musique, web 2.0 & business model
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L’impact des nouveaux modes de consommation liés
au Web 2.0 sur la proposition de valeur des acteurs
de la musique en ligne
Mémoire dirigé par DECOOPMAN Isabelle
Master in Management, Apprentissage
Année 2011
Nombre de pages : 93
15/06/11
VERMEULEN Michel
« J’atteste que ce travail est personnel et cite systématiquement toute source
utilisée entre guillemets et ne comporte pas de plagiat »
Table des matières
I. Remerciements..........................................................................................................5
II. Synthèse....................................................................................................................6
III. Introduction.............................................................................................................9
IV. Revue de littérature...............................................................................................12
IV.1. Conception académique du Business Model...................................................12
IV.1.A. Définitions...............................................................................................12
IV.1.B. Business Model, Stratégie et Tactique....................................................14
IV.1.C. Construction académique du Business Model.........................................17
IV.1.D. Composantes du Business Model............................................................18
IV.1.E. Représentation du Business Model..........................................................35
IV.2. Business Model & Proposition de Valeur.......................................................38
IV.2.A. La notion de valeur..................................................................................38
IV.2.B. Valeur Perçue & VUPC...........................................................................39
IV.2.C. Typologies de Propositions de Valeur.....................................................41
IV.2.D. La Proposition de Valeur.........................................................................44
IV.3. Proposition de Valeur & Web 2.0...................................................................47
IV.3.A. Concept de Web 2.0................................................................................47
IV.3.B. Conséquence du Web 2.0 sur la Proposition de Valeur..........................49
V. Application au secteur de la musique en ligne....................................................56
V.1. Cadre d’analyse de la Proposition de Valeur....................................................56
V.2. Etude de cas : iTunes Music Store....................................................................57
V.2.A. VUPC........................................................................................................57
V.2.B. Promesse Clients et Fournisseurs.............................................................59
V.2.C. Inscription de la proposition de valeur dans un réseau.............................60
V.2.D. Classification de la Proposition de Valeur...............................................61
V.2.E. Inscription dans la tendance 2.0................................................................63
V.3. Etude de cas : Spotify.......................................................................................64
V.3.A. Analyse de la VUPC.................................................................................64
V.3.B. Promesse Clients et Fournisseurs.............................................................68
V.3.C. Inscription de la Proposition de Valeur dans un réseau............................70
V.3.D. Classification de la Proposition de Valeur...............................................71
V.3.E. Inscription dans la tendance 2.0................................................................72
VI. Enquête de confrontation.....................................................................................75
VI.1. Préambule........................................................................................................75
VI.2. Observations....................................................................................................77
VI.2.A. Structure de l’échantillon........................................................................77
VI.2.B. Comportements de consommation..........................................................77
VI.2.C. Dimension communautaire et collaborative............................................78
VI.2.D. Co-Création.............................................................................................79
VI.2.E. Dimension Prix........................................................................................80
VI.2.F. Notions de risques et de bénéfices perçus................................................80
VI.3. Analyse............................................................................................................82
VII. Conclusion..............................................................................................................85
VIII. Bibliographie..................................................................................................87
IX. Annexes...................................................................................................................90
IX.1. Business Logic Triangle..................................................................................90
IX.2. Business Model Canvas..................................................................................91
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I. Remerciements
Je tiens à remercier Mme Isabelle DECOOPMAN, Directrice de Mémoire, Docteur en
Sciences de Gestion, Professeur Permanent Skema Business School et Responsable du
Programme Grande Ecole Formation Continue.
Elle m’a été d’une aide précieuse dans l’élaboration de ce Mémoire, et a su guider mon
travail durant la recherche et la rédaction de ce rapport.
Je tiens également à remercier Isabelle NORMAND-BRISSET, Intervenante à la
Médiathèque & Community Manager qui a su me donner les clés pour trouver un sujet
de recherche qui porte mon intérêt durant toute la durée de la recherche et qui serve mes
futures expériences professionnelles.
Mémoire de Master SKEMA BS - © Michel VERMEULEN
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II. Synthèse
Au croisement de deux phénomènes représentant des enjeux majeurs pour les acteurs du
marché, cette analyse vise à évaluer l’impact des nouveaux modes de consommation
amenés par le Web 2.0 sur la Proposition de Valeur des acteurs de la musique en ligne.
Il semble acquis que les acteurs ont intégré dans leur modèle économique de nouvelles
façons de créer de la valeur et de la partager. En effet, l’aspect collaboratif, la co-
création et l’apparition d’équations économiques innovantes ont transformé la manière
de consommer la musique (listes de lectures collaboratives, nouvelles méthodes de
pricing, intégration avec les réseaux sociaux).
Néanmoins, il semble que la valeur accordée par les consommateurs à ces nouvelles
fonctionnalités soit encore limitée, probablement en raison des risques perçus encore
élevés et de l’importance du changement qui entraîne par nature une certaine inertie.
Mots-clés : Business Model, Web 2.0, Musique en ligne, Streaming, Valeur, Risque
At the cross road of two trends completely changing the way of doing business on the
market, this report aims to evaluate the new consumption habits led by Web 2.0 on the
Value Proposition for the players on the music industry.
It seams clear that players have integrated the new ways of creating and sharing value in
their value stream. Actually, collaboration, co-creation and innovations in the value
stream have transformed that way people consume music (collaborative playlists, new
pricing methods, deep integration with social networks).
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Yet, it seems that the value granted by the consumers to those innovations are still
limited. We link this with the high risk perception and the importance of the change
which means by nature a slower move.
Mots-clés : Business Model, Web 2.0, Online music, Streaming, Value, Risk
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III. Introduction
Depuis quelques années, une modification de la manière de consommer la musique est
perceptible sans même entrer dans une recherche académique et scientifique. La
consommation illégale est devenue courante, les gouvernements tentent de réagir sans
réel succès jusqu’à présent, et de nouvelles offres dénotant complètement avec les
pratiques du secteur apparaissent, gratuites ou sous forme d’abonnement.
D’autre part, le milieu du Web a également connu une révolution sous le sceau du 2.0.
De nouvelles pratiques communautaires ont vu le jour, et les consommateurs semblent
être aujourd’hui des consom’acteurs prenant une place de plus en plus importante au
sein des entreprises.
Etant moi-même musicien, consommateur de musique au travers des nouvelles offres et
passionné par le milieu du Web et de ses applications collaboratives, je ressens depuis
quelques années une mouvance importante, une mutation de la manière dont la musique
& le secteur du web sont envisagés. Je suis, depuis l’apparition des nouvelles offres
illimitées, fasciné par la manière dont les utilisateurs ont aujourd’hui accès à un
catalogue de plusieurs millions de titres pour un prix unique et fixe.
C’est pourquoi j’ai décidé de lier ma passion pour la musique et pour les nouvelles
technologies de l’information et de la communication afin de construire un sujet de
mémoire à la fois actuel, pertinent et qui soit le reflet des questions que je me pose sans
pour autant y avoir de réponse.
Afin de mener une analyse guidée par un cadre de référence, plusieurs hypothèses
seront dressées afin d’y apporter une réponse grâce à cette analyse.
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La musique est de plus en plus partagée : grâce aux réseaux sociaux, la
musique semble de plus en plus communiquée auprès de sa communauté
directe.
Les utilisateurs se basent sur les recommandations de leurs amis : afin de
bâtir leur bibliothèque musicale, les utilisateurs comptent beaucoup sur les
choix effectués par leur réseau.
Une offre musicale trouve sa valeur dans autre chose que les titres dont elle
dispose : au delà des choix artistiques que fait un distributeur en ligne, ce
sont d’autres éléments qui créent de la valeur pour ce distributeur et ses
clients.
Les internautes n’ont plus l’intention de payer pour la musique : avec les
phénomènes du piratage, des offres gratuites, les internautes n’ont plus
l’intention de payer pour écouter de la musique.
Afin de répondre à ces questions, la recherche sera articulée autour de plusieurs
éléments.
Dans un premier temps, une revue académique des concepts autour du Business Model
sera effectuée afin d’en identifier les composantes. Un accent sera mis sur la notion de
valeur et de proposition de valeur à la lumière du cadre d’analyse qu’apporte le
Business Model.
Un second temps sera consacré à l’étude de deux propositions de valeurs, l’une issue
d’une offre « classique », l’autre issue d’un acteur né de la mouvance 2.0.
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Enfin, une étude quantitative sera menée auprès d’une population de 20-39 ans,
représentant les acteurs principaux de la tendance 2.0, afin de détecter et d’analyser les
nouveaux comportements d’écoute musicale et les nouvelles attentes issues des
modifications amenées par le Web 2.0.
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IV. Revue de littérature
IV.1.Conception académique du Business Model
IV.1.A. Définitions
Le concept du modèle économique, plus communément appelé Business Model ou
“équation économique” (Benavent et Verstraete, 2000), fait son apparition à la fin des
années 90, avec le développement du Web.
De nombreuses entreprises évoluent alors sur un secteur nouveau, et, pour convaincre
les investisseurs méfiants, les entrepreneurs utilisent le Business Model comme outil
transversal d’innovation stratégique et de modélisation des sources de revenus.
De ce fait, le Business Model est encore aujourd’hui associé à l’e-business, même si
d’autres travaux ont généralisé son application à d’autres secteurs (Peter Weill et. al.,
2005).
Les recherches académiques ont donné lieu à plusieurs définitions, dont quelques unes
sont rappelées ci-dessous :
A business model is a description of how your company intends to create value in the
marketplace. It includes that unique combination of products, services, image, and
distribution that your company carries forward. It also includes the underlying
organization of people, and the operational infrastructure that they use to accomplish
their work.
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KMLab, Inc. 2000, referenced in Chesbrough & Rosenbloom 2002:6
A business model is your company’s logic for making money in the current business
environment. It includes the value propositions you work out with all your important
stakeholders and the operations you put in place to make good on your promises and to
make use of what you get in return.
Linder & Cantrell 2001
The method by which a firm builds and uses its resources to offer its customers better
value than its competitors and to make money doing so.
Afuah & Tucci 2001:3
A business model is a variation of the generic value chain underlying all businesses. A
business model has two parts: (i) the business activities associated with making
something (design, procurement, manufacturing, etc), and (ii) the business activities
associated with selling something (customer identification, selling, transaction
handling, distribution, delivery).
Magretta 2002:87
A business model is a unique blend of three streams that are critical to the business: (i)
the value stream, which identifies the value proposition for the business partners and
the buyers; (ii) the revenue stream, which is a plan for assuring revenue generation for
the business; and (iii) the logistical stream, which addresses various issues related to
the design of the supply chain for the business.
Mahadevan 2000:59
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An architecture for the product, service and information flows, including a description
of the various business actors and their roles ; a description of the potential benefits for
the various business actors ; a description of the sources of revenue.
Timmers, 1998
Warnier, Lecocq et Demil (2004) définissent quant à eux le Business Model comme les
choix qu’une entreprise effectue pour générer des revenus.
Markides (1999) souligne le fait qu’il n’y a pas de définition plébiscitée et
universellement reconnue de la communauté académique et scientifique et qu’il est
donc difficile, de par la complexité du modèle économique, d’en donner une définition
unique.
Néanmoins, la définition la plus proche de l’ensemble des théories et généralement
reprise dans les recherches académiques est celle de Baden-Fuller, MacMillan, Demil et
Lecocq, qui définissent le Business Model comme la logique d’une entreprise ainsi que
sa manière de fonctionner et de créer de la valeur pour ses actionnaires.
IV.1.B. Business Model, Stratégie et Tactique
Afin de situer le Business Model dans l’ensemble des choix que fait une entreprise, il
est nécessaire de le positionner par rapport à la Stratégie et à la Tactique d’entreprise.
La Stratégie d’entreprise est généralement définie comme un ensemble de décisions
liées à un contingent. C’est en d’autres termes un ensemble de scénarios en réponse à
plusieurs situations potentielles. Porter (1996) définit la Stratégie comme la création
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d’une position unique et source de valeur impliquant un ensemble d’activités
différenciantes.
