a/r magazine juillet/aout

47
N°01 / juillet — août 2010 Magazine voyageur juillet – août 2010 ALLER RETOUR N°01 L’ENTRETIEN : Dominique A L’appel du Groenland DURABLE NATIONALE 7 Comme un goût d’Amérique ISTANBUL Bouillon de culture CARPATES Le génie des sentiers 20 pages d’actus et voyages écolos pour partir autrement Dans ce numéro : À la loupe : Le greenwashing Népal : Parc National de Bardia France : Vacances de wwoof Eastern Cape AFRIQUE DU SUD Devoir de réserve PASSE À TON VOISIN: NOS BONS PLANS / ARCHI: LONDRES 2012 / WEEK-END: CHAMPAGNE-ARDENNE & ROTTERDAM / HAUTE TENSION: YÉMEN / L’ART ET LA MANIÈRE: LE KÔ-DÔ AU JAPON / DANS LE RÉTRO: LA PLAGE EN 36 / PÉTAOUCHNOK: MORTEL ENNUI À TICHIT / TOURISTA : ÉVITEZ OSTROG / MIAM-MIAM : SAVEURS D’AILLEURS / LE GUIDE DU QUEUTARD : RIO, C’EST VRAIMENT CHAUD ? NOUVEAU !

Upload: ar-magazine-voyageur

Post on 22-Mar-2016

226 views

Category:

Documents


2 download

DESCRIPTION

Voici le tout premier numéro de A/R Magazine voyageur, un aller-retour qui donne envie de voyager près de chez soi comme aux antipodes, quis’intéresse aux destinations improbables, aux galères qui pimentent les voyages, aux voyageurs ayant trouvé leur eldorado, un magazine qui accorde une place de choix au tourisme durable.

TRANSCRIPT

Page 1: A/R Magazine Juillet/Aout

N°01 / juillet — août 2010

Magazine voyageur juillet – août 2010

ALLERRETOUR

N°01

L’ENTRETIEN : Dominique AL’appel du Groenland

DURABLE

NATIONALE 7Comme un goût d’Amérique

ISTANBULBouillon de culture

CARPATESLe génie des sentiers

20 pages d’actus et voyages écolos pour partir autrement

Dans ce numéro : À la loupe : Le greenwashingNépal : Parc National de Bardia France : Vacances de wwoof

Eastern Cape

AFRIQUE DU SUDDevoir de réserve

PASSE À TON VOISIN : NOS BONS PLANS / ARCHI : LONDRES 2012 / WEEK-END : CHAMPAGNE-ARDENNE & ROTTERDAM / HAUTE TENSION : YÉMEN / L’ART ET LA MANIÈRE : LE KÔ-DÔ AU JAPON / DANS LE RÉTRO : LA PLAGE EN 36 / PÉTAOUCHNOK : MORTEL ENNUI À TICHIT / TOURISTA : ÉVITEZ OSTROG / MIAM-MIAM : SAVEURS D’AILLEURS / LE GUIDE DU QUEUTARD : RIO, C’EST VRAIMENT CHAUD ?

NOUVEAU !

Page 2: A/R Magazine Juillet/Aout

juillet — août 2010/ N°01

4 — A/R magazine voyageur

011 — 029

CARNETSActus : 011Quoi de neuf sur la planète ?Bric-à-Brac : 013Des objets utiles et futilesPasse à ton voisin : 015Des adresses France et mondeL’entretien : 019Dominique A, l'appel du GroenlandCulture : 023La Terre vue de chez moiArchi : 027Londres et RomeHaute Tension : 029Yémen, entre pétrole et djihad

033 — 084

PARTIRWeek-end Champagne-Ardenne 033Rotterdam 035Naionale 7 037Comme un goût d’AmériqueIstanbul 047Bouillon de culture sur le BosphoreAfrique du Sud 055Eastern Cape : devoir de réserveCarpates 069Randonnée à couper le souffle

L’entretien : Dominique AP.19

Istanbul : Bouillon de cultureP.47

Archi : Zaha Hadid à RomeP.27

Carpates : une randonnée européenneP.69

SOMMAIRE (MAIS COMPLET)

juillet – août 2010

Voyage à la carte : 005Nos destinationsRegards : 007Ludovic Maillard & Aurélien Chauvaud

Page 3: A/R Magazine Juillet/Aout

N°01 / juillet — août 2010

A/R magazine voyageur

— 5

Contributeurs :Gwenaëlle Abolivier (GA), Patrick Bard (PB), Ghislaine Bras (GB), Marc Delahaye (MD), Laurent Delmas (LD), Jean-Luc Eyguesier (JLE), Antonio Fischetti (AF), Laure Fissore (LF), Laurence Giordano (LG), Ariane Lavrilleux (AL), Sophie Blanchard (SB), Bruno Levaughien (BL), Sandra Menet (SM), Yann Pabu (YP), Anne Pastor (AP), Anne-Cécile Perrin (ACP), Matthieu Raffard (MR), Albert Zadar (AZ).

Kô-Dô : la voie de l’encensP.109

Miam-miam : Lime KaffirP.119

087 — 106

DURABLEActus : 087Nouvelles fraîches mais durablesLes adresses de Viatao : 089Des adresses testées pour durerDe l’air : 091Petites distances, grands plaisirsParc National : 093Bardia National Park / NépalBonjour les dégâts : 098Avalanche de bêtises sur l’EverestEnquête : 099Greenwashing sur le tourismeC’est quelqu’un ! : 101Lucile Girard et son écogîtePassage à l’acte : 104Vacances de Wwoof

109 — 127

BAZARL’art et les manières : 109Le Kô-Dô, la voie de l’encens Heureux qui comme : 111Le tour du monde en pouce pouceAller simple : 112Ces voyageurs qui sont restés là-basPétaouchnok : 113Tichit / MauritanieTourista : 114Monastère d’Ostrog / MonténégroDans le rétro : 115C’est l’amour à la plageLe guide du queutard : 116Qu’il fait chaud à Rio !Questions pratiques : 117Avant de boucler sa valiseBien être : 118Détente dans un monde d’agitésMiam-miam : 119Goûts et saveurs d’ailleursPhoto : 123Nouveautés, techniques, regardsCarnettiste : 125Laure Fissore / RussieJe vous écris de : 127Patrick Bard chez les Kichwas

Bardia National ParkP.96

Vacances de wwoofP.106

Page 4: A/R Magazine Juillet/Aout

juillet — août 2010/ N°01

02 Nationale 7 / FranceMatthieu Raffard & Albéric d’Hardivilliers

Pour Albéric et Matthieu, la Nationale 7 est aussi une manière de prendre la route 66. Derrière les platanes et les andouillettes moutarde se cache une route au goût étran-gement américain : vieilles stations essence, lumière cali-forniennes, palmiers de Floride perdus sur la Côte d’Azur … Partez sur la route des vacances chantée par Trenet pour un vrai road-trip à la française.Partir / P.037

04 Istanbul / TurquieYann Pabu

L’art se moque des frontières. Istanbul, l’Européenne ? Istanbul, l’Asiatique ? Qu’importe ! Istanbul la noctambule chahute ses palais endormis, tourneboule les bords du Bosphore, invite les artistes contemporains, dans ses rues, dans ses ports, jusqu’au fond de la Corne d’Or. Yann en rêve encore.Partir / P.047

01 Brésil / Amérique LatineAntonio Fischetti

Brésil, Si ! Textile, No ! Un fil suffit aux Brésiliennes pour aller à la plage, guère plus pour se promener en ville. Il faut dire qu’il fait chaud et c’est avec un grand naturel qu’elles affichent leurs corps. Faut-il en conclure qu’elles ne sont pas très farouches ? Antonio a voulu en avoir le coeur net et nous donne quelques conseils pour rentabiliser notre séjour sur place.Bazar / P.016

03 Carpates / EuropeChristophe Migeon

Dans les Carpates, Christophe n’a pas vu l’ours mais des écriteaux signalant sa présence. C’est peut-être mieux comme ça. Sans plantigrade aux basques, il a eu le loisir de découvrir des montagnes secrètes à cheval sur quatre pays où le temps prend son temps. Trois semaines à user ses souliers et quelquefois son gosier dans un décor champêtre surrané. Partir / P.069

VOYAGES À LA CARTE—Illustration :Guillaume Reynard

01

6 — A/R magazine voyageur

ALLERRETOUR

N°01

Page 5: A/R Magazine Juillet/Aout

N°01 / juillet — août 2010

06 Bardia National Park / NépalGhislaine Bras

À un endroit où le Népal ne s’élève pas au dessus de l’al-titude de Clermont-Ferrand, Ghislaine a exploré la jungle du Parc national de Bardia à pied faisant toute confiance à Shree, le guide qui repousse les tigres avec son bâton et conseille de courir en zigzagant pour échapper au rhi-nocéros bigleux. Durable / P.093

05 Eastern Cape / Afrique du SudChristophe Migeon

Dans le sud de l’Afrique, on ne fait pas que jouer au ballon. À Amakhala, une poignée de familles d’agriculteurs ont mis en commun leurs terres pour en faire une grande réserve privée. Les vaches et les moutons ont cédé la place aux guépards et aux zèbres. Notre Migeon voya-geur y apprend que le lion est en solde et que le cours du buffle s’envole.Partir / P.055

03 04 06

05

02

A/R magazine voyageur

— 7

Page 6: A/R Magazine Juillet/Aout

juillet — août 2010/ N°01

Éthiopie

8 — A/R magazine voyageur

REGARDS DE PHOTOGRAPHES—

Ludovic Maillard—Ludovic collabore depuis 2006 avec le journal quotidien Le Monde pourlequel il réalise des chroniques photographiques : "la banlieue à pied","les congés photographiés", "Françaises, Français…". Son travail a étéprésenté à Arles et à la Maison Européenne de la Photographie. Il travailleaussi pour les magazines Regards, Le Point, Photo-Nouvelles, Écran etQuantara. En 2009, il a créé le collectif Babel-photo.www.ludovicmaillard.com

Page 7: A/R Magazine Juillet/Aout

10 — A/R magazine voyageur / PARTIR

juillet — août 2010/ N°01

Odessa / UkrainePar Matthieu Raffard & Albéric d’Hardivilliers

Abonnez-vous sur www.ar-mag.fr6 numéros / 27,50 !

