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PARIS A ALGERET

ANS L'ALGÉRIE.

VDIJC TEURru Gui qeeuh) ,et au, edam/

Gine,

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et

Oran,

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ALGER

67'

PfOlidéte PM*.

ITINÉRAIRE DE PARIS A ALGER:

« La gloire civilisatrice, la gloire de la Fraises« nouvelle qui ira sur ces rivages erder un pays« nouveau , un pays africain et français ; voilà« ce' que nous chercherons, avec la paix quand la« guerre ne sera plus usicessaire , et avec la guerre« et la paix quand il faudra successivement userCI de l'une et de l'autre. »

M. Tassas ,Séance du to juin 183e.

Le temps est déjà loin où l'on considéraitun voyage aux états barbaresques comme ,l'onenvisage encore un voyage à Madagascar ou àCalcutta.• La distance des côtes de France à cellesd'Afrique ; • , .

La facilité de traverser la Méditerranée;La beauté du climat de la régence d'Alger;

2La richesse du sol de ce pays ;Les usages des indigènes;Sont à présent connus de tout le monde.On sait aujourd'hui que ces féroces Bé-

douins ne sont ni si nombreux, ni si redou-tables que les Français ne puissent incessam-ment, avec sécurité , rétablir dans l'ancienneMauritanie cette belle colonie que les Ro-mains surent fonder et conserver pendantquatit cents ans.

On sait enfin que maintenant Alger est uneville toute francisée; dont chacun désire laprospérité.

Et un voyage dans cette capitale de nospossessions n'est plus, pour beaucoup de per-sonnes , qu'un voyage d'agrément.

Bient6t „assurément, nos dames élégantesiront à Alger par partie de plaisir, commeelles vont à Dieppe pour prendre les bains demer.

,Én effet:pour se.rendre de. Paris à Alger , dix jours

suffisent;Six jours pour aller en diligence de Paris à

Marseille ou Toulon , un jour de repos auport d'embarquement ettrois tours pour fairela traversée.

3En prenant la malle-poste de Paris à Mar-

seille , on gagne encore vingt-quatre heures.Les dépenses du voyage ne peuvent excéder

trois cents francs , dont voici le détail :Malle-poste. — De Paris à Lyon 92 »

De Lyon à Marseille... 6.j 15Repas et séjours dans les hôtels So »Traversée et nourriture à bord. . Go »Faux frais pour bagages , etc. . . 20. »

iTotal. . . . . 299, i,5

Et il est facile de se convaincre que sanstrop d'économie , on 'peut faire ce voyagepour 200 fr., si, modestement, on traverse laFrance en diligence.

Deux routes conduisent de Paris à Lyon,l'une par le Bourbonnais , l'autre par laBourgogne.

Une seule route conduit de Lyon à Mar-seille , à moins que l'on ne considère commeroute le Rhône, sur lequel on peut aussi faireune partie du trajet.

La distance de Paris à Lyon est à . peu.prèsla môme par les deux routes.:

Cinquante•neuf poàes et demie ,, par leBourbonnais;

4.Cinqunte•neuf postes un quart , par la

Bourgogne',Ou cent vingt'lieues 12o;La distanCe !de Lyon. à Marseille. •

est de quarante-trois postes .troisquarts, ou.quatre-vingt-dix lieues; ci 90.

Celle de Marseille à‘Téulon est desept postes et.demie,,ou seize lieues,ci 1.6.

Enfin, celle de Marseille et deToulon à Alger , est dé cent quatre-vingt-lieues au plus , ci 180.

Distance de Paris à Alger 4o6.

On peut se rendre de Pâris à Marseille de.deux manières :

Par la malle-poste ou par les diligences.La malle-poste part de la rue Jean-Jac .-

quee-Bousseau , tous les soirs à 6 heures.Pciue y retenir une place , le voyageur doit'

représenter son passe-port..Il ne peut retenir sa place que jusqu'à

Lyon ; prix : 92 fr.On reçoit vingt-cinqkilogrammes de baga-

ges par personne.Les diligences partent tous les jours ,

5

matin à neuf heures, et le soir à quatre heu-res , savoir :

Les grandes messageries, rue Notre -Dame-des- Victoires , et les messageries Lafitte etGaillard, rue Saint-Honoré, et rue de Gre-nelle-Saint-Honoré, n° 18.

Elles ne vont que jusqu'à Lyon. Prix, dansl'intérieur, 63. fr.

Les administrations accordent un poids de2 5 kilos de bagàgés , par personne , le portde l'excédant se paie sur le pied de 35 fr. leszoo kilos , jusqu'à Lyon.

A Paris , les •Iïàsse 7ports se ,délivrent à lapréfecture de 'police ; dans les provincessont délivrés par les préfets et non par lesmaires. • • •

Les personnes qui espèrent ou prétendentfaire la traversée de Toulon à Alger, sur unbâtiment de l'Etat , doivent, avant de quitterParis , se munir 'd'une autorisation d'embar-quement qu'ellei obtiendront au ministère dela guerre ou au ministère du commerce.

6'

ROUTE DE PARIS A LYON PAR LB BOURBONNAIS.

INDICATION DES POSTES.

Sortie de Paris par la barrere de Fontainebleau.Distance

en lieues de • Postes.Paris.

1. Paris à Villejuif. I2. Villejuif à F'omènteau 1 1113. Fromenteau à Essonne . 1 1124. Essonne à Ponthierry. 1 1[46. Ponthierry à Chailly 1.6. Chailly à Fontainebleau. . . . 1 114

46 1. 112. 7. Fontainebleaux à Nemours, . . 28. Nemours à la Croisière 1 1129. La Croisière à Fontenay. . . .10. Fontenay à Montargis

20 1. 1.1. Montargis à la Commodité. . 1 11412. La Commodité à Nogent-sur-Ver-

nisson. 113. Nogen•sur-Vernisson à la Bussière I. 11214. La Bussière à Briare. . . 1 112lii. Briare à Neuvy-sur-Loire . . 216. Neuvy-sur-Loire à Cosne. . . 1 sg•

48 1. 112. 17. Cosne à Pouilly 9 31418. Pouilly à la Charité 1 11219. La Charité à Pougues f 11220. Pougues à Nevers • • 1 1 12

58 1. 21. Nevers à Magny 1r222. Nagny à Saint-Pierre-le-Moutier. 1 11223. St.-Pierre-le-Moutier à St.-Imbert 1 fg24. &Ambert à Villeneuve-sur-Allier 1 11226. Villeneuve-sur-Allier à Moulins. 1 42

A reporter 36 114

7Piatance

en lieuse deParie.

%ales.

R D P 36 114721. 1 12. 26. Nou/ins à Demy 2

27. Bessay à Varennes. . . .- , . 228. Varennes à St.-Gerand-le-Puits.. 1 le29. St-Gerand-le-Puits à la Palisse. . 1 11430. La Palisse' à Droiturier. . . . 1 11431. Drolturier à St.-elartin-d'Estréaux: 1 .32. St.-Martin-d'Estréaux à la Pacau-

dière `1 •33. La Pacaudière à Saint-Germain-

l'Espinasse. . . , . . . . 1 11234. St.-Germain-r Espinasse à Roanne. 1 112

961. 38. Roanne à St.-Symphorien•de-Lay. 236. Saint-Symphorlen-de-Lay . à Pain.

Bouchain, . 1.112

37. Pain-Bouchain à Tarare. . . . 1 le38. Tarare aux Arnas. 1 11239. Amas à Salyagny. 240. Salvagny à Lyon. 1 3[4Lyon.

Total 89 112

HISTORIQUE DES VILLES` PRINCIPALES DE LAROUTE DU BOURBONNAIS.

De Paris à Fontainebleau, les communespar lesquelles on passe n'offrent aucun intérêt;seulement , nous dirons que Villejuif est unefort jolie petite ville , très ancienne , dont il

gest question sous le nom de Villa Judcea, dèsle règne de Louis VII,

Et qu'Essonne est une petite ville dont levoisinage d'une poudrière et de la maison deBernardin de St.-Pierre fait toute la célébrité.

Fontainebleau s'annonce - par la belle foretqui l'avoisine, et dont les chênes qui bordentla route sont pour la plupart séculaires.

Fontainebleau.

En entrant dans la ville , on aperçoit àgauche , le chAteau royal avec son perronélevé. C'est de ce perron que Napoléon fit ses:adieux à la grande armée et à la France.

Fontainebleau', anciennement Fons-Meau-di , ou plutôt Fontaine-belle-eau, est un chef-lieu d'arrondissement de Seine-et-Marne ;cette ville est située à trois lieues et demie deMelun. Elle est bien baie; ses rues sont lar-ges , droites et propres.

Elle possède un collége communal, unesalle de spectacle, des casernes de cavalerie ,et des hôpitaux.

Le chAteau royal ést très-vaste , son exté -rieur. n'est pas apparent,. mais l'intérieur estfort beau:

Il fut commencé sous Louis VII, augmenté

g

sous François leT et Henri IV, et embelli parNapoléon et Lonis-Philippe.

Ce château a acquis dans l'histoire unegrande célébrité, par les nombreux événe-mens politiques dont il a été le théâtre , etparticulièrement par l'abdication de Napo-léon , en 1814. Ce fut de ce lieu que partit cegrand homme pour se rendre à l'ile d'Elbe.

Fontainebleau compte 8000 habitans, etpossède des manufactures de calicot et deporcelaine ; ses raisins, dits chasselas, sontrenommés à juste titre.

Sa forét, qui a environ 12 lieues de circuit,contient 32,000 arpens.

Nemours.

Nemours, petite ville du département deSeine-et-Marne , n'a de remarquable que sonéglise paroissiale, l'ancien château, l'hôpitalet les promenades: elle est environnée par lecanal de Loing et la rivière de ce nom. .