La Stratégie est donc une analyse macro-économique afin de dresser un état des lieux à
la fois interne et externe, une liste de scénarios envisageables et une réponse créatrice de
valeur et soutenable pour chacun des scénarios.
Le Business Modèles s’inscrit dans la continuité de la Stratégie et représente la réponse
concrète de l’entreprise au scénario effectivement réalisé. A la différence de la Stratégie
qui offre une analyse macro-économique, le Business Modèle s’inscrit dans une
considération méso-économique et s’attache à mettre en relation les différents choix de
l’entreprise effectués à la suite des analyses stratégiques. C’est la construction d’un
ensemble d’interactions logiques et d’un système de choix créateurs de valeur pour
atteindre l’objectif fixé par la stratégie.
Chesbrough et Rosenbloom identifient trois différences majeures entre la Stratégie et le
Business Model afin de bien comprendre les enjeux de chacun :
La Stratégie s’attache à la manière de capturer de la valeur alors que le
Business Model s’attache à la manière d’en créer.
La Stratégie s’attache à la valeur économique de l’entreprise du point de vue
des actionnaires (financement du capital par exemple) alors que le Business
Model s’attache à la création de valeur économique uniquement pour
l’entreprise.
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La Stratégie requiert une connaissance avancée du marché et de
l’environnement alors que le Business Model est accessible avec une
connaissance limitée du marché.
Peterovic et Al. (2001) proposent quant à eux un triangle permettant de visualiser les
interactions entre le Business Model, la Stratégie et les implications fonctionnelles et
opérationnelles (Business Logic Triangle)1.
De manière générale, on peut retenir que toutes les entreprises ont un Business Model,
car toutes les entreprises font des choix qui engendrent des conséquences sur la création
de valeur et sur la logique de l’entreprise. En revanche, toutes les entreprises n’ont pas
de nécessairement stratégie formalisée et claire.
Enfin, il est également important de définir la Tactique. Casadesus-Masanell et Ricart la
décrivent comme un ensemble de choix résiduels et de variables qui découlent du
Business Model choisi. Ce sont en réalité l’ensemble des leviers opérationnels que
l’entreprise actionne afin de rendre le Business Model vivant et performant. Les auteurs
prennent l’exemple du journal gratuit Métro. De par son modèle économique (gratuité),
les choix tactiques ne peuvent se porter sur le prix de vente. Néanmoins, l’entreprise
actionne d’autres leviers : le prix des espaces publicitaires, le mix publicitaire /
rédactionnel, le nombre de pages. On voit donc apparaître une notion importante :
même si la Tactique n’est pas l’élément central, elle est cruciale pour créer de la valeur
et à fortiori la capturer. C’est grâce à une tactique adaptée que l’entreprise est à même
de créer de la valeur qu’elle capture grâce à la Stratégie mise en place.
1 Voir Annexe 1 : Business Logic Triangle
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IV.1.C. Construction académique du Business Model
Selon Casadesus-Masanell et Ricart, le Business Model est avant tout un ensemble de
choix méso-économiques que l’entreprise met en œuvre. Ces choix s’articulent autour
de trois grands domaines : les politiques d’entreprise, les ressources et la gouvernance.
Les choix relatifs à la politique d’entreprise englobent un ensemble de décisions
découlant de la stratégie (voir Business Model, Stratégie et Tactique) et donnant les
orientations générales de l’entreprise : par exemple, localiser la production à l’étranger,
privilégier le service client, avoir une gamme courte et peu profonde.
L’entreprise est également amenée à effectuer des choix relatifs aux ressources qu’elle
met en œuvre, qu’elles soient humaines, financières, matérielles ou intangibles.
Enfin, l’entreprise effectue des choix quant à la gouvernance, en particulier la
gouvernance des politiques d’entreprise et des ressources. Par exemple, la structure peut
décider de sous-traiter une partie de sa production : ceci aura un impact profond sur les
ressources à mettre en œuvre et sur les relations avec le sous-traitant différentes des
relations avec un service internalisé.
Les auteurs mettent également en lumière un élément important du Business Model,
absent des définitions académiques et de la plupart des recherches effectuées par les
auteurs cités précédemment : les cercles vertueux (virtuous cycles).
Les cercles vertueux sont les synergies obtenues par les choix de l’entreprise et qui
renforcent la solidité du Business Model. Cette solidité est donc capable de dégager des
ressources pour consolider le Business Modèle et amène l’entreprise à croître (notion de
croissance rentable de Dauchy).
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IV.1.D. Composantes du Business Model
Afin de définir les composantes du Business Model et d’en faire un réel outil de
création d’entreprise ou de redynamisation, plusieurs recherches ont été menées et
chaque auteur apporte un regard différent sur les leviers du Business Model. Il semble
donc aujourd’hui difficile d’apprécier le Business Model grâce à un consensus du milieu
universitaire et scientifique, le sujet étant relativement jeune, mais une revue des
différents courants existants et des recherches effectuées par les différents auteurs nous
permettra de couvrir plusieurs conceptions du Business Model afin d’en avoir une
analyse approfondie.
IV.1.D.1. Mahadevan, 2000
Business Models for Internet based E-commerce : An anatomy
Mahadevan propose une analyse du Business Model appliquée au E-commerce et
identifie trois leviers principaux régissant le modèle économique :
Value stream, la proposition de valeur
C’est la proposition de valeur pour l’acheteur, le vendeur, les acteurs du marché et les
portails en particulier dans le contexte de l’Internet.
Par exemple, les services additionnels proposés au consommateur lors d’un achat
augmentent la valeur perçue pour le consommateur. Mahadevan prend l’exemple de
l’achat d’un billet d’avion qui s’accompagne d’offres spécifiques pour la location d’un
hôtel, d’une voiture, ou l’accès à la communauté de clients donnant leur avis sur la
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destination choisie, la qualité de l’hébergement. Cet exemple est particulièrement
légitime sur les entreprises en ligne, car il est difficile de répliquer le principe d’avis
communautaire sur un business model « Brick & Mortar »2.
La valeur peut également être créée pour les partenaires sur le marché, en diminuant les
coûts d’acquisition d’un client et frais d’études. C’est en particulier le cas des
programmes d’affiliation en ligne qui permettent d’atteindre des coûts d’acquisition
relativement faibles en comparaison avec les coûts d’acquisition hors-ligne.
Mahadevan liste quelques unes des stratégies d’augmentation de la valeur ajoutée à la
fois pour le consommateur et les partenaires : les communautés virtuelles, la réduction
des frais de transaction entraînant la réduction du prix de vente en ligne, l’optimisation
du processus de vente en ligne (notamment autour de la sécurité des données
personnelles).
Revenue stream, le modèle de revenus
C’est la manière d’assurer la génération de revenus pour l’entreprise à long-terme.
Mahadevan définit le modèle de revenus comme la réalisation de la proposition de
valeurs à un an. Ici encore, l’auteur cite quelques stratégies permettant de construire un
modèle de revenus gagnant grâce au modèle de revenus, à savoir l’augmentation des
2 Brick & Mortar : Désigne les entreprises traditionnelles faites "de brique et de mortier"
par opposition aux entreprises virtuelles, comme Amazon, par exemple, qui ne possède
pas de magasin physique. S'applique, dans son sens le plus strict, à des entreprises de la
distribution. Source : JDN
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marges due aux économies de structure, la quantité d’informations détenue par
l’entreprise, les modèles de publicité en ligne, la variation du prix de vente en fonction
du consommateur ou la proposition d’un service gratuit pour bâtir une communauté.
Logistical stream, le modèle logistique
C’est la manière de concevoir les flux physiques et la chaîne d’approvisionnement.
Mahadevan le définit comme la manière dont l’entreprise se positionne sur la chaîne
d’approvisionnement. Mahadevan identifie trois manière d’aborder le modèle logistique
pour une entreprise en ligne : la désintermédiation, qui consiste à la réduction de la
chaîne d’approvisionnement et la suppression des intermédiaires afin d’augmenter les
marges ; l’info-médiation, apparue avec la croissance très importante d’Internet et de la
quantité de données et d’offres disponibles, qui est l’agrégation d’une multitude de
sources afin d’apporter au consommateur une seule et unique plate-forme d’information
et d’achat sûre ; la méta-médiation reprend l’info-médiation en y ajoutant des services
supplémentaires afin de faciliter la transaction.
IV.1.D.2. Chesbrough & Rosenbloom, 2002
The role of the business model in capturing value from innovation
Les deux auteurs donnent six éléments clés autour desquels s’articule le Business
Model. Le Business Model se présente selon eux comme l’interface entre les ingénieurs
experts dans leurs domaines respectifs et les spécialistes des affaires. Le Business
Model est alors la conversion d’intrants techniques en revenus économiques, autour de
six axes.
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La proposition de valeur
C’est la valeur créée pour l’utilisateur basée sur l’offre proposée par l’entreprise, et
possible grâce à la technologie mise en œuvre. Cette valeur est directement liée au
besoin auquel répond l’offre. Un consommateur peut juger la valeur d’une offre sur sa
capacité à réduire les coûts ou à proposer un service nouveau.
Le segment de marché
C’est le pendant direct à la proposition de valeur : c’est la catégorie d’utilisateurs ayant
un besoin auquel l’offre répond. On voit ici la complémentarité de ces deux leviers : la
proposition de valeur ne sera appréciée à son juste niveau qu’en sélectionnant le
segment de marché le plus pertinent et pour lequel l’offre sera légitime.
La chaîne de valeur
C’est l’ensemble des processus internes à l’entreprise nécessaires pour créer de la
valeur, à savoir la création du produit / service et la distribution.
La structure de coûts et de profits
C’est l’ensemble des coûts et des revenus potentiels que l’entreprise peut espérer,
induits par la création du produit / service, la chaîne de valeur choisie et la proposition
de valeur.
Le réseau de valeur
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C’est la position de l’entreprise au sein de son écosystème (partenaires, fournisseurs,
clients) qui permet également d’identifier les potentielles structures complémentaires ou
concurrentes.
L’avantage compétitif
C’est la manière dont l’entreprise met en œuvre l’innovation afin de se créer et de
conserver un avantage compétitif durable pour faire face à la concurrence.
IV.1.D.3. Magretta, 2002
Why Business Models matter
Selon Magretta, le Business Model doit être en mesure de répondre à quatre questions
inspirées par les 5 questions de Peter Drucker, théoricien du Management, dans son
ouvrage « The Five Most Important Questions » :
Qui sont les consommateurs ?
Comme décrit précédemment avec les différents auteurs étudiés, il est important selon
Drucker d’identifier les segments de marché auxquels s’adresse l’offre que l’entreprise
met en avant.
Qu’est-ce que la valeur pour le consommateur ?
Afin de répondre à un besoin, il est important que la proposition de valeur formulée par
l’entreprise soit alignée avec la valeur attendue par le consommateur.
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Comment gagner de l’argent sur ce marché ?
Cette question a pour but de définir la manière dont l’entreprise va générer un revenu
sur son marché.
Quelle est la logique économique qui permet de dégager de la marge ?
Au delà de la création de revenus, il est nécessaire de déterminer en quelle mesure
l’entreprise structure ses coûts et ses revenus afin de dégager de la marge et d’assurer
une pérennité sur le long-terme.
IV.1.D.4. Osterwalder & Pigneur, 2002
An e-Business Model Ontology for Modeling e-Business
Les deux auteurs ont eux une approche du Business Model en 9 leviers répartis autour
de quatre catégories, et en ont créé un outil d’innovation autour du Business Model
(Business Model Canvas). Les quatre catégories principales répondent aux questions
suivantes :
» Qui sont nos consommateurs ?
» Quelle est notre offre ?
» Comment créer notre offre ?
» Comment sont structurés nos coûts et nos revenus ?
De ces questions naissent neuf leviers autour desquels s’articule le Business Model.
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Le marché
Cet élément détermine les segments de marché auxquels l’offre s’adresse mais
également les clients auxquels l’entreprise ne s’adresse pas. Osterwalder identifie
notamment la typologie de clients, la localisation géographique et les segments de
produits. On peut également identifier le type de client (B2B, B2C).
Au delà du segment de marché, cet élément permet également d’identifier les problèmes
rencontrés sur le marché et les différents acteurs y opérant (concurrents, potentiels
partenaires).
