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Essai sur la réforme du système de santé au Québec

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L’analyse des systèmes d’activité, l’apprentissage extensif et le co-design en communauté : une approche

alternative à la réingénierie du système de santé au Québec1

par

Albert Lejeune, Ph.D., professeur au Département de Management et technologie, École des sciences de la gestion, 355 St-Catherine Est, CP 8888, Montréal, (QC), UQAM, [email protected] Pierre Léonard Harvey, Ph.D., professeur au Département de Communication sociale et publique, Faculté de communication, Pavillon Judith Jasmin, 405, rue St-Catherine Est, CP 8888, UQAM, Montréal (QC) Canada, [email protected]

1 Nous tenons à remercier particulièrement les personnes suivantes pour leur participation soutenue à nos travaux : Serge Boileau, directeur des ressources informationnelles du CSSS de Lanaudière sud, Jean Waddell, directeur des services professionnels, Michèle Côté, consultante en gestion des ressources humaines ainsi que Madame Gisèle Boyer, directrice de l’ancien Centre hospitalier Pierre-Le Gardeur et Micheline Ulrich, directrice des soins infirmiers. Nous remercions également Sonia Blanchette, du Centre d’apprentissage, Claudia Gagné et Catherine Vachon-Michaud, infirmières cliniciennes, Annie Chartier et Ginette Aumont, travailleuses sociales ainsi que Yves Noel et toutes les autres personnes qui ont contribué au projet en communautique et apprentissage distribué.

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L’analyse des systèmes d’activité, l’apprentissage extensif et le co-design en communauté : une approche alternative à la réingénierie du système de santé au Québec Résumé La réforme actuelle et les restructurations dans le système de santé au Québec, autour du concept de réseau à intégration de services pose des défis d’apprentissage au sein des différents systèmes d’activités. Plus particulièrement, nous avons pu, comme système d’activité formé de consultants, travailler avec le système d’activité (SA) des infirmières, celui de l’hôpital, maintenant fondu dans un système régional intégré alors que le gouvernement, comme système d’activité, continue à promulguer des lois et à trouver matière à réglementation. Cette réforme gouvernementale questionne les apprentissages requis pour imaginer de nouvelles formes de pratiques transdisciplinaires dans les secteurs de l’intervention sociale, des services cliniques et des soins en santé mentale. Même si l’on parvient à modéliser les structures, il manque à la réforme une réflexion sur la modélisation du processus d’apprentissage, des nouveaux processus organisationnels, des activités collaboratives et de la co-configuration des activités. Les recherches en modélisation organisationnelle et design des systèmes sociaux (Banathy, 1991 et 1994) d’une part et la théorie du système d’activité (Engestrom, 2001) d’autre part nous permettent de proposer des modèles conceptuels de coopération qui suscitent l’engagement et la motivation des professionnels de la santé, des patients et de leur famille dans des communautés territoriales et virtuelles afin d’intégrer des systèmes d’activité multiples et multipaliers. Nous examinons dans cette communication quatre éléments : 1. La problématique et les enjeux du système de santé au Québec et dans le monde à travers les deux paradigmes de l’approche médicale et de l’approche de la santé, 2. Le dispositif de gestion de cas et l’intégration des services sociaux, 3. L’approche de co-design pour définir l’apprentissage à l’intersection de multiples systèmes d’activité 4. La gestion du travail dans des systèmes d’activité comme alternative à la réingénierie des processus 5. L’apprentissage dans un contexte d’objets fluides et transitoires.

Problématique et enjeux du système de santé au Québec et dans le monde : l’enjeu de l’intégration des services Le propos de cet article est de fournir les bases théoriques d’une nouvelle représentation du système de santé québécois dans le contexte de l’interconnectivité globale et du contexte plus large de la mondialisation qui suggère une vision holistique des enjeux et des impacts de la technologie et des changements socio-économiques. Nous passons d’un paradigme réductionniste, rationnel, centralisé de l’organisation des services de santé à un paradigme qui conçoit nos institutions comme des organisations vivantes, émergentes, évolutives où la force des réseaux et des communautés de base s’intègrent dans des systèmes de coopération, de communication et d’activités multipaliers. Pour comprendre ce changement de paradigme, nous nous devons de bien comprendre la manière dont les frontières traditionnelles explosent et se reconfigurent dans des systèmes d’activités complexes et multiples qui exigent d’être pensés selon de nouvelles perspectives épistémologiques et théoriques qui ne cadrent pas nécessairement avec les manières de penser traditionnelles en gestion de la santé.

