi,pour le compte de la campagne caféière 2016-2017, le gouvernement éthiopien espère atteindrela barre des $ 940 millions de recettes tirées del’exportation de café. Cette ambition, qui passe parl’exportation de 241 000 tonnes de café sur les702 000 tonnes prévues en 2017, a amené le gou-vernement à prendre des mesures favorables pourles producteurs et, par conséquent, susceptiblesd’aider à la décrispation des relations entre le pou-voir et certains paysans et fermiers.

La Côte d’Ivoire et le Ghana : réagir face à la baisse du prix du cacaopour assurer la paix sociale

Encouragés par les flambées des prix du cacaosur le marché mondial observées entre 2004 et2009 et entre 2013 et 2015, les producteurs ivoi-riens n’ont pas lésiné sur les procédés pour pro-duire plus (ils ont surtout défriché plus de terres etutilisé plus d’engrais). Ceci n’a pas, sur la périoderécente, produit ses effets immédiatement. Le paysa, en effet, connu deux campagnes, 2014-2015 et2015-2016, pour lesquelles les volumes de produc-tion se sont inscrits en baisse en raison de condi-tions climatiques défavorables : un harmattan par-

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ticulièrement rude et un important phénomène ElNiño. Il en a résulté, pour la campagne 2015-2016,une production de 1,58 Mt selon les données del’International Cocoa Organization (ICCO). Pourla campagne 2016-2017, la production ivoiriennepourrait cependant atteindre un niveau record de1,9 Mt. Après deux campagnes difficiles, le Ghanadevrait, pour sa part, atteindre un volume de pro-duction de 800 000 tonnes. De quoi faire chuter lescours après la flambée qui a vu la tonne de fèvesatteindre plus de $ 3 345 en décembre 2015 aucours officiel de l’ICCO. En effet, sur l’année2016, le cacao a perdu 22 % de sa valeur sur lemarché de Londres et 34 % sur celui de New York.De toute évidence, cette chute n’a également pasété sans conséquence pour le Ghana voisin.

Dans ces deux pays, les pouvoirs étatiquesfixent le prix de la fève au début de l’année, ce quimet les producteurs à l’abri des baisses sur lemarché international, au moins pour l’année encours. En Côte d’Ivoire, le gouvernement a ainsiporté à FCFA 1 100 le kilo (€ 1,76 le kilo) le prixgaranti au planteur pour la campagne principale2016-2017 soit une hausse de 10 % et ce, malgré labaisse des prix mondiaux. Or, de l’avis de plusieursspécialistes, les deux pays ne peuvent continuercette politique si les prix continuent de baisser en2017… ce qui s’est précisément observé en janvieret en février. On ne peut dès lors que s’interrogersur les conséquences sociopolitiques qui découle-raient d’une baisse de ces prix garantis alors mêmeque, dans ces deux pays, le cacao revêt une impor-tance capitale dans le domaine économico-social :le cacao représente 20 % du PIB ivoirien, plus de50 % des recettes d’exportation et, surtout, lesdeux tiers des emplois et des revenus de la popula-tion ; au Ghana, la moitié de la population vit,directement ou indirectement, du cacao.

Les remous politiques et la faiblessedes institutions privent certains Étatsd’une partie des revenus de leursressources

L’instabilité en RDC

La République démocratique du Congo (RDC)abrite 47 % des réserves mondiales de cobalt,

30 % des réserves de diamant, 10 % du cuivre, desquantités très importantes d’or, ainsi que du man-ganèse et du coltan. La RDC ne semble pourtantavoir tiré profit ni de la richesse de ses ressourcesni du rebond des prix observé sur la plupart desressources qu’elle exploite. La RDC s’est avéréeêtre, en 2016 dans une situation économiquement,politiquement et socialement dégradée. Trois élé-ments alimentent cette réalité : en premier lieu,l’instabilité de la moitié Est du pays qui estaggravée par les interférences des pays voisinsque sont l’Ouganda et surtout le Rwanda et quifait peser sur la RDC un risque de fragmentation ;en deuxième lieu, la fermeture de sites ou la sus-pension d’activités liées au cuivre du géant anglo-suisse Glencore conduisant à la perte de plus de13 000 emplois et à des mouvements sociaux quimenacent la paix sociale dans le pays ; en dernierlieu, la fin de mandat du président Joseph Kabilaet les risques d’instabilité que les élections pour-raient générer lors de leur tenue en 2017. La RDCvoit ces facteurs se nourrir l’un de l’autre et placerle pays dans un cercle vicieux. Dans cette optique,il est difficile de savoir si l’amélioration des résul-tats économiques du pays pourrait présider à unestabilisation de la situation politique ou si, à l’in-verse, la résolution des tensions politiques est unpréalable à un redressement économique durable.

Quelle que soit la réponse – probablement pasbinaire – apportée à cette question, force est deconstater que les hausses des prix des matièrespremières observées depuis le début de l’année2016 ne semblent pas donner de signes de résolu-tion de la situation générale en RDC et ce, d’au-tant plus que les tourmentes du pays peuvent êtreaggravées par une crise silencieuse avec le voisinzambien. En effet, le cuivre, qui constitue une res-source vitale tant pour la RDC que pour laZambie, se place également au centre des enjeuxstratégiques entre les deux pays. Le froid existantdans les relations entre les deux pays n’est certespas devenu gel, mais le comportement du prési-dent Joseph Kabila vis-à-vis des autorités zam-biennes montre que le conflit n’est peut-être pasapparent, mais qu’il existe probablement : le pré-sident Kabila ne se rend pratiquement pas enZambie en visite officielle ou privée et n’a égale-ment jamais reçu le président zambien. Les

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racines de ces tensions dans les relations entre lesdeux pays sont à chercher dans l’appui politiqueque les autorités zambiennes portent à MoïseKatumbi, opposant farouche du président JosephKabila. Cet appui serait dû au fait que Katumbi estactionnaire dans l’une des plus grandes mines deZambie, la Kankola-cooper mining (KCM).

Mieux contrôler l’exploitation artisanaledes ressources minières en Afrique de l’Ouest

Un récent rapport intitulé « The West AfricanEl Dorado: Mapping the Illicit Trade of Gold inCôte d’Ivoire, Mali and Burkina Faso » et publiépar le Partenariat Afrique Canada (PAC) soulignel’absence de contrôle, dans les pays susmen-tionnés, de secteurs d’activité aussi importants quecelui de l’aurifère artisanal. Cette absence de struc-tures institutionnelles et de politiques cohérentesmet les pays concernés dans l’incapacité de plani-fier, de contrôler et, par conséquent, de tirer profitdes avantages économiques du secteur. Pourpreuve : en 2013 et 2014, les Émirats arabes unisont signalé avoir importé du Mali respectivement49,6 tonnes et 59,9 tonnes, alors que le Mali n’adéclaré qu’une production de 40 tonnes d’or en2013 et 45,8 tonnes en 2014. Toujours selon ce rap-port, le secteur de l’or artisanal emploie environ3 millions de mineurs artisanaux en Côte d’Ivoire,au Mali et au Burkina Faso. Leur production restecependant inconnue, privant ainsi les États d’uneimportante source de revenus. Les préjudices ne sesituent cependant pas seulement au niveau d’un« simple » manque à gagner fiscal : ils les dépas-sent pour constituer des menaces à la stabilité poli-tique, par l’installation de l’anarchie, la proliféra-tion de la criminalité transnationale et un potentielfinancement du terrorisme. Il convient, en effet, derappeler ici que ces trois pays ont subi entre la finde 2015 et le début de 2016 des attaques desgroupes armés affiliés à Al Qaida au Maghreb isla-mique (AQMI). Cette situation concerne égale-ment la région des Grands Lacs, en Afrique del’Est. Le secteur minier artisanal demeure large-ment informel et sujet à la violence et à la corrup-tion généralisée. Puisque l’or peut rarement fairel’objet d’un suivi ou être retracé, il peut s’affirmer

comme un moyen idéal de financer le crime et lesgroupes armés.

Les intérêts étrangers en Afrique

La présence chinoise en Afrique se militarise

Depuis quelques années déjà, le principe del’intervention chinoise en Afrique, qui s’appuiesurtout sur ce qui est qualifié de « soft power », acommencé à donner des signes de mutation versun aspect plus « hard ». Devant les aléas sécuri-taires qui minent certains pays du continent, laChine se voit ainsi obligée, pour défendre ses inté-rêts en Afrique, d’assurer plus de présence sécuri-taire. En août 2015, une attaque à la voiture piégéecontre un hôtel de Mogadiscio et revendiquée parles islamistes somaliens Shebbab a fait treizemorts, dont un diplomate chinois et un journalistesomalien. Deux membres du personnel diploma-tique chinois ont, par ailleurs, été blessés. Ennovembre 2015, une attaque menée par des djiha-distes contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako afait vingt-et-un morts, dont trois ressortissantschinois. Ces événements témoignent de l’entréede la Chine dans le club des investisseurs étran-gers victimes de terrorisme, ce qui explique lesmutations de l’engagement chinois qui sont appa-rues en 2016 : une loi antiterrorisme adoptée parle Comité permanent du Congrès national dupeuple en décembre 2015 et entrée en vigueur en2016 autorise ainsi l’armée chinoise à mener desopérations militaires à l’étranger, notamment enAfrique et au Moyen-Orient. Dans le cadre dubras de fer qui l’oppose aux États-Unis pour lecontrôle des voies commerciales en mer Rouge etdans l’océan Indien, la Chine a, par ailleurs, com-mencé l’exploitation de sa base militaire deDjibouti avec l’arrivée de quelque huit centsmarins. Des militaires chinois seraient, enfin, déjàprésents en République centrafricaine (RCA) dansle but de sécuriser les opérations de prospection,d’exploration et d’exploitation pétrolière à Biraoet à Ndélé au nord du pays.

L’importance, pour la Chine, des ressourcesnaturelles africaines et les aléas que les questionssécuritaires font peser sur les investissements réa-

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34 / Les mutations structurelles du continent africain

lisés sur le continent poussent ainsi la Chine àaffirmer une présence plus militarisée avec, entoile de fond, une question géopolitique d’impor-tance : cette mutation est-elle de nature à changerà terme les rapports qu’entretient Pékin avec lesautres puissances présentes en Afrique ?

L’Uranium du Niger : entre l’économique et la géopolitiquepour la France

Devant les difficultés des négociations avec leNiger et suite à la situation sécuritaire que ce paysconnaît, la compagnie française Areva avaitentamé une stratégie de diversification de sessources d’approvisionnement avec une implanta-tion en Mongolie notamment. La France continuepourtant à s’investir au Niger en termes de sécu-rité, officiellement en raison du terrorisme et desaléas sécuritaires qui touchent la région. Uneraison à laquelle certains militaires maliens et unetranche de la population semblent ne pas croire.En effet, une partie de l’opinion publique nigé-rienne, estime que la présence militaire françaiseau Niger ne vise pas uniquement la stabilisation,pourtant essentielle, de la région pour le bien despopulations, mais trouve aussi une de ses justifi-cations dans la volonté de sécuriser pour des rai-sons économiques un pays d’où elle continue àtirer une part importante de l’uranium utile à saproduction d’énergie et notamment d’électricité.Avec une production de plus de 2 500 tonnes, leNiger reste, en effet, irremplaçable, en dépit del’effort de diversification par Areva. La secondejustification de la présence française pourraitaussi provenir, selon certains, de la volonté derépondre à la « concurrence » de nouveaux acteurssur le sol africain. La présence militaire chinoiseest, à titre d’exemple, de plus en plus remarquéeen RCA et pourrait constituer les débuts d’uneaide apportée par la Chine pour sécuriser son ter-

ritoire avec, peut-être, l’amorce pour laRCA,d’une politique de diversification de sesaccords bilatéraux de défense.

Et pour conclure

Force est de rappeler, au travers des exemplesévoqués dans un chapitre qui n’a pas prétention àl’exhaustivité, qu’il existe naturellement des inter-férences entre les ressources naturelles, notam-ment les matières premières, et les réalités géopo-litiques en 2016, même si celles-ci apparaissentbien souvent de façon très indirecte. Les mouve-ments en termes de production ou de fluctuationsdes prix des matières premières entre la fin de2015 et durant 2016 ne peuvent cependant avoird’effets immédiats et constatables en 2016. Ilspermettent, en revanche, d’envisager trois ten-dances à moyen terme. Les deux géants africainsdu pétrole, Libye et Nigéria, ne peuvent, en pre-mier lieu, compter sur leurs seules ressources enhydrocarbures pour assurer leur croissance écono-mique en 2017. Les luttes internes pour le pre-mier, la rébellion armée et le terrorisme pourl’autre restent des crises non encore résolues quiles empêcheront de tirer pleinement profit de leursrichesses. Les transitions politiques, et notammentles opérations électorales de 2017, risquent, endeuxième lieu, de provoquer une instabilité danscertains pays africains qui serait aggravée par depotentielles crises économiques consécutives à unaffaiblissement des prix mondiaux et/ou des pro-ductions africaines de matières premières. Laconcurrence qui s’exerce autour des matières pre-mières africaines et les menaces sécuritaires queconnaît le continent peuvent, en dernier lieu,entraîner une transformation de la nature des pré-sences étrangères en Afrique. La tendance vers lamilitarisation de la présence chinoise peut notam-ment servir à terme de modèle à d’autres pays telsque l’Inde ou la Turquie.

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Chapitre III Financements multilatéraux, dépenses d’infrastructures et politiquesd’investissements dans le secteur des matières premières en Afrique

Le secteur des matières premières a bénéficié, à partir de l’année 2007, d’un contexteéconomique favorable, marqué par un cycle haussier des matières premières, des tauxd’intérêt bas au niveau mondial et une recherche de rendement de la part des inves-tisseurs. Ceci a soutenu l’investissement dans le secteur et grandement facilité l’accèsaux financements, notamment en Afrique. À partir de 2012 cependant, la baisse descours des matières premières, qui pèse mécaniquement sur les capacités d’endettementdes acteurs du secteur et sur leurs espérances de rendement, la remontée des tauxlongs américains et l’augmentation générale de l’aversion au risque de la part des in-vestisseurs, accentuée par une appréhension particulière vis-à-vis du secteur minierqui impacte principalement les projets greenfield (c’est-à-dire sans implantation an-térieure), ont contribué à affecter le financement de l’industrie des commodités dansson ensemble.En Afrique, le secteur et les financements qui lui sont alloués ont en outre pâti dequelques facteurs spécifiques au continent. D’abord, une perception du risque poli-tique et réglementaire et de l’environnement des affaires qui reste mitigée dans sonensemble, comme le montre l’édition 2015 du rapport du Fraser Institute sur le secteurminier. L’indice de perception des politiques gouvernementales contenu dans le rap-port ne classe ainsi des pays africains bénéficiant d’un potentiel minier importantcomme l’Afrique du Sud, la République démocratique du Congo (RDC) ou l’Angolaqu’au 78e, 87e et 92e rang, respectivement, sur un total de 109 pays, ce qui altère leurattractivité. L’évolution des modalités d’investissement chinois en Afrique est ledeuxième élément ayant pesé sur le continent : la Chine, après s’être attelée à sécuriserson approvisionnement en ressources naturelles, adopte désormais, selon la Banqueafricaine de développement (BAD), « une approche plus exploratoire dans le but deconstituer un pôle manufacturier en Afrique ».

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36 / Les mutations structurelles du continent africain

Des intervenants multiples

Il importe de rappeler que c’est l’endettement,par opposition aux financements en capitaux pro-pres, qui assure traditionnellement la majeurepartie des besoins de financement du secteur desmatières premières en Afrique. Les créanciersactifs sur le secteur sont tout d’abord les banques commerciales, et principalement desbanques européennes (BNP Paribas, SG, HSBC,Barclays…) et sud-africaines (Nedbank…) béné-ficiant d’une forte expertise dans le secteur pétro-lier et minier et d’une présence historique enAfrique. La baisse des cours des commoditésamorcée depuis 2012 a en effet poussé quelquesacteurs novices à délaisser le marché et le conti-nent. Ces banques commerciales ont fait preuve,depuis quelques années, d’une plus grande sélec-tivité dans l’étude de leurs dossiers, qui s’est tra-duite notamment par des analyses techniques etcommerciales plus poussées. Les prêts accordéssont généralement d’une maturité moyenne (pou-vant aller jusqu’à huit ans) et peuvent prendre laforme d’un crédit classique ou d’un crédit struc-turé dans le cadre d’une opération de projectfinance. Parmi les créanciers figurent aussi lesinstitutions financières internationales qui ontjoué et continuent d’assurer un rôle majeur dans lefinancement des grands projets de matières pre-mières en Afrique. En offrant des maturités

longues que ne peuvent proposer les banquescommerciales, en accordant davantage de flexibi-lité dans les remboursements et surtout en appor-tant un appui politique important, ces institutionspermettent de viabiliser de nombreux projets et desécuriser les financements apportés par d’autrescréanciers. La Société financière internationale(SFI), entité du groupe de la Banque Mondialedédiée au secteur privé, est sans doute l’institutioninternationale la plus active dans le domaine desmatières premières, les autres institutions (BAD,Banque islamique de développement, Agencefrançaise de développement, etc.) intervenantdavantage dans le financement de projets d’infra-structure ou d’énergie. Il convient également deprendre en compte, parmi les créanciers, lesagences de crédit à l’exportation, comme l’USEximbank, qui financent l’achat d’équipementsou de services auprès d’entreprises de leurs pays.Dans un même registre, un certain nombre de groséquipementiers comme Caterpillar ou GeneralElectric ont mis sur pied des filiales de finance-ment permettant à leurs clients, africains ou non,de financer à crédit l’achat de leurs équipements.Le recours à l’endettement peut en outre se fairede façon désintermédiée via les marchés obliga-taires, qui permettent de lever directement auprèsd’investisseurs institutionnels des montants dedette importants, sous forme de titres négociables,mais ils sont néanmoins principalement réservés

Assiste-t-on pour autant à un tarissement des financements du secteur des matièrespremières en Afrique ? S’il est difficile d’obtenir des données suffisamment fiables etexhaustives pour répondre par des chiffres précis, il est néanmoins possible d’affirmerque la situation constatée depuis 2012 ne constitue qu’un ralentissement des flux definancements, certes marqué, se traduisant par des conditions d’emprunt resserrées,mais que les bons projets parviennent toujours à lever les fonds nécessaires. Lecontexte plus sélectif dans lequel évolue le secteur depuis quelques années a pousséles professionnels de la finance à développer des approches moins classiques, moinsgénériques, cherchant au contraire à s’adapter aux spécificités de chaque projet, qu’ils’agisse du type de matière première à financer, du stade de développement du projetou de la juridiction dans laquelle il évolue.

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aux entreprises suffisamment matures. Quelquesoutils de financement innovants développésdepuis quelques années par des acteurs spécia-lisés, à la structuration complexe, mais qui ont pupercer suite au repli relatif de l’endettement clas-sique, doivent enfin être évoqués. Ces finance-ments, appelés Commodity-linked car s’appuyantsur des réserves de matières premières, sont parexemple les Reserve Based Lendings (RBL), prêtsstructurés garantis par des réserves, surtout uti-lisés dans la mise en production de pétrole et degaz, ou encore le système de royalties mis enplace par des fonds comme BlackRock dans l’ex-ploitation aurifère, où la compagnie minière, encontrepartie d’un prêt, verse au fonds des royaltiessur sa production.

Des modalités de financementplurielles

Une dette devant être remboursée, et les capa-cités de remboursement d’un projet de commoditéétant très fortement corrélées au prix de vente deladite commodité, toute baisse des cours sur lesmarchés mondiaux réduit donc mécaniquementles capacités d’endettement des entreprises, ce quiexplique le reflux des levées de dette du secteur aucours des quatre dernières années.

Après l’endettement, les capitaux propresconstituent la deuxième source de financement.Sensibles à la conjoncture, plus risquée, leurs

principaux pourvoyeurs sont : (1) les États, quipeuvent investir, directement ou par le biais d’ins-titutions publiques, seuls ou avec des partenaires,dans des entreprises et des projets du secteur desmatières premières, en fonction de leurs margesde manœuvre budgétaires ; (2) les grandes multi-nationales du secteur, comme Rio Tinto, Vale,Anglo American ou Glencore, qui développent denombreux projets en puisant directement dansleurs fonds propres ; (3) la SFI qui a depuisquelques années élargi son champ d’action pourprendre également des participations capitalis-tiques minoritaires dans le secteur et (4) les mar-chés d’actions cotées, qui permettent de faireappel à de l’épargne publique. Les bourses deToronto (Canada), de Sydney (Australie) et deLondres (Royaume-Uni) sont les places de prédi-lection des producteurs de matières premières, àqui elles ont permis de lever les fonds propresnécessaires au financement de leurs activités.Cependant, dans un contexte de prix des matièrespremières défavorable, il devient moins aisé pourles entreprises de convaincre les investisseurs departiciper à des introductions en bourse ou à desaugmentations de capital : au cours de ces der-nières années, les montants levés par les entre-prises africaines via ce canal ne sont donc pas trèssignificatifs ; (5) les capitaux privés : des fondsimportants sont disponibles chez les fonds decapital investissement (Private Equity) ou dansles Family Offices gérant les grandes fortunes,

Les enjeux du projet finance ?

Le financement de projets, ou project finance, est une technique de financements structurés uti-lisée dans le cadre de projets de grande envergure, dont le coût dépasse souvent plusieurs cen-taines de millions de dollars américains : extraction pétrolière ou minière, raffinerie de pétrole,achat de méthaniers, construction de centrales électriques, d’ouvrages d’art, etc.Il s’agit d’un financement centré, non sur l’emprunteur (c’est-à-dire l’entreprise dans sonensemble), mais sur un projet bien délimité, dont les flux de trésorerie générés par l’exploitationassureront le remboursement et dont les actifs pourront constituer les garanties. La possibilitéqu’ont donc les créanciers de se retourner vers le promoteur du projet (actionnaire ou maison-mère) en cas de défaut est limitée. De ce fait, la structuration de tels financements nécessite desdue-diligences préalables très approfondies et une documentation juridique fournie. L’horizondes financements accordés est généralement long afin de permettre le développement du projetpuis sa mise en exploitation.

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38 / Les mutations structurelles du continent africain

mais les investissements effectifs tardent à seconcrétiser. Ces capitaux privés ont pour avantageune durée d’investissement à moyen long terme(cinq à dix ans), cohérente avec les exigences et lecycle d’investissement du secteur des matièrespremières.

La Chine, banquier des commoditésafricaines ?

Comment enfin terminer cette présentation desprotagonistes du financement des commoditéssans évoquer le rôle prépondérant joué par laChine, dont la fascination pour les ressourcesnaturelles africaines ne peut être ignorée ? Selonle Mining Journal, l’Empire du Milieu auraitinvesti $ 73 milliards entre 2000 et 2011 dans desprojets liés aux ressources naturelles en Afrique,dont $ 15 milliards pour la seule année 2011, fai-sant de lui l’un des principaux investisseurs dusecteur (le manque de données officielles rendantcependant toute vérification difficile). Ces inves-tissements chinois en Afrique prennent différentesformes : fusions-acquisitions, joint-ventures,investissements directs dans des projets d’infra-structure, prêts.

Concernant les emprunts, une étude du ChinaAfrica Research Initiative publiée en avril 2016indique que, sur les $ 86,3 milliards prêtés entre2000 et 2014 par des acteurs chinois (au premierrang desquels figurent la China Eximbank et laChina Development Bank) à des États et à desentreprises publiques africaines, 10 % (soit prèsde $ 9 milliards) sont allés au secteur minier. Legroupe pétrolier angolais Sonangol se serait acca-paré à lui seul plus de $ 7 milliards de prêts, lesautres bénéficiaires étant, selon l’étude, le projetSicomines (cuivre et cobalt) en RDC, une mined’or en Côte d’Ivoire, une autre en Érythrée, etune mine d’uranium au Niger.

Dans le domaine des fusions-acquisitions, unetransaction réalisée il y a quelques années par ungroupe chinois doit être mentionnée : l’acquisitionen septembre 2013 par Tewoo de 16,5 % du projetTonkili (minerai de fer, Sierra Leone) pour près de $ 1 milliard, transaction qui garantirait selon lesestimations l’approvisionnement de la Chine enminerai de fer pendant une vingtaine d’années !  

Une année 2016 difficile

Un sentiment semble dominer parmi les opéra-teurs de marché, banquiers et investisseurs quitentent de dresser le bilan de l’année 2016 : dansun contexte de prix des matières premières tou-jours bas, l’année n’a pas été très porteuse entermes de financements pour le secteur des com-modités en Afrique.

L’analyse d’un premier indicateur, l’évolutiondes budgets d’exploration minière dont les chif-fres pour l’année 2016 viennent d’être publiés parS&P, permet de donner le pouls de la conjoncture.Selon l’agence, les budgets d’exploration enAfrique ont baissé de 24 % en 2016, pouratteindre $ 916 millions seulement. L’Afrique nereprésente désormais plus que 13 % du budgetd’exploration minière mondial, au troisième rangderrière l’Amérique latine (28 %) et le Canada(14 %), et au coude à coude avec l’Australie, alorsque le continent occupait, avec 20 % des budgetsmondiaux, la deuxième place en 2012. Comme lesannées précédentes, l’or reste la première destina-tion de ces budgets d’exploration, plus de lamoitié des investissements y étant consacrés. Ausein du continent africain, la RDC, l’Afrique duSud, le Burkina Faso et le Mali ont recueilli, en2016, les fractions les plus importantes des bud-gets d’exploration.

Dette souveraine : dégradation des notes et baisse des émissions

Le deuxième indicateur général permettant decorroborer ce sentiment atone est l’activité desÉtats africains – dont les budgets dépendent forte-ment, pour un grand nombre d’entre eux, de l’évo-lution des cours des matières premières – sur lemarché de la dette souveraine internationale. Troisfaits marquants peuvent être dégagés à ce sujetpour 2016. Le premier a été la révision à la baisse,par les agences de notation, des notes souverainesde plusieurs pays exportateurs de matières pre-mières en raison de l’impact négatif de la baissedes cours sur leurs équilibres budgétaires.Moody’s a ainsi annoncé en mai 2016 revoir à labaisse les notes du Nigéria, de l’Angola, duGabon, du Niger et de la République du Congo du

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fait du recul des cours du pétrole, suivant ainsil’exemple de S&P qui avait procédé à la dégrada-tion de la note de ces pays dès 2015. La Zambie a,quant à elle, pâti de la baisse des cours du cuivreet a été sanctionnée par S&P en mars puis parMoody’s en avril. Le deuxième fait marquant de2016 est venu du secteur des ressources renouve-lables : Ematum, société publique mozambicaineactive dans la pêche de thon, et dont la dette béné-ficiait de la garantie de l’État, a fait défaut en mars2016, ce qui eut comme répercussion immédiatela dégradation par S&P et Moody’s de la note sou-veraine du pays. Dans ce contexte peu porteur, etc’est là le troisième fait marquant, seulement troispays africains (l’Afrique du Sud, le Ghana et leMozambique) ont emprunté sur les marchés obli-gataires internationaux en 2016, pour des levéestotales de $ 5,7 milliards, alors que l’année 2015avait permis à neuf pays de lever $ 9,2 milliards.

Qu’en est-il de l’activité enregistrée en 2016pour chacun des instruments de dette ou de capi-taux propres destinés au financement de projets oud’entreprises du secteur des matières premières ?

Dette Corporate : aucune émissioninternationale en 2016, une seuleémission nationale significative

Le recours aux marchés obligataires nationauxet internationaux offre aux entreprises l’avantagede lever rapidement, et avec relativement peu decontraintes, des montants importants sur desmaturités longues pouvant parfois atteindre trenteans. Ces marchés financiers désintermédiés sonttoutefois réservés aux entreprises suffisammentmatures, disposant de flux de trésorerie solides,aguerries à la communication financière et dont les besoins de financement sont importants($ 200 millions étant considérés comme unminimum pour un emprunt obligataire interna-tional). Les candidats au financement obligatairene sont donc pas légion parmi les entreprises afri-caines du secteur des commodités, en particulierlorsque celui-ci s’effectue sur les marchés de NewYork, de Londres ou de Francfort.

2016 n’a ainsi vu aucune émission obligataireinternationale réalisée par une entreprise africaine

date Pays montant coupon (%) maturité(en millions de dollars)

12/10/2016 Afrique du Sud 2 000 4,300 12 ans

12/10/2016 Afrique du Sud 1 000 5,000 30 ans

15/09/2016 Ghana 750 9,250 6 ans

14/04/2016 Afrique du Sud 1 250 4,875 10 ans

06/04/2016 Mozambique 727 10,500 7 ans

19/11/2015 Cameroun 750 9,500 10 ans

12/11/2015 Angola 1 500 9,500 10 ans

29/10/2015 Namibie 750 5,250 10 ans

14/10/2015 Ghana 1 000 10,750 15 ans

30/07/2015 Zambie 1 250 8,970 12 ans

16/06/2015 Gabon 500 6,950 10 ans

11/06/2015 égypte 1 500 5,875 10 ans

03/03/2015 Côte d’Ivoire 1 000 6,375 13 ans

30/01/2015 Tunisie 1 000 5,750 10 ans

(Sources : BNP Paribas, UBS. Hors placement privé de $ 4 milliards réalisé par l’égypte en novembre 2016)

émissions obligataires souveraines des pays africains en 2015 et 2016

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du secteur des matières premières, alors que troisopérations avaient été conclues avec succès en2015 : le groupe marocain OCP (phosphates) avaiten effet levé $ 1 milliard sur dix ans auprès d’in-vestisseurs institutionnels américains et euro-péens, le Sud-Africain Petra Diamonds (diamants)$ 300 millions, et Kosmos Energy, actif dans l’ex-ploration pétrolière dans le nord-ouest del’Afrique, $ 225 millions.

Sur le front local, l’année 2016 a principale-ment été marquée par l’émission réalisée parl’OCP, d’un montant de MAD 5 milliards (soitapproximativement $ 500 millions), sur sonmarché domestique, levée qui devrait donner augroupe marocain les moyens de poursuivre la réa-lisation de son plan de développement. Les autresémissions de l’année ont été de taille beaucoupplus modeste, la deuxième en termes de volume,réalisée par Northam, producteur sud-africain deplatine, n’ayant porté que sur 425 millions derands sud-africains, soit moins de $ 30 millions,levés en deux transactions.

Institutions multilatérales : un reflux marqué en 2016

De même que pour les marchés obligataires,l’année 2016 s’est révélée moins active que 2015pour les institutions multilatérales, en particulierpour la SFI, traditionnellement la plus présente surle secteur. En effet, alors que l’année 2015 avaitpermis à la SFI d’annoncer le financement de septprojets dans les secteurs pétrolier et minier, pour unengagement total de $ 570 millions, aucune opéra-tion n’a pu se concrétiser en 2016. Au contraire,l’institution de Washington, qui s’était alliée auxgroupes miniers anglo-australien Rio Tinto et chi-nois Chinalco pour le développement de la mineguinéenne de Simandou, troisième réserve mon-diale de fer, a annoncé en octobre 2016 son retraitdu projet, décision qu’elle a justifiée par les condi-tions de marché actuelles qui ne permettent plus degarantir la rentabilité du projet.

Il faut regarder du côté du secteur des engrais, etplus précisément dans les infrastructures connexes à

date nom de nom commodité Pays coût total investissement natured’annonce la société du projet du projet de la sfi2015 (en millions) (en millions)

20 avril Amara Mining Yaoure Or Côte $ 225 £ 6,5 Equityd’Ivoire

11 mai Petra Diamonds Cullinam Diamant Afrique $ 280 $ 70 Dettedu Sud

22 mai Vitol/ENI/GNPC Sankofa Pétrole Ghana $ 7,3 $ 235 Detteet gaz

24 juin Roxgold Yaramoko Or Burkina $ 130 $ 23,6 EquityFaso

31 août Africa Oil n.a. Pétrole Kenya $ 140 $ 50 Equityet gaz

22 oct. Tiger Resources Kipoi Cuivre RDC $ 162 $ 40 DetteLtd

22 oct. Tiger Resources Kipoi Cuivre RDC $ 162 $ 5 EquityLtd

24 nov. Compagnie Sangaredi Bauxite Guinée $ 752 $ 135 Dettedes Bauxites de Guinée

(Source : SFI)

investissements annoncés par la sfi dans le secteur des matières premières en afrique en 2015

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ce secteur, pour trouver une opération menée par laSFI en 2016. En mars, l’institution a en effet annoncéconcéder un prêt de $ 52,5 millions pour la construc-tion d’un terminal portuaire à Port-Harcourt(Nigéria) d’un coût total de $ 152 millions, et ce, enlien avec le projet de construction d’une usine d’en-grais azotés par le groupe Indorama Eleme.

Dette bancaire : les prémices d’une reprise

Les financements bancaires, bien que consti-tuant la principale source de financement du sec-teur des commodités en Afrique, sont difficiles àchiffrer précisément compte tenu de la confiden-tialité qui entoure bon nombre d’opérations et ce,à l’inverse des opérations de marché qui sont,publiques. Les opérateurs de marché sont, cepen-dant nombreux à évoquer un rebond de l’activitébancaire en 2016, par rapport à 2014 et 2015 quiavaient constitué des points bas.

Plusieurs opérations importantes, sous formede prêts classiques ou de financement de projet, sesont ainsi vues concrétisées en 2016 dans le sec-teur minier. Dans la première catégorie, deux prêtsaccordés à des exploitants aurifères sud-africainspeuvent être évoqués : le premier, d’un montantde $ 1 290 millions, a été octroyé à Gold FieldsLtd par un consortium de quatre banques anglo-saxonnes constitué de Scotia Bank, CIBC, JPMorgan et Barclays, dans le but de refinancer desdettes existantes arrivées à maturité. Le second,d’un montant total de 8 milliards de rands (soit$ 550 millions), en trois tranches de cinq à septans, a été accordé à Exxaro par Barclays et ungroupement de banques sud-africaines. $ 1,8 mil-liard ont, de la même façon, été levés en deuxtranches auprès de BNP Paribas, Barclays etSociété Générale par First Quantum Minerals, ungroupe minier diversifié actif dans le cuivre, lenickel et l’or, basé au Canada et doté d’une pré-sence mondiale, mais pour lequel les activités

Qui finance les infrastructures en Afrique ?

Les rapports annuels du Consortium pour les Infrastructures en Afrique (ICA) précisent les enga-gements de financement en faveur des infrastructures africaines dans quatre secteurs : l’énergie,les transports, l’eau et les TIC. Dans le tableau ci-dessous, qui présente une synthèse des enga-gements supérieurs à $ 1 milliard, la Chine apparaît clairement comme le premier contributeurextérieur sur la période 2013-2015 :

En milliards de $ 2013 2014 2015

Chine 13,4 3,1 20,9Europe 7,4 6,4 7,1États-Unis 7,0 n.d. n.d.Banque mondiale 4,5 6,5 6,0Banque africaine de développement 3,6 3,6 4,2Groupe de coordination des donneurs arabes 3,3 3,5 4,4Japon 1,5 2,1 1,8Gouvernements africains n.d. 34,5 28,4Secteur privé 8,8 2,9 7,4Total 99,6 74,5 83,5

(Sources : ICA, Banque africaine de développement)

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42 / Les mutations structurelles du continent africain

africaines représentent plus de la moitié du chiffred’affaires. Outre l’importance des montants enjeu, un élément essentiel est à retenir à la lecturedes communiqués de presse annonçant ces diffé-rents prêts : l’allègement par les banques descovenants, ces clauses de sauvegarde qui protè-gent leurs intérêts, et dont la principale consiste àlimiter le niveau d’endettement de l’emprunteur ;signe que les banques s’adaptent à la conjoncturedu secteur, mais signe également de leurconfiance en l’amélioration future de la santéfinancière des entreprises du secteur.

Dans la seconde catégorie, celle des finance-ments de projet, $ 823 millions ont été accordéspar le consortium BNP Paribas, Société Généraleet Natixis à la Compagnie des Bauxites de Guinée(CBG), en complément du crédit de $ 135 mil-lions annoncé par la SFI en 2015 évoqué plushaut. La banque australienne Macquarie a, pour sapart, accordé $ 120 millions à la société cana-

dienne Semafo qui développe la mine d’or deNatougou, au Burkina Faso.

Dans le domaine pétrolier, cinq opérations onta priori été conclues en 2016, pour un total de$ 5,7 milliards, et qui sont synthétisées dans letableau ci-dessous.

Private Equity : une activité réduite en 2016, mais un potentiel important

Alors que les fonds de capital-investissementont semblé disposer, depuis plusieurs années, deliquidités importantes prêtes à être investies dansle secteur minier africain, aucune opération nes’est concrétisée en 2016 dans le secteur minierproprement dit, selon l’African Private Equity andVenture Capital Association. Tout au plus y a-t-ileu, fin décembre, l’annonce par le fonds sud-afri-cain Capitalworks Private Equity de sa volontéd’acquérir, pour approximativement $ 70 mil-

Date de Nom du Pays Montant Emprunteur Descriptionsignature projet (en $ millions) du projet

27 avril 2016 Neconde OML Nigéria 640 Neconde Refinancement du

42 Oil Field Energy Ltd projet de développement

du champ OML 42

dans le delta du Niger

20 mai 2016 Anguille Field Gabon 340 Total Gabon Refinancement du projet

Phase III de développement du

champ offshore

d’Anguille (30 000 b/j)

12 août 2016 Mozambique Mozambique 2 644 Bharat Développement du

Rovuma Bharat PetroResources Ltd champ de Rozuma

PetroResources (Mozambique)

16 août 2016 Pan Ocean Nigéria 750 Newcross Refinancement de

OML 24 Exploration & l’acquisition de 45 %

Oil Field Production Ltd du champ onshore

OML 24 (25 000 b/j)

14 décembre Offshore Cape Ghana 1 350 Vitol Upstream Développement du

2016 Three Point Ghana Ltd champ offshore de

Cape Three Point

(80.000 b/j en 2019)

(Source : Dealogic)

Dans le domaine pétrolier, cinq opérations a priori conclues en 2016

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lions, la société Petmin, qui exploite une mined’anthracite, et de la retirer de la bourse deJohannesburg où elle est cotée.

Au-delà du secteur minier stricto sensu,l’année 2016 a toutefois enregistré l’annonce dedeux opérations importantes, la première dansl’exploration pétrolière et la seconde dans la pro-duction d’engrais. Le fonds Carlyle, par l’inter-médiaire de sa filiale spécialisée dans l’énergie etdotée d’une force de frappe de $ 2,5 milliards, aainsi annoncé en mai 2016 une prise de participa-tion significative dans le capital de la sociétéMazarine Energy, dont le siège se trouve à LaHaye, mais qui possède des permis d’explorationpétrolière en Tunisie. Carlyle a égalementannoncé mettre à la disposition de MazarineEnergy $ 500 millions pour lui permettre de réa-liser des acquisitions dans le domaine de l’explo-ration et de la production pétrolière en Afrique eten mer Méditerranée. La seconde opérationmajeure de l’année 2016 était la prise de partici-pation minoritaire du fonds moyen-orientalAbraaj dans une usine de production d’engraisazotés de Port-Harcourt (Nigéria), d’une capacitéde 1,4 Mt, appartenant au groupe Indorama, pourun montant non communiqué. À noter que cetteopération est intervenue après l’annonce du finan-cement par la SFI du port lié à cette usine.

Marchés boursiers : deux introductions en bourse et plusieurs augmentations de capital,annonciatrices d’un nouveau cycle ?

Après une année 2015 blanche, 2016 a marquéun (timide) retour des introductions en bourse dejunior mining companies opérant en Afrique (lesjunior minings sont des sociétés de taille moyennespécialisées dans l’exploration et le développe-ment de nouvelles mines, dont l’activité, parnature risquée, se finance avant tout par fondspropres). Les cloches de la bourse de Sydney,l’une des principales places financières mondialesdans le domaine des matières premières, ont ainsiretenti pour la première fois le 18 mars 2016 pourSoon Mining, qui développe une mine d’or auGhana, et le 8 juin 2016 pour Graphex Mining,qui opère dans le graphite en Tanzanie, permettant

aux deux sociétés de lever près de $ 9 millions defonds propres pour financer le démarrage de leurexploitation.

Au niveau mondial, ce sont dix introductionsen bourse qui ont eu lieu en 2016, contre six seu-lement en 2015. Si les montants levés restent peusignificatifs, ce retour des entreprises vers labourse révèle toutefois un regain d’intérêt desinvestisseurs pour le secteur minier en général etpour les projets de développement de nouvellesmines en particulier, et peut ainsi être annoncia-teur d’une reprise du cycle tant attendue.

Un autre indicateur permet de corroborer cetteanalyse : les opérations d’augmentation de capitalqui ont également montré quelques signes dereprise en 2016. Deux opérations doivent en par-ticulier être mentionnées : celle réalisée en marspar Gold Fields Ltd, cotée à New York etJohannesburg, qui a levé l’équivalent de$ 150 millions, et celle réalisée en avril par lasociété Semafo, qui exploite plusieurs mines d’orau Burkina Faso, et qui a réussi à lever CAD115 millions (soit approximativement $ 90 mil-lions) sur la bourse de Toronto dans une opérationde prise ferme garantie par la banque BMOCapital. Ces deux sociétés ont également étéactives sur le marché de la dette, ce qui montre lacomplémentarité des financements par dettes etpar capitaux propres pour conserver les équilibresbilanciels et rassurer les créanciers.

En plus de ces deux opérations, quelquesautres transactions de petite taille, souvent réser-vées à des institutionnels, ont pu se concrétiser aucours de l’année, comme par exemple l’augmen-tation de capital d’un montant de AUD 28 mil-lions (soit approximativement $ 21 millions) réa-lisée par Avenira, qui développe le projet de phos-phate de Baobab au Sénégal, ou encore celle qui avu en août 2016 la banque d’affaires JP Morganentrer au capital de Danakali qui développe unprojet de potasse en Érythrée, pour un montant de$ 4,3 millions.

Méga-deal chinois dans le cuivre et le cobalt

Si le retournement de la conjoncture et celuides marchés de matières premières amorcés en

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2012 ont sans nul doute, comme cela a été évoquéplus haut, entraîné un ralentissement des investis-sements miniers chinois en Afrique et une évolu-tion de leurs modalités, ceux-ci demeurent néan-moins présents, la Chine veillant toujours à sécu-riser son approvisionnement en ressources natu-relles nécessaires à son industrie.

L’année 2016 a ainsi vu le retour des méga-acquisitions, les deux groupes chinois ChinaMolybdenum et Bohai Industries ayant acquis deconcert, pour près de $ 4 milliards, 80 % de lamine de Tenke, située en RDC, qui bénéficie del’un des plus importants gisements mondiaux decuivre (3,8 Mt de réserves) et de cobalt (1,3 Mt deréserves).

La Chine a, par ailleurs, maintenu son implica-tion dans le financement des infrastructures enAfrique, en annonçant le 12 septembre 2016 le

lancement, en partenariat avec la Banque mon-diale, d’une nouvelle institution de financementdes projets d’infrastructures en Afrique, baptiséeChina Overseas Infrastructure Development andInvestment Corporation Ltd et dotée d’un capitalinitial de $ 500 millions. Parmi les grandesannonces de l’année 2016 figure également unprojet de ligne de chemin de fer devant relier leport tanzanien de Bagamoyo à la Zambie auMalawi et à la RDC d’une part, et au Rwanda etau Burundi d’autre part.

Conclusion : bilan modeste, mais lueurs d’espoir

2016, marquée par des prix des commoditéstoujours bas et une sélectivité importante de lapart des bailleurs de fonds, n’a pas été un excel-

Date de l’introduction société Pays d’activité Place Montant levé en bourse d’introduction (en millions de $)

21 décembre 2016 Horizon Gold Australie Sydney 10,87

19 décembre 2016 Technology Metals Australie Sydney 2,90

Australia

16 décembre 2016 Kalium Lakes Australie Sydney 4,37

10 octobre 2016 Great Boulder Australie Sydney 4,68

Resources

7 septembre 2016 Egan Street Resources Australie Sydney 0,45

26 août 2016 Berkut Minerals Australie Sydney 2,68

27 juin 2016 Lithium Power Amérique Sydney 6,02

International du Sud

et Australie

8 juin 2016 Graphex Mining Tanzanie Sydney 5,23

18 mars 2016 Soon Mining Ghana Sydney 3,44

4 mars 2016 Tibet Huayu Mining Chine Shanghai 57,38

21 décembre 2015 Alt Resources Australie Sydney 1,57

13 novembre 2015 Graphitecorp Australie Sydney 1,42

24 juillet 2015 NQ Minerals Australie Londres 1,55

7 juillet 2015 TMAC Resources Canada Toronto 105,79

11 juin 2015 Merdeka Copper Gold Indonésie Djakarta 63,08

12 janvier 2015 Western Region Gold Chine Shanghai 72,52

(Source : SNL Metals & Mining (d’après S&P Global Market Intelligence)

introductions en bourse dans le secteur minier en 2015 et 2016

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lent millésime sur le front des financements, avecun nombre de transactions et des volumes levésencore loin des sommets atteints au début desannées 2010.

Cependant, dans un contexte de capitaux tou-jours abondants, les bons projets, solidementconstruits et viables financièrement, n’échouentjamais dans leur recherche de financement.Quelques signes encourageants ont de plus faitleur apparition en 2016 : d’une part, la reprise desfinancements bancaires et, d’autre part, le retourde quelques entreprises vers le chemin de la

bourse, possible signe annonciateur d’une repriseprochaine du cycle.

Certains experts, comme Nick Martin, deNorthcott Capital Management, qui s’exprimaitlors d’une conférence sectorielle tenue à Perth enseptembre 2016, n’hésitent d’ailleurs plus àdéclarer « entrevoir le bout du tunnel ». Avec plusde 30 % des ressources minières mondiales,l’Afrique demeure en effet toujours attractivepour les investisseurs et devrait rester une destina-tion de choix pour leurs capitaux.

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La grande sécheresse qui, depuis fin 2016,touche l’Afrique de l’Est fait resurgir de vieuxfantômes. Elle rappelle les grandes famines desannées soixante-dix et quatre-vingt en Éthiopie, etd’autres encore, plus récentes. Les images récur-rentes d’opérations humanitaires financées par lacommunauté internationale, dans des territoiresminés par la pauvreté et ravagés par des conflitsarmés, évoquent un continent qui serait figé dansle sous-développement, chroniquement incapablede nourrir sa population galopante.

La réalité est beaucoup plus nuancée. Si uncinquième des Africains ne mangent pas à leurfaim, la région a cependant accompli de réels pro-grès dans la lutte contre l’insécurité alimentairegrâce aux forts taux de croissance économiqueenregistrés depuis une quinzaine d’années qui ont

permis une hausse des revenus et un recul de lapauvreté, mais aussi grâce aux politiques agri-coles lancées au début des années deux-mille quicommencent à porter leurs fruits. Sous l’impul-sion de l’Union africaine (UA), la volonté affi-chée des gouvernements de réinvestir dans l’agri-culture, jusqu’alors délaissée, s’est traduite par lelancement de plans de développement agricolenationaux et régionaux, dotés de financementsaccrus, avec la fixation d’objectifs précis etsoumis à une évaluation régulière. Fait nouveau :les grandes entreprises, encouragées par les pers-pectives très favorables de la demande, investis-sent massivement dans les filières agroalimen-taires en Afrique. Les résultats sont certes nonseulement inégaux, mais également pas à la hau-teur des défis posés tant par l’explosion démogra-

Chapitre IV Organisation du commerce mondial,sécurité alimentaire et politiques agricoles africaines

Depuis une quinzaine d’années, les gouvernements africains ont réinvesti dans l’agri-culture pour améliorer la sécurité alimentaire, réduire la pauvreté et créer des emplois.Les résultats sont prometteurs, mais encore très insuffisants.

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phique, qui implique d’augmenter la productionagricole africaine de 60 % d’ici à 2025 selonl’Union africaine que par le changement clima-tique, qui va peser sur les rendements. Une dyna-mique est néanmoins à l’œuvre. Les principalesinterrogations portent donc sur l’efficacité destransformations engagées, ainsi que sur le rôle quepeuvent jouer les États, soucieux de tirer parti dela mondialisation des échanges, pour favoriserune croissance inclusive et durable.

Une volonté affichée par les gouvernements de réinvestir dans l’agriculture

Au tournant du 21e siècle, l’agriculture afri-caine est quasiment laissée pour compte, à l’ex-ception des filières d’exportation qui contribuentde manière vitale au budget des États. À quoi bonse préoccuper du sort des paysans, puisqu’il suffitd’acheter sur le marché mondial les excédentsagricoles bradés par les pays riches pour nourrirles villes ? L’agriculture emploie pourtant 60 % dela population active et réalise 20 % du produitintérieur brut (PIB). Une prise de conscience desgouvernements africains, catalysée par l’envoléedes prix alimentaires mondiaux, va cependantconduire à un renouveau de l’agenda politique enfaveur du secteur agricole.

L’émergence d’une prise de conscience

Au moment de la création de l’Union afri-caine, en 2002, l’Afrique subsaharienne sortait dedeux « décennies perdues » : 1975-1995. Celles-ci se sont soldées par une diminution du PIB parhabitant et par une forte réduction des dépensespubliques, liée aux programmes d’ajustementstructurel (PAS) mis en place sous la houlette duFonds monétaire international et de la Banquemondiale. Le Nouveau partenariat pour le déve-loppement en Afrique (NEPAD) est alors chargépar l’UA de concevoir un plan de développementde grande ampleur pour définir les priorités éco-nomiques et sociales du continent et accélérer sonintégration à l’économie mondiale. Son constatest clair : l’agriculture africaine traverse une criseprofonde, dont témoignent l’augmentation

continue du nombre de personnes sous-alimen-tées, la croissance des importations de produitsalimentaires et la chute de la part de l’Afriquedans les exportations agricoles mondiales. Il fautdonc accroître fortement la production agricolepour lutter contre la faim, tout en exploitant lesopportunités offertes par les marchés mondiaux.

La flambée des prix alimentaires et les« émeutes de la faim », en 2007-2008, ont renforcéla détermination des gouvernants africains à réin-vestir dans l’agriculture. Assurer la sécurité ali-mentaire de la planète est redevenu un enjeu. LaBanque mondiale l’affirmait dans son rapport2008 : l’agriculture est un instrument crucial pouratteindre les Objectifs de développement pour leMillénaire (ODM) adoptés par les Nations-Unies,qui visent à réduire de moitié la pauvreté et la faimen 2015. Les gouvernements africains devaientdonc en finir avec le « biais urbain », qui avaitconduit à sacrifier la production locale aux impor-tations à bas prix, en prenant les mesures aptes àaméliorer les performances des agriculteurs.

Le renouveau de l’agenda politique

L’acte fondateur a été le Programme détaillépour le développement de l’agriculture africaine(PDDAA), volet agricole du NEPAD adopté parl’UA lors du sommet de Maputo, au Mozambique,en 2003. Dans la Déclaration de Maputo, les chefsd’État et de gouvernement se sont engagés à allouerau moins 10 % des dépenses publiques annuelles audéveloppement agricole et rural. Le but était d’in-verser la tendance à la baisse des investissementsdans l’agriculture, pour atteindre au moins 6 % decroissance annuelle du PIB agricole.

Le PDDAA n’est pas à proprement parler unepolitique agricole. C’est plutôt un cadre d’actioncommun, destiné à guider et harmoniser les straté-gies et les programmes d’investissement auxniveaux national et régional. Reflet de la volontéd’intégration politique et économique du conti-nent, le plan se décline en effet non seulement àl’échelon des États, mais aussi à celui des huitcommunautés économiques régionales quiregroupent en unions douanières les cinquante-quatre États (55 en 2017, avec le retour du Maroc)membres de l’UA.

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Une étape supplémentaire est franchie avec laDéclaration de Malabo, en Guinée équatoriale, en2014. Celle-ci réaffirme les engagements prisdans la Déclaration de Maputo et en ajoute denouveaux, très ambitieux. Elle crée, en outre, unprocessus d’examen biennal sur les progrèsaccomplis, pour évaluer et contrôler l’applicationdes politiques, et appelle à renforcer les capacitésinstitutionnelles pour appuyer la mise en œuvre deces engagements.

La Banque africaine de développementenfonce le clou

De par sa puissance financière, la Banque afri-caine de développement (BAD) joue un rôleessentiel dans la mise en œuvre des politiques.

Sous l’impulsion de son nouveau président,Akinwumi Adesina, ancien ministre del’Agriculture du Nigéria, elle a adopté, en juin2016, sa nouvelle stratégie agricole dénomméeNourrir l’Afrique et conçue à la fois pour concré-tiser la Déclaration de Malabo et atteindre lesObjectifs de développement durable fixés par lesNations unies en septembre 2015.

En réalité, la BAD va bien au-delà. Elle sedonne en effet comme priorité à l’horizon 2025non seulement de parvenir à l’éradication de lapauvreté et de la faim et d’atteindre l’autosuffi-sance pour les principaux produits de base, maiségalement de faire de l’Afrique un exportateur netde produits agricoles et d’améliorer son position-nement au sein des chaînes de valeur globales,afin de capter davantage de valeur ajoutée. Ces

De Maputo à Malabo : l’élaboration d’un cadre panafricain de politique agricole

• La Déclaration de Maputo, adoptée par l’Union africaine en 2003, vise notamment à « redyna-miser le secteur agricole (…) par l’introduction de politiques et stratégies spécifiques au profitdes petites exploitations traditionnelles des zones rurales et créer les conditions propices à laparticipation du secteur privé tout en mettant l’accent sur le renforcement des capacités des res-sources humaines et sur les facteurs qui entravent la production agricole et la commercialisationdes produits agricoles tels que le degré de la fertilité des sols, la mauvaise gestion de l’eau, l’in-suffisance des infrastructures, les insectes nuisibles et les maladies ». Quatre domaines d’inter-vention sont mis en avant : la gestion durable des terres et des eaux ; l’amélioration des infra-structures rurales et des capacités commerciales pour faciliter l’accès au marché ; l’augmentationdes approvisionnements alimentaires et la réduction de la faim ; enfin, la recherche agricole, ladiffusion et l’adoption des technologies. Ces mesures seront mises en œuvre dans le cadre duPDDAA, avec 2 objectifs : atteindre une croissance agricole d’au moins 6 % par an ; allouer audéveloppement agricole et rural au moins 10 % des dépenses publiques annuelles.

• La Déclaration de Malabo, en 2014, réaffirme les engagements pris à Maputo et fixe de nou-veaux objectifs : élimination de la faim et de la malnutrition infantile d’ici à 2025 grâce à undoublement de la productivité agricole, à une réduction de moitié des pertes post-récolte et à unrenforcement des réserves alimentaires ; réduction de moitié de la pauvreté d’ici à 2025 avec lacréation de possibilités d’emploi dans les chaînes de valeur agricoles pour au moins 30 % desjeunes et l’établissement de partenariats public-privé inclusifs dans au moins cinq chaînes devaleur prioritaires, en lien étroit avec les petites exploitations agricoles ; triplement, d’ici à 2025,du commerce intra-africain des produits et services agricoles dans la perspective de la mise enplace d’une zone de libre-échange continentale ; renforcement de la résilience des moyens desubsistance et des systèmes de production afin que, d’ici à 2025, au moins 30 % des agriculteurset des pêcheurs puissent résister aux risques climatiques et météorologiques.

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50 / Les mutations structurelles du continent africain

objectifs sont très ambitieux, car la région a enre-gistré en 2014 un déficit de ses échanges alimen-taires de plus de $ 50 milliards. Ses exportationsagricoles, composées principalement de produitsbruts ou peu transformés, ne représentent que 2 %du commerce agricole mondial. La BAD privi-légie ainsi une approche « filières », centrée surl’agriculture contractuelle comme conditiond’accès des petits producteurs au marché. Cettetransformation de l’agriculture africaine doit être,selon elle, pilotée par le secteur privé.

La mise en œuvre des politiques : un bilan contrasté

Le PDDAA a le grand mérite d’avoir contribuéà remettre l’agriculture en bonne place sur l’agendapolitique. Il a permis de redéfinir les relations entrele continent et les bailleurs de fonds, sur la base desobjectifs fixés par les gouvernements africains,même si, comme cela est évoqué ci-après, les poli-tiques agricoles sont encore loin d’être autonomes,notamment sur le plan financier.

Le Top 5 de la Banque africaine de développement

La BAD a défini cinq priorités pour sa stratégie décennale sur la période 2013-2022, qui vise« une croissance partagée par tous et la transition progressive vers une croissance verte ». Levolet agricole de cette stratégie Nourrir l’Afrique a pour objectif, d’ici à 2025, de : contribuer àl’élimination de l’extrême pauvreté ; éliminer la famine et la malnutrition ; atteindre l’autosuf-fisance pour les principaux produits de base (riz, sorgho, sucre…) ; faire de l’Afrique un expor-tateur net de produits alimentaires ; enfin, hisser l’Afrique au sommet des chaînes de valeurmondiales axées sur l’exportation, dans les secteurs où elle dispose d’un avantage comparatif(produits horticoles, noix de cajou, café, cacao, coton...). Nourrir l’Afrique s’articule avec les quatre autres priorités de la stratégie décennale de la BAD :éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie ; intégrer l’Afrique ; industrialiser l’Afrique ; desemplois pour les jeunes en Afrique.

évolution de quelques indicateurs agricoles en afrique (%)

Croissance des dépenses publiques 6,07 6,60 2,32agricoles en $ constants (% annuel)

Dépenses publiques agricoles 3,31 3,54 2,97en % des dépenses publiques totales

Dépenses publiques agricoles 5,14 6,11 5,79en % du PIB agricole

Croissance du PIB agricole 2,83 3,77 2,61en $ constants (% annuel)

Croissance du PIB agricole 2,20 2,26 0,88par ha en $ constants (% annuel)

Croissance du PIB agricole 0,76 1,61 0,61par actif en $ constants (% annuel)

(Source : Agra (2016). Africa Agriculture Status Report 2016)

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Près de quinze ans après la Déclaration deMaputo, un premier bilan du PDDAA peut êtredressé. Ce bilan est partiel, en raison de l’applica-tion plus ou moins tardive du programme, selonles pays, et de l’insuffisance des données.D’autant plus qu’il est difficile de distinguer, dansl’évolution généralement positive des principauxindicateurs agricoles, la part des politiques et celled’autres facteurs. Selon le dernier rapport annueld’Agra (2016), le PDDAA a contribué de manièresignificative à l’augmentation des dépenses desoutien et à la croissance de la production et de laproductivité agricoles, ainsi qu’à la réduction dela pauvreté. Il a également amélioré le processusd’élaboration et de mise en œuvre des politiquesagricoles, avec la participation des différentes par-ties prenantes, y compris les organisations agri-coles. Toutefois, ce processus est encore en chan-

tier. Il souffre d’un manque de coordination entreles divers acteurs du développement et d’un déca-lage entre la conception et la mise en œuvre despolitiques, faute de capacités institutionnelles suf-fisantes.

Des avancées différentes selon les sous-régions

Le PDDAA s’appuie sur des compacts, quirassemblent les engagements de tous les acteursdu développement agricole (secteur public, sec-teur privé dont les organisations de producteurs,société civile et bailleurs de fonds). Sur la base deces compacts sont définis des programmes d’in-vestissement agricole aux niveaux national(PNIA) et régional, c’est-à-dire à l’échelon descommunautés économiques régionales (PRIA).

L’Offensive régionale pour la production de riz en Afrique de l’Ouest

L’Afrique de l’Ouest est l’une des principales régions importatrices de riz. La production locale necouvre en effet que 60 % des besoins. Les importations proviennent principalement d’Asie(Thaïlande, Inde, Pakistan, Vietnam). Pourtant, le riz est une filière stratégique dans certains pays,comme au Nigéria, en Guinée ou encore au Mali où elle fournit, à elle seule, 5 % du PIB.La hausse de la demande de riz, due à la croissance démographique, à l’urbanisation et au change-ment des habitudes alimentaires (avec une augmentation de la consommation par personne de 10 à34 kg par an entre 1961 et 2009), alourdit le coût des importations. L’envolée des prix du riz en2008 a joué le rôle de déclencheur. Dans un premier temps, les gouvernements ont pris des mesuresd’urgence pour en diminuer le prix (suspension des droits de douane et/ou de la TVA, fixation deprix plafonds, restrictions des exportations, subventions aux consommateurs, etc.). Ils ont lancéensuite des plans structurels pour soutenir la production locale, afin de tendre vers l’autosuffisance.Ces plans consistent essentiellement en aménagements hydroagricoles, en subventions aux intrants,en mesures de soutien à la mécanisation de la culture et en aides à l’amélioration de la qualité duriz. En 2014, la CEDEAO a adopté l’Offensive régionale pour la relance durable et soutenue de lariziculture ouest-africaine. Ce dispositif, qui s’inscrit dans le PRIA, vient en appui aux stratégiesnationales de développement. Il vise à produire 25 Mt de riz décortiqué d’ici à 2025, quantitécensée assurer l’autosuffisance de la région à cette date. Les mesures prises en faveur du riz ont accéléré la production, mais celle-ci peine à suivre lademande. Pour nombre d’agriculteurs, les prix ne sont pas assez rémunérateurs. Le droit de douaneappliqué au riz importé est beaucoup plus faible dans la CEDEAO (10 %) que dans la Communautéd’Afrique de l’Est (entre 35 % et 75 % selon les pays). Les producteurs ouest-africains souhaite-raient l’instauration d’une protection tarifaire flexible, en fonction du calendrier, du volume desstocks ou des prix, mais cela exigerait un suivi statistique performant, une étroite coordination avecles acteurs de la filière et une capacité d’intervention rapide des pouvoirs publics.

(Source : SOS Faim, Inter-réseaux, CEDEAO)

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En mars 2016, quarante-deux États membres del’Union africaine sur cinquante-quatre, soit prèsde 80 %, avaient signé un compact. Sur ces qua-rante-deux États, trente avaient élaboré un PNIAet vingt-six avaient organisé des business mee-tings pour mobiliser des financements auprès de lacommunauté internationale.

Au niveau régional, c’est la Communauté éco-nomique des États de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO) qui est, de loin, la plus avancée.Aiguillonnée par la flambée des prix alimentairesde 2008, elle s’est dotée très tôt d’un compactrégional et a tenu des business meetings. LaCommunauté économique des États de l’Afriquecentrale (CEEAC) a également signé, plus tardi-vement, un compact régional, sans en avoir encoretrouvé les financements. Dans les autres commu-nautés économiques régionales, le processusd’élaboration du PRIA en est à des stades trèsdivers. Fait notable : l’Union du Maghreb arabe(UMA) ne s’y est pratiquement pas engagée.

Les plans nationaux et régionaux affichent dif-férentes priorités, mais tous font de l’augmenta-tion de la production et de la productivité unobjectif majeur. Ainsi la CEDEAO a lancé en2014 une Offensive régionale pour la relancedurable et soutenue de la riziculture en Afrique del’Ouest, en vue de devenir autosuffisante pourcette production.

Des objectifs quantitatifs encore loin d’être atteints

La Déclaration de Maputo enjoint aux paysafricains de prendre les mesures susceptibles d’as-surer une croissance agricole d’au moins 6 % paran. Mais seuls quinze pays sur cinquante-quatreont atteint cet objectif sur la période 2008-2014. LaCEDEAO et l’UMA ont réalisé les meilleures per-formances. Il est vrai que, si les dépenses publiquesen faveur de l’agriculture ont augmenté de 70 % entermes réels entre 1995-2003 et 2008-2014, ellessont restées en moyenne, au niveau du continent,inférieures à 4 % des dépenses publiques totales,bien loin du seuil de 10 % fixé par le PDDAA.Seuls cinq pays ont dépassé ce seuil sur la période2008-2014. La situation est très hétérogène.

Autre constat : le nombre d’Africains sous-ali-mentés continue de croître. Certes, la part de lapopulation incapable de subvenir à ses besoinscaloriques est tombée de 28 % en 1990-1992 à20 % en 2014-2016, mais cette baisse est troplente pour éradiquer la faim d’ici à 2025. Les dis-parités régionales sont fortes ; selon les enquêtes,26 % des adultes en Afrique subsaharienne souffraient d’une grave insécurité alimentaire en2014-2015, contre 9 % en Afrique du Nord. Lafaim est le miroir de la pauvreté : en 2013, 41 %des Africains, au sud du Sahara, gagnaient moins

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de $ 1,90 par jour. Deux tiers d’entre eux viventde l’agriculture.

Un autre objectif de la Déclaration de Malabo– tripler les échanges intra-africains de produitsagricoles – sera difficile à atteindre d’ici à 2025.En 2014, 31 % des exportations africaines de pro-duits alimentaires étaient destinées à un autre paysdu continent, contre 28 % en 2010. Il est vrai queces statistiques n’incluent pas les flux informels,non enregistrés.

Des interrogations sur la qualité des dépenses agricoles

La répartition des dépenses de soutien à l’agri-culture et l’alimentation varie beaucoup selon lespays. Les soutiens spécifiques à l’agriculture sefocalisent sur la production et la productivité desexploitations agricoles, au détriment des activitésd’aval (transformation, commercialisation, etc.).Pourtant, 40 % de la valeur ajoutée des filières ali-mentaires, en Afrique de l’Ouest, n’est plus le faitde la production agricole, mais des secteurs d’aval.Les subventions aux intrants, en particulier, sontsur la sellette. En 2011, le montant total des sub-ventions aux engrais octroyées dans dix paysd'Afrique subsaharienne dépassait $ 1 milliard.Certains se demandent s’il ne vaudrait pas mieuxinvestir une partie de ces sommes dans des infra-structures et des services collectifs comme l’irriga-tion (seuls 5 % des terres cultivées sont irriguées enAfrique contre 41 % en Asie), la recherche et lavulgarisation agricoles, qui sont sous-financéesmalgré leurs fortes retombées économiques poten-tielles à moyen terme.

Par ailleurs, les subventions à la consomma-tion ne représentent généralement qu’un pourcen-tage mineur des dépenses de soutien à l’agricul-ture et l’alimentation dans les pays au sud du

Part des dépenses de soutien à l’agriculture et l’alimentation dans les dépenses publiques totales en afrique subsaharienne (%)

soutien spécifique soutien général développement frais totalaux producteurs à l’agriculture rural administratifs

et aux consommateurs et l’alimentation1/ 2/ 3/

Mali (2008-2010) 3 4 3 1 11

Mali (2008-2010) 1 1 1 2 6

Ouganda (2010) 3 7 12 1 23

Tanzanie (2010-2011) 2 2 4 1 9

Kenya (2010-2012) 2 3 2 1 8

1/ Subventions à la production agricole, subventions aux intrants, aides à la consommation alimentaire, aides auxfournisseurs d’intrants, etc. 2/ Recherche, vulgarisation, formation, infrastructures d’irrigation, stockage, etc. 3/ Enseignement, routes, énergie, eau potable, etc.

(Source : d’après SPAAA/FAO)

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Le Plan Maroc Vert : une politique duale de structuration des filières agroalimentaires

Le Maroc s’est doté, en 2008, d’une politique agricole originale et ambitieuse, visant à la fois àaccroître la production, renforcer les filières agroalimentaires et réduire la pauvreté rurale. Sesobjectifs à dix/quinze ans sont clairs : doubler le PIB agricole, créer 1,5 million d’emplois et aug-menter de deux à trois fois le revenu des agriculteurs. La stratégie adoptée couvre l’ensemble desacteurs : l’agriculture « moderne », la petite agriculture « solidaire » et l’agro-industrie. Ses princi-paux instruments sont, d’une part, l’agrégation des agriculteurs autour d’agro-industriels ou d’orga-nisations professionnelles afin de développer des projets de filières et, d’autre part, la contractuali-sation entre « agrégateurs » et « agrégés ». La contractualisation ouvre droit à des aides de l’État.

Pour ce faire, le Plan Maroc Vert s’articule autour de deux piliers : • le pilier I est axé sur le « développement agressif d’une agriculture à haute valeur ajoutée » eten partie tournée vers l’exportation, grâce à des aides à l’investissement (dans le cadre decontrats-programmes pour les filières à haute productivité/valeur ajoutée, élaborés en lien avecles interprofessions), l’agrégation des agriculteurs et l’accès à un dispositif de location de terresde longue durée et à bas prix, en contrepartie des investissements réalisés. À terme, ce pilierdevrait concerner 400 000 exploitants, situés principalement dans les secteurs irrigués et leszones pluviales favorables ;• le pilier II vise à accompagner les petits agriculteurs situés en montagne, dans les oasis et leszones pluviales à faibles précipitations, grâce notamment à des subventions orientées vers l’in-tensification de la production (par l’irrigation au goutte-à-goutte), la reconversion vers des pro-ductions à plus haute valeur ajoutée (comme l’arboriculture), la diversification des revenus et leregroupement des agriculteurs en coopératives. Entre 600 000 et 800 000 exploitants sontconcernés par cette stratégie.

Même si la priorité est donnée aux secteurs d’exportation traditionnelle à haute valeur ajoutée(arboriculture, maraîchage), le soutien aux filières est différencié en fonction du potentiel dechaque terroir. De nombreux efforts sont faits pour améliorer le financement des exploitations,en partenariat avec le Crédit Agricole du Maroc (fonds de garantie, couplage crédit-subventions,centrale des risques, assurances, etc.), et redynamiser le conseil agricole. Le quadruplement des investissements publics entre 2008 et 2015 a eu un effet de levier sur lesecteur privé. L’investissement total dans les filières agroalimentaires a atteint € 1 milliard en2013. Il en est résulté une amélioration significative des performances du secteur en matière deproduction et de valeur ajoutée agricole, ainsi que de financement et d’accompagnement desproducteurs. Cependant, les contrats entre coopératives et entreprises peinent à se développer etcertains doutes subsistent sur la capacité du marché à absorber les excédents de production. Uneautre interrogation porte sur le conflit potentiel entre l’accroissement de la production agricoleet la gestion durable des ressources hydriques.

L’approche systémique du Plan Maroc Vert fait aujourd’hui figure de modèle pour beaucoup depays d’Afrique subsaharienne, notamment ceux de la CEDEAO. Le retour du Maroc dans l’Unionafricaine, en 2017, pourrait induire des changements importants dans les programmes de dévelop-pement agricole du continent dans les années à venir.

(Source : Inter-réseaux, ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime du Maroc, Crédit Agricole du Maroc)

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Sahara. C’est là une différence majeure avec lespays d’Afrique du Nord. En Égypte, les aides àl'alimentation représentent, en moyenne, environ2 % du PIB. Des réformes ont été engagées pourréduire le coût de ces aides et améliorer leurciblage, mais le sujet est politiquement explosif.

La faiblesse des outils de financement et de régulation

Le PDDA contient peu de dispositions enmatière de financement de l’agriculture. Or c’estun enjeu majeur, car les capacités d’investisse-ment des petites exploitations et des petites entre-prises de transformation alimentaire sont limitées.Elles ont besoin de crédit et de capitaux, mais lesecteur privé est peu enclin à leur prêter en raisondes risques encourus. Dans certains pays africains, des institutions financières publiquesont imaginé des solutions innovantes pour réduireces risques ou proposer aux agriculteurs des pro-duits financiers appropriés, en fonction de leursolvabilité.

La régulation des prix et des revenus est unautre point faible des politiques agricoles afri-caines. Il faut cependant établir ici une distinctionentre les pays d’Afrique du Nord et ceuxd’Afrique subsaharienne. En Algérie, en Égypte,au Maroc (ainsi qu’en Tunisie, du moins jusqu’àl’échec du « printemps arabe »), les gouverne-ments interviennent massivement pour atténuer lavariabilité des prix des produits alimentaires debase. Leur intervention est dirigée soit en faveurdes producteurs quand les prix baissent, soit enfaveur des consommateurs quand les prix mon-tent. Elle passe par plusieurs canaux : prixminima à la production, mesures aux frontières,aides à la consommation… Ces mesures ont unimpact stabilisateur, mais elles sont coûteuses etengendrent des distorsions de marché. Dans laplupart des pays d’Afrique subsaharienne, enrevanche, la régulation des prix alimentaires estbeaucoup moins structurée. L’État intervientessentiellement en cas de flambée des cours, viades restrictions aux exportations et des réductionsde droits de douane, comme en 2007-2008. Laprotection des producteurs contre les importa-tions à bas prix est relativement limitée. En

Afrique de l’Ouest, la tranche la plus élevée dutarif extérieur commun de la CEDEAO est de35 %. La majorité des produits agricoles, àquelques exceptions près comme le riz (10 %) oula poudre de lait en vrac (5 %), tombent danscette catégorie et sont considérés comme des pro-duits sensibles pour la négociation sur lesAccords de partenariat économique (APE) avecl’UE. La marge de manœuvre pour accroître lesdroits de douane est limitée, du fait de la partélevée des dépenses alimentaires dans le budgetdes ménages. Mais le Sénégal, par exemple, n’apas hésité à fermer ses frontières aux importa-tions de volaille en 2005 : une décision applicablejusqu’en 2020 et qui a permis à la filière avicolelocale de se développer rapidement.