L’offre
C’est ce qui est également appelé par les auteurs cités précédemment la proposition de
valeur. C’est l’offre / service que l’entreprise propose au segment de marché visé ainsi
que la promesse qui est faite à ce segment. Osterwalder identifie trois stratégies de
différenciation de l’offre : l’innovation à travers une offre nouvelle, complémentaire ou
personnalisée par rapport au client ; la différenciation par les coûts, entraînant un prix
de vente plus bas, grâce à l’optimisation des infrastructures, et la réduction des frais de
structure, notamment sur Internet ; l’excellence dans la relation et le service avec le
client, notamment au travers de services gratuits ou interactifs.
Compétences clé
Afin de proposer le produit ou le service, l’entreprise doit s’assurer des compétences et
savoir-faire dont elle dispose et qui sont nécessaires à sa création. Ce sont les processus
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récurrents d’utilisation des ressources afin d’offrir le produit / service sur le marché.
Osterwalder prend l’exemple d’un distributeur de produits frais en ligne qui doit être en
mesure d’assurer une livraison rapide à domicile.
Le réseau de partenaires
C’est la répartition des activités auprès des entreprises faisant partie de l’écosystème de
la société en question, possible grâce à la réduction des coûts de transaction (notamment
grâce aux NTIC). Gulati et al. (2000) le décrivent comme « l’ensemble des liens stables
et inter-organisationnels qui sont stratégiques pour chaque entreprise au sein du
réseau. Ils peuvent prendre la forme de joint-ventures, d’alliances stratégiques, de
contrats de partenariat à long-terme ».
La chaîne de valeur
C’est l’organisation interne à l’entreprise afin de générer de la valeur ainsi que le
positionnement de l’entreprise au sein de la filière. Cet élément permet de déterminer
l’ensemble des activités clé que l’entreprise a la nécessité d’internaliser et l’ensemble
des activités secondaires que l’entreprise a la possibilité d’internaliser ou d’externaliser
selon les choix stratégiques qu’elle aura fait. C’est également l’élément qui permet de
décomposer la chaîne de valeur afin de déterminer les processus générateurs de valeur
ou de coûts.
Les ressources
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C’est l’ensemble des éléments tangibles (infrastructures, financiers ou humains) et
intangibles (R&D, Copyrights, Réputation) que l’entreprise doit utiliser afin d’offrir le
produit ou service sur le marché.
Les circuits de distribution
C’est la manière dont l’entreprise distribue son produit / service auprès du segment de
marché visé. Ceci induit notamment le choix d’une distribution directe ou indirecte
(intermédiaires, grossistes), le choix de canaux pertinents par rapport à l’offre (online,
grande distribution, distribution spécialisée, distribution exclusive), afin de délivrer le
bon produit, au bon client, au bon moment et au bon endroit (Pitt, 1999).
La structure des coûts
C’est l’ensemble des coûts générés par l’activité de l’entreprise afin de créer de la
valeur. La structure de coûts est directement liée au degré d’externalisation des activités
de l’entreprise grâce à la réduction des coûts de transaction.
Le modèle de revenus
C’est la capacité de l’entreprise à transformer la valeur créée par la chaîne de valeur en
valeur économique. La source des revenus peut être multiple (prix fixe et contenu
additionnel à prix variable, abonnement, revenus générés par la publicité, modèle à
double clients, location des informations détenues).
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Ces deux derniers éléments permettent de déterminer l’équation de profit qui est la
différence entre le modèle de revenus et la structure des coûts. Par exemple, l’équation
de profit d’EasyJet, compagnie aérienne lowcost, peut se résumer à :
Profit = Nombre de sièges x Taux de remplissage x Revenu par passage3
IV.1.D.5. Dauchy, 2010
7 étapes pour un Business Model solide
Dauchy propose la construction du Business Model en 7 étapes successives.
La proposition de valeur
Le premier élément est la proposition de valeur évoquée précédemment par les auteurs
cités. C’est le problème de société auquel répond l’entreprise. Il est notamment
indispensable pour « centrer le raisonnement sur les fondamentaux, sur la légitimité vis-
à-vis des clients ». La proposition de valeur permet de déterminer le périmètre
d’activités sur lequel l’entreprise va intervenir et constitue selon Dauchy la première
approche logique d’un Business Model.
Le modèle de revenus
Il permet de déterminer la manière dont l’entreprise transforme la valeur créée en valeur
économique. La manière de monétiser son activité peut être un élément différenciant de
l’entreprise (exemple de la presse gratuite & de la musique en ligne ou du
«Freemium»). Il s’agit, plus simplement, de répondre à la question qui paie quoi et
3 Source : Dauchy, 2010
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comment. La réponse à cette question permet de valider la pertinence de la proposition
de valeur avec les attentes des clients.
L’alignement opérationnel
C’est ce qui est également abordé par les différents auteurs comme la chaîne de valeur,
à savoir la manière dont l’entreprise va créer et livrer la valeur. Plus précisément,
Dauchy décrit l’alignement opérationnel comme la manière dont l’entreprise génère de
la valeur et structure ses coûts. C’est également la combinaison de la proposition de
valeur et du modèle de revenus dans une optique opérationnelle, au travers de 5
éléments clé :
L’assemblage des opérations : c’est l’articulation de chaque étape du
processus de création de valeur au sein de la filière (généralement autour de
la production et de la distribution).
L’équilibre Push / Pull : c’est l’organisation de la création de valeur par
l’amont (prévisionnels) ou par l’aval (consommateurs). Par exemple, Zara a
innové sur ce point en basant son offre sur des collections courtes et en
alignant sa production sur les chiffres des ventes en magasin).
Faire ou externaliser : l’analyse de chaque étape du processus de création de
valeur au sein de la filière permet de déterminer les éléments créant le plus
de valeur et l’intérêt & la capacité de l’entreprise à internaliser ces étapes ou
à les externaliser.
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La localisation géographique des opérations : le choix d’implanter son
entreprise est directement lié à la proposition de valeur et au modèle de
revenus. Par exemple, le coût de la main d’œuvre, les contraintes
technologiques ou logistiques peuvent amener l’entreprise à implanter ses
opérations de manière offshore.
La construction du mix canaux : c’est ce qui a précédemment été abordé
sous le circuit de distribution, et qui permet à l’entreprise de mettre à
disposition des produits ou services auprès du segment de marché visé.
Dauchy a cependant une vision plus large du mix canaux et intègre à la fois
la distribution mais également la communication, la relation clients, les
ventes, et l’auteur souligne une cohérence nécessaire entre les canaux plutôt
qu’une spécialisation sur un canal en particulier.
L’équation économique
Le quatrième levier utilisé par Dauchy est l’équation économique, qui est la «traduction
économique» du système d’actions mis en place précédemment (Proposition de valeur,
Modèle de revenus et alignement opérationnel). Il s’agit ici plus précisément de
déterminer les objectifs économiques de l’organisation afin d’en tirer des indicateurs de
performance pertinents et de mesurer la rentabilité des capitaux investis. L’objectif peut
être la maximisation de la valeur créée pour les actionnaires, les clients (même si Roger
Martin explique que la maximisation de la valeur pour les clients entraîne de fait la
maximisation de la valeur pour les actionnaires), ou encore la logique participative et
communautaire. C’est également grâce à ce levier que l’organisation va déterminer son
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« mix capital », à savoir la pondération de chaque source de financement dans le capital
social de l’entreprise et la rémunération de chaque source de capital.
Le modèle de croissance
Ce levier correspond à l’inscription des étapes précédentes dans une dynamique. En
effet, nous avons jusqu’à présent une approche statique du modèle économique de
l’organisation. Le modèle de croissance permet d’inscrire ce modèle économique dans
une dynamique temporelle, à travers quatre axes possibles afin de générer une
croissance rentable selon l’auteur :
Le territoire de croissance : c’est l’objet même de la croissance, qui peut
s’organiser entre autres autour d’une extension de marché, d’une extension
produit ou d’une intensification des marchés actuels. Les territoires de
croissance ne sont pas sans rappeler les recherches d’Igor Ansoff, les
modèles de croissance de Porter, l’approche RBV ou les modèles alternatifs.
Les ressources de croissance : c’est la capacité de l’entreprise à s’inscrire
dans une démarche de création de ressources (humaines, financières,
technologiques) capables de supporter la croissance visée. Il est notamment
intéressant de déterminer le taux de croissance soutenable, à savoir la
capacité du modèle économique à engendrer de la croissance supportée par
ses propres ressources sans changement des modalités économiques
(financement du capital, taux de rémunération des dividendes).
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Le tempo de croissance : c’est l’ancrage de la croissance dans le temps.
Selon l’auteur, la croissance est inscrite dans le temps à la fois par des
éléments internes (mode de gouvernance, capacité à prendre des risques,
profil des actionnaires) et des éléments externes (intensité de la concurrence,
législation, capacité du marché à absorber la croissance). C’est au delà des
prévisions dynamiques la « détermination des moments », c’est à dire
l’action au bon moment sur les opportunités qui se présentent à l’entreprise.
Les modalités de croissance : l’auteur distingue ici la croissance organique
de la croissance externe. Le premier type signifie une croissance sur actifs
équivalents (par exemple à surface de vente équivalente ou nombre
d’employés similaire) et donc une augmentation de l’efficience de la
structure (effets d’apprentissage par exemple). Le second type sous-entend
une augmentation des actifs afin d’engendrer de la croissance (exemple :
augmentation de la surface de vente). Il faut donc dans ce cas bien évaluer la
croissance en regard de l’augmentation des actifs de l’entreprise.
L’animation de l’exécution
Selon Dauchy, au delà des aspects économiques ou techniques, la mise en œuvre du
système d’actions imaginé dans le modèle économique est un élément important de la
réussite du modèle. C’est la manière de gérer le facteur humain qui est déterminant dans
la conduite du succès. Dauchy identifie trois principaux critères dans l’animation de
l’exécution :
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La vision : c’est la représentation de l’organisation à plus ou moins long
terme, l’ambition que se donne l’entreprise. Dauchy résume l’importance de
la vision au travers de cette phrase : « Tout système d’action performant a
besoin d’une tension vers une ambition, une finalité, un accomplissement
possible ». C’est donc bien, au delà de l’excellence technique du modèle
économique, la tension pour atteindre la position traduite dans la vision qui
met le modèle économique en mouvement. Dauchy va plus loin en
expliquant que l’implication des équipes dans la phase de construction de
cette vision (co-construction) maximise l’implication des équipes et la
réussite.
La construction managériale : ce sont l’ensemble des processus humains que
l’entreprise met en place pour servir la vision. On peut également le définir
comme l’organisation interne que l’entreprise choisit. Cette organisation se
doit de « révéler la responsabilité des acteurs » dans une organisation
orientée objectifs et non plus tâches.
La visualisation du système d’actions : c’est la manière dont l’équipe
dirigeante va communiquer son modèle économique auprès de chacun des
acteurs afin de bien en comprendre les enjeux. Elle vient en complément des
tableaux de bord et outils de reporting afin de donner une vision plus
globale et intégrée du modèle d’entreprise, le but étant de faire le lien entre
l’action locale et l’objectif global, « le sens et l’action » (à l’image de
l’approche Balanced Score Card).
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Les indicateurs clés de performance : ils servent au pilotage de la
performance. Leur nombre doit être réduit et leur choix éclairé. Ils sont
surtout fonction des objectifs de l’entreprise et permettent de faire le lien
entre les axes clé du modèle économique et la performance réelle de
l’entreprise pour éventuellement appliquer des correctifs et valider la
performance du modèle économique.
L’alchimie humaine : ce dernier élément comprend l’ensemble des éléments
intangibles qui font qu’une organisation humaine performe. Cette alchimie
est fonction de valeurs, de comportements collectifs et de la culture de
l’entreprise (croyances, valeurs, symboles). Les facteurs sont ici liés,
nombreux et difficilement mesurables, même si certains auteurs en font une
approche formalisée.
Le modèle d’entreprise
Le dernier élément clé du Business Model selon Dauchy est le modèle d’entreprise.