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Dans le contexte actuel de la réforme en santé, le Québec fait face à de nouvelles structures organisationnelles, comme les agences, les CSSS et les regroupements de clientèles. Celles-ci exigent que nous jouions de nouveaux rôles, que nous faisions face à de nouvelles structures de décisions, à de nouveaux types de partenariats dans la prestation de services et les continuums de soins. Nous ne pouvons plus continuer à garder une vision pyramidale contrôlant nos organisations de santé. Il est important de questionner les anciens paradigmes de soins basés sur des hiérarchies professionnelles et territoriales pour explorer ensemble une nouvelle vision du futur système de soins de santé basée sur la théorie de l’activité, la coopération et le co-design de services de santé mieux adaptés à la réalité du monde ou nous vivons. Nous entrons actuellement dans un monde en mutation globale qui provoque une crise au cœur de nos institutions de santé. Le paradigme transformationnel est massif, rapide et provoque des ruptures dans la manière même de nous représenter le changement. Il semble se dégager un consensus au sein de la communauté des penseurs et des écrivains de la société de l’information (Wilber, 1995 ; Toffler, 1981 ; Hutchins, 1996 ; Lazlo, 1987 ; Naisbitt, 2000 ; Bell, 1973). L’Internet et les nouvelles technologies de l’information et de la communication conduisent notre société vers des changements irréversibles qui exigent de nous une nouvelle façon de concevoir les univers de travail. Une société de l’information pose un défi au mouvement global de la réingénierie des systèmes sociaux et tout ce qui n’en porte pas implicitement le nom, mais qui dans les faits, correspond bien aux définitions qu’on en donne : processus de tâches et processus d’affaires définis d’avance, améliorations de performances drastiques qui échouent, rationalisation des processus où l’engagement de la base fait cruellement défaut, et où, les valeurs sont celles de la science positiviste et de la division du travail entre professions. Une bureaucratie au visage pur qui ne verra jamais le jour tellement elle va à contre courant de la qualité de vie au travail et du besoin fondamental d’orienter et de créer notre propre futur. Une société de l’information ne se construit pas contre l’homme sous forme contrainte et programmatique. Elle doit s’ériger sur la conception de systèmes d’activités conviviaux et humanistes qui respecte le désir d’autonomie et de reconnaissances professionnelles de tous les acteurs impliqués par le changement. Au niveau du système de santé, cela signifie que nous mettions de l’avant une vision expansive du concept d’apprentissage organisationnel, qui s’intègre aux préoccupations professionnelles des acteurs et qui colle de près à la notion de travail et d’interrelations entre compétences individuelles et collectives (Harvey, 2005).

Deux paradigmes La littérature scientifique dans de nombreux domaines de la santé confronte habituellement deux paradigmes (Eaton, 1996) : le passage du paradigme médical des soins selon une approche scientifique mécaniste et hiérarchique face à un paradigme socio-constructiviste d’apprentissage distribué entre divers systèmes d’activité et de services en interaction continue. Dans le paradigme médical, la prise de décision revient aux instances gouvernementales et aux couches de gestion des institutions. Dans le paradigme d’apprentissage distribué en santé (DiStephano et al., (eds), 2004) la prise de décision concerne plusieurs types de professionnels et de types d’activités transdisciplinaires. Les décisions sont prises par ceux-là mêmes qui sont proches de la source des problèmes. La tendance à penser nos institutions comme des systèmes clos regroupant quelques spécialistes est remplacée par des techniques d’évaluation collaborative des besoins et des exigences communicationnelle des gens. Aujourd’hui nous abandonnons progressivement la centration

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sur la maladie et les traitements d’urgence pour se tourner vers la prévention, la santé des populations et des styles de vie plus sains. L’approche par métiers et silos spécialisés se voit questionnée par la résolution des conflits autour des activités entourant le patient, dans son environnement, sa communauté d’appartenance et sa famille2. Les services fragmentés et départementalisés éclatent sous la pression du nouveau réseau de services intégrés qui mettent le patient au centre du système de soins. C’est ce que nous verrons dans la prochaine section avec la mise en place du concept de gestion de cas qui s’intègre bien dans le nouveau paradigme de l’activité multiniveaux prôné par l’approche des réseaux d’intégration de services.

Le dispositif de gestion de cas et l’intégration des services sociaux

Dans le contexte de l’adoption de la Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (loi 25), le CHPLG, un hôpital, et le CSSS de Lanaudière, un centre de santé et de services sociaux, tentent d’intégrer des services dans leur réseau. Toutefois, avant même l’adoption de ce cadre législatif, il existait plusieurs initiatives québécoises et de projets pilotes à teneur locale et régionale visant à mieux intégrer certains services du réseau. Aujourd’hui, cette loi et le «Projet clinique» qui en découle ont pour objectif d’uniformiser et de généraliser l’intégration des services et des meilleures pratiques. La visée d’intégration n’est donc plus le seul fait d’une volonté locale ou régionale, mais se constitue depuis peu à la fois comme une politique-cadre soutenue par la Loi sur les agences de développement des réseaux locaux de services sociaux et comme une orientation clinique (MSSS 2004). Au Centre Hospitalier Pierre-Le Gardeur et dans le CSSS de Lanaudière Sud, tout comme dans les autres régions du Québec, cette politique aura besoin de dispositifs concrets qui permettront son opérationnalisation. Deux dispositifs intégrés concernent tout particulièrement le travail social, soit la gestion de cas et les communautés de pratique de co-design de services.