EN SEPTEMBREDANS VOTRE MAGAZINE—septembre — octobre 2010 En vente dès le 20 août

Complétez votre bulletin d'abonnement en pages 32 et 125et recevez votre exemplaire

Page 8: A/R Magazine Juillet/Aout

010 — 025 Actus

du voyage

010 — 025 L'entretien :

Dominique A

010 — 025 La Terre vue de chez moi

010 — 025 Archi :

Rome & Londres

CA RNET

CARNET / A/R mag

— 11

Page 9: A/R Magazine Juillet/Aout

12 — A/R magazine voyageur / CARNETS

juillet — août 2010/ N°01

Thandiwe January-McLeanPrésidente du Comité sud-africain du Tourisme,

à propos de la Coupe du Monde.

MoaiLE NOM D’UN VOYAGEUR IMMOBILE

Un géant de pierre de l’île de Pâques qui devait venir à Paris pour séjourner 15 jours dans le jardin des Tuileries au mois de mai est finalement resté chez lui à la demande expresse des autochtones qui ne voulaient pas s’en séparer. Pour le voir, lui et ses semblables (838 au total), il ne reste plus qu’à se rendre au milieu du Pacifique à 3 700 km

de la côte chilienne qui est la terre la plus proche.

VÉLOS MIS EN LIBRE-SERVICE À LONDRESÀ compter du 31 juillet et 3 ans après Paris, la Vélib’ Touch séduit les Londoniens. « Des légions de gens vont se convertir au plaisir de l’énergie à pédales » selon Boris Johnson, le maire de la capitale. Alors ? Bicycle or double-decker bus ? That is the question.

+ BIRMANIELa Birmanie s’est assouplieen ce qui concerne la délivrance des visas de tourisme.Depuis le 1er mai 2010, les visas peuvent être obtenus contre 24 ! à l’aéroport de Rangoonà condition d’être en possession de son passeport valide six mois après la date du retour, de son billet d’avion retour et d’une somme d’au moins 300 $.

ACTUALITÉS DU VOYAGE

6 000

Rangoon

1979 : première édition du guide Lonely Planet Birmanie.1990 : élections démocratiques remportées par la Ligue. Nationale pour la Démocratie (LND) puis annulées par la Junte au pouvoir depuis 1962.1991 : Aung San Suu Kyi, leader de la LND et privée de liberté reçoit le Prix Nobel de la paix.

2000 : appel au boycott de tous les guides Lonely Planet tant que le titre Birmanie n’est pas retiré de la vente.2007 : révolte des bonzes et répression par la Junte. Appels réitérés au boycott de la Birmanie comme destination touristique par différentes ONG et personnalités.

QUOI DE NEUFSUR LA PLANÈTE ?

AU DÉPART,NOUS PENSIONS

RECEVOIR 450 000VISITEURS,PUIS 375 000

ET MAINTENANT SEULEMENT

250 000.

Page 10: A/R Magazine Juillet/Aout

16 — A/R magazine voyageur / CARNETS

juillet — août 2010/ N°01

04

03

01

02

8 ADRESSESDANS L’HEXAGONE

PASSE À TON VOISIN

01 – ÇA CALEBlainville-sur-Mer (50)

Face à la mer. De l’extérieuron dirait un hangar, à l’intérieur cela ressemble à une cantochequi aurait été décorée par un antiquaire aux goûts diverset (a)variés. Et puis de grandes tablées et un patron expansif qui distribue à la volée de plantureuses moules-frites. Brouhaha, bonne humeur et bonnes assiettes.Voir le Cotentin sans passerà La Cale, c’est pêché.

02 – Jardin d’orRayol-Canadel (83)

Sur la corniche des Maures, au-dessusdes flots bleus, il reste une côte sauvagequi appartient au Conservatoire Nationaldu Littoral. Ce dernier a ainsi confié au paysagiste Gilles Clément le soin de créer dans le domaine du Rayol un jardin des Méditerranées qui évoque les paysageset toute la flore que l’on rencontre dansles contrées au doux climat méditerranéen. La balade nous promène donc des rives de la Méditerranée jusqu’en Californie, Australie, Afrique du Sud ou Chili avec quelques détours par des ambiances plus luxuriantes d’Amérique et d’Asie subtropicales pour,en été, apporter des touches de couleur.www.domainedurayol.org

03 – On dortCharleville-Mézières (08)

À deux pas seulement de la place dela gare où s’ennuyait ferme Rimbaud,l’ancien bâtiment du magazine hebdoL’Usine Nouvelle s’est métamorphoséen un superbe hôtel nommé, avec à propos, Le Dormeur du Val. Avec un bar, on aurait eu droit au Bateau Ivre. Un hôtel qui ne manque pas de surprendre parsa déco résolument contemporaine et pleine d’audace : couleurs pétantes, mobilier design, matériaux comme le béton ciré ou le plexiglas. Dans les Ardennes, Le Dormeur du Val, c’est spécial. Même à Londres ou Bruxelles, ils n’ont pas encore ça chez eux.www.dormeur.fr

Page 11: A/R Magazine Juillet/Aout

18 — A/R magazine voyageur / CARNETS

juillet — août 2010/ N°01

01

04

03

8 ADRESSESSUR LA PLANÈTE

02

PASSE À TON VOISIN

01 – Itinéraire bisNorvège

« Nous ne faisons pas seulementde belles constructions. Nous modelons le paysage » disait l’un des membresde cette nouvelle vague de jeunes architectes norvégiens qui, depuis quelques années, surprend son monde avec des réalisations particulièrement audacieuses. L’État norvégien a fait appel à leur imagination débridée pour faire revivre un réseau de petites routes secondaires oubliées des Norvégiens : en intégrant dans le paysage des projets originaux, les artistes concoctentun nouveau champ d’expérimentation pour un dialogue avec la nature…www.visitnorway.com

02 – L’ombre du volcanLombok / Indonésie

Au cœur de l’archipel indonésien,l’île de Lombok somnole dans l’ombrede sa rivale et voisine Bali. Les amateurs d’ascension sportive viendront grimper le Rinjani, formidable volcan de 3 700 m situé plus au nord. Après cet bel effort,ils pourront se reposer sur la côte ouest dans la très belle maison d’hôte ouvertepar un couple de Français, Dominiqueet Thierry. Dans un cadre privilégiéet surplombant la mer, Segara Villasse compose de deux villas de deux et trois chambres meublées avec recherche dans un style épuré. Chambres à partir de 40 " la nuit, petit-déjeuner inclus.www.segaravillas.com

03 – CHEZ EUGENETTELes Saintes / Guadeloupe

Eugenette cède-t-elle à la tentation de goûter les plats créoles qu’elle prépare ? Sa taille généreuse semble répondre oui, mais qui pourrait lui reprocher ? Sur la terrasse jaune citron située en surplomb de la plage de Grande-Anse, on se régale de poissons, langoustes et accras avant de piquer une tête. Seul resto de Terre de Bas, petite île encore méconnue de la Guadeloupe.

REHAUSSER

Page 12: A/R Magazine Juillet/Aout

20 — A/R magazine voyageur / CARNETS

juillet — août 2010/ N°01

DOMINIQUE

A/R : Peu de Français se baladentau Groenland, encore moins des chanteurs. Comment cette terre glacée a croisé votre route ?Dominique A : C’est un peu le fait du hasard. Au cours d’un voyage en Islande j’étais tombé sur une brochure vantant les charmes du Groenland et je m’étais dit tout simplement, comme plein de gens : tiens donc, y a de la terre là-bas ! Car honnêtement je croyais que c’était seulement un bout de glaçon.En tout cas, c’est resté dans un coin de ma tête jusqu’au jour du premier voyage en 2005. J’y suis allé avec ma compagne et nous sommes tombés en pâmoison avec, au fond de nous, le sentiment très étrange et un peu gonflé quand même pour des touristes de ne pas jurer dans le paysage, d’être non pas du coin – ça serait un peu présomptueux, mais en tout cas de se sentir légitimes.J’ai fait plein de voyages, non pas aux quatre coins du monde mais quand même assez loin, où j’avais vraiment l’impression d’être une pièce rappor-tée qui n’avait rien à faire là et qui avait même tout intérêt à en partir le plus vite possible. Et là, je ressentais exactement tout le contraire.

Comment expliquez-vous alorscette sensation de familiarité ?J’en sais rien. L’immensité de l’espace, la majesté du paysage, des pierres qui vous parlent de temps millénaires, la sensation d’être au premier matin du monde. Chaque jour amène son lot de surprises visuelles… quand la brume veut bien se lever évidemment.

Y êtes-vous allé en toutes saisons ?Non, seulement en été. Je ne suis pas un explorateur. Ce qui est frappant quand on arrive là-bas, c’est le vert. Le Groen-land cela veut dire Greenland et le sud du pays est effectivement très vert en été. Par -30 °C, il ne faut pas compter sur moi et la banquise ne m’attire pas plus que ça. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport à l’espace, aux paysages.

Vous y retournez chaque année ?J’y suis allé quatre fois depuis 2005. Une dernière fois cet été, un petit peu plus longtemps que d’habitude. Je suis allé surtout au sud. Vraiment un des coins qui me marque. À l’extrême sud, il y a Nanortalik, un lieu qui a fait l’ob-jet d’une chanson. Au bout d’un fjord, on rejoint des paysages qui évoquent,

paraît-il, la Patagonie avec des cimes très acérées, des reliefs très accentués, des grands à-pics. Au Groenland, on sent le déchirement de la terre, la pla-nète a hurlé à cet endroit.

Et cette chanson Nanortalik,vous l’avez écrite là-bas ?Quand je suis arrivé à Nanortalik, je me suis dit : je vais faire une chanson qui va s’appeler Nanortalik. Je l’ai com-mencée là-bas. J’adorais les sonorités de ce mot qui veut dire en inuktitut « là où sont les ours polaires », ce qui est très bizarre d’ailleurs car ce n’est pas vraiment leur coin. J’avais aussi envie de parler de l’envie d’un ailleurs. Et le lieu est d’une beauté renversante !

Burano, Valparaíso, voici d’autreslieux qui vous ont inspiré ?Oui. Des lieux où quelquefois j’ai mis les pieds à peine plus de deux heures mais ça peut suffire. On sent une proxi-mité immédiate avec l’endroit, légitime-ment ou pas, encore une fois, et naissent des images et l’envie de raconter une histoire. En me baladant dans les rues de Valparaíso, je trouvais que c’était un lieu de drame, d’histoire amoureuse.Burano, c’est lié au mot lui-même car si le mot n’est pas beau à chanter, je ne le chante pas. Des endroits sublimes en Écosse n’ont pas donné de chansons car leur nom ne m’inspirait absolument rien.