L’auteur le traduit comme un ensemble d’éléments institutionnels conférant à une
activité au sein de l’entreprise un avantage en comparaison avec la même activité
exercée en dehors du périmètre de l’entreprise. C’est ce que l’on appelle l’avantage
parental: il permet de définir quelles activités peuvent être effectuées au sein de l’entité
juridique et quelles activités ont un avantage parental négatif (la valeur créée au sein de
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l’entreprise est inférieure à la valeur créée en dehors de l’entreprise pour la même
activité) et doivent être effectuées sous une autre entité juridique (« spin off »4).
Dauchy détermine plusieurs critères afin de mesurer l’avantage parental :
Les fondamentaux : c’est l’inscription de l’activité dans la logique
d’ensemble de l’entreprise (vision, valeurs, missions, convictions). Il est
nécessaire de conserver une cohérence entre l’activité en question et les
fondamentaux de l’entreprise, l’identité même de la structure.
Le mode de gouvernance de l’entreprise : c’est la manière d’exercer le
pouvoir au sein de l’entité et de stimuler les talents individuels et collectifs.
L’auteur explique notamment que la réinvention ou la création d’un
nouveau modèle économique au sein d’une structure existante exige une
gouvernance laissant place à une complète autonomie pour les équipes en
charge de la nouvelle activité (notion d’intrapreneuriat).
Le mix ressources : c’est l’allocation et le transfert des ressources entre les
activités. L’objectif est un équilibre au sein du portefeuille d’activités (solde
de ressources à la fois positifs et négatifs) et une circulation facilitée des
ressources afin de pouvoir supporter une activité en fort besoin de
ressources par une activité dégageant des ressources (cette notion n’est pas
sans rappeler les matrice de portefeuille d’activités et de Domaines
4 Spinoff – Création d’une nouvelle société indépendante formée à partir d’une société
mère plus large.
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d’Activité Stratégiques, notamment la matrice du Boston Consulting Group
version 1970).
Le partage des ressources au sein de la chaîne de valeur : c’est la capacité de
l’entreprise à identifier et à mettre en œuvre le partage des ressources au
sein du processus de création de valeur afin de gagner en efficience et de
réaliser des économies d’échelle (partage des actifs entre plusieurs entités de
la même structure). L’auteur met cependant en garde contre le risque à
s’éloigner de l’alignement opérationnel établi dans les précédentes étapes.
Le partage de la connaissance : c’est la capacité de l’entreprise à mettre en
place une circulation du savoir entre les départements à tous les niveaux
hiérarchiques (tant en top-down qu’en bottom-up et à niveau hiérarchique
équivalent). Cette logique d’apprentissage est d’autant plus source
d’avantage concurrentiel que les marchés sont volatils.
IV.1.E. Représentation du Business Model
Afin d’en faire un outil utilisable dans le cadre d’une création d’entreprise, d’une
nouvelle entité ou pour redynamiser une entreprise existante, certains auteurs ont essayé
d’en simplifier la représentation.
En effet, il est trop complexe de représenter dans son ensemble le modèle économique
d’une entreprise et d’en tirer les relations clé.
Casadesus-Masanell et Ricard déterminent deux orientations afin de représenter le
Business Model de manière simple et graphique :
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L’agrégation, qui consiste à prendre un point de vue plus large, à cacher les
détails et à regrouper les détails appartenant à une même entité afin de faire
apparaître les grands ensembles du modèle économique et à avoir une vue
globale de l’entreprise. La difficulté dans cette approche est de trouver
l’équilibre dans le niveau de détail et l’apparition des ensembles.
La décomposition, qui consiste à retirer différents groupes de choix
indépendants et pouvant être analysés séparément pour ne conserver que la
représentation du tissu de lien interdépendants au sein de la firme.
Osterwalder et Pigneur (2009) proposent quant à eux plusieurs approches simplifiées du
Business Model. La première est une représentation construite autour des neuf leviers
vus précédemment (approche agrégative). Le « Business Model Canvas »5 s’articule
autour d’une matrice à 9 cases présentant l’avantage de mettre en avant les relations
existant entre chacun des blocs (par exemple, la relation client ou les circuits de
distribution / de communication font le lien entre le consommateur et la proposition de
valeur).
La seconde approche, proposée dans An e-Business Model Ontology for Modeling e-
Business (2002), reprend le concept de la décomposition appliquée aux Business
Models et adaptée à l’environnement web, autour de quatre piliers :
L’offre produit / service
L’infrastructure et le réseau de partenaires
5 Annexe 2 : Business Model Canvas, Osterwalder & Pigneur (2009)
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Le capital relationnel détenu avec le client
Les aspects financiers
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IV.2.Business Model & Proposition de Valeur
IV.2.A. La notion de valeur
Les travaux de Magretta (2002) définissent un Business Model solide comme celui qui
répond aux questions suivantes : qui est le consommateur et qu’est-ce qui a de la valeur
pour lui. On voit donc dès la définition du Business Model apparaître la notion de
valeur comme très importante. Deux questions sous-jacentes et directement liées à
l’entreprise apparaissent également dans cette définition : comment créer de la valeur
qui soit reconnue comme telle par le consommateur et comment capter et transformer
cette valeur en bien économique ?
La notion de capture de la valeur en cache en réalité une autre : la répartition de cette
valeur.
En effet, l’entreprise créé un bien ayant une valeur économique, une valeur ajoutée en
termes comptables, qui se traduit par un prix de vente.
Cependant, le prix de vente n’est pas nécessairement ce que le client est prêt à payer
pour avoir accès à cette valeur ajoutée. Cette notion s’appelle la Valeur d’Utilité Perçue
par le Client (VUPC), à savoir le prix auquel le client estime pouvoir tirer de la Valeur
d’Echange (prix de vente, de location) un bénéfice personnel, plus communément
appelé Valeur d’Utilité, plus important.
Il existe plusieurs grandes équivalences dans la notion de valeur :
Valeur d’échange = Coûts + Valeur capturée par l’entreprise
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VUPC = Valeur d’échange + Valeur capturée par le client
On voit donc apparaître plusieurs leviers afin de maximiser la valeur :
Maximiser la VUPC, en ciblant un ou plusieurs segments de marché très
réceptifs à l’offre et pour qui celle-ci répond à un besoin fort.
Maximiser la valeur capturée par l’entreprise en diminuant les coûts
Trouver le meilleur mix entre la valeur capturée par l’entreprise et la valeur
capturée par le client, à savoir celui qui maximisera la valeur capturée par
l’entreprise sans pour autant entraver de manière décisive la valeur capturée
par le client.
IV.2.B. Valeur Perçue & VUPC
Revenons tout d’abord sur les travaux de Kantamneni et Coulson (1996) qui établissent
les différentes composantes de la valeur perçue au sens large du terme.
Les auteurs identifient quatre éléments de la valeur perçue :
Attributs personnels : symbolique, éducation, valeurs personnelles
Caractéristiques : utilisation, qualité, durabilité, sécurité
Valeur commerciale : puissance de marque, prix, positionnement éthique
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Valeur émotionnelle : toucher, goût, odeur
La VUPC est plus complète que la notion de valeur perçue puisqu’elle intègre la notion
d’utilité pour les acteurs de la proposition de valeur (clients, fournisseurs).
La Valeur d’Utilité Perçue par le Client est caractérisée par deux éléments principaux
(Santi, 2004) : les bénéfices perçus et les sacrifices perçus. Afin de dégager de la valeur
pour le client, le différentiel entre ces deux éléments doit être positif.
Les bénéfices perçus sont composés de trois leviers :
L’avantage obtenu, lié à valeur ajoutée que procure le produit ou service de
l’entreprise. Dans le cadre d’une offre de substitution, le différentiel entre
l’avantage obtenu par le produit actuel et le produit de substitution de
l’entreprise en question devra être suffisamment grand pour inciter au
changement.
La transparence de l’offre, soit la simplicité de compréhension,
d’observation et d’essai.
La compatibilité, à savoir la capacité de l’offre à s’intégrer dans
l’écosystème actuel du client (exemple : compatibilité d’un logiciel avec le
système d’exploitation des clients).
De même, les sacrifices perçus sont décomposés en trois éléments :
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Le niveau de prix, à savoir l’effort que le client doit produire pour capturer
la valeur.
Le risque perçu, à savoir la possibilité pour le client de ne pas faire le bon
choix (exemple : choisir un produit qui n’est pas standard et ne le deviendra
pas).
Les coûts de transfert, liés à de nouvelles procédures, à la mise en place de
la nouvelle solution, et au temps passé à s’adapter à la nouvelle offre.
Forbis et Mehta (1981) proposent d’agir sur les sacrifices perçus en définissant un
compromis entre les « Start-up costs » et les « Post-purchase costs », à savoir les frais
d’acquisition initiaux et les coûts d’exploitation : mieux vaut parfois augmenter les
premiers pour diminuer sur le long terme les seconds.
Il est bien entendu indispensable que les bénéfices perçus soient plus importants que les
sacrifices perçus : ainsi, la VUPC est positive et grandit à mesure que cette différence se
fait sentir.
IV.2.C. Typologies de Propositions de Valeur
Les différents écrits universitaires et scientifiques nous permettent d’identifier plusieurs
typologies de valeur qui correspondent à plusieurs stratégies différentes. Santi (2004)
identifie notamment :
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Valeur de création ou de rupture : ce sont de nouveaux espaces sur le
marché qui créent des valeurs d’utilité et d’échange fortes.
Valeur économique ou de substitution : la promesse de cette proposition de
valeur est une économie de coût et de moyens pour le client.
Valeur d’amplification : cette stratégie offre au client la possibilité
d’augmenter la VUPC de l’offre actuelle grâce à une augmentation de la
valeur sans augmentation équivalente des coûts.
D’autre part, Kim et Mauborgne identifient la stratégie maximisant la VUPC et
minimisant le positionnement comme la stratégie Blue Ocean. Celle-ci se définit comme
la création d’un marché plutôt que la recherche des parts de marché en confrontation
directe avec la concurrence, permettant une croissance rapide et rentable. Les auteurs
identifient plusieurs caractéristiques communes à la majorité des stratégies « Blue
Ocean » analysées jusqu’à présent :
L’innovation se fait sur la valeur et non sur la technologie
La stratégie est initiée par des acteurs déjà en place et non de nouveaux
entrants
L’unité d’analyse par ces entreprises n’est pas la concurrence ou le marché
mais le mouvement stratégique
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Les entreprises ont bénéficié d’un fort capital de marque apporté grâce au
succès de leur stratégie Blue Ocean
Enfin, les auteurs identifient cinq impératifs afin de mener une stratégie Blue Ocean
réussie :
Créer un espace unique et incontesté sur le marché
Rendre la concurrence obsolète
Créer et capturer une nouvelle demande
Supprimer le rapport valeur / coûts
Architecturer l’entreprise dans une optique de différenciation et
d’optimisation des coûts
Iselin (2009) propose une matrice intégratrice des concepts académiques vus
précédemment permettant de classer les typologies de proposition de valeur en fonction
du positionnement prix et de la VUPC.
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IV.2.D. La Proposition de Valeur
L’élément récurrent des différents courants de pensée autour du Business Model est la
proposition de valeur, également reprise sous le nom d’offre ou Value Stream.
Moore (1993) identifie trois éléments principaux de la proposition de valeur :
Parier sur une innovation qui potentiellement amène à une offre
révolutionnaire
Découvrir la proposition créatrice de valeur pour le client
Créer une architecture qui permette de servir le segment choisi
De la même manière, Markides (1999) et Govindarajan & Gupta (2001) définissent la
proposition de valeur comme la réponse à trois questions :
A qui (Client)
Quoi (Offre)
Comment (Business Model)
Wind (2005) positionne et définit la proposition de valeur comme l’émanation de la
demande, qui est traduite en termes économiques et en architecture de valeur par le
Business Model. La proposition de valeur est l’interface entre la demande et le Business
Model.
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Elle doit également prendre en compte tous les acteurs de la création et du partage de la
valeur, particulièrement les fournisseurs et les clients. En effet, si la proposition de
valeur ne permet pas la capture de la valeur pour les clients ou les fournisseurs, le
modèle ne semble pas viable à long terme (soutenable).