Le défi du dispositif de gestion de cas et la réflexion sur les pratiques Sur le plan des pratiques professionnelles, la gestion de cas permet de soutenir la coordination et la continuité des services. Le gestionnaire de cas constitue une figure forte qui émerge dans le domaine de l’intervention, et elle pourrait grandement modifier le portrait de la pratique professionnelle au Québec dans les métiers de l’intervention sociale. Au Centre Hospitalier Pierre-Le Gardeur, l’inventaire des expériences, des stratégies d’intervention, du vocabulaire spécialisé et des meilleures pratiques fera l’objet d’une première investigation de la part des services sociaux (et de santé mentale éventuellement).

Le gestionnaire de cas, (case manager) a la responsabilité de procéder à une évaluation exhaustive des besoins de la personne, de planifier les services appropriés, de faire les démarches pour l’admission de la personne à ces services, d’organiser et de coordonner le soutien, d’animer l’équipe multidisciplinaire des intervenants impliqués dans le dossier ainsi que d’assurer le suivi et les réévaluations de la personne. Selon notre compréhension, même si le rôle de gestionnaire de cas peut être revendiqué par plusieurs champs disciplinaires (infirmières, psychologues, ergothérapeutes), ce sont les intervenantes sociales qui y sont actuellement représentées de façon majoritaire. Cependant, la gestion de cas ne fait pas l’unanimité dans ces champs disciplinaires, car elle soulève d’importantes questions au plan des activités professionnelles, de l’identité des membres et de l’implantation de certains 2 Voir le site web de l’Association des Hôpitaux du Québec pour connaître les grandes orientations de la réforme.

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services. D’où l’importance et la pertinence de constituer une communauté de pratique dédiée à l’investigation des menaces et des opportunités reliés à l’adhésion à cette pratique. D’où le besoin également de bien comprendre les divers systèmes d’activité reliés aux métiers de l’intervention sociale.

L’intégration vue comme une menace au travail social En effet, une communauté de pratique pourrait réfléchir sur l’application de cette nouvelle structure organisationnelle, qui en étant centrée sur l’hôpital fait craindre à certains observateurs l’assujettissement des pratiques d’intervention sociale au profit du champ médical. Est-ce vraiment le cas? La posture socio-constructiviste du champ du travail social est-elle en contradiction avec le modèle plus positiviste/fonctionnaliste du champ médical? Nous devons sûrement assortir ces questions de plusieurs nuances. La part de courtage de services du champ médical est-elle prédominante par rapport au travail clinique de type psychosocial? La gestion de cas peut-elle changer la nature de la profession de travailleurs sociaux? L’incertitude et l’essence même des pratiques liées aux métiers relationnels se heurtent-elle à des outils de contrôle, d’évaluation et de planification qui relève de données probantes ou prescrites par les études scientifiques d’experts?

L’intégration vue comme une opportunité pour le travail social À l’inverse, la gestion de cas peut être perçue comme un modèle organisationnel qui apporte des bénéfices aux professionnels. Nous pouvons souligner les habiletés de courtage et de travail en réseau qui sont bien maîtrisées par plusieurs travailleuses sociales. Ces habiletés sont nécessaires à la gestion de cas. Ce travail en réseau permet de revaloriser leurs pratiques tout en améliorant leurs compétences coopératives. Ce travail pourrait être encore valorisé par l’usage de certains dispositifs d’information et de communication dans le contexte de soins collaboratifs, de même que dans celui du continuum de services qui vise à engager davantage les patients dans leurs propres soins. La communication dans les soins de santé des intervenantes sociales représente une partie importante des pratiques professionnelles quotidiennes. La communication en réseau traverse les différentes formes d’interaction qui prennent place dans les divers contextes de la gestion de cas comme le travail en équipe multidisciplinaires, les relations avec les patients, la coordination du travail entre divers types de métiers professionnels, les liens avec les équipes médicales ou la recherche, la coopération régionale. Les recherches actuelles démontrent que de nombreux rôles reliés à la communication émergeront dans les prochaines années.

Les différents rôles du gestionnaire de cas nous amènent à un questionnement sur les enjeux relatifs à l’interdisciplinarité et aux changements relatifs à l’évolution du contexte des départements ou des unités de soins vers des équipes de soins trans et multi-disciplinaires. Cette vision de multiples disciplines travaillant sur des territoires de plus en plus vastes, cherche à harmoniser davantage les rapports que les patients entretiennent ave leur communauté, leur environnement et leur milieu de vie. L’intégration des divers niveaux d’activité des contextes professionnels et des divers contextes de vie des personnes malades à travers les communautés de pratique (CP) permettrait de relever le défi posé par cette perspective globale et l’environnement complexe des tâches et des services du travail social nécessaire à la mise en place de la gestion de cas.