Elle est bien percée et bien bâtie, et pos-sède une bibliothèque publique.

Montargis.

Montargis, ville anciennement considé-

10rable , et actuellement sans importance , estexcessivement mal bâtie; son principal édificeest l'église de la Madeleine.

Fontenay.

Fontenay , dit Fontenay-Trésigny, n'offreTien d'intéressant qu'une belle fontaine , etdans , une Maison appelée le Vivier, les ruinesd'un ancien château royal bâti sous le règnede Philippe-le-Hardi:

Cosne.

Cosne , autrefois . Cortdate , petite ville dudépartement de la Nièvre , est en général as-sez bien percée et bâtie ; ses promenades,entre les Forges et la Loire, sont charmantes,et présentent un, coup d'oeil admirable. Cepays est remarquable 'par sa coutellerie etqui/raillerie les diligences et les voitures deposte y sont 'constamment assiégées par lesmarchands et les marchandes de couteaux etde ciseaux.

•Pouilly .

Pouilly, dit Pouilly-sur-Loire, est une jo-lie petite ville du département de la Nièvre ,célèbre par son vin blanc , que les gourmets

11appellent la sauce aux huîtres. Là , comme àCosne, pendant que les voitures relayent, lesvoyageurs sont obsédés par des funknes quiviennent leur offrir du vin.en bouteille.

La Charité.

La Charité , petite ville du départementde la Nièvre , est située sur la rive droite dela Loire , que l'on passe sur un beau pont.Cette ville n'est rien moins que belle; maiselle a de jolies promenades dans une pres-qu'île formée par la rivière.

La quantité de bateaux qui, y arrivent larend très commerçante. On fabrique danscette ville beaucoup d'ouvrages en émail, enacier, en fer blanc et en fer battu. Il y a desforges, des verreries , des faïenceries, et tinentrepôt d'ancres pour la marine.

Nevers.

Nevers , autrefois Novidiorurn, chef-lieude préfecture du département de la Nièvre ,est assise sur les bords de la Loire et le ver-sant d'une jolie colline.

La ville est d'un aspect sombre , elle estmal bâtie , et ses rues , nullement alignées ,

12sont:.pour .1"a plupart étroites et montueuses ;.cependant elie .esk.vivante . et :oh remareebeaucoup id'activité. • • • , . .

Elle, ei':offre:Joroir;i , aux voyageurs, que l'an-cien chAteau des ducs de Nevers, son églisecathédrale, qui *eSt fort belle, et d'un styleantique , puis des casernes , et la. promenadedite 'du Parc. Le pont.siir la Loire est aussidigne 'de l'attention des curieux.

'Nevers' possèdé une bibliothèque publique,ét - dierses manufactures et fabriques de por-celaines et verreries,. des fonderies de canons ,cibles et chaînes en fer pour les navires, etc.

Cette ville la patrie du célèbre menui-sier Billot , sUrnomnié martre AdaM , pôète -chansonnier.

Moulins autrefois Molina, chef-lieu dudépartement de l'Allier , est située dans uneplaine très belle ét très fertile , sur la rivedroite de l'Allier. Ses maisons , presque toutesconstruites en briques noires et.rouges, verniesParle temps , sont de belle apparence, et sesrues généralement larges et droites. . ,

$es places - publiques. plantées d'arbres et sespromenades extérieures sont très belles,

13Les édifices remarquables de Moulins sont :

l'hôtel-de•ville , le palais de justice, l'églisedu collége royal qui renferme le mausolée dudernier connétable de Montmorency décapitéà Toulouse , la salle dé spectacle et une ca-serne de cavalerïe.

La ville possède une bibliothèque publi-que , un cabinet d'histoire naturelle et un mu-sée: elle a aussi une société des sciences naturelles et des arts.

C'est la patrie des maréchaux Ber‘viek etde Villars,

Farenne.

Varenne est une petite ville du départe-ment de l'Allier qui n'a aucune importance :ce n'est pas là que fut arrêté Louis XVI lors desa fuite à l'étranger en 1791, c'est à Varennesen Argonne, département de la Meuse.

La Palisse.

La Palisse, chef-lieu d'arrondissement., pe-tite ville aussi du département de l'Allier, estdans un pays très montagneux ; elle n'offre pasd'autre intérêt que le souvenir de ce' fameuxM. La Palisse qui vivait encore un quartd'heure avant sa . mort. On y remarqUe Ur? très

14ancien château qui appartenait à la maison deChabannes.

Roanne.

La veille au soir, avant d'arriver à Lyon ,on traverse Roanne, autrefois Rociunna , villeassez agréable du département de la Loire ,que l'on y traverse sur un pont de nouvelleconstruction où viennent aboutir des cheminsde fer.

La ville quoique ancienne , est assez bienbâtie; elle a une salle de spectacle et possèdeune bibliothèque publique, des fabriques dedraps, d'indiennes, de mousselines, etc. Elleest très vivante, et par son voisinage avec Lyonelle est très commerçante. On exploite dansles environs des mines de charbon de terreet de plomb.

Dans cette ville, auprès du pont et avant de .

traverser la Loire, il y a à droite un assez bonhôtel.

Tarare.Tarare, département du Rhône, à dix lieues

dé Lyon , est construit au pied d'une hautemontagne qui porte son nom, dans une valléeagréable formée par la petite rivière de Tar-dine qui presque tous les ans inonde le pays.

15

Cette ville essentiellement manufacturière,possède un grand nombre de fabriques de dif-férentes étoffes, qui fournissent du travail àplus de 5o,000 ouvriers des arrondissemensvoisins.

Nous avons passé sous silence toutes les pe-tites communes qui se trouvent sur la route duBourbonnais depuis Paris jusqu'à Lyon, etqui ne peuvent présenter aux voyageurs au-cun intérêt ; nous ferons de même pour laroute de Bourgogne dont nous allons fairel'historique; ainsi nous ne parlerons que desvilles de quelque importance ou qui ont acquisdans l'histoire quelque célébrité.

Nous ne nous occuperons pas non plus desnombreuses maisons de campagne que l'onaperçoit des routes que nous parcourons ,pour ne pas inutilement grossir le volume ety conserver une place plus large pour ce quiconcerne Alger.

Nous laissons aux voyageurs la surprise desbeaux sites qui se déroulent successivement àla vue , durant cette route déjà assez longuepour qu'ils désirent vivement arriver à Lyonoù ils doivent prendre quelque repos.

16

Avant de parler de cette ville , nous allonstracer la deuxième route de Paris à Lyon parla Bourgogne. •

ROUTE DE PARIS A LYON PAR LA BOURGOGNE.

INDIC iTION DES POSTES.

Sortie de Paris par la barrière de Charenton.

Distanceen lieues de Postes.

Paris,1. Paris à Charenton. 2. Charonton à Villeneuve-St.-Georges 1 1143. Villeneuve-Ste- Georges à Lieusaint 1 3144: Lieusale à Melun. 1 112

10 I. 8. Melun au Chatelet. / lit6. Chatelet. à Panfou. 17. Panfou à Fossard 1 3148. Fossard à Yilleneuve-Ia-Guiard, 19. Villeneuve-la-Gulard à Pont-sur-

Yonne. 1 11210. Pont-sur-Yonne à Sens. . . 1 112

28 I. 11. Sens à Yffieneuve-sur-Yonne. 1 31412. Villeneuve-sur-Yonne A Villeval-

lier. 1Vffievallier à Joigny. . . .

„31 I. 14. Joigny à Basson. 1 IP18. Bassou à Auxerre. 210. • Auxerre à Saint-Bris 1 1E41.7. St.-BrIs à Verraanton 218. Yermanton à Lucy-le-Bols. . 2 1i4

A reporter. 20 114

"Distanceru lieues de

Paris.

17

Post( s.

R D P 20 11419. Lucy-le-Dois à Avallon. . . . . 1

5:5 1. 20. Avallon A Rouvray. 2 11421. Rouvray A la Roche-en-Breuil. . 122. La Roche-en-Breuil à Saulieu. . 1 11223. Saulieu A Pierre-Ecrite. . . . 1 11424. Pierre-Ecrite A Cbissey. . . . I 1/.423, ChIssey à Autun 2 112

73 I. 28. Autun A Saint-Emilan. . . . . 227. Saint-Emtlaii A Saint-Léger. . . 1 31•28. Saint-Léger à Bourgneuf. . . . I20. Bourgneuf à Chatons-sur-Saône. . 1 112

87 1. 30. dhcilons-sur-Saône à Senecey. . 231, Seneoey à Trournus . 1 11232. Tournus A Saint-Albin. . . . . 233. Saint-Albln à Mâcon. . . . . 2

101 1. 31. Iiidcon A la Maison .-Blanche. . . 233. La Maison-Blanche à St.-GeorgeF-

de-Renelns. . 1 31438. St.-Georges-de-Reneins A Anse. . 1 31437. Anse à LImonest. 1 1j238. bjmonest A Lyon. 1 112

ie) 1. Lyon.

Total '50 1f t

18

HISTORIQUEDES VILLES PRINCIPALES DE LAROUTE DE LA BOURGOGNE.

Charenton.

Charenton, dit Charenton-le-Pont, pre-mier celai après Paris, est un bourg assez fortdu département de la Seine; il est construiten amphithétttre surla rive droite de la Marneque l'on passe en cet endroit.

En entrant dans Charenton on remarque àgauche le pavillon de Gabrielle d'Estrées,qui dépendait autrefois d'un beau parc mor-celé depuis fort peu de temps.