Des livres vous donnent-ils eux aussi envie de voyager ?Le dernier exemple, c’est un voyage aux îles Féroé qui a été impulsé par la lecture d’un roman écrit par Jorgen-Frantz Jacobsen, un Féroïen. Le titre : Barbara. Un classique là-bas. L’histoire évoque une femme fatale bouffeuse de pasteurs. Je suis arrivé un soir de fête nationale, exactement comme dans une scène clé du bouquin. Je vivais comme une hallucination. Ce que je voyais se télescopait avec mes impres-sions de lecture. L’histoire s’est pour-suivie à mon retour. À la suite d’un papier dans lequel je suppliais l’éditeur de rééditer l’ouvrage, au cas où il se trouverait épuisé, les éditions Actes Sud m’ont demandé une préface à la nou-velle édition. Enchaînement génial où un livre occasionne un voyage qui lui-même redonne naissance à ce livre.

Propos recueillis par:Michel FonovichPhotographies :

Maria Mochnacz

A PART DANS LE PAYSAGE DE LA CHANSON FRANÇAISE,

DOMINIQUE A BÂTIT SON ŒUVRE À L’ABRI DES MODES.

QUAND IL N’EST PAS CHEZ LUI OU SUR SCÈNE, DOMINIQUE A

PART À LA RECHERCHE DE GRANDS ESPACES.

DEPUIS LONGTEMPS SA BOUSSOLE POINTE VERS LE NORD.

LE GROENLAND EST SON DERNIER AILLEURS.

« L’APPEL DU GROENLAND »

L’ENTRETIEN

Page 13: A/R Magazine Juillet/Aout

AU GROENLAND, ON SENT LE DÉCHIREMENT DE LA TERRE, LA PLANÈTE A HURLÉ À CET ENDROIT.

Page 14: A/R Magazine Juillet/Aout

24 — A/R magazine voyageur / CARNETS

juillet — août 2010/ N°01

LA TERREVUE DE CHEZ MOI—

CULTURE

Récit La martre et le léopard, Carnets d’un voyage en Croatie Jean-Marie Laclavetine Gallimard

Jean-Marie Laclavetine a arpenté la Croatie en 2009 durant le joli mois de septembre. Nul doute qu’il y retournera, si ce n’est déjà fait. Car il est tombé sous le charme de ce pays somptueux qui compte « presque autant d’îles que d’habitants ». Exagéra-tion touchante à mettre sur le compte de la passion. En revanche, il n’exagère pas quand, à propos des femmes croates, il affirme drôlement qu’elles sont anormalement belles. Et de préciser : « C’est en tout cas un fait scientifiquement prouvé, du moins le résultat d’une étude approfondie sur un échantillon très large, corroboré par ma propre compagne, c’est dire l’objectivité de la chose : la proportion de belles femmes est ici proportionnelle-ment plus élevée qu’ailleurs. »

Un livre comme un carnet de balade où il relate ses visites, ses rencontres et ses discussions souvent accompagnées de libations comme il se doit en Croatie. Et il serait vraiment dom-mage, l’auteur nous le fait bien comprendre, de ne pas tremper ses lèvres dans la mousse d’une Karlovacko ou de ne pas goû-ter un vin dalmate, postup ou grk. Grk, un tel concentré de consonnes peut surprendre, tout comme la langue croate et ses « déclinaisons déloyales destinées à désorienter l’étranger ».

Jean-Marie Laclavetine s’en amuse comme il s’amuse des terrasses de café toujours pleines en milieu de journée ou d’un hôtel de luxe où errent quelques riches. Mais le ton s’assombrit quand il évoque, par endroits, la terrible guerre de Yougoslavie et ses séquelles. Le livre refermé, on se dit qu’il ne se passera pas longtemps avant qu’on aille en Croatie. / Michel Fonovich

Au bord du mondeAstrid WendlandtRobert LaffontCarnet de voyage d’unejeune franco-canadienne, journaliste, sillonnant la toundra à la recherche des Nenets. De tchoum en tchoum (tentes en peau de renne), elle poursuit une quête spirituelle. Son désir à elle : approcher des « portesdu monde », au contact d’un peuple premier, idéalisé qui, espère-t-elle, aurait échappé à la civilisation occidentale. Un récit émouvant. / AL

1001 nuits insolites Denise CabelliDakota éditionsEt si vous passiez la nuit calfeutré dans un igloo, perché en haut d’un arbreou sous terre à l’abri des regards ? La spécialistede l’hébergement insolite recense tous les endroits incongrus où crécher en France et sur le globe. Des roulottes, gares, pigeonniers, tipiset autres phares, il y en apour tous les budgets.De 30 " la nuit, dans une tente suspendue, à 120 "sur une péniche. / AL

Les fous du campingJean-Marc GourdonCastor&polluxLoin des clichés du camping surpeuplé portant sur les nerfs, J.-M. Gourdon nous promène à travers une galerie de portraits rieurs. Du bouliste aux as de l’impro qui oublient leur tente et leur glacière, chacun a une anecdote, une photo, un souvenir à partager. Un livre fouillé et fouillis qui a des airs d’album de vacances avec sa panoplie d’images etde pubs sorties tout droit des années 1960. / AL

Voyager sansse faire plumerBernard PichonFavreVoyager, c’est s’aventurer, découvrir, se perdre parfois…et quelquefois aussi se faire arnaquer ! Le globe-trotteuret journaliste, Bernard Pichon,nous aide ainsi à repérer les petites (et les très grandes) entourloupes et à nous en dépêtrer avec la manière.À lire avec modération pour ne pas tourner trop parano.À lire sans aucune modérationpour les dessins désopilantsde Mix & Remix. / AL

Page 15: A/R Magazine Juillet/Aout

CARNETS / A/R magazine voyageur — 29

N°01 / juillet — août 2010

Zaha Hadi,impératrice architecte

02

03

04

MAXXI : PERLE CONTEMPORAINERome / Italie—Depuis quand la modernité provocante n’avait-elle pas soufflé sur Rome alanguie dans sa splendeur, ses vestiges antiques, ses merveilles baroques et sa lumière incomparable ? Le Maxxi, musée national d’art du XXIe siècle fait donc figure de bombe dans la capitale italienne.Un nouveau lieu immanquable dans une ville qui n’en manque pas…Zaha Hadid signe le monument dont l’architecture à elle seule vaut le dépla-cement. La Britannique s’est surpassée avec cette cohabitation chaotique d’angles aigus et de rondeurs apaisantes offrant une surface de 21 000 m2 dont 10 000 m2 d’exposition.À la radicalité du béton répond la sophistication de l’éclairage zénithal offert par un dispositif complexe intégrant stores et toiles d’acier pour réguler la température et protéger les œuvres du fier soleil romain.À l’intérieur, les couloirs sinueux, les galeries longilignes et les escaliers métalliques s’entremêlent avec maestria. Dédié à l’art contemporain et à l’architecture, le Maxxi a été ouvert au public le 30 mai avec "Spazio ! " (Espace), un parcours intérieur et extérieur où les œuvres de la collection créent des correspondances avec le bâtiment.

Née voilà 60 ans en Irak, c’est à Londres que Zaha Hadid s’est formée, puis installée pour imposer sa marque dans le monde plutôt fermé et masculin de l’architecture internationale. À la fois radicale, complexe et coûteuse, son architecture a mis du temps à trouver preneur. Il faut attendre 1994 pour que la firme de design Vitra l’impose avec une caserne des pompiers à Weil am Rhein en Allemagne. Le charme et l’audace de ce petit bâtiment lui ouvriront la voie. Depuis, les commanditaires courageuxla réclament. Elle sera la première femmeà recevoir le prix Pritzker en 2004.

Zaha Hadi,impératrice architecte

01. Centre aquatique

Zaha Hadid

02. Le village olympique

03. Le stade olympique

Agence Populous

04. Le vélodrome

Michael Hopkins

Pho

tos :

OD

A –

Cou

rtesy

Zah

a H

adid

Arc

hite

cts

Page 16: A/R Magazine Juillet/Aout

010 — 025 Champagne-Ardenne

Rotterdam

010 — 025 Nationale 7

010 — 025 Istanbul

010 — 025 Afrique du Sud

010 — 025 Carpates

PA RTIR

PARTIR / A/R mag

— 33

Page 17: A/R Magazine Juillet/Aout

38 — A/R magazine voyageur / PARTIR

juillet — août 2010/ N°01

TextesAlbéric d’HardivilliersPhotos :Matthieu Raffard

Nationale 7Comme un goût d’AmériqueParis-Menton / France

Derrière le cliché d’une route heureuse bordée de platanes, la Nationale 7 cache une identité plus riche et complexe qu’il n’y paraît d’abord. Ici, le soleil de la Côte d’Azur deviendrait presque californien …

Nationale 7

Page 18: A/R Magazine Juillet/Aout

PARTIR / A/R magazine voyageur — 39

N°01 / juillet — août 2010

LA NATIONALE 7, JE NE L’AVAIS EN FAIT JAMAIS PRISE… AUCUN SOUVENIR D’ENFANCE, PAS D’ODEURS, PAS D’IMAGES… RIEN. Pour moi, elle n’était au mieux qu’une vague chanson entendue chez une grande-tante pendant des vacances ennuyeuses, une reproduction miniature de la Route 66, simple-ment plus proche, plus accessible. Trenet la chan-tait pendant les Trente Glorieuses, mais ces années-là ne sont encore qu’une succession de photos un peu jaunies dans un album où je ne suis toujours pas né. Malgré cela, et dès les premiers kilomètres après la Porte d’Italie, il m’a semblé la reconnaître.

Sur la routeTout l’imaginaire de la Nationale 7, les routiers, les platanes, l’odeur de la Côte, une certaine idée des vacances, tout cela m’appartenait. Car, dans l’imaginaire collectif, c’est encore elle qui repré-sente le mieux l’idée française de la Route. Et c’est bien d’imaginaire dont il s’agit. Il n’y a qu’à écou-ter Trenet et sa chanson, qui la fait passer par la Bourgogne et atterrir à Sète pour se rendre compte qu’il s’agit moins d’une route réelle que de l’image fantasmée d’une certaine idée du bonheur.

Pour moi, jusqu’ici, la route correspondait plutôt à l’image d’une station-service éclairée de nuit au néon et que l’on voit apparaître avec satis-faction en pensant au café, même mauvais, qui réconfortera ; plutôt à une vague table en béton qu’un petit talus d’herbe fraîche à l’abri des pla-

tanes où poser une nappe à carreaux ; plutôt encore aux grandes pistes d’Asie centrale, aux che-mins rouges d’Afrique qu'aux itinéraires bis et aux placettes de village. Et pourtant…

L’esprit du largePassé Fontainebleau, l’air se fait plus respirable, la hauteur des immeubles supportable et, dès la première andouillette au Relais des 43 kilomètres, c’est le grand large qui s’annonce. Paris est défini-tivement derrière nous. On commence même à voir passer sur la route des caravanes peu pres-sées. Les camions eux-mêmes semblent moins transporter une quelconque marchandise que dériver doucement, au gré de leurs envies et des pauses que les relais routiers proposent. Puis, par la fenêtre, le paysage s’allonge et les champs de blé déjà mûris rappellent, par leur couleur, une vie que les saisons rythment mieux que tout autre chose. Presque insensiblement, la voiture ralentit. Le coude sur la fenêtre, un œil sur la route, l’autre sur les villages que l’on devine au loin, je me laisse gagner par les vacances, me rappelant que rien ne presse plus sinon peut-être l’envie d’un bain de mer.