Dans cette optique, plusieurs tâches complexes peuvent être soutenues par les technologies de l’information et de la communication et les CPs. L’implantation d’une ou plusieurs communautés de pratique pilotes en gestion de cas pourrait : évaluer les meilleures pratiques communicationnelles, analyser les conditions et les critères nécessaires à l’amélioration des communications entre les divers acteurs, permettrait l’intégration pertinente et progressive de

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dispositifs de collaboration et d’évaluer leurs impacts, d’identifier les interfaces susceptibles d’être adoptés par les usagers, les outils de communication susceptibles de rencontrer leurs besoins et les conditions relatives aux diverse tâches. Nous devrions analyser la manière dont les acteurs prennent les décisions, quels modèles de communication ou quels outils fonctionnent mieux dans tel contexte, les exigences communicationnelles des patients en terme de contenus, d’interfaces, de navigation dans une base de donnée les concernant, la méthode de design la plus appropriée etc. Pour procéder à une telle cartographie, nous nous proposons d’analyser dans un avenir rapproché les processus de travail et les activités spécifiques de cette catégorie de professionnels.

L’approche de co-design pour définir l’apprentissage à l’intersection de multiples systèmes d’activité Depuis une dizaine d’années, de nombreux domaines comme la communautique, les interfaces graphiques multiutilisateurs, l’interaction humain-machine (HCI), le travail assisté par ordinateur (CSCW pour Computer Supported Cooperative Work) et la communication médiatisée par ordinateur (CMO) ont été traversés par les questions du design et de l’usage centré sur les activités de collaboration des groupes et des communautés de pratique. Plus récemment, les services web de support aux communautés virtuelles ont entraîné un intérêt marqué pour les outils de coopération et de co-design dans divers contextes, tel celui des systèmes de santé. La première génération de design ou le design de type ‘prescriptif’ a été implémenté à travers la dimension normative ou réglementaire ou selon un décret du haut vers le bas. Nous pourrions fournir une myriade d’exemples des failles entrainées par cette approche. Encore aujourd’hui, d’importantes tensions subsistent dans le monde de la santé entre les approches gestionnaires linéaires ou médico-centristes d’un côté et les approches d’intervention sociale coopérative orientées vers les communautés cliniques de pratique et de co-design de services. La deuxième génération des systèmes d’activité humains peut être appelée le ‘design orienté’. L’expert consultant appelé pour étudier un problème dans un système particulier procède à une analyse des besoins, et présente sa solution aux gestionnaires responsables de la prise de décision. La solution est implantée avec plus ou moins de contrôle et de coercition. Et le résultat est à la hauteur de la coercition dans les systèmes d’activité humains. Les deux approches peuvent être caractérisées comme ‘la définition d’un cahier des charges sur un mur tout en ayant quelqu’un de l’extérieur pour le réaliser’. Cette approche est basée sur la croyance qui consiste à dire que les organisations de santé et leur système d’activité peuvent être manipulées, que les experts sont ceux qui possède le savoir, et que les acteurs sont bien mieux d’exécuter ce qu’on leur dit de faire. Ces deux approches techniques-experts dominent la scène de la diffusion des innovations et de la philosophie du changement organisationnel depuis les années 1950 et 1960. Elles persistent encore aujourd’hui dans notre système de santé. Les deux prochaines étapes ou générations de design de systèmes humains et organisationnels contrastent avec les deux générations précédentes. Leur évolution a été orientée par la reconnaissance graduelle et croissante de la nature ouverte, évolutive, complexe, émergente et auto-organisée des systèmes d’activité ; en outre, elles ont été guidées par une compréhension de leur valeur coopérative, leurs finalités pour les activités humaines organisées plus conscientes de la vision des organisations et de la force de construction de consensus. Notre troisième génération de design des systèmes sociaux a été orientée par cette philosophie qui comprend l’action située et les activités coopératives des groupes qui représentent une intersection entre l’engagement de certains individus ou groupes sur ce que devrait être le changement et le futur de l’organisation. Selon les cultures métiers et la formation des