Phillips (2001) propose de détailler la proposition de valeur sous forme d’une liste
d’éléments constitutifs sur deux plans :
Le client
o Identité
o Usage fait du produit / service
o Meilleure alternative (offre de référence)
o Valeur supplémentaire conférée par l’offre
o Sacrifices supplémentaires nécessaires pour jouir de l’offre
Le fournisseur
o Capacité à fournir l’offre prévue
o Nécessité de combiner ou acquérir de nouvelles ressources
o Création ou non d’avantages concurrentiels
o Génération de profits
o Architecture permettant la meilleure efficience
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L’objectif de la proposition de valeur est généralement de maximiser la VUPC afin de
pouvoir en assurer une répartition maximale entre les acteurs de la création de valeur.
Un modèle basé sur une maximisation de la proposition de valeur est généralement celui
qui maximise les profits.
Néanmoins, une réduction de la proposition de valeur est également envisageable et il
est important d’ancrer la proposition de valeur dans un environnement concurrentiel et
dans une stratégie globale.
En effet, il existe généralement sur le marché une « offre de référence » qui possède sa
propre proposition de valeur, et par rapport à laquelle le client va situer la proposition de
valeur portée par l’entreprise.
L’entreprise en question peut au choix enrichir une proposition de valeur existante ou
l’appauvrir (exemple du Low-Cost dans la grande distribution qui propose une gamme
réduite, pas de chauffage, pas de musique, pas de théâtralisation, mais qui réduit dans le
même temps le prix de vente). Néanmoins, afin de développer une activité soutenable
pour l’entreprise, ce choix doit s’accompagner d’une stratégie plus globale, qui se
traduit par un Business Model respectant une certaine typologie (pour reprendre
l’exemple du Low-Cost dans la grande distribution, optimisation des flux logistiques,
des coûts fixes, des frais de personnel). Sans entrer dans une liste exhaustive, c’est d’un
positionnement fort de la proposition de valeur qu’émanent les typologies de Business
Model évoquées dans les travaux universitaires (Blue Ocean, Innovation Value).
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IV.3.Proposition de Valeur & Web 2.0
IV.3.A. Concept de Web 2.0
Les années 2000 ont vu apparaître un mouvement appelé Web 2.0 qui a été évoqué pour
la première fois par Dougherty en 2003 puis repris en 2005 par O’Reilly dans son article
What is Web 2.06.
Le concept de Web 2.0 englobe trois principaux mouvements de fond côté internaute
que nous détaillerons ci-dessous, sans néanmoins faire un développement exhaustif des
innovations technologiques, le propos ici étant d’orienter le discours sur l’internaute.
IV.3.A.1. Contenu dynamique
La première évolution majeure est le passage d’un contenu statique à un contenu
dynamique.
En effet, il faut se souvenir qu’avant l’apparition du Web 2.0, les sites sont statiques, et
reposent sur des technologies ne permettant pas une mise à jour facilitée. Cette dernière
est alors réalisée de manière ponctuelle par l’auteur (HTML).
Progressivement sont apparues des technologies permettant d’afficher dynamiquement
du contenu stocké dans des bases de données (PHP, SQL). C’est l’apparition
progressive des CMS, Content Management Systems, qui permet alors de mettre à jour
le site non pas en rédigeant du code informatique mais via une interface conviviale et
simplifiée.
6 http://oreilly.com/web2/archive/what-is-web-20.html
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Le Web 2.0 voit apparaître de nouvelles technologies et de nouveaux langages (XML,
RSS, AJAX) permettant de créer de nouvelles interconnexions entre les sites et
particulièrement d’agréger une grande quantité de contenu de manière simple.
IV.3.A.2. Co-création ou Crowd-sourcing
Le phénomène parallèle à l’évolution des technologies est le développement massif de
la co-création : alors que jusqu’à présent, l’internaute est un consommateur passif de
contenu, les nouvelles technologies lui permettent de prendre une part de plus en plus
importante dans la création de valeur.
De nombreux exemples illustrent ce phénomène : YouTube, Wikipedia, Flickr, ou
encore toutes les plateformes de blog.
Ainsi, il est nécessaire de noter dès à présent le double rôle de création et de
consommation de l’internaute.
IV.3.A.3. Dimension communautaire
Le dernier mouvement crucial pour la compréhension des enjeux liés au Web 2.0 est la
dimension de partage et de communauté. Grâce aux technologies, les internautes se sont
emparés de la toile pour en faire un espace d’échange et de partage, propulsé par les
nouvelles plateformes favorisant cet échange.
Ainsi se sont formés les réseaux sociaux bien connus, Facebook ou Twitter, mais au
delà des réseaux plus modestes autour de sujets spécifiques (Last.fm ou Apple Ping
pour la musique par exemple).
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IV.3.B. Conséquence du Web 2.0 sur la Proposition de Valeur
Le premier élément important est la complexification de la place de l’entreprise au sein
de son écosystème. En effet, au delà de la place du consommateur qui évolue pour
devenir également co-créateur de valeur, la facilitation des échanges et les NTIC
entraînent le positionnement de l’entreprise dans un réseau de valeur plus dense (notion
d’organisation virtuelle de Becheikh et Zhan, 2000).
De plus, les nouvelles pratiques communautaires entraînent de nouvelles opportunités
afin d’innover en termes de création et de proposition de valeur, voir même peuvent être
le cœur même de l’innovation.
Ceci explique une mutation de la proposition de valeur qui doit s’adapter à la fois en
termes de contenu pour le consommateur mais qui doit également être génératrice de
valeur pour l’ensemble des acteurs de la création de valeur dans le réseau de
l’entreprise.
Ce phénomène peut être approfondi par la théorie des marchés bifaces et à fortiori
multi-faces.
IV.3.B.1. Théorie des marchés bifaces
Roson (2005) identifie un marché biface « lorsqu’une plate-forme s’adresse à deux
groupes d’agents, de telle sorte que la participation d’un groupe augmente la valeur de
la participation pour l’autre groupe ».
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En d’autres termes, la réussite d’une entreprise sur un marché multi-faces est
conditionnée par le développement de la consommation pour les deux groupes
d’acteurs. De même, l’entreprise opte généralement pour un modèle de revenus
différent selon la face concernée, et il n’est pas rare qu’une face subventionne la
consommation de l’autre face.
La notion de marché bifaces s’accompagne des effets de réseau (Rochet et Tirole,
2006), qui correspond à un lien important entre les différents acteurs dans la création de
valeur et entraînant des effets d’externalité de réseau.
Shuen (2008) quatre types d’effets d’externalité de réseau :
Effets directs : la valeur du bien augmente avec le nombre de personnes qui
l’utilisent (ex : Facebook n’a d’intérêt que si le nombre d’utilisateurs est
important).
Effets indirects : la consommation du bien augmente la valeur d’un bien
complémentaire (ex : les lames de rasoir).
Effets de réseaux croisés : particulièrement utile sur un marché multi-faces,
la consommation du bien d’une des faces entraîne une augmentation de
valeur pour les autres faces.
Effets de réseaux sociaux : la consommation augmente par l’action de
recommandation des utilisateurs auprès de leur réseau.
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La théorie des marchés bifaces, et à fortiori, des marchés multi-faces, illustre bien la
complexification de la structure de valeur au profit d’une multiplication d’acteurs
prenant part à la création de valeur. Il est donc aujourd’hui nécessaire de construire une
proposition de valeur qui soit à la fois créatrice de valeur pour le client principal mais
également pour les clients secondaires et les fournisseurs. Il est également nécessaire de
prendre en considération les effets de réseau dans la construction de la proposition de
valeur.
IV.3.B.2. Economie de la gratuité
Nous avons vu précédemment que le consommateur est au centre à la fois de la création
et de la consommation de valeur (co-création). La contrepartie directe à cette tendance
est l’apparition du tout-gratuit. En effet, en échange de sa participation désintéressée, le
consommateur souhaite aujourd’hui le même traitement de la part des entreprises.
Ceci se traduit par un mouvement de fond vers le tout-gratuit. Les exemples sont
nombreux, et dépassent aujourd’hui le secteur de l’internet : presse, télécom,
compagnies aériennes, locations de voiture…
Trend Watching identifie entre autre trois causes majeures liées au Web 2.0 qui
caractérisent ce phénomène :
La nature même du support (Internet), qui réduit considérablement les coûts
de production et offre une facilité de duplication inégalée.
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La multiplication des consommateurs-créateurs qui mettent à disposition
leur contenu gratuitement et qui accentuent ce phénomène de manière
exponentielle.
La raréfaction de l’attention du consommateur face à l’explosion du nombre
d’espaces publicitaires et à l’accoutumance (inconsciemment, les internautes
filtrent de plus en plus les publicités).
Le phénomène du Free-Love comme appelé par Trend Watching se traduit par plusieurs
leviers :
« Any excuse to advertise » : c’est le subventionnement des clients finaux
par des annonceurs, grâce à la mise à disposition des espaces publicitaires (à
l’image des modèles basés sur la publicité pour les blogs par exemple).
« Courting saturated customers » : c’est le placement de produits / services
afin que le client se fasse sa propre idée du produit ou service. L’organisme
identifie plusieurs manières de mettre ce levier en œuvre, notamment une
offre basique à prix d’appel associée à des services à un tarif plus élevé, ou
encore le phénomène de « Premiumisation », basé sur une offre gratuite qui
incite l’internaute à acheter la version payante.
« C2C » : encore appelé Génération C, ce phénomène traduit la volonté des
internautes à proposer du contenu gratuit leur conférant une visibilité et un
statut.
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« Swapping, not spending » : c’est le phénomène d’échange de produits /
services entre consommateurs qui supplante l’achat-vente. Ceci est en
particulier rendu possible grâce au Web 2.0 qui favorise la mise en relation
entre les internautes.
« Less is more » : c’est l’augmentation du nombre de personnes qui donnent
leurs biens gratuitement.
IV.3.B.3. Leviers d’innovation de valeur de Mahadevan
Les nouvelles tendances qui accompagnement le développement du Web 2.0 (contenu
dynamique, co-création et développement des communautés) sont également une source
d’innovation. En effet, il est possible de renouveler ou d’enrichir une proposition de
valeur grâce à ces éléments.
Madahevan (2000) identifie par exemple des réductions dans le coût que représente la
recherche d’un produit / service en ligne, ou l’enrichissement de la proposition de valeur
apporté par les recommandations de la communauté sur un produit / service.
L’auteur propose quatre leviers d’innovation de la proposition de valeur dans un
environnement Web 2.0 :
Les communautés virtuelles : c’est la construction d’un lien entre les
consommateurs autour d’un sujet, d’un produit ou d’un service. La réelle
valeur ajoutée est le lien fort entre les membres de cette communauté.
Madahevan ajoute qu’il est difficile de copier ces communautés car la
valeur est générée par les membres eux-mêmes et la difficulté de
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construction de la relation entre les membres entraîne des coûts de transfert
importants.
La réduction des coûts de transaction : grâce à la facilité d’accès à
l’information, les coûts de recherche sur un produit ou un service
deviennent infimes. Cette facilité de comparaison permet de réduire les
coûts et ainsi les prix, ce qui peut être le cœur de la proposition de valeur.
Ceci offre l’avantage de présenter une forte externalité de réseau (effets de
réseaux sociaux, effets de réseau croisés). Néanmoins, la généralisation de
ce phénomène risque de banaliser la proposition de valeur qui ne sera plus
alors source d’innovation.
L’exploitation de l’asymétrie de l’information : entre deux acteurs ayant une
vision partielle du marché (acheteurs – vendeurs), cette stratégie consiste à
positionner sa proposition de valeur sur un rôle intermédiaire. L’auteur
prend l’exemple de Free Markets Online Inc. qui propose un système
d’enchère inversée en ligne destinée aux professionnels et qui, par la
création d’une négociation et d’une offre en temps réel, réduit de manière
importante les coûts pour l’entreprise cliente.