Charenton est encore célèbre par son vasteétablissement destiné aux aliénés, et son écolevétérinaire sise à Alfort, qui communique àCharenton par le pont traversant la Marne.

Villeneuve-Saint-Georges.

C'est un joli bourg du département de Seine-et-Marne, Mil sur la rive droite de la Seine oùvient se jeter la petite rivière d'Yères ; sonéglise, située sur une montagne qui domine lacommune, prète aux charmes des sites déli-cieux qui l'environnent.

19

Villeneuve-Saint-Georges renferme plu-sieurs maisons de campagne charmantesparticulièrement celle de Beauregard dont laterrasse offre une perspective ravissante et desjardins superbes.

Ce bourg est d'une origine déjà ancienne ,car il en est fait mention dans l'histoire deFrance au règne de Louis VII.

Melun.

Melun , autrefois Melodunum , chef- lieu dudépartement de Seiie-et-Marne, est une villetrès ancienne et assez bien bâtie : la Seine quila traverse par deux bras la divise en troisparties.

Il y a dans cette ville une bibliothèque pu-blique, une salle de spectacle , une maisoncentrale de détention avec ateliers de travail,et diverses manufactures.

Melun est la patrie d'Amyot, traducteur desoeuvres de Plutarque.

Sens,

Sens, autrefois Senones, chef-lieu d'arron-dissement du département de l'Yonne , vul-gairement appelée Sens en Bourgogne, est

une assez belle ville , située dans une vasteplaine, sur la rive droite et au dessous du con-fluent de l'Yonne et de la Vanne ; ses ruessont mal percées , ses maisons mal bAties ;mais cependant elle est agréable ; les murail-les qui l'entourent sont de construction ro-maine; sa cathédrale, superbe édifice gothique,est l'une des pluianciennes églises des Gaules.

Elle possède une bibliothèque . publiqueune salie de spectacle, plusieurs établisse-mens industriels.

L'origine de Sens remonte à une époquetrès reculée , car, au règne de Jules-César,cette ville était déjà très importante sous lenom d' A gendieurn, qui plus tard fut changé encelui de Senones, à cause des Senonais dontelle était la capitale.

En 1°1.5 elle fut réunie à la couronne deFrance par le roi Robert. Plusieurs concilesse sont tenus à Sens; le plus célèbre fut celuide I i4o, qui condamna Abeilard relativementà sa doctrine et à ses ouvrages.

C'est le lieu natal de Cousin, peintre cé-lèbre.

Sens possède . aussi un fort bon hôtel quenous recomrnandons aux voyageurs , c'estl'hôtel de l'Ecu; il est très bien tenu et l'on y

21

trouve une table d'hôte parfaitement servie :cet hôtel est assurément le meilleur de tousceux des deux routes de Paris à Lyon.

Villeneuve - sur- Yonne.

Villeneuve-sur-Yonne, aussi appelée Ville-neuve•e-Roi , est une petite ville construitedans une belle situa' on, mais elle n'a de remarquable que son église.

Joigny, autrefois Joviniacum, petite villedu département de 1!Yonne , se dresse auprèsde la rivière de ce nom surie penchant d'unecolline verdoyante ; ses maisons sont: assezbien teks, mais ses rues sont étroites etsombres.

Il n'y a de remarquable dans cette ville quela caserne de cavalerie et un ancien chAtean,fort qui la domine; à ce chàteau joint uneterrasse d'où le point de vue est magnifique.

Joigny est renommée pour ses eaux-de-vieet ses cordes à violon. On y confectionne descartouches imperméables et des équipemen&de chasse.

gt

Auxerre.

Auxerre, autrefois Amassa' odurum , chef-lieu du département de l'Yonne, est une villetrès ancienne assise sur la rivière de ce nom ;elle est jolie et dans une position agréable.

Ses édifices les plus remarquables sont :L'église de St-Pierre et la cathédrale , tou-

tes deux du moyen àge , et les chapelles sou-terraines de l'ancienne abbaye de Saint-Germain.

Auxerre possède un cabinet d'histoire na-turelle et' d'instrumens de physique et unebibliothèque publique.

Son industrie consiste en fabriques de drapset calicot, couvertures , chapeaux , futailles ,ocre , etc.

Cette ville a été ruinée et ravagée tour àtour par les Huns , les Sarrasins , les Nor-mands , les Anglais et les Calvinistes. C'est làque fut signée la paix de 14.! o. C'est aussi àquelque distance d'Auxerre que les Françaisperdirent contre les Anglais la bataille deCravant.Auxerre, qui fut la capitale et la résidence des

comtes de l'Auxerrois , est la patrie de Lacurne,de Sainte•Palaye , de Jean Lebœuf , historien

23et antiquaire , de Germain Brice , poète latin ,du jésuite Daubenton, orateur et biographe,de Jean-Baptiste Duval, littérateur et anti-quaire , de Jeannin , ministre d'Henri IV, etdu poète Sedaine. Les cendres des évêquesAmyot et Colbert reposent dans la cathé-drale.

Avallon.

Avallon , autrefois Aballo , chef-lieu d'ar-rondissement du département de l'Yonne ,est une ville bien bâtie près de la rivière duVoisin, dans une vallée très fertile et au mi-lieu des plus beaux sites ; on y remarque leportail de l'église paroissiale , l'hôpital , lasalle de spectacle et la promenade du petitcours sur le bord presque à pic du Voisin.

Elle possède des fabriques de draps et demoutarde , des tanneries, brasseries et pape-teries ; il s'y fait un grand commerce de feuil-lettes.

Cette ville, qui sous les ducs de Bourgogneétait bien fortifiée , fut assiégée par le roi Ro-bert , lequel après bien des assauts s'en renditmaître et fit abattre ses murailles et ses bas-tions.

Avallon est la ville natale de Bocquillot ,

24avocât et prètre, et du conventionnel JacquesBoileau.

Des fouilles faites dans les environs de laville, en 1822, ont fait connaître dé très belles ruines de monumens romains.

Autun.

Autun , autrefois Bibractœ , puis Augusto-dunurn, chef-lieu d'arrondissement du dépar-tement de Saône et-Loire , est assise au piedd'une chaîne de montagnes près de l'Arrouxou Lanoux. C'est une belle ville , considéréedans son ensemble et par rapport à sa po=sition.

La cathédrale, chef-d'oeuvre du moyenâge , est l'édifice le plus remarquable de laville , qui possède encore des antiquités ro-maines dignes d'attirer l'attention des ama-teurs, notamment plusieurs arcs de triomphe.Les promenades, le champ de Mars et unebelle fontaine qui est sur la place de la ca-thédrale , sont autant de choses que • lesvoyageurs doivent visiter.

Cette ville possède deux bibliothèques ,un musée de tableaux qui renferme des mar-bres , des statues et des médailles antiques ,.dont la majeure partie a. été découverte de-

25

puis un :petit - nombre d'années , dans 'lesruines de la ville même; et une sociétégriculture , de sciences et arts.

Ses établissemen's industriels consistentprincipalement en usines Émir la :fonte descanons , tanneries , fabriques de tapis en" poilde boeuf, chandelles, cristaux, etc. -

Autun fut fondée par lés Phocéens , dé-truite - presque entièrement par Tetrieus; re•.Mtie par Constantin vers le quatrième siècle,saccagée en 731 par les Sarrasins et aprèseux', en 888, par les Normands, lorsqu'ils serépandirent dans la Bourgogne. •

Autun , dont le prince de Talleyrand fûtévèqiie , est la patrie de . Charles - Clem'encitbénédictin , professeur distingué de - rhéto-rique; la • ville réclame , comme• Auxerre - ,l'honneur d'avoir donné le jour à Jeannin,ministre d'Henri IV. •

Cité-lions -sur -S aône.Chàlons -sur-Saône , autrefois Cabillonum;

chef-lieu d'arrondissement du départementde Saône-et-Loire, est une très jolie ville ,dans toute l'acception du mot, assise sur la .

rive droite de la SaÔné à l'embranchementdu canal . du -. Centre. •

26Ses maisons , généralement bien bâties ,

sont gracieuses et propres.La ville possède une bibiothèque publique,

des fonderies de fer et divers autres établisse-mens industriels importans.

Châlons a de fort jolies promenades outreun très beau quai , près duquel se trouvel'hôtel du Parc , le plus élégant et le mieuxtenu de cette route. Son principal édifice estl'hôpital Saint-Laurent.

Lothaire Pr commit dans cette ville unacte de cruauté digne des temps les plus bar-bares. Pour se venger des fils du comte deToulouse dont il avait â se plaindre ,.ilil fit en-lever leur soeur Gerberge à peine sortie del'enfance, la fit tratner par les cheveux dansla ville, enfermer dans un tonneau et préci-piter dans la Saône du haut du pont sur le-quel on passe encore aujourd'hui.

Chalons-sur-Saône est la patrie du mathé-maticien Jean Prestal , de Denon, connu âla fois comme voyageur, antiquaire et littéra-teur, et de Roberjot, ambassadeur de France,assassiné à Rastadt.

C'est sans contredit une ville très ancienne,car l'histoire apprend que saint Donatien ,qui vivait au quatrième siècle , a.été son pre-

27'nier évéque. César s dans ses Commentaires ,en fait mention sous le nom de Cabillonum.Elle fut détruite par Attila au sixième siècle,et les Bourguignons s'en étant emparés, elledevint la résidence de leurs rois.

Nous recommandons aux voyageurs quivoudraient se reposer ou séjourner à Chatons-sur-Saône , de descendre à l'hôtel du Parc ,d'aller voir les bains publics et se promenersur le quai , puis de passer quelques instansau Casino.