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designers, le ‘design orienté usagers’ représente une approche et un processus participatif qui peut être plus ou moins profond à divers degrés du processus de design. Si l’approche est plus participative, elle peut générer un engagement des membres vers le design de la solution. Si elle l’est moins, elle peut être facilement critiquée. On peut nommer cette approche le ‘design guidé’. La quatrième génération a émergé récemment avec les approches de la théorie de l’activité (Engestrom, 2001) et de la modélisation organisationnelle (Morabito et al., 1999). La métaphore proposée ici s’appuie sur une maxime bien connue : ‘Donnez un poisson à un homme et vous le nourrissez pour une journée, enseigner lui à pêcher et vous assurerez ses besoins pour toute sa vie’. Le ‘design coopératif’ se base sur la théorie de l’activité et la modélisation organisationnelle fondés sur l’idée que même si le futur est influencé par le passé, il n’est pas déterminé par le contexte, technologique ou politique, et tout ce qui s’est passé auparavant. Il reste ouvert à nos interventions et à notre incessant désir d’établir des objectifs par évaluation continue en utilisant le design transformationnel. Ici, ce que nous appelons ‘communautique’ propose un type de design communicationnel coopératif ou les différents niveaux d’activités à modéliser et à opérationnaliser, que ce soit au niveau des individus, de la famille, en passant par les communautés de pratique jusqu’au système de santé global sont accomplis collectivement. Les communautés de pratique peuvent suggérer des activités précises à réaliser, redessiner des processus, et créer de nouveaux référentiels conceptuels pour orienter leur devenir. Mais il y a plus ! La communautique considère que ce devenir n’est pas la responsabilité exclusive des leaders ou des créateurs de lois, mais celle de toutes les parties prenantes. Ceci peut être réalisé si l’on s’assure de partager la culture et les valeurs de tous les acteurs impliqués dans un projet. La pérennité de ces nouveaux systèmes socio-techniques et collaboratifs repose sur la participation soutenue des gens au projet par : la valorisation de la compréhension de objectifs et des tâches par tous les acteurs, et la génération de consensus par des techniques de résolution de conflits, dont les conflits de design : les acteurs doivent devenir des ‘usagers designers’ de leur activité. Si les gens sont engagés dans un design soutenu d’apprentissage, dans le développement coopératif d’activités organisationnelles et la co-modélisation des processus de valorisation du savoir et des connaissances, une nouvelle représentation du système de santé émergera. Cette représentation ne peut être l’œuvre d’une seule personne ou d’un petit groupe. Des images fortes doivent être proposées au sein de tous les acteurs impliqués. Elles sont la responsabilité des hôpitaux, des institutions partenaires, des CSSS, des communautés de pratique qui prennent en charge le continuum de soins, qu’elles soient du domaine public ou de celui de l’entreprise privée ou des responsables des politiques publiques : professionnels, parents, medias. À partir de cette philosophie socio-constructiviste, nous pouvons mettre sur pied des Communautés de Co-Design de Services de Soins de Santé. Ces CCDSSS s’engagent dans le design intensif et la modélisation organisationnelle de nouveaux processus. La communautique valorise l’idée d’usagers-designers qui est basée sur l’éthique de l’amélioration continue des soins de santé et de processus organisationnels coopératifs, personnalisés. Les gestionnaires de cas posent la question suivante : suivi du patient sur le terrain ou télé-collaborative ? À chaque situation, sa réponse spécifique.

Établir ensemble un projet fédérateur et mobilisateur Ainsi l’investigation sur la nature des enjeux reliés à la gestion de cas et à la performance communicationnelle des communautés de pratiques, devrait insister non seulement sur les technologies d’information et de communication qui supportent leurs activités, mais également sur les dimensions cognitives des interfaces-utilisateurs, la dimension

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organisationnelle des services, et les conditions sociales et environnementales de leur implantation. Le présent projet tient compte d’un contexte difficile mais stimulant quant à la rencontre de nouveaux partenaires, la réflexion sur les pratiques de gestion de cas, l’interdisciplinarité des efforts, la poursuite du dialogue inter-organisationnel. Il constitue un support à la mise en place de la gestion de cas par l’implantation d’une communauté de pratique de réflexion et de co-design de services. Nous croyons que l’éclatement des silos ne comporte pas que des risques, mais qu’il représente une ouverture dans le jeu des rapports interprofessionnels et une légitimité nouvelle pour les travailleurs sociaux.

Une communauté de co-design dédiée à l’évolution des services L’une des caractéristiques les plus distinctives du travail social réside dans l’action des intervenantes sociales sur les systèmes. En effet, la mise en place de la gestion de cas amène les travailleuses sociales à exercer leur action non seulement auprès des patients et de leur communauté, mais aussi auprès des divers systèmes auxquels elles participent. La gestion de cas peut être vue comme une tribune formidable pour faire valoir auprès des professions médicales et aux gestionnaires du réseau, l’apport disciplinaire particulier du travail social dans l’intégration des services, et plus particulièrement, dans l’intégration de services de télésanté et de tâches de soins télé-collaboratives. L’organisation des gestionnaires de cas en communauté de pratiques télé-collaboratives pourrait permettre aux travailleuses sociales d’améliorer leur rôle d’interface entre le système client et le système organisationnel. Avec l’apport des TIC, elles pourraient commencer à documenter les pratiques dans une base de connaissances , co-designer de nouveaux services sur Internet, évaluer la performance de la gestion de cas en coordonnant les efforts avec les divers acteurs dans ce nouvelles situations complexes. Si la gestion de cas comporte ses risques, nous devons nous donner la peine d’en évaluer également les opportunités aux divers plans de la communication, de la profession et de la coordination des efforts collaboratifs. Les expériences pilotes de communautés de pratique et de co-design de services appliquées à la gestion de cas peuvent contribuer à la réalisation de leur mission fondamentale : l’éclatement des silos d’intervention visant à briser l’isolement des praticiens, à valoriser leurs compétences communicationnelles et professionnelles et à contribuer à l’évolution de la réflexion sur la mise en place de la réforme.