La création de valeur de transaction : plusieurs problématiques nouvelles
sont apparues avec le développement du Web 2.0, et particulièrement du
commerce en ligne, notamment la sécurité et la confiance. Il est possible de
centrer sa proposition de valeur sur ces thématiques et proposer une valeur
ajoutée aux entreprises évoluant sur ce secteur. L’auteur évoque également
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la confidentialité des données ou les problèmes liés à la sécurité du
transport.
L’auteur ajoute que ces leviers d’innovation ne sont pas exclusifs et qu’il est possible de
les combiner mais que, néanmoins, il persiste généralement un levier majeur et que les
autres leviers, si combinés, sont implicites et complémentaires.
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V. Application au secteur de la musique en ligne
V.1. Cadre d’analyse de la Proposition de Valeur
L’objectif de cette étude de cas est de comparer la proposition de valeur de deux acteurs
de l’industrie de la musique en ligne, l’un étant issu du Web 1.0 (e-commerçant
classique) et l’autre de l’émergence des nouvelles tendances du Web 2.0.
Il est donc nécessaire de mettre en place un cadre d’analyse (Framework) qui permettra
d’utiliser des concepts de référence communs.
La revue de littérature nous permet, en agglomérant les différents concepts analysés,
d’avoir une vision globale de la proposition de valeur.
Celle si se décompose en 5 étapes successives :
Décomposition de la VUPC et analyse du déséquilibre bénéfices / sacrifices
Analyse de la promesse clients / fournisseurs
Inscription de la proposition de valeur dans un réseau
Classification selon les typologies étudiées précédemment
Inscription dans la tendance 2.0
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V.2. Etude de cas : iTunes Music Store
V.2.A. VUPC
Le premier élément qu’il est nécessaire de décomposer est la VUPC.
ITunes Music Store offre plusieurs avantages par rapport à l’offre de référence de
l’époque de son lancement (2001) jusqu’à aujourd’hui : au contraire du disque, l’offre
est fragmentée, c’est à dire qu’il est possible de télécharger morceau par morceau un
album, au contraire du disque où l’offre est figée (contenu du disque). De plus, le
logiciel permet de stocker toute sa bibliothèque à un seul et unique endroit, et sans
encombrement physique, ce qui le rend plus pratique que le CD. Enfin, le système
permet d’acheter en un clic l’album ou le titre choisi, puisqu’un compte est nécessaire à
l’inscription sur le magasin en ligne, permettant d’enregistrer les coordonnées bancaires.
Des contenus additionnels sont disponibles, tels que les LP, qui marient des albums
musicaux avec des contenus exclusifs (images, vidéo, fonds d’écran).
De plus, l’offre est claire et simple à comprendre : un titre coûte 0,99€, un album 9,90€,
le fonctionnement est simple. Par rapport aux magasins « Brick & Mortar », le logiciel
offre une souplesse plus importante et une offre plus large : le logiciel réunit ainsi un
catalogue de plusieurs centaines de styles, et chaque morceau est catégorisé et
disponible via une simple recherche.
Son intégration dans un écosystème est plus difficile car il est obligatoire d’installer le
logiciel lié, iTunes, pour pouvoir accéder au magasin en ligne. Néanmoins, ce logiciel
est multiplateforme, ce qui facilite son intégration, et offre l’avantage d’ajouter
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directement après l’achat l’album ou le titre dans la bibliothèque de son utilisateur. Ce
logiciel permet également de gérer très simplement les téléchargements en cours,
d’arrêter et de recommencer plus tard en cas d’absence.
Le niveau de prix par rapport au CD est inférieur puisqu’un CD coûte en moyenne entre
15€ et 20€ dans la distribution, et il n’est pas possible d’acheter titre par titre un album
(sauf cas des singles qui disparaissent néanmoins des circuits de distribution).
Le risque perçu dans le choix de la musique est réduit grâce aux pré-écoutes. Ceci était
déjà exploité sur les meilleures ventes dans la distribution physique (bornes d’écoute)
mais n’était pas applicable à l’ensemble de l’offre. Néanmoins, le fait de ne pas disposer
de copie physique d’un support représente un risque de perte (aléas de l’informatique),
même s’il reste possible de réaliser une copie de l’album ou du titre sur CD, ce qui reste
malgré tout long et fastidieux.
Les coûts de transfert sont importants : en effet, l’utilisateur ne retrouve pas son
catalogue CD sur la plate-forme, ce qui peut représenter un frein important.
De manière générale, par rapport au CD, il semble qu’iTunes offre une VUPC
importante, notamment grâce à sa flexibilité et son positionnement prix dû à l’absence
de support physique.
Néanmoins, si l’on compare aux e-marchands actuels (FnacMusic, VirginMega), la
VUPC de la plate-forme n’est pas beaucoup plus importante, la seule différenciation
étant l’intégration au sein d’un logiciel dédié permettant un achat et un transfert dans la
bibliothèque facilité).
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V.2.B. Promesse Clients et Fournisseurs
La promesse d’iTunes Music Store auprès de ses clients s’articule autour de 3 axes
majeurs :
La simplicité d’utilisation, de recherche et d’achat, complétés par les
biographies d’artistes, les alertes sur les sorties d’albums…
L’exhaustivité de la bibliothèque, en se définissant comme le « premier
magasin de musique au monde ».
L’aspect ludique et amusant de la plate-forme, qui propose des mises en
avant chaque semaine, des recommandations basées sur les précédents
achats et sur les téléchargements des utilisateurs, les profils d’artistes ou
encore une fonctionnalité de réseau social musical (Ping).
D’autre part, la promesse d’iTunes Music Store aux fournisseurs (principalement les
Majors, maisons de disque très importantes) semble être articulée autour de deux axes
principaux :
La mise à disposition des œuvres à un marché mondial et comprenant un
grand nombre d’utilisateurs (environ 160 millions).
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La visibilité des œuvres auprès d’un segment de population habitué à
l’informatique, relativement jeune, et qui est rompu aux pratiques du
piratage.
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V.2.C. Inscription de la proposition de valeur dans un réseau
ITunes Music Store est un distributeur « classique » au regard des tendances amenées
par le Web 2.0. En effet, la proposition de valeur s’inscrit dans un réseau relativement
simple, qui s’adresse d’une part à ses utilisateurs, d’autre part à ses fournisseurs, qui
sont principalement les Majors.
Ainsi, la plate-forme n’a pas de fortes externalités de réseau, même s’il existe un effet
de réseau croisé entre les Majors et les utilisateurs (plus le nombre d’utilisateurs
augmente, plus la visibilité des œuvres augmente et plus les ventes augmentent). Il
existe également des effets de réseau direct engendrés par la plate-forme Ping, qui ne
doit son intérêt qu’à la présence du réseau de l’utilisateur sur la plate-forme.
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V.2.D. Classification de la Proposition de Valeur
L’évolution du marché amène des changements dans la position de la proposition de
valeur sur le marché.
Lors de son lancement en 2003, la plate-forme révolutionne les pratiques, la seule offre
alors disponible étant celle du CD.
Il faut bien comprendre que ce lancement s’accompagne de celui de l’iPod nouvelle
génération, qui promet « offrir 7500 chansons dans la poche ». Ces deux promesses
couplées ainsi que le principe innovant de la plate-forme (téléchargement au titre & au
format digital) offrent alors un fort avantage à l’iTunes Music Store, qui caractérise une
proposition de valeur « Blue Ocean », à savoir un positionnement prix inférieur et une
VUPC supérieure.
Néanmoins, le marché s’est adapté à ces nouvelles pratiques, et même si la proposition
de valeur « Blue Ocean » a conféré à iTunes Music Store une notoriété difficile à égaler
sur le plan international, d’autres acteurs ont répliqué ce modèle de téléchargement titre
par titre, à un tarif équivalent, ce qui réduit de manière importante la différence entre la
VUPC de la plate-forme et la VUPC de ses concurrents. Même si l’association de la
plate-forme de téléchargement et du gestionnaire de bibliothèques reste unique, et que
l’iPod et l’iPhone équipent une grande partie des utilisateurs, le développement des
mémoires Flash a en partie permis à d’autres acteurs de s’implanter sur le marché des
lecteurs MP3 (Archos, Sony, Windows Zune). Or, la compatibilité entre la plate-forme
et les autres marques est restreinte voir impossible. L’utilisateur qui n’est pas équipé
d’un produit Apple n’est donc pas incité à utiliser la plate-forme pour gérer sa
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bibliothèque destinée à être utilisée en mobilité. Malgré le lancement de Ping, réseau
social musical, et de fonctionnalités de recommandations basées sur les écoutes
précédentes (Genius), la plate-forme ne représente plus le bouleversement qu’elle a
incarné lors de son lancement. La proposition de valeur d’iTunes Music Store serait
donc plutôt tournée autour de l’innovation, à savoir un positionnement prix égal pour
une proposition de valeur relativement supérieure.
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V.2.E. Inscription dans la tendance 2.0
Malgré le lancement de Ping, qui tente d’introduire la notion de partage et de
communautés sur la plate-forme, et les recommandations de ses amis, la proposition de
valeur d’iTunes Music Store reste construite autour d’une philosophie issue du Web 1.0.
En effet, le modèle économique de vente au clic reste classique, et la notion de
collaboration et de partage reste mineure (au lancement, 1 million d’utilisateurs se sont
inscrits à Ping, ce qui est minime par rapport au nombre d’utilisateurs de la plate-
forme), notamment par la forte externalité de réseau directe inhérente au succès d’une
telle approche, freinée sur iTunes Music Store par le téléchargement obligatoire du
logiciel associé. Enfin, hormis la création de contenu sur le réseau Ping, qui encore une
fois, reste minime, la co-création de valeur est absente sur la plate-forme, même si la
plate-forme tente de créer des passerelles avec des réseaux déjà bien établis, notamment
Twitter.
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V.3. Etude de cas : Spotify
V.3.A. Analyse de la VUPC
Spotify offre un concept relativement unique : l’accès en ligne et sans téléchargement
(immédiat), en qualité CD, à une bibliothèque de plusieurs millions de titres, qui
peuvent être classés dans des listes de lectures afin de les organiser. L’accès est
également possible via son Smartphone, et reprend les listes créées dans l’application.
Au contraire de l’offre de référence, qui semble être principalement les plateformes de
téléchargement classiques (iTunes Music Store, VirginMega, FnacMusic), l’offre de
Spotify dispose de plusieurs avantages :
Un prix unique quelque soit le nombre de titres mis en liste de lecture,
écoutés ou recherchés
L’accès instantané à un catalogue immense (13 millions de titres) depuis son
PC/Mac ou son Smartphone
L’accès aux listes de lectures de ses amis depuis n’importe quel endroit
L’accès à sa bibliothèque depuis n’importe quel endroit, que ce soit via son
Smartphone ou un autre PC/Mac
Le partage des titres facilité via une interface conviviale et des URL ouvrant
directement Spotify sur la machine de ses amis
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Le stockage de l’ensemble des titres en ligne et non sur le disque dur de
l’utilisateur
L’offre est cependant moins transparente qu’une offre de téléchargement classique,
puisque Spotify dispose de plusieurs offres associées à un prix et des services
différents :
Spotify Open, une version gratuite limitée cependant à 10 heures d’écoute
par mois et à 5 écoutes / titre, accompagnée de publicité entre les morceaux
Spotify Unlimited, qui offre l’accès sans publicité et de manière illimitée à
la bibliothèque pour 4,99€ / mois.
Spotify Premium, qui propose les avantages de la version précédente
associés à l’accès depuis son Smartphone, ainsi qu’un mode hors-connexion
permettant d’écouter les titres de son choix sans être connecté, le tout pour
9,99€ / mois
L’offre s’intègre parfaitement dans son écosystème : la plate-forme est compatible avec
tous les systèmes courants, et l’applicatif permet à la fois de gérer sa bibliothèque
personnelle déjà constituée ainsi que son baladeur iPod. Il reste néanmoins obligatoire
de passer par l’application afin d’avoir accès à sa bibliothèque. Au delà de cet aspect, un
écosystème s’est créé autour de l’offre, qui compte des sites de recommandations basés
sur Spotify, des contrôles pour le système d’exploitation, des outils de recherche, ainsi
que des outils de partage. La plate-forme s’est également basée sur les réseaux sociaux
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déjà bien implantés (Facebook et Twitter) pour mettre en place ses fonctionnalités
sociales.