Paris-TexasÀ Chantenay-Saint-Imbert, derrière Magny-Cours, j’ai trouvé au Diabolo un endroit où m’arrêter pour regarder le soleil tomber. Isabelle attendait… quoi ? je me le demande encore. Sur le parking, sa fille Annabelle jouait avec une voiture en plastique entre les roues des camions alors que, derrière, deux types s’appliquaient à peindre en lettres rouges le mot « Café » sur une façade blanche. De cigarette en demi-pression, Isabelle a sorti l’album de famille. Je m’étonnais d’y trouver de gros trucks chromés immatriculés US, des gars en chemise de bûcheron, un élan aux bois enneigés, Isabelle portant des santiags rouges. Ses parents, autrefois, tenaient un relais à quelques kilomètres de là où nous étions, un « petit rade sympathique ».

Puis, un jour, Isabelle s’est mariée, a repris un routier au Canada et s’est engouffrée dans la lec-ture de Jack Kerouac, un imaginaire fait de pous-sière et de cow-boys fantasmés, de serveuses en rollers et de milk-shake chantilly. À la mort de son père, Isabelle est rentrée en France, emportant avec elle un comptoir nickelé, quelques caisses de brown sauce et une recette de bacon cheeseburger affichée à la carte à côté de la traditionnelle bavette à l’échalote. Étrange goût d’Amérique…

Silence : on ferme !Plus bas, on croise Varrennes-sur-Allier et Tarare et, entre ces « grandes » villes, une multitude de petits bourgs que la Nationale maintient tant bien que mal sous perfusion. Malgré cela, les maisons

Sous le soleil exactementAssis sous l'auvent d’une ancienne station je regarde passer les voitures dans l’odeur d’huile chaude et de bitume.

N7Comme un goût

d’Amérique

Page 19: A/R Magazine Juillet/Aout

40 — A/R magazine voyageur / PARTIR

juillet — août 2010/ N°01

Nationale 7

ParisGrigny

Boissise-le-Roi

Chantenay-Saint-Imbert

Nevers

Communay

Valence

Orange

Montélimar

Lyon

Magny-Cours

Tarare

Varennes-sur-Allier

Aix-en-ProvenceSaint-Raphaël

Montargis

Menton

C’est en 1972 que la Nationale 7 subit son premier déclassement sur un petit tronçon entre la ville de Tassin-la-Demi-Lune et le pont Gallieni à Lyon. C’est surtout le décret du 5 décembre 2005 qui lui donne le coup de grâce en prévoyant de ne maintenir, dans le réseau routier national, que moins de la moitié de la longueur de cette route. Il reste pourtant certains tronçons d’« origine », comme entre Nevers et Lyon,et Vienne et Orange. Tous les autres tronçons ont été depuis rétrocédés aux départements dont certains, comme le Var, ont choisi une appellation bizarre pour conserver toute la force symbolique de la route : DN7. Pourtant, au-delà des décrets, c’est surtout l’autoroute qui la jouxte qui fait le plus de tort à la Nationale 7.

La Nationale 7, une route déclassée

Enseignes en tout genrePrendre la N7, c’est aussi une manière de remonter l’histoire : publicités peintes à la main des années 1950, puis « 3615 je-ne-sais-trop-quoi » façon années 1980,enfin des « quatre par trois » indiquant le prochain McDonald’s à la sortie d’Orange-Est.

Page 20: A/R Magazine Juillet/Aout

48 — A/R magazine voyageur / CARNETS

juillet — août 2010/ N°01

IstanbulBouillon de culture sur le BosphoreIstanbul / Turquie

Istanbul

Textes & photos :Yann Pabu

Un vent de créativité et de modernité se lève désormais sur Istanbul. Élue capitale européenne de la culture pour 2010, la mégapole s’est lancée dans un ambitieux programme de régénération urbaine. Les toursde verre jaillissent entre les murailles byzantines restaurées et les sites industriels reconvertis en muséeset galeries d’art contemporain.

Page 21: A/R Magazine Juillet/Aout

PARTIR / A/R magazine voyageur — 49

N°01 / juillet — août 2010

ISTANBULBouillon de culture

sur le Bosphore

Page 22: A/R Magazine Juillet/Aout

52 — A/R magazine voyageur / CARNETS

juillet — août 2010/ N°01

ISTANBUL EST L’UNE DE CES VILLES QUI PREND LE VOYAGEUR PAR LES ÉPAULES ET NE LE LÂCHE PLUS. Cette douce séduction, proche du sortilège, est due peut-être à la concomitance de bribes de calme absolu et d’une continuelle effervescence, au contraste entre le bouillonnement des rues et la quiétude fugitive d’un lieu ou d’un instant. D’un côté, une circulation apocalyptique, marquée par les trajectoires approximatives et suicidaires des dolmus, les taxis collectifs, des trottoirs charriant une foule aussi gluante qu’une pâte à loukoum, les allers-retours vrombissants et obstinés des ferry-boats sur le Bosphore… Et puis, tout près, derrière une lourde porte ou au fond d’une cour, c’est un chat aux yeux vairons qui philosophe sur le marbre d’une tombe ottomane, l’éclair blanc d’une aile de goéland dans le bleu du ciel ou le tintement cristallin d’une cuillère en argent dans un verre à thé. Subtiles parenthèses de sérénité qui rappellent par petites touches la Constanti-nople de Nerval, Flaubert ou Loti.

Hélas, voilà bien un siècle que les pachas ne se déplacent plus en chaises à porteurs et que les caïques ne glissent plus en douce le long des yali. Istanbul est aujourd’hui une mégapole de 14 millions d’habitants qui ne cesse de gonfler. Tous les ans, 400 000 personnes quittent l’Anatolie pour tenter de se faire une petite place au soleil. Chaque jour,

plus d’un million de Stambouliotes traversent le Bosphore dans un sens ou dans l’autre, alors on parle de construire un troisième pont, projet fort controversé qui repousserait les limites de la ville vers la mer Noire et propulserait sa population vers le chiffre stratosphérique de 25 millions d’habitants ! L’ancienne Byzance vacille entre l’implosion et la paralysie. 400 véhicules supplémentaires sont injec-tés quotidiennement dans le trafic. Mais, après tout, les chroniqueurs, sous le règne de Théodose au IVe siècle, se plaignaient déjà des problèmes de cir-culation. La ville souffre d’une longue histoire d’ur-banisme incontrôlé. Ici, les époques sont venues s’empiler les unes sur les autres. Malgré ce dévelop-pement anarchique, rien ne semble pouvoir arrêter Istanbul.

Une capitale européenneDans le quartiers de Levent ou celui de Maslak, des tours de verre prennent leur élan pour aller chatouiller les nuages et vers Sisli, le centre com-mercial de Cevahir se targue, avec 64 000 m2, d’être le plus grand d’Europe. Une course au gigantisme et à une modernité ostentatoire qui n’est pas sans rappeler Dubaï et son profil de « ville-monde ». L’élection d’Istanbul au titre de capitale européenne de la culture est une belle

Istanbul

Un pont entre deux mondesChaque jour, près d’un million de personnes traverse le Bosphore. Ce pont construit en 1973, est l’un des deux qui relie l’Europe à l’Asie.

Le mélangedes genresJoyeux télescopageentre une sculpture contemporaine et un dôme de mosquée devant le musée d’art moderne. Ici, les colonnes du pavillon Cimili Kiosk.

Page précédenteSentral Istanbul au crépuscule.L’ancienne centrale électrique abrite aujourd’hui un musée de l’énergie et une galerie d’art contemporain.

Page 23: A/R Magazine Juillet/Aout

54 — A/R magazine voyageur / CARNETS

juillet — août 2010/ N°01

Istanbul

01

02

03

01. Kerim Goknel Heureux responsable de Sentral Istanbul dans la vieille salle de contrôle.

02. Une œuvre d’art Ou l’une des anciennes turbines de la salle n°1.

03. Kemal Onsey Escalier en polystyrène à l’entrée de Sentral Istanbul.

L’initiative a été lancée en 1985, sous l’impulsion de l’ancienne ministre grecque, Mélina Mercouri. L’idée était de mettre en valeur le patrimoine culturel de nos villes européennes. Depuis 2003, union à 25 oblige, deux villes sont nommées, l’une de la « vieille » Europe, l’autre représentant l’un des dix derniers venus. Istanbul a eu de la chance : avant 2000, il était impossible pour une ville d’un pays n’appartenant pas à l’UE de se présenter … et à partir de 2011, les portes se referment à nouveau ! Comme pour les Jeux Olympiques, la ville dépose un dossier de candidature. On connaît déjà les heureuses élues jusqu’en 2013, en l’occurrence Marseille en France et Ko!ice en Slovaquie.

Capitale européenne de la culture, un titre convoité

Page 24: A/R Magazine Juillet/Aout

EASTERNCAPE

Devoir de réserve

01

Page 25: A/R Magazine Juillet/Aout

PARTIR / A/R magazine voyageur — 59

N°01 / juillet — août 2010

Devoir de RéserveEastern Cape/ Afrique du Sud

Textes et imagesChristophe Migeon

Amakhala, sud de l’Afrique du Sud.Il y a 10 ans, les vaches et les moutons broutaient

dans la morne plaine. Exit le bétail !Les descendants des colons se regroupent

pour créer une nouvelle génération de réserves privées. Ils réintroduisent des lions, des buffles

et des éléphants pour attirer les touristeset les devises qui vont avec.