La gestion du design évolutif Nous proposons une stratégie d’investigation et de co-design de services basée sur six spirales d’activités itératives à l’intérieur de la CP : 1. La formulation des objectifs. La gestion de cas, de quoi parle-t-on? Quel est l’impact sur l’évolution de notre profession? Quels sont les enjeux professionnels? Organisationnels? Quels rôles aura la communauté de pratique? Comment organiser nos connaissances et nos pratiques? 2. La sélection des tâches et des fonctions de la CP. Quels sont les fonctions, les rôles et les tâches de la CP nécessaires à l’opérationnalisation de nos objectifs? 3. Les spécifications des composantes. Quels sont les éléments (valeurs, concepts, entités organisationnelles, ressources, technologies) qui doivent être aménagés pour mettre les fonctions des gestionnaires de cas en place? 4. Le design évolutif de notre environnement de travail. Quels sont les arrangements, les partenariats externes, les structures à mettre en place pour soutenir ou réfléchir aux systèmes reliés à la gestion de cas. 5. La modélisation organisationnelle. Quel est notre modèle organisationnel et opérationnel de notre communauté de pratique en gestion de cas. Comment peut-on, à l’aide de la théorie

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du système d’activité, représenter la gestion de cas au sein de l’hôpital et auprès des divers partenaires et acteurs? 6. Déploiement et valorisation de la CP. Pouvons-nous contribuer à étendre notre modèle, à le faire connaître et à l’appliquer à de nouvelles organisations.

La gestion du travail à l’intersection des systèmes d’activité Tom Davenport a travaillé plus de 15 ans sur le concept et l’approche de réingénierie. Récemment, il écrit (Davenport, 2005 : 9) ceci (traduction libre) : ‘Durant 15 ans, j’ai mené des recherches sur les processus d’affaires et sur les moyens de les améliorer. J’en suis arrivé à la conclusion que les processus les plus importants sont les processus de travail – et non les processus d’affaires.’ De la même façon, toujours pour Davenport, le knowledge management manque sa cible quand il cherche à améliorer des processus d’affaires et administratifs ; la connaissance est inscrite dans le travail, nous devons d’abord nous intéresser au travail des personnes. Nous examinerons ci-dessous la conception classique de la réingénierie, comment le KM cherche à soutenir les processus avec un succès limité et comment le travail et le système d’activité apportent les réponses dont nous avons besoin pour améliorer notre compréhension des systèmes de santé.

Un retour à la notion de réingénierie Au début des années 1990, un parti a emporté les élections provinciales au Québec avec comme slogan de faire la réingénierie de l’État. D’où ce retour à la notion de réingénierie. La littérature en réingénierie considère le processus d'affaires comme un ensemble de tâches, reliées logiquement, qui utilisent les ressources d’une organisation pour atteindre un résultat - un produit ou un service - défini à l’avance. De cette conception, découlent les deux définitions suivantes. La réingénierie des processus d'affaires est: 1. Le questionnement fondamental et la re-conception radicale des processus d'affaires pour atteindre des améliorations drastiques des mesures cruciales et actuelles de la performance, comme les coûts, la qualité, le service et la vitesse (Hammer et Champy, 1993). Ou encore 2. C’est la combinaison d’une vision des affaires basée sur les processus et d’une application de l’innovation aux processus clés de l’entreprise pour réaliser des améliorations majeures dans l’atteinte des objectifs d’affaires (Davenport, 1990 et 1993). À la source de la réingénierie, telle que définie et popularisée par les premières contributions de Hammer (1990) et de Davenport et Short (1990), se trouve la technologie de l'information. Quand Davenport quitte la consultation pour rejoindre l’université Harvard à la fin des années 1980, il lui semble que les praticiens et les théoriciens parlent autour de lui de ce que la technologie de l'information pourrait faire pour changer des processus d’affaires. À cette époque, la technologie de l'information devient plus utile (approche client/serveur, réseaux, bases de données réparties) et Internet comme le web se profilent à l’horizon. Pour Davenport, dès 1990, il ne s’agit plus d’arriver avec une solution compétitive magique basée sur la technologie de l'information mais bien de convaincre les organisations de changer leur façon de faire. Il va intituler son article ‘The New Industrial Engineering’ et c’est son éditeur qui le forcera à mettre le mot réingénierie sur la couverture de son livre. De même Hammer est-il parti de la technologie de l'information pour réfléchir aux processus d'affaires. Professeur, dans les années 1980, au département d’informatique du MIT, il a visité, comme tous ses collègues, les concepts de information engineering et de retro-engineering.