Qui plus est, les producteurs africains dispo-sent de peu d’outils de gestion des risques de ren-dement et de prix, ce qui pèse sur leur capacité àemprunter et à investir. L’African Risk Capacity(ARC) offre aux États qui y adhèrent un dispositifd’indemnisation contre la sécheresse. Des assu-rances agricoles contre les aléas climatiques émer-gent. Le nombre de marchés organisés (contratsdits « futures » ou vente à livraison différée) estencore très faible.

Quel « modèle agricole » ?

Le PDDAA ne définit pas explicitement lemodèle agricole qu’il entend promouvoir, tant surle plan des systèmes de production que sur celuides structures d’exploitation. Il existe unconsensus sur la nécessité d’accroître les rende-ments africains, nettement inférieurs à ceuxobtenus dans les autres régions, mais les solutionsdiffèrent quant aux itinéraires techniques à appli-quer pour réaliser une intensification durable. Lavoie conventionnelle, fondée sur l’utilisation d’in-trants de synthèse (engrais minéraux, produitsphytosanitaires), aujourd’hui limitée, est la plusefficace à court terme. La dégradation avancéed’une grande partie des sols africains, considéra-blement appauvris en matière organique, et lamenace que pose le changement climatique sur lepotentiel de production agricole (et donc sur ladépendance à l’égard des importations de produitsalimentaires), justifieraient pourtant d’autres

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approches, inspirées de l’agroécologie, visant àconcilier performances économiques et environ-nementales. Les progrès dans ce domaine dépen-dent, outre la volonté politique, d’un vigoureuxeffort de recherche et de vulgarisation agricoles.

Les Déclarations de Maputo et de Malabociblent les petites fermes, largement majoritaires ennombre, mais ne posent aucun frein à l’expansiondes grandes exploitations, qu’elles soient de naturefamiliale ou autre. Le Maroc a fait le choix d’unepolitique agricole et rurale embrassant à la foisl’agriculture « moderne », orientée vers le marché,et la petite agriculture « sociale », généralementsituée dans des zones défavorisées, avec des straté-gies adaptées à ces différents acteurs. D’unemanière générale, en Afrique, les grandes exploita-tions offrant relativement peu d’emplois directs,l’enjeu est de faire émerger des petites et moyennesexploitations compétitives, capables d’approvi-sionner les marchés locaux et internationaux.

Des politiques sous l’influence des bailleurs de fonds et du secteur privé

Le manque de ressources budgétaires des Étatsafricains limite leur marge de manœuvre dans laconduite des politiques agricoles, dont le finance-ment reste largement contrôlé par les bailleurs defonds internationaux. Parallèlement, les entre-prises des filières agroalimentaires influencent deplus en plus les stratégies de développement, autravers de la multiplication des partenariatspublic-privé.

Une forte dépendance à l’égard des bailleurs

En Afrique, les financements extérieurs four-nissent souvent la majeure partie des dépensespubliques totales consacrées à l’agriculture et àl’alimentation (jusqu’à 92 % en Éthiopie en2013), avec de grandes variations selon les pays.Dans ces conditions, il n’est pas facile pour lesgouvernements d’imposer leurs priorités de déve-loppement agricole. De plus, le manque de coor-dination des différents bailleurs peut nuire à lacohérence de l’ensemble des interventions.

Le développement des partenariats public-privé

Même si les bailleurs continuent de peser lour-dement dans le financement des politiques agri-coles africaines, la diminution de l’aide qu’ilsoctroyaient à l’agriculture, jusqu’au milieu desannées 2000, a ouvert la voie à une implicationcroissante du secteur privé. La flambée des prixmondiaux a incité de plus en plus d’entreprisesdes filières agroalimentaires (souvent des multi-nationales) à investir sur le continent pour tirerparti de la croissance de la demande. Une grandepartie de ces investissements est réalisée dans lecadre de partenariats public-privé (PPP), dans les-quels les entreprises apportent leur savoir-faire etleurs capitaux, et les États des incitations diversescomme des crédits bonifiés, des infrastructuresd’irrigation ou un accès au foncier. Les PPP lesplus importants sont le programme Grow, issu en2011 d’une initiative du Forum économique mon-dial et géré en partenariat avec le NEPAD, et laNouvelle alliance pour la sécurité alimentaire etnutritionnelle en Afrique (NASAN), créée en2012 au sommet du G8 et présidée par laCommission de l’Union africaine. Grow et laNASAN couvrent douze pays africains. Ils ras-semblent près de deux cents entreprises et sontcofinancés par de nombreux bailleurs. Les États-

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Unis participent à la NASAN essentiellement vialeur programme Feed the Future, lancé en 2009.

Dans le cadre de ces initiatives sont mis enplace des projets d’agriculture contractuelle, cen-trés sur une zone géographique ou une productionspécifiques. Selon leurs promoteurs, ces projets,conçus avec la participation des organisationsagricoles et d’autres acteurs de la société civile,permettront de concrétiser les objectifs de laDéclaration de Malabo, en termes de réduction dela pauvreté et de la faim. Ils intègrent des millionsde petits producteurs dans les chaînes de valeur etcréent des emplois dans les filières. Cela ne suffitpas à dissiper les craintes de leurs détracteurs, quidénoncent la mainmise des multinationales sur lespolitiques de développement agricole. En fait, lerisque majeur est que les inégalités se creusententre les agriculteurs qui accèdent ainsi au marchéet ceux qui en sont exclus et restent enlisés dans lapauvreté.

Les craintes liées à l’implication croissante du secteur privé

Le premier motif de préoccupation réside dansles acquisitions foncières à grande échelle par desinvestisseurs internationaux. Selon les donnéescollectées et analysées par Land Matrix, cesacquisitions se sont multipliées depuis le débutdes années deux-mille. En avril 2016, les achatsde terres agricoles en Afrique par des investisseursétrangers (entreprises, fonds de pension, pays sou-cieux de garantir leur sécurité alimentaire, etc.)portaient sur une superficie cumulée de 10 mil-lions ha, équivalente à 4 % de la surface cultivée.Ces achats, souvent désignés comme « accapare-ment des terres », sont vivement critiqués, pourplusieurs raisons : viol des droits d’utilisation dusol par les communautés locales, dégradationsenvironnementales, concentration de la richesseau profit d’une élite... Même s’ils peuvent avoirdes retombées positives sur l’économie locale, vianotamment une hausse des salaires et la construc-tion d’infrastructures, ils ont provoqué de nom-breux litiges et suscité une levée de boucliers quis’est soldée par l’adoption par le Comité de lasécurité alimentaire mondiale, en 2012, desDirectives volontaires pour une gouvernance res-

ponsable des régimes fonciers applicables auxterres, aux pêches et aux forêts dans le contexte dela sécurité alimentaire nationale. Ces textes défi-nissent un code de conduite, y compris des procé-dures de consultation et de compensation éven-tuelle, que les investisseurs sont incités à respecterpour ne pas léser les communautés locales.

Mais les problèmes ne tiennent pas uniquementaux acquisitions de terres par des sociétés interna-tionales. Dans beaucoup de pays africains, des cita-dins investissent dans l’agriculture, contribuantainsi à l’essor d’exploitations de taille moyenne(inférieure à 100 ha) qui représentent une partcroissante de la surface cultivée. Si ces nouveauxinvestisseurs sont un facteur de modernisation del’agriculture, par leur apport de capitaux et de tech-nologies, ils avivent aussi la concurrence pour laterre, au détriment des petites exploitations. Par ail-leurs, les zones franches ou pôles de croissancecréés dans certains États afin de créer un environ-nement favorable aux investisseurs, nationaux ouétrangers, sont susceptibles de priver les agricul-teurs d’une partie des terres ainsi mises en valeur.

Les projets mis en œuvre dans le cadre deGrow ou de la NASAN n’impliquent pas d’acqui-sitions foncières, car ils reposent sur des contratspassés entre agriculteurs et entreprises pourl’achat d’intrants ou la livraison des productions.Ils soulèvent cependant de nombreuses questionssur les risques liés aux contrats (asymétrie d’infor-mation, déséquilibre des rapports de force, etc.),sur le type d’intensification pratiqué et sur la sécu-risation du foncier exploité par les agriculteurs.En Afrique subsaharienne, la majeure partie desterres appartient aux communautés locales, sansdroits de propriété clairement définis. Un courantde pensée, aujourd’hui dominant, pousse à lacodification des régimes fonciers traditionnelssous la forme de cadastres censés favoriser leurévolution progressive vers la propriété privée, afinde faciliter l’octroi de crédit aux agriculteurs (laterre servant de garantie) et les encourager àinvestir sur leur exploitation. Ainsi, les cadres decoopération adoptés par les pays africains partici-pant à la NASAN recommandent la titrisation dela propriété foncière. Un autre courant de penséesouligne le risque d’exclusion des petits agricul-teurs en cas de non-remboursement des prêts

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gagés sur le foncier ou de création de marchés desterres. Il propose diverses alternatives pour conci-lier maintien des règles coutumières et développe-ment. Les réformes dans ce domaine sont déli-cates, car, au-delà de leurs aspects économiques,elles touchent aux relations entre individus etcommunautés dans les sociétés rurales.

Définir une voie spécifique pour l’agriculture africaine

Une page s’est tournée au début des annéesdeux-mille, avec le lancement du Programmedétaillé de développement de l’agriculture afri-caine (PDDAA), processus bien défini de concep-tion et de mise en œuvre des politiques agricoles,élaboré dans un cadre continental et décliné auxniveaux national et régional. Ces politiques com-mencent à porter leurs fruits, mais les résultatsobtenus en termes de performances économiquesdes agriculteurs, de sécurité alimentaire et deréduction de la pauvreté sont encore insatisfai-sants. Une augmentation des dépenses budgétairesagricoles, en particulier pour la recherche et lavulgarisation, sera nécessaire pour atteindre lesobjectifs fixés en 2014 par la Déclaration deMalabo. Les carences du PDDAA, au-delà desdysfonctionnements opérationnels observés,concernent principalement la faiblesse des instru-ments de financement de l’agriculture et lemanque d’outils de gestion des risques contre lesaléas climatiques et la volatilité des prix.

Les politiques agricoles sont censées favoriserla « transformation structurelle » de l’économiedu continent, avec le transfert d’une partie de lapopulation active de l’agriculture vers l’industrieet les services. Mais cette transformation, déjàbien avancée en Afrique du Nord, peine à se réa-liser en Afrique subsaharienne. À moyen terme, ilsera difficile pour cette région de suivre le modèlede développement emprunté par les paysaujourd’hui industrialisés, qui s’est fondé sur unexode rural massif. Les perspectives de fortecroissance démographique, y compris dans leszones rurales, le besoin de systèmes de productionagricole plus résilients au changement climatique,l’industrialisation balbutiante du continent, lescontraintes liées à la mondialisation forment un

contexte inédit qui oblige l’Afrique à définir sapropre voie. Son dynamisme entrepreneurial etculturel, les opportunités offertes dans tous lesdomaines par la diffusion des technologies de l’in-formation et de la communication, les aspirationsdes jeunes et des femmes sont porteurs de change-ments profonds.

La forte augmentation de la production agri-cole africaine exigée pour atteindre les objectifsde la Déclaration de Malabo (+ 60 % entre 2015 et2025) n’est sans doute pas le défi le plus difficileà relever. Les apports massifs de capitaux et detechnologies par le secteur privé peuvent amé-liorer rapidement les performances de l’agricul-ture, d’autant plus que ses niveaux actuels deconsommation d’intrants et de mécanisation sontmodestes.

Plus ardue, compte tenu de la faiblesse desÉtats africains, est la tâche qui leur incombe dansdeux domaines cruciaux : instiller les élémentspropices au fonctionnement d’une économie agri-cole de plus en plus contractuelle tout en tenantcompte des asymétries entre acteurs (équilibre etrespect des contrats, régulation des marchés d’in-trants et de produits agricoles, accès des petitsagriculteurs aux ressources, soutien aux organisa-tions de producteurs…) et faciliter la transitionvers des formes d’agriculture écologiquementintensives permettant de s’adapter aux effetsnégatifs du changement climatique. Sur ces deuxvolets, comme sur d’autres, le renforcement desdynamiques interprofessionnelles, facilitant ledialogue et la négociation entre toutes les partiesprenantes, est un vecteur puissant d’amplificationde l’action publique.

D’une modernisation réussie, inclusive etdurable, des filières agroalimentaires dépend lacapacité de l’Afrique à se nourrir, à réduire lesinégalités de revenu entre villes et campagnes et àabsorber une partie des millions de jeunes quivont arriver sur le marché du travail. Cette réus-site est aussi un enjeu pour le reste du monde.Selon l’efficacité de ses politiques de développe-ment agricole et rural, l’Afrique allégera ouaggravera les turbulences des marchés alimen-taires et elle réduira ou accentuera les facteursd’instabilité et de conflictualité qui secouentaujourd’hui la planète.

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L’exploitation des ressources naturelles estdonc un enjeu majeur pour les États producteurs :au niveau interne, car elle constitue la source prin-cipale de leurs revenus et de leur développement,mais également au niveau international en leurconférant un poids accru sur la scène internatio-nale. Cet enjeu est non seulement accentué par lefait que les ressources extractives ne sont pasrenouvelables, mais également complexifié par lavolatilité importante de leurs cours sur les mar-chés mondiaux. Les variations des prix desmatières premières ont en effet des incidences tantsur les exploitants privés que sur les États produc-teurs, le rapport entre les prix de marché, présentset anticipés, et les coûts de production détermi-

nant la viabilité économique des projets. Parmi lesnombreux exemples permettant de l’attester, celuidu minerai de fer dont l’effondrement des prix aucours des années 2015 et 2016 a conduit à la sus-pension et à la fermeture de nombreux projets surle continent africain. Sur la même période, labaisse des cours du pétrole a, quant à elle, large-ment impacté les revenus des États, entrainé uneinstabilité des taux de change et des pousséesinflationnistes, conduisant leurs gouvernements àrevoir leurs orientations budgétaires. Cela a éténotamment le cas en Algérie, au Gabon, auCongo-Brazzaville, ou au Nigéria.

L’exploitation des ressources extractives meten présence des acteurs aux intérêts à la fois diver-

Chapitre VRéformes des codes miniers et évolutionde l’environnement réglementaire des secteurs extractifs en Afrique

En Afrique, le secteur extractif (mines, hydrocarbures) représente un poids écono-mique important et s’appuie sur un potentiel géologique considérable : 7,6 % des ré-serves mondiales de pétrole, 7,5 % des réserves mondiales de gaz naturel, 40 % desréserves mondiales aurifères, et entre 80 % et 90 % des réserves mondiales de chromeet de platine.

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gents et complémentaires : l’État d’accueil del’investissement qui est détenteur de droits sur lesressources extractives et l’opérateur privé,national ou étranger, détenteur des technologies etdes capitaux nécessaires à l’exploitation de cesmêmes ressources. Elle offre, pour les économiesafricaines notamment, des moyens de finance-ment des mutations de leurs sociétés et s’affirme,pour les États, comme un facteur de développe-ment économique et social, notamment par la for-mation, la création d’emplois et d’entreprises ouencore la construction d’infrastructures.

Afin d’optimiser au mieux la gestion de leursressources naturelles tout en répondant auxcontraintes environnementales, à la demandeaccrue de transparence, à l’exigence de retombéeseffectives pour les populations et à la nécessité dedisposer d’infrastructures modernes et de qualité,de nombreux États africains ont mis en place despolitiques extractives visant à attirer les investis-seurs et à maximiser ainsi la contribution du sec-teur extractif au développement économique etsocial du pays. En jeu : lutter contre la tristementfameuse « malédiction des ressources ».

Force est de reconnaître que la stratégie àmettre en œuvre pour y parvenir est complexe.Les projets miniers sont intrinsèquement marquéspar un grand aléa dans la phase de recherche (enmoyenne un projet sur trois cents atteint le stadedu développement alors que c’est environ unprojet sur dix dans le secteur des hydrocarbures),une durée de réalisation extrêmement longue (dixà quinze années s’écoulent entre la découverte desindices de la ressource et la mise en exploitationeffective d’un gisement) et des dépenses d’inves-tissement très conséquentes qui ont des implica-tions sur le financement des projets. Ceci a poureffet que les principaux revenus fiscaux sont sou-vent générés très tardivement dans le cycle duprojet minier ou pétrolier : la plupart des taxes nesont payées que lorsque l’opérateur est entré enproduction, généralement après des années d’ex-ploration puis de développement, et l’impôt surles sociétés lorsqu’il a atteint le point de profitabi-lité. Cette longue attente peut, en réalité, remettreen cause la pertinence et l’intérêt du contratminier ou pétrolier qui a scellé l’accord avecl’opérateur et peut faire craindre aux observateurs,

nationaux et internationaux, que l’État n’ait« bradé » le patrimoine géologique national. Celaest également vrai pour les communautés environ-nantes qui peuvent attendre des retombées posi-tives dès l’implantation du projet dans leur zoned’habitation alors que celui-ci n’est qu’en phasede recherche.

Il convient, par ailleurs, de noter que l’impor-tance stratégique des ressources naturelles conduitles États détenteurs de ressources naturelles à sou-mettre les activités pétrolières, minières etgazières à des textes d’exception, car la spécificitéde ces secteurs implique l’application de règlesdérogatoires au droit commun tant d’un pointlégal ou réglementaire que contractuel.

Le cadre juridique de l’exploitation des ressources naturelles en Afrique

Les États africains détenteurs de ressourcesont, dès leur indépendance, adopté des lois rela-tives aux investissements étrangers et ont élaborédes textes spécifiques au secteur extractif : lescodes miniers et pétroliers. En outre, le particula-risme propre à chaque projet extractif impliqueque ces codes soient, le cas échéant, complétés pardes supports conventionnels signés entre l’État etl’opérateur privé. L’objet de ces conventions estde concilier, pour un projet considéré, les intérêtsde l’État, celui de l’investisseur, mais aussi despopulations locales tout en tenant compte des réa-lités économiques et des infrastructures disponi-bles ou à construire. Les conventions sont ainsides outils permettant d’encadrer et de gérer lesspécificités propres à chaque projet et ne consti-tuent pas des régimes de faveur comme cela estparfois perçu par les tiers. L’exploitation des res-sources naturelles est, en cela, encadrée par unemultitude de contrats : i) les contrats d’exploita-tion, proprement dits, conclus entre l’État et l’ex-ploitant (convention d’exploitation minière,contrat de partage de production, contrat d’asso-ciation, contrat de service), ii) les contrats desous-traitance conclus entre l’exploitant et ses dif-férents sous-traitants (contrat d’opération minière,de transport ou contrat plus accessoire tel que lescontrats de catering) et iii) les contrats de finance-ment conclus entre l’exploitant et les bailleurs de

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fonds en raison de l’ampleur financière du projet(de quelques dizaines de millions de dollars à plu-sieurs milliards).

En complément des codes miniers, la législa-tion spécifique au secteur extractif est contenuedans des décrets et des arrêtés d’application de cescodes, mais aussi dans des lois régissant desdomaines spécifiques, tels que l’exploitation desmatières précieuses ou encore celle des substancesexplosives. De plus, et par application des clausesde stabilisation, mais aussi des dispositions descodes extractifs laissant aux opérateurs la possibi-lité d’opter pour l’application de l’ancienne ou dela nouvelle législation (à l’instar notamment del’article 4 de la loi du 28 avril 2003 portant pro-mulgation du code minier tunisien), certains Étatsappliquent simultanément plusieurs réglementa-tions minières ou pétrolières. L’environnementjuridique du secteur extractif est également renduplus complexe par l’application simultanée de dif-férents textes non spécifiques à ce secteur (loisrelatives à la protection de l’environnement, loisfoncières, lois de finances, droit du travail, règlesd’hygiène ou de sécurité), ainsi que par toutes lesréglementations relatives aux infrastructures (PPP,concessions, marchés publics).

Face à cette complexité et en raison de l’impor-tance des enjeux stratégiques que le secteurextractif implique, nombreux sont les États afri-cains qui se sont unis pour élaborer des normesapplicables au niveau régional et international.Ainsi, l’Union économique et monétaire ouest-afri-caine (UEMOA) s’est dotée d’un cadre légal régle-mentant l’ensemble des opérations relatives auxsubstances minières sur son territoire (Règlementn° 18/2003/CM/UEMOA du 23 décembre 2003).Sa portée juridique est affirmée par son adoptionen Conseil des ministres par voie de règlement quil’a rendue d’applicabilité directe dans les Étatsmembres. Ce code a comme objectif d’harmo-niser, de moderniser et de clarifier la législationminière applicable au sein de l’espace UEMOA,mais vise également, d’un point de vue écono-mique, à « créer les conditions pour une contribu-tion substantielle du secteur minier dans les éco-nomies des États membres en accélérant la miseen valeur des substances minérales ». Étant donnéque le règlement d’exécution de ce code (élaboré

en 2005-2006) n’a jamais été adopté, la commis-sion de l’UEMOA a lancé, en 2016, un appel d’offres visant à refondre ce code et à élaborer lesrèglements d’exécution.

La Communauté économique des Étatsd’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est égalementdotée d’un cadre légal régissant les activitésminières par l’édiction d’une directive sur l’har-monisation des principes directeurs et des poli-tiques dans le secteur minier (62e session ordinairedu Conseil des ministres, 26-27 mai 2009). Celle-ci a été complétée en février 2012 par un acteadditionnel adoptant la politique de développe-ment des ressources minérales et son plan d’ac-tion. Si cette directive a force obligatoire à l’égarddes États membres de la CEDEAO, les modalitésde réalisation des objectifs de la directive sontlaissées à l’appréciation de ces derniers quiavaient jusqu’au 1er juillet 2014 pour s’yconformer. En novembre 2016, un projet de codeminier a été remis au Conseil des ministres de laCEDEAO. Au niveau de la Communauté écono-mique et monétaire des États de l’Afrique centrale(CEMAC), les travaux d’élaboration d’un codeminier ont démarré en mai 2016 dans le cadre duProjet de Renforcement de la gouvernance desmatières premières en Afrique centrale (REMAP).

Ces différentes initiatives régionales engen-drent également une réflexion de certains spécia-listes pour l’élaboration d’un code minier au niveau des dix-sept États membres del’Organisation pour l’harmonisation en Afrique dudroit des affaires (OHADA). Cette volonté d’uni-formiser systématiquement les législationsminières (alors que cette approche n’est pas miseen œuvre dans le secteur pétrolier) repose néan-moins sur une vision de simplification qui ne tientpas toujours compte des réalités propres à chaquepays et qui peut limiter les besoins spécifiques pourle développement de nombreux projets miniers.

Les réformes les plus récentes des codes natio-naux applicables aux activités extractives compor-tent de nombreux principes communs inspirés deces différentes initiatives régionales qui, d’unemanière générale, ont pour volonté d’accroître lesprofits directs et indirects des États. Les sourcesde ces codes dits soit de « troisième génération »,soit de « quatrième génération » sont nom-

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breuses : les Organisations internationales(notamment l’Union africaine avec la Visionminière africaine, les Nations-unies avec le pro-cessus de Kimberley et le Pacte mondial desNations-unies), les institutions financières (àl’instar des principes de l’Équateur de 2013), lemonde industriel (et notamment les recommanda-tions de l’International Council on Mining andMetals – ICMM), les gouvernements étrangers(l’Initiative pour la Transparence dans lesIndustries Extractives – ITIE, UK-Bribery Act,Foreign Corrupt Practices Act ou encore le DoddFrank Act), les organismes de normalisation et decertification comme l’Organisation internationalede normalisation, mais également les organisa-tions non gouvernementales (à l’image de lacharte des ressources naturelles ou de l’Initiativefor Responsible Mining Assurance).

L’idée générale de ces codes est d’adopter uneapproche moins libérale et de tendre à une meil-leure redistribution des richesses, via, notamment,une augmentation de la participation capitalis-tique étatique, une révision des exemptions fis-cales ou une augmentation des impôts et destaxes. La distinction entre les codes de troisièmegénération et ceux de quatrième générationsemble néanmoins souvent n’être que le fruitd’une volonté des bailleurs de fonds internatio-naux de répondre aux imperfections des réformeslégislatives préexistantes, alors que la distinctionentre « première, deuxième et troisième généra-tion » de codes était fondée sur des réalités histo-riques et économiques : indépendance des États etaffirmation de la souveraineté sur les ressourcesnaturelles (première génération), volonté d’attirerau maximum les investisseurs étrangers dans uncontexte de concurrence internationale et de pri-vatisation qui correspondait aux politiques d’ajus-tement structurel prônées par les bailleurs defonds (deuxième génération), volonté de « rééqui-librage » direct et indirect au profit de l’État (troi-sième génération).

La décision de réviser un code minier dépendégalement d’agendas politiques qui ne tiennentpas toujours compte de la conjoncture écono-mique et de l’évolution du prix des matières pre-mières, facteurs difficiles à maîtriser et à anticipersur une longue période, rendant alors plus com-

plexe encore l’appréciation de l’équilibre entre leseuil d’attractivité acceptable pour l’État et leseuil de tolérance des investisseurs. Ainsi,lorsqu’une hausse des prix est constatée, de nom-breux États sont tentés d’opérer des modificationslégislatives et réglementaires afin de capter lesrevenus additionnels générés sans toujours tenircompte des prix sur le long terme ou des accordsconclus. Chercher à augmenter la rente écono-mique par des réformes dictées par une hausse desprix des matières premières peut au contraireavoir parfois pour effet de décourager les investis-seurs qui privilégient des pays à la législationstable et où l’équilibre économique de leur inves-tissement est davantage respecté.

Les réformes de 2015 et 2016 dans le secteur extractif africain

Les réformes de codes miniers interviennentbien souvent en réaction à une hausse constatéequelques mois ou quelques années auparavant etalors même que la baisse des cours a pu com-mencer. Ce fut le cas pour de nombreux textesminiers adoptés en 2015. Cela a notamment étévrai pour la loi n° 036-2015/CNT du 16 juin 2015portant code minier et décret de promulgationn° 2015-885/PRES-TRANS au Burkina Faso etpour la loi n° 17/2014 du 30 janvier 2015 portantréglementation du secteur minier au Gabon. Dansle secteur des hydrocarbures, peuvent être signa-lées la loi n° 15/012 du 1er août 2015 portantrégime général des hydrocarbures en Républiquedémocratique du Congo (RDC), la loi n° 2015-035 du 16 juillet 2015 portant organisation de larecherche, de l’exploitation et du transport deshydrocarbures au Mali et la loi n° 2015/0016 por-tant code des hydrocarbures bruts en Mauritanie.

L’année 2016 a, elle aussi, été marquée par denombreuses réformes dans le secteur extractif. En cequi concerne tout d’abord les hydrocarbures, il s’agiten particulier du décret n° 16/010 du 19 avril 2016portant règlement d’hydrocarbures en RDC, desdécrets adoptés le 10 mars 2016 et relatifs auxmodalités d’exécution des opérations d’audit et decontrôle des activités d’hydrocarbures et aux procé-dures d’accès au domaine pétrolier au Gabon, duPetroleum (Exploration and Production) Act au

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Ghana, de la loi n° 13/2016 du 02/05/2016 régissantles activités d’exploration et de production pétro-lières au Rwanda et de la loi n° 28-2016 du12 octobre 2016 portant code des hydrocarbures auCongo-Brazzaville. Dans le secteur minier, ilconvient de signaler la loi n° 138/AN/16/7e L du23 juillet 2016 portant code minier à Djibouti, lessept décrets d’application du nouveau code minierdu Burkina Faso adoptés par le Conseil des minis-tres le 16 décembre 2016, la loi n° 2016-32 du8 novembre 2016 portant code minier au Sénégal, laloi n° 2016/017 du 14 décembre 2016 portant codeminier au Cameroun, et la publication au Journalofficiel en avril 2016 du décret d’application de la loin° 33-13 de juillet 2015 relative aux mines duMaroc. Au cours de l’année 2016, des échanges ontégalement eu lieu entre les différentes parties pre-nantes sur les projets de code miniers en Zambie, àMadagascar, en République du Congo et en RDC.

En dépit des singularités de certaines de cesréformes et des divergences de réalités écono-miques, politiques, géographiques et géologiquesdes différents États considérés, des tendancescommunes peuvent être observées, quelles quesoient les ressources géologiques exploitées ou àexploiter : l’augmentation du « governmenttake », du contenu national, de la prise en comptedes normes ITIE et de transparence, ainsi que desexigences environnementales et sociétales.

Une augmentation du « government take »

La notion de « government take » ou « partgouvernementale » est sujette à diverses défini-tions, selon que les bénéfices et externalités posi-tives indirects sont pris en compte ou non. Si l’ons’en tient à une vision économique évaluant lesseuls bénéfices directs pour l’État, le « govern-ment take » peut être défini comme le revenu del’État tiré de la perception d’impôts, taxes et rede-vances et de la participation de l’État au capitaldes sociétés minières.

Au niveau de la fiscalité, les différents Étatsayant récemment réformé leur code minier ontsouhaité, comme évoqué précédemment, per-mettre une meilleure contribution de l’industrieminière au développement économique de leur

pays. Dans cette optique, ils ont souvent réduit lesexonérations fiscales, créé de nouvelles taxes,augmenté les taux et les assiettes, réduit les duréesd’amortissement ou encore mis en place des régle-mentations sur les prix de transfert.

Le nouveau code minier du Burkina Fasoréduit ainsi le nombre d’exonérations dont bénéfi-ciaient les sociétés minières en activité.L’article 160 du code précise notamment que lessociétés minières en phase d’exploitation sontsoumises au paiement de « l’impôt sur les béné-fices au taux du droit commun » (qui passe de17,5 % à 27,5 % par rapport à l’ancien code). Lesplus-values de cessions réalisées lors de la cessionde permis miniers sont, quant à elles, imposées àun taux de 20 % sauf en cas de transmission d’untitre par le titulaire d’un permis de recherche à unesociété d’exploitation lorsque cette cession se faitgratuitement dès sa création et dans la continuitéde l’exploitation (Articles 107 et 109 du nouveaucode minier). L’impôt sur le revenu des valeursmobilières est porté à 6,25 % alors qu’auparavantle taux appliqué était réduit de moitié par rapportau taux standard (Article 160 du nouveau codeminier). Les décrets d’application adoptés en 2016 prévoient notamment la suppression dupaiement des redevances minières selon la valeurde l’or extrait, pour introduire une redevance fixede 5 % et l’augmentation de la taxe superficiairepour les activités de recherche.

Une étude a été réalisée en décembre 2015 parle cabinet KPMG dans le but de mesurer l’impactdes changements fiscaux sur la rentabilité des acti-vités des sociétés minières et sur la répartition de larichesse financière dégagée par leurs activités.Reposant sur le modèle financier d’une mine d’ortypique au Burkina Faso, celle-ci suggère que lesmodifications législatives et réglementaires sus-mentionnées ont pour effet que l’État recevrait110 % de la richesse générée par les mines, dès lorsque le cours de l’or serait inférieur à $ 1 100 l’once.Les prévisions du cours de l’or pour l’année 2017étant à la baisse, la réforme entreprise pourrait ainsientraîner un report voire un arrêt des investisse-ments et avoir in fine un effet contreproductif.

Le nouveau code minier adopté par le Sénégalillustre également ces tendances. Les articles58 et 63 de l’ancien code et relatifs aux exonéra-

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tions fiscales en phase de recherche et en phased’exploitation n’ont pas leur équivalent dans lenouveau code minier. Les droits fixes d’entrée ontfortement augmenté, notamment en ce quiconcerne les permis de recherches (avec des mon-tants multipliés par cinq) et le permis d’exploita-tion (article 74 du nouveau code). La redevancesuperficiaire a été réintroduite (article 75) demême que des taux différenciés selon les res-sources concernées ont été introduits pour la rede-vance minière. La méthode de calcul de la rede-vance minière est désormais basée sur la valeurmarchande du produit minier en lieu et place de lavaleur au carreau de la mine (article 77). Ilconviendra également d’être attentif à la manièredont sera gérée dans les décrets d’application àvenir la fiscalité dans le cas d’entreprises ayantconclu un contrat de partage de production, unetelle possibilité ayant été introduite par les arti-cles 33 et suivants du nouveau code. Signalonségalement que la réforme du code minier en RDCa été reportée sine die, notamment en raison dedispositions fiscales jugées trop lourdes par lesopérateurs, en particulier l’impôt sur les profitsexcédentaires, uniquement adapté à une conjonc-ture de prix élevés.

En ce qui concerne la participation de l’État aucapital des sociétés minières, les récentes réformesminières en Afrique, notamment francophone,consacrent la participation gratuite et non suscep-tible de dilution des États dans les sociétés d’ex-ploitation minière. Les effets des augmentations decapital et le risque de dilution avaient été omis dansplusieurs codes, ce qui avait posé plusieurs diffi-cultés en pratique lors des négociations et mises enœuvre des pactes d’actionnaires. L’article 12 ducode minier de l’UEMOA prévoit que le taux departicipation gratuite et obligatoire de l’État dansles sociétés minières d’exploitation est de 10 %.Certains codes miniers précisent que les États seréservent le droit d’acquérir une prise de participa-tion supplémentaire dans des conditions normales,c’est-a-dire payantes (conditions de marché).

Si le nouveau code burkinabé n’a pas changé letaux de 10 % de participation gratuite et non sus-ceptible de dilution de l’État dans les sociétés d’ex-ploitation, il a étendu cette obligation aux sociétésdétenant un permis d’exploitation industrielle de

petite mine, et précisé l’existence d’un « dividendeprioritaire » lié à cette participation (Article 43).Une participation additionnelle est possible, sansfixation d’un taux maximum de participation.

Au Cameroun également, la participation del’État à hauteur de 10 % a été étendue au capitald’entreprises exploitant les petites mines(article 54). Alors que, précédemment, la participa-tion de l’État au capital des sociétés d’exploitationétait une possibilité et que le taux de 10 % était unmaximum (ancien article 11), l’octroi d’un permisd’exploitation donne désormais obligatoirementattribution à l’État de 10 % du capital de la sociétéd’exploitation, à titre gratuit, libre de toutescharges, et non susceptibles de dilution. L’Étatpeut, en outre, augmenter sa participation de 25 %supplémentaires, directement ou par l’intermé-diaire d’une entreprise du secteur public, dans lesconditions applicables aux autres actionnaires.

Le nouveau code minier sénégalais prévoit,quant à lui, que l’État bénéficie dans toutes les entre-prises minières d’une participation gratuite à hauteurde 10 % du capital. Il pourra en sus, à titre onéreux,négocier l’acquisition de 25 % supplémentaire ducapital qu’il pourra rétrocéder au secteur privé séné-galais afin de favoriser l’accès au secteur minier(article 31). Ainsi, l’État pourra détenir jusqu’à 35 %du capital d’une société minière d’exploitation etdétiendrait alors une « minorité de blocage » lors del’adoption des décisions d’assemblée générale extra-ordinaire de la société d’exploitation (celle-ci luipermettant, par exemple, de s’opposer à un éventuelchangement dans les statuts ou encore à une aug-mentation de capital).

Cette participation obligatoire de l’État sembleen revanche avoir disparu du nouveau code minierde Djibouti, alors que le précédent code (article22) prévoyait que l’État pouvait exiger une parti-cipation sans frais allant jusqu’à 5 % du capital del’investissement et la possibilité d’une participa-tion supplémentaire au prix du marché au capitaln’excédant pas 35 %.

Les ambitions des politiques de contenu national

De manière générale, les objectifs de contenunational sont déjà présents dans la plupart des

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conventions minières et pétrolières ainsi que dansdes législations spécifiques, à l’instar notammentde la loi n° 3-2000 sur les conditions d’exercice dela sous-traitance en République du Congo.Présents dans les nouveaux codes miniers, il estnéanmoins utile de les rappeler ici.

S’inspirant des réglementations minières de laCEDEAO et de l’UEMOA, le nouveau codeminier du Burkina Faso prévoit une obligationpour les titulaires de titres miniers ainsi que pourleurs sous-traitants d’accorder « la préférence auxentreprises burkinabés pour tout contrat de pres-tations de services ou de fournitures de biens àdes conditions équivalentes de prix, de qualité etde délais » (Article 101 du nouveau code minier).Un décret d’application adopté en 2016 a pourobjet de préciser de quelle manière il convientd’assurer le développement de la consommationdes biens et services locaux par l’industrieminière. En matière d’emplois locaux, le nouveaucode minier oblige de plus les sociétés minières àrespecter des quotas progressifs d’emplois locauxselon un barème défini par décret. Par ailleurs, lessociétés minières ont désormais l’obligation desoumettre au ministère des Mines un plan de for-mation des cadres locaux pour le remplacementprogressif du personnel expatrié (Article 102 dunouveau code minier).

Le nouveau code minier sénégalais prévoit,dans son article 109, que reviennent à la chargedes titulaires de titres miniers et de leurs sous-trai-tants, des obligations en matière d’emploi et deformation classiques (préférence à qualificationégale au personnel sénégalais, mise en œuvre d’unplan de formation et de promotion du personnelsénégalais de l’entreprise en vue de son utilisationdans toutes les phases de l’activité minière, for-mation du personnel sénégalais), mais égalementnovatrices (promotion de l’égalité des chances etde l’équité salariale entre employés masculins etféminins). Le nouveau code sénégalais prévoitmême la possibilité, par décret, d’interdire ou delimiter l’embauche de travailleurs étrangers ce quipeut néanmoins limiter la capacité d’organiser untransfert des compétences. En matière de sous-traitance, le nouvel article 85 n’apporte pas demodification au texte de l’ancien article 68 quantà l’utilisation « autant que possible » des biens et

services fabriqués, vendus ou disponibles auSénégal à des conditions compétitives de prix,qualité, garanties et délais de livraison. Il soumetcependant les titulaires de titres miniers à l’élabo-ration et à la publication annuelle d’un plan depassation des marchés.

Le nouveau code minier camerounaisconsacre, pour sa part, son titre VII au contenulocal qui « comporte un volet développement des ressources humaines et un volet développe-ment des entreprises et industries locales »(article 165). La convention minière doit incluredes dispositions relatives, notamment, aux méca-nismes de transfert des technologies et des compé-tences aux nationaux, ainsi qu’un plan de recrute-ment des ressortissants. Celui-ci doit mettre enexergue les proportions réservées aux nationauxpar catégorie professionnelle, un programme deformation professionnelle et technique des ressor-tissants camerounais et un programme et lesmodalités d’un recours prioritaire à la sous-trai-tance des Petites et Moyennes Entreprises (PME)locales. Aux fins de réalisation de ces actions, lessociétés minières sont tenues de verser une contri-bution dans un compte spécial de développementdes capacités locales, à hauteur d’un montant fixédans la convention minière et compris entre 0,5 et1 % du montant total du chiffre d’affaires horstaxe (article 166). La priorité à l’emploi des res-sortissants nationaux est affirmée et un quota de90 % pour les postes de travail ne nécessitant pasune qualification particulière est institué(article 167), ainsi que la priorité devant êtredonnée aux sous-traitants camerounais, avecapplication de quotas (article 168).

Si la volonté de former et développer des com-pétences nationales est fort souhaitable, ilconviendrait en pratique d’encadrer l’applicationdes législations de contenu national afin de s’as-surer qu’elles ciblent précisément les objectifspour lesquelles elles ont été instaurées.

La prise en compte des normes de l’Initiative pour la Transparencedans les Industries Extractives (ITIE)

Les obligations de transparence, de rendre descomptes et de lutte contre la corruption qui se sont

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développée ces dernières années sont désormaiselles aussi intégrées dans tous les codes miniersréformés récemment. Ainsi, le nouveau codeminier au Cameroun consacre la reconnaissancede l’ITIE comme un pendant important de la gou-vernance dans le secteur minier et « invite » lesacteurs du secteur minier à se conformer auxengagements internationaux du Cameroun relatifsau processus ITIE (articles 141 et 142).L’article 145 pose même les prémisses d’unepublication de la propriété réelle (requis par lanorme ITIE de 2016 non encore en vigueur), sousréserve de l’adoption d’un texte d’application quiviendrait en préciser les détails. Le nouveau codeminier du Burkina Faso réaffirme, quant à lui,l’adhésion du Burkina Faso à l’ITIE et prévoit uneobligation de publier au Journal officiel l’en-semble des conventions et contrats miniersconclus avec les sociétés minières opérant dans lepays (article 6). Au Sénégal, les articles 95 et 96du nouveau code minier sont relatifs à l’adhésionaux principes et aux exigences de l’ITIE et à ladéclaration des revenus miniers dus à l’État etperçus par l’État, y compris les réalisations écono-miques et sociales, à la charge des titulaires detitres miniers. Les dispositions relatives à la confi-dentialité des données ont, par ailleurs, été réamé-nagées afin de se conformer aux obligations detransparence de la norme de l’ITIE.

Une protection accrue de l’environnement et des bénéfices au profit des communautés

Si les derniers codes miniers prennent mieux encompte les effets des projets miniers sur l’environ-nement et les communautés, il convient de noterque la plupart des États disposaient déjà d’unelégislation sur ces sujets, mais qu’elle n’était pascodifiée. C’est aujourd’hui le cas et force est deconstater que les exigences environnementales etsociales constituent désormais l’un des principauxéléments des législations minières nationales.Celles-ci comprennent notamment l’évaluation desimpacts sociaux et environnementaux au moyend’études préalablement à l’octroi de licences d’ex-ploitation minière et la mise en place de fondssociaux et/ou de protection de l’environnement.

Le nouveau code minier du Burkina Faso ren-force ainsi les exigences en matière de protectionde l’environnement. Il impose aux titulaires depermis d’exploitation industrielle de réaliser tousles deux ans un audit sur le « management envi-ronnemental », dont le rapport doit être présentéau ministre en charge de l’environnement pourapprobation (article 139 du nouveau code minier).Le défaut de présentation de ce rapport est sanc-tionné pénalement par une peine d’emprisonne-ment d’une durée de deux à cinq ans (article 195du nouveau code minier). L’article 25 du nouveaucode minier prévoit la création de deux fonds, l’unde réhabilitation et de fermeture de la mine etl’autre de réhabilitation, de sécurisation des sitesminiers artisanaux et de lutte contre l’usage desproduits chimiques prohibés. Le fonds de réhabi-litation et de fermeture de la mine est alimenté parla cotisation annuelle des titulaires de permisd’exploitation industrielle ou semi-mécanisée etpar celle des bénéficiaires d’autorisations d’exploitation industrielle de substances de car-rières. Cette cotisation est fonction des coûts pré-visionnels de la mise en œuvre du programme depréservation et de réhabilitation de l’environne-ment tel que défini dans l’étude d’impact environ-nemental et social (article 27). Le fonds de réha-bilitation, de sécurisation des sites miniers artisa-naux et de lutte contre l’usage des produits chi-miques prohibés est, pour sa part, financé par25 % de la redevance forfaitaire payée par lesbénéficiaires d’autorisation d’exploitation artisa-nale de substances de mine ou de carrière(article 28). L’un des décrets adoptés le16 décembre 2016 porte modalités de perceptionet de fonctionnement du fonds de réhabilitation etde fermeture de la mine et un autre décret dumême jour porte organisation, fonctionnement,modalités de perception et d’utilisation du fondsde réhabilitation, de sécurisation des sites miniersartisanaux et de lutte contre l’usage des produitschimiques prohibés.

La législation burkinabé n’est pas la seule àrenforcer cette dimension environnementale etsociétale. Le nouveau code minier camerounaisprévoit, lui, la création d’un Fonds de restaura-tion, de réhabilitation et de fermeture des sitesminiers et des carrières (article 235). Dans le nou-

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veau code minier sénégalais l’obligation de réha-bilitation de la mine, qui ne s’imposait qu’enphase d’exploitation, a été étendue à la phase derecherche, donc au titulaire du permis derecherche (article 20). Le nouveau code minier deDjibouti mentionne, pour sa part, une provisionpour reconstitution de gisement (article 78) et créeune nouvelle provision pour remise en état deslieux (article 79) d’un montant maximum fixé à2 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes. Lespréoccupations environnementales se traduisentégalement par l’obligation faite au titulaire d’unpermis d’exploration minière de faire « expertiserles travaux et études d’exploration et d’élabora-tion des rapports d’exploration et d’étude de fai-sabilité technique économique et financière etceux relatifs au volet environnemental par unepersonne qualifiée au sens de la définition consa-crée de la personne qualifiée par ce standardinternational : JORC (Australie) ou Instruction43–101 (Canada) » (article 50). De même la cer-tification de conformité obligatoire de l’étuded’impact environnemental et de danger doit êtrefaite « par un expert qualifié indépendant au sensde la définition consacrée de la personne qualifiéepar ce standard international : JORC (Australie)ou Instruction 43–101 (Canada) ». Elle doit deplus être accompagnée d’un plan de gestion desrisques et de l’étude de remise en état des lieux(article 64). Le nouveau code précise égalementque l’octroi par l’autorité administrative compé-tente du permis d’exploitation de mine ou de car-rière « est subordonné dans tous les cas à l’avisfavorable notifié de l’autorité chargée de l’envi-ronnement et le cas échéant de l’autorité chargéedu domaine public hydraulique et/ou de l’autoritéchargée du domaine public forestier si la super-ficie du titre minier demandé rentre en totalité ouen partie dans un de ces deux domaines ou lesdeux simultanément » (article 58).

Afin de faire en sorte que l’exploitation desressources minières profite directement aux com-munautés impactées, les nouveaux codes miniersinstituent également des fonds dédiés. Ainsi, lenouveau code minier sénégalais a créé deux fondsd’appui : le fonds d’appui et de péréquation (des-tiné aux collectivités locales) qui sera alimenté parle versement de 20 % des recettes de l’État prove-

nant des opérations minières (article 113) et lefonds d’appui au développement local, alimentépar le versement de 0,5 % du chiffre d’affaireshors taxe annuel du titulaire de titre ou de contratminier en phase d’exploitation et d’un montant ànégocier en phase de recherche et développement(article 115).

Le nouveau code minier burkinabé instaure,quant à lui, un fonds minier de développementlocal qui a vocation à financer des plans commu-naux et régionaux de développement. Ce fonds estalimenté par « la contribution de l’État à hauteurde 20 % des redevances proportionnelles collec-tées, liées à la valeur des produits extraits/ouvendus » ainsi que par les titulaires de permisd’exploitation et d’autorisation d’exploitationindustrielle de carrières à hauteur de « 1 % de leurchiffre d’affaires mensuel HT ou de la valeur desproduits extraits au cours du mois ». Les titulairesde permis d’exploitation de mines et les bénéfi-ciaires d’autorisation d’exploitation industriellede substances de carrières valides à l’entrée envigueur du présent code sont soumis à l’obligationde contribuer au fonds minier de développementlocal (article 26). Le premier des décrets d’appli-cation adoptés en décembre 2016 est relatif à l’or-ganisation, au fonctionnement et aux modalités deperception et de répartition de ce fonds.

Il est également important de souligner lacréation d’un fonds de développement du secteurminier au Cameroun (article 233) et d’un fondsd’appui au secteur minier au Sénégal (article 114).L’objectif de ces fonds n’est pas environnementalet n’a pas vocation à bénéficier directement auxcommunautés : il s’agit davantage de financer lesactivités de recherche, d’inventaire, de contrôleou de formation du personnel, réalisées par lesadministrations nationales des mines. La législa-tion camerounaise introduit en outre un « comptespécial de développement des capacités locales »qui est destiné de manière large à « financer ledéveloppement économique, social, culturel,industriel et technologique du Cameroun à tra-vers le développement des ressources humaines etle développement des entreprises et de l’industrielocale ». Il est financé par des contributions com-prises entre 0,5 % et 1 % du chiffre d’affaires horstaxe de la société minière (article 236).

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La réforme des codes miniers ou la difficile quête du juste équilibre

L’objectif de la réforme d’un code minierconsiste à trouver un équilibre entre la part quirevient à l’État (directement et indirectement), lebénéfice raisonnable que retire l’opérateur privéde l’exploitation du sous-sol national, et lesretombées dont bénéficient les populations.

Si les réformes actuelles des codes miniers seconcentrent autour des points détaillés ci-dessus,force est de constater que leur rigidité intrinsèquelimite l’espace offert à la négociation dans lecadre de conventions minières et ne tient pas tou-jours compte des réalités propres à chaque pays.Au-delà de la réforme des codes miniers, ilsemble notamment nécessaire d’effectuer desmises en cohérence de l’ensemble des législationsapplicables au secteur minier (environnement, tra-vail, fiscalité, etc.). Une réforme sectorielle feraitainsi sens et permettrait réellement d’atteindre lesobjectifs fixés en clarifiant les engagements etobligations des opérateurs économiques, car, enpratique, les opérateurs sont souvent confrontés àdes contradictions et divergences d’interprétationentre les dispositions des codes miniers et cellesdes autres codes et législations.

Les dernières réformes ont souvent eu poureffet d’augmenter les responsabilités des opéra-teurs et leur contribution financière au développe-ment des États alors que de nombreux projets,depuis la baisse des cours ces deux dernièresannées, sont en difficulté sur le continent africain.Peut-être auraient-elles pu se fonder sur une amé-lioration des législations précédentes et nonconsister en l’édiction de nouveaux codes en tantque tels. D’autant que de nombreux nouveauxcodes renvoient à des décrets et arrêtés d’applica-tion qui n’ont pas encore été pris ce qui rend sou-vent peu lisibles et compréhensibles les nouvelleslégislations. Il est important en cela que chaqueÉtat développe, en préalable à la réforme de salégislation minière, une vision nationale voiresous-régionale, politique et économique, de sonsecteur minier dont l’ambition serait d’aboutir à laréalisation concrète des projets.

Il convient également de promouvoir davan-tage de contractualisation entre les acteurs dans un

contexte de marchés particulièrement fluctuants.La pratique démontre notamment qu’une certainesouplesse/adaptabilité est une des conditions deréussite des négociations portant sur un projetminier ou pétrolier. Si cette flexibilité n’est passuffisamment présente, cela peut avoir pourconséquence une réduction des investissementsvoire la non-réalisation des projets, le risquefinancier pour l’investisseur étant trop grand etl’État ne pouvant faire face au changement écono-mique sans un changement législatif.

Ce renforcement de la contractualisation pour-rait, en outre, permettre de prendre en considéra-tion un aspect souvent insuffisamment valorisédans les réformes nationales alors qu’il est pour-tant essentiel : les infrastructures. La réalisationde nombreux projets miniers est en effet condi-tionnée par l’accès à des infrastructures existanteset/ou la construction d’infrastructures nouvelles.Pour les phases d’exploitation, les opérateursminiers doivent financer et construire eux-mêmesdes infrastructures minières spécifiques à l’acti-vité (usines de traitement, infrastructures de trans-port et d’évacuation du minerai, routes privéesd’accès, etc.), mais aussi des infrastructuresd’usage communautaire (centres de santé et desécoles). Ceci représente des investissementsconsidérables qui ne peuvent souvent êtreassumés individuellement par l’opérateur. Ilimporte donc, en premier lieu, que ces infrastruc-tures soient partagées entre plusieurs utilisateurset/ou qu’elles s’inscrivent dans la politique dedéveloppement du pays. Elles doivent, dès lors,non seulement répondre aux besoins techniques etéconomiques des opérateurs miniers, mais égale-ment aux attentes de l’État. Afin que ces infra-structures soient efficientes, leur constructiondoit, en second lieu, être coordonnée dans le cadredes projets miniers. Une infrastructure de trans-port de minerai serait de toute évidence inutile enl’absence d’infrastructure d’exportation et unemine ne pourrait pas produire en l’absenced’énergie disponible.

Cette nécessaire coordination s’impose égale-ment en amont du projet lui-même. Les projetsminiers et les infrastructures étant interdépen-dants, tout retard pris dans la construction ou lamaintenance de l’une des infrastructures impacte

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négativement le délai de réalisation globale desprojets miniers et entraine des surcoûts pourl’opérateur. De même, le retard pris dans la réali-sation d’un projet minier affecte négativement larentabilité d’une infrastructure construite exclusi-vement ou dimensionnée en fonction de ce projet.Or la disponibilité de ces infrastructures, leur fia-bilité, leur financement, les délais et coûts de réa-lisation/coûts d’accès conditionnent en effet ladécision d’investissement et déterminent l’avenirdes projets miniers. L’accès à ces infrastructures àdes coûts compétitifs (par rapport aux autres pro-jets similaires dans d’autres pays) prend donc uneacuité particulière, notamment dans le contexteinternational de volatilité des cours des minerais.Seuls les projets dont les coûts opérationnels sontcompétitifs ont des chances d’être réalisés et lecoût d’utilisation de ces infrastructures est unecomposante importante des coûts opérationnels.La réforme d’un code minier ne peut dès lors que

s’accompagner d’une politique minière ambi-tieuse, qui, dans un contexte d’internationalisationet de développement de métaprojets, ne peut êtreque régionale et tenant compte des réalités écono-miques, géologiques, des infrastructures exis-tantes ou à construire.

Gageons qu’une « cinquième » génération decodes sera porteuse d’une véritable vision deconcrétisation des projets, avec une meilleureprise en compte des enjeux régionaux et de ceuxliés au développement des infrastructures.Gageons également qu’elle favorisera une adapta-bilité (contractualisation) permettant un véritablepartenariat non seulement gagnant-gagnant à longterme entre États et investisseurs, mais égalementdavantage décorrélé des variations à court termedes prix des matières premières. Le potentiel géo-logique africain est considérable et ceci sera unedes conditions de sa valorisation.

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La consommation d’électricité comme indica-teur de l’activité économique d’un pays ? Tel estle sujet d’un article de recherche écrit en 2014 pardeux économistes de l’Agence internationale del’énergie (IEA). Si la méthodologie utilisée et lesrésultats produits peuvent, comme toujours, êtrediscutés, l’intuition qui sous-tend cette analyse ne

souffre,guère de contestation : puisque l’électrifi-cation d’un pays est une des conditions sine quanon de la croissance de son produit intérieur brut(PIB), la consommation d’électricité doit être, entoute logique, une des mesures pertinentes de sonactivité économique. Comme en attestent les évé-nements récents, l’investissement d’un groupe

Chapitre VI Énergies renouvelables et non renouvelables :comment renforcer l'électrification du continent africain ?

Parmi les importants défis que le continent africain doit relever pour assurer sa crois-sance et son développement tant économique que sociétal figure celui de son approvisionnement en énergie. Si cette question est, de toute évidence, multiple, laproblématique de l’électricité apparaît autant essentielle que complexe. Celle-ci sepose, en effet, à plusieurs niveaux : celui de la disponibilité et du prix des ressourcesénergétiques nécessaires à la génération électrique, celui du coût de développementet de maintenance des unités de production et de distribution, celui de l’adéquationde celles-ci aux besoins des populations comme des industries et, enfin, celui du financement de ces mêmes unités. La gestion des externalités négatives que celles-ci peuvent créer est également une partie intégrante de la problématique. Dans cettelogique, la complexité et l’urgence de la situation africaine imposent probablementd’adopter une vision, paradoxale en apparence, conciliant pragmatisme et horizonde long terme.

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minier dans un pays riche en ressources dépendd’une multiplicité de facteurs : la qualité du gise-ment bien évidemment, les perspectives à moyenterme de la demande de ce minerai (et donc de sonprix), le cadre réglementaire et fiscal dans lequelcet investissement serait réalisé et, plus globale-ment, la nature des contreparties que le pays hôteimpose pour l’exploitation de son sous-sol, l’exis-tence d’infrastructures de transports terrestre etmaritime permettant l’exportation du mineraiainsi extrait, mais également la capacité à bénéfi-cier d’une électricité stable, sans délestage. En2015, alors que les prix des minerais s’effon-draient, ce dernier point s’est avéré être un deséléments déterminants du maintien ou du départdes groupes internationaux des pays africainsdans lesquels ils s’étaient implantés. Les pénuriesd’électricité observées en Afrique du Sud, auGhana et en Zambie ont par ailleurs pesé sur laperformance économique de ces pays.

De toute évidence, le besoin de satisfaire lademande en électricité du continent ne sauraitcependant résister à une seule lecture industrielle.L’accès à l’électricité s’affirme, en effet, commeune des conditions essentielles du développementhumain et sociétal. Sans électricité, commentassurer la performance d’un service de santé ou,parmi une kyrielle d’exemples, garantir le rayon-nement du secteur éducatif ? Ces questions nerésonnent d’ailleurs pas uniquement pour lesannées présentes, mais aussi pour celles à venir,car les besoins en électricité de l’Afrique vontexploser. Les raisons ? La croissance démogra-phique du continent, mais également le fort déve-loppement économique qui lui est promis et, aveclui, celui des « nouveaux usages » électriques.Alors qu’environ 633 millions d’Africains viventaujourd’hui sans électricité, ce chiffre pourraitdoubler d’ici à 2030. La question de la stratégie àmettre en œuvre pour y répondre est, en cela,incontournable. On estime que le taux moyend’électrification de l’Afrique subsaharienne est de31 %, soit le plus bas niveau des régions en déve-loppement. L’enquête réalisée en 2014-2015 parAfrobarometer démontre, par ailleurs, qu’au seindes trente-six pays africains considérés, seulementquatre personnes sur dix bénéficient d’un approvi-sionnement en électrique fiable. L’électrification

d’un pays est une chose, l’accès au réseau en estune autre, tout comme la permanence de la four-niture d’électricité ! On se rappellera ainsi, parmiles nombreux exemples de la défaillance duréseau électrique de certains pays africains, lasituation de la Guinée équatoriale où Bata, la capi-tale économique du pays, avait été plongée dans lenoir pendant près de deux semaines en août 2015,en raison d’une moindre production du barragehydroélectrique de Djibloho. Le constat établi parla Banque mondiale sur la situation africaine est,en définitive, explicite : une faible capacité degénération électrique face à l’importance desbesoins doublée d’un accès insuffisant auxréseaux, un faible niveau de fiabilité de ces der-niers et un coût du kilowattheure (kWh) élevé. Ilfaut, probablement, ajouter à ces points le coûthistoriquement élevé de l’électricité sur le conti-nent.

Posée à l’échelle de l’Afrique, la question dela production et de la consommation électriquen’a cependant qu’une portée limitée tant les dispa-rités que l’on peut observer sont importantes. Auregard de la consommation, celles-ci se manifes-tent à quatre niveaux principaux : selon le pays,selon le degré de revenu du ménage, selon la loca-lisation de celui-ci (en zone rurale ou urbaine),mais également, de façon plus subjective, selon ledegré de perception qu’ont les ménages privésd’un accès fiable au réseau électrique, de l’ur-gence de leur situation. L’appréhension, par pays,de l’accès à l’électricité est ainsi le premier élé-ment attestant de l’hétérogénéité du continentdans ce domaine. Alors que, selon l’enquêted’Afrobarometer, 92 % des ménages d’Afrique duNord en bénéficient, ce taux tombe à 46 % enAfrique de l’Est et à 55 % en Afrique de l’Ouest.Parmi les pays les plus défavorisés dans cedomaine et considérés dans cette étude : leBurundi (17 %), le Burkina Faso (25 %) et laSierra Leone (29 %). D’autres statistiques, dontcelles du Global tracking network, font apparaîtredes chiffres plus faibles encore. Fruits de lourdsinvestissements, des progrès considérables dansl’accès à l’électricité ont certes été réalisés enAfrique (Kenya, Éthiopie, Malawi, Cap-Vert,Ouganda), mais ceux-ci restent souvent d’autantplus insuffisants que la croissance anticipée des

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besoins électriques du continent est, comme évo-quée précédemment, considérable. Par ailleurs,force est de constater que si le taux d’électrifica-tion du continent africain a, en moyenne, pro-gressé entre 1990 et 2014, il régresse dans certainspays. Cette disparité dans l’accès et la consomma-tion d’électricité s’observe également au sein despays eux-mêmes. Une étude publiée en 2016 parla Banque mondiale démontre que ce sont, sanssurprise, les ménages urbains et aisés qui consom-ment le plus d’électricité, tandis qu’au sein desménages pauvres, ceux qui vivent en zone urbaineapparaissent les moins défavorisés. La questiondu coût de l’accès à l’électricité et/ou de la capa-cité des ménages à l’assumer, mais égalementcelle de l’électrification en zone rurale sont, encela, incontournables.

Ces disparités ne disparaissent guère lorsquele regard se tourne vers la production électriquedu continent. Les dernières statistiques del’International Energy Agency font apparaître uneproduction d’électricité de 765 039 GWh enAfrique pour l’année 2014. Avec une consomma-tion de moins de 500 kWh par habitant, l’Afriquesubsaharienne est la zone géographique la plusdépourvue au monde d’électricité. L’alimentationdes centrales électriques par les énergies fossilesprédomine largement, le charbon, le gaz et lepétrole étant, à cette date, à l’origine de plus de

70 % de la production électrique du continent. Ce constat général masque, une fois encore,

une importante disparité intracontinentale qui s’ex-plique en partie par le croisement des différenceséconomiques fortes existant entre pays africains (etdonc de différences dans le degré d’électrificationde leurs territoires) et la nature des ressources dontchacune dispose pour la production électrique.Ainsi, l’Afrique du Sud, première économie afri-

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caine, a représenté, en 2014, plus de 33 % del’électricité africaine, celle-ci étant générée à plusde 92 % par du charbon. L’Égypte a, pour sa part,produit 20,70 % de l’électricité du continent et a,pour cela, très largement utilisé du gaz (74 %) et dupétrole (17 %). Une réalité qui ne surprend guèrepuisque le pays est le deuxième producteur africainde gaz et le cinquième producteur de pétrole. Pourde nombreux autres pays africains de taille écono-mique plus modeste (Angola, République centra-fricaine, République démocratique du Congo,Malawi, Namibie, Éthiopie, Kenya, Malawi, Mali,Namibie, Sierra Leone, Soudan, Togo, Ouganda etZambie), la part de l’hydroélectrique dans la pro-duction totale d’électricité du pays a été supérieureà 70 %.

Quel power mix choisir ?

De ces chiffres portant tant sur la productiond’électricité que sur l’accès à celle-ci découle uneévidente réalité : au-delà de l’affirmation d’unenécessaire croissance de la capacité de génération,la question de l’électrification de l’Afrique estplurielle par nature. Le pragmatisme économiquequi conduirait un pays à exploiter prioritairementles ressources minières, hydrauliques, pétrolièresou gazières dont il dispose pour produire del’électricité à des fins nationales ne saurait cepen-dant pleinement expliquer la réalité de la situationafricaine et, plus encore, éclairer les développe-ments probables dans ce domaine. Pour le déci-deur public, s’interroger sur les priorités àaccorder, pour le développement de la générationélectrique, entre énergies renouvelables et nonrenouvelables ou, plus globalement, entre unesource d’approvisionnement en électricité plutôtqu’une autre, résulte, en effet, d’arbitrages com-plexes dont le résultat ne peut être binaire. Parmiles facteurs, d’ordre technique, économique,financier mais également sociétal, à prendre encompte, figurent :

• l’ampleur, la nature (industrielle vs nonindustrielle) et l’intensité des besoins en électri-cité à satisfaire,

• le coût financier de ces infrastructures éner-gétiques dans les phases de développement, etd’exploitation,

• la capacité à trouver des investisseurs/bail-leurs de fonds permettant d’assumer ces coûts et,pour les financeurs privés, la capacité à leur offrirdes conditions financières leur permettant de lesamortir sur le long terme via notamment l’exis-tence ou non de prix de rachat garantis,

• la durée de vie souhaitée pour l’infrastructureénergétique,

• la disponibilité physique, mais égalementéconomique des ressources nécessaires à la pro-duction électrique,

• le coût des ressources énergétiques à la pro-duction électrique,

• l’accès et la maîtrise des technologies per-mettant d’exploiter efficacement ces ressources,

• la réalité du territoire à électrifier, ainsi quel’étendue des réseaux de distribution existants,leur capacité de transit et la possibilité de raccor-dement,

• le degré de vulnérabilité des installations etdes réseaux de distribution électriques aux aléas,notamment météorologiques ou climatiques,

• l’existence éventuelle de conflits et de riva-lités d’usage,

• le degré d’acceptabilité, par les populations,des externalités négatives qu’elles peuvent produire,notamment d’un point de vue environnemental et, lecas échéant, le coût que leur gestion impose.

Les deux premiers points résonnent a prioricomme une évidence : le choix d’une source prio-ritaire d’alimentation dépend de l’ampleur desbesoins à satisfaire et des ressources disponiblespour cela. Quelques précisions méritent cependantd’être apportées : la disponibilité des ressourcesnécessaires à la génération électrique ne répondpas uniquement à des logiques géologiques(charbon, fioul, gaz naturel), physiques (hydrau-lique, biomasse) ou météorologiques (éolien,solaire), mais également économiques. À l’imagede la stratégie mise en œuvre par l’Égypte, lespays disposant de ressources non renouvelablespermettant de produire de l’électricité doiventchoisir entre les exporter ou les utiliser localementà des fins de génération électrique. En favorisantleur vente sur les marchés internationaux, lescours élevés des ressources peuvent ainsi réduireleur disponibilité économique. L’origine de la res-source n’est également pas neutre et peut poten-

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tiellement poser des problèmes tant géopolitiques(au regard, notamment, de la question de l’appro-visionnement en gaz terrestre, mais également del’utilisation des ressources hydrauliques) qu’envi-ronnementaux ou écologiques, à l’image de ladéforestation par la biomasse ou du déplacementdes populations, de la diminution des ressourceshalieutiques, du déséquilibre des écosystèmes parl’hydroélectrique ou de la production de gaz àeffet de serre par les énergies fossiles.

Puisque l’électricité ne se stocke pas ou peu, ilconvient, par ailleurs, de rappeler qu’un réseauefficace doit, au travers de ce qu’il est convenud’appeler les productions de base, de semi-base etde pointe, pouvoir s’accommoder de pics dedemande et disposer d’une certaine flexibilité.L’hydraulique de retenue (lac notamment) et lethermique à flamme (fioul notamment) offrent, dece point de vue, les meilleures garanties, à la dif-férence du solaire ou du nucléaire. Pour une pro-duction dite « d’extrême pointe », les turbines àcombustion alimentées au fioul ou au gaz naturelet pouvant être démarrées en moins de vingtminutes sont, pour leur part, essentielles. La ques-tion du power mix le plus efficient pour un paysdonné impose donc de développer, en cela, desunités de génération électrique permettant derépondre à la « temporalité » de la demande.

Small is beautiful !

La nature du territoire à électrifier, mais égale-ment la qualité et la capacité du réseau électriqueexistant sont également des critères décisifs. Laproduction centralisée d’électricité fait, en effet,sens dans des zones à forte densité de population,mais ne répond guère au problème de l’électrifica-tion en zone rurale. Elle imposerait notamment detransporter l’électricité sur de longues distances, cequi s’avère particulièrement coûteux en développe-ment et en maintenance. Une des solutions est doncde générer de l’électricité décentralisée. De cepoint de vue, le développement de systèmes indivi-duels ou de mini-réseaux (mini grids) capablesd’alimenter un village s’est affirmé comme unmode adapté de génération électrique pour despetites villes situées dans des zones reculées. Alorsque le diesel représentait une part importante de

ces mini grids en Afrique, les systèmes solaires ouhybrides (combinant solaire et diesel pour pallierl’intermittence de l’énergie solaire) se sont forte-ment développés, à l’instar également des systèmesindividuels tels que les lanternes solaires. Une réa-lité confirmée par un rapport du think-tank Africanprogress panel qui souligne non seulement l’effi-cience de tels modes de génération, mais égale-ment leur fort développement. Problème : le coûtfinancier qu’ils représentent doit souvent êtreassumé par l’opérateur, ce qui limite parfois leurdiffusion aux villages. Moins connu, les « minihydros » méritent d’être évoquées dans le cas afri-cain. D’une puissance inférieure à 1 MW, celles-cipeuvent également être adaptées pour la générationélectrique en zone rurale.

Financements et rentabilité : deux points clés de l’électrification

De toute évidence, l’aspect financier est unautre aspect essentiel de la problématique del’électrification en Afrique. Celui-ci s’exprime àdeux niveaux qui, bien que distincts, s’avèrentinterdépendants : celui du financement et celui dela rentabilité du projet. Parmi les tendancesrécentes, force est de reconnaître l’impressionnantdéveloppement du photovoltaïque. Le coût parkWh du photovoltaïque, bien que plus élevé, enmoyenne que les autres formes de génération élec-trique, s’est drastiquement réduit tandis que sonefficacité s’est symétriquement accrue.Conjuguées à la rapidité de construction d’unecentrale et au potentiel de demande africain, cesdifférentes propriétés expliquent la présencecroissante des fonds d’investissement internatio-naux. En raison des contraintes financières aux-quelles sont confrontées les sociétés d’électriciténationales, le financement des énergies renouvela-bles est néanmoins bien souvent pluriel tant auregard des instruments utilisés (fonds propres etdettes) que des acteurs impliqués : investisseursprivés donc, bailleurs de fonds internationaux, àl’image de la Banque africaine de développement,du français Proparco, filiale de l’Agence françaisede développement, mais également de la Banquemondiale ou de la Banque européenne d’investis-sement (BEI), et acteurs publics nationaux.

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Il ne peut y avoir, pour un investisseur privé,de financement sans rentabilité. Comme le rappel-lent des économistes du centre d’études britan-niques Oxford Institute for Energy Studies(OIES), la viabilité et la pérennité des investisse-ments dans ce secteur électrique parfois non libé-ralisé dépendent d’un certain nombre de facteurs :du degré de stabilité des revenus futurs (à l’instarde tout investissement) et donc de l’existenceéventuelle de contrats de long terme de rachat del’électricité ainsi produite, de la capacité d’accèsau réseau électrique et de la qualité/vétusté de cemême réseau, ainsi que de l’ampleur des poli-tiques publiques nationales en faveur des énergiesrenouvelables dans le pays. C’est donc l’équationde la rentabilité du financement qui est posée. Lefameux couple « rendement-risque » d’un telinvestissement est largement dépendant du prixrelatif des énergies alternatives, notamment cellesdes énergies fossiles lorsque le pays considéré estlui-même producteur. L’existence de subven-tions… et/ou de taxes sur l’une ou l’autre dessources d’énergie est de nature à modifier profon-dément les équilibres dans ce domaine. Ceci s’estnotamment vérifié en Europe, au sein des énergiesfossiles, au début des années 2010. Pour mémoire,l’évolution relative de ce qui est convenu des darkspreads et des spark spreads, à savoir la margebrute d’un électricien, elle-même fonction du prixde l’électricité, de l’efficacité de conversion ther-mique (rendement) de la centrale et du prix de laressource (ici le charbon et le gaz respective-ment), est un des déterminants du type de centralepouvant être développée. Alors que les prix duquota de CO2 et celui du charbon avaient chuté audébut des années 2010, la prise en compte du «coût carbone » au travers des formules de cleandark spread ou clean spark spread a assez large-ment modifié les équilibres concurrents existanten Europe entre les centrales à gaz et celles àcharbon, au profit de ces dernières. Les centralesà gaz sont pourtant plus rapides à construire,moins intensives en capital, émettent moins dedioxyde de carbone et sont, en cela, généralementmieux acceptées par les populations. Un équilibre,en définitive, instable : l’introduction, en 2013,d’un prix minimum du carbone au Royaume-Unia cette fois favorisé le développement des cen-

trales à gaz et à cycle combiné. La définition de lapolitique énergétique d’une nation dépend certesde réalités physiques et de variables économiqueset financières, mais elle s’affirme égalementcomme l’expression d’un choix politique via desmesures de subvention/taxation.

Gérer les externalités négatives

Si l’utilisation des ressources non renouvela-bles ne soulève a priori pas de conflits d’usages,telle n’est pas nécessairement le cas pour les bar-rages créés sur les fleuves parcourant plusieurspays. Ceux-ci peuvent, en effet, être à l’origined’importantes tensions entre pays et entre popula-tions, comme en témoigne, notamment, laconstruction récente du barrage éthiopienGibe III. Cette question du partage de la ressourceest autant complexe qu’incontournable et imposesouvent l’institutionnalisation d’une structureinterétatique de gestion. C’est une des missions del’Organisation pour la mise en valeur du fleuveSénégal (OMVS), de l’autorité du Bassin duNiger (ABN), de l’Initiative pour le bassin du Nil(NBI), de l’Organisation pour la mise en valeur dufleuve Gambie (OMVG) ou de l’Autorité dubassin du Komati (KOBWA). L’aspect environne-mental ne peut, par ailleurs, être négligé. Alorsque les centrales thermiques produisent dudioxyde de carbone ainsi que des oxydes d’azoteet de soufre et que les centrales nucléaires posent,par nature, la question de la gestion des déchetsradioactifs, les énergies renouvelables disposentd’un bilan environnemental nettement plus favo-rable. D’autres externalités négatives doiventcependant être prises en compte. L’utilisation nonraisonnée de la biomasse (dont le caractère renou-velable est, en définitive, largement dépendant dela ressource végétale utilisée) a ainsi pu être iden-tifiée par une des causes de la déforestation danscertains pays du continent.