Page 26: A/R Magazine Juillet/Aout

66 — A/R magazine voyageur / CARNETS

juillet — août 2010/ N°01

Page 27: A/R Magazine Juillet/Aout
Page 28: A/R Magazine Juillet/Aout

72 — A/R magazine voyageur / CARNETS

juillet — août 2010/ N°01

CarpatesRandonnée à couper le soufflePologne / Slovaquie / Ukraine / Roumanie

Textes et imagesChristophe Migeon

Pologne, Slovaquie, Ukraine, Roumanie, la longue chaîne des Carpates déroule ses sommets rabotés à travers toute l’Europe centrale. En route pour trois semaines d’itinérance sous le couvert de ses sombres forêts ou sur le fil de ses crêtes.Un monde secret et méconnu …

Page 29: A/R Magazine Juillet/Aout

CARNETS / A/R magazine voyageur — 73

N°01 / juillet — août 2010

Page 30: A/R Magazine Juillet/Aout

PARTIR / A/R magazine voyageur — 75

N°01 / juillet — août 2010

« SI VOUS VOYEZ UN OURS, ÉLOIGNEZ-VOUS, MAIS SURTOUT, NE COUREZ PAS ! » NOUS A DIT LE GUIDE. Pourvu de ce maigre viatique, notre petit groupe quitte Zakopane et ses bars à bière pour chatouiller les crêtes acérées des Hautes Tatras. En fait d’ours, il y a surtout beaucoup de touristes polonais à gros mollets. Les bobs et les casquettes dansent au-des-sus des champs d’épilobes et l’on voit d’intermi-nables colonnes s’étirer en pointillés paresseux dans les premiers raidillons. Il faut dire que cet été-là, dans un contexte de crise et de serrage de ceinture, les Polonais se sont vus promettre une prime de 300 ! s’ils passaient leurs vacances en Pologne. Un grand succès. D’autant que les Hautes Tatras, avec leurs sommets granitiques élancés et leurs arêtes effilées, ont toujours été le terrain de jeu préféré des randonneurs et alpinistes polonais. Karol Wojty!a lui-même venait y traîner ses godillots avant de devenir sa Sainteté Jean-Paul II. C’est sur ce territoire minuscule, de 26 km sur 15, modestement surnommé « Alpes de poche », que commençe un périple pédestre entrecoupé de trans-ferts routiers et ferroviaires, une croisière au long cours à travers 4 pays, le long d’une chaîne de mon-tagnes obscure et bien souvent ignorée.

Frontière entre vitrail et iconostaseLes Carpates ont beau être la plus longue chaîne d’Europe avec 1 500 km de sommets en enfilade, elles se sont toujours fait voler la vedette par ces satanées Alpes. Vous aurez remarqué par exemple que s’il n’est pas alpin, le ski est tout au plus nordique, jamais carpatique. Que les amateurs de crampons et de parois glacées sont des alpinistes, voire s’ils en ont les moyens, des himalayistes, mais qu’il ne leur viendrait jamais à l’idée de devenir carpatistes. Des géographes mal embouchés ont même traité les Carpates d’Alpes orientales. On parle tout de même de la colonne vertébrale de toute l’Europe centrale, de la grande frontière entre le vitrail et l’iconostase, de la limite entre le monde catholique et le monde orthodoxe. Les pisse-froid ne manque-ront pas de faire remarquer qu’en dehors des trois grands massifs cristallins des Tatras, des Mara-mures et des Fagaras, ces sommets aux petits bras ont du mal à se hisser au-dessus de 1 500 m. Effecti-vement, l’altitude moyenne de la chaîne ne dépasse

pas les 900 m. Mais il n’en reste pas moins que la position continentale rend comparable les condi-tions d’ascension d’un 2 000 carpatique avec celles d’un 3 000 alpin. Et ce ne sont pas nos cuisses qui diront le contraire. Avec 15 000 m de dénivelés positifs, cette traversée des Carpates allait per-mettre de se confronter avec quelques sommets bourrus mais surtout de pénétrer un univers préservé et secret, sanctuaire de populations en froid avec un monde moderne chauffé à blanc.

Des ours au sourire enjôleurAprès les sentiers polonais et leur affluence de sortie de messe, la montagne slovaque a tout d’une thébaïde. Les ruisseaux chantent sur les cailloux d’une voix argentine. Des passereaux mystérieux zinzinulent au-dessus d’une prairie égayée d’un ravissement de fleurs épanouies. Les cloches violettes des campa-nules, les frous-frous rose et blanc des œillets à plu-mets, les capitules lie-de-vin des adénostyles, tout ce petit monde de pétales délicats et de fragiles corolles courbent le pédoncule sous le vent d’est. Un amoncellement de nuages musculeux vient raboter les crocs tranchants des montagnes. Alors qu’on ne l’attendait plus, l’ours fait son come-back sous la forme d’un panonceau cloué au tronc d’un sapin : « The bear, ruler of the forest ». Mais personne n’y croit vraiment, d’autant que le plantigrade en question arbore un sourire de danseur de tango. Tout serait pour le mieux si notre guide slovaque ne s’entêtait pas à conduire le groupe tambour bat-tant, transformant une plaisante baguenaude en

Les Carpates ont beau être la plus longue chaîne d’Europe avec 1 500 km de sommets en enfilade, les Alpes leur volent toujours la vedette.

commando de chasseurs alpins. Le soir, attablé devant un bol de bortsch fumant, il avoue prendre un vif plaisir à clôturer ses randonnées en un temps inférieur à celui indiqué par les cartes. Quelques verres d’horec (prononcer « orets »), ravigotant breuvage à base de gentiane et de vodka, permettent d’oublier ces tristes égarements.

Bombasses et croupes charnuesDerrière la frontière ukrainienne, à Uzhgorod, som-meille un autre monde. Un monde de coupoles à bulbes dorés, de mosaïques de saints tout auréolés, de gigantesques statues d’ouvriers à casquette bom-bant le torse et très fiers de posséder un marteau, de bus cacochymes sortis sans doute de la chaîne de montage à une époque où Brejnev n’avait pas

Hautes TatraspolonaisesDans ce décor de rêve, combinaison réussie entre le relief et les variations de couleur, marcher devient une errance à la fois exigente et dépaysante, comme ici, au-dessus des eaux du lac Czarny Staw Gasienicow.

Page précédenteBouffée d’air pur dans les montagnes d’Ukraine, vers les 2 060 m d’altitude du mont Overla qui ne manquent pasde vert...

Page 31: A/R Magazine Juillet/Aout

84 — A/R magazine voyageur / PARTIR

juillet — août 2010/ N°01

Carpates

01

03

02

Page 32: A/R Magazine Juillet/Aout

PARTIR / A/R magazine voyageur — 85

N°01 / juillet — août 2010

06

05

04

01. Lac roumain de BaleaBerger ivre (de fatigue)...

02. Ceinturon ukrainien Souvenir de l’armée Rouge.

03. Massif des Fagaras Ânes se payant du bon temps.

04. Leud dans les Maramures Une accorte roumaine sous la véranda de sa maison en bois.

05. Motif de décoration.06. Monastère de Barsana

Architecture traditionnelle en bois dans les Maramures.

Jamais à une provocation près, Desproges disait qu’« on ne riait vraiment de bon cœur que dans les cimetières ». Il aurait sûrement apprécié celui de Sapanta, tout au nord de la Roumanie dansles Maramures. En 1934, le sculpteur et poète Ioan Stan Patraseut l’idée de donner un petit coup de légèreté au cimetière localen repeignant les croix en bleu, symbole d’espoir et de libertéet en sculptant pour chaque défunt une scène le représentant vivant, assortie d’une épitaphe souvent humoristique. Avec ses croix peintes, Patras a réussi à écarter le pathétique propre à ce genre d’endroits grâce à l’ironie et l’humour. Depuis la mort de l’artisteen 1977, Pop Dumitru poursuit cette œuvre. Compter 500 " pourune croix sculptée, et autant pour l’emplacement.

Le cimetière joyeuxSapanta / Roumanie

Page 33: A/R Magazine Juillet/Aout

86 — A/R magazine voyageur / PARTIR

juillet — août 2010/ N°01

01

02

03

Allez-y si …Vous avez toujours rêvé d’une grande odyssée pédestre, vous avez deux kilos à perdre, vousaimez boire le lait encore tout chaud au pis de la vache, vous préférez les montagnes sans remontées mécaniques, les bergers à grosses moustaches ne vous font pas peur, les grands-mères à jupe bouffante vous émoustillent et les brebis à toison floconneuse ne vous laissent pas non plus de marbre.

Évitez si …Vous préférez les Alpes, vous pensez que Nicolae Ceaucescu était vraiment le génie des Carpates, vous avez la cuisse flageolante et le mollet mollasson, la vodka produit chez vous des dérangements intestinaux, vous croyez que l’Ukraine est une grande plaine à blé et que les Roumains sont tous des voleurs.

01. Carpates ukrainiennesChevaux sous le ciel d’été

02. Château fort de Kemarok Près de Spis en Roumanie

03. Folklore houtsoul En tenue de fête à Yacinia.

04. Tatras slovaques Après la bière, le réconfort..

05. Les Fagaras roumaines Randonnée sauvage.

Page 34: A/R Magazine Juillet/Aout

88 — A/R magazine voyageur / PARTIR

juillet — août 2010/ N°01

Le PerchePar Christophe Migeon

Abonnez-vous sur www.ar-mag.fr6 numéros / 27,50 !

EN SEPTEMBREDANS VOTRE MAGAZINE—septembre — octobre 2010 En vente dès le 20 août

Complétez votre bulletin d'abonnement en pages 32 et 125et recevez votre exemplaire

Page 35: A/R Magazine Juillet/Aout

PARTIR / A/R mag

— 89

088 — 089 Nouvelles fraîches

mais durables

092 — 093 Petites distances,

grands plaisirs

094 — 098 Bardia

National Park

102 — 103 Bienvenue dans

un écogîte

104 — 107 Vacances

de wwoof !

DUR ABLEDossier coordonné parStéphanie Thizy

Page 36: A/R Magazine Juillet/Aout

DURABLE / A/R magazine voyageur — 91

N°01 / juillet — août 2010

COMMENÇONS AUJOURD’HUI !

LA BIODIVERSITÉ,C’EST LE PRÉSENT

DU FUTUR.

17 ESPÈCESSAUVAGES POUR

INVITER LA NATUREÀ VOYAGER EN VILLE

SANS VISA.

ATR « AGIR POUR

UN TOURISME RESPONSABLE »

DEPUIS 2004.

4,5 FOIS LE TOURDU MONDE À PIED EN180 000 KM, ÇA USELES SOULIERS MAIS PAS LA FFRANDONNÉE—

Quelle organisation pourrait vous offrir la possibilité de faire quatre fois et demie le tour de la planète … en France ? Un indice : les balisages que vous rencontrez en vous promenant sur vos sentiers préférés ne sont pas entretenus par les petits écureuils. Une réponse, vite ! La FFRandonnée bien sûr : la Fédération Française de la Randonnée Pédestre et ses précieux 180 000 km de sentiers balisés.