Le niveau de prix est bien inférieur aux offres classiques puisque l’utilisateur a
potentiellement accès à 13 millions de titres pour le prix d’un album. Néanmoins, la
principale différence est que l’utilisateur n’est pas propriétaire des fichiers et que si
l’abonnement n’est pas renouvelé, l’accès aux titres retrouve sa limite de 10 heures par
mois et 5 écoutes / titre.
Nous identifions deux risques perçus majeurs :
La peur de ne plus avoir accès à ses titres favoris en cas de rupture entre la
société et l’utilisateur.
La peur de ne pas retrouver certains de ses artistes favoris, malgré la
signature avec les principales Majors, notamment sur des styles ou des
groupes très spécifiques (exemple : certains groupes célèbres comme
AC/DC ou The Beatles qui ne sont présents sur aucune plate-forme de
streaming, ou Happy Apple, groupe de Free Jazz dont la discographie est
incomplète sur Spotify).
Néanmoins, l’offre diminue fortement le risque perçu dans le choix d’un titre ou d’un
album puisque l’utilisateur a tout le loisir d’écouter et de conserver ou de supprimer de
ses listes de lecture les titres sélectionnés. De plus, grâce à son offre gratuite, la société
tente de diminuer le risque perçu dans proposant aux utilisateurs de tester gratuitement
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la plate-forme sans limite de temps avant de payer pour une offre supérieure, celle-ci
restant sans engagement pour l’utilisateur.
Enfin, les coûts de transfert sont relativement faibles puisque l’application est capable
de récupérer automatiquement les titres stockés sur le disque dur ainsi que les playlists
créées notamment dans iTunes.
Il semble donc que Spotify ait une VUPC positive et, plus encore, bien supérieure à
l’offre de référence, notamment grâce à son positionnement prix bien inférieur à l’offre
de référence, ses bénéfices importants et les stratégies mises en œuvre pour réduire les
sacrifices accordés (réduction du risque perçu et coûts de transfert faibles).
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V.3.B. Promesse Clients et Fournisseurs
La promesse client est résumée par la société en une phrase simple : « Une nouvelle
façon d’écouter de la musique ». La société met en avant quatre axes créateurs de valeur
pour le client :
L’accès illimité à la bibliothèque de 13 millions de titres.
L’accès à tout moment et instantané à sa bibliothèque.
Les fonctionnalités sociales intégrées à l’offre (partage des titres, listes de
lecture, fonctions collaboratives).
La juste rétribution auprès des artistes et musiciens, liée aux revendications
contestataires des utilisateurs téléchargeant illégalement la musique en
réponse à la faible rétribution des artistes.
Côté fournisseurs, à savoir principalement les labels, Spotify met en avant plusieurs
avantages créateurs de valeur pour ces derniers :
La visibilité auprès d’un marché en croissance
L’écoute des titres via une interface créant une « expérience utilisateur
incomparable » et présentant une « alternative légale et convaincante au
piratage ».
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Le suivi statistique des écoutes permettant d’éditer des rapports détaillés
d’écoute et de rétribuer les labels sur le nombre d’écoutes.
La possibilité future de promouvoir les artistes sur Spotify.
Au delà de ces deux acteurs, Spotify s’intègre dans un réseau plus dense et propose
également le partage de la création de valeurs avec d’autres acteurs :
Les partenaires, auxquels la société propose d’intégrer l’offre dans un
système multimédia (de salon, mobile) afin d’apporter une nouvelle
expérience aux utilisateurs.
Les annonceurs, auxquels Spotify propose une meilleure performance via
une part d’attention supérieure grâce au ciblage intelligent et au financement
de l’offre par les annonceurs, pour lesquels les utilisateurs sont
reconnaissants.
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V.3.C. Inscription de la Proposition de Valeur dans un réseau
Les précédents éléments mettent en avant l’intégration de la proposition de valeur de
Spotify dans un réseau de valeur plus dense que dans le cas d’iTunes Music Store.
En effet, Spotify a une proposition de valeur s’adressant à plusieurs faces du marché :
annonceurs, clients, partenaires et labels.
Il existe ainsi une forte externalité de réseau croisée entre les annonceurs qui financent
l’accès gratuit à la plate-forme, les utilisateurs qui mettent à disposition leur part
d’attention et les partenaires qui mettent en place des passerelles avec la plate-forme.
Plus il y a d’utilisateurs, plus les annonceurs auront d’opportunité pour communiquer, et
plus les partenaires auront intérêt à proposer des systèmes compatibles avec la plate-
forme.
Il existe également une externalité de réseau directe due à l’aspect social et collaboratif
de la plate-forme. Il est en effet préférable d’avoir dans son réseau une partie de ses
amis connectée à la plate-forme pour profiter au maximum des listes de lectures
collaboratives.
Il existe enfin une externalité de réseau social engendrée par le partage facilité sur
Facebook et Twitter qui incite le réseau de l’utilisateur à s’abonner à l’offre afin de
profiter des morceaux partagés sur les réseaux.
On voit donc que Spotify s’inscrit dans un réseau complexe et dispose d’une proposition
créatrice de valeur pour l’ensemble des faces du marché (labels, clients, annonceurs &
partenaires).
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V.3.D. Classification de la Proposition de Valeur
Les éléments décrits précédemment nous semblent expliquer une forte VUPC pour le
client et par rapport à l’offre de référence, qu’elle soit celle du disque classique ou de
l’achat de musique en ligne.
D’autres acteurs appliquant le même schéma de gratuité, d’accès illimité à la
bibliothèque et de fonctionnalités sociales sont apparus peu avant ou après Spotify.
C’est notamment le cas de Deezer, qui a la particularité de proposer son service
directement via le navigateur.
Néanmoins, l’utilisation de l’application Spotify permet plus de possibilité, notamment
la synchronisation avec les baladeurs iPod, et certaines fonctionnalités sont absentes de
Deezer (notamment les listes de lecture collaboratives). L’application permet également
une utilisation en tâche de fond.
Le positionnement prix de Spotify est inférieur à celui du disque ou du téléchargement.
Néanmoins, le prix de l’offre directement concurrente sur le marché français, à savoir
Deezer, est sensiblement identique.
La proposition semble donc osciller entre une valeur d’innovation voir de « Blue Ocean
». En effet, la bibliothèque de Spotify contient 3 millions de titres supplémentaires que
Deezer ce qui réduit le prix au titre, même si cette différence est dérisoire à cette
échelle.
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V.3.E. Inscription dans la tendance 2.0
Spotify est une entreprise née dans la mouvance 2.0, ce qui traduit une forte empreinte
des composantes de ces nouvelles tendances dans la proposition de valeur de
l’entreprise.
En effet, le lancement de l’offre s’est basé sur une version gratuite, stratégie afin de
réduire le risque et de jouer sur les externalités de réseaux sociaux tout en diminuant les
coûts de transfert liés aux externalités de réseau direct.
Aujourd’hui encore, même si l’offre a évolué, Spotify dispose d’une version gratuite,
certes limitée, mais entièrement financée par la publicité.
D’autre part, l’offre dispose d’un volet payant offrant plusieurs avantages exclusifs
(écoute sur le mobile via une application, absence de publicité, augmentation de la
qualité des titres).
Spotify joue donc sur deux tableaux identifiés par Trend Watching : « Any excuse to
advertise » et « Premiumization ». L’entreprise capte ses utilisateurs et développe son
audience par le phénomène de gratuité (en créant de la valeur pour les annonceurs grâce
à l’augmentation de la part d’attention) et les convertit en revenus récurrents grâce à la
proposition d’une offre premium.
L’entreprise a également intégré dans sa proposition de valeur la dimension sociale et
collaborative du Web 2.0 : en effet, l’une des missions de l’entreprise est de proposer «
de la musique à partager ». Ainsi, l’application s’intègre parfaitement avec les réseaux
sociaux déjà en place (Facebook et Twitter), nouveau levier afin de jouer sur les
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externalités de réseaux sociaux et directs (mettre en place un réseau dédié comme le fait
iTunes Music Store avec Ping demande à la fois des moyens importants et génère des
coûts de transfert élevés tout en diminuant la portée des externalités de réseau).
Enfin, l’entreprise a su s’entourer d’un écosystème favorisant la co-création : en effet,
l’offre permet en quelques clics de définir des listes de lectures collaboratives que le
réseau de l’utilisateur pourra remplir très simplement. C’est ainsi le réseau de
l’utilisateur qui recommande l’écoute et créé de la valeur pour l’utilisateur. De même,
Spotify a mis en place un système de liens ouvrant directement l’application lorsqu’il
est cliqué : ceci a favorisé le développement de sites de fans ou de professionnels
mettant à disposition des liens vers des listes de lecture ou des titres spécifiques.
Enfin, la société a mis à disposition des API7 de développement qui permettent à
n’importe quel développeur de développer des applications autour des fonctionnalités
principales de Spotify (recherche de musique, lancement de l’application,
recommandation). Ainsi, nombre de sites ont fleuri proposant pêle-mêle des
télécommandes disponibles sur Smartphone pour commander l’application, des sites
recommandant une liste de titres basée sur un artiste ou encore des blogs proposant de
manière régulière des listes de lectures sur des genres particuliers.
7 Application Programming Interface : Langage ou format de message utilisé par un
programme applicatif pour communiquer avec le système d'exploitation ou un autre
programme de contrôle, comme un système de gestion de base de données ou un
protocole de communication. Techniquement, les API consistent en des appels de
fonction, accompagnés des paramètres à communiquer à l'extérieur de l'applicatif.
Source : JDN
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Les trois tendances identifiées par l’analyse de la proposition de valeur dans le Web 2.0
se retrouvent ici au cœur même de la proposition de valeur de Spotify.
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VI. Enquête de confrontation
VI.1.Préambule
L’objectif de cette étude est de confronter les acquis universitaires issus de la revue de
littérature avec les constatations faites grâce à une étude statistique permettant de
dégager les tendances génératrices de la valeur dans le milieu de la musique en ligne
pour le consommateur final.
Il est important de noter que l’étude a été réalisée sur un échantillon français sur-
représentatif des 20-39 ans qui sont au croisement des personnes à la fois
consommatrices indépendantes (revenus propres) et issues de la « Génération Y » qui
est la plus exposée au phénomène 2.0.
D’autre part, le questionnaire a été organisé entre autres autour des grands mouvements
liés au Web 2.0. Ainsi, la suite de cette étude sera décomposée autour des thèmes
suivants :
Structure de l’échantillon
Comportements de consommation
Dimension communautaire & collaborative
Co-création
Dimension prix
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Notion de risques et de bénéfices perçus
Nous attacherons de l’importance à segmenter, lorsque c’est pertinent, l’échantillon
selon les critères d’abonnement ou non à une offre de musique en ligne et d’achat ou
non de musique en ligne.
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VI.2.Observations
VI.2.A. Structure de l’échantillon
L’échantillon est globalement équilibré entre les sexes malgré une représentativité
légèrement supérieure des femmes et on observe une forte représentativité des 20-39 ans
expliquée plus haut.
VI.2.B. Comportements de consommation
L’échantillon est composé de « gros » consommateurs de musique : en effet, 60%
écoutent plus d’une heure par jour et 42% plus de deux heures par jour.
Néanmoins, 57% des répondants affirment ne pas acheter de musique en ligne et 78%
ne sont pas abonnés à une offre légale de musique en ligne.
Enfin, 48% de l’échantillon n’est ni abonné à une offre ni acheteur de musique en ligne.
On peut donc d’ors et déjà supposer que ces utilisateurs écoutent soit leur musique grâce
au CD, aux fichiers stockés sur leur ordinateur ou utilisent les offres d’écoute gratuite
financées par la publicité par exemple. Certains répondants citent également les
concerts.
41% des personnes n’achetant pas ou plus de musique en ligne sont abonnés à une offre
de musique en ligne légale. On peut donc raisonnablement supposer qu’une partie de
ces 41% est issue du marché du CD ou de l’achat de titres en ligne.
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Enfin, 72% utilise écoute de la musique en situation de mobilité (téléphone mobile,
lecteur nomade, écoute sur le lieu de travail).