Ces différentes variables ont conduit les paysafricains à opter, dans la construction de leursnouvelles unités de génération électrique, tantôtpour les énergies renouvelables, tantôt pour lesénergies fossiles. C’est ainsi que le Niger a inau-guré, en 2017, la centrale électrique de GorouBanda, dans le sud-ouest du pays, d’une capacité

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de 100 MW et fonctionnant au diesel. Le coût desénergies fossiles et la volonté des pays africainsd’exploiter leur potentiel hydroélectrique ou celuilié à l’énergie solaire semblent néanmoins avoirlargement favorisé le développement des énergiesrenouvelables.

Les grandes ambitions du Sénégal et du Maroc dans l'énergie solaire

Assez largement dépendant des hydrocar-bures, le Sénégal a fait du développement desénergies renouvelables et de la libéralisation de laproduction électrique un élément central de sonplan Sénégal émergent (PSE). Dans ce contexte,l’année 2016 a vu la mise en service de la centralesolaire photovoltaïque Senergy 2, à Bokhol dansla région de Saint-Louis. Disposant de77 000 panneaux solaires d’une puissance totalede 20 mégawatts (MW), celle-ci devrait permettrede produire annuellement 34 GWh. À celle-cis’est ajoutée la centrale solaire d’une puissance de22 MW située dans la commune de Malikounda.D’autres stations sont par ailleurs en constructionou en prévision, dans la région de Thiès, de Lougaet de Dakar. L’énergie solaire donc, mais pas uni-quement, grâce au futur parc éolien de TaïbaNdiaye d’une puissance de 150 MW. L’ambitiondu Sénégal est triple : faire passer la capacité élec-trique du pays de 820 MW environ à 1 260 MWen 2019, porter la part des énergies renouvelablesdans le mix énergétique national à 20 % et jouerde cet effet volume pour réduire sensiblement leprix du kWh. Appuyée par le programme Scalingsolar de la Banque mondiale officialisé en 2015 etciblé initialement sur la Zambie, Madagascar et leSénégal, la Zambie devrait également bénéficierdans les années à venir de deux centrales solairesde 50 MW.

Les exemples du développement de l’énergiesolaire en Afrique sont, nombreux, mais, dans cedomaine, c’est le Maroc, pays d’accueil de laCOP22, qui semble avoir marqué les esprits avecl’inauguration, en février 2016, de la première desquatre tranches de développement des centralessolaires à concentration géantes Noor (signifiantlumière en arabe) situées près de la ville deOuarzazate. L’ambition est considérable : tandis

que Noor 1 dispose d’une puissance de 180 MW,l’ensemble des stations offrira 580 MW pour uninvestissement global de $ 9 milliards.Conjuguées avec le parc éolien de Tarfaya entréen service en décembre 2014 et d’une puissancede 300 MW, ces unités de production permettrontde couvrir plus de 40 % des besoins en électricitédu pays. Elles répondront également à la stratégiemarocaine d’alimenter d’ici à 2030 plus de 50 %des besoins énergétiques de la nation par durenouvelable avec, en outre, une capacité d’expor-tation des excédents vers l’Europe et les pays afri-cains voisins.

Une multiplication des barrageshydroélectriques en Afrique de l’Est et en Afrique centrale

Si le développement du photovoltaïque a étéun des éléments clés de la politique énergétiqueafricaine en 2016, l’hydroélectrique n’a, dansd’autres parties du continent, pas été en reste. Lebarrage hydroélectrique de Soubré, dont laconstruction a démarré en 2013, dans le sud-ouestde la Côte d’Ivoire, devrait notamment être mis enservice en mars 2017. Ajoutant 275 MW à la capa-cité de génération électrique du pays, ce barragepermet d’engager plus en avant le pays vers lerééquilibrage de son mix énergétique en faveur durenouvelable. Même constat pour le Maroc où pasmoins de six projets hydroélectriques sont enphase de développement. Plus à l’Est, en Éthiopie,c’est le barrage Gibe III construit sur le fleuveOmo et effectif depuis 2015 qui a été inauguré endécembre 2016. Il disposera d’une capacité de1 870 MW. L’ambition du pays dans la productionhydroélectrique est, considérable : à Gibe IIIs’ajoute, en effet, le projet Grand EthiopianRenaissance Dam (GERD), un barrage d’unecapacité de 6 000 MW qui aidera le pays à valo-riser un potentiel estimé à 40 000 MW… et àexporter son électricité. Une ambition légitimelorsque l’on sait que l’Éthiopie connaît depuisplusieurs années une croissance économiqueélevée et qu’elle est le deuxième pays africain,derrière la République démocratique du Congo(RDC), en termes de potentiel hydroélectrique.L’hydroélectrique en Afrique, c’est également les

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78 / Les mutations structurelles du continent africain

barrages d’Inga 1 et 2 en RDC dont la rénovationdes turbines initiée en 2014 était toujours d’actua-lité en 2016 (à l’instar de celui de Kariba situé surle Zambèze et alimentant le Zimbabwe et laZambie). La RDC nourrit également de fortesambitions dans le domaine de la productionhydroélectrique au travers du développement dubarrage Inga 3 d’une capacité de 4 800 MW.Celui-ci a néanmoins connu un important coupd’arrêt en 2016 avec le retrait de la Banque mon-diale du projet qui avait accepté de le financer àhauteur de $ 73 millions en 2014. Dans ce paysétait, par ailleurs, signé en juin 2016 l’accord deconstruction d’un autre barrage, cette fois d’unecapacité de 240 MW, qui devrait être effectif en2021. Celui-ci devrait en priorité servir lesbesoins énergétiques du secteur cuprifère de laRDC. À Madagascar, c’est le projet de la centralede Sahofika, d’une capacité de 200 MW, qui est enphase préliminaire de développement, tandis quele Cameroun observe la progression de laconstruction du barrage de 30 MW de LomPangar, dans l’Est du pays. D’une capacité de147 MW, le barrage de Ruzizi III doit, quant à lui,alimenter le Burundi, la RDC et le Rwanda, maiségalement l’East African Power Pool (EAPP), unprojet d’interconnexion électrique rassemblantdes pays du Marché commun de l’Afrique orien-tale et australe (COMESA). À noter, par ailleurs,l’inauguration, en septembre 2015, du barrageguinéen de Kaléta, d’une puissance de 240 MW etle développement de celui de Souapiti, dans lecadre d’un partenariat public-privé avec le consor-tium EDF-Artélia-Nodalis. C’est, en définitive,une longue liste, probablement non exhaustive, deprojets de développement et de réhabilitationd’unités hydroélectriques qui figure sur l’agendade nombre de pays africains.

Le game changer du GNL

Le développement de l’hydroélectricité et del’énergie solaire est, sans aucun doute possible,une stratégie aussi incontournable que pertinentepour valoriser l’extraordinaire potentiel hydrolo-gique et climatique du continent. Ceci ne doitcependant pas occulter que continue à se déve-lopper sur les marchés mondiaux de l’énergie une

révolution aux multiples facettes : celle du gaznaturel liquéfié (GNL). Si cette ressource n’estpas nouvelle, la réalité de son marché interna-tional a évolué radicalement depuis plusieursannées, un phénomène toujours d’actualité. Leséchanges de GNL ont été historiquement orga-nisés autour d’une relation étroite entre un pro-ducteur et un utilisateur, celle-ci étant caractériséepar l’existence de contrats d’approvisionnementsà long terme et à prix indexés. Portés par l’idéeque la demande de GNL ne pourrait être que crois-sante, mais également que la politique énergétiqueeuropéenne leur serait favorable, les producteursont cependant développé une offre additionnelledont le prix se forme désormais sur le marchéspot. Tandis que la révolution du gaz de schiste acontribué à la baisse des prix de l’énergie, l’amé-lioration de la technologie de la liquéfaction via ledéveloppement d’unités flottantes de stockage etde regazéification (FSRU) a accru la flexibilitédes échanges internationaux du GNL. Supprimantles contraintes physiques, géopolitiques et finan-cières associées au gaz terrestre, celui-ci s’est dèslors affirmé comme une opportunité intéressantepour nombre de pays africains dans la définitionde leur mix énergétique optimal. Une vision quepartage notamment Tom Earl, vice-président deTotal, qui avait déclaré, en octobre 2016, croire augrand potentiel du marché africain pour le GNL.Une fois encore, les perspectives d’une explosionde la demande d’électricité justifient cette vision.C’est ainsi que le Maroc a envisagé, en décembre2014, de développer, d’ici à cinq ans, un terminalde regazéification au port de Jorf Lasfar, près de laville d’El Jadida et d’un pipeline vers les villes deCasablanca et Tanger. Un tel terminal devrait per-mettre l’importation de 7 milliards de m3 de gaz etainsi considérablement diversifier les sourcesd’approvisionnement marocaines.

La question centrale du développementdes réseaux électriques africains

Évoquer l’électrification de l’Afrique imposeenfin d’évoquer la question du développement deréseaux intracontinentaux. En Afrique commedans le reste du monde, l’interconnexion desréseaux électriques africains est, en effet, particu-

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lièrement intéressante pour assurer une plusgrande efficience dans la distribution électriqueet, en cela, un plus grand lissage des prix : un picde demande qui ne pourrait pas être satisfait parune source locale peut alors être alimenté par unapprovisionnement en électricité d’un pays voisindont les capacités ne seraient pas pleinementemployées. Il faut ici rappeler que, dans les épi-sodes de très fortes élévations de la demanded’électricité, la France a, par exemple, l’optiond’importer de l’électricité d’Allemagne.

Si les projets d’intégration régionale et sous-régionale sont inscrits à l’agenda politique afri-cain, le secteur énergétique n’est, semble-t-il, pasen reste, comme en témoigne le développementd’une « Africa power vision » décidée par leschefs d’États africains lors du sommet 2014 deDavos et de l’initiative Sustainable energy for all(SE4ALL) soutenue par quarante-quatre paysafricains. Cette interconnexion des réseaux existeentre de nombreux pays africains (notamment enAfrique australe et de l’Est), mais elle devraits’étendre comme en témoigne l’accord trouvé, en2017, entre l’Éthiopie et le Soudan dans le cadrede la mise en œuvre du barrage Grande renais-sance. Cette dynamique s’inscrit, en effet, dans lecadre de l’East African Power Pool créé en 2005et associant initialement le Burundi, la RDC,l’Égypte, l’Éthiopie, le Kenya, le Rwanda et leSoudan auxquels se sont joints la Tanzanie (2010),la Libye (2011) et l’Ouganda (2012). L’ambition ?Assurer la coordination des échanges d’énergieentre les pays membres et, en cela, réduire le coûtde l’électricité. C’est également dans ce but que laCommunauté économique des États d’Afrique del’Ouest (CEDEAO) a créé le Système d’échangesd’énergie électrique ouest-africain (ou WAPP,West African Power Pool). Pour que ce reposi-tionnement soit possible, des investissementsadditionnels en faveur des interconnexions doi-

vent néanmoins être financés. C’est la raison pourlaquelle la BEI a accordé, en 2015, un prêt de€ 85 millions à la Gambie et au Sénégal dans lebut de développer entre les deux pays un réseauélectrique de 925 km d’une capacité de transit de800 MW. En 2013, la BAD a, pour sa part,accordé un prêt de $ 145 millions au projet d’in-terconnexion des réseaux de la Côte d’Ivoire, duLiberia, de la Sierra Leone et de la Guinée. Ildevrait être a priori achevé en 2019. Au Maroc,l’extension du réseau de 400 kV qui va jusqu’àDakhla en direction de la Mauritanie couplé aufort développement du potentiel de génération estégalement probablement un pas dans cette direc-tion de l’interconnexion. Cette analyse ne sauraitêtre complète sans évoquer les smarts grids, cesréseaux électriques intelligents permettant auxutilisateurs de moduler leur demande en fonctionde leurs besoins et qui s’avèrent, en cela, particu-lièrement utiles dans le cadre d’une générationélectrique via des ressources énergétiques inter-mittentes telles que le solaire. Une opportunitédont l’Afrique a pleinement pris conscience.

C’est, en définitive, une vision à la fois prag-matique et ambitieuse qui préside à la mise enœuvre du développement de l’accès à l’électricitédu continent africain. L’extraordinaire potentielen ressources hydriques de certains pays et le tauxd’ensoleillement des autres légitiment très large-ment la volonté affichée d’accroître la part durenouvelable dans le power mix africain. Voiemédiane dans la recherche d’une plus grande per-formance environnementale, le GNL pourrait éga-lement jouer un rôle croissant dans certains paysdu continent. En raison des besoins considérablesà satisfaire et de propriétés physiques et énergé-tiques différentes, énergies renouvelables et nonrenouvelables se complètent davantage qu’ellesne s’opposent.

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+ 1 Caoutchouc+ 1 Minerai de fer+ 1 Graines de colza (€)

0 Riz Thaïlande

+ 2 Café

+ 2 Beurre Océanie

+ 2 Viande bovine Argentine

+ 4 Charbon vapeur Europe

+ 4 Taux de change effectif du dollar

+ 4 Bois de construction US

+ 4 Graines de soja

+ 5 Huile de soja

+ 5 Porc Europe

+ 5 Coton

+ 5 Plomb

+ 7 Laine

+ 8 Or

+ 8 Zinc

+ 8 Beurre Europe+ 9 Argent

+ 12 Étain

+ 12 Charbon à coke

+ 13 Huile de palme

+ 15 Charbon vapeur Asie

CyclOpe (hors métaux précieux et pétrole) - 4

Tourteau de soja - 4

Aluminium - 4

Fret maritime sec - 5

Maïs - 6

Platine - 6

Pâte à papier - 6

Ferrailles US - 7

Cacao - 8

Poudre de lait Océanie - 8

Porc US - 8

CyclOpe (ensemble) - 10

Cuivre - 11

Palladium - 11

Pétrole WTI - 11

Blé Europe (€) - 12

Blé Chicago - 14

Viande bovine US - 16

Pétrole Brent - 16Nickel - 19

Gaz naturel GNL Asie - 34

Gaz naturel Europe - 34

Gaz naturel US - 4

Viande bovine Europe (€) - 3

Poudre de lait Europe - 3

Porc Brésil - 3

+ 34 Sucre

+ 34 Huile de coprah

Les prix des matières premières en 2016(variation moyenne 2016 sur moyenne 2015)

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Deuxième partie

Les grands marchés de l’Afrique

Grains et agriculture tempérée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 Céréales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .84 Riz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .93 Coton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .100 Produits tropicaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .109 Café . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .111 Cacao . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .119 Sucre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .127 Thé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .135 Vanille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .140 Fruits tropicaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .144 Sisal et fibres dures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .149 Bois tropicaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .154

Produits animaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .161 Produits de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .163 Viandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .169 Minerais, métaux et engrais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .175 Minerai de fer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .177 Bauxite et aluminium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .184 Cuivre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .189 Petits métaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .197 Métaux précieux, diamants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .214 Engrais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .223

Énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .229 Pétrole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .230 Gaz naturel et GNL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .238 Charbons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .245

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Grains et agriculture tempérée

• Céréales

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Il y a un an, le panorama de la campagne2015-2016 s’est achevé sur la crainte de voir seperpétuer lourdeur et morosité en 2016-2017 : unecrainte qui s’est réalisée... Aucun des facteurshaussiers alors identifiés n’a eu d’effet durable ounotable et ceux qui s’y sont ajoutés ont fait choublanc. Non pas qu’ils fussent absolument négli-geables ! Mais les acteurs ne les ont pas pris ausérieux et ils ont in fine eu plutôt raison puisque,une fois encore, la production va très probable-ment excéder la consommation. Un retour enarrière s’impose pour le comprendre.

La complexité égyptienne

Au printemps 2016, plusieurs questions ontagité les opérateurs au sujet de l’Afrique : unesituation inextricable en Égypte, une récolte 2015désastreuse en Afrique de l’Est et du Sud, et desombres perspectives au Maroc. Depuis le débutde l’année 2016, l’Égypte, s’appuyant sur undécret de 2001 pourtant contredit par un règle-ment de 2010, a interdit l’importation de blé com-portant la moindre trace d’ergot tandis qu’aupara-vant, la limite reprenait les normes du Codex ali-

Céréales

La campagne céréalière 2015-2016 s’est caractérisée par des prix bas et l’absencede tendance claire ; cette ambiance déprimante se poursuit en 2016-2017 : malgréquelques accidents climatiques, en Afrique de l’Est et en Inde en particulier, laproduction mondiale est en effet chroniquement supérieure à la consommationdepuis 2013. Si les années passées prouvent assez clairement qu’il est tout à faitprématuré d’augurer des rendements de l’hémisphère nord au mois de février, ilreste possible de constater que, pour l’heure, aucun facteur négatif ne s’est dégagé.Or une campagne de plus sans claire reprise des prix mettrait à mal plus d’un ac-teur de la filière. Dans un contexte d’abondance céréalière mondiale, l’Afrique a,quant à elle, connu deux années successives de mauvaises récoltes en 2015-2016et en 2016-2017, dans des zones certes différentes : sécheresse sévère dans le Norddu continent en 2015 puis dans l’Est en 2016. Les importations ont donc bondi dequelque 8 Mt par rapport à 2014-2015.

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mentarius à 0,05 %. Les raisons profondes decette évolution restent partiellement obscures. Ilconvient, par ailleurs, de souligner combien laquestion du pain est importante dans ce pays : iln’y a pas un jour sans que l’on évoque la questiondans les journaux, à la radio et à la télévision.Dans ces conditions, revenir à un taux de 0,05 %après avoir clamé que la moindre trace d’ergotallait tuer des d’Égyptiens et ravager le secteuragricole n’était pas facile ! À la mi-février 2016,les choses semblaient pourtant rentrées dansl’ordre, mais la saga va en fait perdurer plus de sixmois, alternant les autorisations d’importer du blécontenant jusqu’à 0,05 % d’ergot et les interdic-tions pures et simples. Chaque fois que le niveauchutait à zéro, les candidats aux appels d’offres se

sont faits très rares. En avril, le gouvernementrecevait un rapport de l’Organisation des Nationsunies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)sur les niveaux acceptables d’ergot, mais aucunedécision n’en découla. Des bateaux ont régulière-ment été refusés. À cet imbroglio s’ajoutait unesituation financière désastreuse : le trafic du canalde Suez stagne et le tourisme est en chute libre, cequi a drastiquement réduit les recettes du paysdont l’économie dépend en partie des monarchiesdu Golfe – elles y ont investi plus de $ 20 mil-liards en trois ans – et du Fonds monétaire inter-national (FMI).

Cette situation n’est sans doute pas étrangère àla réforme en cours du secteur céréalier : naguère,le pain était subventionné afin de permettre

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l’accès de tous à cette base de l’alimentation.Logiquement, ce système a conduit à du gaspil-lage et à des détournements. Un peu comme enIran, et non sans polémiques, il a donc été décidéde passer progressivement à un système de cartesélectroniques permettant à chaque familled’acheter cinq pains baladi chaque jour ; les mon-tants non utilisés sont crédités à une valeur doubledu prix du pain et donnent accès à des achats d’au-tres produits alimentaires, ce qui constitue uneforte incitation à n’acheter que le pain nécessaireà l’alimentation. Il est difficile de chiffrer l’éco-nomie de blé qui en découlerait : on parle de 1 à1,5 Mt. Mais, dans le même temps, deux millionsd’Égyptiens naissent chaque année... In fine, leGeneral authority for supply commodities

(GASC) a acheté en 2015-2016 autant de bléqu’en 2014-2015, soit un peu plus de 5 Mt.

Un peu plus à l’ouest, en même temps qu’il seconfirmait que la récolte de blé marocaine 2016allait être désastreuse à cause d’une sécheresse his-torique, un flux d’importations beaucoup plusimportant que prévu indiquait que la moisson de2015 n’avait pas atteint le record qu’on avaitannoncé. Les importateurs ont demandé au gouver-nement de réduire au minimum la période estivalependant laquelle les importations sont restreintespar des droits de douane élevés. Et pour la premièrefois, le gouvernement marocain a permis des impor-tations au-delà de la fin avril, jusqu’à la fin juin.

L’Algérie a terminé la campagne 2015-2016avec des importations de céréales en hausse : le

86 / Grains et agriculture tempérée

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pays a puisé dans ses réserves financières accu-mulées lorsque le pétrole était cher afin degarantir la paix sociale.

À l’est du continent, le puissant épisode El

Niño avait dévasté en 2015 les récoltes de céréalesà paille : au printemps 2016, les agriculteurs deces pays ont cruellement manqué de semence. Lesmassives importations nécessaires se sont maté-rialisées au cours du premier semestre 2016. Lazone, qui s’étend de l’Éthiopie à l’Afrique du Sud,a ainsi importé quelque 2 Mt de blé de plus qu’en2014-2015, ce qui n’apparaissait guère dans lesprévisions de la fin de début de campagne, mais

n’a néanmoins pas perturbé le marché. Seul leSoudan, pourtant également pénalisé, a réduit sesachats, dans la mesure où les importateurs ontcessé d’être aidés par le gouvernement. Enrevanche, le pays a annoncé au printemps 2016qu’il était disposé à concéder 420 000 hectares àdes investisseurs saoudiens pour produire du bléet de l’orge.

En dehors des soucis à l’est, l’Afrique subsa-harienne a poursuivi en 2015-2016 la progressionde ses achats de céréales ; seul le Nigéria a stagné,en raison de la crise qui agite le pays et de ladépression des prix pétroliers. Dans ce pays, on

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remarque aussi une chute significative des impor-tations en provenance des États-Unis, au profit dela Russie, du Canada, de l’Australie et des pays dunord de l’Europe.

En Afrique du Sud et dans les pays voisins, lemarché du maïs aussi s’annonçait fort tendu :après une récolte décevante en mai 2015, celle de2016 s’est avérée encore plus faible, nécessitantdes importations proches de 3 Mt : le pays a subiune des pires sécheresses du siècle. Non seule-ment l’Afrique du Sud n’a pas eu assez de maïspour ses besoins domestiques, mais le pays n’apas pu exporter vers ses voisins. Ajoutons qu’uneproportion significative du maïs sud-africain estdu maïs blanc et que les producteurs de cettevariété sur la planète ne sont pas légion...

La campagne 2015-2016 s’est soldée par uneaugmentation planétaire des flux de blé de plus de10 Mt, un sursaut exceptionnel lié à une augmen-tation vertigineuse de la demande en Asie et en

Afrique. La première à cause d’une croissanceorganique, mais aussi de mesures politiquescomme en Indonésie. La seconde combinant unecroissance elle aussi organique – c’est en Afriqueque la population augmente le plus rapidement –avec un grave accident climatique à l’est du conti-nent.

Le 11 juillet 2016, l’Égypte publia, enfin, undécret portant le taux admissible d’ergot à0,05 % : dès l’appel d’offres qui suivit, le nombred’opérateurs y répondant bondit. Mais le 28 août,le ministre de l’Agriculture interdit derechef toutbateau comportant la moindre trace d’ergot !Résultat, fin septembre, les achats du GASCétaient en retrait de presque 1 Mt sur ceux del’année précédente. En octobre, le problème sem-blait en voie de règlement tandis que de nouvellesrègles de contrôle à l’importation se mettaient enplace. Le Parlement a décidé aussi de lancer uneenquête sur les rumeurs insistantes de fraude : les

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premières visites ont effectivement prouvé que lesstocks déclarés ne correspondaient pas aux stocksphysiques et des mises en examen furent décidéesavec, en outre, une démission du ministre del’Approvisionnement. Quant au système de cartesde rationnement, occasionnant déjà nombre defraudes, on annonçait qu’elles allaient passer sousle contrôle du ministère de l’Industrie militaire.La dévaluation soudaine de plus de 50 % de lalivre égyptienne par rapport au dollar mettait àmal les importateurs qui n’avaient par « couvert »leurs lignes de crédit ouvertes en monnaie locale :on avance que les quatre plus grands importateurségyptiens y auraient perdu quelque $ 500 mil-lions ! À la fin de l’année 2016, le gouvernementa aussi annoncé son souhait de réduire le nombrede bénéficiaires de pain subventionné : début2017, il déclare que les familles bénéficiaires pas-seront de 84 à 70 millions avec un objectif ulté-rieur à 30 millions ! Pas très populaire dans unpays où l’inflation flirte avec les 25 %... Début2017, l’Égypte a décidé d’appliquer le prix mon-dial du blé comme référence pour le paiement dela prochaine récolte domestique : le prix serait cal-culé sur la base de la moyenne des prix des appelsd’offres du GASC durant les deux mois précédantla récolte, ce qui pourrait aboutir à quelque€ 180/t. Les années précédentes, le prix d’achatétait fixé largement au-dessus du prix mondial, à

€ 300/t en 2016 par exemple, ce qui était la porteouverte à de nombreuses fraudes, des opérateurslocaux pouvant importer du blé pour ensuite lerevendre comme du blé local. Par ailleurs, début2017, aucun accord n’est encore intervenu entreles importateurs et le gouvernement : la Banquecentrale refuse leurs conditions.

Le repli des exportations françaisesvers l’Afrique

Après un début de campagne 2016-2017 enfanfare, il se confirma dès septembre que laFrance serait beaucoup moins présente surl’Afrique que d’habitude : outre le fait que la pro-duction de blé a plongé de près de 41 Mt en 2015à 28 Mt en 2016, la qualité s’est avérée probléma-tique : si la teneur en protéine était élevée, la qua-lité du gluten ne satisfaisait pas les boulangers etle poids spécifique était très bas. Ce qui allaitposer des problèmes vers l’Algérie : l’Office algé-rien interprofessionnel des céréales (OAIC) exigeen effet un poids spécifique de 77 kg/hl à l’ar-rivée. Logiquement, les origines du nord del’Europe allaient, comme en 2014, en tirer avan-tage. Au reste, l’Algérie présente une situationsingulière dans le paysage africain : ce pays s’estcontraint à importer essentiellement du blé fran-çais ou au moins européen, en particulier au tra-

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vers de critères qualitatifs restrictifs. Il est clairque les difficultés financières liées à la chute dras-tique du prix du pétrole ont incité le gouverne-ment à remettre en cause cette sorte de « rente desituation ». Au reste, les polémiques qui ont sou-ligné combien s’interdire d’importer du blé russecoûte cher au pays n’ont pas manqué dans lapresse locale. Pour l’heure, le statu quo est derigueur, mais pour combien de temps ? Cela dit, ilsemble tout de même que l’Algérie soit partiepour importer un peu moins que les 6,5 Mt de lacampagne 2015-2016. La question des originesreste aussi ouverte : la part de la France va néces-sairement baisser pour cause de mauvaise qualité ;les pays d’Europe du Nord vont s’y substituer par-tiellement, tout comme l’Argentine. Par ailleurs,combien les États-Unis, a priori bien peu compé-titifs, vendront-ils finalement ? Le pays a aussiannoncé la fin de la subvention de l’orge. Et sansdoute le système de subvention du pain va-t-il,comme en Égypte, évoluer.

Comme on pouvait le craindre, la récoltemarocaine de céréales s’est avérée finalementpresque trois fois plus faible qu’en 2016. Et lesimportations ont pu commencer dès le 15 août,beaucoup plus tôt que d’habitude. Vers le Maroc,la France s’est aussi signalée par sa quasi-absence. En septembre, le pays a officiellementdemandé à rejoindre l’Organisation de l’unionafricaine, qu’il avait quittée en 1984, et enoctobre, le Roi Mohammed VI s’est engagé dansune tournée en Afrique de l’Est (Rwanda,Tanzanie, Éthiopie) avec, à la clef, des accords decoopération économique et agricole.

Vers l’Afrique subsaharienne, les exportationsfrançaises ont aussi été en déclin marqué cette

année. Longtemps, les pays d’Afrique de l’Ouestont constitué une sorte de chasse gardée desexportateurs de blé français. Dans une zone où lademande ne cesse d’augmenter à cause de la pres-sion démographique et de l’enrichissement de lapopulation, les ventes françaises sont passées de1,0-1,25 Mt au début des années 2000 à plus de2 Mt ces dernières années. Mais les problèmesqualitatifs de la récolte française en 2016 ontrebattu les cartes : les meuniers de ces pays goû-tent à d’autres origines, en particulier au blé russe,et l’on peut augurer que, comme au Maroc depuisquelques années, l’origine française devra désor-mais faire face à une concurrence plus vive quenaguère.

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Une abondance qui devrait a priori

perdurer

À l’orée du printemps, les facteurs clairementhaussiers font donc défaut. La campagne 2016-2017 est a priori bien lourde : augmentation desstocks de fin de campagne tant en maïs qu’en blé :la planète a connu un record historique de produc-tion de céréales, tout près de 2,1 milliards detonnes ! Les prix déprimés qui en ont découlé ontaussi permis aux importateurs chroniques de fairede substantielles économies. En blé, l’Argentine arécolté 15 à 15,5 Mt – contre 11,3 en 2015 – etl’Australie a produit quelque 32 Mt, soit 8 Mt deplus qu’en 2015. Les semis d’hiver n’ont guèreété affectés par l’épisode de froid du mois de jan-vier et, si l’on multiplie les surfaces semées dansl’hémisphère nord par un rendement tendanciel– calcul le plus pertinent à cette date –, la produc-tion de céréales d’hiver devrait être élevée.Comme il est peu probable que, d’ici fin juin2017, la Russie et l’Australie aient pu exportertoutes leurs disponibilités de blé, les stocks dereport y seront élevés. Le fait qu’aux États-Unis,

les surfaces de blé d’hiver soient les plus faiblesdepuis 1909 ne perturbe, par ailleurs, guère lesesprits.

En cette fin d’hiver 2016, les conditionsmétéorologiques sont favorables dans le Nord ducontinent africain : les précipitations des derniersmois, en particulier en décembre, ont été suffi-santes et les semis d’hiver se sont bien déroulés.Le sud du continent est également favorisé. Lesrécoltes en Afrique de l’Ouest s’annoncentbonnes. En revanche, la sécheresse menace dere-chef en Afrique de l’Est : les semis de maïs, de riz,de millet sont retardés au Kenya, en Tanzanie, auBurundi.

Il ne faut bien sûr présumer de rien, dans lamesure où les plus violentes hausses de prix desdernières années sont venues d’événementsmétéorologiques qui se sont produits en juin et enjuillet. Pour enclencher une tendance franche etdurable, encore faudrait-il qu’ils conduisent à uneréduction très substantielle – 20 à 40 Mt – et dansdes zones sensibles, en particulier en Russie et enUkraine.

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Un marché mondial chahuté

Si les cours mondiaux du riz ont, en moyenne,faiblement progressé sur l’année 2016, leur varia-bilité a été importante, notamment en Asie : aprèsune hausse marquée au cours du premiersemestre, ceux-ci sont fortement repartis à labaisse sur les mois suivants, ne reprenantquelques couleurs qu’en toute fin d’année. EnThaïlande, deuxième exportateur mondial avec9,6 Mt de riz exporté en 2016, le prix du riz Thaï100 B (moins de 5 % de brisures) s’est ainsi ins-crit en hausse de 2 % entre 2015 et 2016, passantd’une moyenne annuelle de $ 386/t à $ 394/t. Enbase mensuelle cependant, il a progressé de plusde 18 % entre janvier et juillet, passant de $ 369/tà $ 436/t, pour chuter d’un peu moins de 16 %entre juillet et novembre. Alors que la référencevietnamienne (Viet 5 %) est restée stable à $ 358/ten moyenne pour 2016, les prix en Inde ont, quantà eux, faibli de 1,5 % sans néanmoins franchir leprix plancher de $ 350/t. Leurs trajectoires ont

cependant été similaires à celle observée pour lesprix des riz thaïlandais avec un point haut atteinten mars pour les riz vietnamiens et en juillet pourles références indiennes.

Comment comprendre cette évolution ? Decôté de l’offre, la production mondiale a progresséde façon très modérée. 748 Mt de riz paddy (soit496 Mt en base riz blanc) ont en effet été pro-duites en 2016 contre 740 Mt l’année précédente.Parmi les raisons de ce faible accroissement : uneaugmentation des surfaces ensemencées et unepluviométrie élevée en Asie du Sud, mais une pro-duction décevante en Indonésie, en Malaisie et auVietnam. Conjuguée à une relative faiblesse de laproduction en Amérique latine et à une demanded’importation importante en Asie, et ce, en dépitd’une demande chinoise plus faible que prévue,l’année 2016 aurait donc pu s’inscrire sous debien meilleurs auspices. Les stocks mondiaux,évalués à 174,7 Mt en 2016 contre 171 Mt en2015 selon les statistiques de l’Organisation desNations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

Riz

Une hausse très modérée de la production mondiale, des prix en légère progressionsur l’année, des stocks en retrait, mais toujours importants et des échanges interna-tionaux en baisse en raison, notamment, d’une atonie de la demande asiatique : lemarché mondial du riz a connu une année 2016 en demi-teinte. Si la production aglobalement progressé en Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest et de l’Est, lasécheresse provoquée par El Niño a pesé sur les récoltes de l’Afrique australe. Endépit de mesures visant à développer la riziculture et de belles performances depays comme le Mali, l’offre demeure néanmoins en déficit chronique face à des besoins qui ne cessent de croître.

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2016 2017(e) (p)

Riz paddy735.7 744.6 744.8 739.8 748.0205.9 205.2 208.2 209.8 208.6157.9 160.0 158.2 156.5 161.569.1 71.3 70.8 73.0 71.950.8 51.2 51.8 52.5 52.542.3 44.0 45.0 45.2 43.938.0 36.8 33.4 28.5 31.129.0 28.3 28.2 27.5 28.013.6 11.8 12.1 12.4 10.610.5 10.9 10.8 10.5 10.7

38.4 40.1 45.6 44.7 42.0 43.06.7 6.6 11.0 9.8 9.9 9.97.7 6.7 8.0 6.5 5.0 6.03.3 3.3 3.0 3.5 3.2 3.610.4 10.8 11.0 11.2 9.9 9.83.4 4.0 3.6 4.1 4.3 4.40.3 0.5 0.4 0.3 0.5 0.46.6 8.2 8.6 7.8 9.2 8.1

1.3 1.4 1.6 1.8 1.8 1.93.0 3.5 5.9 7.1 6.4 6.61.8 0.7 1.3 1.3 1.3 0.81.5 2.2 1.7 0.8 1.0 1.03.4 2.4 3.3 2.2 2.3 2.50.2 0.2 0.3 0.2 0.2 0.21.5 1.0 1.8 2.0 1.0 1.21.2 1.3 1.4 1.6 1.3 1.40.7 0.7 0.7 0.7 0.7 0.70.7 0.7 0.6 0.3 0.7 0.7

8.6 8.9 14.4 14.9 13.0 13.313.6 13.1 15.2 13.7 14.1 14.39.4 9.5 8.5 7.9 7.4 7.83.7 3.6 3.6 3.8 4.1 4.03.4 3.3 3.3 3.4 3.4 3.5

(Sources : FAO & USDA, 2017)

Riz(en millions de tonnes)

ThaïlandeVietnamÉtats-UnisIndePakistanChineAutres

Importations mondialesUE-28Chine Indonésie IranNigéria Russie Philippines Arabie Saoudite Japon Brésil

ChineIndeIndonésieBangladeshVietnamThaïlandeBirmanieBrésilJapon

Riz décortiquéExportations mondiales

2014 20152012 2013

Production mondiale

Asie orientaleAfriqueProche et Moyen-Orient Amérique latinePays industriels (hors Japon)

Stocks de clôture 161.0 175.6 171.5 174.7 171.0 170.3

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(FAO), ont néanmoins mis un frein à cette dyna-mique haussière. Les ventes importantes de laThaïlande, alimentées par des stocks de riz demauvaise qualité constitués à partir de 2009, ontnotamment contribué à l’affaissement des prixobservé au second semestre. De quoi rappeler quele marché du riz demeure sous le joug des excé-dents d’exportation et d’une concurrence féroceentre pays exportateurs.

La situation africaine : un déficitchronique face à des besoins toujourscroissants

Comme en témoigne la place de deuxièmeplus grand importateur mondial occupé par leNigéria, le riz, produit emblématique traditionnel-lement cultivé et consommé en Asie, occupe aussiune place prépondérante dans la diète alimentairedes populations africaines. Ceci est d’autant plusvrai que sa consommation explose depuis lesannées quatre-vingt-dix : elle a ainsi dépassé34 Mt (en équivalent riz blanc) en 2016, soit 25 %des céréales consommées en Afrique subsaha-rienne, juste derrière le maïs. Il existe cependantde fortes disparités en termes de consommation etde dynamiques de marchés. L’Afrique de l’Ouestconstitue le principal marché du riz du continent– avec 60 % du total consommé –, et le plus dyna-mique en termes de transitions alimentaires. Laconsommation moyenne par habitant est de45 kg/hab et elle progresse à un rythme annuel de2,5 % an. Cette consommation se situe au doublede la consommation moyenne sur l’ensemble del’Afrique subsaharienne et tend à se rapprocher dela consommation moyenne mondiale, cette der-nière étant fortement influencée par la consomma-tion asiatique qui représente 90 % de la consom-mation mondiale. L’un des principaux détermi-nants de la croissance de la consommation ouest-africaine, mais aussi en Afrique centrale et aus-trale, tient à la pression démographique et à laforte urbanisation. Le taux d’urbanisation de lapopulation ouest-africaine aurait en effet déjàdépassé le seuil de 50 % en 2016 et pourraitatteindre 60 % vers 2035. Or, c’est dans les villesque la consommation de riz est la plus élevée, carc’est un produit facile d’accès, grâce aux riz

importés, et rapide à préparer par rapport auxcéréales traditionnelles (mil et sorgho). Les tradi-tions culinaires constituent aussi un autre détermi-nant dans les préférences alimentaires. Il s’agit dela seule région d’Afrique où le riz est endémiqueavec des espèces cultivées depuis plusieurs mil-liers années. Cette spécificité lui confère un poidsbien plus important dans les habitudes alimen-taires que par rapport au reste de l’Afrique. Aussi,la production continue à s’améliorer grâce à uneextension des surfaces cultivées et des rendementsqui progressent, même s’ils restent parmi les plusfaibles au niveau mondial. Ces progrès demeurenttoutefois insuffisants face à des besoins toujourscroissants. En effet, malgré les objectifs affichéspar bon nombre de pays de la région de réduire ladépendance rizicole, le taux de couverture desbesoins de consommation stagne autour de 55 %.Si des initiatives privées et des soutiens publicspour relancer les filières locales et accroître dura-blement la production ont bien connu une certaineréussite durant les premières années post-crise2008, elles n’ont cependant pas réussi à renverserla situation de dépendance aux importations dansles approvisionnements rizicoles. L’Afrique sub-

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saharienne demeure ainsi le premier pôle d’impor-tation avec environ un tiers des importations mon-diales.

Une production qui reste insuffisante

En 2016, la production de riz en Afrique aconnu une hausse significative de 5 %, atteignant,pour la première fois, un volume de 30 Mt (20 Mt

en base riz blanchi). Ces bons résultats ont été sur-tout notables dans les régions occidentales ayantbénéficié de bonnes conditions climatiques avecdes pluies abondantes. Cela a notamment été lecas au Nigéria où la production a progressé de4 % à 5 Mt (3 Mt en base riz blanc). Les prixinternes élevés (en raison des limitations desimportations), des aides aux crédits de campagneet des subventions aux intrants ont également

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favorisé l’extension des surfaces ensemencées. LeMali a connu une évolution similaire : les condi-tions ont été favorables et ont permis un bond de22 % de la production, à 2,8 Mt (1,7 Mt en baseriz blanc). Ce pays fait ainsi figure de success his-

tory avec une production locale qui progresse à unrythme moyen de 8 % par an depuis la crise de2008. Ce succès lui a permis de maintenir un tauxd’autoapprovisionnement qui dépasse 90 %, cequi est remarquable compte tenu de la moyennede 60 % observée pour l’ensemble du continent.De plus, le Mali pourrait dégager, en 2017, unexcédent de 400 000 tonnes.

Au Sénégal, qui vise aussi l’autosuffisance rizi-cole, les résultats se sont avérés être beaucoup plusmitigés, et ce, malgré une amélioration significa-tive de la production locale depuis la mise en placed’un plan de relance de la riziculture après la crisede 2008. En 2016, la production aurait progressé de15 % à 900 000 tonnes (665 000 tonnes en base rizblanc), mais dans le même temps, les importationsn’ont guère régressé et s’élèveraient encore à1,2 Mt en moyenne par an (en base riz blanc), soit

près de deux tiers des besoins pour la consomma-tion locale. La Guinée (Conakry) fait aussi partiedes grands pays africains à tradition rizicole. En2016, la production a atteint 2,1 Mt (1,4 Mt en baseriz blanc), la plaçant dans le trio de tête en Afriquede l’Ouest, derrière le Nigéria et le Mali. Malgrédes difficultés économiques récurrentes, la produc-tion continue à progresser à un rythme de 5 % paran et, bien que les importations progressent ellesaussi au même rythme, celles-ci ne représentent enmoyenne qu’un quart de la consommation domes-tique. En Côte d’Ivoire, la production rizicole a, enrevanche, encore du mal à redécoller après lesannées de guerre civile qu’elle a traversée dans lesannées deux mille dix. La production n’a en effetprogressé que très lentement, 2 % par an enmoyenne, dépassant à peine 500 000 tonnes (baseriz blanc) en 2016. Les importations, elles, ont aug-menté de 6 % par an depuis 2010. Elles s’élève-raient ainsi à 1,4 Mt en 2016 (en base riz blanc),soit les trois quarts des besoins nationaux. À l’estdu continent, les bonnes conditions climatiques ontété favorables aux cultures, et notamment en

Deux exemples de mesures structurelles de relance

de la production rizicole après la crise de 2008

Outre les mesures de politiques commerciales et les politiques de soutien aux consommateursengagées immédiatement après la flambée des prix, les gouvernements ouest-africains ontaffiché leur détermination à mettre en place des programmes ambitieux de soutien au secteuragricole et, en particulier, à la production rizicole. Au Mali, « l’Initiative riz », lancée en 2008,visait essentiellement à améliorer l’accès des producteurs aux intrants par des subventions(engrais et semences améliorés) et du crédit (engrais et équipements agricoles). Au Sénégal, legouvernement a lancé un important plan visant à rendre le pays autosuffisant en riz. AuProgramme national d’autosuffisance en riz (PNAR), mis en place avant la crise, a succédé l’ini-tiative de la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (GOANA) annoncée engrande pompe par le président Wade en avril 2008. L’intensification durable de l’irrigation descultures rizicoles dans la vallée du fleuve Sénégal, représentant 70 % de la production nationalede riz, a été définie comme une priorité nationale. Les résultats des campagnes agricoles post-crise ont été encourageants dans les deux pays. Le Mali a réussi à préserver son autosuffisancerelative en riz, et même à dégager des surplus. Pour le Sénégal en revanche, malgré une progres-sion notable de la production, à un rythme moyen de 15 % par an, les importations ont continuéà progresser, passant de 1 Mt en 2007 à 1,2 Mt en 2016. Le taux d’autoapprovisionnement s’estcertes amélioré, passant de 15 % avant à la crise à 25 % en 2016, mais on reste encore très loindes objectifs d’autosuffisance en riz prônés par les gouvernements successifs du Sénégal.

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Tanzanie où la récolte de riz a connu un niveaurecord à 3 Mt (2 Mt en base riz blanc) grâce à desmeilleurs rendements. Par contre, dans les régionsaustrales du continent, les campagnes rizicoles sesont révélées plus ardues en raison de la séche-resse provoquée par El Niño. À Madagascar, laproduction aurait ainsi avoisiné 3,7 Mt en 2016(1,5 Mt en base riz blanc), soit un niveau inférieurà la moyenne des trois dernières années.

Des importations en progression modérée

En 2016, les importations africaines de riz ontprogressé de 3 % à 14,1 Mt, contre 13,7 Mt en2015. Toutefois, la demande d’importation desprincipaux importateurs africains a été moins sou-tenue que celles des années précédentes grâce àune nouvelle amélioration de la production locale.Au Nigéria, premier importateur africain, etdeuxième sur le plan mondial derrière la Chine,les achats sur les marchés extérieurs auraientdépassé 2,3 Mt en 2016. Ce volume est certeslégèrement supérieur à celui de 2015, mais il resterelativement faible si on le compare aux 3,4 Mtimportées en 2014. Cette baisse significative tientà de multiples facteurs. La baisse des revenuspétroliers et la dépréciation du naira par rapport audollar ont contraint le Nigéria à réduire ses impor-tations. Ceci a aussi eu pour effet d’augmenter lesprix internes et d’encourager les producteurs àaccroître les surfaces rizicoles. Le prix de gros duriz importé est ainsi passé de $ 1/kg en janvier2016 à $ 1,20 fin 2016, avec des pointes à $ 1,40à la mi-2016. Quant aux riz locaux, les prix ontconnu également de fortes hausses : de $ 1,40/kgen janvier 2016 à $ 1,70 en décembre 2016, avecdes pointes à $ 2,60 en mai 2016. Ces mouve-ments haussiers ont aussi été causés par le très fortrelèvement des tarifs douaniers (d’environ 100 %)pour tenter de limiter les importations officielles.Or, ces mesures ont été contournées par les com-merçants nigérians qui ont régulièrement eurecours à des importations « informelles » depuisle Bénin, où le riz asiatique, en particulier, arriveen grande quantité via le port de Cotonou. En2016, en se basant sur les statistiques officiellesdes principaux exportateurs mondiaux et les sta-

tistiques internationales, les « réexportations » duBénin vers le Nigéria ont ainsi pu être estimées àprès de 2 Mt.

Au Sénégal, la politique de soutien à la pro-duction et à la commercialisation du riz local a,quant à elle, permis de stabiliser les importations.La substitution du riz importé reste cependantencore très partielle. Les mesures visant notam-ment à accorder des licences d’importation encontrepartie d’achat de riz local ne concernentqu’une faible part des volumes commercialiséspar les importateurs sénégalais : moins de 4 %. Sila prédominance des riz importés sur les marchéssénégalais est contraire aux objectifs d’autosuffi-sance affichés par le gouvernement, la stabilitédes prix internationaux en 2016 a fortementinfluencé les prix internes sur les marchés deconsommation. Ainsi, le prix du riz importé audétail à Dakar a connu une grande stabilité duranttoute l’année 2016, autour de $ 0,60/kg. Enrevanche, les fluctuations des prix à la consomma-tion ont été plus sensibles en région, et notammentdans les zones de production en raison de laconcurrence saisonnière avec le riz local. EnAfrique du Sud, la demande d’importation estrestée toujours aussi ferme, car ce pays dépendexclusivement du reste du monde pour satisfairedes besoins de consommation qui ont fortementévolué depuis trois décennies. Autrefois plutôtconsommateur de maïs, l’Afrique du Sud a eneffet opéré un virage notable depuis la fin desannées quatre-vingt-dix. Le volume des importa-tions de riz est en effet passé d’une moyenne de500 000 tonnes à 800 000 tonnes dans les annéesdeux-mille-dix. En 2016, les importations attein-draient 1 Mt. En Côte d’Ivoire aussi, malgré untriplement de la production locale depuis la fin dela guerre civile, les importations de riz ont fait unbond au début des années deux-mille, passant de500 000 tonnes en moyenne à 1 Mt dans lesannées 2010. En 2016, elles avoisineraient 1,4 Mt.

La demande d’importation ne devrait pas faiblir en 2017

En 2017, les conditions pluviométriques dansles principales régions rizicoles seront détermi-nantes pour le niveau des récoltes, car, pour une

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large part, le riz est cultivé sans maitrise totale del’eau. En effet, la riziculture irriguée, qui pourtantreçoit une part très importante des investissementsnationaux et internationaux, représente moinsd’un quart des surfaces rizicoles africaines, et prèsde 40 % de la production. Les besoins de consom-mation continueront à progresser et la demanded’importation ne devrait pas faiblir, malgré unpossible frémissement des cours mondiaux durant

la première moitié de l’année 2017. Les approvi-sionnements seront donc, pour l’essentiel, assurésune nouvelle fois par les exportateurs asiatiques,notamment indiens et thaïlandais. Pour ces der-niers, les marchés africains représentent desdébouchés stratégiques et un énorme enjeu finan-cier : la valeur cumulée des importations afri-caines de riz aurait représenté, en 2016, plus de7 milliards de dollars.

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2016 : deux fois plus fort que 2015 !

Deux indicateurs sont disponibles pour appré-hender l’évolution des prix du coton : le marché àterme de New York et l’indice Cotlook. Le pre-mier cote un coton américain livré aux États-Unis,le second un panel d’origines Cif Extrême-Orient.Plusieurs origines africaines étant reprises dans

l’indice Cotlook (Bénin, Côte d’Ivoire, Mali,Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Zambie,Zimbabwe, Tanzanie), c’est celui-ci qui doit iciprévaloir.

En 2015, cet indice a évolué dans une four-chette relativement étroite entre cts 65 et 75/lb(Cfr, Extrême Orient) avec une moyenne annuellede cts 70,50/lb. En 2016, l’amplitude a doublé

Coton

Après une année 2015 qui avait affiché une stabilité à laquelle le marché du cotonn’était plus habitué, 2016 a sonné un réveil en fanfare. Entre le plus bas de début mars2016, à cts 55,67 la livre sur le marché à terme de New York, et le plus haut d’août àcts 77,80, ce ne sont pas moins de 22 cents de différence, soit une variation de 40 %.Les sources d’une telle volatilité ? Un cocktail de stocks pléthoriques en début decampagne, de conditions climatiques capricieuses et de changements de politique. Lecontinent africain a, lui aussi, été marqué par certains de ces facteurs, même si toutcela doit être nuancé en fonction des régions. Gardons à l’esprit que l’Afrique est ex-portatrice nette de coton et que, d’une manière générale, cette hausse des prix a étébénéfique ! D’autant que nous sommes à des niveaux supérieurs aux coûts de revientthéoriques.Il est cependant nécessaire de nuancer le bilan de cette année 2016 pour le continentafricain. Car si en Afrique de l’Ouest – qui représente 70 % de la production afri-caine – la situation est positive, elle est à l’inverse alarmante en Afrique de l’Est, etparticulièrement du côté du Zimbabwe, de la Zambie, du Malawi et du Mozambiqueoù la production ne cesse de s’effondrer. Même constat en Égypte qui a vu, en un peuplus de dix ans, ses quantités de coton filé réduire de moitié et sa production, si fa-meuse, divisée par trois !

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avec un minimum à cts 64/lb et un maximum àprès de cts 86, pour une moyenne annuelle à cts74, 17/lb. Les prix mondiaux ont donc grimpé enmoyenne de 5 % entre 2015 et 2016, tandis queleur volatilité a été multipliée par deux. En cause :un début de saison avec des prix plombés par desstocks record et un second semestre avec des prixen nette hausse avec la disparition imprévue denombre de stocks « tampons ». L’évolution dumarché à terme de New York (le seul utilisé parles opérateurs pour s’arbitrer) est, quant à elle,globalement similaire en termes de volatilité, avecune hausse moyenne de seulement 4 %.

En l’absence de marché à terme et d’indice deréférence purement africain, il est difficile enrevanche d’analyser en détail l’évolution des prixpayés à l’export. Il apparaît cependant que, dansleur ensemble, les exportateurs ont commercialiséleurs productions à des prix supérieurs à ceux del’année précédente. Le maintien du dollar à un

niveau fort a également participé à l’augmentationdes prix payés en devises locales, particulièrementen fin d’année 2016. Quant aux prix payés auxagriculteurs, ils dépendent des coûts logistiques,des intrants utilisés, de la qualité produite et debien d’autres facteurs et sont, dès lors, difficiles àappréhender de façon globale. Il apparaît cepen-dant qu’en Afrique de l’Ouest, les prix, qui sontfixés à l’avance, ont été dans la majorité des casidentiques à ceux payés en 2015. Dans certainspays, les agriculteurs ont par ailleurs pu recevoir,dans un second temps, un intéressement à lahausse. En Afrique de l’Est en revanche, les prixpayés aux agriculteurs ont une nouvelle foismonté, soutenus par une compétition accrue entreégraineurs pour s’approvisionner en coton-grainemalgré une chute de la production.

2016 : l’année des extrêmes

Début 2016, les stocks mondiaux d’or blancont atteint un niveau jamais vu au point de repré-senter près d’un an de consommation. A priori, dequoi voir venir en cas de coup dur !

Essentiellement localisés en Chine (60 % desstocks mondiaux), ils sont en grande partiedétenus par un organisme étatique, la Réserve, quia annoncé leur mise en vente à partir d’avril 2016.Avec 12 % des stocks mondiaux, l’Inde,deuxième de ce classement, a commercialisé sesstocks dès l’automne 2015. Cette abondance destocks a été une mauvaise nouvelle pour lescotons d’Afrique de l’Ouest (majoritairementexportés de janvier à juillet), et ce, pour deux rai-sons : d’une part parce que la Chine, leur princi-pale zone d’exportation, était de facto moinsdemandeuse et d’autre part parce qu’ils avaient àsubir la concurrence directe du coton indien. Lescotons ouest-africains et indiens sont en effet

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récoltés à la main et ont des caractéristiques simi-laires : les filateurs peuvent ainsi facilement subs-tituer l’un par l’autre.

Lorsque le coton d’Afrique de l’Est est arrivésur le marché (de juin jusqu’à septembre), lasituation a été en revanche totalement inversée :les disponibilités ont été réduites et le marché agrimpé de jour en jour. Que s’est-il donc passéentre-temps ?

Scénario catastrophe

Dès le début de la saison, le coton a peiné àséduire les agriculteurs : les surfaces mondialesont baissé de 10 % à 30,5 millions d’hectares.C’est en Chine où la baisse a été la plus impor-tante avec 1,350 million d’hectares de moins desemés, soit une baisse de 30 %. Des conditionsclimatiques bien capricieuses aux quatre coins dumonde ont amplifié cette tendance : une mauvaisemousson en Inde et au Pakistan, une sécheressepuis un excès d’eau aux États-Unis ou encore unesaison des pluies décalée en Afrique de l’Ouest.L’impact sur les rendements a été immédiat avecune baisse d’environ 10 % en moyenne par rap-port à 2015, soit 689 kg de fibres par hectare. La

production mondiale a donc chuté de 21 Mt parrapport à 2015 (soit une baisse de 20 %) selon ledépartement américain de l’agriculture (USDA).

Malgré des surfaces stables à 2,65 millionshectares, l’Afrique de l’Ouest n’a pas dérogé à larègle au niveau des rendements avec une baisse de20 % par rapport à 2015 et seulement 340 kg defibres récoltées par hectare.

En Afrique de l’Est, les surfaces se sont effon-drées notamment au Zimbabwe où elles ont étédivisées par deux ou en Zambie (- 25 %). LaTanzanie a fait figure d’exception avec des sur-faces stables à 400 000 hectares. L’Égypte n’a pasété non plus épargnée et a vu ses surfaces baisserd’un tiers, toujours selon les statistiques del’USDA. À ces baisses de surfaces se sont greffésde mauvais rendements, comme partout dans lemonde. Une année mal engagée dès le début etdes résultats sans appel : la production africaine achuté de 20 % en 2016 à 1,3 Mt et a représenté àpeine moins de 6 % de la récolte mondiale.

Le coton peine à séduire

Pendant de longues années, la consommationmondiale a évolué en fonction de deux paramè-

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tres : la croissance démographique et la croissanceéconomique. Si la première est relativement pré-visible, pour la seconde, la tâche s’avère bien plusdifficile. Sans compter que l’or blanc a vu sesparts de marché grignotées par les fibres synthé-tiques. À tel point qu’aujourd’hui le coton nereprésenterait plus que 30 % des fibres consom-mées dans le monde, contre 70 % dans les annéessoixante-dix.

Cette concurrence s’intensifie d’autant plusces dernières années que les distributeurs tententpar tous les moyens de réduire leurs coûts de pro-duction pour maintenir les prix en rayon et leursvolumes de ventes. En découle un arbitrageintense entre le coton et les fibres synthétiques,essentiellement représentées par le polyester.Concurrence encore plus acharnée que la qualitédes fibres s’est nettement améliorée ! Pour ajouter

un peu de piment, la production mondiale de poly-ester est excédentaire et le retour du pétrole versdes niveaux bas améliore leur compétitivité, lepolyester étant un dérivé du pétrole raffiné. Dansce contexte, la consommation industrielle decoton en 2016 s’est effritée de 50 000 tonnes parrapport à 2015 à 24,2 Mt en 2016 (Source :USDA).

Quid de l’Afrique ?

L’Afrique reste un transformateur anecdotiquede coton et compte pour moins de 2 % des quan-tités filées dans le monde. Si, à l’échelle du conti-nent, la consommation reste relativement stable à450 000 tonnes selon l’USDA, ceci cachequelques disparités. En Afrique du Nord, elle s’esteffondrée d’année en année, à l’image de l’Égypte

Burkina Faso : l’utilisation de semences OGM tourne court

Premier pays d’Afrique à tester la culture du coton OGM avec Monsanto à partir de 2003, leBurkina Faso a mis à disposition des agriculteurs des semences de coton BT dès 2008. BT pourBacillus thuringiensis, une toxine qui permet de détruire le ver rose, un ravageur très fréquent etextrêmement nuisible du cotonnier. À l’époque, l’arrivée des semences BT avait fait la une desjournaux, le Burkina Faso étant l’un des principaux producteurs de coton en Afrique et l’or blancl’une de ses principales (si ce n’est la première) entrées de devises. Sans oublier que, depuis ledébut des années deux-mille, des semences similaires de coton BT étaient utilisées en Inde etconnaissaient un développement exponentiel. Les premiers résultats sont encourageants : rende-ments supérieurs et utilisation moindre de pesticides grâce à un nombre réduit de pulvérisationsdans les champs. Cependant, la qualité produite à partir de ces semences OGM est rapidement devenue préoccu-pante. Réputé pour la longueur de ses fibres, le Burkina Faso a vu la proportion de soies courtesaugmenter et devenir majoritaire. Un problème de taille quand on sait que la décote entre du 1 et1/8e de pouce (28,57 mm) et du 1 et 1/16e de pouce (26,98 mm) est de 5 à 8 % en fonction desconditions de marché. Sans oublier que leur utilisation étant complètement différente en filature,il faut se tourner vers de nouvelles usines. Et malgré plusieurs tentatives, rien n’est parvenu àendiguer cette détérioration.Après autant de déconvenues, la récolte 2016 a donc été, au moins pour le moment, la dernièrerécolte de coton transgénique au Burkina Faso… Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là puisqueles trois sociétés cotonnières burkinabés ainsi que l’Union Nationale des Producteurs du CotonBurkinabé (UNPCB) réclament désormais 48 milliards de Francs CFA (€ 73 millions) de dédom-magement pour les pertes financières engendrées par le coton BT.Ironie du calendrier, en même temps que le Burkina Faso stoppe l’utilisation de semences OGM,l’Éthiopie, elle, l’expérimente pour une première phase de deux ans.

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qui transforme deux fois moins de coton qu’il y adix ans. Elle n’en garde pas moins sa place deleader et compte pour 30 % de ces 450 000 tonnesfilées chaque année en Afrique. N’oublions pasnon plus le Nigéria où les quantités de coton trans-formées se maintiennent à des niveaux bien infé-rieurs à ceux d’antan (52 000 tonnes en 2016 parrapport à 90 000 tonnes au début des années deux-mille). Quant à l’Afrique de l’Ouest, seule uneinfime partie (3 %) des quantités produites esttransformée localement, pour une consommationtotale de 30 000 tonnes. Une seule exception autableau : l’Éthiopie, qui a vu sa consommationmultipliée par trois en dix ans pour arriver à50 000 tonnes en 2016. Si cela ne représenteaujourd’hui que 11 % des quantités transforméessur le continent, c’est en revanche là que s’affi-chent les meilleurs taux de croissance grâce à des

investissements turcs et indiens. L’inauguration,en 2017, de la voie ferrée reliant Djibouti à Addis-Abeba devrait d’autant plus favoriser ce dévelop-pement en facilitant une logistique import/exportaujourd’hui coûteuse.

Consommation stable et production en nettebaisse : l’équilibre mondial offre/demande a étédéficitaire de 3,2 Mt en 2016, soit 13 % de laconsommation mondiale. Ce qui a conduit à unediminution record des stocks qui sont, malgrétout, restés à des niveaux élevés (21 Mt).

Des flux chamboulés

Au niveau mondial comme local (cf. encadré),les flux de coton ont été chamboulés par la baissedes importations chinoises. Les cadences à l’ex-port d’Afrique sont restées néanmoins régulières,

La Chine fait moins peur

Véritable épée de Damoclès sur la planète coton, la Réserve chinoise (une entité gouvernemen-tale) disposait début 2016 d’environ 11 Mt de stocks stratégiques de coton, constitués essentiel-lement de coton chinois et, dans une moindre mesure, de cotons importés. Ni plus ni moins qu’unan et demi de consommation locale ou encore six mois de consommation mondiale ! Il faut direque leur accumulation a été d’autant plus rapide que la consommation chinoise a chuté de 30 %en sept ans (10,8 Mt en 2009 et « seulement » 7,6 Mt en 2016).Autant dire que lorsque le gouvernement a confirmé son intention de mettre en vente ses stocks,personne ne savait à quoi s’attendre. Et ce, même si dans chacune de ses annonces la Réserveprécisait que ces ventes seraient faites de façon à ne pas déstabiliser le marché international. Etpour cause, dès le mois d’avril 2016, ce sont 50 000 tonnes qui ont été mises quotidiennementen vente, d’abord de cotons importés puis de cotons chinois. Le succès a été immédiat : filateurset négociants ont acheté tous les jours la quasi-totalité des quantités offertes. La Réserve a mêmeporté certaines enchères à 70 000 tonnes. Au total, ce sont 2,5 Mt qui ont été vendues d’avril àseptembre et ont aidé les filatures à retrouver une compétitivité bousculée ces dernières années.En effet, soutenus par les achats de la Réserve, les prix domestiques sont restés à des niveaux lar-gement supérieurs aux prix mondiaux, tandis que les quotas à l’import étaient de plus en plus dif-ficiles à obtenir. Outre la crainte de l’impact sur les prix qui a vite été dissipée, nombre d’interrogations se sontportées sur la qualité des cotons offerts après plusieurs années de stockage. Là encore, la surprisea été relativement bonne puisque les filateurs sont parvenus à trouver les qualités dont ils avaientbesoin. Résultat : les importations de coton en Chine ont été divisées par deux en 2016 et se sont res-treintes aux quotas octroyés dans le cadre des accords OMC : 894 000 tonnes. Un changementlourd de conséquences dans les flux mondiaux puisque la Chine était le principal importateur decoton américain, africain, andin ou encore australien.

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en particulier dans un contexte de nette baisse dela production mondiale. C’est ainsi que leBangladesh est devenu, en 2016, le premierimportateur de coton au monde, avec une crois-sance de 7 % par rapport à 2015, à 1,35 Mtimporté selon l’USDA. À la seconde place, leVietnam avec 1 Mt importé, juste devant la Chinepuis la Turquie. Au Bangladesh comme auVietnam, le coton africain était déjà bien connudes filateurs et ces deux pays sont donc devenusles deux principales destinations des cotons ducontinent. Les exportations vers la Chine sont,elles, devenues anecdotiques.

Le millésime 2016 en Afrique a aussi étémarqué par l’envolée des exportations vers lePakistan qui doit compenser l’effondrement de saproduction. Pays où les filatures de type « open-end » sont reines, ces importations record se sontessentiellement concentrées sur les soies courtesdes cotons burkinabés (cf. encadré).

Une concurrence acharnée

Petite récolte rime souvent avec baisse desvolumes pour les négociants… mais égalementavec une concurrence accrue afin de réussir àcapter le plus possible d’achats aux origines etparvenir à maintenir leur activité. Souvenons-nous que les volumes échangés en 2016 ont été enbaisse de 25 % par rapport à 2013 ! Une course

aux prix s’est donc mise en place entre les négo-ciants, pour la plus grande satisfaction des pro-ducteurs.

Récolte en baisse signifie également la plupartdu temps une logistique à l’exportation fluide. Tela été le cas en 2016 avec une congestion portuairerestreinte, une situation bien différente de cellesobservées en 2014 ou 2015, dans les portsd’Abidjan, de Lomé, de Dakar et de Cotonou(principaux ports d’exportation du coton africain).La situation à Douala reste cependant plus diffi-cile, avec des délais de chargement supérieurs àses voisins.

2017 : déficit ou surplus ?

Malgré la hausse des prix au second semestre2016, les surfaces mondiales devraient de nou-veau baisser en 2017 à 29,2 millions d’hectares(- 4 %) selon l’USDA, principalement en Inde(- 11,7 %) et en Chine (- 7 %). Elles pourraientêtre partiellement compensées par une nettehausse des emblavements aux États-Unis(+ 17 %), en Afrique de l’Ouest (+ 6 % à 2,8 mil-lions d’hectares) et en Australie (+ 75 % à550 000 hectares). Pour ce qui est de l’Afrique del’Est, elles devraient rester à des niveaux histori-quement bas, à 1 million d’hectares (- 2 %). Avecdes rendements dans la moyenne, cela devrait tou-tefois conduire à une augmentation de près de 9 %de la production, à 22,9 Mt.

Quant à la demande, à l’image des deuxannées passées, elle devrait rester relativementstable aux alentours de 24,3 Mt, tenaillée entreune situation économique difficile dans les paysde l’OCDE et une concurrence toujours marquéedes fibres synthétiques.

Face à la perspective d’un contexte fonda-mental déficitaire de 1,4 Mt, il serait aisé de sup-poser que les tensions observées au secondsemestre perdureront en 2017. Mais ce seraitoublier de prendre en compte les ventes deRéserve en Chine à partir de mars 2017 (potentiel-lement de 2,5 à 3 Mt) qui rendent le bilan mondialoffre/demande excédentaire. Selon les premièresestimations, les stocks baisseraient donc seule-ment en Chine (- 20 %) mais augmenteraient(+ 3,7 %) dans ce qui est communément appelé,

Une précision statistique

Pour les besoins de ce rapport annuel, nousparlons ici toujours de l’année 2016 surlaquelle se porte l’étude. Cela reste uneacrobatie puisque l’année cotonnière com-mence le 1er août pour s’achever le 31 juillet.Lorsque nous parlons de l’année 2016, nousparlons ainsi de l’année statistique 2015/16.Cela correspond, pour 90 % de la productionmondiale, à des cotons semés entre mai etjuillet 2015, récoltés entre septembre etnovembre 2015 et exportés de novembre2015 à juillet 2016.

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dans la planète coton, le « reste du monde ». Il convient par ailleurs de préciser qu’avec les

niveaux des prix élevés observés au secondsemestre 2016, les producteurs, dans leurensemble, ont largement vendu leur récolte2017… Tandis que les filateurs eux, après avoirété surpris en 2016, ont couvert à l’avance unebonne partie de leurs besoins de 2017 en recourantà des contrats « on-call », i.e. dont le prix finalreste à fixer et qui sera basé sur les cotations dumarché à terme de New York. Ce qui signifie, end’autres termes, que la pression vendeuse seraréduite du fait des quantités déjà engagées par lesproducteurs, alors que les filateurs devraient, eux,soutenir le marché à terme en fixant leurs achats« on-call », mécanisme par lequel les négociantsqui assument le risque de prix pour les filateursdoivent racheter leur couverture sur New York.Enfin, il serait difficile de ne pas citer les positions

acheteuses quasi records des fonds d’investisse-ment fin 2016. Difficile de savoir quelles straté-gies ces derniers auront, mais il est toujours inté-ressant de rappeler que, sur une échelle de cinqans, les cours actuels sont à des niveaux relative-ment bas.

Pour se prêter au jeu des pronostics pour 2017,il apparaît dans un premier temps que l’amplitudedes prix devrait être inférieure, conséquence destocks en augmentation. Elle pourrait se rappro-cher des niveaux observés en 2015 (cts 10 devariations sur l’année). Quant aux prix, ilsdevraient rester à des niveaux équivalents à ceuxobservés au second semestre 2016, à savoir unindice cotlook compris entre cts 75 et 85/lb. Uneseule chose semble cependant d’ores et déjàassurée : les moyennes de ventes des égraineursafricains seront supérieures à 2016 et à desniveaux toujours très bénéficiaires.

Le contrat monde s’écrase avant d’avoir décollé

Lancé en novembre 2015, le World Cotton Contract (WCT) était le premier contrat à terme cotoncôté en bourse (sur l’Intercontinental Exchange, ICE) à prévoir la livraison de différentes ori-gines : Australie, Brésil, Inde, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Mali, États-Unis.Ce contrat s’ajoutait au contrat cotton N° 2 CT existant de longue date et prévoyant lui unique-ment la livraison de coton américain. Autres différences : la qualité cotée (le WCT côte une qua-lité supérieure à celle du CT) et les points de livraison du WCT. Ils ne se trouvent pas seulementaux États-Unis, mais aussi en Australie, en Malaisie ou à Taïwan, avec des primes ou décotesvariables en fonction des lieux de livraison ou origines.Mise en place afin de pallier les risques de déconnexion entre le marché mondial et le marché àterme américain (en cas d’une toute petite récolte américaine par exemple), l’expérience sembletoutefois avoir tourné court. Première échéance cotée, le « mai 16 » a atteint au maximum uneposition ouverte de moins de 200 contrats. Le « juillet » qui lui succède n’a pas dépassé les44 lots et, enfin, le « décembre 16 », lui, n’a pas excédé les 28 lots de position ouverte. Début2017, la position ouverte toutes échéances confondues est de… 0. À titre de comparaison, laposition ouverte du CT est proche de 250 000 contrats !Projet ambitieux qui aurait pu devenir le marché de référence mondial, il paraît désormais diffi-cile d’envisager qu’il parvienne à attirer négociants et spéculateurs. Les premiers sembleraientfinalement préférer courir un risque de base en couvrant des achats non américains sur le contratCT, que la crainte de se voir « dilué » dans un marché monde où le nombre d’opérateurs auraitété décuplé.

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– II –

Produits tropicaux

• Café

• Cacao

• Sucre

• Thé

• Vanille

• Fruits tropicaux

• Sisal et fibres dures

• Bois tropicaux

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CaféL'Afrique du café gagne grâce au Robusta

Hormis quelques origines évocatrices de café haut de gamme, le café africain estrelativement peu présent sur le marché mondial. Pourtant, quasiment la moitié despays du continent sont producteurs et exportateurs. Des pays qui, pour beaucoup,ont bénéficié de la hausse des prix du Robusta l'année dernière, mais dont les fi-lières doivent monter en puissance.

L’Afrique est terre de café, mais relativementabsente de la scène caféière mondiale. En effet,vingt-cinq pays sont, producteurs et exportateurssur un total de cinquante-cinq que compte lecontinent, mais, en 2015-2016 (d’octobre à sep-tembre), leurs exportations n’ont représenté que9,1 % des flux mondiaux de café, Robusta etArabica confondus, soit 10,9 millions de sacs de60 kilos (Ms) sur 119,5 Ms. À l’exception del’Éthiopie, important producteur, mais égalementgrand consommateur, le continent exporte encorela quasi-totalité de sa production. Ainsi, sans sur-prise, la part de l’Afrique dans la production mon-diale est quasiment aussi faible que sa contribu-tion aux exportations mondiales, de l’ordre de10,7 % en 2015-2016. Et si l’Afrique représenteenviron 16 % de la population mondiale, elle neconsomme que 7 % du café produit globalement.

Autre caractéristique : l’Afrique exportedavantage de Robusta que d’Arabica soit, bon anmal an, environ 7 Ms du premier et 4 Ms dusecond. Or, le Robusta n’a pas bonne image, car ilest souvent synonyme de café soluble, de café« robuste », un café pour se réveiller face à un

café « plaisir » que véhicule l’image des Arabicaet de ses arômes, si bien mis en valeur. Ainsi, ungéant des chaînes de café comme Starbucks refusele Robusta, même dans ses mélanges. Une foisn’est pas coutume, la prédominance quantitativedu Robusta en Afrique a néanmoins joué en faveur

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du continent en 2016 et jusqu’en 2017, car mêmesi ses cours mondiaux sont demeurés, comme tou-jours, inférieurs à ceux de l’Arabica, ils ont aug-menté davantage que son cousin prestigieux.