Pour gagner ensuite Lyon, si l'on a quittéla voiture à Clelons , on peut , pour 3 francs .

et méme i fr. 5o , franchir la distance detrente lieues qui sépare ces deux villes , endescendant la Saône par un bateau à vapeur ;c'est une économie de temps et d'argent , etun moyen d'admirer les belles campagnesqui bordent les deux rives de cette rivière ,en se reposant un peu des fatigues de la voi-ture.

Mdcon.

Mâcon , autrefois Matisco , chef-lien du dé-partement de Saône-et.Loire , est construitesur la rive droite de la rivière de ce nom. Sesmaisons anciennes , toutes mal bâties ,

28-

vent à la naissance d'un joli coteau couvert devignes ;•ses 'rues sont -étroites et mal alignées ,mais'piusienri constructions neuves d'un bon.goût rendent agréable l'aspect de cette ville . ,encore relevé par un beau 'quai• qiii longe laSaône. Ses principaux édifices sont : l'Hôtel-de-Ville , l'ancien• palais N•ontrevel, l'églisede Saint'-Tincent , l'Hôtel•Dieu et l'arc detriomphe. Nous recommandons ses bains pu-.blici.

Elle possède une société des sciencesarts et belles-lettres, et divers établisseménsindustriels , tels que fabriqueà de draps etde couvertures dé laine, tanneries , cérde-ries , etc.

Son commerce consiste en vins qui sont as-.sez estimés, 'tels notamment que ceux desTorrins et de Pouilly.

MaCcin est une.place forte, son origine re-monte' au temps des Romains. Elle dépendaitdes anciens AEdui; les Barbares la raya,.gèrent plusieurs fois . sous Attila et pendant,les guerres de religion: Lors de l'invasion dela France par les puissances coalisées , il s'ylivra , le i r mars 18 14 ,i111 combat 'par suiteduquel elle fut considérablement endom-magée.

29Seneçay, poète 'distingué , et Dotnbey, cé-

lèbre botaniste, reçurent le jour à Macon.

Lyon.

(La malle-poste de Paris arrive habituelle-ment à Lyon à deux heures de l'après-midi.L'heure de l'arrivée des diligences est cellede leur départ de Paris. Ainsi, l'on arrive lematin si l'on est parti le matin , et le soir sil'on est parti le soir.)

En arrivant dans cette ville, la principalechose à connaître pour un voyageur , c'est .

un hôtel : nous indiquons donc comme lesmeilleurs , l'hôtel du Parc, place des Ter-reaux, et l'hôtel de Provence , près la placeBellecour. Néanmoins l'hôtel du Parc estpréférable à cause de sa situation au centre dela ville car la place Bellecour est bien éloi-gnée. Les hôtels à Lyon ne sont rien moinsqu'élégans ; dans la plupart on y est fort maicouché , mais presque tous ont une tabled'hôte où l'on est` très bien servi; nous cite-rons particulièrement pour cela l'hôtel duPare.

Pour se faire conduire à l'hôtel et poury faire transporter ses bagageS , on trouvé ,

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comme à Paris , quantité de commission-naires dans les rues et dans les cours des mes-sageries , puis des cabriolets et des fiacres.Pour faire des courses et pour aller gagnerles promenades, l'on a aussi des omnibusqui vous transportent pour 3o cent.

Description de la ville.

Lyon, chef-lieu du département du Rhône,est la seconde ville du royaume et l'une desplus considérables de l'Europe ; elle portaitautrefois le nom de Lugudunum et puis parabréviation Lugdunum; vers les quatrième etcinquième siècles Lugdunus , et plus tardClaudia, parce que l'empereur Claude y estné , et Copia parce qu'elle était l'abondanceet le grenier des Gaules.

Lyon fut bâtie vers l'an 7i i de la fonda-tion de Rome, qui répond à l'année 43 avant3.-C. , par Lucius iWunatius Plancus qui avaitété autrefois gouverneur de la Gaule celtiquesous Jules César.

C'était durant le temps que Marc An-toine Lepidus et Auguste partageaient larépublique romaine par leurs différentes fac-tions que Lyon fut construite par Plancus, sur

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l'ordre du sénat romain , pour y fonder unecolonie.

L'étymologie du mot Lugdunum n'est pascertaine. Quelques uns veulent que ce soiten mémoire d'un roi des Celtes , nommé Lug-dus ; d'autres , en mémoire d'une légion deJules César, appelée Lugda , qui avait courturne d'hiverner dans ce pays.

11 y a des auteurs qui prétendent que dansl'ancien langage des Celtes, Lug signifiaitCorbeau, et qu'à cause de la montagne deFourvières dont nous parlerons plus bas ,montagne que l'on croit avoir été appeléeCorbière, ou retraite de corbeaux, la ville ,d'abord bâtie sur cette montagne, en avaitretenu le nom , après que les aigles romainesen eurent chassé ces corbeaux.

D'autres encore disent qu'au commence-ment que Lyon fut bâtie , on avait mis surla montagne de Fourvières un grand miroird'acier qui , par la réflection des rayons dusoleil , enseignait à ceux qui venaient dela Savoie le chemin de Lyon qui n'était pasencore frayé, et que conséquemment, Lug-dunum pourrait bien dériver de Lucis-dunumou de Luci-dunum , du prénom de Plancus.

Auguste, qui avait vu naftre Lyon , en fit

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son séjour pendant trois ans. L'empereurClaude, successeur de Caligula, Marc—Aurèleet Caracalla Geta, fils de Sévère, naquirentdans cette ville.

Lyon fut saccagée et bradée plusieurs foissous les «ftomains notai-riment sous Sévère.Pouriant elle se releva toujours de ses désas-tres et devint de plus en plus florissante.

Elle fut la capitale de la Gaule celtique ,le lieu de recettes «des Gaules et de presque .

tout . l'empire romain .. De plus , les Romainsy avaient établi une fabrique «de monnaie quiavait .coud dans totite l'étendue de l'empire.

Ati . cinquième siècle , les Gaules étant en-vahies par des nations barbares , Lyon futprise - par les Bourguignons dont le roi devintfeudataire de Clovis.

Par la suite , les fils . de ce prince ayant.détruit le royaume de Bourgogne., s'emparérent' de Lyon , qui, iprès, changea encorebien souvent de maîtres jusqu'en 1307 queses habitans , fatigués du joug de la servitudeet des querelles qu'avaient sans cesse leursseigneurs erleurs archevéques poiir l'adminis-tration de la justice , forcèrent leur arche-dilue de remettre Lyon sous la protection etla souveraineté de Philippe-le-Bel, alors

33roi de France , lequel érigea la seigneuriede Lyon en comté.

En 1793, après un siége que les .habitanssoutinrent pendant deux mois contre une ar-mée de 6o,000 hommes , Lyon , obligée decapituler, eut à souffrir toutes les horreursde la guerre ; elle fut livrée au meurtre .et aupillage ; ses plus beaux édifices furent dégra-dés , et plusieurs entièrement rasés. Elle pritalors le titre de ville affranchie.

Mais à . son avénement au trône, Napo-léon lui tendit une main secourable : elle sereleva encore de ses désastres et reprit enpeu d'années son antique splendeur.

Les événemens dont elle fut le théâtreen 183i et en 1834 lui firent aussi beaucoupde tort , toutefois son commerce en souffritdavantage que ses constructions.

Lyon , considérablement augmentée depuisquelques siècles, est assise dans la plus heu-reuse position au confluent du Rhône et dela Saône , traversés par un grand nombre detrès beaux ponts dont plusieurs en fil de fer.

Elle est dominée au nord par la montagnede Fourvières dont nous parlerons tout-à-l'heure et .celle de Saint-Sébastien , et s'étendpartie sur un ruban de collines qui la bordent,

34le surplus se trouvant dans un vaste plateau.

Cette ville a sept faubourgs, qui sont : ceuxde Saint-Clair, de Saint-irenée , de Saint-Just et de Saint-Georges, et ceux de Vaise ,

de la Croix-Rousse et de la Guillotière quimaintenant sont autant de communes particulières.

Elle compte près de 6,000 maisons, 245rues, 56 places publiques, 25 quais et cours,17 ports et près de zoo,000 habitans.

Les quartiers vers les montagnes de Four-vières et de Saint-Sébastien sont mal bâtis ,sombres et sales, avec des rues sinueuses ,étroites et difficiles à gravir. Mais ceux quisont dans la partie basse de la ville , particu-lièrement près la place des Terreaux et cellede Bellecour, puis ceux qui longent le Rhôneet la Saône , sont très beaux.

Entre autres célébrités à qui Lyon a donnéle jour, nous •citerons le père Ménétrier,l'abbé Bossut , Lingue t , Chazelles, Jussieu,Philippon de la Madeleine, le général Du-phot , le maréchal Suchet, et Jacquard , à quil'histoire de Lyon doit réserver une placehonorable à cause des progrès que les métiersdont il. fut l'inventeur a fait faire à l'indus-trie.

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Curiosités.

Avant de quitter Lyon il faut visiter toutesses curiosités. Nous indiquons principalementcomme telles :

La place Bellecour, qui est l'une des plusbelles que l'on puisse voir au centre d'uneville ; la statue équestre de Louis XIV setrouve au milieu; cette place formait autre-fois une propriété appartenant au seigneurde Bellecour dont elle porte le nom , ellerenfermait un château entouré de fossés.

Les quais , et particulièrement celui deRetz.

Le jardin botanique, qui cependant nerenferme que peu de plantes rares.

Les belles promenades de Pile Barbe et del'allée Perrache.

La tour de Fourvières , située sur lamontagne de ce nom ; la course est fati-gante , mais on ne la regrette pas. La tour;de Fourvières , construite aux frais d'un par-ticulier de Lyon, est extrêmement élevée ;au rez-de-chaussée se trouve un joli café oùl'on obtient, moyennant z fr. par personne,l'entrée de la tour.