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Quel intérêt ceci peut-il avoir pour les gestionnaires engagés dans la réingénierie ? L’intérêt de ce retour aux sources est double: premièrement le mouvement de la réingénierie est basé sur le potentiel de la technologie de l'information, mais un potentiel qui est propre au début des années 1990 et, deuxièmement, la définition très formelle d’un processus d'affaires retenue par les fondateurs du mouvement de la réingénierie a encore des conséquences aujourd’hui, notamment en éliminant du design les sujets ou organisants d’après LeMoigne (1986), les communautés et équipes, la communication et la culture. L’industrie de la technologie de l'information a vécu un changement profond qui la fait passer du domaine de la computation à celui de l’interaction ou du traitement local de l’information à la production de connaissances sur le réseau3. Ces nouvelles connexions - ou ce réseautage - dépasse largement les frontières de l’organisation. Ce sont des applications déployées aux frontières de l’organisation vers les partenaires d’affaires, les clients, les fournisseurs et les marchés. De la même façon que la réingénierie analyse un processus d'affaires sans tenir compte des frontières fonctionnelles (les silos), la technologie de l'information étend le potentiel de l’entreprise au-delà des limites du temps et de l’espace. L’organisation du futur sera virtualisée au sein d’une toile d’araignée électronique déployée mondialement (voir Lejeune et Roehl, 2003). C’est une situation nouvelle pour la réingénierie : le défi n’est plus de traverser les frontières fonctionnelles d’une organisation en considérant un ensemble d’activités et de procédures mais d’exploiter le potentiel virtuel de cette toile mondiale pour améliorer la coordination de l’entreprise étendue et produire des connaissances génératrices de valeur : ce sont les notions de informating (Zuboff, 1988) et de knowledging (Morabito et al., 1999). En fait, il ne s'agit pas d'opposer une nouvelle forme géométrique à la pyramide - la hiérarchie traditionnelle - mais bien de lui opposer une forme vivante, comme la molécule, où les individus ne sont plus seulement des organisés soumis à des spécifications mais des organisants réalisant des spécifications nouvelles. Des organisants4 ou des stratèges-architectes car leurs contributions définissent des apprentissages, des processus, des connaissances, un développement stratégique et culturel. Cette emphase nouvelle sur la coordination et la connaissance amène certains tenants de la réingénierie à mettre de l’avant une définition alternative d’un processus d'affaires. Cette définition alternative serait plus proche des équipes de travail, de la coordination, de la collaboration et de la notion de la compétence d’entreprise. Est-ce encore de la réingénierie ? Davenport n’a-t-il pas écrit sur le ‘deengineering’ des processus d'affaires, parce qu’on ne peut pas faire l’ingénierie des processus d'affaires et de gestion de l’information, parce que ce sont des systèmes d’activité. Le processus d'affaires est toujours abordé comme un ensemble de procédures et d’activités concrètes et objectives susceptibles d’être représentées graphiquement. Avec la théorie du système d’activité d’Engestrom (2001, 2005), nous allons vers une vision nouvelle des processus d'affaires et de gestion. Il y sera question de collaboration, de coopération, de communauté et d’objet partagé. Le danger et la limite de l’approche classique est le manque de variété de réponses alors que, dans le système de santé, les demande des patients peuvent être très particulières: « Désolé, nous n’avons pas de procédure pour traiter votre ca! ». Quand on considère de façon formelle un processus d'affaires comme un ensemble de procédures et d’activités, on revient en fait à redéfinir une bureaucratie où 100 % des procédures seraient bien définies. Cette approche ne tient pas compte des rôles, des

3Voir Lejeune, A. La technologie de l’information au cœur de l’espace de la stratégie, thèse HEC, 1994. 4L'expression d'organisant est utilisée par Le Moigne dans Le Moigne, J-L. (1986). «Vers un système d’information organisationnel?», Revue Française de Gestion, novembre/décembre : 20-31.

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engagements et des promesses qui se passent - grâce au langage - entre les personnes contribuant à un même processus d'affaires. Une jeune entreprise en pleine croissance est capable de fonctionner en l’absence de procédures formellement définies parce que ses membres se tiennent comme responsables de ce qu’ils ont promis et négocié. Il faut donc réintroduire ces notions d’engagement, d’entente négociée et de rôle dans la définition du système d’activité. Un des processus candidats à la réingénierie est bien le processus de création de connaissances. Alors que les actifs basés sur la connaissance et non plus sur des actifs tangibles définissent la valeur d’une entreprise, ce processus n’est souvent ni défini, ni géré. Mais que peut faire l’approche classique de la réingénierie pour redessiner le processus de création de connaissances? Le mettre à plat, chercher l’effet de levier des technologies de l'information ? En revoir les activités et les procédures? Ou améliorer la collaboration, redéfinir les rôles et les engagements? Dans cette nouvelle configuration, les processus d'affaires ne sont plus simplement considérés comme des procédures et des activités mais bien comme des actifs invisibles, comme les compétences particulières de la firme sont invisibles.

Vers de nouveaux défis : le système d’activité Sans une compréhension plus large de la nature des processus d'affaires, la réingénierie n’est plus cette percée d’une approche au service de la transformation des entreprises mais bien un mauvais prétexte pour couper les coûts et éliminer des emplois. En fait, si on regarde les grandes entreprises dans l’industrie automobile, l’éternelle comparaison entre GM et Toyota (voir Morabito et al., 1999) se termine toujours en faveur de Toyota grâce à son fonctionnement soft et à son alignement réciproque du soft et du hard. Ainsi le système d’activité comporte des éléments à la fois hard et soft. Ce sont (voir tableau 1) : le sujet, l’objet, les outils, la division du travail, la communauté et les règles.