L’envolée du Robusta

Les prix du café sont repartis à la hausse en2016 après une sévère chute en 2015 par rapport à2014. Ainsi, toutes variétés de café confondues,

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l’indice composite de l’Organisation internatio-nale du café (OIC) est passé de 155,26 cents lalivre (lb) en 2014, à 124,67 cents l’année suivantepour remonter à 127,31 cents en 2016. De janvierà décembre 2016, l’indice mensuel global a gagné20,81 cents la livre, tiré par le Robusta(+ 27,14 cents), suivi des Colombie Doux(+ 21,43 cents), des Autres Doux (+ 16,75 cents)et des Brésil Nature (+15,93 cents). Cette haussedes cours, Arabica et Robusta confondus, est dueau fait que la campagne 2015-2016 s’est avéréeêtre une deuxième campagne déficitaire, avec uneproduction mondiale de 151,4 Ms face à unedemande estimée à 155,7 Ms. Et celle de 2016-2017 s’annonce identique, avec une très faiblevariation de volumes, selon les données provi-soires de l’OIC. La production devrait être, eneffet, de 151,6 Mt face à une consommation de155,1 Mt. Ce déficit est, avant tout, lié au segmentdu Robusta dont la production passerait, toujoursselon les chiffres de l’OIC, de 63,1 Ms en 2015-2016 à 56,4 Ms pour la campagne actuelle. LeVietnam, leader mondial de cette variété de café,accuserait une chute de production (de 28,7 Ms en2015-2016 à 25,5 Ms attendus sur 2016-2017)suite à des conditions météorologiques défavora-bles, à l’instar du Brésil qui a enregistré unebaisse de sa production de Robusta conilon, lavariété locale. À telle enseigne que le Brésil envi-sage d’importer du Robusta en 2017, jusqu’à 1Ms, pour lui permettre de faire tourner ses usines.Une annonce à forte dimension politique,confirmée et réfutée plusieurs fois, laissant lemarché dans l’expectative, à la grande joie desspéculateurs.

Quant aux stocks, s’ils demeurent importantsdans les pays consommateurs, ils se sont néan-moins contractés ces dernières campagnes, pas-sant d’un ratio stock/consommation de 40 % en2013-2014, selon Rabobank, à 35 % en septembre2016. Ils tomberaient à 31 % en fin de campagne2016-2017 et encore davantage fin 2017-2018.Les stocks certifiés des marchés à terme de NewYork et de Londres ont, pour leur part, fortementbaissé, passant de 1,95 Ms en décembre 2015pour l’Arabica à New York à 1,4 Ms en décembre2016, tandis que ceux de Robusta se contractaientdavantage encore, de 3,31 Ms à 2,39 Ms.

Les prix ont donc été soutenus en 2016, avecun pic le 7 novembre 2016 pour les deux variétésde café puis une baisse jusqu’en fin d’annéecalendaire. Cette dernière baisse était liée à l’amé-lioration des conditions météorologiques auVietnam et au Brésil, mais aussi à la dépréciationdu réal brésilien (suite, notamment, aux résultatsdes élections américaines) après plusieurs mois defermeté, ce qui a stimulé les exportations du n° 1mondial du café. La production colombienne,quant à elle, a atteint son volume mensuel le plusélevé depuis novembre 1998… À noter qu’en cemois de novembre 2016, l’Arabica a perdu davan-tage que le Robusta, mais les deux se sont res-saisis en janvier 2017 après un mois de décembreplutôt atone.

Globalement, sur la campagne 2015-2016, lavaleur de l’ensemble des exportations mondialesde café a atteint $ 20,1 milliards, selon l’OIC,pour 104,8 Ms vendus, soit une hausse de 5,9 %en valeur par rapport à 2014-2015 alors que lesvolumes se sont contractés de 1,4 %.

Quid de la campagne 2016-2017 ? L’OIC s’at-tend, donc, à un même volume de production glo-bale de café, à 151,6 Ms (+ 0,1 %). Mais la produc-tion d’Arabica est attendue à un niveau record(+ 7,9 % soit une hausse de 6,9 Ms, à 95,2 Ms)notamment au Brésil, en Colombie, mais aussi auHonduras. Quant au Robusta, les performancesdemeureraient médiocres (- 10,7 % soit une baissede 6,7 Ms, à 56,4 Ms) selon l’OIC. Autant de fac-teurs qui soutiendraient les prix durant la campagneen cours. D’octobre 2016 à fin janvier 2017, lesexportations cumulées, tous pays et toutes variétésconfondus, ont totalisé 39,9 Ms selon l’OIC contre36,7 Ms sur la même période en 2015-2016, unehausse importante de l’ordre de 8,9 %. Mais, làencore, les volumes d’Arabica exportés ont pro-gressé de 9,7 % contre 7,4 % pour le Robusta, cequi renforce l’idée que les prix de cette dernièrevariété de café devraient demeurer fermes.

L’Éthiopie se distingue toujours

En volume, la production africaine représente,peu ou prou, l’équivalent de celle du Mexique etde l’Amérique centrale, aux alentours des 16 à17 Ms, soit bien moins que le géant asiatique avec

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(Source : OIC)

ses 40 Ms et, a fortiori, que l’Amérique du Suddont l’offre est d’environ 70 Ms.

L’Éthiopie, berceau mondial du café, demeurele premier producteur du continent. Fait d’impor-tance : il est le seul pays d’Afrique à être à la foisun grand producteur et consommateur de café :sur 6,7 Ms produits en 2015-2016 (6,6 Ms prévussur 2016-2017), seulement 4,3 Ms seraientexportés, selon l’OIC (ces chiffres seraient de6,5 Ms pour la production et de 3,5 Ms pour l’ex-portation, selon l’United States department of

agriculture – USDA). Rien d’anecdotique, car ces4,3 Ms représenteraient 31 % des recettes d’ex-portation du pays. Et le premier producteur afri-cain a eu de la chance en 2015 et 2016 : les prin-cipales régions de production du Sud et de l’Ouestont échappé à la pire sécheresse depuis trente ansliée au phénomène météorologique El Niño. Lescultures à l’Est, plus modestes, ont cependant ététouchées et force est de constater que la séche-resse sévit encore en 2017. À noter que, dans lesud-ouest du pays, la petite production familiale,dite de « backyard » pour reprendre l’expressionanglo-saxonne, ainsi que le café forestier s’estom-pent tandis que l’on assiste à l’émergence de nou-velles plantations commerciales, mais aussi àcelle des petites productions familiales plus aunord, vers Amhara.

La filière caféicole éthiopienne progresse, tanten amont qu’en aval. Ainsi, de concert avecl’Agence américaine pour le développement inter-national (USAID) et le Global Coffee Platform

Program (lancé en 2003 et comprenant notam-ment l’Association 4C), l’Ethiopia Commodity

Exchange (ECX) a lancé, en novembre 2015, unnouveau système de traçabilité du café ; cet inves-tissement de $ 4,2 millions est destiné à accroîtrela valeur des cafés de spécialité du producteurmondialement renommé, le café tracé se vendantplus cher sur le marché mondial. À noter qu’en2014-2015, 19 % des exportations de caféd’Éthiopie étaient à destination de l’Allemagne,18 % de l’Arabie Saoudite, 10 % des États-Unis et9 % à destination du Japon. Côté gouvernemental,des programmes de formation des planteurs sonten cours, tant au niveau de la récolte que dustockage et de la conservation. En 2016 a été initiéun programme quinquennal pour développer ladeuxième et troisième transformation du café afinde capter le maximum de valeur ajoutée.

L’Ouganda, premier exportateur africain,devrait enregistrer une hausse de 4,1 % de sa pro-duction (composée à 80 % de Robusta) qui attein-drait 3,8 Ms en 2016-2017 selon l’OIC. Elle pour-rait même atteindre 4,2 Ms selon l’Uganda Coffee

Development Authority (UCDA) qui estime, pour

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sa part, la production à 4 Ms en 2015-2016 (contre3,6 Ms selon l’OIC). La rénovation du vergerengagée ces deux dernières décennies commence-rait, en effet, à porter ses fruits, avec des rende-ments en hausse. L’objectif ambitieux est d’at-teindre 20 Ms en 2020 en plantant 900 millionsd’arbres d’ici juin 2019, des variétés de caféiersqui commenceraient à donner deux à trois ansaprès leur plantation.

L’Ouganda se caractérise, à l’instar des autrespays producteurs africains, par l’importance despetits planteurs : 1,7 million de foyers tireraientleurs ressources du café qu’ils cultivent sur desparcelles allant de 0,5 à 2,5 ha. Les exportationsdu pays devraient croître de 5,6 % en 2016-2017,à 3,8 Ms. Elles étaient de 3,6 Ms lors de la der-nière campagne, toujours selon l’UCDA qui a dûréviser à la baisse de 200 000 sacs ses chiffresd’exportation sur 2015-2016 du fait de la séche-resse sévère qui s’est abattue dès 2015 sur cettepartie de l’Afrique de l’Est. La campagne 2016-2017 serait donc plus souriante avec, d’ores etdéjà, des ventes à l’international de 404 673 sacsen janvier 2017, soit une hausse de 21 % par rap-port à janvier 2016. En 2014-2015, le café ougan-dais avait pour principaux débouchés à l’exporta-tion l’Italie (26 %), l’Allemagne (19 %), laBelgique (11 %), l’Espagne et les États-Unis(chacun 6 %), la France (5 %), l’Inde (4 %), lePortugal (4 %), la Corée du Sud et le Maroc(chacun 2 %), mais aussi le Soudan voisin selonl’USDA. La consommation intérieure représentequelque 3 % de la production nationale, étantdonné le faible pouvoir d’achat local et surtoutl’importance de la consommation locale de thé,une tradition.

À l’instar de sa filière cacao, la Côte d’Ivoirepoursuit son travail de renouvellement de ses ver-gers caféiers avec, le cas échéant, de nouvellesvariétés. Il convient de rappeler qu’en octobre2013 un programme de relance de la caféiculture(€ 12,1 millions) avait été engagé sur une périodede cinq ans, de 2013 à 2018. L’ambition ?Augmenter et améliorer le volume et la qualité dela production nationale pour atteindre400 000 tonnes (6,6 Ms) de café marchand d’ici2020. À cette fin, 75 000 ha de vergers sont encours de réhabilitation avec un renforcement de

capacités de plus de 100 000 producteurs. En 2014,Nestlé, implanté de longue date en Côte d’Ivoire,lançait son Plan Nescafé avec, à la clé, la formationde 30 000 planteurs et la distribution de 27 millionsde plants à haut rendement. De son côté, le Centrenational de recherche agronomique (CNRA) alancé, en 2016, une nouvelle variété qui commen-cerait à produire après douze mois et non vingt-quatre habituellement et qui aurait un rendement de3 à 2,5 t/ha. À noter que c’est en Côte d’Ivoire quel’hybride Arabusta a été créé il y a près de trenteans. Pour l’heure, la Côte d’Ivoire a vu sa produc-tion passer de 1,7 Ms en 2014-2015, à 1,9 Ms en2015-2016, le seuil des 2 Ms devant être franchidurant la campagne 2016-2017, selon les prévi-sions de l’OIC. Preuve de l'importance de certainsmarchés africains : 98 % des importations algé-riennes en provenance de Côte d’Ivoire sont consti-tuées de café.

Le spectre du climat

En Tanzanie, l’essentiel de la production sesitue sur les pentes du mont Kilimandjaro et dumont Neru, près de la frontière du Kenya. Desrégions très sensibles au réchauffement climatique,d’où le développement de nouvelles zones de cul-ture, mais aussi de nouveaux procédés agrono-miques. Dix-neuf variétés d’Arabica hybrides ontainsi été mises au point et quatre de Robusta, a-t-ilété annoncé en 2016, avec des rendements plusélevés et surtout une plus grande résistance auxmaladies et à la sécheresse. La caféiculture enTanzanie (deux tiers d’Arabica Doux et un tiersd’Arabica et Robusta) est réalisée à 90 % parquelque 400 000 petits planteurs. Le café repré-sente environ 5 % des exportations totales du pays,selon l’USDA. En 2016-2017, l’USDA prévoyaitune baisse de production, à 1,15 Ms contre 1,2 Mslors de la campagne précédente et ce, en raison del’incidence du cycle végétal bisannuel du caféier.Une estimation très supérieure à celle de l’OIC quiprévoit plutôt la campagne en cours à 800 000 sacs.Le Japon et l’Italie sont les deux premières destina-tions du café vert tanzanien, à hauteur de 28 % dutotal chacun en 2015-2016, selon le Tanzania

Coffee Board, suivis des États-Unis et del’Allemagne (chacun 15 %), de la Belgique (10 %)

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et de la Finlande (3 %). Quant à la consommationlocale, elle est estimée à 7 % de la productionnationale, avec une croissance de 1,5 à 2 % par anliée au phénomène d’urbanisation.

Le Kenya a également été lourdement impactépar El Niño, la pluviométrie demeurant faibleencore de novembre 2016 à janvier 2017. La caféi-culture a pour caractéristique d’être pratiquée surde grandes et petites superficies, contrairement àd’autres pays africains. Ceci dit, l’urbanisationgalopante a empiété sur des plantations proches deNairobi et de nouvelles zones de cultures ou d’an-ciennes zones caféières ont été développées, entraî-nant une augmentation du nombre de petits plan-teurs impliqués, selon l’USDA. Selon l’OIC, laproduction devrait légèrement baisser en 2016-2017, à 783 000 sacs alors que l’USDA l’estimeplutôt en nette hausse, à 700 000 sacs contre600 000 sacs pour la campagne précédenteimpactée par El Niño. Dans ce pays, la quasi-tota-lité du café est commercialisée au travers dumarché spot du Nairobi Coffee Exchange. Laconsommation nationale est faible, le Kenya étantpar tradition, là encore, un pays buveur de thé.Mais la consommation urbaine se développe bien.Quant aux exportations, 20 % sont allées enAllemagne en 2014-2015, 17 % aux États-Unis,10 % en Belgique, 8 % en Suède, 6 % en Finlande,4 % en Corée du Sud, 3 % en France, au Royaume-Uni et au Canada (chacun) et 2 % en Suisse.

Des filières à travailler

Le Cameroun ne ménage pas ses efforts pourredynamiser sa filière café, à l’instar de ce que lepays fait pour son cacao. Ainsi, avec le soutien del’Union européenne, $ 21 millions ont été investisdans la filière afin de porter la production d’en-viron 500 000 sacs actuellement à 1,7 Ms d’ici àcinq ans. Le gouvernement, au travers de l’Officenational du café et du cacao (ONCC) ainsi que duConseil interprofessionnel du café et cacao(CICC), veut aussi mettre $ 1 milliard dans lesfilières café et cacao d’ici 2020. Ainsi, 2,9 mil-lions de plants de café ont été mis à la dispositiondes planteurs ces dernières années, ce qui auraitpermis d’étendre de 1 600 ha les superficies deRobusta et de 700 ha celles d’Arabica. La trans-

formation locale a fait un bond, passant de448 tonnes en 2014-2015 à 3 786 tonnes en 2015-2016, notamment en raison d’une hausse de laconsommation nationale. Quatrième producteurde Robusta derrière l’Ouganda, la Côte d’Ivoire etla Tanzanie, le Cameroun ne parvient cependantguère à décoller. Il a exporté 24 500 tonnes en2015-2016 contre 23 865 tonnes la campagne pré-cédente, selon l’ONCC.

La situation de la filière à Madagascar est,quant à elle, relativement incertaine avec desvolumes exportés largement en dents de scie, pas-sant de 110 000 sacs en 2014 à 59 000 sacs en2015, selon l’OIC. Ici encore, la filière souffre devergers vieillissants, de conditions météorolo-giques difficiles et de mauvaises pratiques cultu-rales donnant de petits rendements et donc unefaible rémunération aux planteurs. Notons que larégion Vatovavy Fitovinany est la première zone deproduction de Robusta qui représente 95 % del’offre malgache, les 5 % restant étant de l’Arabica.

Le Rwanda compte, quant à lui, 400 000 plan-teurs qui ont produit 22 000 tonnes de café en2016 dont 18 600 tonnes ont été exportées essen-tiellement vers la Suisse, le Royaume-Uni, lesÉtats-Unis et l’Afrique du Sud, générant$ 58,5 millions selon le Conseil national desexportations agricoles (NAEB) et $ 36,8 millionsselon l’Office rwandais des exportations agri-coles. Des chiffres très éloignés des statistiques del’OIC. Le pays prévoit de tirer $ 66,3 millions desexportations de café durant la campagne 2016-2017. Pour stimuler la filière, le gouvernement arelevé, en mars 2017, de 64 % le prix minimumgaranti. En outre, il envisage de doubler le volumede ses exportations de café torréfié, quinze torré-facteurs étant déjà implantés dans le pays.Toutefois, de janvier à septembre 2016, seulement0,04 % du café rwandais a été torréfié. Parmi lesautres plus petits producteurs africains, on peutnoter qu’en Guinée, le café Robusta ZiamaMacenta (18 t en 2013) a reçu, en 2014, une indi-cation géographique protégée.

Le café devient trendy

Lorsqu’on évoque l’Afrique et le café, de suiteviennent à l’esprit « production et exportation ».

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Les dynamiques continentales à l’épreuve

L’Afrique dispose d’un certain nombre d’organisations aspirant à dynamiser la filière dans sesdifférents segments. Ainsi, l’Organisation interafricaine du café (OIAC), créée en 1960 et fortede vingt-cinq pays membres, tend à redresser le cap après des années d’errance. En 2016, elle anotamment œuvré, en partenariat avec la Banque africaine de développement (BAD), à la créa-tion d’un Fonds spécial pour le café.Côté Arabica, l’African Fine Coffees Association (AFCA), créée en 1999, est considérée commela plus grande plateforme de commerce du café de spécialité en Afrique – exclusivement Arabica –avec onze pays membres : Burundi, RDC, Éthiopie, Kenya, Malawi, Rwanda, Afrique du Sud,Tanzanie, Ouganda, Zambie et Zimbabwe. Consciente des défis, sa conférence annuelle, qui s’esttenue en Éthiopie, en 2017, avait pour thème « Remodeler l’industrie africaine du café pour la pro-ductivité et l’investissement ». Côté Robusta, l’Agence des cafés Robusta d’Afrique et deMadagascar (Acram) est née en 2008 des cendres de l’ancienne Organisation africaine et malgachedu café (Oamcaf) et s’est surtout intéressée, ces dernières années, à la recherche caféière.

Production des pays africains exportateurs - milliers de sacs de 60 kg

2012/13 2013/14 2014/15 2015/16 2016/17

Éthiopie A 6 233 6 527 6 625 6 714 6 600Ouganda R/A 3 914 3 633 3 744 3 650 3 800Côte d'Ivoire R 2 072 2 107 1 750 1 893 2 000Tanzanie A/R 1 151 811 753 930 800Kenya A 875 838 765 789 783Cameroun R/A 371 404 483 391 480Madagascar R 500 584 500 449 475RD Congo R/A 334 347 335 323 335Rwanda A 259 258 238 278 240Burundi A 406 163 248 274 235Guinée R 234 101 147 177 200Togo R 84 172 143 81 119RCA R 23 90 63 100 100Sierra Leone R 61 32 46 51 50Nigéria R 41 41 43 42 42Angola R/A 33 35 39 41 40Malawi A 23 28 24 15 20Zimbabwe A 7 9 14 14 15Liberia R 10 6 7 8 8Ghana R 82 45 13 3 5Congo R 3 3 3 3 3Zambie A 5 11 3 2 2Gabon R 1 0 0 1 1Bénin R 0 0 0 0 0Guinée équat. R 0 0 0 0 0total afrique 1 013 735 793 811 840

Total Monde 149 740 152 130 148 724 151 438 151 624

(Source : OIC/CommodAfrica)

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Mais l’Afrique consomme aussi et son marchéévolue avec sa jeunesse (l’attrait du phénomène« barrista »), son urbanisation galopante et saclasse moyenne émergente. En outre, l’Afrique– surtout anglophone – buveuse de thé se tournede plus en plus vers le café, avec ses modèles deconsommation à la mode. Dans cette dynamique,l’Éthiopie, déjà évoquée, caracole en tête desconsommateurs africains, se plaçant même autroisième rang mondial des pays exportateurs quiconsomment du café de façon significative, avec3,7 Ms, derrière le Brésil qui a consommé20,5 Ms en 2015-2016 et l’Indonésie 4,5 Ms,selon l’OIC. Ailleurs en Afrique subsaharienne,on trouve également le Soudan (690 000 sacs),l’Afrique du Sud (590 000 sacs), Madagascar(390 000 sacs), la Côte d’Ivoire (310 000 sacs) etl’Ouganda (234 000 sacs), pour ne citer que lesprincipaux. L’Afrique amatrice de café, c’est aussi

l’Afrique du Nord. L’Algérie se place largementen tête avec 2,1 Ms en 2015-2016, suivie parl’Égypte (597 000 sacs) et, quasiment à égalité, leMaroc (583 000 sacs) en 2015-2016.

Le modèle de consommation évolue aussi.Selon l’OIC, la consommation africaine auraitprogressé en moyenne de 0,9 % entre 2012-2013et 2015-2016. Mais selon d’autres sources, l’in-dustrie du café augmenterait en Afrique de 2 à3 % par an. Cape Town est, bien évidemment,leader dans l’ouverture des « trendy coffee

shops » ; Starbucks y a d’ailleurs ouvert son pre-mier magasin en avril 2016. Mais de nombreuseschaînes locales ont vu le jour et bourgeonnentencore aujourd’hui comme Neo Café au Nigeria,Kaldi en Éthiopie, Artcaffe ou encore Java Houseau Kenya. Une nouvelle ère s’ouvre, en réalité,sur la scène du café en Afrique.

L’initiative de l’USAID

Dans le cadre du programme américain Feed the Future lancé en 2010 par l’administrationObama, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) soutient des pro-grammes en faveur des petits planteurs de café dans une douzaine de pays à faible revenu à tra-vers le monde, dont l’Ouganda, l’Éthiopie et les pays producteurs de la région des Grands Lacs.L’USAID le fait en partenariat avec les gouvernements, des fondations, des donateurs diversainsi que le secteur privé dont les grands acteurs caféiers américains : Starbucks, Keurig-GreenMountain, Smucker's, Cooperative Coffees, World Coffee Research, entre autres. Ainsi, en octobre 2015, l’USAID a conclu un partenariat de $ 1,8 million avec l’Université duMichigan pour aider la région des Grands Lacs à maintenir son rang sur le marché internationaldu café au travers du Feed the Future African Great Lakes Region Coffee Support Program. Leschercheurs travaillent notamment sur les maladies du caféier au Rwanda. D’Éthiopie, Starbucksa sorti, mi-mars 2017, un café « origine unique » pour une opération commerciale ponctuelledans ses magasins aux États-Unis et au Canada. De la République démocratique du Congo(RDC), Starbucks a lancé, en août 2016, un café du Sud-Kivu dans le cadre de son programme« Starbucks Reserve » qui propose du café de la plus haute qualité issu des quatre coins dumonde. Des caféiculteurs font partie du projet « Café de Spécialité du Kivu : Kahawa Bora YaKivu » financé par l’USAID et la Fondation Howard G. Buffett.

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Le continent africain représente plus de 70 %de la production mondiale de cacao. Il est mêmepassé de 72,3 % durant la campagne 2014-2015(octobre-septembre) à 73,1 % l’année suivante,selon les chiffres estimatifs de l’Organisationinternationale du cacao (ICCO). Et durant la cam-pagne 2016-2017, il devrait pulvériser tous lesrecords, son leader la Côte d’Ivoire devantatteindre une production record de 1,9 Mt. Dujamais vu… Le Ghana, deuxième producteurmondial, n’est d’ailleurs pas en reste, car aprèsdeux campagnes de déshérence, il s’est ressaisiavec une production de 800 000 tonnes en vuepour la campagne 2016-2017, lorgnant sur unobjectif de 1 Mt à terme. L’Afrique du cacao c’estaussi le Nigéria et le Cameroun, mais ceux-cidemeurent loin derrière la Côte d’Ivoire et leGhana en termes de volume. Force est, par ail-leurs, de constater que certains autres petits paysproducteurs voient leur offre, bien que trèsmodeste, progresser rapidement, tandis que d’au-tres s’affirment sur des marchés de niche, àl’image du cacao « bio » à Saõ Tomé et Principe.

Le revirement

Le cacao est la colonne vertébrale de nombrede pays du continent africain. Et la chute des

CacaoL'Afrique du cacao en pleine mutation

La Côte d'Ivoire, le Ghana, le Cameroun et le Nigéria représentent, à eux seuls,70 % de la production mondiale de cacao et 90 % de l'offre du continent africain.Fort de cette domination, l’Afrique n’en demeure pas moins un colosse au piedd'argile face à une chute, en 2016, des cours mondiaux qui a ébranlé l'organisationdes différentes filières nationales.

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cours mondiaux constatée en juillet-août 2016s’est fait très douloureusement ressentir dans plu-sieurs pays producteurs-exportateurs, au premierrang desquels la Côte d’Ivoire. En effet, surl’année calendaire 2016, la tonne de fèves a perdu22 % de sa valeur sur le marché à terme deLondres et 34 % sur l’International ContinentalExchange (ICE) à New York. Le cacao a, d’ail-leurs, été une des rares matières premières agri-coles à avoir enregistré une telle chute alors qu’en2015, il avait été un des seuls à avoir connu unehausse mémorable. Cette inversion de tendanceest la conséquence d’un retournement de certi-tudes. Depuis quelques années, on agitait, en effet,le spectre d’une pénurie de fèves face à uneconsommation en plein essor, tirée par les paysémergents. Une perspective encore bien réelledurant le premier semestre 2016, l’ICCO faisantétat, en février, d’une campagne déficitaire del’ordre de 113 000 tonnes, allant même jusqu’à212 000 tonnes estimé en août. Le négociantOlam, quant à lui, avait avancé le chiffre de308 000 tonnes de déficit, soit un niveau quin’avait plus été enregistré depuis 1980. Mais cemême mois d’août et surtout en septembre, laperspective d’une campagne à venir excédentairea retourné le paradigme : il n’y avait pas de fata-lité au déficit du cacao, mais seulement des situa-

tions conjoncturelles. Et cette « nouvelle » réalitéa fait chuter les cours.

Des cours mondiaux en chute libre

Ce retournement s’est reflété, bien évidem-ment, dans l’évolution des cours au fil des mois.Fin 2015, ils étaient au plus haut en quatre ans etdemi sur le marché à terme de Londres, déclen-chant, en janvier, des prises de bénéfices et doncune baisse des prix et ce, d’autant plus que l’éco-nomie chinoise était à la peine, à l’instar de lacroissance mondiale.

La crainte du « Brexit » les mois suivants a eu,par ailleurs, un impact majeur sur le cacao, nonpas en raison de son impact sur les fondamentauxdu marché, mais à cause de son incidence sur lalivre sterling, le cacao étant une des dernièresmatières premières à être encore cotées dans cettedevise, du moins à la bourse de Londres. Ladépréciation de la sterling a ainsi incité les inves-tisseurs et spéculateurs, mais aussi les industriels,à se positionner en tant qu’acheteurs de contrats àterme sur la fève de cacao. Ceci, conjugué à laforte croyance en un déficit structurel à long termedu marché mondial du cacao, a créé une alchimienettement haussière durant plusieurs mois. Le23 juin, le « Brexit » était acté et la livre sterlingtombait à nouveau à sa plus faible valeur en trenteet un ans, tirant alors les cours du cacao à leursplus hauts niveaux en… trente-neuf ans… à £ 2 449 la tonne.

Parallèlement, la récolte intermédiaire en Côted’Ivoire comme au Ghana s’est révélée poussive,avec des arrivages lents et d’une qualité médiocre,l’harmattan et la sécheresse ayant impacté grave-ment la récolte. Les fèves étaient donc de petitetaille, rejetées à l’export, ce qui n’était pas sansinfluence sur les statistiques d’exportation etconfortait les opérateurs dans la crainte d’unepénurie de cacao. Début juillet, la livre sterlingétait en baisse, le déficit sur 2015-2016 se confir-mait, la météo n’était guère favorable au bondémarrage de la campagne 2016-2017. Pour cou-ronner le tout, les broyages trimestriels américainsétaient en hausse par rapport à la même périodel’année précédente, et ce, pour la première fois ensept trimestres.

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C’est, en définitive, durant la deuxième quin-zaine de juillet que des signes annonciateurs duretournement se sont manifestés, mais ils n’ont pasété lisibles immédiatement. La baisse des cours ducacao a été tout d’abord interprétée comme laconséquence de la remontée de la livre sterling. Or,cette baisse traduisait, en réalité, la perspectived’une campagne 2016-2017 qui, au fil dessemaines, s’annonçait de plus en plus favorable enAfrique de l’Ouest. De belles perspectives agrono-miques qui ont été renforcées par la fixation, le 1er

octobre, de prix garantis aux planteurs très incita-tifs. En outre, l’harmattan ne s’est pas levé en find’année en Afrique de l’Ouest et les conditions decampagne se sont avérées également favorablesdans les autres zones de production, notamment enAmérique latine, acteur montant sur la scène mon-diale du cacao. En novembre, le prix de la fève esttombé à son plus bas niveau en un an et demi àLondres et en trois ans à New York. Et depuis, il necesse de baisser. Car, en définitive, la productionmondiale de cacao devrait augmenter de près de

15 % sur la campagne 2016-2017, à 4,55 Mt, géné-rant un excédent de 264 000 tonnes, selon l’ICCO.Un excédent légèrement supérieur à ce qui étaitestimé jusqu’alors.

L’abondance de l’offre durant cette campagneest étroitement – voire exclusivement – le fait del’Afrique. La production en Côte d’Ivoire pourraitatteindre le record absolu de 1,9 Mt contre1,58 Mt en 2015-2016. Les broyages mondiauxdevraient croître de 2,9 %, à 4,24 Mt en 2016-2017, la plus forte hausse devant être enregistréeen Afrique, de l’ordre de 8 % à 830 000 tonnes.Les broyages en Asie progresseraient de près de5 % à 919 000 tonnes tandis qu’ils demeureraientinchangés en Europe et dans les Amériques.

Les filières doutent

Le changement de paradigme sur le marchémondial du cacao – d’un déficit structurel mon-dial à une situation excédentaire – a lourdementpesé sur les filières africaines.

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La Côte d’Ivoire en tout premier lieu. Laconjugaison de la fin de la crise politique en 2012-2013, de la réforme totale de la filière avec l’ins-tauration des ventes anticipées et d’un prix garantiau planteur ainsi que de cette quasi-certitudeambiante que les cours mondiaux seraient dura-blement haussiers, a conduit le pays à surfer sur lavague cacaoyère. Ce sentiment a, probablement,été renforcé par le fait que le pays a connu deuxcampagnes, 2014-2015 et 2015-2016, avec desvolumes en baisse en raison d’un des pires har-mattans en trois décennies et d’un temps très seclié à El Niño : entre 2014-2015 et 2015-2016, laproduction ivoirienne aurait baissé de215 000 tonnes selon les estimations de l’ICCO, à1,58 Mt. Une situation qui n’a fait que conforterl’idée selon laquelle les prix mondiaux demeure-raient haussiers. Et le faible démarrage de la cam-pagne 2016-2017 a brouillé les signaux du retour-nement de tendance durant le second semestre de2016. Ainsi, d’octobre à décembre 2016, soit aupremier trimestre de la nouvelle campagne, lesexportations de fèves du leader mondial ont chutéde 15 %, à 305 125 tonnes. Toutefois, le retard aété rattrapé début 2017 : du 1er octobre à fin jan-vier 2017, les exportations auraient atteint 1,1 Mt,soit un niveau similaire à la campagne précédentesur la même période. Début février, elles lesdépassaient.

Signe de cet optimisme : la hausse du prixgaranti au planteur à l’ouverture de la campagne2016-2017 et ce, malgré la baisse observée ducours mondial du cacao. Le gouvernement a, eneffet, augmenté le prix garanti pour la campagneprincipale 2016-2017 à FCFA 1 100 le kilo (€ 1,76le kilo), en hausse de 10 % sur la campagne précé-dente. Une décision qui, d’ailleurs, n’a pas faitl’unanimité parmi les décideurs de la filière enCôte d’Ivoire, mais qui était un signe qui se voulaitfort politiquement non seulement en raison ducontexte électoral, mais également parce que labaisse du prix garanti au planteur aurait probable-ment mis à mal la politique du pays visant à ren-forcer l’attractivité de la filière auprès des jeunes.

Une politique cacaoyère qui, campagne aprèscampagne depuis la grande réforme, se peaufinepour permettre aux Ivoiriens d’asseoir encoredavantage leur rôle de leader mondial, tout en

veillant à ce qu’ils bénéficient davantage desretombées économiques de la filière. Pour tenterde capter le maximum de valeur en Côte d’Ivoire,le pays a ainsi pour objectif de transformer àterme 50 % de la production nationale contre30 % à 35 % actuellement. Pour ce faire, les auto-rités ont annoncé, courant 2016, un allègementfiscal allant de FCFA 40 à 70 le kilo de cacao auxbroyeurs locaux. Elles ont, en outre, porté à 60 %(contre 50 % auparavant) la part de la récolteintermédiaire destinée à l’industrie locale. Un sys-tème de ventes aux enchères réservé aux broyeursafin qu’ils ne soient pas en concurrence avec lesnégociants internationaux a, de plus, été mis àl’étude. Enfin, en juillet 2016, le gouvernement aréduit les taxes à l’exportation de poudre (à9,6 %), de beurre (à 11 %) et de masse (13,2 %),tandis que les fèves sont taxées à 14,6 %.L’exportation de chocolat n’est, pour sa part, pasimposée. Actuellement, les douze broyeurs locaux(dont Barry Callebaut, Olam, Cargill, Cemoi) ontune capacité installée de 720 000 tonnes, mais laplupart ne fonctionnent qu’à 60 % ou 80 % deleurs capacités.

Quant à la qualité, le Conseil Café Cacao(CCC) a dû lâcher du lest au cours de la campagneintermédiaire 2015-2016, celle-ci s’étant avéréemoins favorable en raison des conditions météoro-logiques. En juin 2016, il a autorisé une qualité de125 fèves aux 100 grammes contre 120 en début decampagne intermédiaire (110 fèves aux 100grammes en 2014-2015). Malgré tout, de petitsexportateurs n’ont pas pu honorer leurs contrats,car, d’une part, la plupart des fèves disponiblesétaient encore plus petites (125 à 160 aux 100grammes) et, d’autre part, nombre de contratssignés l’année précédente avaient été définis sur labase de 110-115 fèves aux 100 grammes. Et l’in-dustrie locale de transformation, techniquementcapable de traiter les petites fèves contrairementaux grosses usines occidentales de broyages,n’avait pas la demande mondiale suffisante pourécouler une telle production. À noter que la baissedes exportations de fèves, en raison de l’insuffi-sance de qualité, a obligé les grands opérateurs àpuiser dans leurs stocks situés dans les paysconsommateurs pour approvisionner leurs usines.D’où les bons chiffres de broyages dans les pays

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consommateurs au troisième trimestre 2016 :+ 2,9 % en Europe, + 12,45 % en Asie, + 0,5 % enAmérique du Nord.

Mais le dossier le plus épineux a porté sur lesystème des ventes aux enchères par anticipationdu CCC, pilier de la politique cacaoyère du pays.Début mai 2016, la CCC avait annoncé avoir pré-vendu 1 Mt sur la campagne 2016-2017 (seuilatteint seulement en septembre l’année précé-dente), profitant ainsi des cours élevés. Une belleperformance, a priori, mais qui a été, en défini-tive, mise à mal par le manque de surface finan-cière et/ou par le manque d’expérience de plu-sieurs exportateurs ivoiriens qui ne se sont pascouverts sur les marchés à terme. Ne pouvant pas« absorber » la baisse des cours, ceux-ci ont, eneffet, fait défaut sur leurs contrats. Fin novembre2016, les camions chargés de fèves erraient doncsur les ports d’Abidjan et de San Pedro, cherchantd’hypothétiques acheteurs. Ainsi, en deux mois,200 000 à 400 000 tonnes, peut-être davantage,sont restées bloquées. Cessant de nier l’évidence,le CCC a pris acte, fin janvier 2017, des situationsde défaut et a remis en vente les lots non honorés,obligeant les exportateurs fautifs à couvrir l’inté-gralité des frais sans quoi ils ne pourraient plusavoir accès aux ventes par anticipation. Fin février2017, après des mois de silence et de rumeurs, lesautorités ont publiquement admis qu’environ350 000 tonnes de cacao avaient été revenduesaux enchères, un volume provenant de cescontrats en défaut, mais aussi d’une « sous-éva-luation de la production sur la campagne princi-pale ». Un audit de la filière a été lancé. À cettedate, des camions chargés de cacao dont la qualiténe cessait de s’abîmer étaient encore en déshé-rence dans les ports ivoiriens. Une situation quiconduirait à alimenter les exportations fraudu-leuses de Côte d’Ivoire vers les pays limitrophes,au premier chef desquels le Ghana où le kilo decacao serait acheté à FCFA 900 le kilo. À noterqu’en Côte d’Ivoire, malgré la chute des coursmondiaux, le CCC a demandé aux exportateurs decontinuer à acheter du cacao physique au prixminimum garanti, le Conseil s’engageant à cou-vrir toute perte financière liée à l’écart de prixavec le marché mondial. Ce qui inquiète. Car lefonds de réserve du CCC, qui s’élèverait à environ

€ 180 millions, pourrait ne pas être suffisant pourcombler la différence.

Le Cocobod au Ghana dans le viseur

Le Ghana, deuxième producteur mondial, aconnu les mêmes déconvenues climatiques etmétéorologiques que son voisin. En 2015-2016,les exportations n’ont été, en définitive, que de780 000 tonnes contre les 850 000 tonnes atten-dues. La récolte intermédiaire a été médiocre avecdes fèves de petite taille, comme en Côte d’Ivoire,offertes avec une décote aux broyeurs locaux quece soit Cargill, Olam, Touton, Barry Callebaut,Cocoa Processing Company qui broient, bon anmal an, environ 30 % de la récolte nationale.Lorsqu’ils manquent de fèves, ils en importenthabituellement de Côte d’Ivoire. La campagne2016-2017 a, pour sa part, démarré lentement bienque les autorités aient tout fait pour stimuler lafilière : en début de campagne (en octobre 2016),le prix garanti au planteur a été relevé de 11,8 %par rapport à la campagne précédente, à € 1 700 latonne. Et les arrivages se sont accélérés au fil desmois. Toutefois, mi-mars, le Cocobod a déclaréque la récolte ne devrait guère excéder les800 000 tonnes ratant encore cette année l’ob-jectif des 850 000 tonnes.

Côté filière, l’année a été agitée. Le Cocobod,longtemps considéré comme la « Rolls » de l’or-ganisation de filière, a été de plus en plus critiqué.Les acheteurs agréés se sont notamment plaintsd’attendre des semaines avant que le Cocobod neleur alloue des avances pour qu’ils puissent alleracheter le cacao auprès des planteurs. Rappelonsque, bien avant que ne démarrent les campagnescacaoyères, le Cocobod lève des fonds ($ 1,8 mil-liard cette année) sur le marché international afinde pouvoir avancer à la vingtaine d’acheteursagréés et détenteurs de licence, les sommes néces-saires à l’achat du cacao.

Réaffirmant l’objectif de production d’un mil-lion de tonnes pour le pays, le nouveau chef del’État Nana Akufo-Addo a déclaré, dès sa prise defonction, vouloir réformer la filière, notammenten rendant plus transparent l’exécutif duCocobod. Il a, d’ailleurs, immédiatement nomméun nouveau directeur général du Cocobod, Joseph

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Aidoo, le précédent ayant ostensiblement soutenul’ancien chef de l’État, candidat malheureux auscrutin présidentiel. De son côté, le ministre del’Agriculture a évoqué, fin janvier 2017, la possi-bilité de libéraliser totalement la filière – unerévolution pour le Ghana – et de promouvoir despartenariats public-privé.

Côté broyages, le Ghana serait tombé auxalentours des 200 000 tonnes en 2015-2016, enraison, là aussi, de la faiblesse de la récolte inter-médiaire. Ceci représenterait une chute de 32 000tonnes par rapport à 2014-2015 (234 000 tonnes),selon les chiffres estimatifs de l’ICCO.

Le Cameroun se remet en cause

Selon les estimations de l’ICCO, la productioncamerounaise aurait augmenté de 7,8 % durant lacampagne août-juillet pour atteindre le seuil des250 000 tonnes. Elle dépasserait alors son recordde 240 000 tonnes atteint en 2010-2011. Ceci dit,la production demeure très faible et ne parvientpas à décoller alors que le cacao de cette origineest très prisé des marchés mondiaux, notammentpour sa couleur rouge brique qui donne une bellepoudre de cacao. Yaoundé poursuit son ambitiond’atteindre les 600 000 tonnes d’ici 2020, ayantconsacré $ 11 millions d’investissements dans lafilière entre 2010 et 2015. Le cacao et le caféreprésentent plus de 30 % des exportations nonpétrolières du pays.

Le Cameroun entend aussi transformer davan-tage de fèves sur place. En 2016, il avait annoncéaccroître de 30 % ses capacités, en créant dix nou-velles unités de transformation. Selon les estima-tions de l’ICCO, ses broyages auraient progresséde 32 000 tonnes en 2015-2016, soit une haussede 2,6 % par rapport à la campagne précédente.Pour atteindre ces différents objectifs, le gouver-nement envisage, lui aussi, des réformes structu-relles. Dans le viseur, trois structures impliquéesdans la filière : la Société de développement ducacao (Sodecao), l’Office national du cacao et ducafé (ONCC) et le Fonds de développement desfilières cacao-café (FODECC), qui seraient appe-lées à fusionner. À noter que le Conseil interpro-fessionnel café cacao (CICC), structure privéeregroupant tous les acteurs de la filière, ne serait

apparemment pas visé. Ce projet gouvernementalsemble s’apparenter à un retour vers une structureproche de l’ancien Office national de commercia-lisation des produits de base (ONCPB) qui existaitdans les années quatre-vingt-dix, avant la libérali-sation des filières. Cette nouvelle structure auraitpour mission de dynamiser les volumes de pro-duction, mais aussi de favoriser la transformationlocale. Ceci dit, le prix payé au planteur restera,sans aucun doute, le nerf de la guerre. Et la filièrecamerounaise étant libéralisée, le prix bord champsuit l’évolution du cours mondial. En février2017, il variait entre 750 (€ 1,14) et 1000 francsCFA (€ 1,52) le kilo, soit 38 % de moins qu’un anauparavant. Le prix indicatif de l’ONCC variait,quant à lui, sur ce même mois de février, entre930 (€ 1,41) et 1 050 francs CFA (€ 1,6).

Côté qualité, le Cameroun a décidé, début jan-vier 2017, d’interdire l’importation et la commer-cialisation sur son territoire de pesticides conte-nant du Metalaxyl, produit cancérigène lorsqu’ilest utilisé à forte dose. La Côte d’Ivoire l’avaitproscrit dès 2014 et l’Union européenne (UE),pour ses propres cultures, depuis 2005. L’usage dece pesticide est très répandu, notamment dans leszones de production du littoral et du sud-ouest,pour lutter contre la pourriture brune.D’importants résidus ont, en effet, été constatésdans le cacao exporté, au-delà des normes impo-sées à l’entrée de l’UE. Le ministère camerounaisde l’Agriculture a donné jusqu’en mai 2018 pouréradiquer le produit du marché et de la pratiquedes producteurs. Une décision qui a pesé sur lesprix au planteur en janvier, car nombre d’ache-teurs étaient récalcitrants à payer des fèves sus-ceptibles d’avoir été traitées au Metalaxyl et quiseraient, de facto, difficiles à vendre à bon prix. Àceci s’est greffée une situation d’insécurité dans larégion anglophone de production du sud-ouestliée à des manifestations contre le président PaulBiya, insécurité qui n’a guère incité les acheteursà aller dans cette zone, sauf à obtenir un prix avan-tageux auprès des planteurs.

Le Nigéria, toujours visionnaire

Le Nigéria est au sixième rang des producteursmondiaux de cacao, ne parvenant pas à se main-

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Opération séduction tous azimuts auprès des jeunes

Une des difficultés majeures de la filière cacao en Afrique, mais aussi dans nombre de pays pro-ducteurs d’autres continents est le vieillissement du verger et des planteurs. Selon une étude réa-lisée par CABI en 2010, l’âge moyen dans la filière cacao au Cameroun, par exemple, est de 56,8ans dans la région productive de l’Est et de 65,11 ans dans l’Ouest. C’est pourquoi le Cameroun,via notamment le Conseil interprofessionnel du café et du cacao (CICC), a lancé en 2012 le pro-gramme New Generation, véritable opération de charme à l’égard de ses jeunes afin de les inciterà s’engager dans la cacaoculture. Les jeunes issus de centres de formation agricoles, motivés parla cacaoculture et disposant d’au moins trois hectares de terrain, reçoivent durant trois ans uneformation agronomique et entrepreneuriale, les intrants nécessaires au démarrage de leur planta-tion, un suivi personnalisé et un parrainage pour la certification. Lors du Festicacao 2016, grandefête nationale annuelle du cacao organisée également par le CICC afin d’améliorer l’image de lacacaoculture et de promouvoir la consommation locale du chocolat camerounais, il a été noté que1 248 jeunes Camerounais avaient intégré la filière depuis le début du programme. Un véritablesuccès pour ce programme qui, toutefois, risque d’être mis à l’épreuve avec la chute des coursmondiaux du cacao. Ceci dit, le programme New Generation suscite l’intérêt. Tout d’abord, auprès d’autres pays pro-ducteurs africains, comme la Côte d’Ivoire, qui entendent s’en inspirer, mais aussi auprès de l’UEet des pays européens qui y voient une façon de réduire l’immigration, voire de faire revenir aupays des jeunes Africains de la diaspora. À noter, par ailleurs, l’initiative commune de l’ICCO etde la Banque africaine de développement (BAD) pour accroître la transformation locale ducacao. Car si la valeur de la production de fèves est estimée à $ 12 milliards, les planteurs rece-vant de cela $ 8 milliards, le marché mondial du chocolat pèse, lui, plutôt $ 110 milliards…

tenir au-dessus de la barre des 200 000 tonnes decacao. Pour cette campagne 2016-2017, les prévi-sions ont encore dû être révisées à la baisse et neseraient que de 5 000 tonnes au-dessus de larécolte 2015-2016, selon les dernières estimationsde l’ICCO. La filière a été confrontée à de fortespluies qui ont déclenché des maladies (pourriturenoire), mais aussi à des coûts de production crois-sants en raison de la dépréciation du naira, lamonnaie nationale. Le Nigéria s’était fixé pourobjectif de produire 340 000 tonnes en 2016-2017et un million de tonnes prochainement ; l’ICCOavait aussi tablé sur 270 000 tonnes cette cam-pagne.

Cette léthargie de la production durant cettecampagne n’est pas liée au prix payé au produc-teur, car celui-ci aurait grimpé de 39 % entre avrilet novembre 2016, atteignant un sommet histo-rique de 1,25 million de naira (€ 3 667) la tonne

en novembre. Les raisons ? La dépréciation dunaira, depuis que la Banque centrale a décidé enjuin 2016 de laisser flotter la devise, mais aussides achats de « panique » causés par le temps sec.Ainsi, la campagne principale, qui court habituel-lement d’octobre à mars au Nigéria, a été décaléecette année au mois de novembre, car la saisonsèche a été plus longue et a donc retardé la crois-sance des fèves. Les producteurs n’ont guère pro-fité de la hausse des cours, car les coûts desintrants sont, eux aussi, croissants. En outre, avecles pluies en août qui ont exposé les arbres auxmaladies, puis le prolongement de la saison sèche,la production 2016-2017 pourrait être réduite.

Une filière qui a, donc, des difficultés à sedynamiser, notamment en raison du manque desynergie entre les secteurs privés et publics impli-qués. En mars, le ministère de l’Agriculture aannoncé se rapprocher de l’organisme profes-

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sionnel Federation of Agriculture Commodity

Association (FACAN) qui devrait distribuer gra-tuitement des plants de cacaoyers aux planteurs.

La lente, mais imparable, évolution vers la transformation locale du cacao africain

Si les quatre « grands » du cacao africainreprésentent 70 % de la production mondiale en2015-2016, ils constituent 90 % de la productioncontinentale. Toutefois, d’autres pays émergenttimidement. C’est le cas du Liberia qui atteindraitles 32 000 tonnes en 2015-2016, soit plus dequatre fois son volume de 2014-2015, ou encorede l’Ouganda, avec 30 000 tonnes en 2015-2016contre 16 000 tonnes seulement en 2011-2012.Même dynamique pour la Guinée-Conakry dontla production est passée d’environ 5 500 ou6 000 tonnes en 2012-2013 et 2013-2014 à16 000 tonnes en 2015-2016. Un niveau proche dela production tanzanienne évaluée, en 2015-2016,à 15 000 tonnes, alors qu’elle n’était que de6 000 tonnes en 2012-2013.

Outre la belle hausse des broyages en Afrique,force est de remarquer que le paysage chocolatiercommence à évoluer favorablement sur le conti-nent. En Côte d’Ivoire, le groupe français Cemoia ouvert, en 2015, la première chocolaterie du

pays. Celle-ci est destinée à approvisionner lemarché régional : la consommation de chocolat enAfrique de l’Ouest n’est que de 30 à 50 grammespar habitant contre 8 kg en Europe et500 grammes en Chine. Ceci a représenté uninvestissement de € 8 millions pour une entreprisequi emploie une centaine de personnes. À noterégalement que l’ancienne directrice de CemoiAbidjan, Olga Yénou, a lancé, en 2008, la choco-laterie Tafi qui fabriquait jusque-là des produitssemi-finis. En 2017, elle devrait se lancer dans lafabrication de tablettes de chocolat pour le marchérégional. Choco Togo, quant à lui, a été lancé en2014 et s’est spécialisé dans la production de cho-colat « bio ». L’exemple n’est pas isolé : auGhana, Niche Cocoa Industry (groupe Touton),jusque-là fabricant de produits semi-finis, s’estlancé dans la confection de chocolat courant2017 ; en Ouganda, Pink Food produit du cho-colat à partir des fèves locales depuis 2014, tandisqu’au Cameroun, le Sud-Africain Tiger Brandsdétient Chococam et la Compagnie chérifienne dechocolaterie du Maroc a créé, en 2012, CameroonInvestment Company (CIC). Sans oublier quec’est l’artisan chocolatier burkinabè Bayala Andréqui a remporté, en septembre 2016, le deuxièmeconcours international de chocolat en Côted’Ivoire. La scène africaine du cacao est véritable-ment en pleine mutation.

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Un marché mondial sous tension

Avec une progression d’environ 24 % et 28 %sur l’année, les prix des sucres blanc et brut ontflambé en 2016, au point qu’il faille remonter àl’année 2009 pour connaître une telle perfor-mance. Si l’on prend pour référence les prix ducontrat future sur le sucre blanc négocié surl’Intercontinental Exchange (ICE) Europe, celui-ci est en effet passé, pour l’échéance « mars2017 », de $ 404/t le 4 janvier 2016 à $ 524/t le30 décembre, après avoir atteint un sommet à$ 612 fin septembre. Même constat pour le contrat« n° 11 » sur le sucre brut négocié à New York :celui-ci a débuté 2016 à près de cts 15/lb avantd’atteindre sa valeur la plus élevée de l’année le5 octobre à cts 23,81. Il s’affichait à un peu moinsde cts 20/lb fin décembre. Sur les deux premiers

mois de l’année 2017, les cours sont repartis à lahausse, atteignant le 6 février plus de $ 550/t pourle sucre blanc et cts 21/lb pour le sucre brut.

À l’origine de cette dynamique des prix, unmarché mondial en déficit pour la campagne2016-2017 avec, en toile de fond, une consomma-tion qui croît plus vite que la production. Selon lesstatistiques de l’Organisation internationale dusucre (OIS) datées de février 2017, la productionmondiale 2016-2017 devrait atteindre près de168,33 Mt (valeur brute), en hausse de 2,26 Mtpar rapport à 2014-2015 (+ 1,36 %). Des dispa-rités régionales s’observent néanmoins : alorsqu’elle a augmenté aux États-Unis, en Europe, enRussie, en Chine et probablement au Brésil, elle arégressé là où la demande est forte, notamment enInde avec une diminution des volumes de 7 % parrapport à 2015-2016 selon la première estimation

Sucre

Une production qui stagne à l’échelle continentale, une consommation croissanteet un déficit qui s’accroît en conséquence, des disparités Nord-Sud, une petite agriculture pluviale coexistant avec des plantations irriguées, une production domestique qui se conjugue avec le raffinage de sucre importé et des flux incon-trôlés : en Afrique, le secteur sucre est pour le moins contrasté, ouvert aux autrescontinents, extrêmement attirant pour les pays concurrents et toujours aussi prometteur. Tout ceci dans un marché mondial qui s’est avéré tendu en 2016 avecun déséquilibre marqué entre l’offre et la demande, terreau d’une spéculation haussière importante sur les marchés de référence de Londres et de New York.

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de l’ISMA, l’association indienne des fabricantsde sucre. Une offre globale qui s’accroît donc,mais à un rythme plus faible que celui de laconsommation mondiale, attendue en hausse de1,62 % à 174,2 Mt. Conséquence logique : alorsque l’estimation réalisée en septembre 2016 fai-sait état d’un déficit mondial de 7,05 Mt, celle defévrier 2017 supposait un déficit plus faible à5,87 Mt avec une régression des stocks mondiauxde près de 6 Mt. Toujours selon l’OIS, la disponi-bilité en sucre exportable à l’échelle mondialeserait de 58,25 Mt alors que la demande d’importation est estimée à 58,09 Mt. Le ratiostocks/consommation 2016-2017 serait alors de43,78 %, taux le plus bas enregistré depuis 2010-2011, proche du niveau jugé « critique » de 40 %.

Les fondamentaux du marché n’expliquentcependant pas, à eux seuls, l’accroissement descours du sucre, car force est de constater l’am-pleur des stratégies spéculatives haussières,notamment sur la première partie de l’année.Encouragés par l’insuffisance de l’offre alorsmême que les météorologues évoquaient le pro-bable phénomène climatique La Niña, par la fai-blesse des stocks, mais également, du côté duBrésil, par l’appréciation du réal et par descraintes sur le rythme de production, les hedge

funds et les fonds indiciels ont multiplié sur cettepériode les stratégies d’achat de contrats futuressur les deux marchés de référence. Après desprises de bénéfices importantes expliquant l’in-flexion des cours observée sur le dernier trimestre2016, les spéculateurs sont revenus sur le marchéen fin d’année, encouragés notamment par desnouvelles décevantes en provenance d’Inde et leraffermissement du réal.

Un déficit net structurel grandissant en Afrique

Le chiffre clé qui caractérise le continent afri-cain (hors Moyen-Orient) est son déficit net struc-turel qui s’est élevé à près de 8 Mt en 2015-2016.Et ce déficit s’accroît : d’environ 2 Mt avant 2005,il est passé à près de 6 Mt dans les années 2010 etdépassera 10 Mt d’ici les prochaines années. Laproduction du continent représente environ 7 %de la production mondiale, sa consommation

s’élève à environ 11 % de la consommation mon-diale et la demande en importations concentreplus de 17 % des importations mondiales (37 % sil’on ajoute le Moyen-Orient). C’est avant tout lacroissance démographique, la croissance despopulations urbaines, l’évolution des modes ali-mentaires accompagnant l’émergence de classesmoyennes qui sont à la base d’une croissance dela consommation qui s’élève à près de 3 % par ances trois dernières années.

L’accroissement du déficit africain résultedonc d’une arithmétique simple : alors que laproduction du continent a progressé de 1,5 Mt endix ans et a fluctué ces dernières années autourde 10,6 Mt, la consommation a progressé depresque 4 Mt sur la même période. C’est environ5,6 Mt supplémentaires qui seront nécessairesrien que pour satisfaire la demande en Afriquesubsaharienne d’ici 2025. Dans ce contextetendu, tout accident climatique qui, dans unerégion donnée, affecte sa production nationale setraduit par une déstabilisation du marché domes-tique, une volatilité forte des prix intérieurs etfavorise les flux non contrôlés entre pays voisinsavec, pour conséquence, un accroissement sup-plémentaire des difficultés rencontrées par l’in-dustrie domestique.

En cela, la question centrale est bien de savoirquels pays pourront assurer l’approvisionnementen sucre du continent africain dans les années àvenir ? Et comment ces besoins seront-ils cou-verts : par l’industrie domestique cannière (ou trèsmarginalement betteravière), par une industriedomestique du raffinage de sucre brut importé oupar des importations directes de sucre blanc ? Surl’ensemble du continent, la courbe d’évolutiondes flux d’importations de sucre brut a croisé celledes importations de sucre blanc dans les années2010, reflétant non seulement l’augmentation descapacités de raffinage de brut importé, mais éga-lement le choix de certains pays de développer desoutils industriels et de capter de la valeur.Cependant, la concurrence grandissante des pro-ducteurs de sucre blanc, ceux de l’UE et duMoyen-Orient, pourrait redonner une certaine pri-mauté aux importations de sucre blanc même s’ildevrait y avoir de la place pour tout le monde tantla demande est et sera forte.

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Des exportations en baisse dépendantesdu marché européen

À l’exception de l’Afrique du Nord, le sucreproduit dans les pays d’Afrique subsahariennebénéficie d’un accès privilégié au marché de l’UEau travers des accords historiques entre les paysACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), les Pays lesmoins avancés (PMA) et l’UE. Les flux de sucrede ces pays vers l’UE ont structuré leurs échangesdepuis les années soixante-dix et la convention deLomé, suivie, en 2000, par l’accord de Cotonou.Depuis 2001 et l’entrée en vigueur de l’accord« tout sauf les armes », les PMA bénéficient d’unaccès libre en quantité et en droit. Depuis 2007 etl’entrée en vigueur du volet commercial desAccords de partenariat économiques (APE),l’accès au marché européen est libre en quantité etlibre de droits pour l’ensemble des pays ACP. Lesecteur européen est limité par des quotas de pro-duction domestiques inférieurs à la consommationdepuis 2006 (et jusqu’en 2017). Ces flux auraientlogiquement dû se consolider. Mais les baisses deprix significatives sur le marché européen et l’ou-verture du marché européen à d’autres partenairescommerciaux (Amérique centrale, Pérou,Colombie, Ukraine, Brésil) érodent peu à peu cespréférences. Depuis 2013/2014 les importationsde l’UE en provenance des pays ACP et des PMAsont en baisse.

En 2015-2016 ces flux ACP/PMA ont chuté à1,7 Mt. Maurice est, de loin, le plus grand expor-tateur de sucre vers l’UE (environ 460 000 t desucre blanc en 2014-2015), suivi du Swaziland(313 000 t sucre brut), du Mozambique (280 000 tde sucre brut), du Soudan (200 00 t en 2014-2015)et du Zimbabwe. La fin des quotas européens au1er octobre 2017 et la libéralisation de la produc-tion de sucre (et d’isoglucose) dans l’UE risquentde réduire la demande en importation, d’accroîtrela concurrence et de ternir encore l’attractivité dumarché européen. Dans sa modélisation dumarché de l’UE à l’horizon 2025, la Commissioneuropéenne a estimé que le total des importationsde l’UE, toutes origines confondues, devrait s’éta-blir autour de 1,7 Mt.

Sur la base de flux historiques, certains paysd’Afrique bénéficient également d’un accès,

limité en quantité et libre de droits, au marché desÉtats-Unis : la Côte d’Ivoire, le Gabon,Madagascar, le Malawi, Maurice, le Mozambique,l’Afrique du Sud, le Swaziland, le Zimbabwe. Lesquantités allouées sont cependant très faibles si onles compare aux quantités exportées vers l’UE etil n’y a aucune perspective d’augmentation de cedébouché à court et à moyen terme. Le contextepolitique actuel aux États-Unis, l’absenced’avancée du cycle de Doha à l’Organisationmondiale du commerce (OMC), et les difficultésdes États-Unis à gérer ses flux d’importation enprovenance du Mexique font que ce débouché res-tera très limité.

La baisse de la demande en importations del’UE en provenance des pays producteurs afri-cains leur pose un vrai défi. Maurice, qui a réussià restructurer son secteur vers plus de valeurajoutée et de différentiation et qui a fait le choixde ne produire que du sucre blanc qualité UE etdes sucres spéciaux à partir de 2009, devrait certesmaintenir ses débouchés vers l’UE. Cela risqued’être cependant plus difficile pour les autresexportateurs de sucre brut.

Un fort déséquilibre Nord-Sud

Une division grossière du continent faitémerger deux blocs : un bloc au Nord très défici-taire et un bloc au Sud légèrement excédentaire.La logique voudrait qu’un rééquilibrage s’opère,mais force est de constater que les flux entre sesdeux blocs peinent à se structurer.

Le premier bloc, qui rassemble l’Afrique duNord, de l’Ouest et de l’Est, affiche un déficit netde plus de 7,5 Mt, dont 50 % en Afrique du Nord(3,8 Mt) et 20 % au Nigéria, ce qui est considé-rable. La consommation par habitant en Afriquedu Nord (Algérie, Libye, Maroc, Tunisie) se situeentre 35 et 39 kg/an/hab, ce qui est largement au-dessus de la moyenne du continent (environ16 kg/an/hab) et au-dessus de la moyenne mon-diale de 23 kg/an/hab.

L’Algérie ne produit pas de sucre et importetout ce qu’elle consomme, soit environ 1,4 Mt(contre 1,25 Mt en 2010), essentiellement du bruten provenance du Brésil qui est raffiné sur place.Avec la construction récente de deux nouvelles

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raffineries, sa capacité de raffinage, dominée parle groupe Cevital, dépasse sa consommation. Pourles pays producteurs comme l’Égypte et le Maroc(Fimasucre), l’impératif est à la fois d’investir etd’améliorer la productivité du secteur domestique,ces deux pays produisant à la fois du sucre decanne et de betterave, mais aussi d’investir dansdes capacités de raffinage de sucre brut importé,essentiellement du Brésil et d’Amérique centrale.Ils doivent aussi se positionner face à la concur-rence du sucre de l’UE et des raffineurs de sucrebrut importé situés au Moyen-Orient dont lescapacités de production, évaluées à 12 Mt, ontexplosé ces dernières années. Cette « surcapa-cité » de raffinage de brut dans la région Moyen-Orient/Afrique du Nord (MENA) est inquiétante.Elle est en effet difficilement durable et devraitlogiquement conduire à terme à la fermeture deraffineries dans certains pays du Moyen-Orient, àmoins que ce sucre blanc raffiné ne parvienne àconcurrencer le sucre thaïlandais, brésilien, euro-péen et indien sur le continent africain.

La stratégie de développement de l’industriedomestique de ces pays passe ainsi par un contrôledu niveau des importations de sucre brut et blanc,des politiques incitatives de développement dessurfaces en canne et en betterave et de soutien desplanteurs, notamment au travers de prixminimum. On note, dans ces pays, un développe-ment significatif de la betterave, en raison devariétés de plus en plus performantes et adaptéeset en raison de sa plus faible demande en eau. En2016-2017, l’Égypte devrait produire 0,915 Mt desucre de canne et 1,270 Mt de sucre de betterave.Au Maroc, la structuration de la filière et lesinvestissements dans l’amélioration de la produc-tivité, notamment de la betterave, ont permis desprogrès significatifs. La production de sucredépasse ainsi 0,5 Mt. Combinée avec le raffinagede sucre brut importé (environ 0,7 Mt), elle apermis au Maroc de devenir autosuffisant et depouvoir potentiellement exporter vers les paysvoisins.

En Afrique de l’Ouest, le niveau de consom-mation par habitant est bien plus faible : autour de10-15 kg/an/hab. Le Nigeria représente les deuxtiers du déficit avec une consommation de 1,6 Mt.À partir des années 2000, le pays a largement misé

sur la substitution de sucre blanc importé par dusucre brut et a fortement développé des capacitésde raffinage en même temps qu’il privatisait etréhabilitait les entreprises détenues par l’État. Lesgroupes Dangote, devenus le plus grand raffineurd’Afrique subsaharienne, BUA et Golden SugarCompany ont ainsi accru leur activité sur la based’avantages compétitifs certains : une localisationproche des ports où le sucre brésilien est déchargéet de faibles coûts de l’énergie et du travail.Depuis 2012 et 2014, le Nigéria – dont le gouver-nement considère l’agriculture comme un secteurclé (à côté du pétrole) – a mis en place un pland’intégration et de développement de son agro-industrie. Celui-ci a ciblé le sucre produit à partirde la canne, le contrôle des flux d’importation (autravers de politiques restrictives de quota d’impor-tation et de droits de douane), ainsi que la valori-sation de l’économie rurale et le développementde la production d’éthanol. Plusieurs projetsdevraient donc se concrétiser d’ici les dix ans àvenir, allant de mini sucreries « bio » jusqu’auprojet traditionnel de « green field » sur environquatorze sites. Mais la situation politique et éco-nomique du pays sont des freins puissants à cedéveloppement.

Des plans de développement existent aussi auCameroun, au Gabon et en Côte d’Ivoire.L’entreprise Somdiaa a ainsi récemment annoncéun plan d’investissement de 320 millions d’eurossur cinq ans pour augmenter les capacités de pro-duction et améliorer les rendements encore déce-vants. Mais les flux d’importations plus ou moinsfrauduleux en provenance du Nigéria ou duSoudan retardent la concrétisation de ces projets.

Le sucre importé des pays d’Afrique du Nordet du Nigéria est donc majoritairement du brut(environ 5,5 Mt) destiné au raffinage. Il est enprovenance directe des ports du Brésil etd’Amérique centrale. Il s’agit, pour les paysd’Afrique de l’Ouest, de sucre blanc importé enquantités plus faibles (environ 1,6 Mt) en prove-nance d’Europe, du Brésil et du Moyen-Orient.

L’Afrique de l’Est offre une image différente :elle abrite des producteurs de sucre importants(Soudan, Kenya, Éthiopie et Maurice), deuxexportateurs (Soudan et Maurice), dont l’un,Maurice, est un exportateur net. Elle n’importe

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pas (encore) de sucre brut à raffiner. Les disparitésen termes de consommation de sucre y sontimportantes : l’Éthiopie demeure un des plus fai-bles consommateurs par habitant du continentavec environ 5 kg/an/hab. Avec une consomma-tion près de dix fois plus élevée, le Soudan atteint,quant à lui, les records mondiaux. L’Éthiopie et le

Kenya luttent pour restructurer leur industriedomestique basée essentiellement sur des plan-teurs indépendants et tentent de contrôler les fluxde sucre. L’Éthiopie a pour ambition de devenirun des dix plus grands producteurs de sucre àl’échelle mondiale d’ici 2023, mais peine àmoderniser l’approvisionnement en canne et ses

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BRL = réal brésilien

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outils industriels. Avec 0,35 Mt de production en2015-2016, le pays apparaît très en deçà de l’ob-jectif de production de 2,25 Mt fixé pour 2014-2015. Au Kenya, les faibles rendements de lacanne, les difficultés liées à l’accès aux crédits etaux intrants pour les planteurs, celles liées auxinfrastructures de transport, aux délais de paie-ment et au retard dans le processus de privatisa-tion ont fait enfler les coûts de production. Ils sontaujourd’hui de 60 % supérieurs à ses voisinsd’Ouganda, de Tanzanie ou de Zambie qui appar-tiennent à la même zone commerciale (Marchécommun de l’Afrique orientale et australe –COMESA). Le Kenya (20 kg/an/hab) ne produitque du sucre brut et tous les besoins en sucre raf-finé blanc (pour la demande industrielle) sontsatisfaits par des importations en provenance despays voisins.

Quatre complexes sucriers assurent une pro-duction d’environ 330 000 tonnes en Tanzanie,pour une consommation d’environ 520 000 tonnes(12 kg/an/hab). Ces complexes couvrent au totalenviron 31 00 hectares de canne avec un rende-ment moyen de 68 t/ha et 27 000 hectares de plan-tations de planteurs indépendants dont le rende-ment moyen est d’environ 27 t/ha. Le décalage estflagrant. Le déficit est comblé par des flux d’im-portations d’environ 250 000 tonnes difficilementcontrôlés, et constitués essentiellement de sucrede basse qualité. Un projet de construction d’une nouvelle sucrerie est à l’étude pour 2020afin d’accroître la production du pays à420 000 tonnes. D’autres projets de « mini-sucre-ries » plus adaptées aux structures agricoles sontégalement considérés. Pour permettre à ces pro-jets de voir le jour, le gouvernement tanzanien aaussi décidé de relever progressivement les droitsde douane sur les importations de sucre (et deconfiseries) de 10 % à 25 % à compter de l’exer-cice 2016-2017. Le droit de douane passera ainside 10 à 15 %, avant d’être porté à 20 % en 2017-2018, puis à 25 % en 2018-2019 ; le ministre desFinances et du Plan a précisé que cette augmenta-tion a également pour objectif de décourager lesabus en matière d’exonération de taxes pratiquéspar les importateurs de sucre.

Le Soudan, quant à lui, possède les complexessucriers parmi les plus modernes basés sur des

plantations irriguées par les eaux du Nil. LaKenana Sugar Company (KSC) fait notammentpartie des plus grands complexes intégrés aumonde, avec deux sites de production, dont celuide la White Nil Sugar Company, d’une capacité de450 000 tonnes de sucre. Avec deux autres projets,dont celui d’une raffinerie de sucre brut importé,la société soudanaise se positionne non seulementpour approvisionner son marché domestique, maiségalement pour accroître sa position d’exporta-teur, notamment vers les pays voisins. En atten-dant le développement de sa capacité de raffinage,le Soudan importe du sucre blanc raffiné deThaïlande ou d’Inde.

L’Afrique australe peine à accroître sa production

Le deuxième bloc rassemble l’Afrique cen-trale et australe. Il affiche un surplus net d’environ0,35 Mt et abrite le plus de pays exportateurs,dont le Swaziland, le Mozambique, la Zambie,l’Afrique du Sud.

L’Afrique centrale est une zone presque àl’équilibre : deux grands pays producteurs,l’Ouganda (cinq entreprises sucrières) et leMalawi (une entreprise sucrière : le groupe Illovo)produisent environ 0,8 Mt et dégagent un surplusd’environ 0,2 Mt. Le Malawi bénéficie de condi-tions climatiques et de sol ainsi que des ressourcesen eau qui en font une des meilleures régions can-nières au monde avec un coût de production parmiles plus compétitifs. La compagnie Illovo y pro-duit des sucres brut et blanc ainsi que des sucresspéciaux pour consommation directe et à destina-tion de l’industrie. 40 % de sa production estexportée hors du continent vers les marchés del’UE et des États-Unis.

À l’exception de l’Afrique du Sud qui nebénéficiera d’un accès libre en droit, mais limitéen quantité qu’à partir de 2017 (150 000 tonnesdont 100 000 de sucre brut à raffiner), les paysd’Afrique australe exportent également essentiel-lement vers l’UE. Le Swaziland, le Mozambique,la Zambie sont des pays qui dégagent des surplusde sucre brut qui partent pour être raffinés enEurope. Pourront-ils maintenir ces volumesexportés vers l’UE après la réforme de 2017 du

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marché européen ? Et quels autres marchés,notamment sur le continent africain, pourraientabsorber ce surplus ? Si les marchés régionaux unpeu plus au nord sont dynamiques, leur solvabilitéet les infrastructures de transport sont des facteurslimitants.

L’Afrique du Sud et le Mozambique ont dûfaire face à une sécheresse en 2015-2016. La plusfaible disponibilité en eau a fait chuter la produc-tion de ces deux pays, de 2,2 Mt en moyenne à1,7 Mt en 2015-2016 pour le premier, et de0,42 Mt à 0,35 Mt pour le second. Le groupeIllovo est l’opérateur historique majeur de toute lazone, certes présent au Malawi, mais égalementen Zambie, au Swaziland, au Mozambique et biensûr en Afrique du Sud d’où il est originaire. Filialedu groupe britannique Associated Bristish Food(ABF), il possède une capacité totale de produc-tion de 2 Mt. Le groupe Tongaat Hulett est luiaussi originaire d’Afrique du Sud et est présent auSwaziland, au Mozambique et au Zimbabwe etdispose d’une capacité de production équivalente.Bénéficiant d’une intégration commerciale ausein de la Communauté de développementd’Afrique australe (SADC), ils se heurtent néan-moins à la complexité régionale avec la juxtaposi-tion d’autres zones commerciales. En l’absenced’une intégration/unification commerciale pluspoussée au travers d’un accord « tripartite » (véri-table serpent de mer), les flux entre les pays excé-dentaires et les pays déficitaires se trouverontlimités. Au final, l’Afrique du Sud, moins dépen-dante du marché de l’UE, exporte plutôt son sucreblanc vers l’Asie (Indonésie, Malaisie, Birmanie).Mais elle doit aussi faire face à des flux d’impor-tation de sucre brésilien, notamment lorsque le

marché mondial est déprimé, ce qui l’oblige àrelever ses droits de douane pour éviter la déstabi-lisation de son (ses) marché(s).