36Cet édifice est terminé par un joli belvé-

dère où sont des longues-vues de toutes di-mensions au moyen desquelles , outre la villeque l'on voit dans toute son étendue , .unepartie de la vallée qu'arrosent le Rhône et laSaône , et le Mont-d'Or renommé par sesfromages de chèvre, mi découvre les mon-tagnes arrondies et verdoyantes d'une partiede l'Auvergne, puis , quand le temps est par-faitement clair, le Mont-Blanc qui est à unedistance de soixante lieues de Lyon.

Dans un petit cabinet au dessous du bel-védère, où les peintres et les amateurs vien-nent prendre les points de vue peut-étre lesplus beaux et les plus variés du monde , ily a un album sur lequel les voyageurs ins-crivent les réflexions que peut faire naître eneux le spectacle magnifique qui s'offre à leursyeux.

Cet album renferme de fort belles pensées :la plupart sont d'artistes , ou de voyageursitaliens et anglais.

C'est sur la montagne de Fourvières quefurent construites les premières maisons deLyon ; c'est là aussi que furent les palais et larésidence des gouverneurs et des empereursromains.

37A peu de distance derrière Fourvières on

voit encore dans les vignes, près de la porte deTrion , d'anciens restes d'aqueducs romains.

En descendant de Fourvières, il faut voirla place des Terreaux, qui était anciennementle tir des arquebusiers, l'hôtel-de-ville qui ytient, superbe édifice qui coûta, dit-on, plusde 2,000,000 ; on y voit dans la salle des pasperdus , deux tables de fonte qui furent trou-vées à la côte de Saint-Sébastien , l'an 1529,et qui contiennent une bonne partie de laharangue que fit l'empereur Claude au sénatromain , pour obtenir que les Gaulois pussentétre reçus dans le sénat, de méme que lesItaliens et les habitans de Vienne et de Lyon,auxquels en particulier on avait accordé cettefaveur.

La cathédrale de Saint-Jean, une des plusanciennes églises de la chrétienté , et célèbrepar sa cloche et par son horloge astronomique.

Les églises de St-Etienne et de St.-Nizier.La bibliothèque qui est mi édifice superbe.L'Hôtel-Dieu, qui est, dit-on, le plus bel éta-

blissement de ce genre qu'il y ait en Europe.L'archevêché et le palais des beaux-arts.La douane, e le grand théâtre, et celui des

Célestins.

:4àLe musée qui renferme quantité de belles

antiquités romaines.Et les casernes.Dans toutes les églises on voit encore beau-

coup d'inscriptions romaines sur des`pierresscellées dans les murs.

Commerce et industrie.•

Le commerce et l'industrie de Lyon sonttrop connus pour que nous entrions dans delongs détails à ce sujet, seulement nous di-rons que cette ville possède de nombreusesmanufactures et fabriques de toute espèce desoieries renommées, d'étoffes mélangées d'oret d'argent, dont il se fait un grand débitsous le nom de brocard , dans toute l'Afriqueet le Levant; de chyles de bourre de soie ,crépes-tulles , tissus de coton, broderies,chapellerie , passementerie dentelles d'or etd'argent.

En rappelant aussi aux voyageurs les sau-cissons de Lyon , nous leur recommandonsles fromages du Mont-d'Or et de diversesautres espèces qui se vendent dans la rue dela Fromagerie.

39

Départ de Lyani

. ,Trois moyens sont offerts aux voyageurs

pour se rendre de Lyon à Marseille :La malle-poste,La diligence, „Et le bateau à vapeur jusqu'à Avignon ou

jusqu'à Arles, ou jusqu'à Marseille.Par la malle-poste , qui part à minuit de

l'hôtel des Postes, situé place Bellecour, • ilcoûte 67 fr. 15 cent.

Parles- diligences il coûte au plus 4z fr.,et comme il y a plusieurs entreprises nousn'en enseignons aucune particulièrement; ce-pendant nous dirons que la correspondancedes-messageries générales fait le service assezrapidement.

Par le bateau à vapeur, qui part tous les deuxjours à 4 heures du matin et dont les bureauxsont sur le quai de Retz, il coûte pour allerjusqu'à Avignon, 3o fr. si l'on veut avoir ledroit de descendre dans le salon, et 20 fr. sil'on veut rester sur le pont.

Pour aller jusqu'à Marseille il cotte ledouble.

40Mais nous conseillo'ns de ne prendre le

bateau que jusqu'à Avignon.Cette voie, qui est la moins dispendieuse,

est aussi la plus commode et la plus agréablepour voyager. La distance qui sépare cetteville de Lyon est de Go lieues, et quand letemps est beau, les eaux assez hautes, on faitordinairement ce trajet en une journée.

Pour celui qui n'a jamais voyagé ou qui n'avu que le nord de la France, il y a de quoiêtre en extase aux rians tableaux de la naturequi se développent aux yeux dans ces partiesdu Lyonnais, du Beaujolais , du Dauphinéet de la Provence que l'on parcourt aussi endescendant le Rhône.

Les bateaux à vapeur qui font le servicedans cette direction, sont assez élégans ettrès rapides. Les emménagemens y sont fortcommodes. Sur l'arrière du bâtiment se trouveun salon garni de tables et de banquettes oùl'on se repose comme dans un cabinet de lec-ture ; où l'on se fait servir comme dans unrestaurant, car en effet il y en a un à bord,et oà on lit et joue aux cartes quand la cha-leur ou la pluie forcent à quitter le pont. Aubout de ce salon et tout-à-fait à la poupe dubateau , il 7 a un petit boudoir garni de

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napés, lits de repos et carreaux où les damespeuvent se retirer.

Pour faire transporter les bagages soit à ladiligence soit au bateau à vapeur, il est né-cessaire de convenir à l'avance de prix avecles commissionnaires , qui sont excessivementmercenaires et grossiers.

ROUTE DE LYONA MARSEILLE ET TOULON.

INDICATION DES POST».

Distanceen lieues do Postes.

Paris,Lyon à Saint-Fons. St.-Fons à St.-Sympliorien-d'Ozon 1St.-Symphorien d'Ozon à Vienne. . 1 le

no I. Vienne à Auberive 2Auberive au Péage de Roussillon. . 1Péage de Roussillon à St.-Rambert. 1 112St.-Rambert à St.-Yallier 1 112St.-Vallier à Tain. 1 leTain à Talence 2 le

1461. Valence à la Paillasse 1 112La Paillasse à Loriol 1 1/2Loriol à Derbières. 1 112Derbières à Nontélimart. . . . . I 112

158 L Montaitnart à Dons ère. . . . Donzère à la Palud La Palud à Mornas 1 112Mornes à Orange 1 42

26 112

42. Ilistalsee

en lieues deParis.

.

R D P Postes.

26 112. • Orange à Sorgnes,

eorgnes à 4vIgnço. 1. 1122

180 1, . 4vignon à St. —An,dioi 2 114St..—Andiol à Orgon 1 11-1Orgon ait Pont. Royal " 2Pont—Royal à St...Canat. . 2St.—Canat à Aix. 2

200 1. Aix au Pin. 2Pin à Marseille. , 2

. Total . . , . , , . . 43 314

210 1. Marseille à Aubagne. . 2 •Aubagne à Cuges.. . . 1 112 , 'Cuges au Beausset. . . 2Beauskt à Toulon. . . 2

. . Total. . . . 7 lt2 • 7 112

226 L Ensemble. 51. 114

HISTORIQUE DES PRINCIPALES VILLES DE LYONA TOULON.

Les villes près desquelles on passe depuisLyon jusqu'à' Avignon , en descendant leRhône par le bateau à vapeur, étant les mêmesque celles qu'on traverse en faisant le trajetpar terre , nous ne ferons pas de distinctionau sujet de ces routes différentes.

43

Menne.,

La première ville de quelque importanceaprès Lyon est Vienne , autrefois nonna ,chef-lieu d'arrondissement du départementde l'Isère , sur la rive gauche du Rhône, et àson confluent avec la Gère qui la traverse.

Excepté la partie de la ville qui longe lagrande route de Lyon à Marseille , Vienneest généralement mal Litie et a des rues malpercées.

L'origine de cette ville remonte à uneépoque très reculée, car du temps de Césarelle était déjà célèbre, et Strabon et Ptolo-mée disent qu'elle était la capitale des Alioabroges. Ce qu'il y a de certain, c'est que soufile règne de Tibère , les Romains y établirentune colonie qui devint considérable; il y eutmême un sénat , ce qui lui a fait donner parquelques auteurs le nom de Sénatorienne.Dioclétien en fit aussi la capitale de la partiedes Gaules qui portait son npni.

Les Romains firent dans cette ville plusieursgrands et beaux monumens dont plusieursexistent encore.

Elle fut la capitale de la Bourgogne depuis

44432.jusqu'en 534, qu'elle passa sous la domi-nation des Francs. Vers l'an 871, Charles-le-Chauve en fit la conquête après un long siége;depuis tette époque jusqtfau régne de Phi-lippe de Valois, qui réunit le Dauphiné àses états , elle changea encore plusieurs foisde maîtres.

C'est à Vienne qu'en 1311 , l'ordre desTempliers fut supprimé par un concile géné-ral tenu sous Clément V.

Trebonien - Russinus naquit dans cetteville.