Acteur discret et parfois méconnu,la FFRandonnée est pourtant le principal artisan du développement de cette activité dans l’Hexagone. Regardez ces chiffres à faire pâlir … n’importe quel parti politique : pas moins de 198 000 licenciés (9 foisplus qu’en 1991) regroupés dans3 200 associations ; 20 000 bénévoles dont 6 000 baliseurs ; 280 Topo-guides® pour 350 000 exemplaires diffusés par an. N’en jetez plus !

Au-delà des chiffres et à travers la pratique sur le terrain, la FFRandonnée promeut des valeurs que l’air du temps voudrait souvent enfermer, réduire (ou confiner aux écrans de télévision plutôt qu’à la vraie vie) : solidarité, convivialité, respect et protection de la nature.

Pour preuve de ce dynamisme,elle a ainsi créé et mis en place plusieurs actions remarquablesvisant à sensibiliser et impliquer un public encore plus large, dont voici3 exemples assez représentatifs :- « Un chemin, une école® », confiantà des élèves le soin de la réalisation ou la réhabilitation d’un itinéraire de randonnée pédestre ou d’utiliserun itinéraire existant à des fins pédagogiques ;– Le réseau « éco-veille® », pour la protection des chemins et de leur environnement ;– « Le Rando-Challenge », forme de rallye par équipe alliant plaisir de la marche et observation ludique de l’environnement.

www.ffrandonnee.fr

2010, Année de la BiodiversitéLe 31 décembre, on arrête ?

La biodiversité, c’est quoi au fait ? C’est la nature vivante, celle qui existait avant nous, celle que connaissaient sans s’en vanter nos grands-parents, mais qui s’appauvrit sérieusement depuis que l’homme l’a dominée, transformée, négligée, brevetée… Des manifestations sont sûrement organisées près de chez vous. Allez-y ! Mais faisons un vœu pieux : que l’homme ne soit pas sensible à son environnement que par intermittence, mais au quotidien, au-delà des dates symboliques. www.biodiversite2010.fr

Vers un autre tourismeTerre Voyages labellisé

Le Groupe Terre Voyages qui se décline en Fleuves du Monde, Terre Birmane, Terre Brésil, Terre Mongolie Terre Indochine, Terre Malgache et vient de décrocher sa certification « Vers un Tourisme Responsable ». C’est l’AFNOR qui régale sous l’égide de la norme ATR qui fait prendre conscience aux voyageurs et acteurs du tourisme de leur influence et de leur impact sur les destinations visitées. Depuis la conception des voyages en France jusqu’à leur réalisation sur place, chacun prend ses responsabilités…www.terre-voyages.com

Au bonheur des villesSous les pavés, des fleurs

Comment ne pas saluer cette belle initiative, lancée par deux journalistes engagées et rêveuses : créer des coins de nature autour de soi, sans voyager à l’autre bout de la terre.Dès ce printemps, une quinzaine de collectivités de la région francilienne se sont engagées à distribuer à leurs habitants des sachets de fleurs des champs (17 espèces au total, camomille, millepertuis, coquelicots et autres) pour… fleurir les villes. Écoles, associations, particuliers-jardiniers, lancez-vous et semez !Mode d’emploi en ligne…www.laissonspousser.com

Page 37: A/R Magazine Juillet/Aout

94 — A/R magazine voyageur / DURABLE

juillet — août 2010/ N°01

Petites distances grands plaisirs

Au départ de la Grenonière, de l’Alpe du Grand Serre ou de Gavet dans l’Oisans, ce n’est pas exactement tout droit. Le sentier louvoie parmi les lacs, les herbes hautes et les reliefs verticaux. Après deux heures de marche, un alpage moelleux accueille une drôle de caravane. Amélie, Michaël, leur petit bambin, des ânes chargés de produits locaux et une poignée d’amis transhument au cours du mois de mai pour s’installer au refuge du Taillefer à 2 056 m d’altitude et installer les yourtes qui serviront de salle à manger pour les voyageurs et de maisonnée pour la famille. Face à l’impressionnant Taillefer et au massif des Écrins, ils seront pour un dernier été les gardiens bienveillants et audacieux de ce coin de montagne qui fonctionne en auto-nomie complète : panneaux solaires pour l’élec-tricité, toilettes sèches, une cuisine qui sent bon les produits biologiques et 35 cou-chages pour vous héberger à grand renfort d’hospitalité et de festivités. Mettez-y les pieds…

PRATIQUE :Mai à fin septembre, 35 " la demi-pension.www.refuge-taillefer.fr - 06 13 81 81 87

Vous vous êtes beaucoup remué les méninges pour trou-ver un mode de déplacement qui ne badine pas avec l’empreinte écologique, dont le volume sonore ne dépasse pas l’acceptable et suffisamment original pour contenir la puissance de nuisance d’une collective d’enfants en manque d’imagination. Ne cherchez plus. L’agence Yumba devrait vous épargner quelques sueurs nocturnes. La bonne idée : un radeau à construire vous-mêmes avec des rondins et des cordes sur les conseils d’un animateur. Et un voyage au fil des eaux suédoises à bord de cette embarcation insolite qui sert de moyen de locomotion et d’habitation pour parcourir la rivière Klarälven qui, jusqu’au début du XXe siècle, servait au flottage du bois. L’aventure n’est pas un vain mot : vous êtes ici en complète autonomie et libres de profiter pleinement de l’une des régions les plus sauvages du pays entre balades à pied, baignades et parties de pêche improvisées. Sur les berges, élan, grue cendrée et cincle plongeur apprécieront le spectacle !

PRATIQUE :8 jours à partir de 1 190 " / personne au départ de Paris.www.yumba-voyages.com - 01 43 72 77 17

De l’air

Si vous doutiez que cette équation puisse s’appliquer à vos week-ends prolongés ou à vos grandes vacances, c’est certainement que vous manquiez un peu d’inspiration. Pas nous. Mais, on partage. Parce que c’est vous. Lieux, activités et itinéraires.

Sur placeLe refuge du TailleferDétour en Oisans

01

02En actionDu radeau en SuèdeEt au milieu coule une rivière

Page 38: A/R Magazine Juillet/Aout

DURABLE / A/R magazine voyageur — 101

N°01 / juillet — août 2010

Bonjour les dégâts

Alpinisme : honneur, gloire et beauté au sommet

En bref …

Liste des sites en péril du WMFwww.wmf.org/watch

La « Watch list » du WMF (Fond Mondialpour les Monuments) a été éditée pour 2010. Elle pointe cette année 93 sites et monuments menacés par « la négligence, la démolition ou les catastrophes ». On notera dans ce triste inventaire la présence d’un site majeur, celui du Machu Picchu au Pérou (déjà répertoriéen 2000 et 2008...).

1

Parc national du MercantourAvalanche de déchets !

Des aménagements militaires abandonnés demeurent dans le Parc national du Mercantour, qui fête cette année ses 30 ans. Ce dernier et l’association Mountain Wilderness organisent une 11e opération de nettoyage cet été. Objectif : débarrasser l’un des sept secteurs de tous les barbelés restants. www.mountainwilderness.fr

2

Eyjafjallajökull : éruption volcanique … et une explosion des prix d’hôtels

Tout le monde ne fut pas perdant pendant l’interruption du trafic aérien en avril 2010. En une semaine, les prix moyens des hôtels ont bien augmenté de 94 % à Milan, 67 %à Berlin, 52 % à Londres et seulement (!)30 % à Paris, selon le comparateur de prixsur Internet Trivago.www.trivago.com

La sphère médiatique étant toujours prompte à la schizophrénie, nous nous lançons nous aussi : plutôt que de vouer au silence et à l’oubli les tentatives désespérantes d’êtres plus moti-vés par la gloire que par la beauté des lieux qu’ils ont la chance de parcourir, parlons-en ! Mais… restons critiques. À ma droite, la Sud-Coréenne Oh Eun-Sun, 44 ans, a battu dans un étourdissant sprint final la Basque espagnole Edurne Pasaban pour devenir la première femme à gravir les quatorze sommets de plus de 8 000 m. Et avec la manière s’il vous plaît, en terminant à quatre pattes l’ascension de l’An-napurna (8 091 m) le 27 avril dernier, en direct à la télévision nationale, les caméras ayant éga-lement fait l’ascension (chapeau les caméras !). S’en suit une splendide querelle de spécia-listes, le doute persistant sur la réalité de l’une de ses ascensions, sur l’absence de soutien de son équipe à une opération de secours sur les

pentes de cette même montagne. À ma gauche, Jordan Romero, 13 ans et une gueule d’ange. Aucun « 8 000 » à son actif à ce jour, mais le rêve de gravir les plus hauts sommets de chaque continent. Dont bien sûr le plus haut d’entre eux, l’Everest. Et bien sûr un autre rêve, non avoué, si peu avouable tellement il paraît ridicule : être le plus jeune alpiniste sur le toit du monde.

Ô miroir, mon beau miroir…Les points communs entre ces deux défis, ces deux démarches, ces deux êtres ? Une conjonction de calendrier : en ce printemps 2010, on se demande déjà ce que nous réser-vera la décennie à venir dans le monde de l’al-pinisme médiatique. L’obsession de la commu-nication, pour faire connaître et partager au monde entier son beau rêve égoïste. L’une devient donc le mannequin le plus haut du monde devant les télévisions ébahies de son

pays (le serait-on peut-être nous-mêmes, si une Française s’était engagée dans ce mara-thon infernal) ; l’autre alimente en commen-taires un site Internet où sa progression est suivie en direct, traces GPS et radio à l’appui. Et bien sûr l’argent : nos rêveurs ont bien les pieds sur terre. Ainsi, sur le site de notre alpi-niste en herbe, ayant été convaincu que son défi en valait la chandelle, vous pouvez faire un don (de 100 à 500 $ tout de même) et avoir la chance d’être membre du Summit Club, qui vous offre des perspectives enthousias-mantes : un tee-shirt, un autographe voire même une paire de lunette de Jordan !

Le « je » de pouvoirTrêve de plaisanteries : pourquoi parler de tels héros sans intérêt ? Il y a sans aucun doute les risques mal mesurés pris à l’occasion de ces ascensions médiatisées : en présence de caméras, la perception du danger change et il est moins facile de renoncer. Dans le cas de Jordan Romero, il est effrayant de voir à quel point l’entourage peut nier ce que le bon sens devrait dicter : « Attends un peu, petit ; expéri-mente des montagnes moins dangereuses. » Enfin et surtout : il y a l’omniprésence du « Je ». Et, par opposition, cette absence de curiosité, d’ouverture, de silences, de rencontres, cette absence de chaleur humaine et de solidarité remplacées par une valeur si chère à notre société : la réussite, à n’importe quel prix… Promis, la prochaine fois, on vous parlera d’autres rêveurs. Comme disait le poète : « des assoiffés d’azur, des poètes, des fous ». Modestes et humbles ceux-là … •

EN PRÉSENCE DE CAMÉRAS, LA PERCEPTION DU DANGER CHANGE ET IL EST MOINS FACILE DE RENONCER.