En conclusion, force est de reconnaitre quel’industrie cannière (et marginalement bettera-vière) est définitivement une industrie structu-rante en Afrique. Productrice de sucre et d’énergie(éthanol, cogénération), elle fait vivre des mil-lions de planteurs, fédère des communautésrurales, permet le développement de pratiquesagricoles de pointe, emploie des millions de per-sonnes au travers du continent et fournit une com-modité essentielle aux industries agroalimen-taires. Mais elle bute sur de nombreux défis :répondre au décalage entre la croissance de lademande et celle des investissements, améliorersa productivité vis-à-vis des concurrents des paystiers (Brésil, Inde, Asie du Sud-Est, Moyen-Orient, Europe), limiter sa dépendance vis-à-visdu marché de l’UE (un défi politique et commer-cial pour tenter de stabiliser ses marchés), freinerles flux illégaux et rééquilibrer les flux légaux. Ilfaut enfin aussi répondre au défi du changementclimatique. Des conditions plus extrêmes, commela sécheresse qui a sévi en Afrique du Sud en2015-2016, posent également les questions de ladisponibilité des ressources en eau dont la canne abesoin, de l’adaptation des variétés de canne et,plus généralement, de la productivité agricole, etdes structures des petits planteurs indépendants.L’Afrique est certes restée un peu en retrait desdynamiques récentes sur le marché mondial dusucre et notamment en retrait des développementsobservés au Moyen-Orient, en Inde ou en Asie duSud-est. Mais elle abrite un potentiel agricole etun potentiel de consommation incomparable.

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Une baisse des prix en 2016

Si l’on se réfère à l’indicateur composite del’Organisation des Nations unies pour l’alimenta-tion et l’agriculture (FAO) constitué des prix de thés noirs CTC (Cutting-Turning-Curling :coupé–tourné–roulé) de différentes provenances,le prix du thé a connu, en 2016, des variationsintra-annuelles différentes de celles des annéesprécédentes. En effet, si le prix du thé avait atteintdes niveaux particulièrement élevés lors du moisde juillet 2015 (tout comme en 2014), cela n’a pasété le cas en 2016. Le prix du thé avait débutél’année 2015 à $ 246 le quintal (100 kg), puisavait progressé régulièrement jusqu’à atteindre$ 290 le quintal en juillet. Il avait ensuite varié,selon les mois, entre $ 263 et $ 281 avant de s’éta-blir à $ 267 en décembre. En janvier 2016, il s’estaffiché à $ 253 le quintal avant de subir une pre-mière baisse en février ($ 242), suivie d’uneseconde au mois d’avril ($ 229). Ceci n’a cepen-dant pas duré : il a connu un pic à $ 265 en juilletavant d’entamer un nouveau repli en août ($ 258).

Il a, par la suite, progressé, mois après mois,jusqu’à atteindre $ 284 en novembre 2016 pourterminer l’année à $ 281. Le prix moyen du thé,en baisse de 4,5 % entre 2015 et 2016, s’est, endéfinitive, établi à $ 257 en 2016.

Constituant une référence incontournable pourle thé africain, le prix du thé vendu aux enchèresde Mombasa était de $ 238 le quintal en moyenneen 2014 (- 11,2 % par rapport à 2013). Il avait for-tement augmenté en 2015 (+ 43,2 % par rapport à2014), son prix moyen s’établissant alors à $ 340.En 2016, le prix moyen du thé aux enchères aatteint $ 288 (en baisse de 15,2 % par rapport à2015). L’année 2017 a néanmoins débuté à desniveaux élevés : $ 370 le quintal en janvier et$ 380 en février. Comme pour l’indice compositeCTC, les variations intra-annuelles ont été assezdifférentes selon les années. En janvier 2015, leprix du thé s’était établi à $ 270 avant de pro-gresser sur les trois premiers mois de l’année($ 310 en mars) puis de chuter en avril ($ 290) etde reprendre, le mois suivant, sa progression. Ilavait atteint, à l’instar du thé CTC, son maximum

Thé

En 2016, les prix du thé africain vendu aux enchères de Mombasa ont chuté de15,2 %, tandis que l’indice composite des prix du thé noir CTC établi par la FAOaffichait une baisse de 4,5 %. Dans d’autres zones de culture, les prix du thé ont,en revanche, augmenté, notamment en Inde et au Sri Lanka. En 2016, le Kenyaest resté l’exportateur de thé le plus important sur le marché mondial.

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en juillet ($ 400) et avait ensuite diminué, à l’ex-ception du mois d’octobre, jusqu’à atteindre leprix de $ 340 le quintal en fin d’année. En 2016,le prix du thé présenté au Kenya a entamé l’annéeà $ 320 le quintal. Il a alors chuté de 25 %jusqu’au mois d’avril ($ 240) avant de progresserjusqu’à la fin de l’année. Il s’est établi à $ 340 lequintal en décembre 2016, soit une progression de41,7 % entre avril et décembre 2016.

Dans d’autres zones de production, notam-ment en Inde et au Sri Lanka, le prix du thé a aug-menté au cours de l’année 2016. Au Sri Lanka, lahausse du prix s’est expliquée par la faiblesse del’offre, mais aussi par la dévaluation de la roupiesri lankaise face au dollar.

Des volumes de production en hausse et des projets de développement des surfaces engagés dans plusieurs pays

Les principaux producteurs de thé mondiauxrestent la Chine et l’Inde dont les volumes ontprogressé en 2016. Ces deux pays se partagentplus de 60 % des volumes produits, la Chine étantle premier producteur mondial de thé vert et l’Indele premier producteur de thé noir. Les différentspays africains producteurs de thé fournissent,quant à eux, environ 13 % des volumes mondiaux

(taux valable pour 2013 et pouvant être estimé à15 % en 2016). Ils se répartissent comme suit :Kenya (8,7 % de la production mondiale),Ouganda (1,2 %), Malawi (0,9 %), Tanzanie(0,6 %), Rwanda (0,5 %), Zimbabwe (0,2 %),Burundi (0,2 %) et Afrique du Sud (0,1 %). Lesautres pays producteurs africains fournissent0,6 % des quantités sur le marché mondial.

En 2016, le Kenya a produit 473 000 tonnes dethé, en progression de 18,5 % par rapport à 2015.Cette hausse semble avoir été favorisée par lespluies de la fin de l’année 2015 et du début de2016 liées à la présence d’El Niño. Le pays resteainsi le troisième producteur mondial de thé, der-rière la Chine et l’Inde, et le premier producteurde thé noir CTC. Cependant, le fait que le paysproduise peu de thés orthodoxes pénalise sesrevenus à l’exportation. La production kenyaneest assurée soit, pour 60 % des volumes, par desproducteurs agricoles cultivant le thé dans leurpropre exploitation, soit, pour le montant restant,par des plantations de grande taille appartenant àdes groupes nationaux ou internationaux.

Au début de l’année 2017, les prévisions derécolte pour l’année en cours ont fait état d’uneproduction de 416 000 tonnes de thé, en baisse de12 % par rapport à la récolte record de l’année2016. Ces prévisions à la baisse anticipent, en réa-lité, les conséquences de la sécheresse persistantequi s’est abattue sur le pays. Cette dernière, liée auphénomène météorologique La Niña, a provoquéun assèchement des sources d’eau d’irrigation denombreux producteurs à travers le pays, ce qui n’apas manqué d’affecter le développement desfeuilles de thé.

L’Ouganda est le deuxième producteur de théen Afrique, avec une récolte estimée à58 300 tonnes en 2016, contre 51 600 tonnes en2015, soit une hausse des volumes de 13 %. Ilsemble, par ailleurs, que le pays possède un poten-tiel de développement important grâce à des ter-rains propices. Certaines sources estiment que seu-lement 15 % des surfaces qui pourraient être valo-risées pour la culture de thé le sont réellement.

La production du Malawi s’est, quant à elle,élevée à 39 000 tonnes en 2016, ce qui en fait letroisième producteur africain. La baisse de la pro-duction de 1 % par rapport à 2015 (39 400 tonnes)

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s’explique par l’absence de pluies et par des tem-pératures record ayant diminué la période derécolte. Bien que la baisse de la récolte 2016 aitété modeste, les mauvaises conditions climatiquesont limité les replantations qui permettent le déve-loppement et l’entretien des cultures. Le bondéveloppement de la récolte 2017 pourrait être,dès lors, menacé. Pour les producteurs, les coûtsde production en baisse semblent néanmoins avoircompensé, pour partie, les effets de cette légèrecontraction des volumes. Pour le développement

de la théiculture, le pays a engagé un programmeintitulé « Malawi Tea 2020 ». Ses objectifs sont derenforcer la compétitivité et la rentabilité de l’in-dustrie, tout en améliorant les conditions de cul-ture du thé et sa qualité et en offrant de meilleuresconditions de travail aux salariés comme aux pro-ducteurs.

En 2016, la Tanzanie a produit 36 200 tonnesde thé, dont 68 % dans des plantations(24 500 tonnes) et 32 % dans des exploitationsagricoles de plus petites tailles (11 700 tonnes).

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Le thé est ensuite principalement transformé dansonze usines traitant, à elles seules, 92 % desvolumes. La Tanzanie a affirmé auprès de la FAOson intention d’augmenter la superficie plantée dethé à 25 000 hectares d’ici 2022. Le pays souhaite,en effet, produire 50 000 tonnes par an.

Le Rwanda produit, quant à lui, en majorité duthé noir CTC dans quatorze usines, mais force estde remarquer que la production de thé de spécialitése développe. La production totale a atteint25 200 tonnes en 2016. Dans ce pays, la productionde thé se fait en altitude, facilitant ses conditions de culture par la moindre présence d’organismesnuisibles. Le sol volcanique permet, par ailleurs, de limiter les apports en engrais. La productionnationale est soutenue par le gouvernement qui anotamment fourni des plants aux producteurs.

Au Zimbabwe, 15 000 tonnes, essentiellementdu thé noir CTC, ont été produites en 2016 partrois entreprises principales. Les surfaces agri-coles consacrées à la théiculture y sont encorelimitées, mais, aux dires des experts, elles pour-raient progresser considérablement. Enfin, leBurundi a produit 11 000 tonnes en 2016.

Le Kenya, leader mondial des exportateurs de thé

Le Kenya est le plus grand exportateur mon-dial de thé. Il distribue, en effet, la majeure partiedes volumes africains de thé noir. Selon la Banquecentrale du Kenya (KCB), les exportations de théauraient ainsi atteint 480 000 tonnes, en hausse de14 % par rapport à 2015 (420 500 tonnes). Lepays vend 95 % de sa récolte aux enchères deMombasa. En 2015, le pays a exporté pour$ 1,27 milliard contre $ 1,19 milliard en 2016,soit une baisse de 3,6 % liée aux plus grandesquantités disponibles aux enchères de Mombasa.Le Kenya compte le Royaume-Uni, l’Égypte, lePakistan, l’Afghanistan, le Soudan et la Russieparmi ses principaux clients. Afin d’augmenterses exportations, la Kenya Tea Development

Agency a réussi à accroître ses volumes de venteauprès de ses clients historiques, notamment leRoyaume-Uni, mais s’est également aventurée surde nouveaux marchés, tels que ceux de l’Iran, duKazakhstan, etc.

L’Ouganda a, quant à lui, exporté 95 % de sesrécoltes de thé, soit 55 400 tonnes, principalementaux enchères de Mombasa. Le Soudan est l’un deses principaux clients, mais les troubles qu’a tra-versés le pays ont entraîné une baisse de sesachats en 2016. La Tanzanie a, pour sa part, vendu

Les ambitions kenyanes

L’agence de développement du thé au Kenya (Kenya Tea Development Agency) souhaite investirdans son outil de transformation pour produire du thé orthodoxe, alors que le pays est principa-lement producteur de thé CTC. L’enjeu : améliorer la valeur de ses exportations. Avec ce thé, leKenya espère notamment favoriser les ventes vers l'Iran et la Russie. Des premières machinesnécessaires à la transformation de cette qualité de thé semblent avoir été importées. Ellesdevraient permettre la production de thé orthodoxe dès la fin de l’année 2017.

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sur les marchés internationaux 85 % des volumesqu’elle a produits, soit 30 800 tonnes (contre29 500 tonnes en 2015). Il s’agit de thés CTC, enmajeure partie. Même constat pour le Rwanda quia exporté environ 97 % de sa production de thé,soit 24 400 tonnes en 2016, en légère baisse parrapport à 2015 où 24 700 tonnes avaient été com-mercialisées. 60 % des volumes sont commercia-

lisés aux enchères de Mombasa, les 37 % devolumes restants sont vendus de gré à gré, selon leNational Agricultural Export Development

Board. Enfin, le Zimbabwe a exporté12 000 tonnes en 2016, en large partie du thé noirCTC. La majorité de la production est exportéevers le Royaume-Uni pour être mélangée.

Réunion du Groupe intergouvernemental du thé au Kenya

La réunion de la vingt-deuxième session du Groupe intergouvernemental sur le thé s'est tenuedu 25 au 27 mai 2016 à Naivasha au Kenya. Lors de cette réunion, les pays participants ontétabli un bilan de la situation du marché du thé en étudiant notamment les tendances de pro-duction et de consommation ainsi que les prix. Le Groupe a, par ailleurs, examiné les change-ments intervenus dans les différentes politiques nationales et tenté de mesurer leurs effets surle marché mondial. Lors de cette édition, quatre-vingt-douze délégués étaient présents, en pro-venance du Burundi, du Kenya, du Malawi et du Maroc notamment. Des observateurs del'Organisation internationale de normalisation (ISO) et du Comité international du thé (ITC)ont également assisté à la rencontre.

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En janvier 2017, on dénombrait pas moins dequatre-vingts exportateurs de vanille àMadagascar, dont soixante-douze officiels, pour unmarché local global de 1 500 à 2 000 tonnes dansles périodes de production normales. Le nombre deces exportateurs a considérablement évolué aucours des cinq dernières années, participant active-ment à la hausse progressive des cours de cetteépice toujours très convoitée. Ces exportateurssont, pour la plupart, regroupés en associations– au moins trois officielles – qui semblent peiner àproposer des solutions pour rationaliser la filière etapparaissent de moins en moins considérées pardes membres préférant désormais agir seuls et« librement ». Pour mémoire, depuis le milieu desannées soixante-dix et durant une vingtaine d’an-nées, seul l’État malgache était habilité à vendre laproduction de vanille. La vingtaine d’opérateurs dela SAVA – anciens exportateurs – n’ayant plus pour

missions que de préparer, conditionner et stocker lavanille pour le compte de l’État qui fixait unilaté-ralement le prix à l’exportation.

La campagne 2016 est quasiment terminée

À la fin janvier 2017, les entrepôts des expor-tateurs étaient étonnamment quasi vides et unegrande majorité d’entre eux se sont préparés à« fermer boutique » pour prendre quelquessemaines de congés avant de reprendre pied pourla récolte 2017. Estimer les stocks disponibleschez les collecteurs en brousse n’est pas choseaisée, mais il serait très surprenant que ceux-cisoient élevés compte tenu de la taille de la cam-pagne, des exportations déjà effectuées et dessommes phénoménales d’argent qui circulent dansla SAVA et attestent des échanges commerciaux

Vanille

Dans une crise, la seule chose prévisible est l’incertitude qui suit et rien ne sembleplus vrai pour la filière de la vanille à Madagascar. La situation globale dans lazone principale de production, que l’on appelle communément la SAVA – pourSambava, Antalaha, Vohemar, Andapa : les 4 principales villes de cette région dunord-est de Madagascar – est en effet critique. Les prix ont flambé, la quantitédisponible et la qualité n’étant pas toujours au rendez-vous, alors que la demande,fortement inélastique, s’est maintenue. Dans un contexte de quasi-monopole dé-tenu par Madagascar, les exportateurs semblent très inquiets de cette situation ets’attendent tous à ce que la bulle « explose »… mais la question reste quand.

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déjà effectués. Force est de constater qu’en paral-lèle à ce marché de la vanille, et du fait des prixpratiqués, une spirale inflationniste s’est déve-loppée sur l’ensemble des biens de consommationproposés dans la région fussent-ils primaires (riz,huile, savon, poulet, poisson…)… ou de confort.

Les qualités de vanille proposées sont par ail-leurs globalement très médiocres et les prix de

plus en plus élevés. Des niveaux de $ 475 à$ 500 Fob pour des marchandises prêtes àexporter n’étonnent en effet plus personne.Certains prix annoncés comme traités sur lemarché local, entre collecteurs, équivaudraient,une fois pris en compte la dessiccation, lesremises, l’emballage et les frais de mise au stan-dard Fob, à des niveaux proches de $ 600.

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La campagne 2016 a certes été marquée parune récolte de vanille verte satisfaisante, maiségalement par des rendements en préparation(curing) très mauvais suite à une récolte trop anti-cipée de gousses immatures. La baisse de rende-ment pourrait être ainsi de près de 50 %. Il y a euune grosse pression des industriels de l’extractiondès la récolte des vanilles vertes pour leur besoinen vanilles dite « quick curing » avec des finance-ments en brousse très anticipés ayant entrainé unetrès forte spéculation dès l’ouverture de la cam-pagne. Au final, la production globale est estiméeà 1 200 tonnes maximum de vanille export, dont650/700 tonnes de gousses estampillées nouvellerécolte déjà exportées à la fin janvier 2017 contreune consommation mondiale supérieure à2 500 tonnes ! Les exportateurs principaux ontreconnu n’avoir traité que des volumes très endeçà de leurs volumes habituels et les seuls àannoncer des volumes importants ont été les grosindustriels de l’aromatique présents à Madagascar(bien que certains ont avoué à mots couverts avoirsubi quelques revers importants. Malgré des préfi-nancements importants injectés en début de cam-pagne (environ $ 200 millions), les aromaticiensmondiaux n’ont en définitive pas obtenu les qua-lités escomptées et préfinancées. Ceci pourrait lesinciter à accélérer leur implantation à Madagascar,en direct ou via joint-venture, afin de produire entoute « opacité » des extraits de vanille aux prixdemandés par le marché. Les stocks disponiblesen brousse chez les exportateurs et les consomma-teurs ont, quant à eux, été sans aucun doute possi-bles au plus bas niveau jamais enregistré.Conséquence logique : les prix à l’exportation ontquasiment atteint, en $ courant, les prix payés en2004 juste avant le crash du marché. Les princi-paux bénéficiaires en ont été les collecteurs.

Si la consommation n’a pas semblé être fon-damentalement impactée par ces réalités, il estévident que la reformulation des produits vanillésest en cours et que le marché de vanilline (natu-relle ou synthétique) est actif. La hausse de lademande en huile essentielle de feuilles degirofle, dont l’eugénol que l’on en extrait est mas-sivement utilisé pour produire de la vanilline, enatteste.

On assiste, par ailleurs, ces dernières années à

une réelle révolution sur ce marché de la vanille etune utilisation de plus en plus importante du pro-cédé dit de quick curing qui permet, même si lesvanilles vertes sont de qualité moyenne, d’obtenirdes vanilles industrielles – pour extraction exclusi-vement – prêtes à être exportées en moins de trentejours avec des taux de vanilline relativement bons,lorsque le procédé est bien maitrisé… ce qui n’estpas toujours le cas. On dénombre ainsi à ce jourune petite dizaine d’unités de préparation devanille en quick curing, lesquelles consommeraient– selon nos estimations – au minimum 20 % de larécolte de vanille verte. Ceci explique la pressionmise par les industriels sur ce marché des vanillesvertes dès le début de la récolte.

Qu’attendre alors de la récolte 2017 quidevrait, logiquement, commencer en juin 2017 etdurer jusqu’à la fin de l’année ? Sans doute pas,hélas, des conditions de marché bien meilleures.La floraison a certes été bonne et on estime que lepotentiel de production de vanille verte pourraitêtre accru de 20 % par rapport à 2016. Cettehausse de la production est principalement due àla mise en production des plantations nouvellesfaites depuis que le marché a commencé sonascension. Ainsi la production possible(12 000 tonnes x 1,20 = 14 400 tonnes) diminuéede l’utilisation des gousses vertes pour le quick curing (2 880 tonnes) donnerait un dispo-nible pour la préparation traditionnelle de11 520 tonnes. La floraison a cependant été trèsétalée dans le temps et il est absolument impos-sible d’imaginer, dans les conditions de marchéactuelles, que les paysans et/ou les collecteursattendent que les gousses soient totalement mûrespour récolter et vendre leurs productions. Lerisque de mise sur le marché d’un fort pourcen-tage de gousses immatures semble donc importantet le rendement en préparation pourrait être à nou-veau extrêmement faible, avec un volume devanille préparée disponible qui peut être estimé à1 450 tonnes.

Si l’on considère (1) l’importance de l’argentdisponible en brousse et les habitudes d’achatlocales, (2) les financements extérieurs desvanilles vertes pour le quick curing, (3) le pro-cessus de préparation des gousses bâclé, dimi-nuant les rendements, mettant en péril les qualités

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produites et augmentant considérablement lescoûts, (4) l’inexistence des stocks en amont et enaval de la chaine d’approvisionnement, (5) uneconsommation globale de vanille naturelle offrantune faible élasticité-prix, mais également (6) lefacteur « ariary » (devise malgache) dont le coursne cesse de s’affermir depuis plusieurs semaines,il y a très peu de chance de voir le marché revenirà la normale courant 2107.

Est-il cependant possible de définir, pour lavanille, ce qu’est ou pourrait être un marchénormal ? Tant que Madagascar représentera prèsde 80 % de la production mondiale, cette situation

de quasi-monopole dictera les lois d’un marché àl’origine de la production de l’arôme le plusconsommé au monde ! L’enjeu est donc énormepour les origines outsider (Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Ouganda, Inde…) de prendrepart, rapidement et de manière durable, au com-merce international de la vanille et de participer àsa régulation, laquelle est souhaitable sansconteste d’un point de vue quantitatif et qualitatif,et d’ores et déjà souhaitée par tous les acteurs dela chaine d’approvisionnement.

Treize ans après Gafilo, Enawo ravage à son tour la SAVA

Le 7 mars 2017, à 9 heures, le cyclone Enawo a frappé la côte du nord-est de Madagascar à25 km au nord d’Antalaha, treize ans jour pour jour après le passage du cyclone dévastateurGafilo. Avec des vents de plus de 200 km/h et une vitesse de déplacement de l’ordre de 10 km/h,Enawo a ravagé une grande partie de la zone sud de la SAVA et provoqué d’importants dégâtsmatériels et agricoles sur son passage. À l’heure où ces lignes sont écrites, il est encore très tôtpour se prononcer de manière définitive sur les répercussions de cet épisode dramatique sur lazone vanille mais, après avoir collecté des informations fiables, il est possible d’anticiper, soustoutes réserves, une perte de production de l’ordre de 30 % maximum, perte potentiellementcompensée par l’augmentation de production évoquée dans le texte ci-contre (sans néanmoinsremettre en cause les facteurs de « crise » également mentionnés). Une chose est certaine, cet élé-ment climatique imprévisible, comparable à une épée de Damoclès, au-dessus de la SAVAchaque année entre janvier et avril, ne pourra en aucune manière aider à une sortie de crise rapide,hélas.

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La production fruitière en Afrique représenteun peu moins de 100 Mt, selon les statistiques dela FAO. C’était, en 2014, 13 % de l’offre mon-diale de fruits. En moins de cinquante ans, cetteproduction a triplé en volume. La croissance dusecteur est régulière. Elle a atteint 3 % par an surla dernière décennie. La production africaine s’or-ganise autour de trois grands types de fruits : legroupe des bananes desserts et à cuire (44 % del’offre), celui des agrumes (20 %), de la mangue(6 %), du raisin (5 %) et de l’ananas (5 %). Ce topcinq représente 81 % de l’offre totale. La datte, lapomme, la papaye, la pêche et nectarine et, enfin,l’avocat complètent la liste des dix fruits les plusproduits en Afrique. Si celle-ci est surtout consti-tuée de fruits tropicaux ou subtropicaux (banane,

ananas, mangue, papaye), on note aussi une forteprésence des agrumes dont l’aire climatique deproduction est plus vaste. Enfin, les fruits declimat tempéré comme la pomme, le raisin ouencore la pêche sont aussi bien placés dans laliste. L’Afrique offre donc une palette de produc-tion très large reflétant la grande diversité deconditions climatiques qui règne sur le continent.Même s’il est extrêmement difficile de cartogra-phier simplement cette production, les agrumes etles fruits tempérés sont avant tout localisés sur lesparties Nord et Sud du continent alors que les« tropicaux » se répartissent entre et de part etd’autre des tropiques.

Souvent intégrée dans la catégorie des fruits, onsoulignera une production très importante (2,8 Mt)

Fruits tropicauxLa production et le commerce des fruitsafricains : un potentiel encore intact

L’Afrique est un acteur majeur du commerce international des fruits frais. Elle pro-duit et exporte une très grande variété de produits correspondant à une grande di-versité de climat. Elle profite de sa relative proximité avec la zone économiqueeuropéenne tout en développant un flux d’exportations vers les pays de la péninsulearabique et plus loin d’Asie. Quelques grandes contraintes limitent pourtant sonpotentiel productif et commercial : la question foncière, la ressource en eau, lesdifficultés d’organiser un marché régional, l’accès à un transport maritime de qua-lité, régulier et bon marché, etc. Mais le continent avance. De $ 1,5 milliard en2001, la valeur des exportations est désormais de près de $ 8 milliards. Satisfaireles marchés locaux et régionaux en fruits de qualité est, pour l’Afrique, la prochainefrontière.

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de noix et notamment de noix de cajou (80 % dutotal). Cette noix est principalement produite enCôte d’Ivoire (premier producteur mondiale avec700 000 tonnes de noix brutes en 2016) et enGuinée-Bissau (195 000 tonnes). Elle donne lieu àun important flux d’exportation, principalement denoix brutes (donc non décortiquées), vers l’Inde.Ce pays est la plaque tournante du marché mondial.C’est sur son sol que sont réalisées les opérationsde transformation. C’est un enjeu majeur pour lespays africains que de reprendre à leur compte cesactivités aval, porteur de valeur ajoutée.L’ensemble des exportations de noix (noix decajou, de coco, etc.) du continent représente unvolume de 1,9 Mt. Le secteur est en expansion.Selon le site d’information agricole N’Kalô, grandspécialiste du marché de la noix de cajou, la cam-pagne de l’hémisphère nord (terminée fin juillet2016) a été marquée par une demande mondiale enhausse (notamment en Europe) et une offre enlégère baisse en Asie et en Afrique. En novembre2016, au deuxième mois de la campagne de l’hémi-sphère sud (Afrique de l’Est, Brésil et Indonésie),les prix mondiaux ont atteint des prix record. Leprix de la noix de cajou décortiquée (gradeWW320) fob Asie ou Afrique s’est élevé à $ 4.7/lbcontre $ 3.4/lb un an auparavant. La tendance haus-sière devrait d’ailleurs se poursuivre au moins surles premiers mois de 2017.

Le nécessaire développement d’un marché régional africain

Pour ce qui est de la destination de la produc-tion fruitière, une très large part revient à laconsommation domestique. C’est, par exemple, lecas des bananes à cuire, dont la consommation estconsubstantielle à une large frange de la popula-tion et qui ne fait l’objet que d’un très modesteflux d’exportations vers des marchés éloignés. Parcontre, le commerce inter frontalier ou régionalest très important, même s’il est difficile à carac-tériser faute de données fiables. Cela est notam-ment le cas des bananes à cuire dans l’Est, lecentre ou l’Ouest africain mais aussi des manguesentre le Burkina Faso, le Mali et la Côte d’Ivoire.Un des enjeux majeurs pour l’Afrique est donc

d’arriver à construire des espaces d’échange via-bles pour des produits frais très fragiles. Malgréles unions économiques, les barrières tarifaires etnon tarifaires, officielles et officieuses, sont nom-breuses entre les pays. Les problèmes logistiques,et notamment l’état souvent médiocre des routeset l’absence de liaisons ferroviaires fiables, sontautant de freins à ce commerce régional qui estnon seulement une des principales clés du déve-loppement futur du continent, mais également unedes solutions lui permettant d’assurer sa sécuritéalimentaire dans un contexte de forte expansiondémographique.

Le marché des fruits (hors noix) à l’exporta-tion représentait en 2015 un chiffre d’affairesd’environ $ 5,3 milliards (source : TradeMap).Les agrumes frais représentent un tiers de cechiffre pour quelque 3,6 Mt (dont 2,5 Mtd’orange). L’Afrique du Sud, l’Égypte et le Marocdominent ce marché. S’ils exportent tous les troisvers l’Union européenne (UE), ils ont aussi desmarchés diversifiés vers le Proche et le Moyen-Orient ou la péninsule arabique, la Russie etmême les États-Unis. À noter que l’Afrique duSud produit des agrumes en contre-saison de lazone méditerranéenne, bénéficiant ainsi d’unefenêtre à l’export quasi exclusive. L’Égypte estune des origines qui monte le plus avec des exten-sions conséquentes de ses surfaces agrumicoles(+ 10 000 ha en cinq ans) prises sur le désert. La

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problématique principale de moyen et long termepour ce pays reste l’accès et la pérennité de la res-source en eau. De manière générale, si les prix austade importation en Europe ont été favorablesaux agrumes sur la saison 2015-2016, la saison2016-2017 se présente sous un tout autre profil.Pour les oranges, la transition entre la saisond’hiver (approvisionnée par l’Afrique du Sud) etla saison méditerranéenne (saison dite d’hiver)s’est déroulée dans d’excellentes conditions. Eneffet, l’Afrique du Sud a terminé sa campagne surun déficit et donc des prix élevés. Mais la bonnetendance a vite été contrariée. De gros volumes endébut de campagne et des problèmes qualitatifsliés aux fortes intempéries de décembre 2016(notamment en Espagne) ont inversé la tendance.Pour les petits agrumes, la campagne 2016-2017 amal démarré malgré une offre réduite. Lademande n’a, en réalité, pas été au rendez-vous dufait d’un été indien persistant et d’un niveau qua-litatif des fruits très moyen. Le retournement demarché est intervenu en décembre avec une offreen baisse et une deuxième partie de campagne quisemble favorable en termes de prix.

Deuxième groupe de produits présent à l’ex-portation : raisin, pomme et fraise, fruits rouges etautres baies. En 2015, l’Afrique en a exporté pour$ 1,9 milliard. Et, là encore, ce sont l’Afrique duSud, l’Égypte et dans une moindre mesure leMaroc qui concentrent la quasi-totalité de l’offresur les marchés internationaux.

Le continent africain, acteur incontournable du marché bananier en Europe

Vient ensuite la banane dessert, avec un chiffred’affaires à l’export de plus de $ 300 millions en2016 et un volume de près de 650 000 tonnes.L’Afrique est un acteur important du marché euro-péen bananier (environ 10 % de parts de marché).Seulement trois pays exportent des bananes des-serts : la Côte d’Ivoire et le Cameroun (environ300 000 tonnes chacun en 2016) et le Ghana(environ 50 000 tonnes pour 2016). Si quelquesvolumes sont exportés dans la sous-région parvoie terrestre (pays limitrophes du nord de la Côted’Ivoire ou du Tchad à partir du Cameroun) ou parvoie maritime (escale au Sénégal ou au Maroc deslignes à destination finale de l’Europe), l’im-mense majorité des marchandises est destinée aumarché européen. En effet, elle bénéficie d’unaccès privilégié du fait du statut de pays ACP deces trois origines. Leur place sur le marché euro-péen tend à se renforcer année après année avecun développement généralisé de la production :par extension des surfaces comme en Côted’Ivoire ou au Ghana ou par une augmentation dela productivité comme au Cameroun. La fin de ceque les analystes ont appelé la non-guerre en Côted’Ivoire, la reprise économique et de nombreuxatouts (agronomiques, relative proximité de l’UE,statut ACP, etc.) ont attiré et attirent encore de

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nombreux investisseurs étrangers. C’est aussi lecas au Ghana mais qui part de beaucoup plus loin.Selon nos estimations, la superficie en Côted’Ivoire consacrée à la banane d’exportation pour-rait doubler dans les cinq ans. Ces trois pays ontsigné les Accords de partenariats économiques(APE) avec l’UE ce qui leur garantit de continuerà bénéficier d’un accès au marché européen sansdroit de douane et sans contingent. C’est un avan-tage non négligeable pour eux face à leurs concur-rents latino-américains. Mais à moyen terme, lerisque est de voir remis en cause cet avantage.

Le prix moyen européen au stade importationest ressorti à la baisse en 2016 de 7 % (BaromètreCIRAD-FruiTrop) à € 13,6/carton (18,5 kg net)soit un demi-euro de moins qu’en 2015. Mais rap-pelons que 2015 fut une année exceptionnelle etque 2016 ne fait que revenir dans la moyenne desprix constatés en 2013, 2014 et 2015. La conjonc-ture s’est en fait sensiblement dégradée sur lesquatre derniers mois de 2016. Et cette tendancebaissière se confirme début 2017. L’offre mon-diale est à un niveau très élevé alors même que laconsommation fléchie partout, sauf dans l’UE. Cefaisant, tous les observateurs prévoient une année2017 très délicate.

Le marché de la mangue africaine en progression, mais…

Le marché mondial de la mangue est en trèsforte progression avec des acteurs majeurs commele Brésil, le Pérou ou encore le Mexique.L’Afrique, quant à elle, exporte sur le marchéeuropéen et grappille année après année des partsde marché pour se situer actuellement à environ10 %. Entraînés par la Côte d’Ivoire, principaleorigine exportatrice de la région, le Mali et leBurkina Faso ont également atteint, cette année,leur plus haut niveau d’exportation. Totalisant àelles trois près de 33 000 tonnes en 2015. Certes,la Côte d’Ivoire reste le leader avec 23 000 t, maisles pays voisins (Burkina Faso et Mali) participentde même à cet élan. À l’exportation, une des dif-ficultés récurrentes de ces dernières années est unproblème phytosanitaire grave (présence demouches des fruits) qui empoisonne la vie desopérateurs de la filière autant en aval qu’enamont.

La conjoncture 2016 s’est avérée plus com-plexe pour les origines africaines que celle de2015. En avril, la transition a été lente entre la finde campagne du Pérou et le démarrage des ori-gines d’Afrique de l’Ouest. Le marché a été glo-balement sous-approvisionné avec des prix devente élevés et soutenus : entre € 6 et € 9/cartonvariété Kent de Côte d’Ivoire (fret avion) soit plusd’un euro par rapport à 2015. La campagne un peuplus courte que d’habitude (début tardif et fin pré-coce) a duré entre sept et huit semaines. En termesde prix, la saison africaine s’est achevée à desniveaux décevants de € 4,5 à € 5/carton, contras-tant avec le début de campagne.

Vers un nouveau marché de l’ananaspour les origines africaines ?

L’ananas est le joyau perdu de l’Afrique etnotamment de la Côte d’Ivoire. Elle fut une desproductions florissantes jusque dans les annéesquatre-vingt-dix avant que des difficultés d’orga-nisation, une maitrise agronomique approximativeet un succès à l’exportation non maitrisé ne fas-sent basculer le secteur dans la crise. La montéeinexorable du Costa Rica aidé par un changement

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variétal (MD-2) et la maîtrise de la filière par unetransnationale ont fini de précipiter le secteur dansl’oubli. Le Ghana tente cependant de conserverune capacité à l’export, tandis que le Camerouns’oriente depuis quelques années sur le segmentqualitatif mais très limité en volume de l’ananasavion (variété Cayenne lisse). Le Bénin mise,quant à lui, sur la variété Pain de sucre associée àune logistique avion. Enfin, la Réunion et Mauriceconfirment leur leadership sur le micromarché del’ananas Queen Victoria par avion.

La valeur du produit au stade importationvarie dans le sens inverse de l’augmentation desvolumes. On peut mesurer cette parfaite consubs-tantialité entre prix et volume à la fois dans letemps et sur deux grands marchés, les États-Uniset l’UE. Après un point bas touché en 2014 à€ 6,6/carton (variété MD-2 stade import UE), leprix import moyen en 2016 a atteint pour certainesmarques les € 9, soit une hausse de près de 50 %.

Avocat : un marché à fort potentiel

Pour ce qui est du marché très florissant del’avocat, deux origines africaines alimentent sacroissance : l’Afrique du Sud (50 000 tonnes) et leKenya (30 000 tonnes). Si le premier est, en quasi-totalité, orienté vers la demande de l’UE, lesecond partage ses flux entre l’UE et quelques

pays de la péninsule arabique. Ils approvisionnentce que l’on appelle le marché de l’avocat d’été eten détiennent à eux deux quelque 27 %, le Pérouassurant, à lui seul, le reste de l’approvisionne-ment. Au stade importation, les prix sont orientésà la hausse et cela depuis au moins trois cam-pagnes. En France, le prix import moyen pour lacampagne 2015-2016 (octobre à septembre) aatteint € 2,7 /kg (toutes origines) contre 2,5 lasaison précédente. Sur les cinq premiers mois dela nouvelle saison (octobre 2016 à février 2017),le prix a gagné déjà € 0,20/kg par rapport à lamême période un an plus tôt.

L’Afrique, avec comme principaux représen-tants la Tunisie, l’Algérie et loin derrière l’Égypte(premier producteur mondial), participe pourenviron 150 000 tonnes au commerce mondial dela datte, marché estimé entre 900 000 tonnes et unmillion de tonnes. La Tunisie est le premier four-nisseur du marché européen, principalement envariété Deglet Nour. Exportant environ 50 % de saproduction, elle alimente en premier lieul’Europe, mais aussi le Maroc dont la consomma-tion explose ces dernières années. Ses envois versles marchés de diversification comme la Russie etles États-Unis progressent également, mais pourdes volumes encore limités.

On terminera ce bref passage en revue de laproduction fruitière africaine par une incursiondans le secteur du litchi frais. Il s’agit, certes, d’unpetit marché à l’exportation et quasi exclusive-ment vers l’UE (environ 20 000 tonnes) maisd’une grande importance pour Madagascar qui estleader incontesté sur le marché (90 % de parts demarché) des fêtes de fin d’année. À part le litchisud-africain qui arrive, par bateau, en fin de cam-pagne de Madagascar, on trouve Maurice et LaRéunion qui apparaissent en début de campagne(en fin d’année et par avion) pour disparaître dèsl’arrivée en Europe du premier bateau malgache.Sur la campagne 2016-2017 qui s’est achevéecourant février 2017, Madagascar a réduit la voi-lure de 4 % (17 400 tonnes environ). Si les ton-nages refluent, le bilan économique est particuliè-rement satisfaisant cette année encore. Les priximport hebdomadaires ne sont jamais tombés endeçà de € 2/kg.

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Sisal et fibres dures

Le prix moyen annuel du sisal africain, tout grade, s’est inscrit en hausse par rapportà 2015 : + 8 % pour le sisal 3L, + 7 % pour le sisal UG. Cette montée des prixmoyens annuels risque néanmoins de s’arrêter en 2017, au vu de la baisse des prixdu sisal sur les derniers mois de 2016 : le prix du sisal 3L d’Afrique de l’Est est eneffet passé de $ 2 350/t en janvier 2016 à $ 2 155/t en novembre 2016 (soit unebaisse intra-annuelle de 8 %). Pendant cette même période, le prix du sisal est-afri-cain UG a baissé de 9 % : la tonne de sisal de ce grade et de cette provenance s’esten effet établie à $ 2 195/t en janvier 2016 et a atteint $ 2 000/t en novembre 2016.En comparaison, le prix moyen annuel du sisal brésilien a été de $ 1 290/t en 2016(en baisse de 18 % par rapport à 2015). Son prix est désormais inférieur de 55 % à60 % au prix du sisal est-africain. Les exportations de sisal en provenance d’Afriquesont dynamiques, elles ont représenté 38 % des exportations mondiales en 2015(fibres et produits manufacturés confondus) alors que la production africaine de fi-bres de sisal a représenté 31 % de la production mondiale. Les différents pays ducontinent ont peu importé de sisal, que ce soit sous forme de fibres (11 % des im-portations mondiales) ou de produits transformés (7 %).

Des cours du sisal en provenanced’Afrique de l’Est qui se sontmaintenus en 2016 au-dessus de leur niveau de 2015

En 2016, le prix du sisal est-africain de gradeUG s’est établi à $ 2 153/t en moyenne annuelle.Après s’être maintenu à son plus haut niveau($ 2 195/t) lors des huit premiers mois de l’année,le sisal de ce grade a connu une baisse de prix. Ilest en effet passé de $ 2 095/t en septembre à$ 2 025/t en octobre avant de finir l’année à

$ 2 000/t, diminuant ainsi de 9 % au cours del’année. Le sisal de grade 3L a connu le mêmephénomène : après s’être stabilisé lors des huitpremiers mois de l’année à son plus haut niveau,atteint en décembre 2015 ($ 2 350/t), son prix adiminué : il est passé de $ 2 250/t en septembre à$ 2 180/t en octobre avant de s’établir à $ 2 155/ten fin d’année (soit une baisse de 8 % en un an).En moyenne, il s’est établi à $ 2 308/t en 2016.

Pour rappel, la réunion conjointe bisannuelledu groupe intergouvernemental sur les fibresdures, du groupe intergouvernemental sur le jute,

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le kénaf et les fibres apparentées et du sous-groupe des pays producteurs de sisal et de hene-quen s’est tenue en novembre 2015 à Bogota(Colombie). Les pays participants ont établi lebilan de la situation du marché, évoqué les projetsdes pays producteurs et réalisé des « prévisions »de prix. Ces prévisions, données en intervalles,permettent de guider producteurs et importateursdans leurs échanges.

Pour le sisal est-africain UG (FOB), un inter-valle de $ 1 900 à $ 2 150/t a été fixé lors de cetterencontre. Les prix moyens observés sur lemarché ont atteint la limite haute de cette four-chette en 2016 avec une moyenne annuelle de$ 2 153. Comme lors des réunions précédentes,aucune prévision de prix n’a été faite pour legrade 3L en provenance d’Afrique de l’Est. Lescours de ce produit ont suivi les mêmes tendancesque ceux du sisal UG de la même provenance,tout en s’établissant à des prix supérieurs de 4 %à 16 %. De nouvelles prévisions de prix serontétablies pour les grades UG d’Afrique de l’Estlors de la réunion conjointe bisannuelle qui setiendra à la fin de l’année 2017. Ces prévisionsdevraient tenir compte des baisses entamées en find’année 2016 sur les deux grades. La prochaineréunion des groupes devrait se tenir à la fin del’année 2017.

Des volumes de production en baisseau Kenya et à Madagascar

En 2015, la production mondiale de sisal s’estélevée à 246 900 tonnes, en légère baisse (- 2 %)par rapport à 2014 (253 000 tonnes). Seuls lesvolumes produits en Tanzanie ont augmenté(+ 4 %). Dans les autres pays producteurs, la pro-duction a baissé : de 8 % au Kenya et de 16 % àMadagascar. Ainsi, le Brésil a maintenu sa posi-tion de leader mondial avec 37 % des volumesmondiaux produits en 2015 (91 100 tonnes), suivipar la Chine (26 %), la Tanzanie (16 %) puis leKenya (10 %) et Madagascar (3 %), le classementdes producteurs mondiaux n’ayant connu aucunbouleversement cette année.

En 2015, la production de sisal en Tanzanies’est établie à 40 000 tonnes et près de 43 000tonnes en 2016. Des mises en culture régulières,

encouragées par les cours mondiaux ont permisl’entretien et le développement des plantations.Ainsi, depuis 2011, la Tanzanie a augmentéannuellement sa production de 3 % à 5 % (4 % en2015) sans toutefois remplir l’objectif fixé par lepays dans le cadre du plan décennal de développe-ment de la culture lancé en 2012-2013 et qui apour objectif d’atteindre une production de100 000 tonnes en 2021. Pour cela, les efforts dela Tanzanie devront s’intensifier, en particulierdans l’approvisionnement des usines de transfor-mation en électricité, car de fréquentes pannes decourant limitent leur efficacité.

De mauvaises conditions climatiques ontentraîné une baisse de 8 % de la productionkenyane par rapport à 2014. Elle s’est établie à24 500 tonnes en 2015 alors que le pays souhaiteaugmenter la production pour répondre à lademande des pays importateurs. La production desisal au Kenya a principalement lieu dans desfermes de grandes tailles, mais le pays projetteégalement de développer la production de sisaldans des exploitations familiales.

À Madagascar, la production a chuté de 16 %en 2015 pour atteindre 7 500 tonnes. Comme auKenya, cette baisse s’explique par des conditionsclimatiques défavorables et des épisodes desécheresse dans les zones de culture. Ainsi, danscertaines plantations, la coupe a été arrêtée afin de

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ne pas pénaliser la qualité des futures récoltestandis que la sécheresse, empêchant des mises enculture de nouvelles plantations ou leur renouvel-lement, a menacé les quantités.

L’Afrique du Sud a connu une productionfaible, mais stable de 1 400 tonnes, tandis qu’auMozambique, pays produisant également de fai-bles volumes, des entrepreneurs locaux esquissentdes projets de réhabilitation et d’exploitationd’anciennes plantations de sisal. En 2015, larécolte s’est maintenue à son niveau de 2014, soit700 tonnes, tout comme en Angola et en Éthiopie.Elle progressera si les projets aboutissent.

La part des exportations de fibresafricaines a augmenté en 2015

Les exportations mondiales globales de sisalont été quasi stables entre 2014 et 2015 (- 1 %).Les exportations de fibres ont diminué de 5 %tandis que les exportations de produits manufac-turés ont augmenté de 5 % sur cette période. Dansles principaux pays exportateurs africains (Kenya,Tanzanie, Madagascar, Mozambique), les expor-tations de fibres ont progressé (+ 3 %) pour s’éta-blir à 34 300 tonnes en 2015 tandis que les expor-tations de produits manufacturés ont légèrementbaissé (- 1 %). Elles ont été de 7 500 tonnes.

Ainsi, en 2015, la Tanzanie, Madagascar et leKenya se sont partagé, avec le Brésil, la quasi-totalité des exportations de fibres de sisal. Leursparts de marché respectives ont été de 25 % pourle Kenya (21 200 tonnes), 25 % pour la Tanzanie(20 700 tonnes) et 9 % pour Madagascar(7 300 tonnes). La part de marché du Brésil s’est élevée à 41 % (34 300 tonnes). Bien que lesexportations en provenance de ce pays aientdiminué, il reste leader sur le marché pour lesfibres, comme pour les produits manufacturés(31 900 tonnes exportées en 2015 soit 47,8 % desexportations mondiales).

La Tanzanie a maintenu sa position dedeuxième exportateur mondial en 2015 pour l’en-semble « fibres et cordages ». La hausse desexportations de fibres tanzaniennes entamée en2009 s’est poursuivie : elles sont passées de18 300 tonnes en 2014 à 20 800 tonnes en 2015(+ 14 %) tandis que les exportations de produitsmanufacturés ont peu varié, de 5 200 tonnes en2014 à 5 300 tonnes en 2015 (+ 2 %).

Le Kenya a, quant à lui, exporté 21 200 tonnesen 2015, en baisse de 8 % par rapport à 2014(23 000 tonnes), principalement sous forme defibres brutes. L’exportation de cordages constitueune valorisation très minoritaire (environ 2 % desvolumes totaux exportés, selon les années).

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À Madagascar, l’exportation de sisal s’est inscrite en hausse de 14 % en 2015 (7 800 tonnesexportées contre 6 900 tonnes en 2013).L’exportation de fibres brutes et de cordages aprogressé de manière similaire (+ 13 % pour lesfibres, + 15 % pour les cordages). Les volumesd’exportation de cordages ont toutefois été bienplus faibles que les volumes de fibres exportés(respectivement 640 tonnes et 7 200 tonnes). En2016, les progrès entamés dans les exportationsrisquaient d’être contrés en raison des difficultésd’embarquement dans le port de Ehoala.

Une hausse des importations de produits manufacturés qui n’a pas compensé la baisse des importations de fibres

En 2015 et 2016, la demande en fibres estrestée importante au niveau mondial, mais enbaisse par rapport au pic atteint en 2014 où lesimportations se sont élevées à 85 000 tonnes. En2015, la demande s’est établie à 83 300 tonnes, enbaisse de 2 %, principalement en raison de ladiminution de la demande chinoise. Les princi-pales zones d’importation de fibres brutes ont étél’Asie avec 51 % des volumes en 2015, l’Europeavec 27 % des volumes et l’Afrique avec 11 %des volumes, d’après les données fournies par laFAO. Les données 2016 ne sont pas encore dispo-nibles concernant les importations. Toutefois,comme lors de l’année 2015, les volumesimportés par la Chine ont diminué, car les stocksde fibres et de produits manufacturés de ce payssont importants alors que la demande interne estmoins dynamique.

En 2015, 65 100 tonnes de produits manufac-turés à partir du sisal ont été importées au niveaumondial. Ceci constitue une légère hausse (+ 2 %)par rapport à 2014 où 63 600 tonnes avaient étéimportées. Cependant, il est à noter que les impor-tations de produits manufacturés sont globalementen baisse depuis plusieurs années. Un légerrebond avait eu lieu en 2011, n’entamant toutefois

pas cette tendance. Il semble en être de même en2015 et la hausse des importations de biens manu-facturés lors de cette année ne semble pas pré-sager d’une hausse à long terme. En effet, les uti-lisations classiques du sisal (cordages principale-ment) ne connaissent pas de nouvel essor alorsque son utilisation comme renfort dans la produc-tion de matériaux composites à destination destransports, des bâtiments et des loisirs est enpleine croissance. Les pays développant ce typed’usage incorporent la fibre brute dans leurs pro-cessus de transformation, expliquant la tendance àla hausse des importations, sans toutefois modifierles exportations de sisal transformé depuis cespays. En 2015, les États-Unis sont restés le pre-mier pays importateur de produits manufacturés àbase de sisal, avec 30 500 tonnes importées, soit47 % des importations mondiales, en hausse parrapport à 2014 où 27 300 tonnes avaient étéimportées (43 % des importations mondiales). Lesimportations de l’Europe à 28 se sont élevées à12 700 tonnes (20 % des importations mondiales),en baisse par rapport à 2014 où l’Europe était des-tinataire de 22 % des importations mondiales(13 800 tonnes). Les pays d’Afrique ont importé8 900 tonnes de fibres et 4 500 tonnes de produitsmanufacturés en 2015, en hausse respective de3 % et 5 %.

Haïti, futur concurrent des producteurs africains ?

Sisalco et d’autres entreprises souhaitentaccompagner le développement d’une filièrehaïtienne de production de sisal pour per-mettre au pays de profiter de la hausse descours ayant eu lieu ces dernières années.Bien que les niveaux de prix 2016 soientmoins incitatifs, le pays entrera peut-êtrebientôt au classement des producteurs mon-diaux, les plantations mettant de trois à cinqans à devenir productives.

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Une relative stabilité des prix,mais un marché peu actif.

Les prix des principaux produits ont connuune stabilité remarquable entre 2015 et jusqu’aumilieu de l’année 2016. Les sciages de padouk,très demandés sur le marché indien, ont vu néan-moins leurs prix, qui avaient dépassé les € 1 000Fob par m3 en 2015, baisser au cours de l’année2016. En fin d’année, le prix des sciages desapelli et de sipo s’est, à son tour, abaissé autourde € 600 par m3, ce qui pose des problèmes auxproducteurs d’Afrique centrale comme le Congo,la République centrafricaine (RCA) et leCameroun, très dépendants de ce groupe d’es-sences. Cette baisse des prix est plutôt inattendueau regard de la faiblesse de l’euro vis-à-vis dudollar en 2016, qui aurait dû améliorer l’attracti-

vité des bois africains issus de la zone franc CFA(FCFA) sur de nombreux marchés internationaux.Outre l’activité modérée des acheteurs chinois dufait des stocks existants, les prix très bas du fretmaritime courant 2016 ont probablement permisaux exportateurs asiatiques de keruing et deméranti, des essences directement concurrentesde plusieurs des bois africains les plus connus, deproposer des offres commerciales intéressantessur différents marchés internationaux. On l’a vunotamment aux Pays-Bas et en Afrique du Sud,où les vendeurs de sapelli et d’okoumé ont subi laconcurrence des exportateurs de méranti propo-sant des prix plus attractifs. Si les prix des grumessont restés, dans l’ensemble, plus stables, uneffritement des cours de plusieurs essences étaitsensible fin 2016, laissant augurer une année2017 difficile.

Bois tropicaux

Peu d’évènements majeurs ont marqué le marché africain du bois d’œuvre en2016. L’offre, limitée par une ressource naturelle qui s’appauvrit, et la demandeinternationale sont restées globalement équilibrées, mais les prix de certaines es-sences clés pour l’Afrique centrale ont brusquement baissé en milieu d’année. Sile marché intra-africain progresse, les exportations demeurent au cœur de la stra-tégie des pays producteurs africains : dans un contexte où la concurrence de l’In-donésie pourrait s’accentuer sur le marché européen, leur capacité à répondre auxnormes instaurées par les pays consommateurs pour tenter de répondre au pro-blème de l’exploitation et au commerce illégal du bois sera, en cela, déterminante.

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Des exportations de sciage en recul,mais un marché des grumes actif

Les exportations de sciage sont globalementen recul dans les différents pays africains, à l’ex-ception du Ghana qui a vu ses exportations versl’Union européenne (UE) et l’Asie légèrementaugmenter. Le Cameroun garde, malgré la baissedes volumes vendus, la première place, et sesexportateurs ont notamment réussi des percées

commerciales intéressantes aux États-Unis et auCanada depuis 2015. Le Gabon espérait quant àlui que l’augmentation régulière des exportationsde sciages entamée depuis 2011 à la suite de ladécision d’interdiction des grumes prise l’annéeprécédente allait se poursuivre. Ses espoirs ontcependant été déçus avec des baisses en 2014 et2015 par rapport au pic de 2013. L’année 2016 avu néanmoins un léger redressement des exporta-tions de sciage et une hausse significative des

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ventes de placage déroulé. Ces résultats mitigésne peuvent cependant suffire à convaincre dusuccès de la stratégie « industrialiste » initiée en2010, avec la combinaison d’une interdictiond’exportation du bois brut et la création d’unevaste zone économique spéciale, à proximité deLibreville, destinée à attirer des transformateurs.Si cette zone franche est récemment parvenue àconvaincre plusieurs industriels asiatiques,notamment indiens, le recul de la production(récoltes estimées à 2 millions m3 annuellementcontre une moyenne de 3,3 millions m3 avant2010), le peu de création nette d’emplois (plusd’emplois dans l’industrie, mais moins dans l’ex-ploitation et le transport) et l’effondrement desrecettes fiscales questionnent le bilan d’ensemble.Des rumeurs de retour aux exportations de grumespour faire face aux besoins budgétaires mis à malpar les cours baissiers du pétrole et une activitééconomique affectée par les troubles postélecto-raux, ont ainsi couru à Libreville en 2016.

D’autres pays africains ont pris le relais duGabon dans l’exportation des grumes, activité quireste assez profitable, offre des avantages entermes de la flexibilité et ne nécessite qu’un inves-tissement réduit. Les exportations du Camerounont, en 2015, dépassé le million de m3, ce qui esttout à fait inédit depuis les années 1990. Le

Cameroun a pourtant adopté en 1999 une mesured’interdiction partielle d’exporter des grumes,laquelle frappe les essences dites « tradition-nelles » comme le sapelli, l’iroko ou le sipo.Néanmoins, l’ayous, l’essence la plus récoltée auCameroun, peut être toujours exportée malgré unetaxation accrue, ainsi que d’autres essences ditessecondaires, mais qui ont trouvé des débouchéssur les marchés chinois, vietnamiens et indiens.Chaque année, des rumeurs circulent sur l’immi-nence d’une interdiction totale d’exportation dubois brut, mais il semble bien que la prioritéaccordée aux recettes fiscales l’emporte. Le projetde loi de finances pour 2017 prévoit même d’aug-menter la taxe d’exportation sur les grumes de17,5 % à 20 %, traduisant bien l’objectif du gou-vernement de profiter de la demande soutenue surce produit pour abonder les caisses de l’État.

La Guinée équatoriale, pays producteurd’okoumé qui est l’essence emblématique duGabon, a suivi la même logique : alors que le gou-vernement avait interdit l’exportation des grumesà la fin des années 2000 (mesure qui ne fut jamaisréellement appliquée), la décision du Gabon aconvaincu les autorités guinéennes de l’avantagequ’elles auraient à proposer aux acheteurs chinoisle bois rond d’okoumé que leur voisin n’était plusen mesure de leur livrer. Les exportations de

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grumes ont progressé ainsi régulièrement, pourdépasser les 700 000 m3, là aussi un niveau inéditpour ce pays depuis les années 1990. Cependant,les concessions forestières de Guinée équatorialen’étant pas gérées à long terme à travers des plansd’aménagement, on peut s’interroger sur la péren-nité d’un tel niveau d’exportation pour ce petitpays, par ailleurs si riche en hydrocarbures. Onpeut dire la même chose du Mozambique, qui aconnu une forte augmentation de ses exportationsde grumes (alors que ses exportations de sciagestagnent à un niveau modeste), profitant de sesliens commerciaux privilégiés avec l’Asie. Le casde la République démocratique du Congo (RDC)est quant à lui toujours aussi singulier. Le pays quipossède les plus vastes forêts du continent necompte en effet que si peu dans l’industrie dubois. L’enclavement, qui pèse sur les coûts detransport, l’absence d’infrastructures, les com-plexités administratives, mais aussi une dégrada-tion notable de la ressource boisée accessibleconduisent à une production industrielle trèsfaible réalisée sur d’immenses concessions sous-exploitées. La production industrielle ne repré-sente qu’une faible fraction de la récolte totaleannuelle de bois d’œuvre réalisée par des exploi-tants artisanaux (« scieurs de long » notamment)qui alimentent le vaste marché intérieur du pays.

La RDC est aussi le pays d’Afrique centrale quiaffiche les chiffres de déforestation les plusélevés, puisque plus d’1,1 million ha de forêts ontété perdus en 2014.

Un déploiement limité sur les marchésintérieurs et régionaux

Les exportations africaines, naguère tournéestrès largement vers l’Europe, sont maintenant plusdiversifiées entre l’Asie, le Moyen-Orient et l’UE,ce qui permet de lisser les variations de conjonc-ture dans ces différentes régions. Le marché intra-africain, longtemps peu attractif pour les indus-triels du bois, se développe pour des productionsspécifiques, comme le contreplaqué ou les pla-cages, non concurrencées par les producteurs arti-sanaux. Le Ghana est ainsi parvenu à écouler unegrande majorité de sa production de contreplaquéauprès de ses voisins : le Niger qui absorbe plusde la moitié des exportations ghanéennes, le Togoet le Sénégal. Ce succès est sans doute facilité parle taux de change de la monnaie ghanéenne quis’est dépréciée vis-à-vis de l’euro, auquel est lié leFranc CFA. Les autres grands pays exportateurs,comme le Cameroun, le Gabon, la Côte d’Ivoireou le Congo, n’ont pas réussi une telle diversifica-tion sous-régionale. Le marché intérieur de la

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Communauté économique d’Afrique centrale(CEMAC) reste entravé par les droits de douaneimposés aux produits à base de bois, ce qui freineles échanges et empêche le développement d’unprocessus de spécialisation des pays au sein del’espace économique. Les conséquences del’adhésion du Cameroun et du Ghana aux accordsde partenariats économiques (APE) avec l’UErestent incertaines. La levée des tarifs douanierspour les produits africains devrait favoriser les

exportations vers l’Europe, mais le problème de ladémonstration de la légalité du bois mis enmarché au sein de l’UE risque de constituer unobstacle plus important que les tarifs douanierspouvant être supprimés par les APE. Quant auxdébouchés sur les marchés intérieurs des diffé-rents pays, les industriels sont confrontés, pour lessciages – principal produit servant à la construc-tion –, à la concurrence des acteurs du secteurinformel qui mobilisent souvent autant de boisque les producteurs formels.

L’enjeu des autorisations FLEGT :péril en vue pour les exportateursafricains

Le processus FLEGT (Forest LawEnforcement Governance and Trade : applicationdes règlementations forestières, gouvernance etéchange commerciaux) constitue la tentative deréponse de l’UE au problème de l’exploitation etau commerce illégal du bois. Ce dispositif s’ac-compagne de propositions de partenariats(Accords de Partenariats Volontaires, APV) auxpays producteurs pour les aider à mettre en placedes systèmes nationaux de légalité qui leur per-mettront, une fois ce processus achevé, d’exporterdans l’UE du bois doté d’« autorisationsFLEGT ». L’APV implique le développement de

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mesures nationales de transparence, de gouver-nance, de réformes du secteur forestier, etc.Depuis 2013, l’importation de bois exploité illéga-lement est interdite en Europe et les importateurssont tenus pour pénalement responsables en casd’infraction. Ceux-ci ont des obligations de « dili-gence raisonnée » lorsqu’ils importent des bois depays « à risques », donc essentiellement des paystropicaux. Si les bois certifiés par le Forest

Stewardship Council (FSC, gestion forestière « res-ponsable ») bénéficient d’un a priori favorable entermes de réduction du risque, ils ne dispensent pasl’importateur d’effectuer cette « diligence rai-sonnée », ce qui entraine des coûts et des délais.Seuls les bois dotés d’autorisations FLEGT valenten effet garantie de légalité aux yeux des autoritéseuropéennes. Lancé depuis la fin des années 2000,le processus des APV, accords signés par 5 paysafricains (Ghana, Cameroun, Congo, RCA,Liberia), progresse difficilement. Les dispositifstestés de Systèmes de Vérification de la Légalité auCameroun et au Congo ne se sont en particulier pasavérés satisfaisants.

Or, en 2016, l’Indonésie, seul pays non-afri-cain signataire d’un APV avec l’UE, a été auto-risée à émettre des autorisations FLEGT et lespremières livraisons de bois en disposant sontentrées sur le marché européen à la fin de l’année.Même si plusieurs analystes s’interrogent sur lesgaranties réelles apportées par ces autorisationsdans le cas de l’Indonésie où les conditions d’ex-ploitation du bois sont difficiles à maîtriser, cetévènement est lourd de conséquences pour lesexportateurs africains. Le bois indonésien dispo-sant de ces licences risque en effet de prendrerapidement des parts de marché en Europe, audétriment des autres bois tropicaux, si les pro-cessus de délivrance des autorisations FLEGTn’aboutissent pas rapidement dans les différentspays exportateurs. Le Ghana, qui a commencé àtester un système de traçabilité du bois fin 2016,semble le mieux placé pour finaliser ce processusen 2017, mais il semble être le seul pays africaindans ce cas. Si le marché européen du bois n’est,pour les exportateurs africains, plus aussi détermi-nant qu’il l’était une dizaine d’années auparavant,il représente encore, pour des pays comme leCameroun et la Côte d’Ivoire, près des deux tiers

de leurs exportations de sciage, et près d’un quartpour le Gabon.

Au-delà de cette problématique des débouchéseuropéens, force est de constater que la questionde la légalité des bois entrant dans le commerceinternational a pris une importance majeure etl’ensemble des pays importateurs se doivent enconséquence d’y prêter attention. La Chinenotamment, principal débouché des bois africains,pourrait à plus ou moins court terme demanderdes garanties de légalité pour les bois issus desforêts naturelles, ce qui mettrait en péril les expor-tations des pays d’Afrique centrale. Les autorités,conscientes de ce problème, pourraient, au moinsprovisoirement, considérer que les systèmesprivés de légalité (labels Origine Légale du Bois,TLTV, VLC, mais aussi la certification FSC) pro-posés par différents auditeurs sont conformes auxexigences nationales de légalité et de traçabilité,en attendant que les systèmes publics de vérifica-tion de la légalité soient opérationnels. Les sanc-tions prises au Cameroun fin 2016 à l’encontred’une trentaine de concessionnaires ne respectantles règles d’aménagement et qui ont vu en consé-quence leurs contrats de concession annulés etleur bois saisis, témoignent de la pression mon-tante autour de ces enjeux de légalité.

La querelle des « paysages forestiersintacts » et ses possibles conséquencescommerciales

La certification FSC, considérée comme laplus exigeante pour évaluer la gestion environne-mentale et sociale des exploitations forestières, aété adoptée par plusieurs concessionnaires impor-tants en Afrique centrale, conduisant à une surfacecertifiée FSC de 5,47 millions ha de forêts natu-relles au total, soit bien plus que l’Asie du Sud-Estet le bassin amazonien. C’est un atout commercialimportant pour exporter sur les marchés sensiblesaux questions environnementales. Mais, au seindu FSC, plusieurs organisations (dontGreenpeace) ont soulevé le problème de l’exploi-tation forestière industrielle au sein des « pay-sages forestiers intacts » (IFL, pour Intact Forest

Landscapes), qui sont des espaces de forêts natu-relles non fragmentés d’une superficie de

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50 000 ha, sans signe d’activité détectable parsatellite.

Une motion de l’assemblée générale 2014 duFSC demande que soient proposées à une pro-chaine assemblée générale, qui se tiendra en 2017,des mesures spécifiques de gestion visant à la pro-tection du cœur de ces zones (par convention80 % de la surface de l’IFL) : les laisser en réserveou qu’ils soient en gestion communautaire locale,par exemple. L’assemblée du FSC devra se pro-noncer sur ces propositions. Si aucune n’est jugéesatisfaisante, il est probable que l’assembléedemandera que la certification FSC soit retiréeaux exploitants qui exploitent les IFL, ce quiaffecterait plusieurs concessionnaires en Afrique

centrale. Ceux-ci envisagent, dans ce cas,d’adopter une nouvelle certification de gestionresponsable, la Pan-African Forest Certification

(PAFC), laquelle est parrainée par le Program for

the Endorsement of Forest Certification schemes

(PEFC), grand concurrent du FSC au niveau mon-dial. Les conséquences d’un tel changement peu-vent être importantes pour les exportateurs afri-cains sur les marchés occidentaux, car l’abandondu FSC constituera un argument pour certainesorganisations environnementales à l’encontre del’industrie du bois en Afrique centrale. L’année2017 s’annonce décidément périlleuse pour cer-tains grands exportateurs africains.

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Une production halieutiquehétérogène, mais en progression

La production de poissons en Afrique apparaîtfortement concentrée : en 2014, les cinq plusgrands producteurs (Égypte, Maroc, Nigéria,Afrique du Sud, Ouganda) ont été responsables deplus de 49 % de l’offre continentale. L’analyse decette production fait néanmoins apparaître, en

2014 comme les années précédentes, une fortehétérogénéité entre pays selon l’origine des res-sources considérées. Deuxième du classementafricain au regard de son offre totale de poissons(captures et production aquacole), le Maroc estainsi, de loin, le principal producteur continentalde captures avec un volume qui s’est établi à1,365 Mt cette même année. Ceci représente15,8 % des captures totales réalisées sur le conti-

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Produits de la merLe potentiel africain

Fort de son territoire vaste de 30,4 millions de km2 et de la richesse de ses côtespoissonneuses, le continent africain brille par sa diversité. Les captures marinesafricaines se réalisent, en effet, sur les 26 000 km de littoral de deux mers, laMéditerranée et la mer Rouge, et de deux océans, l’Atlantique et l’Indien. En 2014,elles se sont élevées à 5,8 Mt, contre 5,5 Mt en 2012. La production halieutiqueafricaine est également tributaire des bassins des grands fleuves Nil, Congo, Niger,Zambèze, et des Grands Lacs Victoria, Tchad, Tanganyika, Malawi. Les capturesen eau douce ont atteint 2,9 Mt en 2014, contre 2,7 Mt deux années auparavant.En progression de plus de 6 % par rapport à 2012, le total des captures africainess’est ainsi élevé à 8,7 Mt en 2014. Largement dominée par l’Égypte, la productionaquacole africaine a, quant à elle, avoisiné 1,7 Mt en 2014, portant la productionhalieutique totale du continent à 10,3 Mt cette même année.

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nent. Il est suivi par le Nigéria dont l’offre a été de760 000 tonnes en 2014 et par l’Afrique du Sudavec 596 000 tonnes cette même année.

L’aquaculture africaine a, quant à elle, tardé àprendre son essor et ce n’est qu’en 1991 que la pro-duction aquacole du continent a dépassé les100 000 tonnes. Depuis, sa croissance a néanmoins

été exponentielle, atteignant 1,7 Mt en 2014.L’évolution de l’importance relative de l’aquacul-ture africaine est impressionnante : en 1951, elleétait équivalente à 0,2 % de ses captures. Cette pro-portion est passée à 2 % en 1991 puis à 17 % en2014. L’Égypte est, de très loin, le principal produc-teur aquacole du continent avec 1,1 Mt produites en

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2014, ce qui lui permet de prendre non seulement latête des pays producteurs africains, mais égalementla sixième place des plus grands pays producteursaquacoles dans le monde derrière la Chine, l’Inde,l’Indonésie, le Vietnam et le Bangladesh. La part dela production aquacole égyptienne dans l’offrecontinentale est, par ailleurs, très significative : plusde 66 % de la production aquacole africaine était,en 2014, égyptienne. Cette concentration de l’offreaquacole apparaît nettement lorsque l’ensemble desproductions nationales africaines sont considérées.Le Nigéria, deuxième producteur aquacole africain,se positionne, en effet, loin derrière avec313 000 tonnes en 2014. L’Ouganda est, quant à lui,le troisième producteur africain avec « seulement »111 000 tonnes.

Si le Maroc est, comme évoqué précédem-ment, particulièrement bien positionné en termes

de captures, son offre aquacole apparait, enrevanche, très en retrait si l’on s’en tient aux sta-tistiques de la FAO de 2014, soit 1 169 tonnes.L’ostréiculture représente une part importante decette offre (65 % en 2015), ainsi que l’élevage debars (loups). La mytiliculture, qui apparaissait defaçon très marginale en 2010, semble être désor-mais réduite à la portion congrue. L’offre aqua-cole marocaine n’est cependant guère représenta-tive de la stratégie suivie par ce pays depuis plu-sieurs années. Les ambitions du royaume chéri-fien sont, en effet, importantes dans le domaine dela conchyliculture et, plus globalement, de l’aqua-culture, comme en témoigne le plan Halieutislancé en 2009. Celui-ci a notamment permis lacréation, en 2011, de l’Agence nationale de déve-loppement de l’aquaculture (ANDA) dont lavocation fondamentale est de promouvoir un éco-

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système scientifique, logistique et économiquepermettant le développement de cette activitépour laquelle le Maroc dispose d’indéniablesavantages comparatifs, au premier rang desquelsun littoral adapté. En février 2016, un premier siteconchylicole intégré et dédié à la productiond’huîtres, de palourdes et d’ormeaux a été inau-guré à Dakhla, au sud du pays. Celui-ci devraitpermettre de produire annuellement 970 tonnes deces coquillages.

Une faible représentation dans les exportations mondiales de poissons

À l’instar de l’ensemble des marchés dematières premières, renouvelables ou non, ilimporte de différencier l’offre et la demande natio-nales de celles exprimées sur les marchés interna-tionaux d’importation et d’exportation. De ce pointde vue, les pays africains, considérés dans leurensemble, sont nettement importateurs de produitshalieutiques lorsque l’on raisonne en volume : en2013 (date à laquelle les dernières statistiques de laFAO sont disponibles), 3,3 Mt ont été, en effet,importées contre 2 Mt exportées. Un raisonnementen valeur fait, à l’inverse, apparaître que l’Afriqueest exportatrice nette, à hauteur de $ 0,6 milliard en2013 : les importations du continent se sont élevées

à $ 5,2 milliards et les exportations à $ 5,8 mil-liards. Le fait que l’Afrique soit un importateur netde poissons en quantité, mais exportateur net envaleur est de toute première importance pour lasécurité alimentaire du continent. À l’origine decette réalité : l’exportation de produits « chers »comme les crevettes et les poissons démersaux(daurades, merlus, morues, etc.) et l’importationdes produits moins chers à l’instar des petits péla-giques (sardines, harengs, etc.). Ces importationsproviennent, en large partie, d’Europe et d’Asie.

En Afrique comme dans le reste du monde, lesgros exportateurs sont naturellement les pays quibénéficient de ressources halieutiques abondantesen fonction des conditions bio-océanographiquesde leurs littoraux. Ce sont, en Afrique, le Marocet, en deuxième position, la Namibie. Les grosimportateurs sont, pour leur part, les pays les pluspeuplés du continent, au premier rang desquels leNigéria avec une consommation de 17,1 kg parhabitant et par an et l’Égypte avec une consomma-tion de 22,1 kg par habitant et par an. L’Éthiopie,deuxième nation la plus peuplée du continent, faitexception : il s’agit du pays où l’on consomme lemoins de produits de la mer de tout le continent,soit 0,3 kg par habitant et par an selon les der-nières statistiques disponibles.

Les marchés des principaux exportateurs afri-cains de produits de la mer sont, en large partie,

10 principaux pays africains producteurs en 2014 (tonnes)

Captures production aquacole production totale

Égypte 344 791 1 137 091 1 481 882

Maroc 1 365 149 1 189 1 366 338

Nigéria 759 828 313 231 1 073 059

Afrique du Sud 596 302 4 160 600 462

Ouganda 461 196 111 023 572 219

Sénégal 458 713 1 009 459 722

Namibie 443 879 760 444 639

Mauritanie 378 339 0 378 339

Tanzanie 341 847 3 612 345 459

Ghana 292 989 38 545 331 534

43 autres pays 3 190 258 100 289 3290 547

total 8 633 291 1 710 909 10 344 200

(Source: FAO Fishstat 2014)

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Produits de la mer / 167

européens. En 2016, les deux tiers des $ 1,9 mil-liard d’exportations marocaines ont été, à titred’exemple, livrés sur le marché européen. Il n’enreste pas moins qu’année après année, les ventesaugmentent vers l’Asie et vers d’autres pays ducontinent africain, en particulier le Nigéria, leGhana et l’Angola.