Les curiosités de Vienne sont l'hôtel-de-ville, et particulièrement sa façade ; l'églisede Notre-Dame-de-la-Vie qui était , dit-on,l'ancien prétoire; l'église de Saint-Maurice,d'un style gothique très élégant, édifice prèsdu Rhône et qui passe pour un des plus beauxmonumens de la France ; les restes d'un am-phithéàtre et d'un aqueduc dont les voûtessont remarquablement belles; un arc detriomphe très bien conservé ; les ruines d'untemple dédié à l'empereur Auguste, et di-verses autres antiquités romaines dignes d'at-tirer l'attçntion des curieux. Hors des portesde la ville se trouve aussi une belle caserne decavalerie.

45Vienne possède une salle de spectacle, un

musée d'antiquités, une belle bibliothèque,puis diverses fabriques et manufactures d'ob•jets de peu d'importance.

On prétend que Ponce-Pilate, de retour dela Judée , vint à Vienne où il mourut; on in-dique même dans cette ville l'emplacementde son tombeau.

Valence.

Valence, autrefois Valencia ou Julie Va-lentia, chef-lieu du département de la Drôme ,est construite sur la rive gauche du Rhône ;c'est une ville mal bâtie, mais que sa position-rend agréable.

Elle est entourée de murailles et renfermeune citadelle; elle possède une école d'artil-lerie et une société d'agriculture.

Ses curiosités sont : la citadelle, appelée leGOUVERNEMENT ; la cathédrale, où l'on remar-que le mausolée du pape Pie VI; l'évêché ,une salle de spectacle , une bibliothèque e tles belles promenades du Champ-de-Mars.

Le commerce de cette .ville consiste envi ns, eaux-de-vies; fruits ethuile d'olives. Sonindustrie consiste en fabriques de toiles et desoie et filatures de soie.

4(1Valence est, comme Vienne, une ville très

antienne où les Romains fondèrent une colo-nie qui, du temps de Pline le naturaliste, étaitdéjà florissante.

Elle est la patrie du médecin Joubert et dugénéral Championnet.

C'est là que le célèbre Cujas fit ses études.C'est aussi dans cette ville que vers l'an

7.55, le fameux Mandrin fut condamné àmort par une chambre ardente.

Illontélimart.

Montélintart , autrefois Montelium Adhé-mari, chef-lieu d'arrondissement du dépar-tement de la Drôme, est agréablement situéesur le versant d'une colline, près de l'embran-chement de deux petites rivières dites deRoubion et de Jabron.

Son origine est assez ancienne, mais pour-tant sans célébrité.

Cette ville est entourée de murailles, endedans et en dehors desquelles sont de bellesallées d'arbres qui forment des boulevards.

Elle n'a d'autres curiosités que sa citadelle,une bibliothèque peu importante et quelquesfabriques.

47Parmi ses productions , nous citerons le

nougat que nous recommandons aux voya-geurs.

Montélimart est la patrie de Faujas deSaint-Fond , géologue célèbre.

Oran ,.e.

Orange, autrefois .4rausio Cavarum, chef-lieu d'arrondissement du département duVaucluse, située dans une très belle plainearrosée par deux rivières : l'Aigues et leMaine.

Elle est très ancienne et des auteurs disentqu'elle était la quatrième ville des peuplesCavarès ; ils ajoutent qu'elle était la ville deprédilection des Romains qui s'étaient plus àl'orner de très beaux monumens. •

Én effet , on y remarque encore les débrisd'un grand théâtre aujourd'hui appelé le Cir-que, des arènes, de belles fontaines et, desbains publics; puis à quelque distance de laville, sur la route de Lyon, un arc de triom-phe encore entier que l'on dit avoir été élevéen mémoire de la victoire que Marius et Ca-tulle remportèrent sur les Cimbres.

Du reste , la ville est mal bâtie , ses mai-

48sons sont d'un aspect sombre et ses rues étroi-tes et tortueuses.

.WINIIIMI■■IY•••■•■■•

Avant de parler d'Avignon où nous allonsarriver, nous dirons un mot de l'Hermitageet du pont St.-Esprit que les marins du bateauà vapeur ne manquent pas de faire remarqueraux voyageurs qui descendent le Rhône.

L'Hermitage est une jolie petite chapellesituée sur la rive droite du Rhône, près et audessous de la commune de Tain , départe-ment de la Drôme; elle a donné au vignoblequi l'entoure le nom d'Hermitage dont lesvins blancs surtout sont renommés.

Le pont Saint-Esprit qui traverse le Rhône,environ 20 lieues avant d'arriver à Lyon , esttrès ancien et inspire aux mariniers, lorsqu'ils'agit de le passer, une terreur panique àcause de l'exiguité de ses arches et de la ra-pidité du Rhône en cet endroit.

"'pignon.

La malle-poste arrive ordinairement àAvignon à Io heures du soir, on y soupe pen-dant le temps que l'on réunit les dépêchesque doit emporter le courrier.

49Les diligences y arrivent à différentes

heures de la journée.Quant au bateau à vapeur, en été, il ar-

rive le soir à la chute du jour, si les eauxsont assez élevées; dans le cas contraire ,comme on est obligé de passer 'la nuit dansun des bourgs que l'on rencontre un peu avantle pont du Saint-Esprit, on n'arrive que lelendemain du départ de Lyon, vers les onzeheures du matin.

Lé bateau jette ses amarres à un demi-quart-de lieue d'Avignon, et là, tout le peuplecommissionnaire de la ville qui attend le ba-teau , se précipite à son bord et se rue sur lesbagages qu'il enlève bon gré mal gré, et portesur la grève où chaque voyageur vient recon-naître ce qui lui appartient.

C'est là qu'ordinairement des querelles ,dont le résultat peut devenir funeste , s'élè-vent entre les commissionnaires et les voya-geurs qui ne connaissent point les proven-çaux.

Les commissionnaires d'Avignon se sontarrogé le droit de transporter seuls les baga-ges du bateau à vapeur à la ville , ou du bu-reau des messageries à l'hôtel. Si un voyageura une caisse et un. portemanteau, ils ne lui

50permettent ,pas d'emporter lui-même cettepartie de son bagage ; il faut qu'ils portenttout ou rien.

Ainsi, il faut subir leur loi, ne point mar-chander et Ies laisser agir. Mais comme dansla salle à manger de tous les hôtels se trouveaffiché le tarif des commissionnaires, tariftrès élevé et obtenu par la force, c'est en leconsultant qu'on saura ce qu'on doit payer parcourse , pour chaque objet.

Nous engageons donc bien les voyageurs àéviter toute espèce d'altercation avec les por-tefaix avignonnais , que nous leur signalonscomme les plus violens , les plus grossiers etles plus à craindre de tous les portefaix pro-vençaux.

Hôtels(

Il y . a à Avignon deux bons hôtels celuidu Palais-Royal et celui d'Europe; nous re-commandons,principalement l'hôtel du Palais-Royal , très bien tenu et où l'on trouve unebonne table d'hôte.

Le maître de cet hôtel (1834) est un forthonnête homme qui a fait preuve de courage-et de loyauté lorsque la populace de la villevoulut envahir sa. maison en 181 6 pour se sai-

51sir du malheuretix maréchal -Brune ,*qui étailogé chez lui. Son dévoûment cependant ntservit à rien , car pendant qu'il défendait hporte principale de son hôtel, une partie 'desassaillans tourna la 'maison et parvint à s'yintroduire en escaladant les murs de la cour :arrivés à la chambre qu'occupait le général, elaprès avoir massacré l'un de ses aides-de-camp qui voulait opposer de la résistance,ces hommes frénétiques poignardèrent ce vé-téran de la grande armée , le jetèrent par lafenêtre dans la rue et, après.l'avoir traîné dansles rilissearix , le précipitèrent dans le Rhône.

D:scription d'Avignon,

Avignon, autrefois Avenio Cavarum, estune grande et belle ville, chef-lieu du dépar-tement de Vaucluse ; elle est d'origine gau-loise , les murailles dont elle est entourée ontété restaurées par 'V auban.

La ville est assez bien bâtie , mais la plu-part de ses rues sont sinueuses et sales , cequi n'empêche pourtant pas que ses habitansy passent toutes les journées d'été et que ,pour se garantir de l'ardeur du soleil, ils les

52couvrent presque d'un bout à l'autre , aumoyen de toiles tendues à la hauteur du pre-mier étage.

Avignon possède un grand nombre de fa-briques renommées pour les taffetas florence,le gros de Tours , le droguet , la serge et lesétoffes en filoselle ; une fonderie de canons ,de grelots , surtout des petits dont les voitu-riers provençaux aiment à orner leurs che-vaux, de sonnettes et de divers objets en cui-vre ; on y fabrique aussi des cordes d'ins•tremens .de musique.

Cette ville est très commerçante , car elleest l'entrepôt de tous les produits de la Pro -vence , du Dauphiné et du Languedoc.

Avignon , qui était une colonie romaine ,resta telle jusqu'à la chute de l'empire d'Oc-cident; en 1305 les papes y ayant établi leurrésidence , Clément V y fixa sa cour qui con-tinua à y siéger jusqu'au pontificat de Gré-goire XI, qui la transféra de nouveau àBorne.

En 1348 , Jeanne de Naples , comtesse deProvence, vendit cette ville à Clément VI,moyennant 8o,000 florins ; mais cette sommen'ayant jamais été payée , les rois .de Franceen prirent occasion d'en contester la posses-f.

â3sion aux papes pendant long-temps. Cepen-dant elle devint la capitale du comtat d'A-vignon.

Clément VII, qui y avait aussi fixé son siège,y mourut en 1534.

Après elle fut gouvernée pour les papespar les cardinaux légats et les vice-légats.

Il s'ycommit d'horribles massacres en z 79r,époque à laquelle un décret de l'assembléelégislative en ordonna la réunion à la France.