L’actualité de ce printemps nous offre deux exemples consternants de la course à la gloire qui se joue sur les montagnes du monde : la course féminine aux quatorze 8 000, et la tentative d’ascension de l’Everest par un garçon de... 13 ans !

Page 39: A/R Magazine Juillet/Aout

102 — A/R magazine voyageur / DURABLE

juillet — août 2010/ N°01

Enquête

Prix Pinocchio Le développement durable— Les prix Pinocchio du développement durable, organisés par Les amis de la Terre, association de protection de l'Homme et de l'environnement créée en 1970, ont ainsi pour but d'illustrer et de dénoncer les impacts négatifs de certaines entreprises françaises, en totale contradiction avec le concept de développement durable qu'elles utilisent souvent abondamment à des fins purement cosmétiques et économiques, histoire de masquer les impacts réels de leurs activités en améliorant leur image. Un prix Pinocchio "Greenwashing" est remis chaque année à l'entreprise ayant mené la campagne de communication la plus abusive et trompeuse au regard de ses activités réelles. Pas encore de tour-opérateurs parmi les nominés poids lourds de la catégorie (EDF, Herta, Peugeot), mais il faut garder l'oeil ouvert...www.prix-pinocchio.org.

Le développement durable, c'est à la mode, très valorisant « d'en être » et d'en parler, à l'occasion d'un vernissage arrosé au champagne ou d'un pique-nique 100 % bio-diversité. Dans le fond, on est tous d'accord (ou presque) pour moins polluer, pour rému-nérer convenablement les équipes locales quelle que soit la destination, pour écono-miser un peu de nos ressources naturelles, pour aller à la rencontre des populations en es-sayant d'apprendre à les connaître et pas seu-lement à les photographier… Des pratiques qui trahissent nos aspirations grandissantes à voyager autrement. Tourisme responsable, éthique, durable, humaniste, c'est un peu tout ça à la fois, et c'est surtout du meilleur effet en capitales dans les campagnes de commu-nication ou sur le papier glacé des brochures de voyage. Après tout, on dit ce qu'on veut, le discours revu et corrigé tendance vert pour se mettre les voyageurs (et de nouvelles parts de marché) dans la poche sur le dos du développement durable. Et après, dans les faits, sur le terrain, à long terme, la réalité a-t-elle si fière allure ? Comment les voya-geurs peuvent-ils différencier les beaux dis-cours des vrais engagements ?

Le greenwhasing illustréGreenwashing vient de la contraction des mots green, vert et whitewash, littéralement « blan-chir à la chaux ». C'est la version anglaise

d'un concept qu'on traduit chez nous par « écoblanchiment » ou « blanchiment vert », et employé à partir de la fin des années 1980. Pas terrible comme expression pour mettre les pieds dans le plat de cette tendance qui s'est largement répandue, d'abord dans les grandes multinationales, pas très « respec-tueuse » d'un savoir-être au monde en termes d'écologie et de citoyenneté. De leur côté, les Québécois sont plus directs pour parler de cette activité très lucrative, on appelle ça la « mascarade écologique ». Au moins, tout le monde comprend. Dans tous les cas, ça reste le fait de tromper les consommateurs sur les pratiques environnementales d'une société ou les avantages environnementaux d'un produit, d'un service, en ce qui nous concerne ici d'un voyage. L'argent est investi massivement en publicité « verte » au lieu d'être redistribué en réelles actions.

En vert et contre toutSelon une étude réalisée en février 2009, plus de 71 % des personnes interrogées recon-naissent qu'il est devenu indispensable aux marques d'associer des messages « verts » pour attirer les consommateurs. Et même si moins d'une personne sur 5 croit à une réelle prise de conscience de ces mêmes marques vis-à-vis de l'environnement, les chiffres ont de quoi pousser les tour-opérateurs à décli-ner leur voyage en vert. Tout le monde y va

GreenwashingLa tendance qui lave plus vert !

Expression marketing par très écologiquement correcte, le greenwashing est un procédé utilisé par une entreprise dans le but de donner à l’opinion publique une image écologique responsable. Le tourisme, première industrie au monde, n'échappe pas à la douce tentation.

Texte :Stéphanie ThizyIllustration :Guillaume Reynard

Page 40: A/R Magazine Juillet/Aout

DURABLE / A/R magazine voyageur — 103

N°01 / juillet — août 2010

Pour aller plus loin

1 Labels ATES et ATRLe label ATR (Agir pour un tourisme responsable) a été mis au point en 2006, avec l'Afnor,par les voyagistes de la rando en parallèle du label social Ates (Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire). Il passe par une certification. Ils sont pour l'instant 13 TO a l'avoir obtenue.www.tourisme-responsable.org

2 Les Trophées de la SNCFAvec quelques partenaires triés sur le volet de leur engagement, la SNCF a mis en place depuis 2007, les Trophées du tourisme responsable. Pour cette nouvelle édition, présidée par l'aventurier du Grand Nord, Nicolas Vanier,un seul mot d’ordre : l’implication... des professionnels du tourisme, des nouveaux acteurs et des

DE LEUR CÔTÉ, LES QUÉBÉCOIS SONT PLUS DIRECTS POUR PARLER DE CETTE ACTIVITÉ TRÈS LUCRATIVE, ON APPELLE ÇA LA MASCARADE ÉCOLOGIQUE

de son petit couplet sur la gestion des dé-chets ou les actions de soutien à la popu-lation locale, sans pour autant modifier ses pratiques en profondeur. Les professionnels du voyage usent et abusent du concept alors que les voyageurs manquent de réfé-rences et d'exigence pour voir au-delà des mots et des discours toujours bienveillants. Si c'est « écotouristique », alors je fonce… La compensation carbone offre par exemple de belles leçons de greenwashing. Elle est médiatique, peu contraignante, il convient seulement de mettre la main au porte-mon-naie. Une façon de communiquer à bon compte.

Passer à l'actionPoser des questions à votre tour-opérateur, ce n'est pas impoli, on vous assure. Un client curieux et un voyageur heureux. Prenez le temps de vous intéresser aux labels qui exis-tent et font référence dans le tourisme : ATR, ATES, Les Gîtes Panda de WWF… Orientez-vous vers les petites structures ou les agences locales. Interrogez vos propres pratiques : si vous cherchez un voyage d'une se-maine pour deux personnes sur l'île de Pâques à la rencontre des statues depuis un hôtel de luxe climatisé, il est temps de re-voir votre statut d'éco-voyageur ou de lire Jared Diamond. Faire preuve d'imagination : pour inventer votre voyage en individuel, changer de moyens de transport (vélo, train, bus), décider de voyager tout près en France, réviser les classiques bronzer-consommer- visiter. Et surtout, ne pas tout croire sur parole…

L'avenir nous le diraOn parle de séjours solidaires, d'écolodges, de démarches éthiques, « greenwashing » d’un business décrié comme polluant et économiquement inégalitaire ou véritable politique des acteurs du tourisme, l’avenir le dira. Attention aux affabulations et aux ab-sences de preuve. Un séjour annoncé avec « Touareg d'origine contrôlé, sable non traité et chameaux élevés aux acacias biologiques » mérite d'être regardé à deux fois. •

voyageurs. Les lauréats seront dévoilés lors de la cérémonie de remise des Trophées en octobre prochain. Et vous en 2010, vous aurez un train d'avance ?www.tropheesdutourisme-responsable.com

3 Le tourisme autrementGuide de référence en la matière, parfaitement documenté et commenté, cet ouvrage vous aidera à éclairer votre chandelle sur le sujet et vous orientera vers les voyages à votre mesure. Le tourisme autrement, Pratique n°33, éd. Alternatives économiques, mars 2008.www.alternatives-economiques.fr

4 Observatoire Indépendant de la Publicité (OIP)Espace interactif de promotion d'une publicité responsable lancé en février 2009, l'OIP participe très activement à la lutte contrela publicité mensongère. observatoiredelapublicite.fr

Après le succès de Voyage en Terre durable, Lionel Astruc, devenu à force de conviction et de curiosité une référence sur le sujet, s'intéresse au tourisme à travers ce nouvel ouvrage : Écotourisme, voyages écologiques et équitables. Depuis l’apparition du concept d’écotourisme, l’estampille écologique fleurit sur les dépliants dse tour-opérateurs. Mais que cachent vraiment ces étiquettes vertes ?Le journaliste a sillonné les quatre coins de la planète pour confronter engagements et réalité. Ce voyage dévoile une mine d’idées astucieuses et de solutions pratiques pour mettre enfin le tourisme au service de l’environnement et des populations locales. Il pointe aussi les limites de certaines formules, dont la question taboue chez de nombreux professionnels du tourisme : celle du transport aérien. Voyage équitable en Éthiopie, tourisme communautaire au Brésil, écovolontariat en France, aventure naturaliste en Guadeloupe, tous les « verts » sont dans la nature...Éd. Glénat, 144 pages, mars 2009, 25 !.

CONTRE-EXEMPLEÉcotourisme, voyages écologiques et équitables

Page 41: A/R Magazine Juillet/Aout

010 — 025 L’art du Kô-Dô,

010 — 025 Tichit

Mauritanie

010 — 025 Le goût du lime kaffir

010 — 025 D’avatar

en avatar

BAZA R

PARTIR / A/R mag

— 111

Page 42: A/R Magazine Juillet/Aout

112 — A/R magazine voyageur / BAZAR

juillet — août 2010/ N°01

Fin d’après-midi au dernier étage de la Maison de la culture du Japon. Les tatamis fleurent une douce odeur de paille de riz. Tout irait pour le mieux si ce n’était cette terrible position à genoux qui en quelques minutes vous fait regretter de ne pas être cul-de-jatte.