Dans une logique comparative, force estcependant de reconnaître que le continent africainpèse encore peu sur les marchés d’exportation. Laproduction mondiale de poissons est estimée à174,1 Mt en 2016, dont 80 Mt pour l’aquaculture,avec une domination nette des pays asiatiques : laChine, de loin le plus grand producteur mondialavec 61,5 Mt produites en 2014, l’Indonésie(10,6 Mt) et l’Inde (9,6 Mt). Les États-Unis sepositionnent au cinquième rang de ce classementavec 5,4 Mt, tandis que le Pérou, premier produc-teur sud-américain, et la Norvège, premier pro-ducteur européen, occupent respectivement laneuvième et dixième place. En termes d’exporta-tion, la Chine s’est, une fois encore, affichée entête du classement mondial avec des recettes esti-mées à $ 22,3 milliards en 2016, contre$ 10,4 milliards pour la Norvège, deuxièmeexportateur mondial, et $ 8,1 milliards pour leVietnam. Le Maroc et la Namibie sont les deuxplus grands exportateurs africains en valeur avec

des recettes estimées respectivement à $ 2 mil-liards et $ 700 millions. En 2016, le continent afri-cain a représenté, en valeur, 4,2 % des exporta-tions mondiales de poissons et 4 % des importa-tions mondiales.

Un marché dont le potentiel resteconsidérable

En moyenne pour le continent, la consomma-tion de produits halieutiques, qui était juste sous labarre des cinq kilogrammes par habitant et par anen 1960, a dépassé les dix kilogrammes par habi-tant et par an en 2013. Ce qui s’apparente à undoublement de la consommation est, en réalité,une multiplication par plus de sept quand onconsidère que la population du continent africainest passée de 284 millions à 1,07 milliard d’habi-tants pendant cette période. Si l’on estime, defaçon très générale, que 1,2 milliard d’Africainsconsomment, en 2016, en moyenne dix kilo-grammes de poissons par habitant et par an etqu’ils dépensent, pour cela, $ 5 par kilogramme,le marché actuel de la consommation halieutiqueafricaine peut alors être très approximativementestimé à $ 60 milliards par an.

Les pays européens exportent déjà de grandesquantités de harengs et de maquereaux en Afrique

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principaux importateurs et exportateurs africains de produits de la mer

principaux importateurs importations principaux exportateurs Exportations

2013 : $ 2013 : $

Nigéria 1 215 095 Maroc 1 867 981

Égypte 600 332 Namibie 784 628

Maurice 395 572 Afrique du Sud 518 898

Côte d’Ivoire 378 952 Maurice 385 284

Ghana 373 200 Seychelles 379 447

Afrique du Sud 367 019 Mauritanie 353 003

Angola 290 141 Sénégal 288 817

Cameroun 220 415 Nigéria 283 839

Maroc 164 774 Tunisie 174 657

Seychelles 154 534 Madagascar 130 964

43 autres pays 1 107 274 43 autres pays 634 018

total 5 267 308 total 5 801 536

(Source: FAO Fishstat 2013)

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168 / Produits animaux

et les pays asiatiques des volumes croissants detilapia et de pangasius. La présence de tilapiasd’importation en Afrique représente, à ce titre, unfrein important au développement de l’aquacul-ture locale dans la mesure où la grande partie desproduits importés se vend à des prix inférieurs àceux des produits locaux. Certains pays latino-américains exportent également une quantitéimportante de produits de la mer vers le continentafricain. En 2016, 27 % (en valeur) des exporta-tions de produits halieutiques de l’Uruguay (35 %en volume) ont été faites à destination de vingt etun pays africains, principalement le Bénin, leNigéria, le Gabon, le Cameroun et la Républiquedémocratique du Congo. Ces exportations uru-guayennes vers l’Afrique se sont élevées à$ 24 milliards, toujours en 2016. Les exportationsde l’Argentine vers l’Afrique ne représentent, àl’inverse, que 2 % du total de ses exportations deproduits halieutiques. Entre l’Afrique et l’Asie,les relations commerciales s’intensifient égale-ment. Force est néanmoins de constater que lesexportations des produits de la pêche de la Chinese sont inscrites en baisse en 2016. Elles se sontélevées à 270 000 tonnes, soit 7 % des exporta-tions halieutiques chinoises en volume. Le com-merce européen avec l’Afrique demeure, pour sapart, dynamique. Les exportations halieutiqueseuropéennes vers l’Afrique étaient, en effet, de340 000 tonnes en 2016, pour une valeur de

$ 390 milliards. L’Afrique est, en cela, le marchéhalieutique le plus important pour les Pays-Bas,représentant 30 % de ses exportations en volumeet 8 % en valeur. Le Nigéria, l’Égypte et le Maroc(crevettes crues pour la transformation et la ré-exportation) sont ses principaux partenaires com-merciaux.

Au-delà de ces chiffres, il importe de soulignerque le potentiel de la demande africaine est, parailleurs, considérable. D’après les projections desNations unies, la population africaine dépassera,en effet, deux milliards d’habitants en 2039, troismilliards en 2063 et quatre milliards en 2088.D’un point de vue commercial, cette dynamiquede croissance est, sans nul doute, une grandeopportunité aussi bien pour les producteurs afri-cains que pour les exportateurs des autres conti-nents. Celle-ci est liée non seulement à l’augmen-tation du nombre de consommateurs potentiels,mais également à une forte croissance attendue dela consommation par habitant. Encore faudra-t-ildévelopper les circuits de distribution comprenantles grossistes, les transporteurs, les détaillants ettoutes les activités corrélées (chambres froides,inspection sanitaire, etc.)… et que la pêche illé-gale et non réglementée n’empêche pas les popu-lations africaines de tirer tous les bénéfices écono-miques et sociaux qu’elles seraient en droit d’enretirer.

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Afrique : marché des viandes en expansion, mais qui ralentit en 2016 et 2017

L’Afrique détient une forte tradition d’éle-vage, pastoral et agropastoral, paysan et villa-geois, mais aussi de polyculture-élevage.Cependant, elle voit désormais se développer unélevage industriel de volaille, autour des villes enforte croissance. L’élevage fournit non seulementdu lait et des viandes, mais également une tractionanimale comme alternative aux solutionshumaines et/ou motorisées, ainsi que de l’énergie.Il constitue, par ailleurs, un instrument d’épargne.

Le continent africain est immense, avec cin-quante-quatre pays, qui vont des côtes humides del’Afrique de l’Ouest aux plaines australes en pas-sant par le Sahel. Il dispose donc d’une grandediversité de pâturage et d’élevage. La consomma-tion de viandes est l’une des plus faibles au monde

avec celle de l’Asie du Sud : environ 14 kg par anet par habitant contre 42 kg au niveau mondial.L’Afrique du Nord fait cependant exception avec27 kg par an et par habitant. Cette consommationse développe néanmoins avec la croissance éco-nomique, notamment celle de la décennie passée,la jeunesse de sa population et l’urbanisationrapide. Après la Chine et l’Inde, l’Afrique sera lecontinent de la croissance des viandes dans lesdécennies futures. Depuis 2014, la chute du prixdes matières premières, secteur clé de nombred’économies africaines, a cependant freiné cettemutation.

À l’échelle continentale, l’Afrique produit16 Mt de viandes, soit 5 % de la production mon-diale, pour une population qui représente 15 % del’humanité. L’Afrique du Sud est le premier paysproducteur suivi par l’Égypte et le Nigéria. Cedernier est désormais un géant démographiqueavec plus de 180 millions d’habitants, contre seu-

Viandes

À la différence de nombreuses autres matières premières agricoles, les échangesinternationaux de viandes ne représentent qu’une faible fraction de la productionmondiale. Si la consommation de viandes est, en Afrique, l’une des plus faiblesau monde, le continent n’en demeure pas moins dépendant de ses importations enraison, notamment, d’une croissance de la production bien plus faible que cellede la demande. L’Afrique du Sud est premier producteur de viandes du continent,devant l’Égypte et le Nigéria.

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Viandes / 171

lement 90 millions en 1986 et il voit logiquementsa consommation de viandes croître fortement. Sil’Afrique pèse encore peu dans le commerce inter-national des viandes, relativement à son impor-tance démographique, elle devrait prochainementmonter en puissance. Ainsi les projections del’Organisation de coopération et de développe-ment économiques (OCDE) et de l’Organisationdes Nations unies pour l’alimentation et l’agricul-ture (FAO) tablent, pour 2025, sur une forte crois-sance des achats de viande de volaille dans toutel’Afrique subsaharienne qui sera alors l’une deszones d’importation les plus dynamiques aumonde avec l’Asie du Sud-Est.

La viande bovine, viande traditionnelle pour lacuisine familiale, domine encore (36 % du total).Mais la volaille progresse très vite (30 %), devantla viande ovine et caprine (18 %) et le porc (seu-lement 8 %). La viande de volaille, comme dansle reste du monde, connaît, par ailleurs, la plus

forte croissance et voit sa production reposer surdeux types d’aviculture : un élevage rural tradi-tionnel basé sur des races locales et un élevagepériurbain et industriel basé sur des souchesimportées. Cela est particulièrement visible enAfrique de l’Ouest : Côte d’Ivoire, Sénégal,Bénin, Mali, Togo…

Un continent fortement dépendant des importations

En 2016, le commerce mondial de viandess’est établi à 31 Mt, soit une faible fraction (10 %)de la production mondiale (320 Mt). Il a néan-moins progressé de 4 % en 2016, alors qu’il avaitstagné les années précédentes. Sa croissance estd’ailleurs sensiblement supérieure à celle du com-merce mondial estimée à 1,7 % par l’Organisationmondiale du commerce (OMC). Son dynamisme aété, sans surprise, alimenté par la demande des

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Afrique du Sud : forte croissance des importations de volaille en 2016

L’Afrique du Sud est le premier pays producteur de viandes en Afrique, devant l’Égypte et leNigéria. L’industrie avicole y pèse 17 % de la production agricole nationale. Elle est en fort déve-loppement depuis 2000 (+ 60 %), sous l’effet d’une forte demande intérieure stimulée par lacroissance économique. La consommation de viandes est ainsi passée de 40 kg/habitant en 1995à 67 kg en 2016 et respectivement de 22 kg à 40 kg pour la volaille, soit une progression de 80 %.La production nationale n’est, en revanche, pas suffisante pour la satisfaire et les importationsreprésentent 30 % de la consommation, soit 590 000 tonnes. Elles proviennent à 50 % du Brésil,devant les Pays-Bas (20 %), le Royaume-Uni (10 %), l’Espagne (7 %) et les États-Unis (7 %).En 2000, l’Afrique du Sud a imposé des droits antidumping aux découpes de volaille en prove-nance des États-Unis, mais, depuis 2015, un contingent libre de taxe a été ouvert à hauteur de65 000 tonnes. Quant à l’Union européenne, elle bénéficie d’un accès totalement libre de taxe aumarché sud-africain (sauf sur les découpes avec os) et l’Afrique du Sud est désormais son pre-mier débouché national : 250 000 tonnes. Et les ventes européennes ont encore fortement pro-gressé en 2016 : + 30 %. En décembre 2016 cependant, l’Afrique du Sud a déclenché une clausede sauvegarde face à l’afflux des viandes européennes et a imposé une taxe douanière de 13,9 %.De plus, elle a décrété un embargo sanitaire vis-à-vis des pays européens touchés par la grippeaviaire. Si bien qu’en 2017, ses achats à l’Union européenne devraient diminuer au profit desÉtats-Unis. Les exportations sud-africaines sont estimées à 83 000 tonnes, dont l’essentiel a étévendu à des pays voisins (Mozambique, Namibie, Lesotho). Début 2017, le secteur avicole sud-africain a vu sa rentabilité amoindrie en raison de la flambéedes prix des matières premières (maïs et soja) pour l’alimentation animale, consécutive à unesécheresse sévère.

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pays émergents. Ce sont, d’un point de vuegénéral, les viandes blanches (porc et surtoutvolaille) qui ont crû le plus vite en 2016, du fait deleur compétitivité-prix et de leur relative facilitéde production (industrialisation croissante).Portées par une demande chinoise exceptionnelleliée à l’effondrement de la production domes-tique, les exportations de viande porcine se sontnotamment accrues de 10 % en 2016, tandis queles échanges internationaux de viande bovine sesont nettement repliés. Le commerce internationaldes viandes a représenté $ 135 milliards en 2016avec la Chine comme premier importateur mon-dial et le Brésil redevenu, en 2016, le premierexportateur mondial devant les États-Unis.

À l’échelle du continent africain, la productionde viandes peine à suivre la croissance de lademande urbaine, de telle sorte que les importa-tions représentent 20 % du total de la consomma-tion, soit le double de la moyenne mondiale(environ 10 %). Les importations sont égalementfacilitées par des droits de douane souvent faibles,voire inexistants, ou en cours de démembrementen raison d’accords de libre-échange. La viandede volaille domine (55 %), notamment à destina-tion de l’Afrique du Sud (sixième importateurmondial) ou de l’Angola (huitième importateur).Plus surprenant, les importations de viande por-cine arrivent à la deuxième place, notamment versl’Angola ou la Côte d’Ivoire, et surtout en prove-nance d’Europe. L’Angola est, à titre d’exemple,la neuvième destination pour la viande porcine del’Union européenne (UE). L’Afrique pèse cepen-dant encore peu dans les échanges mondiaux de

viandes. Globalement, quatre pôles se distin-guent : l’Afrique du Nord (consommateur impor-tant et importateur net), l’Égypte (importateurnet), l’Afrique de l’Ouest (producteur) etl’Afrique australe et de l’Est (producteur).

Dépendante des importations, l’Afriquedemeure soumise à l’évolution des prix mondiauxdes viandes. Contrairement à de nombreusesmatières premières dont les prix se sont redressésen 2016, ceux-ci ont reculé, et ce, dans une pro-portion plus importante que l’ensemble des pro-duits agricoles. Selon la FAO, ils ont, en effet, enmoyenne diminué de 7 % en 2016 après la chutede 15 % observée en 2015. Si l’ensemble des prixa été orienté à la baisse, c’est avant tout le bœufqui a porté ce mouvement avec un repli de 12 %,celui-ci devant être, il est vrai, mesuré à l’aune dessommets historiques atteints aux États-Unis lesannées précédentes. Ce recul du prix moyenannuel masque néanmoins un rebond qui s’estenclenché à partir du deuxième trimestre et quilaisse à penser que l’année 2017 pourrait être plusfavorable pour les producteurs mondiaux. Entreavril et décembre 2016, les prix des viandes ont,en effet, gagné 5 % en raison de la conjonctiond’une réduction de la production porcine enEurope et ovine en Océanie et d’une demandeasiatique robuste.

Dans ce panorama du marché mondial desviandes, il importe, en outre, de noter que les prixdes grains, ingrédients essentiels pour l’élevage,ont également baissé en 2016, de 5 % en Europenotamment. Ceux-ci restent néanmoins à desniveaux relativement élevés en raison de la

Importants flux transfrontaliers de bétail en Afrique de l’Ouest

Les six pays sahéliens, forts d’un élevage pastoral ancestral, notamment le Mali et le BurkinaFaso, exportent traditionnellement du bétail vivant vers les pays côtiers (Nigéria, Ghana, Côted’Ivoire, Sénégal, Bénin…). C’est un atout pour ces pays qui restent très pauvres. Mais ces fluxsont fortement entravés par un manque d’intégration du marché régional et notamment par denombreuses barrières douanières et administratives. Les statistiques sont rares, hormis celles éta-blies par le Club du Sahel, le CILSS et la CEDEAO. Ainsi, en 2015, ces pays auraient importé40 000 bovins vivants, 90 000 ovins et 10 000 caprins, pour une valeur totale de $ 40 millionsSource : USAID 2016.

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flambée qu’ils ont connue en 2011 et 2012. Cet« effet de ciseaux » qui voit les prix des intrantsdiminuer de façon plus modeste que ceux desviandes au stade agricole et industriel a, d’un côté,pénalisé les producteurs situés dans des bassins deproduction faiblement dotés en grains et, del’autre, comparativement favorisé les éleveurssitués dans les zones céréalières, notamment enAmérique du Nord, au Brésil, en Ukraine et enRussie. Le continent africain n’a pas échappé àcette réalité et, notamment, le secteur avicole sud-africain début 2017.

Une hétérogénéité dans la productionafricaine de viandes en 2016

En 2016, la production de viande bovine afri-caine a été soutenue par des pluies favorables aupâturage dans plusieurs pays et notamment enAfrique de l’Est (Burundi, Rwanda, Tanzanie,Ouganda), tandis que l’Afrique du Sud est restéehandicapée par la sécheresse. La fièvre aphteusereste, par ailleurs, endémique dans de nombreuxpays, notamment en Afrique de l’Est et australe(Kenya, Ouganda, Rwanda, Namibie, etc.) ce quia limité la production. Il convient, à cet égard, denoter que l’Égypte a mis en place un importantprogramme sanitaire pour éradiquer cette maladie.

Les importations de viande bovine sont surtoutimportantes au Maghreb et en Égypte. Elles vien-nent majoritairement du Brésil et de l’Inde, loindevant l’Europe, et ont repris en 2016. L’Égypteest le premier importateur africain (environ450 000 tonnes). Depuis 2014, la viande bovineest éligible au programme d’aide alimentaire gou-vernemental avec le pain, l’huile et le sucre.

L’Algérie a, pour sa part, réduit ses achats deviandes, handicapée par la forte baisse des prix dupétrole et la dévaluation du dinar (- 20 %).Concernant la viande de volaille, les importationsd’Afrique du Sud ont, en revanche, progressé,contrairement à celles de l’Angola et du Bénin quiont reculé. La grippe aviaire se développe dange-reusement en Afrique de l’Ouest (Cameroun,Ghana, Nigéria) et en Égypte.

En viande ovine, le Nigéria et le Soudan,parmi les plus importants producteurs mondiaux,ont vu leur production augmenter du fait de condi-tions climatiques favorables aux pâturages. En2016 et toujours en 2017, le ralentissement écono-mique mondial et l’insuffisant rebond, voire labaisse, du prix de certaines matières premièresafricaines ont contraint le revenu des populations.La consommation de viandes semble, dès lors,avoir progressé moins vite, ce qui a accentué lapression à la baisse sur les prix.

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Minerais, métaux et engrais

Fer et métaux non ferreux

• Minerai de fer• Bauxite et aluminium• Cuivre

• Césium• Chrome-ferro-chrome• Cobalt• Manganèse

• Tantale• Vanadium• Zirconium

Petits métaux

Métaux précieux et diamants

Engrais

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Des prix en forte progression sur 2016

C’est peu dire que d’affirmer que les cours duminerai de fer ont flambé en 2016. Si l’on se réfèreau prix du minerai australien, à 62 % de teneur eten référence « coût, assurance, fret » dans les portschinois, celui-ci a, en effet, progressé de près de85 % sur l’année 2016 et de 110 % entre son pointbas du 13 janvier à $ 39,5/t et son plus haut del’année, à $ 83,5/t, le 13 décembre. Cette progres-sion est, de toute évidence, considérable d’un pointde vue relatif et s’est avérée être une très bonne

nouvelle tant pour les groupes miniers présents surce segment que pour les pays producteurs. Elle doitnéanmoins être appréciée à l’aune des fortesbaisses que le minerai a connu en 2014 et 2015. Ilvalait, en effet, plus de $ 150 au port chinois deTianjin en février 2013, $ 68 à la fin du mois dedécembre 2014 et moins de $ 40 le 31 décembre2015. Bien que globalement régulière sur l’année,la progression des cours s’est faite en trois temps.De début janvier jusqu’à fin avril 2016, les prix duminerai de fer ont fortement augmenté (+ 64,3 %entre le 4 janvier et le 22 avril), laissant à penser

Fer et métaux non ferreux

Minerai de fer

Alors que les cours du minerai de fer s’étaient effondrés en 2015, ils ont connuune année 2016 particulièrement faste avec une progression de près de 85 %. Àl’origine de cet important rebond, des conditions de marché plus favorables pourl’acier dont le minerai de fer est, pour la filière fonte, le principal intrant… maiségalement une reprise des activités spéculatives sur les marchés financiers du mi-nerai, chinois notamment. Évoluant dans un contexte macroéconomique difficile,cette inflexion est assurément une bonne nouvelle pour les principaux pays pro-ducteurs africains que sont l’Afrique du Sud, la Mauritanie ou la Sierra Leone…à court terme, pour le moins, car l’avenir du minerai de fer demeure plus que ja-mais dépendant du dynamisme des sidérurgistes chinois et de la nature de leur de-mande. De ce point de vue, un minerai à haute teneur en fer, comme celui deSimandou en Guinée, peut s’avérer être un argument de poids pour faire face auxgéants du secteur que sont l’Australie et le Brésil.

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178 / Minerais et métaux

qu’une bulle spéculative s’était formée sur la basede fondamentaux du marché de bien meilleuretenue. Plusieurs éléments allaient cependantconcourir pour mettre un terme – temporaire – àcette dynamique haussière : le recul des importa-tions chinoises, en retrait de 2,2 % entre avril etmai, une nette augmentation des stocks détenusdans les ports chinois (à près de 100 Mt selon la

China Iron and Steel Association – CISA), l’appré-ciation du dollar américain, la volonté de la China

Securities and Regulatory Commission (CSRC),l’autorité chinoise de régulation des marchés finan-ciers, de modérer les tensions spéculatives sur lesmarchés de produits dérivés de Dalian et deShanghai et… le renforcement des pressions inter-nationales sur l’acier chinois durant le sommet du G7 d’Ise-Shima (Japon). Le minerai de fer aalors vu son prix fortement décrocher : de $ 71 le22 avril à $ 49,5 à la fin du mois de mai. Il a ensuiteévolué, de mai à octobre, entre $ 50 et $ 62, sansréelle tendance. Après un pic spéculatif vitedémenti mi-octobre, le minerai de fer a alors reprissa trajectoire haussière pour terminer l’année à$ 80,5 après un léger repli sur les derniers jours dedécembre.

En provenance du Brésil et délivré dans lesports chinois, le minerai de meilleure qualité(65 % de teneur en fer) a, sans surprise, suivi unetrajectoire similaire à celle du minerai d’origineaustralienne. Similaire, mais pas identique, car laprime payée sur le minerai brésilien s’est accrueau cours de l’année. D’environ $ 2 par tonne enjanvier 2016, celle-ci est passée à plus de $ 14 ennovembre suivant, ce qui n’est probablement passans signification sur la nature de la demande quipourrait s’exprimer dans les mois à venir de la

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part des sidérurgistes chinois. Au sein de la filièrefonte (par opposition à la filière électrique utili-sant les ferrailles), un minerai avec une teneur enfer élevée réduit, en effet, l’impact environne-mental de la production d’acier. Ceci pourraitrevêtir une importance toute stratégique pour l’in-dustrie du plus grand producteur mondial, comptetenu de la volonté de Pékin de limiter l’ampleur dela pollution dans les zones urbaines.

C’est, sans surprise, le léger regain de vigueurdes marchés internationaux de l’acier qui expliquecette bonne performance du minerai de fer en2016. La production mondiale d’acier brut a, eneffet, progressé de près de 0,8 % en 2016, s’éta-blissant à 1 268,5 Mt contre 1 615,4 Mt l’annéeprécédente. En toile de fond : une très légèrereprise de la demande qui, selon les prévisions del’association de producteurs Worldsteel, s’établi-rait à 1 500 Mt en 2016. Rien de bien fondamentaldonc, mais, dans un contexte largement déprimécomme celui de l’année 2015 et du début del’année 2016, toute bonne nouvelle a semblébonne à prendre. La dimension « psychologique »de cette progression des cours de l’acier et, parricochet, de ceux du minerai de fer n’est, en effet,probablement pas à exclure. L’annonce, en janvier2016, d’un plan de réduction des capacités de pro-duction excédentaire chinoises sur la période

2016-2020 a ainsi beaucoup compté pour expli-quer l’optimisme des opérateurs de marché. Début2016, Pékin s’est engagé à les abaisser de 150 Mtsur cinq ans et de 45 Mt dès l’année 2016 en fer-mant, notamment, les sites de production d’acierde basse qualité. Accueillie favorablement, cettemesure a néanmoins immédiatement soulevéquelques doutes de la part des observateurs, maiségalement des sidérurgistes européens ou nord-américains, et ce, pour deux raisons. 300, 400,600 Mt : il apparait, en premier lieu, difficile demesurer, avec précision, l’ampleur des capacitésde production de sidérurgistes chinois ultra-domi-nateurs sur les marchés de l’acier brut. Réduire lescapacités de production ne signifie pas, en secondlieu, réduire la production et c’est bien ce qui s’estpassé en Chine en 2016. Alors que la Commissionpour le développement national et la réforme aannoncé que la Chine avait atteint, fin octobre,son objectif de réduction des capacités pourl’année, l’offre d’acier brut chinoise continuait,elle, sa progression : elle s’est établie à 808,4 Mten 2016 contre 798,8 Mt en 2015, soit une haussede 1,2 % sur l’année. Encouragées par cette dyna-mique, les importations chinoises de minerai defer se sont accrues de plus de 9 % sur les onze pre-miers mois de l’année. L’élection surprise à la pré-sidence des États-Unis de Donald Trump est éga-

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lement un facteur explicatif de l’augmentation descours de nombre de matières premières (acier,cuivre, charbon), et notamment du minerai de ferce qui a porté les prix. Lors de sa campagne, celui-ci avait fait de la défense de la sidérurgie améri-caine et de la relance des dépenses d’infrastruc-ture une priorité et il était donc logique que lesdifférents minerais et métaux susceptibles d’enbénéficier voient leur prix croître. Logique… àcourt terme, car de nombreuses incertitudesentourent le projet du président américain : de safaisabilité technique jusqu’à sa portée effectivesur le plan économique. En dépit d’une certaineamélioration des fondamentaux des marchés del’acier et du minerai de fer, il n’est, de ce point devue, pas improbable que les stratégies spécula-tives aient pris le pas sur la rationalité économiquepour expliquer le fort rebond des cours.

Quelle que soit la portée de cette dernièreaffirmation, force est de constater que les géantsdu minerai de fer que sont Vale, BHP Billiton, RioTinto et Fortescue Metals Group (FMG) ont large-ment profité de cette embellie, à la fois au regardde leurs résultats et de leur niveau d’endettement.Rio Tinto a ainsi pu afficher un résultat net de$ 4 617 milliards en 2016 contre $ 866 millions

pour 2015, tandis que sa dette nette s’est forte-ment réduite, s’établissant à $ 9 587 milliardscontre $ 13 783 milliards l’année précédente.Premier producteur mondial de minerai de fer, lebrésilien Vale a, pour sa part, renoué avec les pro-fits en 2016 avec un résultat net de $ 3,98 mil-liards. Sa dette nette est néanmoins restée stable,s’établissant à $ 25 075 milliards au 31 décembre2016 contre $ 25 234 milliards une année aupara-vant. Les investisseurs ont largement salué ceretournement de tendance et ont permis à ces dif-férents groupes de connaître une très forte pro-gression de leur valorisation boursière sur les mar-chés de Londres, New York ou Sydney.

Le continent africain, un des enjeux de la stratégie sidérurgique chinoise

Si l’on s’en tient aux dernières statistiques dis-ponibles de Worldsteel, les pays africains comp-tent, en réalité, assez peu, sur le marché mondialdu minerai de fer. Avec près de 82,34 Mt produitesen 2015, le continent africain a représenté à peineplus de 4,1 % de la production mondiale de ceminerai alors que les productions brésiliennes etaustraliennes, de 422,54 Mt et 811,24 Mt respec-

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tivement pour 2015, ont compté pour 21 % et40,4 % de l’offre mondiale. Le constat est légère-ment plus favorable pour les exportations afri-caines qui se sont établies à 85, 41 Mt en 2015,soit environ 5,8 % des exportations mondiales.Parmi les pays producteurs du continent,l’Afrique du Sud occupe une place prépondéranteavec, en 2015, plus de 76 % des exportations et74,5 % de la production en Afrique. Deuxièmeproducteur, la Mauritanie suivie de la SierraLeone et du Liberia dont les volumes de produc-tion, et donc d’exportation, ont grandement variéau cours des années.

On aurait cependant tort de minimiser le rôleque joue… ou jouera le continent africain sur lemarché mondial du minerai du fer : l’Afrique duSud, la Sierra Leone et la Guinée Équatoriale ontmarqué l’actualité en 2016, tout comme lesgroupes miniers chinois qui se sont largementrepositionnés sur le continent africain à la faveurdu retrait des entreprises occidentales et, proba-blement, d’une chute préalable des cours qui aautorisé une « chasse aux bonnes affaires ».

Durement éprouvée par l’épidémie de fièvreEbola en 2014 et 2015, la Sierra Leone a trouvé en2016 des nouvelles réconfortantes. Le groupesidérurgiste chinois Shandong Iron and Steel a, eneffet, racheté les 75 % qui lui manquaient dans lamine de Tonkolili. Dopée par un investissementde $ 700 millions, la mine pourrait voir sa produc-tion annuelle passer de 20 Mt à 35 Mt et faire dela Sierra Leone le deuxième plus grand producteurafricain de minerai de fer après l’Afrique du Sudet devant la Mauritanie.

L’actualité de 2016 semble avoir été pluscalme du côté des deux grands producteurs afri-cains de minerai de fer que sont la Mauritanie etl’Afrique du Sud. Cette dernière a vu le groupeAnglo American poursuivre la réorganisation desactifs miniers qu’il détient dans ce pays, qu’ils’agisse des diamants, du platine ou du mineraide fer. Parmi les « pépites » du groupe, KumbaIron Ore, sa filiale sud-africaine qui exploite lesmines de fer de Sishen, de Kolomela et deThabazimbi. En 2016, Sishen a produit 28,4 Mtde minerai de fer et Kolomela 12,7 Mt. En 2016,l’entreprise a vu sa valorisation boursièreflamber. Sa cotation sur la bourse des actions de

Johannesburg a, en effet, progressé de plus de286 % sur l’année 2016, passant ainsi de4 120 rands le 1er janvier à 15 900 rands le30 décembre, tandis qu’elle passait, sur le marchéaméricain, de $ 0,78 à $ 3,83 sur l’année 2016soit une progression de… 391 %. Certes très sen-sibles à l’effet « prix du minerai », les investis-seurs ont également salué l’acquisition par leleader sud-africain de la totalité des parts de lamine de Sishen après plusieurs années de bataillejudiciaire. Selon certains observateurs, ceci pour-rait conduire Anglo American à la revendre afinde contribuer à son désendettement. Dans ledomaine minier, les opérations importantes nesont cependant pas celles qui sont les plus visi-bles dans l’immédiat. La volonté du milliardaireindien Anil Argawal de prendre une participationde 12 % dans le capital d’Anglo American via

son entreprise Vedanta Ressources pourrait ainsipréfigurer un renforcement du positionnementindien sur le minerai de fer africain.

Rio Tinto quitte Simandou

Bien que n’apparaissant aujourd’hui pas dansle panel des pays producteurs, la Guinée-Conakrya, une fois encore, elle aussi rythmé l’actualitéminière de 2016 au travers du fameux projetSimandou. Pour rappel, celui-ci permettrait deproduire 100 Mt de minerai de fer de haute qualité(65,5 % fe), soit plus que l’ensemble de la produc-tion actuelle du continent, et ce, pour une périodede quarante ans. Ce qui pourrait être de nature àchanger radicalement la réalité de l’économie gui-néenne et, probablement, le positionnement del’Afrique sur le marché mondial du fer s’estcependant avéré être une vaste saga économico-juridique depuis deux décennies. Parmi les der-niers développements de 2016, le retrait du projetde la Société financière internationale qui a exercéson option de vente des 4,6 % qu’elle détenaitdans le projet, mais surtout celui de Rio Tinto,deux décennies après avoir reçu les premièresautorisations d’exploration. En octobre, le groupeanglo-australien a, en effet, annoncé avoir trouvéun accord pour revendre les parts qu’il détenaitdans la joint-venture Simfer en charge de déve-lopper le projet. Ce sont ainsi 46,6 % de la coen-

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treprise qui ont été vendus au groupe chinoisChina Aluminium co (Chinalco) déjà détenteur de41,3 % du capital du projet. La faiblesse descours, telle a été la raison invoquée par Rio Tintopour expliquer cette cession, mais la volonté dugroupe de se recentrer sur des minerais à fortpotentiel tels que celui du cuivre n’est peut-êtrepas non plus à exclure. Quelles qu’en soient lesmotivations, l’opération d’un montant comprisentre $ 1,1 milliard et $ 1,3 milliard a certes reçul’assentiment du gouvernement guinéen, lui-même détenteur de 7,5 % de Simandou, maisdemeure nimbée d’incertitudes. La première tientà la réalité des financements que Chinalco devraittrouver pour réaliser une telle acquisition. Celle-ciimplique, en effet, de développer d’importantesinfrastructures, au premier rang desquels un portet une ligne de chemin de fer de 650 km. L’appuifinancier de Pékin pourrait être, de ce fait, néces-saire. La seconde s’inscrit dans la longue liste desconflits juridiques qui ont émaillé l’histoire duprojet depuis sa création et qui opposent principa-lement Rio Tinto au groupe BSG Resources deBeny Steinmetz. En 2016, des allégations de cor-ruption remontant à 2011 ont ainsi visé le groupeRio Tinto, suspecté d’avoir versé $ 10,5 millions àun consultant afin de s’assurer des droits surSimandou. En février 2017, il démentait cepen-dant les rumeurs faisant état d’un risque d’échecde cette opération en raison de ces derniers déve-loppements judiciaires.

L’exploitation du potentiel africain en question

La Guinée n’est pas le seul pays africain àvouloir développer son activité d’extraction defer. Parmi les autres prétendants au marché, leCongo-Brazzaville, dont le sous-sol est riche enminerais, mais dont l’exploitation achoppe depuisplusieurs années sur la question des infrastruc-tures de transport. Ceci est particulièrement vraidans la province de la Sangha, non loin de la fron-tière du Gabon et du Cameroun, où se situent troisprojets : celui du mont Avima détenu par le groupeaustralien Core Mining, celui de Badondo dontdispose Equatorial Resources et pour lequel l’en-treprise a annoncé, en novembre 2016, vouloir

investir $ 1,2 milliard et, enfin, celui de Nabeba-Nbalam situé entre le Congo et le Cameroun etdétenu par Sundance Resources. Pour contournerles 1 000 km qui éloignent la mine d’Avima auport congolais de Pointe Noire, Avima Iron Ore, lafiliale de Core Mining a annoncé en février 2017vouloir évacuer le minerai de fer via le Gabon etson port minéralier d’Owendo, distant de « seule-ment » 400 km de la mine. IronRidge Resourcesdispose, pour sa part, de permis de recherche àTchibanga et à Belinga, au Gabon, et a annoncé savolonté de passer à la phase d’exploration. Ducôté du Nigéria enfin, l’Australien Kogi Iron aannoncé, début mars 2017, avoir obtenu deuxlicences d’exploitation minière pour son projet deminerai de fer d’Agbaja. Une étude de préfaisabi-lité établie en janvier 2014 avait fait état d’uneproduction potentielle de 5 Mt par an sur vingt etun ans. Durement éprouvé par la chute des prixpétroliers, le Nigéria pourrait voir la diversifica-tion de son économie passer par un renforcementdu secteur minier, ce qui nécessiterait de substan-tiels investissements auxquels le fonds souveraindu pays, la Nigerian Sovereign Investment

Authority (NSIA), pourrait participer.

Des perspectives très incertaines pour 2017

En dépit du rebond observé en 2016, la guerredes prix engagée par les big four (Vale, Rio Tinto,BHP Billiton et Fortescue Metal Group) ne s’estguère atténuée. Comme en témoigne la récentemine SD11 mise en œuvre par le leader brésilienet qui permettra de produire, à pleine capacité,90 Mt par an à des coûts inférieurs à $ 10/t, laquête d’une plus grande efficience est, plus quejamais, d’actualité. Avec une offre mondiale sti-mulée par l’ouverture de nouvelles mines auBrésil, mais également en Australie, il faudraitque la demande en provenance de la sidérurgie, etnotamment celle de Chine, conserve une vigueurimportante pour qu’une nouvelle chute des coursne s’observe pas. De ce point de vue, force est deconstater que les batailles réglementaires surl’acier qui se sont amplifiées en 2016 entrel’Europe, la Chine et les États-Unis ne sont pas debon augure. Cette demande devrait, par ailleurs,

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s’adresser en très large partie aux marchés inter-nationaux. L’hypothèse est plus que raisonnable,mais il convient de ne pas oublier que la remontéedes cours du minerai de fer pourrait égalementrelancer l’activité minière en Chine. Le mineraichinois est certes d’une qualité très relative, maisune fraction, même marginale, de la demandenationale qui lui serait adressée pourrait être denature à peser sur les cours mondiaux. Unedemande d’enquête sur des pratiques de dumpingen provenance du Brésil et d’Australie a d’ail-leurs récemment été portée par l’Association desmines métallurgiques de Chine au nom d’unevingtaine d’entreprises minières nationales ettend à démontrer que l’industrie chinoise du ferjouera de ses atouts pour tenter de rivaliser avecles géants mondiaux du secteur. Peter Poppinga,directeur exécutif de Vale, ne croyait cependantpas à cette hypothèse d’un redéploiement del’offre chinoise et annonçait un prix plancherpour le minerai de fer qui ne saurait être inférieurà $ 70/t en 2017.

À l’instar d’autres minerais tels que le cuivre,l’année 2016 a vu un renforcement des intérêtschinois sur le minerai de fer africain, en Guinée eten Sierra Leone notamment. Si la volonté de sécu-

riser des ressources nécessaires à l’activité sidé-rurgique chinoise semble patente, l’idée de tireropportunément profit d’un niveau réduit de valo-risation des projets ne peut également être exclue.La Chine, mais pas uniquement, car ceci ne doitpas faire oublier le positionnement stratégiqued’entreprises minières australiennes au Congo, auCameroun ou au Gabon. Force est néanmoins dereconnaître que la forte incertitude sur le niveaudes prix futurs du minerai de fer, mais aussi sur lesdéveloppements internationaux des marchés del’acier n’est guère favorable aux investissementsdans les projets miniers et il est probable qu’ilfaille attendre encore quelques années avant quecertaines mines africaines ne soient effectivementmises en production. L’année 2016 a, néanmoins,laissé transparaître une dimension stratégiquenouvelle : celle d’une demande accrue pour unminerai à haute teneur en fer dont les vertus envi-ronnementales sont valorisées. Si celle-ci sepérennise, les pays africains, au premier rang des-quels la Guinée, auraient une carte maîtresse àjouer… à condition que leurs codes et les conven-tions minières le permettent. Le renforcement dupositionnement de Chinalco dans ce pays en est,peut-être, le signe avant-coureur.

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Une progression quasi interrompue des cours :c’est probablement l’affirmation qui caractériseau mieux l’évolution des prix au comptant sur lemarché de référence du London Metal Exchange

(LME). De $ 1 465/t le 4 janvier 2016, celui-ciest, en effet, passé à $ 1 713/t le 31 décembre, soitune hausse d’un peu moins de 17 % sur l’année.Cette tendance haussière ne semble d’ailleurs pas

vouloir s’infirmer sur le premier trimestre del’année 2017 : le cours spot de l’aluminium s’affi-chait ainsi à $ 1 946/t le 31 mars 2017, en haussede plus de 14 % par rapport au 1er janvier 2017.

La performance est remarquable, mais, àl’instar de nombreux minerais et métaux, cettehausse des cours doit être relativisée en raison desbaisses considérables enregistrées en 2014 et

Bauxite et aluminium

Partageant avec la quasi-totalité des minerais et métaux l’impressionnant rebondobservé à partir du début de l’année 2016, l’aluminium a vu ses conditions demarché s’améliorer considérablement. Comme souvent, c’est de la Chine que sontparvenues les nouvelles importantes et elles ont été bonnes en 2016 avec un ac-croissement de la demande favorisé par la bonne tenue des secteurs immobilier etautomobile. Ceci aurait pu stimuler la demande d’importation de bauxite, mais iln’en fut rien, celle-ci s’inscrivant en recul de plus de 7 % en 2016 à 51,78 Mt. Ilétait alors logique que les cours baissent. L’année n’a pourtant pas été mauvaisepour la Guinée, premier producteur africain de bauxite. En décembre 2016, elleest devenue, pour la première fois, le premier exportateur mondial de ce mineraisur le marché chinois, devant l’Australie et le Brésil. Avec la prise de contrôle an-noncée du gisement de fer de Simandou par Chinalco et le positionnement deHongqiao sur la bauxite, c’est peu dire que la Guinée s’inscrit au cœur des straté-gies d’approvisionnement du gigantesque secteur industriel chinois, d’autant queles perspectives à moyen et long termes apparaissent favorables. Une question de-meure néanmoins en suspens, et ce, depuis de nombreuses années : le pays pourra-t-il enfin tirer profit de sa position stratégique sur la bauxite pour s’intégrer enaval de la filière et ainsi espérer capter davantage de valeur ajoutée ?

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2015. Celle-ci a, en effet, uniquement permis aumétal blanc de revenir à son niveau de mai 2015,bien loin des sommets atteints au plus fort dufameux super-cycle des matières premières. Unedemande plus importante que prévu combinée àune offre dont la croissance a ralenti et à desstocks en déclin : telle a été, en définitive, l’équa-tion simple permettant de comprendre la trajec-toire haussière des prix de l’aluminium en 2016.Selon l’International Aluminium Institute, la pro-duction d’aluminium primaire s’est établie à58,89 Mt en 2016 contre 57,73 Mt en 2015, soitune hausse d’un peu moins de 2 %. Premier pro-ducteur mondial, la Chine a vu son offre passer de31,51 Mt en 2015 à 31,64 Mt en 2016, une desplus faibles progressions de son histoire. Pourmémoire, elle avait augmenté de près de 15 % surl’année 2015. En base mensuelle néanmoins, laproduction chinoise était de 2 891 Mt endécembre 2016 contre 2 518 une année aupara-vant. La consommation s’est, pour sa part, accruede 4,4 % par rapport à 2015, pour s’établir à58,7 Mt, selon les statistiques de l’Economist

Intelligence Unit. L’aide apportée, en 2016, parPékin à son économie a notamment stimulé lademande interne de métal (+ 8,6 %), en particulierdans les secteurs de l’automobile (+ 6,83 %) et de

l’immobilier. À cela s’est ajoutée la diminutiondes stocks officiels d’aluminium dans les entre-pôts du LME. Alors qu’ils s’élevaient à 2,85 Mt àla mi-mars 2016, ils chutaient à 2,2 Mt findécembre 2016 et à près de 1,85 Mt au début dumois d’avril 2017.

Le facteur politique n’est enfin probablementpas à exclure pour comprendre les développe-ments du marché de l’aluminium en 2016 : l’élec-tion, à la présidence des États-Unis, de DonaldTrump dont une des promesses de campagne a étéde relancer massivement les dépenses d’infra-structure dans le pays, mais également lesbatailles réglementaires entre la Chine, l’Europeet les États-Unis sur fond de contestation des sur-capacités de production en Chine et d’accusationde concurrence déloyale. L’International Trade

Commission américaine (USITC) a ainsi lancé, enavril 2016, une enquête sur la réalité de la concur-rence à laquelle l’industrie américaine étaitconfrontée avec pour ambition de mesurer l’im-pact des fameux « fake semis », ces produitssemi-finis chinois échappant aux taxes à l’expor-tation auxquelles est soumis l’aluminium pri-maire. Autre pomme de discorde : les exportationschinoises d’aluminium que les industriels améri-cains soupçonnent de passer par des pays tiers (le

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Mexique notamment) afin de s’affranchir destaxes auxquelles elles sont normalement assujet-ties. La China Nonferrous Metals Industry

Association (CNIA) a fermement rejeté ces accu-sations.

Au sein de la filière « aluminium », l’alumineaustralienne a, pour sa part, vu son prix fortementaugmenter au cours du dernier trimestre 2016pour s’établir à près de $ 350/t en raison, proba-blement, d’un accroissement du comportement destockage des smelters chinois. Il faut néanmoinsreconnaître que, sur les premiers mois de 2016, lafaiblesse des prix domestiques de l’alumine avaitdéprimé la demande d’importation et donc les prixinternationaux. Naturellement bien moins volatileque le métal qu’elle permet de produire, la bauxitea, quant à elle, affiché une relative stabilité surl’année 2016. Si l’on se réfère au prix indicatif duminerai australien importé (coût, assurance, fret)dans le port chinois de Qingdao, celui-ci est ainsipassé de $ 53,14 le 1er janvier 2016 à $ 50,36 findécembre, soit une baisse de 5,2 %. Son évolutionau cours de l’année n’a néanmoins pas étélinéaire : la bauxite a, en effet, atteint son plushaut de l’année en mai 2016 à près de $ 56/t, soit370 yuans, et son point bas en octobre à un peumoins de $ 40/t. Parmi les probables explications

de l’importante baisse des cours observée à partirdu milieu de l’année 2016 figure le fort recul desimportations chinoises de bauxite : en juillet,celles-ci se sont établies à 3,63 Mt contre 5,11 Mten mars. Il faut dire que les importateurs chinoisavaient largement garni leurs entrepôts au débutde l’année 2016 pour faire face à l’embargo que laMalaisie a décrété sur ses exportations de bauxite.

En dépit de cette évolution des prix, l’année a,selon toute vraisemblance, été belle pour laGuinée, principal producteur africain de bauxite etdétenteur de plus du quart des réserves mondialesde ce minerai selon l’United States Geological

Survey (USGS). En décembre 2016, alors que lesimportations chinoises de bauxite chutaient deprès de 34 % par rapport à décembre 2015 et de9,8 % par rapport à novembre, soit 4,66 Mt, lepays a vu ses exportations vers la Chine s’établirà 1,82 Mt, contre… 1,68 Mt pour l’Australie. Si lemois de janvier 2017 a rétabli l’Australie commepremier fournisseur mondial de bauxite au géantchinois depuis le retrait de l’Indonésie, la perfor-mance n’en demeure pas moins considérable. Surl’année 2016, les exportations guinéennes vers laChine se sont ainsi établies à près de 11,94 Mt. Ilfaut reconnaître néanmoins que la concurrenceinternationale s’est moins fait ressentir avec lesinterdictions d’exportation de minerai non trans-formé par l’Indonésie puis par la Malaisie. Pourrappel, l’embargo imposé début 2014 parl’Indonésie sur ses exportations de minerais brutsavait permis à la Malaisie de fortement accroître,en 2015, ses livraisons de bauxite vers la Chine.Les dommages environnementaux que cettemontée en puissance avait provoqués avaientnéanmoins rapidement poussé Kuala Lumpur àstopper de façon temporaire cette activité. Lemoratoire sur les mines de bauxite a, depuis, plu-sieurs fois été étendu dans ce pays. En mars 2017,il a été de nouveau renouvelé pour une période detrois mois.

Du côté indonésien en revanche, une rationa-lité économique à court terme a poussé le pays àalléger, en janvier 2017, les règles de l’embargosur l’exportation de minerais, parmi lesquels labauxite. Il n’est cependant pas certain que cecisoit de nature à changer de nouveau la physio-nomie du marché seaborne de la bauxite.

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L’aluminier chinois Hongqiao avait certes cou-tume de s’approvisionner en bauxite indoné-sienne, mais il a, suite à l’embargo, largementinvesti en Guinée dans le cadre d’un consortiumqui l’associe à la Société minière de Boké (SMB).Il est dès lors peu probable qu’il modifie sa stra-tégie, et ce, à l’instar de nombre d’acheteurs chi-nois qui semblent vouloir faire preuve de pru-dence face aux imprécisions réglementaires deKuala Lumpur. Pour mémoire, l’Indonésie avaitexporté pas moins de 32,1 Mt de bauxite en 2013.Parmi les principaux producteurs figurent donc laChine, la Guinée, l’Indonésie et la Malaisie donc,mais également l’Inde dont le positionnementindustriel sur l’acier et l’aluminium devrait luiconférer un rôle sans cesse croissant sur les mar-chés des minerais et de métaux. Ainsi, parmi lesfaits significatifs de 2016, figure probablementl’accroissement des capacités de production debauxite de Nalco, compagnie nationale indiennede l’aluminium, qui sont passées de 6,82 Mt à7,32 Mt.

Parmi les millions de tonnes exportées deGuinée vers la Chine en 2016, figurent donc leslarges approvisionnements d’Hongqiao, maisaussi le premier échantillon de 55 000 tonnes

d’Emirates Global Aluminium (EGA) et de safiliale guinéenne Guinea Aluminium Corporation(GAC). L’ambition du groupe émirati est de pro-duire près de 12 Mt de bauxite par an pour satis-faire les besoins des alumineries du Golfe. Ceciimplique le développement du port industriel deKamsar, sur la côte atlantique pour l’accueil denavires de taille capesize et newcastlemax. Lepositionnement d’EGA en Guinée n’est pas isoléet répond à la volonté affichée en juillet 2015 deporter les exportations de bauxite du pays à 40 Mtd’ici à 2024. Le ministre guinéen des Mines,Abdoulaye Magassouba, a même déclaré que lepays envisageait de porter sa production à 60 Mten 2020. De nombreux partenariats internationauxont été noués à cette fin. La Société financièreinternationale (SFI), bras financier de la Banquemondiale, a ainsi accordé à l’été 2016 un finance-ment de $ 200 millions à la Compagnie desBauxites de Guinée (CBG) détenue à 51 % parHalco, une joint-venture associant notammentAlcoa et Rio Tinto, et à 49 % par l’État guinéen.S’inscrivant dans un vaste plan d’expansion de$ 1 milliard impliquant de nombreux bailleurs defonds, celui-ci vise à soutenir la CBG dans sa stra-tégie de porter ses capacités de production de

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13,5 Mt/an à 18,5 Mt/an à l’horizon 2018 et à27,5 Mt/an en 2022. En février 2017, AfricaFinance Corporation (AFC) a, pour sa part,annoncé un financement à hauteur de $ 205 mil-lions pour le développement de la mine de BelAir, gérée par la compagnie Alufer Mining et dontla production annuelle serait de 5,5 Mt. De soncôté, le groupe Gajah Investments Group basé àDubaï a annoncé vouloir lever quelque $ 8 mil-liards pour développer la mine de bauxite BoffaSud, acquise auprès des autorités de Conakry enmars 2016 et dont la ressource estimée est de8 milliards de tonnes. Rappelons enfin que l’ac-cord qui lie depuis 1992 l’Iran et la Guinée a étérenouvelé en 2015. Pour mémoire, l’Iran possède51 % du projet Société des bauxites de Dabola-Tougue et projette de tripler sa production d’alu-minium d’ici 2025 via une injection de $ 505 mil-lions de l’Iranian Mines Industries Development

and Renovation Organization (IMIDRO).Les perspectives à moyen terme sur le marché

international de la bauxite semblent bonnes. Selonl’un des vice-présidents d’Alcoa, la demande mon-diale de bauxite pourrait, en effet, progresser de8 % en moyenne sur les prochaines années etatteindre 130 Mt d’ici 2026. La raison principale :un accroissement constant de la demande debauxite de qualité de la part de la Chine dont les

réserves en minerai à haute teneur s’épuisent. Latechnologie pourrait cependant, selon certains,modifier la réalité du marché de la bauxite dans lesannées à venir. La Chine dispose d’abondantes res-sources en bauxite, mais leur ratio alumine/silicerend leur exploitation plus coûteuse. L’effort derecherche et développement engagé par lesgroupes industriels pour dépasser cette contraintetechnique pourrait, s’il aboutit, limiter pour partiela forte dépendance chinoise aux importations.Ceci ne serait, en définitive, pas nouveau : laChine avait développé une technologie permettantd’exploiter ses gisements de latérites et de pro-duire de la fonte de nickel lorsque les approvision-nements en nickel lui avaient fait défaut. Ilconvient, par ailleurs, de noter que si les investis-sements considérables reçus par la Guinée depuis2015 sont, de toute évidence, un motif de grandesatisfaction, ils ne doivent pas, pour autant, faireoublier deux points essentiels dans le développe-ment économique du pays : la maximisation et laredistribution des ressources fiscales tirées de l’ex-traction de la bauxite et une nécessaire intégrationen aval de la filière aluminium. Depuis le retrait deRusal du pays en 2012, les projets souventannoncés de développement d’alumineries localestardent encore à se concrétiser.

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Un rebond salutaire

L’année 2016 a été, sans conteste, bien parti-culière pour le cuivre. À la différence de la quasi-totalité des métaux de base qui ont vu leur prixrebondir fortement dès les premiers mois del’année, le prix du métal rouge a en effet tardé à seremettre d’une année 2015 ô combien difficile. Dejanvier à octobre, le cours au comptant du cuivresur le London Metal Exchange (LME) a molle-ment erré entre $ 4 500 et $ 5 000, sans qu’aucunetendance ne se dessine. Puis, il a crû de plus de28 % entre le 24 octobre et le 28 novembre pour

atteindre $ 5 935, son plus haut niveau depuis21 mois. De quoi disqualifier la plupart des pro-nostics de début d’année 2016 qui ne signalaitaucune véritable amélioration pour l’année encours en raison de facteurs d’offre et de demandepeu enthousiasmants. Salutaire respiration aprèsune telle envolée ou prémisse d’un importantmouvement de correction, le mois de décembren’a cependant pas confirmé l’optimisme du moisprécédent, les prix s’inscrivant en retrait de 4,7 %pour terminer l’année à $ 5 500, leur niveau de finjanvier 2015. C’est, en définitive, sur une perfor-mance très honorable que s’est achevée l’année

Cuivre

2016 était probablement l’année de tous les dangers pour les industries cuprifèresde la République démocratique du Congo et de la Zambie. Avec un important re-bond sur les deux derniers mois de l’année, les cours du cuivre ont pourtant effacéles pertes de l’année 2015 et redonné du souffle aux deux premiers exportateursafricains. Si les incertitudes macroéconomiques de 2017 ne sont pas sans consé-quence sur le niveau des prix d’un métal connu pour sa forte volatilité, les pers-pectives à moyen terme suggèrent, quant à elle, un déficit structurel de l’offre denature à soutenir les cours. Pour que les pays producteurs africains puissent enprofiter, des défis restent cependant à relever avec, une fois encore, la « stabilité »pour maître-mot : stabilité du cadre fiscal pour les entreprises minières interna-tionales présentes sur le sol africain et, plus globalement, du climat des affaires,stabilité sociale et politique et… stabilité de la production d’électricité, critère es-sentiel au maintien et au développement des activités d’extraction et de transfor-mation des minerais.

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190 / Minerais et métaux

2016 avec une progression de 18,4 % des cours aucomptant sur le marché de référence londonien.De quoi reprendre quelques couleurs, après l’ef-fondrement des prix de 14,5 % et 25 % observérespectivement en 2014 et 2015, d’autant que lesprix sont repartis à la hausse au cours du mois dejanvier 2017 pour atteindre de nouveau $ 5 900.Conséquence logique de cette évolution des cours,Codelco, entreprise chilienne et premier produc-teur mondial, a vu sa santé financière s’améliorerau troisième trimestre de l’année, limitant ainsi lespertes du premier semestre évaluées à $ 97 mil-lions. Prévoyant de meilleurs lendemains et

confronté à une forte concurrence internationale,le leader chilien s’est engagé dans un plan dedéveloppement et de modernisation de ses minesde $ 18 milliards d’ici à 2020 grâce, notamment, àune injection de l’État de $ 975 millions aprèscelle de $ 600 millions en 2015.

Amélioration des fondamentaux ou flambée spéculative ?

L’inflexion positive de la dynamique des prixdu cuivre ne peut manquer de surprendre, àl’instar des résultats des élections présidentiellesaméricaines. Car c’est en partie dans le pro-gramme économique du nouveau présidentDonald Trump que les marchés ont trouvé à seragaillardir. La volonté d’investir $ 500 milliards– ou plus ! – dans les infrastructures, promessed’une demande de cuivre accrue, ne pouvait eneffet qu’être accueillie favorablement. Qu’ellesoit physique ou financière et dans l’attente d’ac-tions concrètes du nouveau gouvernement améri-cain, c’est donc une logique spéculative ou, pourle moins, anticipative, qui a présidé à l’envoléetardive des prix de ce métal. Ceci n’est pourtantpas le seul facteur explicatif de la flambée autom-nale des cours et, en définitive, d’une année favo-rable pour le métal rouge. Avec une consomma-tion qui s’est élevée à 1 810 Mt en 2015 et à1,58 Mt sur la période allant de janvier à octobre2016, les États-Unis pèsent en réalité moins de

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10 % de la demande mondiale de cuivre et c’estdonc sur d’autres fondamentaux que les marchésont fondé leur optimisme.

Il n’y avait pourtant à court terme que peud’éléments favorables à une hausse des cours tantdu côté de l’offre que de celui de la demande, etc’est bien ce qui peut expliquer l’atonie des coursdu cuivre sur les dix premiers mois de 2016. Selonles données de l’International Copper StudyGroup (ICSG), la demande de cuivre raffiné s’estcertes établie à 17,53 Mt sur les trois premiers tri-mestres de l’année 2016, en progression de 3,3 %sur une base annuelle, mais l’offre s’est égalementaccrue, et ce, dans des proportions avoisinantes.L’offre mondiale de cuivre raffiné a en effet pro-gressé de 3 % sur les neuf premiers mois del’année pour atteindre 17 445 Mt, tandis que laproduction minière mondiale s’est, elle, inscriteen hausse de près de 5,7 % sur la même période.

Dans le paysage des pays producteurs, toutn’est cependant pas homogène : la production duChili, premier producteur mondial, était en baissede 1,3 % en variation annuelle pour le mois denovembre 2016, à près de 480 000 tonnes. Uneprogression de l’offre mondiale qui ne s’est pasnon plus faite à la faveur du continent africain.Celui-ci a vu sa production de minerais tomber à1,385 Mt pour les trois premiers trimestres, enbaisse de 4 % par rapport à 2015. Pour laRépublique démocratique du Congo (RDC), leconstat est, selon la Banque centrale du Congo(BCC), plus sévère encore, avec une productionen recul de 14 % sur les six premiers mois del’année à 0,46 Mt, en raison notamment de la fer-meture temporaire des mines de Glencore et dontla production ne devrait pas reprendre avant début2018. Sur l’année, cette contraction ne seraitcependant que de 1,7 % selon la Chambre desmines à 978 414 tonnes. Rien de tel du côté de laZambie où la production de cuivre s’est accrue surle premier semestre à 368 371 tonnes contre340 510 tonnes à la même période l’année der-nière.

Dans la mesure où la progression de lademande a été rejointe par celle de l’offre, les opé-rateurs n’ont eu d’autre choix que de se focalisersur la troisième variable essentielle du marchépour guider leurs anticipations : le niveau des

stocks dans les entrepôts du LME et du ShanghaiFutures Exchange (SHFE). Les premiers ontconnu début avril leur plus bas niveau en dix-huitmois à 141 075 tonnes, ce qui aurait pu soutenirles cours. Du côté du SHFE, en revanche, unsommet historique a été atteint en mars à 394 777tonnes. Les signaux ont été, une fois encore, par-ticulièrement ambigus.

Dans ce contexte morose où les signaux posi-tifs ont souvent été annihilés par des nouvelles oudes statistiques décevantes, il n’était guère surpre-nant que les cours du cuivre n’aient pas empruntéla trajectoire haussière suivie par la plupart desautres métaux de base. À l’automne cependant,plusieurs facteurs se sont additionnés à l’électionaméricaine pour corriger cette dynamique et offriren définitive une performance très honorable aumarché du cuivre. Plusieurs sites de productionont en premier lieu connu un certain nombre deperturbations. Les opérations de la mine austra-lienne d’Olympic Dam exploitée par BHP Billitonont ainsi été suspendues près de deux semainesdurant le mois d’octobre en raison d’une ruptured’alimentation électrique avec, à la clé, une baissede 30 % du cuivre produit (soit 78 000 tonnes) audeuxième semestre 2016 par rapport à 2015.

Premier exportateur mondial, le Chili a, quantà lui, connu un certain nombre de grèves dontcelle qui a touché en septembre 2016 la mine deLos Bronces détenue par Anglo American. Unehausse des commandes de cuivre en provenancede Chine pour les secteurs de l’énergie s’est, ensecond lieu, conjuguée à une bonne tenue dumarché automobile pour expliquer une reprise dela demande en fin d’année. Sur l’année 2016, laChine aurait en définitive importé près de 4,95 Mtde cuivre sous forme brute (3,63 Mt sous formeraffinée), avec une progression de plus de 30 % endécembre par rapport au mois précédent. Sesimportations de concentrés ont été, de la mêmefaçon, considérables : 19,63 Mt soit 28 % de plusqu’en 2015. Alors que la Chine représente plus de40 % de la demande mondiale, ces perspectivesont de toute évidence joué en cette fin d’année2016 sur l’optimisme affiché des opérateurs del’industrie cuprifère et des investisseurs. D’autantque l’horizon semble dégagé pour l’amont de lafilière : terminant l’année sur un surplus de 60 000

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à 70 000 tonnes en 2016, le marché pourrait êtreen déficit de 160 000 tonnes dès 2017.

Le redéploiement de la stratégieminière zambienne

« Sur-dépendance » : tel est le mot utilisé parFelix Mutati, ministre des Finances, pour qualifierla relation entre les cours du cuivre et l’économiede la Zambie, deuxième plus grand producteurderrière la RDC et ainsi justifier la mise en œuvred’un plan de diversification de son économie.Avec une production anticipée de 750 000 tonnespour 2016, et un objectif de 800 000 tonnes pour2017, le cuivre est en effet au cœur de l’économiedu huitième exportateur mondial en 2015, selon

les statistiques de l’ICSG. La société holdingZambia Consolidated Copper Mine InvestmentHoldings (ZCCM-IH), dont l’État est actionnairemajoritaire, occupe un rôle essentiel dans cedomaine au travers de ses participations dans lesmines de Mopani (avec Glencore et FirstQuantum), de Kansanshi (avec First QuantumMinerals) et Konkola (Vedanta Resources). Lachute des cours du cuivre en 2014 et 2015 a, de cepoint de vue, fortement ébranlé la Zambie. 70 %des recettes en devises du pays proviennent eneffet de l’exportation de ce métal. Tandis que laproduction a progressé de 8 % au troisième tri-mestre 2016 par rapport à 2015 (une surprisecompte tenu de la prévalence des problèmes d’ali-mentation électrique et ce, en dépit de l’ouverture

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en septembre 2015 de la mine Sentinel), lesrevenus cuprifères se sont repliés de près de 20 %à $ 3,2 milliards pour les neuf premiers mois de2016. Avec d’importantes pertes d’emplois dansle secteur minier, une bourse de valeurs mobi-lières qui a enregistré la pire performance ducontinent africain, une monnaie nationale, lekwacha, qui s’est fortement dépréciée et une infla-tion importée consécutivement en hausse, laZambie a connu une période difficile et ceci n’apas été sans conséquence sur le plan politique lorsdes élections présidentielles du mois d’août,émaillées de violence entre les partisans d’EdgarLungu, président sortant qui sera réélu, etd’Hakainde Hichilema, son principal opposant.

Au cœur des débats, la question de la fiscalitéminière et de la mise en œuvre de politiques deredistribution. Dans cette optique, le gouverne-ment s’était prononcé en faveur de l’impositiond’une taxe de 7,5 % sur les importations deconcentré de cuivre, en provenance de la RDCprincipalement, afin de soutenir l’activité de raffi-nage du minerai local. Ce projet a pourtant été dis-qualifié par les régulateurs. Il faut dire que si leprojet pouvait faire sens d’un point de vue poli-tique, il n’était sans poser quelques interrogationssur le plan économique : la Zambie aurait un« excès » de capacités de transformation desconcentrés de 1,2 Mt. C’est plus fondamentale-ment la politique fiscale des revenus miniers qui aété au cœur des débats politiques avec, en toile defond, l’idée que le pays n’a pas su tirer profit de lahausse des cours observée jusqu’en 2012 pourengranger des recettes nécessaires à la diversifica-tion économique du pays et à la lutte contre la pau-vreté. La taxe de 20 % sur les mines à ciel ouvertdécidée en 2015 et appliquée dès le 1er janvier2016 avait certes pour ambition de démultiplier lesrecettes fiscales du secteur attractif, mais, dans uncontexte de prix bas, elle s’est heurtée à une levéede boucliers de la part de groupes miniers sou-cieux de sauver leur compétitivité. Barrick Goldavait ainsi menacé de fermer sa mine si une tellemesure venait à être appliquée. La paix sociale estégalement en question, avec un début d’année2017 marqué par une grève des mineurs deKonkola, sur fond de négociation salariale. Dansdes conditions de marché encore difficiles, force

est cependant de reconnaître que le problème n’estpas spécifiquement zambien, ni même africain :les travailleurs de la mine géante d’Escondida auChili se sont notamment mis en grève illimitée le9 février 2017 avec, à la clé, le blocage du site etdes routes d’accès au port de Coloso.

Du côté des bonnes nouvelles figure néan-moins l’accord trouvé en décembre entre ZCCM-IH et Vedanta Resources pour solder le conflit quiles a opposées depuis la privatisation de Konkola.Arguant du fait que la société britannique n’avaitpas payé la totalité de la somme due pour l’acqui-sition de la mine, ZCCM-IH a porté avec succès lecas devant la Haute cour de justice britannique.Au terme de cet accord, Vedanta s’est engagé àpayer $ 103 millions à la holding parapubliquezambienne. Celle-ci a également engagé un brasde fer avec First Quantum Minerals, accusantcette dernière de fraude dans le cadre d’un prêtaccordé par Kansanshi mining à l’entreprise deVancouver pour le financement d’autres opéra-tions minières. En février 2017, des rumeurs fai-saient état que Glencore pourrait également êtredans le viseur de la ZCCM-IH.

Les vicissitudes des stratégies minièresinternationales en RDC

Du côté de la RDC, sixième exportateur mon-dial en 2015, les problèmes macroéconomiquesposés par la chute des cours se sont conjugués àune instabilité sociale et politique majeure qui nes’est apaisée qu’aux dernières heures de 2016 :alors que les élections présidentielles étaient ini-tialement prévues en novembre 2016, les repré-sentants de la majorité présidentielle se sontaccordés pour que le mandat de Joseph Kabila,qui s’achevait officiellement le 19 décembre2016, soit prolongé jusqu’en 2017, à la conditionque celui-ci ne se représente pas et qu’il ne puissemodifier la constitution. Les intenses négociationsqui ont permis cet accord n’ont cependant pasempêché des actes de violence conduisant à lamort de plus de cinquante personnes à Kinshasa.Les licenciements massifs dans la province duKatanga ont également conduit à d’importantestensions sociales qui ont tout naturellement pesésur le climat des affaires du pays.

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Confrontés à un environnement économique etsocial particulièrement incertain, les groupesminiers ont multiplié les opérations decessions/acquisitions. C’est ainsi que Freeport-McMoran a cédé à China Molybdenum (CMOC)les 56 % qu’il possédait dans la mine de TenkeFungurume via la revente des parts (70 %) que legroupe détenait dans la société holding éponymeTF Holdings. Montant de l’opération : $ 2,65 mil-liards révisables à hauteur de $ 120 millions enfonction de l’évolution des cours du cuivre et ducobalt en 2018 et 2019. Il faut dire que la situationsur le site s’est maintes fois révélée difficile :outre une grève engageant près d’un millier de tra-vailleurs, la concession a été envahie par des tra-vailleurs illégaux, entraînant la mort de dix-septpersonnes lors de l’effondrement d’une fosse.

La décision de Freeport-McMoran ne seraitcependant pas spécifiquement liée à l’environne-ment congolais, mais répondrait à la stratégie dedésendettement engagée depuis de nombreuxmois par nombre de groupes miniers… au profitdes opérateurs chinois notamment. La transactionne s’est pas faite sans heurt : Kinshasa n’y a pasété associé alors que la Générale des carrières etdes mines (Gecamines), société minière publiquecongolaise, détient 20 % de Tenke Fungurume etqu’elle aurait pu faire valoir son droit de préem-ption lors de la revente des parts. Suite à unecontre-proposition faite en septembre 2016,Gecamines a sollicité le mois suivant un arbitrageinternational auprès de la Chambre de commerceinternational. La procédure n’a cependant pas été

à son terme puisque Freeport-McMoran a soldéson différend avec Kinshasa par le paiement de$ 33 millions à la Gecamines. La société cana-dienne Lundin qui, à l’instar de Freeport-McMoran, détient indirectement 24 % de la minevia ses intérêts (30 %) dans TF Holdings, auraitégalement pu se porter acquéreuse des parts dugroupe américain. Cela n’a cependant pas été lecas puisque Lundin a également décidé en janvier2017 de sortir du capital de TF Holdings et derevendre pour un montant de $ 1,14 milliard révi-sable, ses intérêts à BHR Partners, une société decapital-investissement… chinoise ! Cette reventeaurait également fait l’objet de paiements com-pensatoires au profit de la Gecamines.

Véritable institution en RDC, la Gecaminess’est engagée dans un nouveau programme demodernisation la conduisant à investir plus de$ 700 millions d’ici à 2020. Dans ce cadre, lasociété chinoise China Nonferrous Metal Mining(CNMC) pourrait investir, à hauteur de $ 2 mil-liards, dans le développement de son projet decuivre Deziwa, en contrepartie d’une participationde 51 %. Selon les termes de l’accord, annoncé enjuin, et dont le montant n’avait pas été révélé, leprojet de cuivre Deziwa sera confié pendant untemps à la CNMC qui en assurera le financement,la construction et l’exploitation. La Gecaminesdevra alors lui rembourser tout le montant investipar le biais d’un accord d’enlèvement de cuivre(non encore conclu), ce qui lui permettra d’endevenir le propriétaire à 100 %. L’accord a étédécrit comme un « nouveau type de partenariat »

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visant à accroître les recettes de l’État, mais tousles détails n’ont pas encore été fournis.

Plus gros projet de cuivre africain d’une duréede vie de trente ans, Kamoa-Kakula a, pour sapart, vu Ivanhoe Mines et Zijin Mining, les prin-cipaux porteurs, céder au gouvernement deKinshasa une part supplémentaire de 15 % portantle total des intérêts congolais à 20 %. Les pre-mières études délivrées par Ivanhoe ont fait étatde ressources minérales indiquées à 192 millionsde tonnes à une teneur de 3,45 % de cuivre et de115 millions de tonnes à 4,80 %. Particulièrementactif en RDC, le groupe canadien a par ailleursannoncé en mai 2016 la mise en œuvre d’un plande redéveloppement du projet zinc/cuivre deKipushi, au sud-est de Kamoa avec, pour ambi-tion, une modernisation du site.

Toujours du côté des opérations de fusions-acquisitions, mais au Botswana cette fois, AlectoMinerals s’est engagé à acheter Cradle ArcInvestments, entreprise détenant 60 % des partsdans la mine de cuivre Mowana qui offre une res-source minérale mesurée et indiquée de683 000 tonnes de cuivre, et une ressource minéraleinférée de 945 000 tonnes de cuivre. La compagnieespère ramener la mine et l’usine de traitement deMowana en production à un « coût relativementbas ». À un prix du cuivre de $ 2,5/lb, elle a estiméla valeur actuelle nette du projet à $ 245 millions.La mine de BCL située à Selebi Phikw dans le norddu Botswana a, quant à elle, été mise en liquidationprovisoire en raison de sa non-rentabilité et de sadangerosité. En Ouganda, le projet de relance de lamine de Kilembe par le groupe chinois Tibet HimaMining s’est heurté à plusieurs obstacles, financiernotamment : un différend sur le montant des royal-ties et taxes dues oppose en effet l’entrepriseminière au gouvernement.

Pénurie de cuivre à moyen terme : une chance pour l’Afrique ?

Après avoir éprouvé les marchés durant unegrande partie de l’année 2016, les perspectiveschinoises semblent bonnes : dans les premiersjours de janvier 2017, c’est l’annonce d’un nou-veau projet ferroviaire, fortement consommateurde cuivre, qui a expliqué la vigueur des cours à la

bourse de Shanghai. À plus long terme, lessignaux apparaissent également favorables : laChina Nonferrous Metals Industry Association(CNIA) estimait ainsi que la demande de cuivreraffiné du secteur de l’automobile électrique pour-rait atteindre 280 000 tonnes d’ici à 2025 contre38 000 aujourd’hui. S’il connaît depuis deux ansd’importants soubresauts liés non seulement à undéséquilibre offre-demande, mais également àl’intensité des dynamiques spéculatives, le cuivresemble donc promis à un meilleur avenir, avec undéficit attendu en 2020 et un risque de pénurie àl’horizon 2030. Dans cette perspective, plusieursgroupes miniers occidentaux se repositionnentfinancièrement en Afrique. Après avoir annoncédans son dernier rapport annuel vouloir accroîtreses dépenses d’exploration du sous-sol de 27 % en2017, Glencore s’est notamment récemmentaffirmé en RDC. En février 2017, le groupe a eneffet acquis 31 % et 10,25 % des parts queFleurette Group détenait encore dans Mutanda etKatanga Mining. Ces opérations, d’un montanttotal de $ 960 millions, donnent au groupe suisse100 % et 86,33 %, respectivement, du capital deces deux projets.