Figure 1. La représentation graphique du système d’activité de gestion de cas

Outils: dispositifs et média de mise en réseau, communauté de pratique

Division du travail: Nouveau statut du gestionnaire de cas

Objet: planification et suivi du patientdans son environnement

Sujet:: la travailleusesociale

Règles: responsabilité administrativedu regroupement; responsabilités cliniquesPar profession

Communauté: les membres d’un regroupement clientèle

Résultat: auto-apprentissage du patient

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Ce besoin de retrouver le travail, le travailleur intellectuel (Knowledge Worker) au centre d’une tentative de modélisation de l’organisation peut passer par la théorie du système d’activité tel que défini par Engestrom (2001). Cinq principes guident le fonctionnement d’un système d’activité. Ils sont illustrés dans le tableau 1. Ces principes sont les suivants :

1. L’unité d’analyse est toujours le système d’activité (SA) 2. Le SA est un système à voix, intérêts, points de vue et tradition multiples 3. Historicité. Les SA prennent forme et se transforment sur de longues périodes de

temps 4. Les contradictions y jouent un rôle central (à distinguer des conflits) par

l’accumulation de tensions à l’intérieur ou entre les SA. 5. La transformation extensive du SA est possible.

La comparaison des principes du système d’activité aux principes de la réingénierie indique qu’il y place pour le co-design. Nous ne sommes plus dans un monde régi par les décrets de la haute direction ni par la raison des experts mais bien dans un monde qui définit son futur en écrivant son histoire.

Tableau 1. Une comparaison des principes de la réingénierie et du système d’activité Réingénierie Système d’activité

Unité d’analyse Le processus d’affaires Le système d’activité Points de vue exprimés Le sommet hiérarchique Des voix multiples

s’expriment Historicité Tabula Rasa – Pas d’histoire Transformation sur le long

terme, histoire Déclencheur(s) des apprentissages

L’initiative unique de la haute direction

Les contradictions intra et inter systèmes sont la source de l’apprentissage

Transformation Extensive, qualitative, longue, souvent par la déviation par rapport aux normes formelles

Courte (Turnaround), ciblée, décrétée, quantitative

L’apprentissage dans un contexte d’objets fluides et transitoires Dans les différents systèmes d’activité en santé (le regroupement de clientèle, l’hôpital, le CSSS, le Ministère), les gestionnaires comme les professionnels de la santé sont devenus des architectes impliqués dans le design de nouveaux ou de meilleurs services aux patients. Ils ou elles conçoivent des structures, réalisent l’ingénierie des processus, développent des personnes, exploitent le potentiel des technologies de l’information, facilitent l’apprentissage et changent l’ensemble organisationnel de même que le paysage global de la santé. Ainsi chaque jour, la théorie du système d’activité propre à chaque organisation se met à exister, à émerger à travers le co-design (Engestrom, 2001 ; Morabito, Sack, Bathe, 1999 : vii).

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Figure 2 : Le design coopératif et la gestion des cas

Le regroupementde

clientèleà l’hôpital

Le systèmede santé

du Québec

Patient dans sacommunauté

Le CSSS

L’hôpital

Le design coopératif(co-design) : lieu souhaité de

la gestion des cas

Les différents systèmes d’activités doivent être modélisés comme des systèmes complexes en interdépendance réciproque mais pas en tant que structure de travail fermée et désincarnée par rapport aux interactions réelles et coopératives favorisées par l’orientation du co-design.

Figure 2. La communauté de pratique de gestion de cas du Centre des services sociaux de Lanaudière sud

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Conclusion Après trois années de recherche et de développement de solutions d’apprentissage destinées à l’implantation de la réforme du système de santé québécois, nous avons présenté une série d’approches théoriques et pratiques nouvelles comme la théorie de l’activité, l’apprentissage expansif, le co-design en communauté à partir du paradigme de la santé. Cette orientation conceptuelle nous a permis de montrer le potentiel important de cette vision dans plusieurs domaines de la santé et plus particulièrement dans la gestion de cas. De façon plus pratique nous avons introduit la gestion de cas comme une opportunité unique de promouvoir le design coopératif, l’apprentissage extensif et le co-design de services et d’approches, qui colle davantage à la réalité du travail. Ces approches sont catalysées dans les communautés de pratique par une culture que l’on peut qualifier de culture orientée vers le futur. Les communautés de pratique (Johnson et Ambrose, 2006) de co-design favorisent le partage de ressources et des compétences dans la définition pratique des nouveaux services qui correspondent davantage aux valeurs des différents intervenants. Si la réingénierie n’a pas d’Histoire, celle des communautés de professionnelles préoccupées par la mémoire collective de leurs activités les plus chères, risquent d’écrire une nouvelle page d’histoire dédiée au développement futur du système de santé. Montréal-Perth, 28 février 2006

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