Avignon est le lieu natal de l'évoque La-baume, missionnaire à la Cochinchine; deCrillon , du biographe Cambio Velleron , deDuprat , député à la convention nationale ;de Ferrier, poète ; de Pagane , de l'abbéPoule, prédicateur; de l'évêque Genit , pré-lat célèbre par ses vertus ; de Pezenas , astro-nome , et de la belle Laure de Noves , quePétrarque a immortalisée par ses vers. C'estaussi la patrie de la famille des Vernet, dontplusieurs chefs-d'oeuvre figurent au musée depeinture que nous décrirons tout à l'heure.

Curiosités.

Les curiosités d'Avignon sont principale-ment :

54La bibliothèque publique.Un cabinet d'histoire naturelle assez bien

monté.Un muséum de peinture où l'on remarque

particulièrement l'original du Mazeppa deVernet, le portrait de Laure et celui de Pé-trarque.

Un jardin botanique.Un Musée d'antiquités.Une école gratuite. de dessin.Une succursale des Invalides.Un hôpital.De belles casernes , et notamment celle

qui était autrefois le palais des papes.La cathédrale.L'hôtel de, Crillon.Une belle fontaine qu'a chantée Pétrar-

que.Les jolies promenades extérieures.Et le célèbre ponte d'Avignon sur lequel

personne ne passe aujourd'hui, depuis qu'unede ses arches est écroulée.

En résumé Avignon est une belle ville, unerésidence fort agréable quand le mistral ,vent du nord-ouest, ne vient pas soulever lapoussière de ses promenades, et empêcherles voyageurs de sortir de leur chambre.

55Si l'on ne voyage pas par la inalle-l)oste

et que l'on ne soit point pressé de quitter lesol de la France , il ne faut pas partir d'Avi-gnon sans aller visiter la fontaine de Vau-cluse, célèbre par les amours de Laure et dePétrarque. •

Cette fontaine qui est près de la ville dumême nom , à six lieues et demie d'Avignon,sort d'une grotte creusée , par. là nature dansun rocher à pic surmonté par les ruines d'unancien château qui porte le nom de Pé-trarque.

La fontaine de Vaucluse" forme bassin aupied dit rocher, où elle tombe en cascade ,puis un peu plus bas un lac envirounedunecharmante prairie, lac qui s'écoule .par unerivière nommée la Sorgue , et qui porte ba-teau quoique à peu de distance de sa sourcequi est la fontaine elle-même.

On trouve à Vauchiie d'assez bons hôtels ,qui l'été sont toujours très fréquentés.

Toutefois nous prévenons les voyageursque la route d'Avignon à Vaucluse est" trèsmauvaise.. Avant de nous diriger sur Marseille par Aix,nons . allo"ns dire un mot d'Arles pour. Fins-truction des voyageurs qui voudraient gagner

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le port d'embakquement en suivant le Rhône.

Irles.

Arles, autrefois Arelas ou Arelate, chef-lien d'arrondissement du département desBouches-du-Rhône . est une ville très an-cienne située sur le Rhône.

Elle est assez mal bâtie et ses rues , pour laplupart, sont étroites et sales, ce qui ne l'em-poche pas au total d'ètre fort belle et très in-téressante.

Arles fut long-temps la capitale des .Gaules,l'empereur Constantin se plut à l'orneF debeaux monumens , et par sa protection spé-ciale elle parvint à un haut état de pros-périté.

Mais elle perdit toute sa splendeur sous lesrois Mérovingiens , qui en firent la capitaledu .royaume d'Arles jusqu'en 933 qu'elle futréunie à celui de Bourgogne. Après avoir étésaccagée par les Sarrasins elle fut, vers ledouzième siècle , constituée en république ;puis en 1251 elle passa sous la domination deCharles d'Anjou.

Le commerce de cette ville consiste en blé,vins , manne , fruits , huiles , laines et saucis-

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sons très renommés que les amateurs ne ,doi-vent pas oublier.

Curiosités.

Les curiosités de la ville sontL'amphithéâtre.Le Capitole.Deux temples.L'obélisque qui orne la place de l'Hôtel.

de-Viller -Les restes d'un bel À‘re de. triomphe.La tour de Roland.Des Catacombes.L'hôtel-de-ville construit par Mansard

et qui renferme la copie d'une belle Vénustrouvée à Arles et donnée au musée de Paris.

La bibliothèque.L'école de navigation.Le musée , très riche en antiquités ro-

maines.La salle de spectacle.Le haras royal.Et la bergerie royale. •Outre les débris de tombeaux , de colon-

nes , etc. , que l'on rencontre çà et là dansles rues et les promenades.

58Comme. le trajet d'Arles à Marseille ,par

eau et par terre, n'offre rien d'intéressant.,et qu'au surplus la route par terre est pournotre itinéraire une route détournée, nousn'entrerons pas dans de plus longs détails ausujet de la distance qui reste à parcourir danscette direction.

Départ d'Avignon.

Les voyageurs qui ont séjourné â Avignonpeuvent partir de cette ville, à différentesheures du jour par les diligences.

Toutefois, comme nous supposons que levoyage d'Alger se fera plutôt l'été que l'hi-ver, nous engageons les voyageurs à partirpréférablement le soir, afin d'éviter un peu lachaleur, le mistral et la poussière , puis aussiafin d'arriver de jour à Aii.

Aix.

En quittant Avignon à huit heures du soiron est rendu le lendemain à six heures du•ma-tin à Aix.

Aix, autrefois Agace Sextice, chef-lieu d'ar-tendissement du département des eoucbes-du-Rhône , est une grande et belle ville située

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près dé la petite rivière d'Arqués', au milieud'une belle plaine couverte d'oliviers. •

Hôtel.

Si les voyageurs étaient tentés de faire unepose dans cette ville , qui . du reste est riéheen souvenirs et édifices, et en promenades,nous leur conseillerons de descendre à l'hôteldes Princes, près la porte de Marseille. C'estun bon hôtel, bien tenu, ayant une tabled'hôte confortablement servie. •

Description de la ville.

La ville, dans laquelle on entre par unelarge et belle grille , est entourée de bonnesmurailles. Ses maisons sont presque toutesbien bâties ; le cours l'Orbitelle, qui forme saprincipale rue , est tiré au cordeau, largeplanté, d'arbres de chaque côté et orné detrois fontaines dont l'une est alimentée parune source d'eau thermale presque assezchaude pour faire cuire un oeuf. Ses autresrues sont pour la plupart bien alignées:*

La fondation d'Aix remonte à l'an 636 déRome: Ce fut Caïus. Sextus Calvino, alors

60proconsul romain, qui la fit construire et luidonna le nom d'Aquœ Sextiœ , à cause de sessources d'eaux thermales.

Plus qu'aucune autre ville du midi de laFrance, Aix a eu à souffrir des excursionsdes Barbares. Sous Charles-Martel les Sarra-sins la détruisirent presque complètement ;mais relevée par les comtes de Provence, elledevint florissante sous le roi René et la reineJeanne , sa femme.

C'est la patrie de Peiresc , savant distin-gué; du .marquis d'Argens , favori de Frédé-ric II; de Lieutaud , célèbre médecin; deTournefort et Adanson , tous deux natura-listes ; des Vanloo et de Mirabeau.

Aix possède en établissemens utiles uneuniversité, une école de droit, une sociétédes amis des sciences, agriculture, lettreset arts ; des bains d'eaux thermales vantéspour guérir ou au moins pour combattre lagoutte et les maladies cutanées. gt en établis-semens industriels', des manufactures de ve-lours de soie , d'indiennes, de draps , etc.

Son principal commerce consiste en aman-des , vins, eaux-de-vie , coton et huile re-nommée, mais que l'on ne mange pure quesur les iieox rnémes , car à Paris sa coulent

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et son goût naturels ne seraient nullementappréciés.

. .. Curiosies. •

Ses curiosités sont :La cathédrale. . .La tour de l'horloge.L'hôtel-de-ville nouvellement achevé. -La bibliothèque qui est fort nombreuse.Le cabinet d'histoire naturelle et de phy-

sique.La salle de.spectacle.Le grenier d'abondance.La grande fontaine du cours de l'Orbitelle.Le.cours .de,la Rotonde.Celui de la Trinité.Celui. des Récollets,Et les boulevards.

. Màrseille.

Marseille , autrefois lifeissilia, .chef-lieudu Up .ariçm'ent dei Bbuches-du-Rhône etport de mer sur la Méditerranée , est l'unedes plus grandes et des plus bèlles villes • dela Fr'ance.

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Hôtels.

Il y a à Marseille plusieurs bons hôtels ;nous citerons principalement l'hôtel desPrinces, rue Royale;

L'hôtel des Phocéens , rue Thubaneau ,près le cours , tenu par Simon Courty ;

Et l'hôtel des Bouches-du-Rhône , près larue Haxo ;

Tous assez bien tenus et ayant une tabled'hôte.

Description de la ville.

Marseille se divise en ville vieille et 'villeneuve ; l'une , dans la partie basse près duport, est mal bâtie et coupée par des ruesétroites et extrêmement saks ; l'autre beau-coup plus considérable, qui s'étend depuis laCanebière jusqu'aux boulevards et au-delà ducours , est parfaitement bien bâtie et ses rueslongées de trottoirs sont tirées au cordeau ;toutes les maisons de la ville neuve ont unair de propreté et de coquetterie qu'on ne re-marque pas souvent en Provence ; les portesextérieures de ces maisons sont ornées de ser-rures et de marteaux en cuivre façonnés ettoujours bien nettoyés.

63

Cette ville, naturellement et essentielle-ment commerçante , dont la population estactuellement .de plus de cent . seize mille âmes,a considérablement gagné depuis quelquesannées et Surtout depuis 183o , époque de laconquête d'Alger, qui fut pour elle une sourcede prospérité.