Pour que les pays africains tirent le meilleurprofit de ces tensions, plusieurs conditionsdevront être respectées. Parmi celles-ci, la capa-cité à fournir une électricité sans délestage, ce quin’est pas sans difficulté : en octobre 2016, Zesco,la compagnie nationale d’électricité zambienne,avait, à titre d’exemple, demandé aux compagniesminières de réduire leur consommation électriqueen raison d’un niveau d’eau particulièrement basdans les stations hydroélectriques. C’est une desraisons pour lesquelles Ivanhoe s’est associé, enRDC, à la Société nationale d’électricité (Snel)afin de rénover deux centrales hydroélectriquesnécessaires au projet Kamoa. Les infrastructuresde transport sont également essentielles et c’estdans ce cadre que la Tanzania-Zambia RailwayAuthority (Tazara) et la Société nationale des che-mins de fer du Congo (SNCC) se sont engagées en2016 dans des négociations qui, si elles aboutis-sent, pourront accroître la capacité de fret de laligne ferroviaire reliant la Copperbelt au port tan-zanien de Dar es Salaam.

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Les petits métaux

L’Afrique, vaste continent de 30,3 millions de km2 et riche de 59 pays, possède unegéologie très diversifiée à l’origine de sa grande richesse minérale. À grands traits, sadiversité géologique évoque celle de l’Australie (7,7 millions de km2) et du Canada(10 millions de km2), mais son patrimoine minier est beaucoup moins connu, moinsexploré, que celui de ces deux pays. Les deux premiers graphiques comparent l’évo-lution des investissements en exploration minière en Afrique aux autres grandes ré-gions du monde et la moyenne des investissements annuels, en dollars constants parkm2, réalisés au cours de la période 1991-2016. Il apparaît que si l’investissement enexploration en Afrique suit les grandes tendances des investissements miniers dansles autres régions du monde, avec une forte chute des investissements depuis 2012,elle est la région du monde qui, en moyenne, a reçu le moins d’investissements enexploration minière au cours de la période 1991-2016, avec seulement $ 36 par km2

investis en Afrique, soit seulement 33 % des $ 118 par km2 investis au Canada et 28 %des $ 129 par km2 investis en Australie. Tant l’Australie que le Canada sont pourtantgéologiquement mieux connus que l’Afrique et prospectés depuis beaucoup plus long-temps.

En 2016, l’Afrique a reçu 13 % des investisse-ments mondiaux en exploration minière recenséspar SNL (le total mondial étant de $ 6,9 mil-liards). 31 pays africains ont reçu des investisse-ments identifiables, les investissements reçus parles dix premiers récipiendaires représentant 78 %du total. Sans surprise, vu leur patrimoine géolo-gique exceptionnel, la République démocratiquedu Congo (RDC) et l’Afrique du Sud sont lesdeux pays recevant le plus d’investissements enexploration minière, respectivement 16 % et 11 %du total. Le Burkina Faso, le Mali, la Tanzanie, le

Ghana, la Côte d’Ivoire, la Zambie et le Sénégalont reçu, chacun, entre 5 % et 10 % de la totalitédes investissements en exploration sur ce conti-nent. L’Afrique est, en réalité, la région du mondeayant le plus souffert de la chute des dépensesd’exploration depuis 2012, année au cours delaquelle les investissements mondiaux en explora-tion ont atteint, en dollars constants, $ 21,1 mil-liards. Alors que cette baisse était, par rapport à2012, de 67 % à l’échelle mondiale, de 63 % enAmérique latine, de 65 % en Australie et de 71 %au Canada, elle s’est élevée à 75 % en Afrique.

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198 / Minerais et métaux

Le tableau ci-après synthétise diverses informations relatives aux petits métaux de ce chapitre

Colonne a● Le taux de croissance annuelle moyenne de la production des métaux pour la période de 10 ans de

2004-2013, à l’exception du césium et du sélénium, éléments pour lesquels il n’existe pas de statistiquesde production mondiale. Les estimations de la production de 2014, publiées par l’USGS dès le mois defévrier 2015, étant encore susceptibles de corrections significatives, ne sont pas prises en compte dansce calcul. Ce calcul, basé sur la variation de la valeur entre le début et la fin de la série temporelle, esttrès sensible à de fortes variations conjoncturelles de ces valeurs. Afin de mieux refléter les évolutionsstructurelles, la valeur de chaque borne a été calculée en faisant la moyenne de trois années, incluant laborne et les deux années qui la précèdent. Les données sont celles publiées par l’USGS. Ce taux nereflète cependant que très approximativement la demande, vu l’importance des stocks, souvent très dif-ficiles à appréhender. Les stocks de la bourse chinoise de Fanya, spécialisée dans les petits métaux,peuvent atteindre plusieurs années de production mondiale (cf. cas du bismuth et de l’indium détaillés ci-dessous).

Colonne B● Les prix des petits métaux ne font pas souvent l’objet d’une cotation en continu. Seuls quelques-uns de

ces métaux sont cotés au London Metal Exchange. La bourse de Fanya (Chine) offre, elle, depuis 2011,une cotation en continu d’un ensemble de petits métaux. Une cellule vide du tableau indique que pourcette matière première il n’existe que des prix indicatifs, liés à des transactions spot, dont le volume n’estpas connu. Les marchés de ces métaux souvent très rares sont largement dominés par les traders et pardes contrats d’approvisionnement à long terme signés entre les sociétés productrices et leurs clientsindustriels.

Colonne C● Cette colonne indique le premier pays producteur minier de la matière première, à l’exception du cobalt,

pour lequel – à titre illustratif – ont été indiqués le premier pays producteur minier et le premier pays pro-ducteur métallurgique. L’exemple du cobalt montre que sa métallurgie a une localisation très différentede celle de l’industrie minière du cuivre ou du nickel, les métaux porteurs de l’essentiel de la productionmondiale de cobalt.

Colonne D● Cette colonne indique, en tonnes, la production annuelle 2014 (estimation de l’USGS, voir également

l’utilisation d’autres sources, mentionnées en colonne H).

Colonne e● Cette colonne permet de savoir si le chiffre de la colonne E désigne (a) la teneur en métal contenu dans

le minerai, (b) la production de minerai, (c) dans le seul cas des terres rares, la teneur en oxydes totauxcontenu dans le minerai, (d) le tonnage de concentrés produits. Dans le cas du chrome, il s’agit deconcentrés marchands de chromite, contenant entre 45 et 54 % de Cr20 3, dans le cas du zirconium lateneur des concentrés marchands se situe généralement dans une fourchette de 60 à 66 % Zr(Hf)O2.

Colonne F● Cette colonne indique la part du premier producteur dans la production mondiale.

Colonne G● Celle-ci indique si le métal est, ou non, un sous-produit de la production d’un autre métal. Nombre des

métaux couverts dans ce chapitre sont des sous-produits qui ne sont récupérés que lors de l’extractionmétallurgique du métal porteur. L’évolution des marchés de ces moteurs porteurs a alors un impactimportant sur la production de ces sous-produits.

Colonne H● L’USGS ne pouvant pas publier les données de production des États-Unis lorsqu’il n’existe qu’un nombre

très limité de producteurs américains (mention : W pour « withheld »), d’autres sources de données ontété utilisées pour évaluer cette production. Il s’agit en général des données 2012 de l’annuaire statistiqueWorld Ming Data (mention : WMD) et dans le cas du magnésium de l’annuaire World Mineral Production

2008-2012 du British Geological Survey (Mention BGS), ou dans le cas du cobalt raffiné de Cobalt

Market Review 2014-2015 de Darton Commodities.

● Le césium et le sélénium ne sont pas mentionnés dans ce tableau car il n’existe pas de statistiquespubliques complètes sur leur production.

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Les métaux et leurs utilisations dans le secteur de l’énergieColonnes A : numéro atomique, Colonne B : Symbole chimique, colonne C : nom de l’élément,

Colonne D : principaux usages dans le domaine de l’énergie

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En valeur et hors ressources pour la produc-tion d’énergie, la part de l’Afrique dans la produc-tion minière mondiale a été de 16,4 % en 2014,soit $ 145,7 milliards sur un montant total estiméà $ 888,5 milliards, selon World Mining Data.L’Afrique représente pourtant 20 % des terresémergées. Par rapport à 2013, la valeur de la pro-duction minière de l’Afrique a cependant aug-menté de 10,5 %. En valeur, le premier producteurafricain est de très loin l’Afrique du Sud qui a pro-duit, en 2014, 63 % de la production minière ducontinent contre 61 % en 2013.

Dans le domaine des petits métaux, l’Afriqueest une productrice importante de césium, dechrome, de cobalt, de manganèse, de tantale, devanadium et de zirconium. Ces productions sontgénéralement liées à des formations géologiquesparticulières, très localisées et riches. Ce sont lespegmatites à lithium-césium et tantale deDonkethoek en Namibie et de Bikita auZimbabwe, la chromite et le vanadium associés aucomplexe ultrabasique du Bushveld en Afrique duSud (également la principale source de platine aumonde), le cobalt associé en sous-produit auxgisements de cuivre stratiforme de la fameuse« copperbelt » de la RDC et de la Zambie, le man-ganèse du Kalahari en Afrique du Sud et le zirconprésent dans les sables de plage à divers endroitsautour du continent (Mozambique, Sénégal,Sierra Leone…). Ses principales productions depetits métaux sont présentées dans le tableau 3 ci-

dessous. Ce tableau est suivi par une brève pré-sentation des marchés de ces matières premièresen 2015, dérivées de l’édition 2016 du rapportCyclope, avec un focus sur l’Afrique.

Sauf quelques exceptions, essentiellementlocalisées en Afrique du Sud et au Gabon,l’Afrique reste une exportatrice de concentrés deminerais métallifères. L’Afrique du Sud disposed’une métallurgie développée produisant du ferro-chrome, du ferromanganèse et du vanadium.Depuis peu, le Gabon valorise également sonminerai de manganèse grâce à l’usine de Moanda(COMILOG), inaugurée en 2015 et produisant dusilicomanganèse et du manganèse métal.

Césium

Le césium est un métal rare, de la famille desalcalins (Li, Na, K). Il est produit à partir d’unminéral, la pollucite, que l’on trouve en concen-trations significatives dans quelques pegmatites,en compagnie de minéraux contenant du lithium(spodumène, lépidolite, pétalite).

Le césium est un métal cher. Début mars 2017,du césium d’origine chinoise était proposé surinternet au prix de $ 50 à 100/kg franco à bord

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202 / Minerais et métaux

(FAB) Chine. Il n’existe pas de statistiques rela-tives à ce métal très peu documenté. Le principalproduit dérivé du césium est le formiate decésium, un important additif des boues de sondagepétrolier. Sa production est un monopole de lasociété américaine Cabot.

133Cs, le seul isotope naturel et stable, est uti-lisé sous la forme du formate de césium, ou plusrarement de l’acétate de césium, comme additifdans certains forages pétroliers très profonds, car il permet de créer une boue plus dense permet-tant d’exploiter des champs dits de haute pres-

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sion/haute température (HPHT). Les solutions deformate de césium sont louées par le seul produc-teur nord-américain, Cabot, 85 % du césium uti-lisé étant récupéré et recyclé. Il est égalementindispensable au fonctionnement des horlogesatomiques. Ultra-précises, celles-ci sont essen-tielles au fonctionnement des systèmes de typeGPS.

Selon l’United States Geological Survey

(USGS), le principal producteur de césium naturela été le Canada, avec le gisement de Bernic Lake(également connu sous le nom de Tanco Mine),appartenant à la société Cabot, qui produit le for-miate de césium à partir de la pollucite du gise-ment. La production de formiate de césium deCabot a atteint 5 630 tonnes en 2014, équivalent à3 890 tonnes de césium ou 17 300 tonnes deminerai à pollucite. La mine est actuellementfermée suite à des problèmes de stabilité de lapartie Est de l’exploitation souterraine, la plusrichement minéralisée. Cabot dispose d’un stockde minerai suffisant pour la continuité de son acti-vité. La mise en production du gisement polymé-tallique de Taron en Argentine, en cours d’étudepar la junior canadienne Cascadero Copper pour-rait, si la faisabilité de l’exploitation est ultérieu-rement démontrée, contrebalancer un éventuelarrêt de l’exploitation de la mine de Bernic. Du

césium est également produit par la Chine et àpartir de pollucite zimbabwéenne.

Chrome

Avec 48 % de la production mondiale (14 Mtde chromite produites en 2016, selon les estima-tions de l’USGS), l’Afrique du Sud a été, en 2016,le premier producteur mondial de chromite. 92 %de la production mondiale de chromite (30,4 Mten 2016, valeur inchangée par rapport à 2015) estde la chromite de qualité métallurgique (> 46 %de Cr2O3, Cr/Fe > 1,5, SiO2 ≤3 %) utilisée pourla production d’acier inoxydable, d’aciers alliés etd’alliages non ferreux. Cet usage passe par la pro-duction intermédiaire de ferrochrome, dont laChine est le premier producteur mondial, suivi detrès près par l’Afrique du Sud.

La forte dépendance de la Chine par rapportaux importations de chromite et de ferrochromeest l’un des points de vulnérabilité stratégique deson économie, la Chine ne produisant qu’environ1 % de la chromite mondiale. À ce jour, les pro-ducteurs chinois d’acier inoxydable n’ont qu’unefaible intégration verticale : elle est limitée à laparticipation de 60 % de Sinosteel (via sa filiale à100 % East Asia Metals Investment Co. Ltd.) dansla société sud-africaine ASA Metals en 1996, l’un

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204 / Minerais et métaux

des plus anciens investissements miniers chinoishors Chine. Croulant sous les dettes, ASA Metalsa été mis sous séquestre et cherche un repreneurdepuis août 2016.

Pendant la majeure partie de l’année, de jan-vier à début novembre, les prix du ferrochromesont restés au niveau très bas observé fin 2015,baissant même encore jusqu’à $ 0,75/lb dechrome contenu de mars à mai, très loin des$ 2,95 atteints en mars 2008, avant le krach del’économie mondiale. Cette tendance baissièreengagée depuis 2009 pourrait avoir pris fin avec laforte hausse des prix spot observée depuisnovembre 2016, le prix moyen de décembre($ 1,26/lb Cr contenu) étant en hausse de 62 % parrapport au prix moyen de juin ($ 0,78), le plusfaible de l’année. Ce rebond est la conséquence dela restructuration de l’industrie sud-africaine duchrome, frappée par la faiblesse persistante descours de la chromite et du ferrochrome depuis lacrise financière de 2008 et le problème récurrentde l’énergie en Afrique du Sud. Combiné à lachute du coût du transport maritime de la chromitevers la Chine, ceci explique pourquoi il n’y a pasd’avantage compétitif à avoir une usine de pro-duction de ferrochrome proche de la mine dechromite qui l’alimente. Sur les sept fonderiessud-africaines de ferrochrome, deux étaient àl’arrêt à la fin de l’année 2016.

La demande chinoise de chrome est restéeferme en 2016, la part du recyclage y restant relati-vement modeste (22 % de taux d’utilisation descraps en 2015, contre 48 % aux États-Unis). Elleexplique le rebond des cours, les mineurs et lesproducteurs de ferrochrome ayant plus de pouvoirde fixation des prix par rapport aux producteursd’acier inoxydable. Roskill estime que la produc-tion mondiale d’acier inoxydable devrait croître àun rythme annuel moyen de 4 % d’ici 2026, maiscette croissance pourrait être largement alimentéepar une croissance de la disponibilité des scraps etl’augmentation du taux de recyclage de l’acierinoxydable en Chine. Par contre, la demande enchromite n’augmenterait que de 1,6 % par an aucours de cette période. Le rebond des prix du ferro-chrome pourrait n’être, en conséquence, que tem-poraire. En 2015, le taux d’utilisation des capacitéssud-africaines de production de ferrochrome à

haute teneur de carbone n’était que de 79 %. Quantà la Chine, si sa production de ferrochrome a crûd’environ 600 000 tonnes entre 2012 et 2015, sacapacité de production a, elle, augmenté de 4 Mtpendant la même durée. Dans ce contexte, lesrestructurations ne sont probablement pas termi-nées, ni en Afrique du Sud, ni en Chine.

Bien que représentant une faible part desusages de ce métal, les produits chimiques à basede chrome ont des applications industriellesimportantes, en particulier dans les domaines de laconstruction aéronautique et navale, pour la passi-vation de l’aluminium (protection contre la corro-sion). Les produits utilisés étant à base de chromehexavalent (CrVI), ils sont inscrits dans l’annexeXIV du règlement européen REACH, établissantla liste des substances cancérogènes, mutagènes ettoxiques pour la reproduction.

Les réserves mondiales de chrome sont consi-dérables, atteignant 500 Mt selon l’USGS, soitenviron seize ans au rythme de production actuel.Les ressources connues sont estimées à environ12 milliards de tonnes. Le Kazakhstan détient48 % de ces réserves et l’Afrique du Sud 42 %.

Cobalt

Le cobalt est un métal à forts enjeux straté-giques, vu les perspectives du marché des véhi-cules électriques. (Il entre, en effet, dans la com-position des batteries Li-ion nécessaires à cesvéhicules. Il a pour particularité d’être essentielle-ment un sous-produit de la production du cuivre(en RDC et en Zambie, ces deux pays assurant64 % de la production minière mondiale) et dunickel avec, en Afrique, la mine d’Ambatovy àMadagascar.) Tous les événements impactant laproduction de cuivre ou de nickel dans ces payset, d’une manière générale, l’industrie du cuivreou du nickel ont un impact direct sur la productionde cobalt. Il est à noter que le Maroc est le seulproducteur de cobalt exploitant un gisement pourle cobalt. Il s’agit de la mine de Bou Azzer dansl’Anti-Atlas. Sa production est cependant minime(un peu plus de 1 % de la production mondiale).

Les usages du cobalt sont la production :• des cathodes de trois, parmi les cinq types

actuellement produits industriellement, de batte-

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ries Li-ion. L’usage du cobalt permet, en effet,d’obtenir la plus forte densité massique (entre 150et 260 Wh/kg) parmi les cinq catégories de batte-ries disponibles, un critère fondamental de choixpour le type de batterie embarqué dans les véhi-cules électriques, car il détermine à la fois le poidsde la batterie et son autonomie. Le cobalt entredans la composition des cathodes :

- lithium-oxyde de cobalt (LCO,LiCoO2, cathode contenant environ 60 % de Co,densité massique : 150-200 Wh/kg, la cathodecontient de l’ordre de 600 g de Co par kWh),

- lithium + oxydes de nickel-manganèseet cobalt (NMC, LiNiMnCoO2, contenant environ30 % de Co, densité massique : 150-220 Wh/kg,environ 300 g de Co par kWh),

- oxyde de lithium, nickel, cobalt et alu-minium (NCA, LiNiCoAlO2, cathode contenantenviron 9 % de Co, densité massique : 200-260 Wh/kg, environ 100 g Co par kWh).

Le besoin en cobalt lié à la production des bat-teries peut être estimé à environ 39 300 tonnes(soit 42 % de la production de cobalt raffiné en2015) sur la base des tonnages produits en 2016

des trois types de cathodes (source : AvicenneConsulting) utilisées pour leur production.Prenant pour hypothèse les technologies exis-tantes et les estimations de l’évolution du marchédes batteries d’ici 2025 envisagées par cet expert,il faudrait 91 920 tonnes de Co pour répondre auxbesoins des batteries lithium-ion, soit un tauxannuel moyen de croissance de 11 % de lademande en cobalt, ou l’équivalent de la produc-tion 2015 de cobalt raffiné. La réalisation de cescénario pourrait entraîner de sérieuses tensionssur le marché du cobalt, affecté par divers pro-blèmes résumés ci-après ;

• de divers alliages et applications métallur-giques. Le cobalt peut, en effet, entrer dans lacomposition non seulement de superalliages, uti-lisés notamment dans la partie chaude des turbinesd’avion et des turbines à gaz pour la productiond’électricité, mais également de placages pourprotéger certains alliages sensibles des effets de lacorrosion, des hautes températures ou de l’éro-sion. Il entre également dans la composition d’al-liages pour la production de prothèses des hancheset des genoux. Le cobalt est également un élément

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de choix pour la production d’aimants (aimantssamarium-cobalt). Il entre, par ailleurs, dans lacomposition des céments liant les éléments abra-sifs (carbure de tungstène, diamant…) des outilsutilisés pour la découpe de métaux ou de roches.Ce segment représente environ 33 % de laconsommation de cobalt ;

• de pigments et décolorants pour l’industriedu verre et de la céramique. Cet usage représenteenviron 6 % du marché ;

• de précurseurs de catalyseurs (5 %) ;• de dessiccatifs pour les peintures et d’agents

de promotion d’adhérence du caoutchouc pour laproduction des pneus (4 %) ;

• d’usages divers non spécifiés (10 %).La croissance annuelle des usages autres que

la production de cathodes pour les batteries aulithium est de l’ordre de 1 % (pour les pigments)à 4 % par an (pour les applications métallurgiqueset alliages).

En 2015, selon les estimations de l’USGS, laRDC a été le premier producteur mondial minierde cobalt, avec 51 % d’une production minièremondiale estimée à 124 000 tonnes (+ 0,8 % en unan). Par contre, la Chine a été le premier produc-teur mondial de cobalt raffiné, avec 47 % del’offre mondiale, estimée à 92 877 tonnes (+ 2 %par rapport à 2013) par Darton Commodities, unesociété anglaise spécialisée dans le suivi dumarché du cobalt. Par ailleurs, la part de la Chinedans la production minière n’est pas négligeable,

car ses sociétés possèdent plusieurs gisementssitués en RDC. En 2015, les importations chi-noises de cobalt essentiellement sous forme deproduits intermédiaires (concentrés, hydroxyde decobalt) ont représenté plus de la productionminière mondiale de ce métal, ce qui démontrel’existence de stocks. En 2016, la productionminière mondiale a été estimée à 123 000 tonnespar l’USGS (en baisse de 5 321 t, soit - 7,7 % parrapport à 2015).

En 2016, le prix annuel moyen du cobalt abaissé par rapport à 2015 (- 7,5 %), avec unemoyenne annuelle légèrement supérieure à$ 12,04/lb, contre $ 13,01 en 2014. Cependant,des signes de reprise sont apparus vers la fin del’année, sous l’effet d’anticipations positives de lacroissance de la demande en batteries Li-ion pourl’électromobilité et d’inquiétudes relatives à laproduction de cobalt vu la situation politique enRDC. Cette tendance devrait se poursuivre en2017, et si l’on pouvait penser, en milieu d’année,que le marché resterait loin des $ 50,45 observésen mars 2006, le London Metal Exchange (LME)semblait vouloir apporter quelques démentis àcette vision. Bien qu’il ne soit pas nécessairementreprésentatif des fondamentaux du marché enraison notamment de sa faible liquidité, le contratspot sur le cobalt a, en effet, vu son prix s’envolerdébut d’année 2017 : il valait $ 32,7/kg endécembre 2016 et… plus de $ 55,5/kg début avril2017. Il faut dire que la forte demande provenantde l’industrie des batteries Li-ion a attiré l’atten-tion de sociétés d’investissement qui ont déve-loppé leurs activités en relation avec ce métal,dont la société suisse Pala Investments. Cobalt etlithium pourraient être les deux métaux raresvedettes de 2017.

Du côté de l’offre du continent africain, lesdifficultés de la RDC ont, en 2016, entraîné unechute de 7,7 % de la production de cobalt du pays,soit 5 321 tonnes de Co qui manquent, alors que lademande explose. Les perspectives pour 2017 nesont guère meilleures, la mine de Katanga Mining(groupe Glencore) demeurant à l’arrêt jusqu’en2018. L’évolution de la situation politique laissecraindre une recrudescence des violences dansl’est du pays qui pourrait affecter la production decuivre et de cobalt. De son côté, Freeport

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McMoran a vendu, en 2016, sa mine de Tenke-Fungureme à China Molybdenum. Les entrepriseschinoises contrôlent dorénavant près de 50 % dela production de cobalt de la RDC. Le déficit encobalt pourrait, d’autre part, s’aggraver en cas defermeture de mines et/ou d’usines en Nouvelle-Calédonie, si les cours du nickel – dont le cobaltest un sous-produit – entraînent des arrêts ou desfermetures de mines.

Manganèse

Selon Roskill, 91 % du manganèse produit àl’échelle mondiale est consommé par la sidérurgie,où il joue un rôle essentiel pour la désulfurisationet la désoxydation de l’acier, conférant également àl’acier des propriétés de résistance à l’oxydation età l’abrasion. Le marché du manganèse, aux effetsde stock de minerai près, est très lié à l’évolutionde la production primaire d’acier, laquelle est, àson tour, corrélée à l’évolution économique de laChine, premier producteur mondial d’acier.

Les autres usages du manganèse sont la pro-duction de piles (3 % de la consommation mon-diale), d’adjuvant de l’aluminium (0,8 % à 1,5 %de manganèse) pour en augmenter la résistance àla corrosion.

Début 2016, le marché du manganèse était tou-jours en crise, suite à la chute des cours qui duredepuis mars 2011 (le prix spot des copeaux demanganèse, l’un des contrats documentant le prixdu manganèse, ayant chuté de 51 %, à $ 1684/tcontre $ 3467/t en 2011). En réaction, plusieursopérateurs miniers ont fermé, ou temporairementarrêté leurs productions. Les exploitations deWoodie et Bootu Creek (Australie), Otjozundu(Namibie) et Chiatura Manganese (Géorgie) ontété mises en sommeil, et l’exploitation de Moanda(Gabon) a été arrêtée pendant un mois pour éviterde creuser les pertes de leurs exploitants.L’exploitation de Tambao (Burkina Faso), d’unecapacité de production de 3 Mt par an, est égale-ment arrêtée, en attente d’un règlement du litigeopposant Pan African Minerals à l’État burkinabé.

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Ce tassement de l’offre est intervenu à unmoment où la sidérurgie chinoise retrouvait unpeu de croissance. La Chine, ne disposant pas degisements de manganèse de bonne qualité, estcondamnée à importer des minerais de manga-nèse, notamment à partir d’Afrique du Sud. Sesentreprises disposent de stocks tampon deminerai dans les ports chinois. La reprise de lasidérurgie chinoise en 2016 a commencé par senourrir des stocks de minerai de manganèse dontle niveau était estimé à 2 Mt fin 2015. Fin mars,les stocks de minerai avaient fondu, se réduisantà 0,8 Mt ou 0,9 Mt, alors qu’en même tempsl’offre minière se trouvait réduite suite aux fer-metures mentionnées. Cette situation a profitéaux sociétés minières et aux producteurs de fer-romanganèse qui ont pu remonter leurs prix. Uneenvolée spectaculaire des prix du manganèse etde ses produits dérivés (ferromanganèse, silico-manganèse) a eu lieu entre juin et décembre, leprix spot en référence « coût, assurance fret »(CAF) Chine pour du minerai à 44 % de teneuren manganèse étant multiplié par trois entre juinet décembre 2016. En décembre 2016, les prix duferromanganèse et du silicomanganèse ontdépassé leurs niveaux de 2011. Mais il paraît trèsincertain que les prix du manganèse puissent semaintenir à ces niveaux : maintenant que la

Chine a restauré au prix fort ses stocks deminerai, les prix pourraient baisser en 2017.

Cette situation très volatile a entraîné unebaisse marquée (- 8,5 %) de la production annuellede minerai de manganèse. Selon les estimations del’USGS, elle a été de 16 Mt de Mn contenu en2016, contre 17,5 Mt en 2015, cette baisse affec-tant particulièrement l’Afrique du Sud.

En 2016, les réserves de manganèse publiéespar l’USGS sont de 690 Mt de Mn contenu dansles minerais, soit 43 ans de production au rythmeactuel. Le manganèse utilisé pour la productiond’acier n’est pas recyclable.

Tantale

Le principal débouché du tantale est la produc-tion de condensateurs utilisés dans les nom-breuses applications électroniques dont ils ontpermis la miniaturisation (environ 49 % de la pro-duction 2016), chaque condensateur au tantalecomportant un fil en tantale et une poudre au tan-tale dans l’anode. Selon Technavio, un analystespécialisé, ce segment pourrait croître, enmoyenne, de 1,25 % par an d’ici 2021. Le tantaleest aussi utilisé pour la production de :

• superalliages : 85 % de la production desuperalliages est utilisée pour la production des

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aubes de turbine des parties chaudes des réacteursd’avion ou des turbines à gaz. Ce segment a repré-senté 19 % de la consommation de tantale en2016, avec une croissance moyenne estimée d’icià 2021 de 4,9 % par an ;

• carbures extrêmement durs, pour la produc-tion d’outils de découpe et le revêtement demoules en acier utilisés pour le moulage souspression de l’aluminium. Ce segment a représenté10 % de la demande en 2016 avec une croissancemoyenne estimée d’ici à 2021 de 4,5 % par an.

On le trouve également dans les verres delunette (sous forme d’oxyde), qu’il permet d’al-léger ou dans des éléments de prothèses de hancheou du genou.

Le tantale ne peut pas être substitué dans lesmicrocondensateurs sans une forte perte de per-formances.

Les superalliages peuvent être recyclés par desentreprises spécialisées. Il existe aussi du recy-clage de tantale à partir des nouveaux déchets(« new scrap ») produits durant la manufacture deproduits électroniques et de matériaux utilisant letantale.

Les cours du tantale ont poursuivi la baisseobservée en 2015, avec une moyenne annuelle2016 à $ 59,85/lb, soit une baisse de 19,4 % parrapport à la valeur 2015 ($ 73,91/lb).

Sur la base des données de l’USGS, la produc-tion estimée pour 2016 (1 100 tonnes) serait stablepar rapport à 2015. La principale région produc-trice demeure la zone des Grands Lacs africains(RDC : 41 % de la production mondiale ;Rwanda : 27 %) avec l’exploitation du minerai detantale, le « coltan » (colombo-tantalite), sourced’environ 80 % du tantale primaire produit, lereste étant un sous-produit de minerais d’étain.Considéré comme un minerai « de la guerre »pouvant contribuer à des catastrophes humani-taires et humaines, le tantale a entraîné la mise enœuvre d’initiatives fortes : mise en place de la cer-tification des chaînes d’approvisionnement entantale, au travers de la loi Dodd-Frank aux États-Unis notamment, récemment remise en cause parla nouvelle administration américaine. En 2015, leCanada, la Chine et l’Union européenne ont éga-lement entrepris de développer des dispositionslégislatives complémentaires. Selon un rapport de

l’USGS publié en 2015, il ne peut cependant êtreexclu qu’une partie de la production du Rwanda,estampillée « libre de conflits », provienne en faitde la contrebande de coltan exploité dans leszones ravagées par les conflits dans le nord-est dela RDC.

En réponse à cette situation, des acteurs indus-triels utilisateurs des matières premières miné-rales concernés par la loi Dodd-Franck (or, étain,tantale et tungstène), c’est-à-dire environ troiscents industriels parmi lesquels les plus impor-tants producteurs de semi-conducteurs, d’équipe-ments électroniques de télécommunications, parti-cipent à l’Initiative pour l’ApprovisionnementSans Conflit (Conflict-free Sourcing Initiative –CFSI), qui regroupe environ 350 entreprises etassociations. L’initiative a développé un pro-cessus de certification des mines et des fonderiesde tantale : aujourd’hui, quarante-cinq fonderiesbénéficient de cette certification qui vise àgarantir que le tantale produit ne provient pas deszones de conflit. 95 % de la production mondialede tantale proviendrait de fonderies certifiées.

La répartition de la production mondiale detantale entre mines conventionnelles et mine arti-sanale (Afrique centrale) penche en faveur decette dernière à cause des coûts de production net-tement plus bas que dans les exploitations de peg-matites en Australie, source industrielle historiquede tantale. Cependant la demande actuelle enlithium pourrait avoir pour conséquence une aug-mentation sensible de la production de tantale pardes mines de type industriel, le tantale étant unsous-produit associé au lithium dans plusieursprojets miniers pour lithium en cours de dévelop-pement, notamment en Australie, au Brésil et auCanada.

Vanadium

La principale utilisation du vanadium (V) estdans la production d’aciers microalliés à hautelimite d’élasticité (aciers HLE à moins de 0,15 %de teneur en V). En effet, l’ajout d’environ 0,1 %de V à l’acier permet de doubler sa résistance. Lesapplications dans l’acier au sens large représen-tent environ 91 % de la consommation mondialede vanadium, dont environ 46 % pour les aciers

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HLE. Le développement de ces aciers a bénéficiénotamment de la mise en œuvre de normes deconstruction plus strictes en Chine.

Dans les applications hors industrie sidérur-gique, on trouve la fabrication d’alliages de titaneet d’aluminium (4,5 %), la chimie (3,5 %) avec lafabrication d’acide sulfurique, d’anhydridemaléique et de caoutchouc synthétique, et enfinles batteries (1 %). Le recyclage représenteenviron 10 % de la consommation, par récupéra-tion du vanadium contenu dans les aciers rapides,les superalliages et les catalyseurs usés.

Avec le développement des énergies décarbo-nées, le secteur du stockage de l’énergie pourraittirer la demande future en vanadium. Les batteriesà flux redox, qui utilisent un électrolyte à base devanadium et fonctionnent par oxydoréduction,présentent des caractéristiques prometteuses pourle stockage et la restitution de l’énergie. Elles uti-lisent environ 7 kg de pentoxyde de vanadium parkWh et mettent à profit les quatre différentsdegrés d’oxydation du vanadium (+V, +IV, +III,+II). Le vanadium est également utilisé dans cer-taines batteries au lithium.

Le vanadium est principalement un coproduitde la production d’acier et issu de l’exploitationde roches phosphatées, de magnétite titanifère ouencore de grès uranifères, où il représente généra-lement moins de 2 % du minerai. Il a une forte

affinité avec le carbone, ce qui explique saconcentration dans certains gisements pétroliersou dans des schistes noirs, riches en matière orga-nique.

En 2016, la première estimation de la produc-tion mondiale de vanadium par l’USGS était de76 000 tonnes, en légère baisse par rapport à cellede 2015 (77 800 tonnes). La production mondialede vanadium émane de trois sources : la produc-tion primaire, la coproduction et la productionsecondaire. La coproduction à partir de laitiersd’aciérie constitue 65 % de la production mon-diale. Celle à partir de sources primaires, dont lateneur en oxyde de vanadium est supérieure à1 %-1,5 %, représente 25 % de la production,tandis que les 10 % restants sont issus du traite-ment de cendres volantes, de résidus pétroliers, descories de fonte et de catalyseurs usagés, riches envanadium. Les principaux pays producteurs sont,dans l’ordre décroissant, la Chine, l’Afrique duSud et la Russie, ces trois pays représentant 96 %de la production mondiale. La Chine est le pre-mier producteur mondial de vanadium avec 53 %de la production. Mais la première société produc-trice est le russe Evraz, qui produit l’oxyde devanadium et du ferrovanadium en Russie, enAfrique du Sud, en République tchèque et auxÉtats-Unis. En 2016, suite à la baisse des cours duminerai de fer en 2014 et 2015, Evraz a fermé sa

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mine de fer et de vanadium de Mapochs enAfrique du Sud et l’usine associée de productionde vanadium, ce qui a amputé la production mon-diale de vanadium d’environ 10 %. En avril 2017,l’acquisition de cet actif par Bushveld Minerals aété achevée, laissant espérer une reprise rapide dela production. On assiste actuellement à un décou-plage progressif entre la production de vanadiumet celle de minerai de fer, avec un nombre crois-sant d’exploitations ciblées exclusivement sur levanadium, notamment au Brésil, en Afrique duSud ou en Australie. Compte tenu des réservesidentifiées, l’Australie, le Pérou, les États-Unis etMadagascar ont chacun le potentiel pour devenirdes producteurs importants de vanadium dansl’avenir.

Les liens directs entre les productions de vana-dium et d’acier entraînent une forte corrélationentre les prix de ces métaux. La courbe de prix duvanadium a subi un rebond en 2016, analogue àcelui observé pour l’acier. En décembre 2016, leprix spot moyen du pentoxyde de vanadium(V2O5) sur le marché européen (4,94 $/lb) apresque été le double du prix observé l’année pré-cédente à la même période (2,50 $/lb), date àlaquelle le prix spot a atteint son niveau plancher.

En moyenne annuelle, le prix spot de 2016(3,71 $/lb) est resté quasiment inchangé par rap-port au prix moyen de 2015 (3,76 $/lb).

Zirconium et hafnium

Ces deux éléments sont intimement liés, cartous deux sont associés au même minerai, à savoirle silicate de zirconium (ou zircon ; ZrSiO4) quiest le principal minerai d’intérêt économique. Lezirconium se trouve également sous formed’oxyde (le zircone : ZrO2) à l’état naturel, avecune seule exploitation industrielle dans le mondesituée à Kovdorskiy dans la péninsule de Kola enRussie. En raison de sa forte densité (entre 3,9 et4,8 g/cm3), le zircon se concentre dans des sablesde types placers, souvent associé à d’autres miné-raux lourds, comme le rutile et l’ilménite (mine-rais de titane), la magnétite (minerai de fer) ou lamonazite (minerai de terres rares). Ces placerscorrespondent à d’anciens dépôts fluviatiles etpeuvent avoir été remobilisés par le vent pourformer parfois d’épaisses dunes, comme dans laprovince de KwaZulu-Natal (KZN) en Afrique duSud. Les sables riches en Zr sont purifiés par desconcentrateurs à spirale afin de séparer les élé-

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ments légers, tandis que des séparateurs magné-tiques permettent d’extraire l’ilménite et le rutile.

L’hafnium est associé au zirconium dans sesminerais dans une proportion d’une part de Hfpour cinquante parts de Zr. En général, l’hafniumn’est séparé du zirconium que dans l’industrienucléaire (voir ci-après) à l’aide de procédésmétallurgiques complexes : il est obtenu parréduction du tétrachlorure d’hafnium résultant dela purification du tétrachlorure de zirconium, soitpar électrolyse, soit par chauffage sous vide àl’aide de magnésium liquide (procédé Kroll).

Les principaux usages du zircon sont :• les céramiques (environ 47 % de la consom-

mation en 2015). Sous forme finement broyé, lezircon sert à la fabrication de carreaux et de pro-duits sanitaires et également d’opacifiant pour lafabrication d’émaux ;

• le secteur de la chimie utilise également lezircon pour diverses applications (déodorants,tannage du cuir, production de pigments pour lapeinture en association avec l’oxyde de titane).L’entreprise française ZirPro (groupe Saint-Gobain) est un acteur majeur de ce secteur quiconnaît actuellement la plus forte croissance, avecun taux de croissance annuel moyen de plus de10 % sur la période allant de 1995 à 2013. Ce sec-teur représente désormais 21 % de la consomma-tion annuelle ;

• les sables de fonderie (12 %) ;• les matériaux réfractaires utilisés en métal-

lurgie (17 %). En fonderie et en métallurgie, lezircon offre une très bonne stabilité thermique etune grande résistance à la corrosion et n’est pasdissous dans les métaux en fusion ;

• l’industrie nucléaire (environ 3 % à 4 %) oùle zircon est transformé en alliage de zirconium(Zircalloy) utilisé, en raison de sa transparenceaux neutrons et de ses propriétés de bonne tenueen température et de résistance à la corrosion,pour la production des gaines recevant l’uraniumenrichi dans les réacteurs des centrales nucléaires.Pour cela, le zirconium doit être purifié en ledébarrassant de l’hafnium (un écran à neutrons)naturellement associé dans le minerai. En France,la division zirconium d’Areva intègre toutes lesétapes de la métallurgie du zirconium, du mineraide zircon jusqu’à la réalisation de composants en

alliage de zirconium. Le zirconium est le matériaude référence des assemblages combustiblesnucléaires pour les réacteurs à eau pressurisée etles réacteurs à eau bouillante.

La principale utilisation de l’hafnium est dansles superalliages (environ 50 % de l’utilisation)pour l’aéronautique (parties rotatives et aubes) etles turbines à gaz. Viennent ensuite les applica-tions dans les torches à plasma (20 %), les revête-ments optiques (12 %), etc. L’utilisation de l’haf-nium pour la production de barres de contrôle(écrans à neutrons) dans les réacteurs nucléairesne représente, quant à elle, que 2 % à 3 %.

D’après l’USGS, la production de zirconiumdans le monde a été de 1,46 Mt en 2016, en légerretrait (- 4 %) par rapport à la production 2015(1,52 Mt). Plus du tiers des concentrés de zirconproduits dans le monde proviennent d’Australie(550 000 tonnes en 2016) suivie par l’Afrique du Sud (400 000 tonnes) et par la Chine(140 000 tonnes). La consommation de zircon aatteint son niveau le plus bas en 2014, à environ1 Mt, soit une baisse de près de 30 % par rapportau pic de 2011. Cette baisse est liée notamment àla substitution du Zr dans certains marchés clefcomme les marchés traditionnels de la céramiqueet la fonderie, pour des raisons principalement decoûts. De récents contrats d’off-take entre des pro-ducteurs et des acteurs importants de l’industriedes céramiques (comme celui conclu en 2016entre Alkane Resources et Minchem Ltd.) suggè-rent que le marché du Zr dans les applicationscéramiques pourrait repartir à la hausse.

La production de l’hafnium est de l’ordre de70 à 80 tonnes par an (chiffre difficile à vérifier),avec deux principaux producteurs : la France etles États-Unis. La production de l’hafnium étantentièrement tributaire de l’industrie nucléaire,c’est la société Areva qui, en France, produit cemétal.

En 2016, le prix spot moyen annuel duconcentré standard de zircon (titrant au minimum65,5 % de ZrO2), FAB en vrac, Australie, a été deA $ 981,25/t, en baisse de 4,2 % par rapport à lamoyenne de 2015 (A $ 1 024,48/t). La courbe duprix spot moyen montre un net pic initié en 2011et se poursuivant en 2012 pour atteindre A$ 2 500/t. Il a été suivi par une baisse brutale en

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2013 et par une stabilisation à partir de 2015. Cepic est au moins en partie lié à une faiblesse del’offre par rapport à la demande, les utilisateursaval ayant récupéré plus rapidement que prévu deseffets de la crise financière de 2007-2010. Denombreux consommateurs de zircon, notammentles marchés traditionnels de la céramique, n’ayantpas été en mesure d’absorber les surcoûts, lademande a chuté entraînant alors une baisse bru-tale des prix en 2013, pour atteindre progressive-ment A $ 1 100/t fin 2014. Depuis début 2015, lesprix sont relativement stables autour deA $ 1 000/t.

Le prix de l’hafnium a connu, quant à lui, uneforte hausse : il est passé d’environ $ 561/kg en2014 à $ 607/kg en 2015 et à $ 600/kg en 2017. Lademande en hafnium est essentiellement tirée parl’industrie aéronautique, qui a besoin de l’haf-

nium pour les superalliages utilisés dans les réac-teurs d’avion. À elle seule, la société Boeingcompte d’ici 2033 sur un besoin de plus de36 000 nouveaux appareils de transport de passa-gers et de fret, ce qui laisse présager des perspec-tives à la hausse sur le prix de l’hafnium. Des ten-sions sur le marché pourraient se produire en casde demande accrue venant de l’industrie aéronau-tique et d’absence de développement de l’indus-trie nucléaire, la production de l’hafnium ne pro-gressant pas.

Tous les usages du zircon et de l’hafnium étantde type dispersif, il n’existe pas de recyclage deces métaux. Les utilisations du métal dans les par-ties les plus radioactives des réacteurs nucléairesinterdisent toute récupération en voie d’une éven-tuelle réutilisation.

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Métaux précieux et diamants

Riche en ressources minérales de toute sorte, le continent africain occupe uneplace centrale sur les marchés des métaux précieux et des diamants. L’Afrique duSud est, en effet, le premier producteur mondial de platinoïdes (platine, mais éga-lement palladium et rhodium) tandis que la République démocratique du Congoet le Botswana sont des acteurs incontournables des marchés du diamant industrielet de joaillerie. Cette réalité ne se vérifie cependant pas pour l’or et encore moinspour l’argent, ce dernier étant très peu présent dans les sous-sols africains à l’ex-ception de celui du Maroc. Cette forte dotation en platinoïdes et diamants exposenaturellement les pays africains à la variation de leurs cours et force est de consta-ter que l’année 2016 n’a pas été, de ce point de vue, très flamboyante : si le rho-dium et le palladium ont vu leur prix croître respectivement de 16 % et 20 % surl’année, celui du platine est resté désespérément stable, finissant 2016 à quelquesdollars au-dessus des niveaux de janvier 2016. L’or a, pour sa part, progressé deprès de 8 % sur l’année.

L’Afrique en position dominante sur le platine et le diamant

Si la notion de métal précieux s’est, semble-t-il, élargie au cours des dernières décennies pour yinclure les métaux « rares », force est de recon-naître que les métaux qui font office de réserve devaleur, à savoir l’or, l’argent et le platine, en sontles principaux représentants. Hégémonique sur les

platinoïdes et quasi absent sur l’argent, le posi-tionnement africain sur le segment de ces métauxsi particuliers est, pour le moins, disparate. Ainsi,sur les 3 158 tonnes d’or officiellement produitessur les cinq continents en 2015, 15 % au moinsproviennent d’Afrique et notamment d’Afrique duSud, du Mali, du Ghana et de Tanzanie. Bien quesignificative si on la compare à celles des autresproductions mondiales (Chine, Australie, Russie

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et États-Unis), cette part a cependant décru : ellereprésentait près de 30 % de l’offre mondialevingt ans plus tôt avec une production nettementdominée par l’Afrique du Sud. Un nouvel entrantpourrait néanmoins rejoindre à terme ce groupedes grands producteurs africains d’or : laRépublique démocratique du Congo (RDC) oùdeux acteurs de poids ont lourdement investi dansles filons de l’Est. Le platine, quant à lui, est net-tement africain et le demeurera très vraisembla-blement sur l’ensemble de son histoire. En 2016,l’Afrique du Sud a, en effet, produit 4,2 millionsd’onces de platine, soit plus de 70 % de l’offrebrute sur le marché mondial et 53 % de l’offretotale (stocks et recyclage inclus). La part sud-africaine était de 95 % en 1995 pour une consom-mation ayant augmenté de 66 % sur la période.

L’argent, dont l’utilisation compte le champ leplus large d’applications parmi les métaux nonferreux, ne provient, en revanche, que de manièremarginale d’Afrique, essentiellement du Maroc(1,5 % de la production mondiale). La productionde ce pays s’est avérée stable au cours des annéesdans un marché global qui a progressé de 95 %sur la période 1995-2015. Par ailleurs, si l’or et leplatine proviennent de mines clairement identi-fiées, l’argent est, pour sa part, essentiellement un

coproduit des autres métaux non ferreux (or,cuivre, zinc…). Le potentiel minier en découlantest relativement inconnu, notamment à l’échellede l’Afrique où de nouveaux gisements de métauxprincipaux ont encore été découverts à l’orée desannées deux-mille-dix.

La question diamantaire africaine est d’unedimension encore supérieure à ce qu’elle est pourles métaux précieux. La Russie s’affirme certes

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comme le premier producteur au monde de dia-mants de joaillerie avec 21,5 millions de caratsproduits en 2016 selon les données de l’United

States Geological Survey (USGS), mais leBotswana, l’Afrique du Sud, la Namibie, la RDC,le Zimbabwe et l’Angola pèsent également lour-dement sur le marché. Ces six pays représentent, àeux seuls, plus de 44 % de la valeur de la produc-tion mondiale de diamants de joaillerie en 2016,soit 31,1 millions de carats sortis de leurs sous-sols. En y ajoutant les diamants industriels, l’offrede ces pays s’est élevée à 54 millions de carats en2016, soit environ 42 % de l’offre mondiale. À ladifférence de beaucoup de zones de production demétaux précieux et de diamants, l’Afrique, dansson ensemble, exploite le potentiel de son sous-solen partenariat avec des acteurs privés au premierrang desquels Anglo American. La multinationaleest, en effet, le principal producteur de platine etde diamants (en valeur) au travers de sa filiale DeBeers. Pour ce qui est de la transformation et de lacommercialisation, le continent disparaît cepen-dant souvent du panel des acteurs mondiaux. Lesmétaux partent généralement vers les paysconsommateurs où ils y sont transformés tandisque les diamants prennent le chemin d’Anvers oude Surat pour y être taillés et polis. Cette partie enaval de la chaîne de valeur échappe donc, en large

partie, aux revenus africains. Cette tendance acependant évolué ces dernières années avec l’ins-tallation des comptoirs de polissage et de vente deDe Beers à Gaborone, au Botswana, ce qui alimité provisoirement les ventes du diamantaire àLondres. Dans ce panorama de l’offre mondialede diamants, il importe enfin de remarquer que sila production africaine de diamants a prospérémajoritairement durant les deux siècles précé-dents, l’époque actuelle a néanmoins vu le déve-loppement accéléré de la concurrence de l’hémi-sphère nord. De Beers y a ainsi diversifié sesinvestissements en 2015, notamment au Canadavia la très prometteuse mine de Gahcho Kué, dansles territoires du Nord-Ouest. De nouvelles minesont cependant été ouvertes en Afrique sur l’année2016, notamment au Lesotho : Liqhobong,Mothae, Kolo et Lemphane.

Des prix des métaux précieux et des diamants évoluant en ordre dispersé

L’or a probablement vécu une année 2016 bienparticulière. Après une baisse continue depuisaoût 2012 où elle valait environ $ 1 660 au fixing

de Londres, l’once a atteint un plus bas niveau aumilieu du mois de décembre 2015. Les premiers

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mois de 2016 lui ont alors permis de progressertrès fortement : de $ 1 072 le 4 janvier à $ 1 344début juillet, soit une hausse de plus de 25 % surun semestre seulement. L’or n’était certes pas leseul métal à connaître une telle fortune, mais cetteperformance n’en était pas moins remarquable.Les mois qui ont suivi ont pourtant largementaltéré ce constat favorable : à partir d’août, l’oncea de nouveau plongé. Cette baisse s’est d’ailleursaccélérée entre novembre 2016 et mi-décembre :de $ 1 293 le 3 novembre, l’once est passée à$ 1 134 le 16 décembre pour finir l’année à$ 1 159, soit une progression d’un peu plus de 8 %sur 2016.

Plusieurs facteurs se sont conjugués pourexpliquer cette dynamique en deux temps. Sur lespremiers mois, la demande considérable adresséeaux Exchange traded products, fonds indicielscotés, explique a posteriori la trajectoire haussière

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des prix de l’or. Il faut bien dire que l’incertitudeétait présente tant sur le plan politique que géopo-litique et, avec elle, le besoin d’investir dans unactif « sûr » et… bon marché. L’issue du réfé-rendum britannique sur le Brexit allait donnerraison à cette stratégie. Au lendemain du vote, soitle 24 juin 2016, les cours de l’or ont ainsi flambéde 8 % à l’ouverture des marchés, du jamais-vu

depuis juillet 2014. Le 6 juillet, l’once a atteintson plus haut niveau de l’année à $ 1 370 au fixing

de Londres. En reprenant, les semaines suivantes,cette rationalité qui semblait lui manquer, lemarché s’est alors engagé sur un chemin forte-ment baissier en portant de nouveau son regardsur les fondamentaux. Après des années d’unepolitique monétaire particulièrement accommo-dante, les perspectives d’un relèvement des tauxd’intérêt directeurs de la Réserve fédérale améri-caine (Fed) ont alors créé les conditions d’unenouvelle appréciation du dollar américain. Ceci amécaniquement renchéri le coût d’acquisition del’or pour les acheteurs non américains et, ainsi,pesé sur la demande et les prix. La hausse descours observée sur le premier semestre a, dans lemême temps, modéré l’appétit des grands ache-teurs historiques d’or que sont la Chine et l’Inde.Dans ce dernier pays, le plan de monétisation del’or mis en œuvre en 2016 et le retrait des billetsde 500 et 1 000 roupies ont contribué à une chutede la demande d’or de près de 30 %. L’électionsurprise de Donald Trump à la présidence desÉtats-Unis aurait pu faire remonter significative-ment les cours de l’once et du lingot en raison desincertitudes politiques lourdes que celle-ci a faitplaner. Ce qui a été le cas… dans l’heure qui a

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suivi la confirmation des résultats électoraux.Dans l’heure seulement, car, contrairement à ceque la plupart des analystes anticipaient, le prix del’or n’a, en définitive, pas infléchi sa dynamiquebaissière durant les jours qui ont suivi l’élection.Seuls les derniers jours de décembre 2016 ont, eneffet, vu les cours de l’once se redresser légère-ment.

Le platine a, à la différence de l’or ou du dia-mant, vocation à satisfaire trois types bien dis-tincts de demandes : l’investissement (6 % de lademande en 2016), la bijouterie (31 %) et unedemande industrielle provenant en large partie dusecteur automobile (41 %), mais également dusecteur pétrolier pour la catalyse lors du raffinage(3 %), de l’industrie chimique (7 %), celle duverre (2 %), de l’électronique (2 %), etc. Il permeten particulier de limiter les conséquences environ-nementales de la combustion des hydrocarbures,d’optimiser le mélange oxygène-hydrogène dansles nouvelles voitures de Toyota. Selon les don-nées du World Platinum Investment Council, lademande totale de platine a très légèrement reculéen 2016 pour se porter à 8,235 millions d’oncescontre 8,24 millions d’onces en 2015. Lademande provenant de l’industrie automobiles’est portée à 3,405 millions d’onces, en raison dela bonne performance de ce secteur en Europenotamment. Même constat pour celles provenantdes autres secteurs industriels et celui du pétroleen particulier. La demande pour la bijouterie s’est,à l’inverse, inscrite en net repli à 2,565 millionsd’onces en 2016, contre 2,88 millions en 2015,soit une baisse de près de 11 %. À l’origine de cetaffaissement : encore la demande chinoise etindienne et, semble-t-il, un transfert de demandeen faveur d’un or devenu moins cher et donc plusaccessible. En tant que réserve de valeur, le pla-tine a profité non seulement d’un accroissementde la demande pour les pièces et les lingots, maisaussi d’une moindre désaffection de la part desExchange traded funds. Du côté de l’offre enfin,celle-ci a très légèrement progressé sur l’année2016 à 7 965 millions d’onces, contre 7 905 mil-lions en 2015, soit une hausse de 0,7 %. L’offreprovenant du recyclage s’est certes accrue entre2015 et 2016, tandis que des opérations de dés-tockage ont permis de satisfaire la demande, mais

l’offre minière s’est repliée à 6,03 millionsd’onces contre 6 150 en 2015, soit une baisse d’unpeu moins de 2 %. Un recul de l’offre minièreplus important que celui presque imperceptible dela demande totale : il n’en fallait pas plus pourque, dans un contexte déprimé comme celui dudébut de l’année 2016, les prix du platine repren-nent un peu de couleurs. Du côté africain, l’offrede métal raffiné provenant d’Afrique du Sud s’estétablie à 4,240 millions d’onces en 2016, en replide 5 % par rapport à 2015. Elle a, en revanche, vula production du Zimbabwe progresser nettement,s’établissant à 480 000 onces en 2016, contre405 000 onces l’année précédente, soit une haussede plus de 18 %.

Concernant le diamant de joaillerie, les chif-fres publiés par De Beers en 2017 à propos de laproduction 2016 ont fait état d’un carat moyen à$ 177 contre $ 206 l’année précédente. Ceuxd’Alrosa ont, pour leur part, fait apparaître unevaleur moyenne de la pierre brute pour 2016 de$ 151,21 contre $ 169,5 en 2015. L’indice des prixhebdomadaire de la pierre brute proposé par PaulZinmisky laisse cependant apparaître un netrebond sur le premier semestre de l’année 2016(+ 17,8 %). À l’origine de ces dynamiques decours contrastées, une demande qui a repris unpeu de vigueur aux États-Unis, notamment en find’année. En Chine, deuxième marché au mondepour la vente de diamants, la politique anticorrup-tion a pesé sur la demande de produits de luxe.L’année 2017, celle du coq dans l’astrologie chi-noise, semble cependant offrir quelques premierssignes de stabilisation. En Inde, troisièmeconsommateur mondial de pierres précieuses, ladécision du Premier ministre Modi de « démoné-tiser » l’économie afin de lutter contre l’évasionfiscale a déprimé les achats de pierres, mais, àl’instar de la Chine, 2017 semble donner desgages en faveur d’une reprise de la demandelocale.

Les enjeux macroéconomiques de la volatilité des prix

Depuis la chute des cours entamée en 2014,rappeler le coût macroéconomique, pour les paysexportateurs, de l’instabilité du prix des matières

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220 / Minerais et métaux Métaux précieux et diamants / 220

premières résonne comme une évidence. Cetteréalité est vraie pour les pays africains produc-teurs de pétrole tel le Nigéria, mais égalementpour ceux exposés aux ressources minéralessolides, dont le diamant. Ce marché à part estimpacté par le dollar, mais probablement encoreplus par la confiance des consommateurs enl’avenir et à l’effet « coup de cœur » des pas-sionnés de part et d’autre du Pacifique. Ceci n’estpas sans créer une grande instabilité des prix. À cetitre, il semble important de remarquer que les

budgets des pays d’Afrique australe (où se trouvel’essentiel des réserves et des gisements en pro-duction) ont bien souvent été orientés sur un prixmoyen attendu de la ressource supérieur à celuiqui s’est réalisé ou, pour le moins, sur un prix dontla variabilité a été largement sous-estimée. Dansle secteur du diamant, le Botswana partage certesle podium des producteurs mondiaux, en caratscomme en valeur, avec l’hémisphère nord (Russieet Canada) et se place nettement en avant de sesproches voisins sud-africain, namibien, congolaisou angolais. Il en paye néanmoins le prix lorsqueles cours chutent. Probablement le deuxième paysafricain le plus dépendant de ses ressourcesminières en métaux précieux ou diamants, leBotswana a, en effet, vécu une évolution macroé-conomique très fortement liée à celle du cours desmatières précieuses et du dollar. Ainsi, sur ladécennie, 11,4 % de PIB par habitant ont disparuavec cette baisse des prix et près de 15 % entre2011, année du pic, et 2015.

Les exemples attestant de la dépendancemacroéconomique des pays africains aux coursdes ressources minérales solides sont, en réalité,légion. Si « l’État continent » congolais est peuimpacté par la vie du platine ou celle du diamantdepuis que l’industrie achète de la synthèse àmoindre coût, la région de l’Est dépend ainsibeaucoup de l’extraction aurifère. Un grand

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nombre de mines restent encore artisanales, maisforce est de reconnaître que des acteurs de réfé-rence comme Randgold ou Banro ont généré untotal d’environ 800 000 onces en 2016 – soit plusd’un milliard de dollars de revenus. L’or estcependant l’un des produits dont les pays produc-teurs maîtrisent le moins l’évolution des cours. Iln’est, en effet, pas indispensable à l’industrie et nerevêt que la qualité de valeur joaillière ou d’ins-trument de réserve. Son prix demeure donc essen-tiellement lié au niveau de sa demande plus quecelle de son offre et, de manière nettement plussubjective, au baromètre de l’inquiétude sur lesmarchés mondiaux. Les pays africains n’ont, parailleurs, qu’un gain marginal sur l’exploitation decette ressource. Dans un tel contexte, attirer lesinvestissements internationaux, occidentaux, maisaussi chinois est essentiel.

Parmi les nombreux critères déterminants à cetégard, celui du coût de production resteaujourd’hui le point d’orgue pour les investisseursou les opérateurs dans le secteur minier, notam-ment pour ce qui concerne les métaux précieux etautres produits rares. Le « fee » qui doit être payéà l’État-hôte est l’une des variables incontourna-bles dans l’étude d’un projet. La réforme, en2014, du code minier sud-africain en est unexemple patent. Ainsi, seuls les métaux précieuxet le diamant se voient imposer des quotas à l’ex-

portation et des prélèvements obligatoires,contrairement aux autres métaux ou hydrocar-bures extraits du sous-sol sud-africain. Sil’Afrique du Sud ne fait aucune différence entreles investisseurs locaux et étrangers, le voisinbotswanais, lui, reconnaît un degré de nationalitéaux résidents (ou considérés comme tels) quant àl’exploitation du sous-sol. Une personne morale

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cherchant à investir dans le secteur extractif devraainsi se « nationaliser », à l’image de Debswana– filiale de De Beers et de l’État – pour avoiraccès à l’exploitation. Cependant, aucun quota àl’exportation n’est appliqué, qu’il s’agisse despierres précieuses ou d’autres produits extraits.Sur le plan légal, les deux pays divergent, par ail-leurs, sur bien des points. Le cadre légal botswa-nais est extrêmement clair pour un investisseur.Du début à la fin de la vie et/ou de l’exploitationde la mine, l’ensemble des critères légaux etréglementaires sont précisément détaillés, don-nant ainsi une stabilité et un niveau de confiancerenforcés. En effet, les nationalisations, expro-priations et autres mésaventures pouvant arriver àun opérateur ne se produisent plus dans le pays. Ilest évident que, sur le plan social, cette « séré-nité » permet le développement de projets à longterme et donc un emploi structurel soutenu. Ilimporte, enfin, de rappeler que si le code minierest une chose, la manière dont il est appliqué enest une autre. Il est certain qu’un investissementdans le monde des métaux précieux (hors platine)et du diamant repose sur une prise en compte de lavolatilité des prix. L’élasticité du prix de l’or restetrès forte par rapport aux aléas de l’économie.

Celle du diamant est moins apparente, mais toutesdeux exigent pour un investisseur d’avoir unevision claire et stable des règles du jeu à longterme.

L’avenir des métaux précieux et des diamantsn’est bien évidemment pas obscur, notamment enAfrique, bien au contraire. L’Afrique disposed’une position dominante sur les platinoïdes etd’une forte part de marché sur le diamant, ce quilui assure une certaine sérénité à long terme. Laquestion de l’or est probablement différente. Si lavaleur de ce métal est subjective, elle reste cepen-dant soutenue par une rareté croissante, au prixactuel, et dont le pouls est rythmé par la vitalitédes marchés chinois, indien et américain. Sur cesegment, les pays du continent africain font, parailleurs, face à la concurrence de l’Amériquelatine et de la Chine. La notion de coût de produc-tion est donc capitale et, au-delà de la questionbien connue du développement et de l’accès auxinfrastructures, ce sont bien les cadres légaux etfiscaux qui peuvent avoir un véritable impact surl’attractivité du continent. Certains récents acteurscomme la RDC ont saisi cette donnée et tententpetit à petit de créer leur part de marché dans cesecteur extrêmement liquide et concurrentiel.

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Des prix en retrait malgré un rebonden fin d’année

Les prix des engrais ont accusé une importantebaisse en 2016. La roche de phosphate, en réfé-rence « franco à bord » (fob) origine Maroc à 68-72 % BPL, est passée de $ 115/t en janvier 2016 à$ 103/t en décembre, tandis que le prix du phos-phate diammonique (DAP), produit phare desengrais phosphatés, a accusé une baisse de près de

24 % sur l’année 2016, passant de $ 450/t endécembre 2015 et janvier 2016 à $ 340/t findécembre 2016, selon la même référence maro-caine (source CRU). En référence « coût et fret »(cfr) Inde, il s’affichait à $ 320 fin décembre 2016contre $ 403 en janvier de la même année, soit unebaisse d’un peu plus de 20 %. Selon les prix indi-catifs mensuels de la Banque mondiale, le DAPcotait, en moyenne, $ 315 en décembre 2016contre $ 385/t en janvier de la même année. Une

Engrais

À la différence de nombreux minerais, l’année 2016 s’est avérée difficile pour lesengrais. La demande a certes progressé, mais dans une proportion plus faible quecelle de l’offre, particulièrement abondante. Conséquence logique, les prix desengrais se sont inscrits en baisse pour les filières nitrogène, potasse et phosphate.Selon les données indicatives de l’agence CRU, le prix du phosphate diammoniquemarocain a ainsi reculé de plus de 24 % sur l’année 2016, tandis que ceux de l’uréeet de la potasse se sont inscrits en baisse d’environ 3 % et 20 % respectivement.L’origine de cette chute importante des cours s’explique, du côté de l’offre, par ledéveloppement récent de nouvelles capacités de production qui ont pesé sur lesmarchés seaborne et, du côté de la demande, par une baisse du pouvoir d’achatdes agriculteurs liée au recul du prix des céréales et des oléagineux en 2016. Lepremier trimestre 2017 a néanmoins laissé apparaître un important rebond. Pourl’Afrique, l’essentiel ne se trouve pourtant probablement pas dans les dynamiquesde marché, mais dans les perspectives de long terme. L’année 2016 a, de ce pointde vue, été marquée par un développement important des projets miniers (potasse,phosphate) et industriels de production d’engrais sur le continent avec, dans cedomaine, de belles réussites accomplies par le Maroc.

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224 / Grands marchés industriels

année difficile donc, mais, à la différence de celuide la roche, le cours du DAP a fortement rebondisur le premier trimestre 2017, à la faveur d’unedemande importante en provenance d’Amériquelatine et d’Inde, plus gros importateur d’engraisau monde. Il s’affichait, pour la référence maro-caine, à $ 384/t à la mi-mars 2017, regagnant alorsson niveau de février 2016.

L’urée en provenance d’Égypte, de la merNoire ou de la mer Baltique s’est, elle aussi, ins-crite en baisse sur l’année 2016, mais dans desproportions moindres que celle des produits phos-phatés. Son prix variait, selon les origines et leformat (urée perlée vs urée granulée), entre$ 221/t et $ 336/t en décembre 2016 contre desniveaux compris entre $ 231 et $ 241 en janvier(source CRU), soit une baisse variant de 2 % à4,5 %. Cette plus faible variation masque cepen-dant une chute des cours entre janvier et juillet etune nette reprise sur le second semestre 2016.Après une hausse importante sur les premiersjours de janvier 2017 qui leur permettait d’at-teindre plus de $ 270/t, les prix de l’urée se sontnéanmoins engagés dans une nouvelle baisse surfévrier et mars 2017. Alors que les stocks aug-mentaient et que les acheteurs américains, euro-péens et indiens n’étaient guère actifs, les ven-deurs du Golfe, d’Égypte et de Chine ont, semble-t-il, accepté de réduire leurs prix, jusqu’à $ 225/t

pour le début du mois d’avril en base fob pourl’Afrique de l’Ouest. Observée depuis le début del’année 2017, la faiblesse des prix du gaz, unintrant important de l’urée, aidait les producteurs,et notamment l’Égypte, à accepter des prix plusbas. La faiblesse des prix laissait néanmoinsespérer un retour de l’Inde sur le marché en avril2017.

Pour la potasse enfin, le constat apparaît plussévère encore avec non seulement des baisses de

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cours supérieures, en moyenne, à 20 % surl’année 2016, mais également l’absence de véri-table rebond sur le deuxième semestre 2016comme sur les premiers mois de l’année 2017. Encause, une abondance de stocks chez les produc-teurs qu’ils étaient prêts à vendre à prix réduit.

Une progression de l’offre supérieure à celle de la demande sur les marchésmondiaux

L’équation permettant d’expliquer la dyna-mique des prix des fertilisants en 2016 est a priori

simple : un accroissement de l’offre bien supé-rieur à celui que la demande est en mesure d’ab-sorber avec, en toile de fond, un gonflement desstocks, un pouvoir d’achat des agriculteurs limitépar la faiblesse des cours des céréales et des oléa-

gineux, mais également une faiblesse de certainesdevises, notamment du rouble et du yuan, permet-tant aux producteurs de ces pays d’accepter desprix libellés en devises étrangères plus faibles.Pour mémoire, un dollar américain s’échangeaitcontre 6,5 yuans en janvier 2016 et contre près de7 yuans début janvier 2017.

Pour les engrais azotés, de nouvelles capacitésde production sont arrivées sur le marché en 2016et ont abouti à une situation de surproductionmondiale. Le volume total des engrais azotés pro-duits dans le monde pour la période 2015-2016approcherait ainsi des 165 Mt. La faiblesse descours qui en a découlé a cependant progressive-ment provoqué l’arrêt des unités les moins renta-bles et conduit à un relatif rééquilibrage dumarché sur la deuxième partie de l’année 2016.Sans surprise, les trajectoires des prix du gaz

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naturel et du charbon se sont, par ailleurs, avéréesêtre des variables importantes pour comprendre lecomportement de l’offre d’engrais durant cetteannée 2016, notamment en Chine qui reste trèsdépendante du charbon. En recul sur le premiersemestre, les prix du charbon ont ainsi permis auxproducteurs de ce pays d’accepter des prix plusbas sur le marché seaborne. Ils se sont cependantnettement redressés au dernier trimestre, pesantalors sur l’excès d’offre. Autre facteur à consi-dérer : la lutte contre la pollution dans ce pays quia obligé certains producteurs d’urée à suspendreleur production et d’autres… à fermer définitive-ment. Le géant des engrais PotashCorp suggéraitainsi que la part des capacités chinoises activesétait de 52 % début 2017, contre 62 % un an plustôt. Estimées à 8,9 Mt en 2016 (contre 13,8 Mt en2015), les exportations d’urée de la Chinedevraient encore baisser en 2017, à 7,5 Mt, voire5 Mt.

Le constat n’apparaît pas fondamentalementdifférent pour le marché des phosphates qui a étésurapprovisionné en 2016. Si la consommationmondiale a progressé, la production s’est, elleaussi, inscrite en hausse et c’est davantage en uti-lisant les stocks qu’ils avaient préalablementconstitués qu’en important que les pays consom-mateurs se sont manifestés en 2016. L’Inde, quidisposait d’amples réserves de DAP, a ainsi peuimporté tandis que sa demande n’a progressé quede 1 %. Elle devrait cependant doubler en 2017.Pour sa part, le Brésil a importé 2,9 Mt de phos-phate monoammonique (MAP, + 26 % en don-nées annuelles) et l’Argentine 1,2 Mt (+ 74 %). Laconsommation globale de phosphates devraitpasser de 43,7 Mt actuellement à 48,1 Mt en2018, d’après l’US Geological Survey (USGS).Parmi les faits marquants (hors Afrique) del’année 2016 dans la filière phosphate, le rachatpar la compagnie américaine Mosaic de la filièreengrais de son concurrent brésilien Vale pour$ 2,5 milliards sous la forme d’un paiement de$ 1,25 milliard de dollars et d’un octroi d’actionsnouvelles pour le montant restant.

Le marché mondial de la potasse est, quant àlui, resté bien terne en raison du retard pris dans laconclusion des contrats avec la Chine et l’Inde. Cen’est effectivement qu’en juillet que la Chine a

signé avec Belarusian Potash Company (BPC), ladivision négoce de Belaruskali, un contrat annuelde livraison de potasse, à $ 219/t. C’est 30 % demoins que ce qu’elle avait payé en 2015. Si l’Indeconclut traditionnellement ses contrats annuelsaprès la Chine, cela n’a pas été le cas en 2016 :elle signait, en juin, un accord à $ 227/t avec BPC.Ces « retards » dans la signature de contrats consi-dérés comme des références pour le marché mon-dial ont conduit les autres acheteurs à préférer laconsommation de leurs stocks aux stratégiesd’importation. Une situation d’excédent, et doncde prix bas, en a découlé. Ceci a alors poussé lesproducteurs du Bélarus, du Canada et de Russie àréduire leur production pour tenter de redonnerquelques couleurs aux cours. La demande a, parailleurs, légèrement repris au début du troisièmetrimestre, et ce, pour des volumes importants. En2016, près de trente projets miniers étaient encours de développement dans le monde. Ilsdevraient être terminés d’ici 2020, la majoritéd’entre eux se situant au Bélarus, au Canada, enChine, en Russie et au Turkménistan. À 59 Mt en2016, l’offre totale de potasse devrait s’établir à60 Mt-62 Mt en 2017. Sur ce total, le grand pro-ducteur canadien PotashCorp espérait en vendreentre 8,7 Mt et 9,4 Mt, contre 8,6 Mt en 2016.Parmi les faits qui ont marqué la filière en 2016-2017, la signature, en janvier 2017, d’un accorddéfinitif d’approvisionnement sur vingt ans entrele producteur canadien Encanto PotashCorp etune coopérative de fermiers indiens pour la ventedirecte d’un minimum de 5 Mt/an d’engrais potas-siques. Coup double pour l’entreprise canadiennequi, deux mois plus tard, signait un autre accordbidécennal lui permettant de livrer 2 Mt/an depotasse à Metal Mineral Trading Co. Of India, ungrand négociant indien.