Au bois de mon cœurLe maître de cérémonie Souhitsu Hachiya, 21ième de la lignée des Hachiya depuis le XVe siècle, pénètre dans la salle avec la solennité d’un acteur de kabuki, et prononce la phrase que chacun attendait : « S’il vous plaît, mettez-vous à l’aise ! » Mille mercis, M. Hachiya. Une douzaine de paires de rotules ankylosées retrouvent la vie. Le jeune maître explique avec un fin sou-rire le principe du kumikô qu’il vient de concevoir spécialement pour son public français. Les kumikô sont des jeux de kô-dô, issus de la littérature classique japonaise et qui visent à exprimer des parfums à l’aide d’expressions litté-raires. Pour honorer les belles-lettres françaises, il a construit un jeu d’encens autour du Petit Prince de Saint-Exupéry. Trois papiers de couleur contiennent chacun un bois aromatique différent, figurant respectivement le renard, la

L’ART & LA MANIÈRESSecrets des maîtres, magie des gestes

LE KÔ-DÔLa voie de l’encens—Du nez au zen. Développé au XVe siècle dans les cours raffinées du Japon impérial, le kô-dô consiste à identifier par leurs odeurs des mélanges de bois aromatiques qui se consument, et à les associer à des symboles. Souhitsu Hachiya, le maître de l’école Shino voyage à travers le monde pour faire connaître cette tradition qui se rattache à l’esthétique et à la spiritualité du Zen. Rencontre à Paris.

rose et le serpent. Les participants vont devoir les sentir dans l’ordre, mémori-ser leur parfum puis les reconnaître lorsqu’ils passeront entre leurs mains dans un ordre différent et que le maître pour corser l’affaire, aura rajouté un quatrième, le Petit Prince. « Le résultat n’a pas vraiment d’importance, l’objec-tif est que vous fassiez le vide dans votre esprit et que vous retrouviez une part de vous même à travers les par-fums. Chaque bois a sa propre person-nalité, tout comme un être humain. Vous m’avez écouté. Alors maintenant écoutez ce que le bois a à vous dire ! »

Signaux de fuméeAvec des gestes qui tombent aussi justes qu’un fil à plomb, M. Hachiya dépose une miette de bois sur la petite plaque de mica du premier brûle-parfum. Le fragment est minuscule. Il faudrait plus exactement parler de résine, secrétée

VOUS M’AVEZ ÉCOUTÉ. ALORS MAINTENANT ÉCOUTEZ CE QUE LE BOIS A À VOUS DIRE !

Texte & images:Christophe Migeon

01

02

03

Page 43: A/R Magazine Juillet/Aout

114 — A/R magazine voyageur / BAZAR

juillet — août 2010/ N°01

Il arrivait de Charles de Gaulle en provenance du Congo avec sur le dos une simple chemise Lacoste. L’ex globe-trotter est aujourd’hui un cadre sup’ décontracté. Il ignora la main que je lui tendais pour me claquer une bise en se penchant bien parce qu’il est très grand. Plutôt belle allure. Ça compte pour trouver des voitures ? « J’ai tou-jours veillé à être propre et poli. De pré-férence, je faisais de l’auto-stop au départ d’une station essence. J’abordais les conducteurs en déclinant mon iden-tité, ma nationalité et en expliquant mon projet avec toujours une carte du monde sur moi pour être plus explicite. Dans les pays dont j’ignorais la langue, je me munissais d’un document récapitulant en langue locale ma démarche et le pro-chain lieu que je voulais atteindre.»

Un peu de persévéranceMais l’apparence ne suffit pas, il faut sur-tout garder le moral. « Avant de monter à bord d’un véhicule, j’ai pu essuyer jusqu’à deux cents refus. Il ne faut pas se décou-rager, se dire que ce sera la prochaine voiture ou camion. Après ça, on ne se fait plus de soucis dans la vie. On pense que l’on finit toujours par s’en sortir à force d’obstination ». La persévérance, voici une des grandes qualités de Ludovic. Sa

plus longue attente fut de 28 heures au fin fond du Brésil. La recherche au Séné-gal d’un bateau pour traverser l’Atlan-tique dura presque deux mois et lui coûta même des heures éprouvantes en prison.

Parti pour un an et demi voire deux et revenu finalement cinq ans plus tard. Le temps a filé. « Il m’est arrivé de me dire qu’est-ce que je fous là ? Mais je ne me suis jamais lassé de découvrir. En même temps je n’ai pas fait que voyager, je n’aurais pas pu. J’ai essayé d’être utile à mon échelle. Avant de partir, j’avais pro-mis à des enfants malades du CHU de Strasbourg de leur faire partager mon aventure grâce à Internet. J’ai effectué quelques missions humanitaires, j’ai aussi consacré un an à donner des confé-rences, 114 au total aux Etats-Unis et au Canada. A travers mon expérience, j’es-sayais d’ouvrir les esprits, de sensibiliser aux défis planétaires. Ces engagements ont rallongé mon voyage mais si je devais vivre cent ans, chose envisageable de nos jours, cinq ans ne représenteraient que 5% de ma vie ».

Retour à IthaqueAujourd’hui l’ex globe-trotter vit à Menton avec sa femme Marisol, char-mante Panaméenne qu’il rencontra là-

59 : pays traversés6 : continents170 000 : kilomètres parcourus1300 : véhicules automobiles empruntés auxquels il faut ajouter 10 bateaux20 000 : c’est le nombre de personne ayant refusé de prendre Ludovic en stop10 USD: budget moyen quotidien0 : agressions. En cinq ans, c’est pas mal!

Ludovic Hubler, Le monde en stop. Cinq années à l’école de la vie. Géorama, Paris 2009Prix Pierre Loti 2010

Le monde en stop et en quelques chiffres

LE TOUR DU MONDE EN POUCE-POUCELudovic Hubler —Cinq ans autour du monde à la seule force de son pouce. Chapeau ! Ludovic Hubler a exploré les six continents (Eh oui, il est allé jusqu’en Antarctique) en auto-stop ou en bateau-stop plutôt que de suivre tout de suite le destin doré que lui promettait son diplôme d’école supérieure de commerce. Il ne le regrette pas.

bas juste avant d’entreprendre la tra-versée du Pacifique à bord d’un voilier dont le capitaine avait pour livre de chevet « La voile pour les nuls ». D’au-cuns aurait douté mais pas Ludovic qui bourlinguait depuis trois ans et avait déjà franchi par le même moyen l’Atlantique sans savoir distinguer avant d’embarquer entre bâbord et tri-bord. Deux ans plus tard, Marisol l’at-tendait en France. •

HEUREUX QUI COMME …… Ludovic Hubler, a fait un beau voyage

Texte :Sandrine Mercier

Page 44: A/R Magazine Juillet/Aout

118 — A/R magazine voyageur / BAZAR

juillet — août 2010/ N°01

Texte :Laurence Giordano

& Albert Zadar

Pour célébrer le Front populaire et la joie des vacances, le photographe Jean Moral saisit une scène de plage comme avant lui les Impressionistes peignaient des scènes de pique-niques et de canotage à une époque où les loi-sirs pointaient.

Mais qui est cet homme debout ? Sa silhouette qui se détache sur un fond d’horizon rougeoyant est tronquée au dessus du maillot. Ses jambes écartées et bien plantées dans le sable s’impo-sent au premier plan. Entre elles, on peut voir au second plan comme dans un cadre une jeune femme au sourire radieux. Après avoir enfilé dans la cabine de plage, à l’abri des regards, sa tenue de bain, elle s’est allongée sur la plage pour un moment de soleil et de lecture. Loin de ses collègues de bureau ou de l’usine, de nouvelles perspectives s’ouvrent, de nouvelles rencontres s’offrent.

C’est l’été 1936 et elle profite enfin des « deux semaines de congés payés » votées en juin par le gouvernement du Front Populaire. Emancipée et coquine, elle regarde avec ravissement, l’homme qu’on ne peut qu’imaginer. Il a proba-blement les bras croisés sur le torse et scrute la mer qu’il découvre sans doute pour la première fois. Qui est-il ? Son

mari ? Un bel inconnu ? A-t-il fait la grève en mai et juin ? On estime que cette année-là quelques 600 000 personnes sont parties en vacances sans s’éloigner trop de chez eux mais la plupart sont restées pour bricoler ou jardiner.

Nouvelles vacances et nouvelle époque ! La jeune naïade a osé le nou-veau maillot de bain deux pièces, inventé en 1932 par le couturier Jean Heim et elle mate avec bonheur cet homme. Pour une fois c’est le regard de la femme sur l’homme et non l’inverse. Image décalée d’un couple sans enfant ni parents. Le tourisme pour tous, c’est aussi le plaisir de chacun. Une quaran-taine d’années plus tard, alors que la

DANS LE RÉTROPetites et grandes histoiresde l’homo turisticus

C’EST L’AMOUR À LA PLAGEPremiers congés payés—Chaque été quand vient le temps des grandes migrations, les vacanciers déferlent sur le littoral pour s’ébrouer au soleil. Cet évènement familier comme inscrit dans l’ordre des choses a pourtant longtemps été inimaginable. En 1936, ils furent quelques centaines de milliers à profiter de leurs toutes premières semaines de congés. Le magazine Vu était sur la plage pour faire sa une sur « tourisme, vacances et plaisirs »

1900-1930 : Instauration des congés payés en Allemagne, Norvège, Pologne, Brésil …1936 : 15 jours de congés payés en France. 600 00 personnes partent en vacances1969 : 4e semaine de congés payés1982 : 5e semaine de congés payés

quatrième semaine de vacances est acquise, que plage et soleil sont deve-nus ordinaires, que les mentalités ont évolué et que le sentiment de la pudeur a changé, Serge Gainsbourg chantera « sea, sex and sun ».

Les congés payés en quelques dates

Page 45: A/R Magazine Juillet/Aout

122 — A/R magazine voyageur / BAZAR

juillet — août 2010/ N°01

FEUILLE DE LIME KAFFIRLe limier kaffir est un arbre originaire d’Asie du sud-est. Fraîches, ses feuilles sont d’un vert foncé, légèrement lustré, et dotées d’une saveur marquée qui n’est pas sans rappeler la verveine citronnelle ou le zeste de mandarine.

Asie du Sud-est

FEUILLEDE LIMEKAFFIR

MIAM-MIAMGoûts & saveursvenus d’ailleurs Rubrique coordonnée par :

Sophie Blanchard

Page 46: A/R Magazine Juillet/Aout

128 — A/R magazine voyageur / BAZAR

juillet — août 2010/ N°01

Laure a passé le mois de février 2010 à Irkoutsk en Sibérie avec l’association Citoyens des rues. Elle a rempli 3 carnets. De voitures, de maisons, de chiens errants, d’affiches électorales. Pas facile quand il fait jusqu’à -25 °C de sortir ses encres et ses aquarelles. Alors Laure trouve des bars avec vue. Elle est élève en 4ème année à l’ENSAD (Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs) et lauréate du concours 2009 carnets de Libération.

CARNETTISTEDernières nouveautés, techniques & regards

LAUREFISSORERussie—

Page 47: A/R Magazine Juillet/Aout