La surreprésentation de la tranche d’âge 20-39 ans ne permet pas de dégager une
corrélation significative entre l’âge et le comportement de consommation.
VI.2.C. Dimension communautaire et collaborative
87% des répondants s’accorde à dire que la notion de partage de ses titres favoris et
listes de lecture auprès de son réseau est d’une réelle utilité et 80% aime partager ses
choix musicaux, même si 34% ne juge pas cette caractéristique comme centrale dans le
choix d’une offre de musique.
Fait marquant, cette utilité est beaucoup plus forte chez les personnes non abonnées à
une offre de musique en ligne (43%) que chez les personnes déjà abonnées (9%). Il n’y
a en revanche pas de forte disparité entre les sexes, même si il y a plus de femmes non
abonnées qui estiment utile la fonction de partage.
La pertinence des réponses est confirmée lorsque l’on croise ces informations avec la
notion de valeur : 70% des répondants estimant que le partage est utile estiment
également que cette caractéristique ajoute de la valeur à une offre. D’autre part, 17% de
l’échantillon n’attribue pas de valeur au partage communautaire mais trouve cette
caractéristique utile.
Il est utile de compléter cet élément par un autre chiffre : seul 11% des répondants base
ses choix musicaux sur les recommandations du réseau et 76% utilise principalement sa
propre expérience d’écoute pour choisir ses titres musicaux. A fortiori, 62% des
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personnes estimant le partage utile basent leurs choix musicaux sur leurs propres
écoutes et à l’inverse, aucun des répondants estimant le partage inutile ne base ses choix
musicaux sur les recommandations de son réseau.
Néanmoins, 90% du panel estime que la musique est un élément révélateur de sa
personnalité auprès des autres. De manière contradictoire, seul 23% des répondants
estime que le fait de pouvoir accéder librement à la bibliothèque de ses amis est créateur
de valeur.
Il est enfin important de noter que de manière générale, les personnes abonnées à une
offre de musique en ligne utilisent plus de sources externes que leurs homologues non
abonnés dans leurs choix musicaux (blogs et sites spécialisés, concerts), exception faite
des recommandations du réseau qui sont plus importantes chez les non abonnés. A ce
titre, 75% de l’échantillon aime que des recommandations lui soient faites sur la base de
ses goûts musicaux, avec une différence notable entre les très enthousiastes
majoritairement abonnés à une offre de musique en ligne, et les enthousiastes non
abonnés à une offre de musique en ligne.
VI.2.D. Co-Création
La question principale aborde ici le sujet de l’implication du client dans le processus de
création de valeur. L’une des principales étapes dans le secteur de la musique en ligne
est le choix des artistes qui sont produits.
L’échantillon se partage exactement pour moitié entre les personnes estimant que le
choix des artistes produits est une source de valeur et les autres. Parmi ces personnes,
une grande majorité n’estime cependant pas cette valeur comme centrale.
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Il n’y a ici pas de réelle disparité entre les personnes abonnées à une offre en ligne et les
autres.
La dimension communautaire prend également part dans le processus de création de
valeur sur ce secteur (partage des titres, création de listes de lecture collaboratives) et
les résultats ont été couverts pour cette partie.
VI.2.E. Dimension Prix
Le premier élément majeur est lié aux attentes actuelles en termes d’offre : 93% des
répondants estime que l’accès illimité à un catalogue est un réel avantage pour une
offre.
D’autre part, 93% de l’échantillon désapprouve fermement l’absence de valeur
marchande pour un produit musical au profit de la valeur « sociale », à savoir sa
popularité auprès du réseau.
VI.2.F. Notions de risques et de bénéfices perçus
Les modifications entraînées par le Web 2.0 engendrent notamment un phénomène de
stockage en ligne, appelé Cloud Computing, qui trouve également son application dans
le domaine de la musique, avec l’apparition d’offres entièrement en ligne.
52% de l’échantillon s’accorde à dire que le stockage en ligne représente un risque dans
le choix d’une offre de musique. Ce risque perçu est plus important chez les personnes
déjà abonnées à une offre de musique en ligne.
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Le fait de ne pas posséder la musique (de manière physique) représente également un
risque, dans les mêmes proportions que précédemment.
Néanmoins, 71% des personnes apprécient que la musique soit stockée en ligne pour les
raisons évoquées précédemment (pas de problème d’espace, accès illimité à une
bibliothèque immense, accès depuis n’importe quel endroit). Cet élément pris à part
entière représente donc une VUPC positive.
D’autre part, 65% des répondants estime que le risque de se tromper dans le choix d’une
musique est relativement faible. La différence entre les abonnés à une offre de musique
en ligne et les non abonnés est ici énorme, dans le sens où ce risque perçu est beaucoup
plus faible voir nul chez les personnes abonnées à mesure que la mesure du risque
augmente.
Pour un peu plus de la moitié de l’échantillon, la recommandation d’un ami diminue le
risque de se tromper dans le choix d’un titre. La répartition entre les abonnés et les non
abonnés est plutôt équilibrée, même si chez les non abonnés, la part des personnes pour
qui la diminution du risque est très forte est plus importante.
Dans les mêmes proportions, la notion de Cloud Computing et le fait d’être dépendant
d’Internet pour pouvoir profiter de sa musique est perçu comme un risque, de manière
beaucoup plus forte par les personnes non abonnées que par les personnes déjà
abonnées (à hauteur de 75% - 25%).
Enfin, 60% des utilisateurs perçoivent l’utilisation d’un logiciel dédié comme un réel
avantage en termes de confort d’utilisation. Encore une fois, la proportion est de 75% -
25% entre les personnes non abonnées et les abonnés.
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VI.3.Analyse
Les éléments observés précédemment nous permettent de tirer quelques analyses et
conclusions quant aux pratiques liées à la consommation de musique en ligne.
L’impact du Web 2.0 sur la valeur attribuée par les consommateurs à la musique en
ligne semble pour le moment plus limité que dans les autres secteurs. On constate
notamment que la musique reste un élément très personnel et que, celle-ci étant le reflet
de soi, trouve plus ses sources dans ses goûts personnels et choix que dans ceux de son
réseau.
Néanmoins, la co-création semble être créatrice de valeur. En effet, la dimension de
partage est importante pour la majorité des consommateurs. Certains acteurs tentent
avec un certain succès de mettre au centre de la proposition de valeur la co-création (à
l’exemple de MyMajorCompany qui propose aux internautes de voter pour les
artistes/internautes qui seront produits par le site), même si cette logique semble plus
difficilement applicable pour les distributeurs de musique en ligne.
Le marché semble encore en phase d’adoption et le Web 2.0 encore en pleine mutation
sur le secteur de la musique en ligne. En effet, on constate qu’une majorité des
consommateurs reste attachée aux offres « classiques » Click&Buy, et les acteurs en
présence cherchent encore leur modèle économique. Les clients sont pour le moment
des « Early Adopters » qui ont très rapidement intégré la valeur supplémentaire
conférée par le Web 2.0 dans leur offre de référence et pour qui le risque perçu et les
bénéfices perçus ont tous deux diminués.
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Pour les « Adopters » et les « Followers », le risque perçu reste important, et peut
expliquer en partie la majorité de prospects non-convertis.
D’autre part, il semble qu’il existe, quel que soit l’élément évalué, de fortes disparités
entre les clients non abonnés (prospects) et les clients abonnés à une offre de musique
en ligne (clients).
Les éléments créateurs de valeur pour les prospects sont déjà intégrés dans la valeur «
basique » et de référence par les clients des offres d’abonnement. Il semble donc que,
très rapidement, les clients ont considéré comme acquis ces éléments et que les offres en
place modifient les attentes et la perception des consommateurs.
Prenons l’exemple du partage communautaire : cette dimension est importante pour les
prospects, alors qu’elle est plus mesurée chez les clients. De même, le stockage en ligne
est plus apprécié par les prospects que par les clients. Dernier exemple, le risque dans le
choix d’une musique est tantôt fort pour les prospects, tantôt faible pour les clients.
Cette disparité semble caractéristique d’un phénomène majeur : les offres répondent au
besoin et sont créateurs de valeur pour les clients, mais ceux-ci intègrent rapidement
cette valeur comme standard du marché et non plus comme innovation majeure.
La conclusion directe que nous pouvons tirer de cet élément pour les acteurs du marché
est la suivante : si cette tendance est pérenne, il existera en permanence un dilemme
entre le positionnement Blue Ocean de la proposition de valeur et le développement de
l’offre.
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En phase d’adoption, le grand nombre de prospects considère l’offre comme fortement
créatrice de valeur et la concurrence est relativement faible. L’entreprise se positionne
alors sur une proposition de valeur Blue Ocean.
Au plus l’entreprise se développe, au plus les clients acceptent cette offre et sont
convertis en clients, au plus la VUPC diminue avec l’adoption de l’offre. La
concurrence s’intensifie et aligne sa VUPC sur celle du leader. L’écart entre les
positionnements prix diminue et l’entreprise adopte une proposition de valeur
colonisatrice (Kim et Mauborne, 1997).
A ce stade, il est donc nécessaire pour l’entreprise d’innover à nouveau pour créer un
espace sur le marché et adapter son positionnement prix afin d’entrer à nouveau dans
une proposition de valeur de type Blue Ocean. Le dilemme est permanent : le
développement de l’entreprise sur son marché est également la source de la diminution
de sa VUPC.
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VII. Conclusion
Les éléments issus de la revue de littérature, des études de cas et de l’enquête montrent
quelques décalages qu’il est important d’identifier et de comprendre.
Même si le phénomène du Web 2.0 est maintenant bien intégré, et que certains acteurs
issus de ce phénomène ont déjà complètement intégré les composantes collaboratives et
co-créatives dans leur proposition de valeur, le secteur de la musique en ligne est encore
en pleine mutation.
En effet, plusieurs éléments caractéristiques du Web 2.0 ont été identifiés au travers de
la revue de littérature : aspect collaboratif, co-création de valeur, modification de
l’équation économique au profit de l’apparition du tout-gratuit.
Les impacts de ces phénomènes sur la proposition de valeur sont importants, tant en
termes d’offre que d’intégration de cette proposition de valeur dans un réseau complexe.
Cependant, au niveau du consommateur sur le secteur de la musique en ligne, ces effets
sur la proposition de valeur sont pour le moment limités, et d’autres éléments du
Business Model ont été beaucoup plus bouleversés que la proposition de valeur
(notamment l’équation économique). La musique reste un élément qui, même s’il est de
plus en plus partagé avec une communauté, est intrinsèquement personnel, et il semble
que la valeur pour le consommateur n’ait pas beaucoup changé, ou tout du moins pas
encore.
La recherche de recommandations pertinentes est un élément qui emporte la quasi-
unanimité. On peut donc pousser les concepts actuellement en place et imaginer un
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système capable de recommander la musique en fonction du moment, des habitudes
d’écoute, des titres écoutés par le réseau et de ceux écoutés par l’ensemble des
utilisateurs. On peut également imaginer une mutation vers la création de communautés
organisées par style au sein des offres actuelles afin de baser ses recommandations non
plus sur son réseau, qui peut avoir des goûts différents, mais sur un réseau de tiers ayant
les mêmes goûts que l’utilisateur.
Néanmoins, les pratiques collaboratives sur le secteur de la musique en ligne sont
nouvelles, et il semble pertinent d’écrire que ce n’est qu’une question de temps,
nécessaire au changement des habitudes et des pratiques du plus grand nombre. La part
des personnes ayant définitivement adopté les nouvelles pratiques d’écoute est
relativement faible en comparaison avec le nombre d’utilisateurs potentiels, et les
risques perçus vont diminuer à mesure que le nombre d’utilisateurs augmentera
(phénomène de confiance collective).
La modification de l’équation économique n’est qu’une étape, la plus palpable
actuellement, vers une modification plus profonde des comportements qu’il est
aujourd’hui difficile d’évaluer.
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IX. Annexes
IX.1.Business Logic Triangle
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Strategy
Business Model
Business Processes
Planning Level
Architectural Level
Implementation Level
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IX.2.Business Model Canvas
Osterwalder & Pigneur, 2009
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