La chute des cours des engrais n’a pas été sansconséquence sur les résultats financiers desgroupes producteurs. C’est ainsi que PotashCorp aannoncé un bénéfice net pour l’exercice 2016 de$ 336 millions contre $ 1,3 milliard en 2015 et unchiffre d’affaires de $ 4,5 milliards, en baisse de29 % par rapport à 2015. Élément incontournablede l’année sur le marché de la potasse : la fusion enseptembre 2016 des compagnies canadiennesAgrium et PotashCorp pour former le plus grand

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producteur mondial de potasse. PotashCorp détientdésormais 52 % dans la nouvelle compagnie etAgrium les 48 % restants.

Le rayonnement marocain sur le continent africain

L’essentiel des marchés de matières premièresne se trouve parfois pas dans l’évolution des prixà court terme, mais dans les stratégies de longterme menées par les groupes industriels. À cetégard, les réalisations du groupe OCP sont subs-tantielles. Si les ambitions de l’entreprise sontassurément mondiales, sa volonté de s’adresser àl’extraordinaire potentiel du marché des engraisen Afrique et de développer des stratégiesgagnantes de coopération « Sud-Sud » est patentedepuis plusieurs années. C’est la raison pourlaquelle une filiale OCP Africa a été créée en 2016avec, pour ambitions, le développement d’engraiscomplexes adaptés à la spécificité des sols afri-cains, la production d’engrais à proximité des bas-sins agricoles et l’amélioration de l’achemine-ment, au travers du développement des capacitésde stockage et de blending sur les zones por-tuaires, mais aussi le développement d’écosys-tèmes autour de l’activité agricole.

Force est de constater que ces différentesambitions ont rapidement trouvé une portée opé-rationnelle. En mars 2016, le conseil d’adminis-tration du groupe autorisait ainsi la création defiliales dans pas moins de quatorze pays africains.L’OCP s’engageait donc, en octobre de cettemême année, sur la création d’une usine de blen-

ding et le développement de circuits de distribu-tion d’engrais au Rwanda. Toujours sous le signede cette coopération « Sud-Sud », l’OCP et legroupe nigérian Dangote se sont engagés, lors dela visite officielle du Roi Mohammed VI à Abujaen décembre 2016, à développer une plateformede production d’engrais utilisant d’un côté le gaznigérian, de l’autre le phosphate marocain. Lasatisfaction des besoins en engrais de ce pays,comme de beaucoup d’autres en Afrique, s’est, enoutre, traduite par la signature d’un accord envertu duquel plus de 2 Mt d’engrais adaptés auxsols nigérians seront importées du Maroc sur lestrois années à venir. Le Nigéria donc, mais égale-

ment l’Éthiopie avec lequel le Maroc a signé, le19 novembre, un accord prévoyant la construc-tion d’une autre plateforme de production d’en-grais, le Dire Dawa fertilizer complex, représen-tant un premier investissement de plus de $ 2,2milliards sur cinq ans. L’ambition est à la hauteurdes sommes investies : produire 2,5 Mt d’engraispar an d’ici à 2022 et ainsi consacrer l’autosuffi-sance en engrais du pays. Envisagé d’ici à 2025,un investissement supplémentaire de $ 1,3 mil-liard portera la capacité de production à 3,8 Mtpar an. Fin décembre, l’OCP a pu, par ailleurs,s’engager à satisfaire 70 % de la demande d’en-grais exprimée par la Corporation éthiopienne desentreprises agricoles (EABC), soit environ650 000 tonnes sur un total de plus de900 000 tonnes. Et le groupe marocain ne s’estpas arrêté là : en mars 2017, un protocole d’ac-cord était, en effet, signé avec la Guinée-Conakrypour améliorer l’approvisionnement du pays enengrais phosphatés adaptés aux sols et aux pra-tiques agricoles locales. Ceci s’est traduit par undon de la part de l’OCP de 20 000 tonnes d’en-grais et par la livraison programmée de 100 000autres tonnes couvrant ainsi la totalité des besoinsdu pays dans ce domaine. Le développement desactivités en Afrique n’a cependant pas conduit legroupe à délaisser les autres marchés internatio-naux, au premier rang desquels l’Inde. L’OCP aainsi signé le 21 octobre 2016 un accord avec legroupe coopératif indien Kribhco (KrishakBharati Cooperative Limited) fabriquant desengrais azotés notamment. L’enjeu : créer unejoint-venture permettant de développer une usined’engrais ternaires (capacité : 1,2 Mt/an) dansl’État indien d’Andhra Pradesh. Montant del’opération : $ 230 millions. Une stratégie claire-ment internationale, mais qui n’oublie pas l’éco-système marocain avec la mise en œuvre duprojet de développement d’un complexe indus-triel intégré de production d’engrais sur le sitePhosboucraâ, dans la province de Laâyoune ausud du Maroc. En début d’année 2016 était, parailleurs, lancée à Jorf Lasfar l’Africa Fertilizer

Complex, une usine de production d’engraisdédiés aux sols africains, ainsi qu’une usine dedessalement d’eau de mer et plusieurs unités destockage.

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L’Afrique : nouvel enjeu de la concurrence mondiale

L’OCP n’est pas le seul groupe à s’intéresserau marché africain. En Ouganda, le groupe chi-nois Guangzhou Dongsong Energy Group Co(GDEG) s’est ainsi engagé à construire une usinede transformation en engrais des phosphatesd’une capacité de production de 300 000 tonnescombinée à une capacité de production d’acidesulfurique de 200 000 tonnes par an. L’Éthiopie a,par ailleurs, autorisé le britannique CircumMinerals à exploiter, pendant vingt années renou-velables, une mine de potasse dans la dépressionde Danakil, à l’Est du pays. Cette mine à bas coûtdevrait permettre la production de 2 Mt par an demuriate de potassium et de 750 000 tonnes de sul-fate de potassium. Non loin, en Érythrée, la com-pagnie australienne Danakali envisage, quant àelle, de lever la somme de A$ 6,7 millions pourson projet de potasse Colluli développé dans lecadre d’une joint-venture l’associant à Eritrean

National Mining Company (ENAMCO). La pro-

duction y sera de 425 000 t/an pour les cinq pre-mières années d’exploitation, puis de 850 000 t/anà pleine capacité.

Dans le secteur des phosphates, c’est égale-ment une compagnie australienne, Avenira, qui aannoncé vouloir lever A$ 2,5 millions pour ledéveloppement du projet de phosphate Baobab, auSénégal, qu’elle détient à 80 %. Les premièreslivraisons ont été réalisées en octobre. En Algérie,trois accords de création de joint-ventures asso-ciant des entreprises nationales et le groupe indo-nésien Indorama ont, par ailleurs, été confirmés enjuillet 2016 pour un investissement de $ 4,5 mil-liards. L’ambition : développer et exploiter la nou-velle mine de phosphate de Bled El-Hadba, pro-duire de l’acide phosphorique et du DAP et, enfin,utiliser le gaz naturel du pays pour produire del’ammoniac. Face au potentiel considérable dumarché des engrais en général et des phosphatesen particulier, mais également au besoin de diver-sifier nombre d’économies, le développementd’unités d’extraction de minerais et de productiond’engrais est à l’agenda de nombreux pays.

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énergie

– V –

Énergie

• Pétrole

• Gaz naturel et GNL

• Charbons

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Après avoir stagné entre 2013 et 2014 à3,8 millions de barils par jour (Mb/j), la demandepétrolière de l’Afrique a progressé au cours desdeux années suivantes pour atteindre 4,2 Mb/j en2016, selon l’Agence Internationale de l’Énergie(AIE), soit une hausse de 10,5 % sur cette période.Pour 2017, la projection de l’AIE est de 4,3 Mb/j.En dépit de cette progression, l’Afrique ne repré-sentait que 4,3 % de la demande pétrolière mon-diale l’an dernier. La réalité du côté de l’offre estdifférente : parmi les pays africains producteursde pétrole, cinq d’entre eux sont membres del’Organisation des pays exportateurs de pétrole(OPEP). La production de pétrole brut provenantde ces États était estimée à 4,9 Mb/j en 2016,contre 5,3 Mb/j en 2015. L’offre pétrolière despays africains non membres de l’OPEP était,quant à elle, de 1,9 Mb/j et de 2,1 Mb/j respective-

Pétrole

Une progression de la demande et de l’offre, mais des exportations en retrait sur lecontinent américain en raison de la montée en puissance des bruts non convention-nels produits localement, des références africaines (Nigéria, Angola) globalementen phase avec des dynamiques mondiales qui ont vu une reprise du marché en find’année : telles ont été les caractéristiques principales de la conjoncture des marchéspétroliers africains en 2016. D’un point de vue structurel, l’attractivité de l’Afriquepour l’exploration et la production d’hydrocarbures s’est également confirmée en2016, bien que des différences significatives aient pu être observées entre nations.Last but not least : le retour du Gabon au sein de l’Organisation des pays exporta-teurs de pétrole et la nomination d’un secrétaire général africain.

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énergie

ment. Le total pour l’Afrique était donc de7,4 Mb/j en 2015 et de 6,8 Mb/j en 2016.

Les producteurs de bruts légersafricains sont à la peine

Ces dernières années, les exportations de brutslégers d’Afrique de l’Ouest vers le continent amé-ricain, et les États-Unis en particulier, ont forte-ment chuté en raison de la montée en puissance dela production de bruts non conventionnels dans cepays, ceux-ci étant en majeure partie des pétroleslégers. Selon l’Oil Market Report (OMR) del’AIE, les exportations vers le continent américainde bruts de densité légère et moyenne produits enLibye étaient ainsi inexistantes à la fin 2016.Celles de Nigérian Light vers la même région onttotalisé seulement 210 000 b/j sur trois mois entreseptembre et novembre 2016. Parmi les paysmembres de l’Organisation de coopération et dedéveloppement économiques (OCDE), seuls lespays européens ont en réalité importé des volumessignificatifs de ces bruts à la fin 2016 : 760 000 b/jpour les bruts libyens légers et moyens et890 000 b/j pour les pétroles légers du Nigéria surseptembre-novembre 2016.

Les prix des bruts d’Afrique de l’Ouest ont,sans surprise, suivi la tendance générale des mar-chés avec une hausse importante des cours depuis

novembre en raison, notamment, des décisions deréduction de production adoptées par l’OPEP etplusieurs pays non OPEP en novembre et décembre2016. Mais les augmentations ont été plus faiblespour les bruts du Nigéria que pour ceux del’Angola. L’explication de cette différenciationtient à deux facteurs clés : l’abondance des brutslégers sur les marchés mondiaux du fait de la pro-duction des États-Unis et les incertitudes entourantles exportations de pétrole à partir du Nigéria quisont négativement impactées par les attaques dedivers groupes armés contre des installations etinfrastructures pétrolières dans la région du deltadu Niger. Les différentiels entre les bruts angolaiset le Brent de la mer du Nord étaient d’ailleurs trèsfaibles dans la période récente (octobre 2016 – jan-vier 2017) avec des variations entre -50 cents et la parité pour le brut Girassol et entre - $1 et- 25 cents pour le Cabinda.

L’Afrique : un continent attractif pour les entreprises pétrolières

L’Afrique reste une région attractive pour l’ex-ploration et la production d’hydrocarbures du faitde son potentiel en ressources de pétrole et de gaznaturel, de la probabilité de nouvelles découvertessignificatives à terre ou en mer, mais également decadres législatifs et contractuels plutôt incitatifs. Il

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est donc logique que le continent attire régulière-ment de nouveaux investisseurs dans ce secteur. Ilen a été ainsi l’an dernier de Qatar Petroleum quia continué à tisser sa toile à l’international et às’associer à de grandes compagnies pétrolières.La société a ainsi fait son entrée dans l’explora-tion au large du Maroc en partenariat avec la firmeaméricaine Chevron Corporation et l’OfficeNational des Hydrocarbures et des Mines(Onhym) du Maroc. Avant Chevron, QatarPetroleum avait conclu des accords avec Totalpour des projets en Mauritanie et en Républiquedu Congo.

Chevron, quant à lui, détient des participa-tions de 75 % sur trois blocs en mer profonde :Cap Rhir Deep, Cap Cantin Deep et Cap WalidiaDeep, dont la superficie totale est de 21 913 km².Aux termes de l’accord d’amodiation avec QatarPetroleum, Chevron a cédé une participation de30 % à la compagnie nationale du Qatar. Chevronreste cependant opérateur avec une participationde 45 %, l’Onhym contrôlant les 25 % restants. Lasociété américaine estime que le potentiel de cespermis est « excitant ». Il s’agit d’un thème ante-salifère (sous des couches de sel).

Woodside Energy Ltd. n’est, pour sa part, pasun nouvel investisseur en Afrique, mais la compa-gnie australienne a décidé d’accroître sa présence

dans cette région. Détenant des permis d’explora-tion au Maroc, au Cameroun et au Gabon, celle-cia ainsi conclu un accord d’amodiation avecImpact Oil & Gas pour acquérir une participationde 65 % sur le permis offshore AGC Profond et endevenir l’opérateur. D’une superficie de6 700 km², AGC Profond est un permis en mer pardes profondeurs d’eau comprises entre 1 400 et3 700 mètres. Il est situé dans la zone de dévelop-pement commune au Sénégal et à la Guinée-Bissau et fait l’objet d’un contrat de partage deproduction. Les partenaires de Woodside sontImpact Oil & Gas (20 %) et Entreprise AGC(15 %). Entreprise AGC est contrôlée par leSénégal et la Guinée-Bissau.

Beaucoup de découvertes en Afrique

L’Afrique a un potentiel important en hydrocar-bures et ce potentiel est largement sous-exploité. Iln’est donc pas surprenant que l’exploration réservede bonnes surprises aux compagnies pétrolières.Cela a pu être le cas pour des pays très peuexplorés, mais aussi pour des pays dans lesquelsdes opérations pétrolières et gazières sont en coursdepuis des dizaines d’années.

En Algérie, la Sonatrach a ainsi réalisé vingt-huit découvertes sur les neuf premiers mois de

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2016, contre vingt-trois pour l’ensemble de 2015.Sur les vingt-huit découvertes, seize ont été réali-sées dans le bassin de Berkine. Les autres zones quiont donné lieu au plus grand nombre de décou-vertes étaient Oued Mya et Amguid Messaoud. Lestrois découvertes restantes étaient partagées entreles bassins d’Illizi, de Béchar et de Reggane.Comme c’est le cas depuis plusieurs années, laSonatrach a été à l’origine de la très grande majo-rité d’entre elles. De ce point de vue, si le maintien,par la compagnie nationale, de ce rythme élevé estassurément un point favorable, celui-ci est com-pensé par le fait que les firmes étrangères ne fontplus beaucoup d’exploration en Algérie.

Les volumes d’hydrocarbures ainsi mis en évi-dence étaient essentiellement du pétrole. Si l’onregarde les estimations 2P (réserves prouvées etprobables), le pétrole a en effet représenté 55,2 %des volumes d’hydrocarbures découverts(97,91 millions de tonnes équivalent pétrole -Mtep), contre 37,6 % pour le gaz naturel(66,7 Mtep) et 7,2 % (12,86 Mtep) pour lescondensats. Le total des volumes découverts estévalué à 177,47 Mtep sur une base 2P par laSonatrach. Sur une base 3P (réserves prouvées,probables et possibles), l’estimation est de401,37 Mtep.

Plusieurs pays africains deviendrontdans les prochaines années des producteurs et exportateursd’hydrocarbures

Plusieurs pays africains deviendront produc-teurs et exportateurs d’hydrocarbures dans lesprochaines années. Il s’agit notamment del’Ouganda et du Kenya pour le pétrole, duMozambique et de la Tanzanie pour le gaz naturel,et du Sénégal pour le pétrole et le gaz. Tullow Oila ainsi évalué à 1,7 milliard de barils les res-sources pétrolières mises à jour dans la région dulac Albert en Ouganda. Pour le Kenya, son estima-tion est de l’ordre de 750 millions de barils. Dansce contexte, l’Ouganda pourrait produire entre200 000 et 230 000 b/j de brut et le Kenya entre80 000 et 100 000 b/j.

L’Ouganda a choisi la liaison Hoima(Ouganda) – Tanga (Tanzanie), sur l’océan Indien,

pour l’exportation future du pétrole découvert. Cetracé était en concurrence avec deux autres via leKenya, l’un devant déboucher à Mombasa, l’autreà Lamu (route du Nord). Ce dernier avait la faveurdu gouvernement kenyan dans le cadre d’un projetde développement régional très ambitieux. TullowOil, qui participe à hauteur de 11,76 % au consor-tium en charge des recherches et des exploitationspétrolières en Ouganda en partenariat avec Total(54,9 %) et CNOOC (33,33 %), a également réa-lisé des découvertes pétrolières au Kenya et privi-légiait très logiquement un tracé via ce pays envue de valoriser l’ensemble de ces découvertes.Le choix du tracé vers le port de Tanga l’a pour-tant emporté, et ce, pour trois raisons principales :le coût, considéré comme le moins élevé parmi lestrois options envisagées (selon Tullow, le coût dedéveloppement des ressources pétrolières del’Ouganda serait de $ 8-12 milliards), des atoutstrès concrets en termes de tracé et de site (un tracéassez plat et un port opérationnel et protégé desvents) et la sécurité. Sur ce dernier point, l’avan-tage est jugé important par rapport à la route versLamu qui est parfois assez proche de la Somalie,faisant ainsi redouter de futures attaques desShebabs, qui ont déjà frappé au Kenya par lepassé. Le Kenya a réagi en indiquant qu’il enten-dait construire malgré tout un oléoduc sur son ter-ritoire pour desservir ses propres champs pétro-liers et pour acheminer également le brut, ou unepartie, du Soudan du Sud, autre pays enclavé, et,peut-être, de l’Éthiopie.

Sénégal : le champ pétrolier SNE tient ses promesses

Un consortium dirigé par Cairn Energy et quidétient trois blocs en mer au large du Sénégal(Sangomar Offshore, Sangomar Deep Offshore etRufisque Offshore) a découvert en 2014 deuxchamps pétroliers : FAN et SNE, ce dernier étantqualifié de gisement de « classe mondiale ». Cairndétenait une participation de 40 % sur ces blocs enassociation avec ConocoPhillips (35 %), FARLimited (15 %) et la compagnie nationale duSénégal, Petrosen (10 %). À la fin octobre 2016,ConocoPhillips a cependant signé un accordd’amodiation avec Woodside Petroleum aux

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termes duquel la firme américaine cédait sa parti-cipation à la société australienne.

SNE pourrait entrer en production en 2022, aestimé FAR. Le futur plateau de production deSNE serait de 140 000 b/j. Le consortium aentamé à la fin 2016 la troisième phase de sesforages d’exploration et d’appréciation. Deuxpuits d’appréciation étaient notamment prévussur SNE pour mieux définir le futur développe-ment et confirmer les volumes, la connectivité etla productivité des réservoirs et des puits.Précédemment, six puits d’exploration et d’ap-préciation avaient été forés avec succès. SelonFAR, les coûts de développement pourraient êtrede l’ordre de $ 13-15 par baril et les coûts d’ex-ploitation (y compris la location du FPSO –Floating production storage and offloading –, unnavire converti en installation flottante de pro-duction, de stockage et de déchargement) de$ 12-14 par baril.

De nouvelles mises en production en 2016

Les développements de champs pétroliers ontdébouché sur plusieurs mises en production en2016. Parmi les plus marquantes figure celle duprojet TEN (Tweneboa, Enyenra et Ntomme) auGhana, en août dernier. Il permettra d’exploiterdes réserves d’hydrocarbures estimées à 300 mil-lions de barils équivalent pétrole (Mbep), dont240 millions de barils de pétrole et 60 Mbep degaz naturel. TEN est opéré par Tullow Oil(47,175 %) et ses partenaires sont AnadarkoPetroleum Corporation (17 %), Kosmos Energy(17 %), la Ghana National Petroleum Corporation(15 %) et PetroSA (3,825 %), la compagnie natio-nale sud-africaine. Il s’agit d’un projet importantpour le consortium bien sûr, mais aussi pour leGhana puisque ce pays est maintenant producteurà partir de deux projets : Jubilee, en productiondepuis la fin 2010, et TEN. Tullow Oil est égale-ment opérateur de Jubilee, qui a été découvert en2007. La production de TEN est traitée sur unFPSO, dont la capacité maximale est de 80 000 b/jde brut.

Une autre mise en production importante a étécelle de Mafumeira Sul, en Angola, à la fin

octobre 2016. Ce projet est situé sur le bloc0 (zéro), en mer peu profonde (environ 60 mètres)au large de Cabinda. Ce bloc est détenu par lasociété pétrolière nationale Sonangol EP, CabindaGulf Oil Company (CABGOC, Chevron), Total etEni. Mafumeira Sul est un projet fort important. Ilconstitue la seconde étape du développement deMafumeira et sa capacité de production en phasede plateau sera de 150 000 b/j de liquides et de350 millions de pieds cubes par jour de gaznaturel. Chevron prévoit que ce plateau pourraitêtre atteint à partir de 2018. Le gaz associé seraacheminé vers l’usine de liquéfaction d’AngolaLNG.

La raffinerie de Lobito (Angola) en question

Sonangol EP a annoncé en août 2016 la sus-pension de la construction de la raffinerie deLobito, dans la province de Benguela, et du ter-minal de Barra do Dande. La société nationale aimmédiatement ajouté que ces deux projetsétaient d’une importance capitale pour elle et pourle pays, mais qu’il était nécessaire de les réexa-miner au regard de la nouvelle réalité économiquedu pays, en particulier de son secteur pétrolier.Cette nouvelle situation, dont la baisse des prix dupétrole depuis l’été 2014 est l’une des compo-santes majeures, implique en effet un réexamen deces projets, notamment en termes de dimension-nement, de calendrier et de financement.

L’Angola ne dispose à ce jour que d’une raffi-nerie et celle-ci est de petite taille. La capaciténationale est donc très insuffisante face auxbesoins du pays, ce qui nécessite d’importantsachats de produits pétroliers à l’étranger. L’un desobjectifs de la construction de la raffinerie deLobito était donc de pouvoir arrêter à terme cesimportations de produits raffinés. La capacitévisée était de 200 000 b/j et cette raffinerie devaitêtre caractérisée par un haut degré de conversion.Sa mise en service était espérée pour 2015, maiscette date avait déjà été reportée. La raffinerie deLobito devait pour l’essentiel desservir le marchénational, mais des exportations de produits pétro-liers vers d’autres pays d’Afrique, l’Europe et lesÉtats-Unis, étaient également envisagées.

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Le Nigéria entend redevenir à termeun pays exportateur de produitspétroliers

La Nigérian National Petroleum Corporation(NNPC) a des objectifs particulièrement ambi-tieux. L’un d’entre eux est que le Nigéria, qui faitface depuis plusieurs années à une pénurie de pro-duits pétroliers, devienne un exportateur net deces produits comme lors des années soixante-dix.Avant d’atteindre éventuellement cet objectif, laNNPC doit d’abord réussir à satisfaire les besoinsdu Nigéria en produits raffinés, ce qui constituedéjà une gageure. À court terme, un certainnombre de dispositions ont été prises : les arriérésde dettes envers les distributeurs ont été nettementréduits ; les subventions sur les prix des produitspétroliers ont été « éliminées » ; les livraisons deproduits raffinés aux États de la fédération ont étéaccrues et la surveillance des pratiques des distri-buteurs a été renforcée en vue de garantir le res-pect des prix approuvés. La NNPC a en outreappelé le public à signaler aux autorités les com-portements illégaux de certains distributeurs quine mettraient pas sur le marché les volumes deproduits pétroliers dont ils disposeraient et à nepas céder à la panique pour leurs achats, ce quiaggraverait encore la situation. Une coopération aenfin été entamée avec la Banque centrale pourtraiter les problèmes liés à l’insuffisance dedevises.

À moyen terme, la NNPC entend se concentrersur le parc de raffinage du pays qui comprendquatre raffineries d’une capacité totale (très) théo-rique de 445 000 b/j. Trois orientations clés sontpoursuivies : la poursuite de la rénovation desquatre raffineries d’État afin de porter leur tauxglobal d’utilisation à 70 % au moins, la construc-tion de mini-raffineries modulaires près des raffi-neries existantes permettant de porter à650 000 b/j la capacité de raffinage du pays et,troisième objectif, la recherche de partenariatsavec des investisseurs capables de gérer efficace-ment les installations de transport et de stockagedes produits pétroliers avec accès des tiers.Certaines de ces infrastructures seront considéréescomme des stockages stratégiques dont la NNPCse dotera. Le plan d’action est donc clair et global.Encore faudra-t-il que les moyens soient à la hau-teur, car les attentes de la population et desmilieux économiques sont grandes. Leur patienceaussi, mais celle-ci n’est pas illimitée.

Fin de partie pour la SAMIR au Maroc

Vingt ans après la privatisation de la SAMIR(Société Anonyme Marocaine de l’Industrie duRaffinage), la compagnie est à l’agonie. Le21 mars 2016, le tribunal de commerce deCasablanca a en effet prononcé la liquidation judi-ciaire de la société. La SAMIR avait interrompusa production en août 2015. L’enjeu est important

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pour la SAMIR, bien sûr, mais aussi pour leMaroc, car la compagnie contrôle à 100 % lacapacité de raffinage du pays. En 1999, en effet, lasociété avait fusionné avec la SCP, ce qui lui avaitpermis de prendre le contrôle des raffineries deMohammedia et de Sidi Kacem, avec une capacitéde raffinage de 10 millions de tonnes par an. Si laraffinerie de Mohammedia était définitivementfermée, le Maroc serait dépendant à 100 % desimportations de produits pétroliers. La SAMIRétait détenue à 67,27 % par Corral PetroleumHoldings, un groupe dont le propriétaire estl’homme d’affaires saoudien cheikh MohamedHussein al-Amoudi. Holmarcom (Maroc) estactionnaire à hauteur de 5,78 %, les 26,95 % res-tants étant contrôlés par le public. Le 8 février2017, le syndic de la liquidation judiciaire de laSAMIR a annoncé la cession de la totalité desactifs de cette société. Les offres en ce sensdevaient être soumises dans un délai de 30 jours àcompter de cette date.

OPEP et Afrique : le retour du Gabon

Lors de la réunion de sa Conférence ministé-rielle le 2 juin 2016 à Vienne en Autriche, l’OPEPa pris deux décisions concernant l’Afrique. L’uneporte sur l’admission du Gabon et l’autre sur lanomination d’un nouveau secrétaire général.

La Conférence de l’organisation, qui est l’ins-tance de décision de l’OPEP et réunit les ministresdu Pétrole ou de l’Énergie des États membres, aen effet accepté la demande d’admission duGabon, qui est redevenu membre de l’OPEP le 1er

juillet 2016. Certes, le Gabon est un petit produc-teur de pétrole avec un débit de l’ordre de200 000 b/j seulement. Il sera d’ailleurs le pluspetit producteur au sein de l’organisation aprèsl’Équateur. Son admission n’est cependant passans importance et, ce, pour plusieurs raisons.L’OPEP a, en premier lieu, compté quatorze mem-bres à partir de juillet 2016 pour la première foisdans son histoire. Le maximum était de treize

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dans le passé. Cette situation n’a néanmoins étéque de courte durée, car un autre État membre,l’Indonésie, a quitté l’organisation à la finnovembre 2016. À un moment où de nombreuxcommentateurs évoquent, à juste titre, l’affaiblis-sement de l’organisation et, à tort, son prochaindécès, l’OPEP peut, en deuxième lieu, montrer àbon compte qu’elle conserve un certain pouvoird’attraction sur des pays en développement. Entroisième lieu, trois pays ont quitté l’organisationau cours de son histoire : l’Équateur (endécembre 1992), le Gabon (en janvier 1995) etl’Indonésie (en janvier 2009). Les trois ont, plu-sieurs années après, réintégré l’OPEP. La diffé-rence est que le Gabon s’était formellement retiréde l’OPEP alors que les deux autres États avaientsuspendu leur participation. Avec le retour duGabon, l’OPEP compte désormais en son seincinq pays africains, les quatre autres étantl’Algérie, l’Angola, la Libye et le Nigéria.

Le secrétaire général de l’OPEP est à nouveau un Africain

Autre nouvelle d’importance pour l’Afrique :l’actuel secrétaire général de l’organisation est,depuis le 1er août 2016, Mohammed SanusiBarkindo (Nigéria). Il a succédé à Abdalla Salemel-Badri (Libye), secrétaire général de l’OPEPentre 2007 et 2015 et secrétaire général parintérim à partir du 1er janvier 2016. Selon les sta-tuts de l’OPEP, le secrétaire général est nommépar la Conférence pour une période de trois ansqui peut être renouvelée une fois pour la mêmedurée. Ce n’est en revanche pas la première foisque le Nigéria fournit à l’OPEP un secrétairegénéral. Rilwanu Lukman (décédé en juillet 2014)avait en effet occupé cette fonction entre 1995 et2000 et il avait également été président de laConférence de l’organisation à plusieurs reprises à

la fin des années quatre-vingt et en 1992.Mohammed Sanusi Barkindo était d’ailleurs trèsproche de Rilwanu Lukman.

Cette candidature du Nigéria a été bien reçue àl’OPEP pour au moins quatre raisons, dont l’uneest liée à la nationalité de Mohammed Barkindo etles trois autres à son parcours et à ses compé-tences personnelles :

- Plusieurs pays ont présenté un candidat, dontl’Arabie Saoudite et l’Iran qui se sont neutralisésrespectivement. Pour certaines autres candida-tures, les pays qui les soutenaient n’avaient pasassez de poids au sein de l’OPEP. Le Nigéria a eul’avantage d’être neutre par rapport aux différendsentre Riyad et Téhéran et d’être un pays assezimportant au sein de l’organisation.

- Mohammed Barkindo connaît bien l’OPEPpour avoir été le représentant du Nigéria au seinde la commission économique de l’organisationpendant quinze ans et le secrétaire général parintérim de l’OPEP en 2006.

- Le futur secrétaire général de l’OPEP a parailleurs une solide expérience dans le secteur deshydrocarbures. Il a en effet travaillé pendant plusde vingt ans à la Nigérian National PetroleumCorporation (NNPC) et en a été le directeurgénéral en 2009-2010.

- Last but not least, Mohammed Barkindos’intéresse depuis longtemps à la question clé duchangement climatique. Il a dirigé la délégationdu Nigéria lors des négociations qui ont débouchésur la convention-cadre des Nations-unies sur lechangement climatique. Ce sujet est capital pourl’avenir à long terme de l’industrie des hydrocar-bures dans laquelle s’inscrivent l’OPEP et lesÉtats qui la composent. Le secrétaire général étantle principal porte-parole et le principal conseillerstratégique de l’OPEP, une bonne connaissancedes enjeux climatiques constitue de toute évi-dence un atout précieux pour l’organisation.

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L’indexation des prix du gaz sur le pétrole en question

La chute des prix du pétrole brut entre l’été2014 et 2016 a entraîné une forte baisse des coursdu gaz naturel, qui est souvent indexé sur lepétrole et/ou les produits pétroliers. L’impactnégatif est très fort sur les pays exportateurs de

pétrole et de gaz en développement tels quel’Algérie. Les hydrocarbures liquides et gazeuxreprésentent en effet 96 % des exportations de cepays.

Dans ce contexte difficile, l’Algérie a réaf-firmé son attachement à l’indexation des prix dugaz sur le pétrole. Lors d’un symposium organisé,en 2016, par l’Association algérienne de l’indus-

Gaz naturel et GNLDes progrès vers une meilleurevalorisation des ressourcesgazières du continent

L’Afrique occupe une place fort modeste dans l’industrie gazière internationale.Avec environ 14 000 milliards de mètres cubes à la fin 2015, selon la BP StatisticalReview of World Energy, ses réserves prouvées ont représenté, à cette date, 7,5 %du total mondial. De plus, ce potentiel est encore peu valorisé puisque la part del’Afrique (212 milliards de mètres cubes) dans la production gazière mondiale n’apas dépassé 6 % en 2015, selon la même source. Cependant, comme la consom-mation gazière de la région n’a pesé que pour 3,9 % du total mondial, le continenta dégagé un surplus exportable. Ces exportations, par gazoduc et/ou sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL),ont principalement été le fait de l’Algérie, du Nigéria, de la Libye et de la Guinéeéquatoriale en 2015. L’Angola s’est ajouté à cette liste en 2016. En raison desproblèmes politiques liés aux printemps arabes et à leurs suites, l’Égypte n’estplus un pays exportateur, mais importateur de gaz naturel. Le renversement de situation a été spectaculaire depuis le début de cette décennie. De récentes décou-vertes et de gros projets de développement devraient permettre à ce pays, qui faitactuellement face à des pénuries énergétiques, de redevenir exportateur de gazdans plusieurs années.

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trie du gaz (AIG), le ministre de l’Énergie d’alors,Salah Khebri, a souligné que la conjoncture bais-sière des prix ne devait pas conduire à douter del’utilité des contrats de long terme et encore moinsde celle de l’indexation des prix du gaz sur ceuxdes produits pétroliers. Nous restons « fermementattachés » à l’architecture institutionnelle qui apermis, pendant plus de trois décennies, de déve-lopper des systèmes d’approvisionnement gazierstables avec nos partenaires, a-t-il expliqué.

Contrats à long terme et indexation :les producteurs font bloc

L’argument du ministre algérien était le sui-vant : les coûts associés à l’industrie du gaz serontde plus en plus élevés et les producteurs et lesacheteurs doivent continuer à partager les risquespour favoriser le « développement harmonieux »de ce secteur. Le partage des risques est effective-ment un aspect clé, car le coût des grands projets

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gaziers internationaux est très important et leurréalisation est dans l’intérêt commun des exporta-teurs et des importateurs. Par contre, l’indexationsur le pétrole/produits pétroliers est une questiondistincte et elle devrait probablement être traitéeséparément.

L’attachement historique des pays exporta-teurs de gaz pour ce type d’indexation est bienconnu. Lors de son sommet à Moscou au débutjuillet 2013, le Forum des pays exportateurs degaz (FPEG) avait indiqué, dans sa déclarationadoptée par les chefs d’État et de gouvernement,que le rôle des contrats à long terme était fonda-mental et qu’il soutenait la fixation des prix dugaz basée sur l’indexation sur le pétrole et sur lesproduits pétroliers pour garantir non seulementdes prix équitables, mais également le développe-ment stable des ressources gazières. Lors dusommet précédent du FPEG, à Doha au Qatar ennovembre 2011, les pays membres étaient mêmeallés plus loin en demandant à terme une« convergence » des prix du pétrole et du gaz.Parmi les pays membres figurent notamment laRussie, le Qatar, l’Algérie, l’Iran et le Nigéria.Outre l’Algérie et le Nigéria, les autres États afri-cains membres de ce forum sont l’Égypte, laGuinée équatoriale et la Libye. Les États membresdu FPEG sont tellement habitués à défendre l’in-dexation sur le pétrole/produits pétroliers qu’ilsn’argumentent plus vraiment en sa faveur commes’il s’agissait d’une évidence. Il est bien sûr com-préhensible que des pays producteurs de pétrole et

de gaz soient en faveur d’un lien entre les deux,mais il n’est pas certain que ce soit aujourd’hui,demain et après-demain dans leur intérêt. De plus,les marchés du pétrole et du gaz sont beaucoupplus différents que par le passé, le premier étant deplus en plus réservé au secteur des transports et lesecond étant surtout consommé dans la générationd’électricité et le chauffage.

De nouvelles découvertes de gaz en Afrique

L’Afrique est une région dans laquelle lescompagnies pétrolières continuent à découvrir desvolumes importants de pétrole et de gaz naturel.En Angola, Sonangol E.P. et Cobalt InternationalEnergy (Houston) ont ainsi, en 2016, qualifiée de« commerciale » la découverte gazière réaliséeavec le puits Zaloplus-1 sur le bloc 20/11, unpermis en mer profonde dans le bassin deKwanza. Le puits a mis en évidence une zone pro-ductrice nette de 44 mètres dans une section pré-salifère. Selon la compagnie nationale, les res-sources originales sont estimées à 313 millions debarils de condensats et à 2 800 milliards de piedscubes de gaz naturel, soit 813 millions de barilséquivalent pétrole au total. Suite à cette déclara-tion de commercialité, diverses options de déve-loppement, d’exploitation et de valorisation serontexaminées.

Cobalt International Energy est opérateur detrois blocs, 9, 20 et 21, avec une participation de

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40 %. Ses partenaires sont Sonangol P & P (30 %)et BP (30 %). Sonangol E.P. est le concession-naire. Plusieurs découvertes ont été réalisées surles blocs 20 et 21, dont Lontra (pétrole et gaz) etOrca (pétrole) sur le bloc 20. À ce jour, Orca estla plus importante de ces découvertes.

BP rappelle que les bassins au large du sud del’Angola, notamment ceux de Kwanza etBenguela, sont la réplication de thèmes géolo-giques dans la marge brésilienne (bassins deSantos et de Campos), dans laquelle de nom-breuses et très importantes découvertes d’hydro-carbures ont été réalisées. En décembre 2011, legroupe britannique avait signé des accords de par-tage de production portant sur les blocs 19, 20, 24et 25. Précédemment, BP était entré sur le bloc 26.Au total, la compagnie détient des participationssur cinq permis dans les bassins de Kwanza et deBenguela. La superficie de ce portefeuille est de24 240 kilomètres carrés.

Sénégal/Mauritanie : BP entre dans ladanse

Après un programme d’exploration et d’appré-ciation portant sur cinq puits au large du Sénégalet de la Mauritanie, Kosmos Energy (États-Unis)estimait à plus de 50 000 milliards de pieds cubes(50 Tp.c.) les ressources potentielles de gaz dansle chenal marin entre le puits Marsouin-1 enMauritanie et le puits Teranga-1 au Sénégal. Lesressources gazières découvertes grâce à cette

campagne de forages étaient évaluées à 25 Tp.c.environ (estimation médiane). Selon la compagnieaméricaine, le chenal gazier mis en évidenceserait d’une longueur de deux cents kilomètres etrelierait notamment les sites du puits Marsouin-1à celui de Teranga-1 en passant par la zone de laGrande Tortue.

Ces bonnes nouvelles ne sont pas passées ina-perçues au sein de l’industrie et ont suscité un vifintérêt de la part de certains géants. En décembre2016, BP a signé un accord avec Kosmos Energyaux termes duquel le groupe britannique acquiertdes participations de 62 % sur quatre blocs aularge de la Mauritanie et de 32,49 % sur deuxpermis au large du Sénégal. Précédemment,Kosmos Energy et les sociétés nationales des deuxpays concernés, Petrosen (Sénégal) et la SociétéMauritanienne des Hydrocarbures et dePatrimoine Minier (SMHPM), avaient signé unprotocole d’accord qui détermine les principesd’une coopération intergouvernementale en vuedu développement de la Grande Tortue. L’objectifest d’essayer d’accélérer le développement duprojet. Le gaz devrait être valorisé grâce à unprojet d’exportation de GNL.

Les réserves gazières découvertes au Mozambique sont estimées à 4,8 trillions de mètres cubes

Le président du conseil d’administrationd’Empresa Nacional de Hidrocarbonetos (ENH –

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la société nationale du Mozambique) a évalué à170 trillions de pieds cubes (4,8 trillions de mètrescubes) les réserves de gaz découvertes dans lebassin de Rovuma, au large du Mozambique, aucours des cinq/six dernières années. Ces réservesseront valorisées grâce à des projets d’exportationde GNL. Les champs gaziers découverts sontconcentrés sur deux permis, les Zones offshore1 et 4. Le premier est opéré par la firme améri-caine Anadarko Petroleum Corporation et lesecond par le groupe italien Eni.

En mars 2017, ExxonMobil a conclu un accordd’amodiation avec Eni, ce qui permettra au groupeaméricain d’acquérir une participation indirecte de25 % sur la Zone 4 à un coût de $ 2,8 milliards. Endécembre 2015, Anadarko et Eni avaient conclu unaccord d’unitisation pour permettre le développe-ment des réservoirs gaziers de Prosperidade et deMamba qui sont partagés entre les deux permisqu’elles opèrent. L’accord prévoit un développe-ment séparé, mais coordonné de ces réservoirsjusqu’à ce que 24 trillions de pieds cubes de gazsoient développés, dont 12 trillions de pieds cubessur chacun des permis. Les autres développementsde ressources partagées seront réalisés par un opé-rateur conjoint (voir aussi ci-dessous).

Shell fore de nouveaux puitsd’exploration sur les blocs 1 et 4 en Tanzanie

Basé à Londres, Ophir Energy a indiqué queRoyal Dutch Shell, l’opérateur des blocs 1 et 4 aularge de la Tanzanie, forerait de nouveaux puitsd’exploration à la fin 2016 et au début 2017. Cerôle d’opérateur sur ces permis découle de l’ac-quisition de BG par le groupe anglo-hollandais en2016. BG avait réalisé plusieurs découvertesgazières sur ces permis et la compagnie britan-nique entendait développer un projet d’exporta-tion de GNL pour valoriser ces ressources. Legouvernement a d’ores et déjà réservé un lieu pourune future usine de GNL. Sur un autre permisoffshore, le bloc 2, Statoil (65 %) et ExxonMobil(35 %) ont fait huit découvertes de gaz. Lesvolumes en place sont estimés à 22 000 milliardsde pieds cubes. La Tanzanie est donc un futur pro-ducteur et exportateur de gaz naturel.

L’Afrique du Sud veut valoriser son gaz de schiste

L’Afrique du Sud est considérée par l’U.S.Energy Information Administration (EIA), qui faitpartie du département de l’Énergie des États-Unis,comme un pays dont le potentiel en gaz de schisteest l’un des plus importants au monde. Dans uneétude publiée en juin 2013 par l’agence gouverne-mentale américaine, l’estimation des ressourcestechniquement récupérables de gaz de schistepour l’Afrique du Sud était de 390 000 milliardsde pieds cubes. Techniquement récupérables nesignifie cependant pas économiquement récupéra-bles.

Selon ces estimations de l’EIA, l’Afrique duSud se classerait au huitième rang mondial entermes de potentiel de gaz de schiste après, parordre décroissant, la Chine, l’Argentine, l’Algérie,les États-Unis, le Canada, le Mexique etl’Australie. L’Afrique du Sud devançait la Russieet le Brésil selon cette même source. Le bassin deKaroo est la zone qui contient les plus importantesressources du pays. Cette région est cependanttrès aride, alors que l’exploration et l’exploitationde gaz de schiste impliquent le recours à la fractu-ration hydraulique, et les coûts pourraient êtreélevés du fait de l’absence d’infrastructures.

L’Afrique du Sud cherche à diversifier sonmix électrique qui est très fortement dominé par lecharbon. Le gaz naturel pourrait jouer un rôleimportant dans cette stratégie de même quel’énergie nucléaire que le gouvernement entendrelancer avec la construction de nouvelles cen-trales. Dans ce contexte, les autorités cherchentdonc à valoriser les ressources de gaz de schiste.

Développements gaziers

Zohr (Égypte) devrait entrer en production d’ici à la fin 2017

La découverte par Eni du champ gazier super-géant de Zohr est fort récente puisqu’elle a étéannoncée le 30 août 2015. Compte tenu de l’enjeuque présente ce gisement pour Eni et pourl’Égypte, tout est fait pour une mise en productionaussi rapide que possible. Celle-ci est prévue d’ici

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la fin de l’année 2017 et le développement sepoursuivra après cette date. D’ici à 2019, la pro-duction de Zohr atteindra son plateau de 75 mil-lions de mètres cubes par jour, soit environ500 000 barils équivalent pétrole par jour, aindiqué Eni. Le potentiel du gisement est estimé à– jusqu’à – 850 milliards de mètres cubes de gaz.Il s’agirait du plus gros champ gazier enMéditerranée, une zone dans laquelle plusieursdécouvertes ont été réalisées dans la périoderécente, notamment dans sa partie orientale(Afrique, Proche-Orient–Israël et Europe–Chypre). Un point très important pour l’Égypte etpour Eni est que, selon la compagnie, Zohr seraitentièrement situé en Égypte et sur le bloc deShorouk, ce qui signifierait que des négociations,parfois difficiles, avec d’autres opérateurs et/ouavec un autre pays ne seraient pas nécessaires.Ceci est, de toute évidence, un atout certain entermes de calendrier et de revenus futurs. Làencore, BP a été présent et a conclu un accordavec Eni en vue d’une prise de participation de10 % dans le permis de Shorouk à un coût de$ 375 millions. La firme russe Rosneft devraitacquérir un intérêt de 30 % sur ce même bloc.

Feu vert pour une première phase de développement de Coral (Mozambique) portant sur 5 Tp.c. de gaz

Les projets de développement gazier au largedu Mozambique progressent. Après la conclusion,au début décembre 2015, d’un accord d’unitisationentre les détenteurs de la Zone offshore 1(Anadarko opérateur) et de la Zone offshore 4 (Eniopérateur), une autre étape a été franchie en 2016avec l’approbation par le gouvernement du plan dedéveloppement de la découverte Coral sur la Zone4. Ce plan prévoit la mise en valeur de 5 000 mil-liards de pieds cubes de gaz (5 trillions de piedscubes), ce qui constitue une première phase pourCoral. Découvert en 2012, Coral contiendrait del’ordre de 16 trillions de pieds cubes de gaz enplace selon Eni. Le groupe italien souligne qu’ils’agit du premier plan de développement approuvépar les autorités dans le bassin de Rovuma danslequel Eni et Anadarko ont réalisé plusieurs décou-vertes gazières de très grande taille.

Pour la première phase de développement deCoral, six puits sous-marins seront forés et uneinstallation FLNG (Floating Liquid Natural Gas)sera construite. Sa capacité sera de 3,4 millions detonnes de GNL par an. BP a signé un contrat pré-voyant l’achat de 100 % de cette future produc-tion pendant plus de vingt ans. ENH estime à $ 40milliards le coût des projets d’exportation de GNLpour ces deux blocs. Par ailleurs, dans le cadred’un protocole d’accord, la Zone 1 fournira initia-lement 100 millions de pieds cubes par jour de gazpour la consommation interne du Mozambique.Ces volumes seront réexaminés ultérieurement.

Angola LNG a redémarré

Parmi les bonnes nouvelles pour ChevronCorporation en 2016 figure la mise en productiondu projet d’exportation de GNL en Angola,Angola LNG. Au début juin, une première car-gaison de GNL a quitté le site de Soyo, dans laprovince de Zaïre au nord du pays, avait indiquéla Sonangol. Chevron détient une participation de36,4 % dans Angola LNG, dont la capacité de pro-duction est de 5,2 millions de tonnes par an. Ils’agit du premier projet de GNL approvisionné engaz associé, selon le groupe américain.

Algérie : In Salah Southern Fieldsen exploitation

Joint-venture entre la Sonatrach (35 %), BP(33,15 %) et Statoil (Norvège, 31,85 %), In SalahGas a commencé à mettre en exploitation, en2016, le projet In Salah Southern Fields (ISSF),qui porte sur la mise en production de quatrechamps gaziers dans la zone d’In Salah. Cesdémarrages permettront à ISG de maintenir à9 milliards de mètres cubes par an la productiondu projet gazier d’In Salah. La décision finaled’investissement pour ISSF avait été prise en2011.

BP est l’un des plus gros investisseurs étran-gers en Algérie. Outre In Salah, le groupe britan-nique est, en effet, engagé dans le projet gazier InAmenas et ses partenaires sont également laSonatrach et Statoil. Les deux projets ont la mêmecapacité de production, soit 9 milliards de mètres

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cubes par an, mais In Salah produit du gaz sec etIn Amenas du gaz humide (gaz plus liquides). InSalah est en exploitation depuis juillet 2004 et InAmenas depuis 2006. Ce second projet avait étévisé par une attaque terroriste en janvier 2013 quiavait conduit à la mort de quarante personnes.

Le projet d’In Salah comprend sept champsgaziers. Trois d’entre eux, dans la partie nord decette zone, Krechba, Teguentour et Reg, sont enproduction depuis 2004. Le projet ISSF porte surles quatre gisements au sud de ceux-ci : GourMahmoud, In Salah, Garet el-Befinat et HassiMoumène. Pour la mise en valeur des champs duSud, vingt-six puits doivent être forés. Ces tra-vaux ont commencé en 2014 et ils se poursuivrontjusqu’en 2018. Les ressources récupérables d’InSalah sont évaluées à 159 milliards de mètrescubes. Le gaz exporté est vendu à la société ita-lienne ENEL.

Nigéria LNG envisage la constructiond’un nouveau train de GNL

Créée en 1989, Nigéria LNG Limited (NLNG)entend construire un septième train de liquéfac-tion du gaz naturel sur le site de son usine deFinima, sur l’île de Bonny (État de Rivers). Leprojet n’est pas nouveau puisqu’il en est question

depuis plusieurs années déjà, mais l’entreprise al’intention d’accélérer les choses en vue d’unedécision finale d’investissement pas trop loin-taine. Le directeur général de NLNG, Tony Attah,a souligné que, bien que le contexte gazier et éner-gétique mondial soit très complexe, la compagnien’avait pas le choix. Il faut progresser et gagnerface à la concurrence et, pour cela, ce septièmetrain est nécessaire, a-t-il estimé. C’est ennovembre 1995 que NLNG avait pris la décisionfinale d’investissement pour l’usine de Finima. Lepremier train, qui est en fait le numéro 2, étaitentré en production en septembre 1999. Un autretrain, le numéro 1, avait suivi en février 2000. Ledernier à ce jour, le numéro 6, est opérationneldepuis décembre 2007.

La capacité actuelle de production de l’usinede liquéfaction de NLNG est de 22 millions detonnes (Mt) de GNL par an et de 5 Mt par an deliquides de gaz naturel à partir de 3,5 milliards depieds cubes par jour de gaz naturel. L’ajout d’unseptième train permettrait à NLNG de produire etde commercialiser 30 Mt par an de GNL. Lesactionnaires de NLNG sont la compagnie natio-nale du Nigéria, la Nigérian National PetroleumCorporation (49 %), Royal Dutch Shell (25,6 %),Total (15 %) et Eni (10,4 %).

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Charbons2016 : prémices de la renaissancedes projets charbonniers en Afrique

L’année 2016 pourrait-elle marquer une rupture dans le lien que le continent afri-cain entretient avec son secteur charbonnier ? Cela n’est pas à exclure. Si l’Afriquene représente qu’à peine plus de 3 % de la production mondiale de charbon vapeur,l’Afrique du Sud n’en demeure pas moins un acteur incontournable sur les mar-chés d’exportation et pourrait, à la faveur de la reprise des cours observée en 2016,bénéficier d’investissements lui permettant de renforcer son rôle stratégique, notamment en Asie. L’important potentiel de demande en électricité du continentet le développement consécutif des centrales à charbon justifient également l’essordes projets charbonniers sur le continent, tout comme les réserves considérablesen charbon vapeur et en charbon à coke, notamment au Mozambique. 2017 devraiten cela être favorable au secteur charbonnier africain, mais ceci dépendra en partiede la capacité de la Chine à pleinement mettre en œuvre sa politique structurellede réduction des capacités de production excédentaires.

Alors que la demande mondiale de charbonest en baisse, le prix du charbon vapeur à l’expor-tation a doublé entre janvier et novembre 2016 etcelui du charbon à coke a presque quadruplé.Après cinq ans de baisse continue des prix et unedemande mondiale en berne, ces formidableshausses peuvent paraître paradoxales. Mais leprix répond à l’équilibre entre l’offre et lademande sur le marché international. Sur cemarché, la Chine joue un rôle primordial. Aprèsdeux années de baisse de ses importations, laChine a, contre toute attente, fortement accru ses

importations en 2016 et est redevenue le premierimportateur mondial de charbon. Cet accroisse-ment n’est pas dû à une hausse de la consomma-tion de charbon du pays, en baisse pour la troi-sième année consécutive, mais à la réforme struc-turelle de l’offre adoptée par le gouvernementchinois pour éliminer les capacités de productionexcédentaires du pays et enrayer la chute du prixdu charbon national. Afin d’accélérer le rééquili-brage du marché, à partir d’avril 2016, le gouver-nement a imposé aux compagnies minières natio-nales une réduction du nombre de jours ouvrés

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dans les mines, de 330 à 276 jours par an. Cetterestriction a entraîné une forte baisse de la pro-duction domestique de charbon et forcé les com-pagnies chinoises à s’approvisionner sur lemarché international. L’accroissement soudaindes importations chinoises a eu pour effet deretourner le marché international d’une situationexcédentaire à un marché tendu, et de fairegrimper les prix internationaux.

Ainsi, le prix du charbon vapeur australien(prix Fob Newcastle, la référence sur le marchémondial) est passé de $ 50/t en janvier 2016 à$ 100 en novembre 2016, avant de redescendre à$ 87 en décembre, après que le gouvernement chi-nois a assoupli sa politique de restriction del’offre. En moyenne annuelle, il s’est accru de15 %, passant de $ 57,5/t en 2015 à $ 66 en 2016.Le prix d’exportation du charbon sud-africain(prix Fob Richards Bay) a suivi la même ten-dance, passant de moins de $ 50/t à la mi-janvier2016 à $ 99,7/t le 9 novembre 2016. Sur le marché

du charbon à coke, la hausse a encore été plusmarquée : le prix spot du charbon à coke austra-lien (prix Fob du Hard Coking Coal) est passé de$ 75/t début 2016 à une pointe de $ 310/t ennovembre 2016, avant de redescendre à moins de$ 200/t à la mi-janvier 2017. Le niveau élevé duprix des charbons (même après la baisse récente)dope les projets d’exportation de charbon enAfrique. L’année 2016 a ainsi vu la renaissancedes projets d’exportation de charbon à coke auMozambique et une augmentation des exporta-tions de charbon vapeur sud-africain au cours desderniers mois de l’année.

La production africaine est dominéepar l’Afrique du Sud

L’Afrique ne représente que 3,3 % de la pro-duction mondiale, avec une production de 266 Mten 2015 et un niveau similaire en 2016, dont 95 %sont produits en Afrique du Sud. Malgré la taillemodeste de sa production, l’Afrique est un acteurimportant sur le marché international : l’Afriquedu Sud est en effet l’un des cinq grands exporta-teurs de charbon vapeur dans le monde, en parti-culier vers l’Inde et l’Europe. Par ailleurs, lesimmenses réserves de charbon à coke duMozambique pourraient en faire un acteur depoids sur ce marché.

Le manque d’investissement dans le secteur charbonnier sud-africain limite la production

En Afrique du Sud, le charbon est vital pourl’économie nationale, le secteur énergétique etl’emploi. La production nationale, environ260 Mt/an, fournit près de 70 % de l’approvision-nement en énergie primaire et 90 % de la produc-tion d’électricité, et est utilisée comme matièrepremière pour la fabrication de carburants. Deplus, l’Afrique du Sud est le cinquième fournis-seur mondial de charbon vapeur et exporteenviron un tiers de sa production. Alors quel’Afrique du Sud était un fournisseur traditionnelde l’Europe, ses exportations sont de plus en plusorientées vers les marchés asiatiques, l’Inde enparticulier, mais également la Corée du Sud

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depuis 2016. La hausse de la demande domestiqueet la baisse de la production ont réduit les expor-tations en 2016 : celles-ci sont en baisse de 4 % à72,5 Mt. L’accroissement des exportations pen-dant le dernier trimestre de l’année n’a pas réussià compenser la forte baisse du premier semestrede l’année. La majeure partie des exportations sefait à partir du terminal charbonnier de RichardsBay (RBCT). Avec une capacité de 91 Mt/an,c’est l’un des plus grands terminaux au monde.Mais l’inadéquation des capacités de transport,principalement par voie ferrée, limite les exporta-tions, qui ont également souffert du manque d’in-vestissement dans le secteur minier et des diffi-cultés opérationnelles dans un secteur très politiséoù les grèves sont récurrentes.

De nouveaux investissements sont prévus. Ilspermettraient à l’Afrique du Sud de servir à la foisson marché intérieur et les besoins à l’exportation.Suite à l’épuisement des réserves des zones deproduction historiques (le Highveld), les effortsd’exploration et de développement se portent surles mines du Waterberg et celles de la province deLimpopo. En particulier, Exxaro, la plus grandesociété minière BEE (black economic empower-ment, le système de discrimination positive mis enplace en 2003) va porter la capacité de sa mine deGrootegeluk de 18 Mt/an à 33 Mt/an pour ali-menter la centrale de Medupi et prévoit égalementde développer la mine de Thabametsi pour ali-menter une nouvelle centrale développée parMarubeni et KEPCO, ainsi que le marché exté-rieur.

Le retrait des minières multinationales du sec-teur charbonnier sud-africain se poursuit. AngloAmerican, présent en Afrique du Sud depuis 1917,a annoncé son intention de se désengager de sesactifs charbonniers et de production de minerai defer en Afrique du Sud afin de concentrer son acti-vité dans le pays sur les métaux rares et précieux.En janvier 2017, la compagnie a présélectionnécinq groupes pour la reprise de trois des septmines de charbon que la compagnie exploite loca-lement. En avril 2016, c’est Glencore Xstrata quiavait vendu sa mine Optimum à TegetaExploration & Resources Ltd et, en 2014, Totalavait cédé à Exxaro ses actifs charbonniers enAfrique du Sud.

Malgré les défis actuels, les sociétés minièressud-africaines bénéficient d’une position straté-gique qui leur permet de servir à la fois le marchéeuropéen et le marché asiatique. Le niveau plusélevé des prix du charbon devrait permettre unereprise de l’investissement minier et une haussede la production et des exportations.

La hausse du prix du charbon à cokedynamise le secteur charbonnier du Mozambique

Le Mozambique dispose de ressources decharbon estimées à plus de 20 Gt, dont d’im-menses ressources de charbon à coke (6,7 Gt) debonne qualité dans la province de Tete. Malgré cepotentiel et l’intérêt des investisseurs étrangers,l’infrastructure de transport a, jusqu’à présent,limité le développement de la production et desexportations de charbon du pays. La hausse desprix du charbon à coke en 2016 permet toutefoisd’entrevoir une accélération des développementsen cours dans le pays.

Le géant minier brésilien Vale est le principalinvestisseur dans le secteur. Il développe la mine deMoatize dans la région de Tete (2,4 Gt de res-sources de charbon à coke), ainsi que l’infrastruc-

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ture de transport associée. Vale est associé dans cesdéveloppements au japonais Mitsui à qui il arevendu une partie de ses actifs miniers et de trans-port dans le pays en 2014 et 2016. Suite à la baissedes prix du charbon à coke, Vale avait dû déprécier,fin 2015, ses actifs locaux de $ 2,4 milliards, maisla hausse du prix en 2016 change la donne. La minede Moatize a une capacité de production de11 Mt/an, mais elle n’a produit que 6 Mt en 2016,suite aux difficultés de transport vers les portsd’exportation. En particulier, la ligne ferroviaire deSena à Beira a été fermée en juin, suite à desattaques répétées contre les trains. La deuxièmephase de développement de Moatize portera lacapacité de production à 22 Mt/an. Vale espèreainsi produire 17 Mt en 2017 et exporter 13 Mt.Pour résoudre les problèmes logistiques, Vale adéveloppé le Corredor Logístico de Nacala (CLN),qui comprend une nouvelle voie ferrée et un ter-minal charbonnier en eau profonde au port deNacala, d’un coût de $ 4,4 milliards. La nouvellevoie ferrée est entrée en service en 2015. À terme,elle permettra d’exporter 18 Mt/an de charbon.

Jindal Africa, une filiale du groupe privéindien Jindal Steel & Power, exploite la mine deChirodzi, d’une capacité de production decharbon à coke de 10 Mt/an, avec une extensionpossible à 20 Mt/an. Les coûts de transport élevéset les prix bas du charbon à coke jusqu’en 2016avaient toutefois conduit Jindal à la fermer. Lahausse récente des prix a cependant permis saréouverture en octobre 2016. Le troisième inves-tisseur dans la province de Tete, InternationalCoal Ventures Private Limited (ICVL), est unesociété créée par le gouvernement indien pourdévelopper des actifs charbonniers à l’étranger(principalement le charbon métallurgique dontl’Inde est dépourvue). ICVL exploite ainsi la minede Benga, acquise en 2014 auprès de Rio Tintopour $ 50 millions, alors que Rio Tinto l’avaitachetée pour près de $ 4 milliards trois annéesplus tôt. Elle dispose d’une capacité actuelle de5,3 Mt/an, mais les difficultés logistiques, entraî-nant une hausse des coûts, avaient égalementforcé ICVL à stopper la production fin 2015.Grâce à la hausse des prix, celle-ci devrait redé-marrer début 2017.

D’autres producteurs se tournent vers lemarché domestique et la production d’électricité.La demande d’électricité du pays est en fortecroissance (15 % par an). Ceci constitue uneopportunité que Ncondezi Energy cherche àexploiter. Contrairement aux autres compagniesminières, Ncondezi Energy, associée à ShanghaiElectric Power (SEP), se concentre sur l’exploita-tion de charbon vapeur pour l’usage national. Lasociété prévoit de construire un système intégrémine-centrale électrique de 1 800 MW, développépar étapes, dans la province de Tete. L’électricitésera vendue à la compagnie d’électricité nationaleElectricidade de Moçambique (EdM). Le finance-ment du projet pourrait être finalisé en 2017($ 1 milliard pour le développement de la mine etla première unité de 300 MW).

Ainsi, après un démarrage difficile, le secteurcharbonnier du Mozambique devrait connaître unnouvel essor, à la fois avec la montée en puissancedes exportations de charbon à coke et l’utilisationdu charbon vapeur pour la production d’électricitédomestique.

2017 promet d’être une année de concrétisation des projets

Grâce à l’augmentation des prix au secondsemestre 2016, la production et les exportationsde charbon africaines sont en hausse sur les der-niers mois de l’année. Cette hausse devrait sepoursuivre en 2017 grâce à des niveaux de prixplus élevés qu’en 2016. Le prix du charbonvapeur devrait baisser par rapport à son niveau denovembre 2016, mais en moyenne, il pourrait aug-menter de 14 % en 2017 à $ 75/t. Celui ducharbon à coke, bien qu’en chute par rapport ausommet atteint en novembre 2016, devrait sesituer en moyenne à $ 186/t en 2017, soit unaccroissement de 63 % par rapport à la moyennede 2016 ($ 14). Étant donné le poids de la Chinesur le commerce international et la difficulté àpiloter la réforme structurelle de l’offre decharbon dans le pays, on peut cependant s’at-tendre à une grande volatilité des prix à courtterme.

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Les projets de nouvelles centrales au charbon se multiplient

Avec un peu moins de 200 Mt, l’Afrique ne consomme que 3 % de la demande mondiale decharbon. Le charbon, toutefois, a assuré 22 % du bilan énergétique du continent en 2015. Sicette part est élevée, elle est presque entièrement due à l’importance du charbon en Afriqueaustrale. Le charbon est également consommé dans d’autres pays africains (Maroc, Égypte,Éthiopie, Mauritanie, Sénégal et Zimbabwe), mais l’Afrique du Sud concentre à elle seule90 % de la demande charbonnière africaine. La montée en puissance des préoccupations envi-ronnementales laisse présager une part décroissante du charbon dans le bilan énergétique afri-cain, bien qu’en termes absolus sa consommation soit appelée à croître. Au cours des dernièresannées, de nombreux projets de centrales au charbon ont ainsi vu le jour, le plus souvent finan-cés par des entreprises publiques ou privées chinoises, mais également japonaises. Le charbon fournit 33 % de l’électricité produite en Afrique, mais cette part excède les 90 %en Afrique du Sud. La capacité installée des centrales au charbon en Afrique a atteint 43 GWen 2016, dominée par l’Afrique du Sud. Les projets actuellement en construction (10 GW) ouplanifiés (39 GW) pourraient doubler cette capacité. En dehors de l’Afrique australe, ceux-cisont basés sur l’importation de charbon. La baisse de la demande internationale de charbon ena fait une solution peu coûteuse pour la production d’électricité, même si les prix se sontredressés. L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) prévoit que la capacité installée au char-bon passera à 80 GW en 2040 et assurera 18 % de la production d’électricité.En Afrique du Sud, la société d’État, Eskom, assure près de 95 % de la production électriquedu pays. La société est en train de construire deux complexes de centrales au charbon au norddu pays : Medupi (inaugurée en septembre 2015 pour la première unité) et Kusile (dont la pre-mière unité va entrer en production en 2017). De nouvelles centrales sont également prévuesdans les deux États d’Afrique australe disposant de réserves importantes de charbon, leMozambique et le Botswana. Au Mozambique, en plus de Ncondezi Energy, d’autres investis-seurs prévoient d’exploiter le charbon vapeur qu’ils produisent comme un sous-produit ducharbon à coke. Le gouvernement a approuvé la construction d’une centrale électrique de600 MW à Moatize par ACWA Power Moatize Termoelectrica (un consortium comprenantACWA Power de l’Arabie Saoudite, Vale et Mitsui) qui utilisera le charbon vapeur de la minede Vale. De même, Jindal prévoit de construire une centrale électrique au charbon pour alimen-ter sa mine de Chirodzi et le réseau de EdM. ICVL a également l’intention de construire unecentrale électrique au charbon de 300 MW pour assurer l’approvisionnement de sa mine deBenga. Au Botswana, depuis l’identification de ressources considérables, estimées à 21 Gt, legouvernement soutient activement le développement du secteur charbonnier afin de diversifierl’économie du pays et réduire sa dépendance aux exportations de diamants. Le Botswana viseainsi à devenir un exportateur net d’électricité, produite à partir du charbon, et à résoudre lesproblèmes récurrents d’approvisionnement en électricité de la région. Actuellement, la pro-duction de charbon du pays est marginale (2,3 Mt en 2016) et alimente la centrale électriquede Morupule, qui connaît des difficultés techniques. D’autres projets sont cependant en cours,dont ceux de Shumba Energy (anciennement Shumba Coal), visant à développer deux cen-trales thermiques alimentées au charbon : la centrale électrique indépendante de Mabesekwa(600 MW destinés à l’exportation) et celle de Sechaba (300 MW). Africa Energy, de son côté,développe un projet intégré dans la région de Mmamabula et First Quantum Minerals (FQM)développe un projet de centrale de 300 MW à Sese. Le Zimbabwe devrait également se doterd’une centrale électrique au charbon de 600 MW, d’un coût de $ 1,2 milliard, dont la construc-

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tion doit commencer au cours du premier trimestre 2017. La centrale sera construite par ChinaState Construction Engineering Corp Ltd et financée par des capitaux chinois. Un projet de 1,2 GW est prévu par Zuma Energy à Okobo au Nigéria et une centrale de 2 GWsera développée sur la côte ghanéenne par la compagnie chinoise Shenzhen Energy Corp. etVolta River Authority du Ghana. Plus récemment, Power China et deux entreprises kenyanes,Gulf Energy et Centrum, ont annoncé un projet de centrale à charbon de 1 050 MW à Lamu surla côte kényane, au cœur d’un nouveau complexe portuaire et industriel. Un prêt de $ 1,2 mil-liard a été convenu avec la Banque industrielle et commerciale de Chine (Industrial and Com-mercial Bank of China ou ICBC). Toutefois, dans ce cas, l’Autorité de régulation de l’énergie duKenya a rejeté la demande de licence du projet. En Côte d’Ivoire, le gouvernement a approuvéla construction de la centrale au charbon de 700 MW proposée par S. ENERGIES à San Pedro.La construction devrait commencer en 2017 pour une mise en service prévue en 2020-2021.En Afrique du Nord, le Maroc, qui a importé 7,5 Mt de charbon en 2016, est en train deconstruire deux nouvelles centrales thermiques ultra-supercritiques à Safi, dont le démarrageest prévu en 2018. L’Égypte prévoit quant à elle de développer considérablement sa capacitéde production électrique au charbon au cours des 15 prochaines années. Bien que le pays nedispose pas actuellement de centrales au charbon, des projets sont ainsi en cours pour porter lacontribution du charbon à 15 % de la production d’électricité d’ici à 2030, derrière le gaz natu-rel et le diesel (49 %) et les énergies renouvelables (29 %). Le gaz et le diesel (que l’Égypteessaye de remplacer) assurent actuellement 70 % de la production d’électricité du pays. Desaccords portant sur la construction de centrales au charbon d’une capacité d’environ 19 GWont été signés en 2015. D’ici 2022, il était prévu d’attribuer des contrats pour la constructionde 12,5 GW de capacités thermiques au charbon. Il faut toutefois noter que les récentes décou-vertes majeures de gaz, au large des côtes égyptiennes, pourraient remettre en cause un certainnombre de ces projets.

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Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V • Les collaborateurs de Cyclope 2017. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII

L’Afrique et les marchés mondiaux de matières premières. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XI

Première partie : Les mutations structurelles du continent africain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

La croissance économique mondiale en 2016 : bilan et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

Chapitre I Évolution du prix des matières premières et perspectives macroéconomiques africaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13

Chapitre II Ressources naturelles et réalités géopolitiques du continent africain . . . . . . . . . . . . . . .27

Chapitre III Financements multilatéraux, dépenses d’infrastructures et politiques d’investissements dans le secteur des matières premières en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35

Chapitre IV Organisation du commerce mondial, sécurité alimentaire et politiques agricoles africaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47

Chapitre V Réformes des codes miniers et évolution de l’environnement réglementaire des secteurs extractifs en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .59

Chapitre VI Énergies renouvelables et non renouvelables : comment renforcer l'électrification du continent africain ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .71

Deuxième partie : Les grands marchés de l’Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

I Grains et agriculture tempérée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 – Céréales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 – Riz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 – Coton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

II Produits tropicaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 – Café . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 – Cacao . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 – Sucre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 – Thé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 – Vanille. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

Table des matières

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252 / Table des matères

– Fruits tropicaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144 – Sisal et fibres dures. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 – Bois tropicaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154

III Produits animaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 – Produits de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 – Viandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169

IV Minerais, métaux et engrais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 • Fer et métaux non ferreux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 – Minerai de fer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173 – Bauxite et aluminium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 – Cuivre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189 • Les petits métaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197 – Césium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201 – Chrome . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203 – Cobalt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204 – Manganèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207 – Tantale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208 – Vanadium. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209 – Zirconium et hafnium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211 • Les métaux précieux et diamants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214 • Engrais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223

V Énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229 – Pétrole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230 – Gaz naturel et GNL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238 – Charbons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245

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THINK • STIMULATE • BRIDGE

CYCL O PE

ARCADIAAnnual Report on Commodity Analytics and Dynamics in Africa

C’est le visage d’une Afrique légèrement rassérénée qui estapparu en 2016. Si la croissance mondiale est restée assezterne et le commerce international atone, le rebond des prixde nombreuses matières premières et le maintien d’unedynamique d’investissement ont, en e�et, quelque peu

sou�lé sur les nuages menaçants qui avaient obscurci le cielde son économie en 2015. Une légère embellie donc qui illustre

la résilience dont ont fait preuve nombre de pays africains maisqui ne peut faire oublier que l’hétérogénéité du continent demeure,

tant au regard des performances économiques des pays qui le composentque de la conjoncture des di�érents marchés de commodités (agricoles,minérales, énergétiques) auxquels il est exposé.Une année 2016 qui a, par ailleurs, été marquée par des évènements poli-tiques ou géopolitiques majeurs dont les conséquences ne peuvent êtrenégligées. Car s’intéresser à l’Afrique et les marchés mondiaux de matièrespremières, c’est embrasser d’un même regard la réalité des marchés ducacao ou du café, celui du minerai de fer, du pétrole, du gaz, du cuivre oudu phosphate tout en observant avec acuité les mutations structurellesdu continent. C’est pouvoir apprécier le développement économique denombreux pays africains sans oublier l’importance des dé�s économiques,logistiques ou humains que le continent se doit encore de relever. C’estaussi pouvoir multiplier et croiser les analyses, qu’elles soient écono-miques, juridiques, �nancières ou géopolitiques: l’approche que le rapportArcadia tente, précisément, de développer au travers, notamment, de seschapitres sur la sécurité alimentaire et les politiques agricoles africaines,sur le �nancement des économies africaines, sur la géopolitique régionale,sur la réforme des codes miniers ou sur la question essentielle de l’électri�-cation du continent.L’Annual Report on Commodity Analytics and Dynamics in Africa (Arcadia)est rédigé par une trentaine d’experts internationaux sous la directionde Philippe Chalmin, Professeur à l’Université Paris Dauphine et YvesJégourel, maître de conférences à l’Université de Bordeaux et Senior Fellowà l’OCP Policy Center. Le rapport Arcadia s’inscrit dans le cadre d’une colla-boration entre CyclOpe et l’OCP Policy Center.

L’Afriqueet lesmarchés mondiauxde matières premières

L’Afrique et les m

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2017 2017

sous la direction dePhilippe Chalminet Yves Jégourel

ARCADIAAnnual Reporton CommodityAnalytics andDynamicsin Africa

CYCL O PE

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ISBN OCP Policy Center :978-9954-9636-8-5

ISBN Economica :978-2-7178-6977-449 €

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