Marseille est sans contredit la . plus an-cienne ville du royaume de France. Elle .futfondée l'an 1.54 de Borne , sous le règne deTarquin l'ancien, par une colonie de Piao-céeni. Ainsi son origine remonte aujourd'hui(1 836) à deux mille quatre cent trente-sixans , puisqu'elle fUt construite six sièclesavant l'ère chrétienne.

Elle fut long-temps gouvernée en républi-que et devint florissante par fendue de sesrelations avec la Grèce et l'Italie ; sgn com-merce devint considérable , et les arts et lessciences la rendirent célèbre parmi les na-tions alors civilisées.

Dé tous les beaux trio/lumens que ses fon-dateurs et plus tard les Romains y érigèrent,il ne reste plus rien que la cathédrale qui,dit-on , est la plus ancienne des Gaules.

Il parait que l'académie de Marseille jouis-sait d'une haute réputation chez les Romains,

64car Pline la nomme Magistram studiorum, lamaîtresse des. études , et Tacite la qualified'école des sciences et des moeurs.

Marseille ayant embrassé le parti de Pom-pée , fut subjuguée, par Jules César. Sous lerègne de Hugues , comte d'Arles, elle fut sac-cagée et ruinée complétement par les Sarra-sins; régénérée par Louis-le-Pacifique, ellese constitua de nouveau en république versl'an 1226 , et continua de se gouverner ainsijusqu'à la conquête qu'en fit Charles d'Anjou,frère de saint Louis. En 166o Louis XIV,mécontent de ses habitans , ôta à ceux-citous les priviléges qu'ils avaient su conserverau milieu de leurs désastres.

En 1720 et 1721 la ville fut désolée par lapeste noire qui fut apportée par un navirevenant de Saïde , petite ville du littoal del'Asie ; cette peste, qui se répandit dans unegrande partie de la Provence, enleva plus de8o .000 personnes.

Ce fut pendant que ce terrible fléau, pire quela guerre , exerçait ses ravages, que l'évêqueBelzunce , Fortin de Piles, Estelle et Mous-tier', le chevalier Roses , le marquis de Lan-geron et plusieurs médecins de Montpellier,particulièrement Chavineau "Deyclier .et

66 . •

Verni, donnèrent des preuves d_ e leur courageet de leur dévouement. •

Marseille est la patrie d'Eutimène grandnavigateur; de Pithéas, géographe 'et astro-nome ; de Telon et Gigarée, tous deux frèreset géomètres ; de Crinas, médecin, et Ro'scius,Orateur, tous célèbres da ns l'histoire romaine.

De Honbré Durfé ; vice-amiral Paul;d'Antoine de Raffé; auteur d'une histdire deMarseille ; de Pujet, architecte sculpteur etpeintre; de Plumier, botaniste; de Mascaron,de Dumarsais, de Sarthe, auteur dramatique,et de plusieurs autres grands hommes.

Le port de Marseille, qui actuellement con-tient presque toujours près de 3,000 voiles ,est l'un des plus grands et des plus beaux dumonde ; son'bassin, qui s'avance jusqu'au cen-tre de la ville, est longé des deux côtés par desquais très larges, bien dallés, garnis de trèsbefrès boutiques. La multitude d'étrangersqui se pressent contamment sur ces, quais et la'variété des costumes de tous les peuples y of-frent Un coupd'ceil ravissant.

Marseille est une ville de, plaisirs ; l'on yaime particulièrement la bonne chère, la pro-menade et la musique.

Dans la partie du bassin qui joint la place

66et la Canebière , quartier le plus commer-çant de la ville, se trouvent quantité de joliesbarques couvertes comme les voitures de ta-pissiers et fermées par des rideaux élégans ;placée- s là comme des fiacres, durant le jourdles 'sont au service des voyageurs qui dési-rent visiter la rade et des personnes qui ontdes affaires à traiter avec les capitaines denavirei restés à leur bord. Et tous les soirs dela' belle 'saison elles sont employées par lespromeneurs qui presque sur chaque barqueforment un concert où les voix &aiches et ar-gentines des dames marseillaises dominent lesinstrumens de musique.

Les environs de Marseille sont couverts dejolies petites maisons de campagne que l'onnomme bastides, où tous les dimanches leplus petit particulier quia la sienne, va passerla journée' avec sa famille.

Il y a aussi aux alentours de la ville grandnombre de jolies guinguettes où les .ma -rins vont dépenser la solde qu'ils ont tou-chée au débarquement, et de restaurans queles habitans appellent restaurais, où l'on vafaire des déjeuners et des divers fins.

Marseille possède une académie des scien-ces , belles-lettres et arts.

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Une société de médecine.Une école de navigation.Un jardin de botanique situé sur le versant

d'une haute colline d'où l'on découvre unegrande partie du golfe sur lequel est assise laville.

Un muséum.Une bibliothèque publique.Le commerce et l'industrie de Marseille

sont trop étendus pour que nous nous en oc-cupions; seulement nous rappellerons queMarseille est renommée pourles nougats et lessavons.

Curiosités.

Les curiosités et choses remarquables deMarseille sont, notamment

L'hôtel-de-ville construit par Pujet , situésur l'un des quais et où se tient la.bourie queles habitans appellent loge.

Le grand théâtre, seule des trois salles despectacle de la ville digne d'attirer l'atterf-don des voyageurs.

L'observatoire.La nouvelle halle.La poissonnière neuve.Le Cours , rue large qui sépare la ville en

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deux parties depuis la, porte d'Aix jusqu'àl'extrémité oppose r ce . cours est orné, à peuprès dans , les deux , tiers de sa !longueur parune belle allée ,d'arbres où se vendent.les,fruitset,Ies fleurs.

Les allées Meillan qui forment boulevardset qui sont très fréquentées surtout par la hautesociété.

Enfin le .Lazaret que l'on ne peut 'guère>

visiter à moins d'y faire . quarantaine , maisdont nous donnerons une ample descriptionà la fin de cet ouvrage pour le retour d'Alger.

Avant de parler de l'embarquement , nousallons achever le voyage par terre jusqu'àToulon. Les bureaux des diligences pour Tou-

. Ion sont , à Marseille, sur leeours, près de larue des Phocéens. Il part des :voittires à dif-férentes heures du jour. Le prix des placesest depuis 3 fr: jusqu'à 5 fr.

Les diverses communes que l'on traversedepuis Marseille jusqu'à Toulon n'offrentrien d'intéressant, nous n'en parlerons pas.

Toulon.

Toulon, autrefois Telo-Marsillas, chef-lieud'arrondissement du.départeme nt du Var etport ,de Mer sur laiéditerranée , est une assez

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belle ville construite au pied du mont" Kaon.Comme Marseille, elle se divise en ville

vieille, et en ville nouvelle; toutes deux bienbâties; mais les rues dé .Ia première sonttor-tueuses et étroites, tandis que celles de la se-conde sont larges et droites.

H&tels.

Presque tims.les hôtels dé Toulôn sont si-tués place au Foin, près la rue ii4ile; lemeilleur est celui de la Croix-d'Or,, en en-trant sur la place à droite; on y trouvé unetable d'hôte bien servie et toujours bonne société.

Desoription de la ville.

Toulon a été 'fondée par tine colonie ro-maine, sous,la conduite de Telo Marsillus quiparait lui avoir dânné son nom; c'est le Por-lus Cilharista de Pline.

Les Sarrasins et lés pirates de la Méditer-ranée la ravagèrent successivement plusieursfois. Les pirates des états Barbaresques y fi-rent meure des descentes jusqu'à une époqueencore assez rapprochée de nous. Le conné-table de Bouripn s'en était emparé en 1,524,mais Charles-Quint .1a reprit pe4,,d'annéesaprès. Elle est ceinte de murailles élevées d'a-

' 4.

'70près les plans du chevalier de Ville , réédi-fiées en partie par Vauban, et défendue parquatorze forts construits sous . Louis XIV, aussipar Vauban. En 1707 , elle soutint un longsiée contre le duc de Savoie et le prince Eu-gène qui. ne purent s'en rendre mattres..

Durant les guerres de la république les An-glais et les Espagnols la prirent par trahison,mais ils ne la conservèrent pas long-temps.Napoléon , qui commandait l'artillerie ;destroupes qutiMmédiatement en firent le siège,parvint à lei chasser non cependant sans avoirpu éViter de grandes pertes à l'État; car lesAnglais en se retirant emmenèrent nos meil-leurs vaisseaux et brûlèrent les autres au nom-bre de vingt—quatre ainsi que tous les ma-gasins de la marine.

C'est à Toulon que Napoléon fit sa pre-mière,campagrie ; c'est de là que partit en1798 l'expédition d'Égypte , en / 8z7 cellede Morée,' et en /83o celle d'Alger. •

Les curiosités et choses remarquables deToulon sont :

L'arsenal dont nous parlerons plus. loin.La place du Champ-de-Bataille ou la place

71'd'armes , formant un carré :régulier-et en-touré d'une double rangée d'arbres.

L'hôtel de l'Intendance de la Marine.La maison de Pujet,.célèbre sculpteur..

, orné .sur la façade: de ca-riatides des oeuvres .de te dernier.

La fontaine de Provence, l'une .des 59`que'renferme Toulon.

La rue aux Arbres.Les casernes..Les remparts.Le marché au poissoni .

•Le quai.et le port:Le musée d'histoire naturelle.Les bibliothèques, dont quelques unes sont

très riches.Le jardinibotanique..Enfin le lazaret, qui est dans une He à une

lieue et demie de la ville et dont nous donne-.

tons -la description it la fin de cet ouvrage.Les quais de Toulon sont moins beaux qué

ceux de Marseille., :en y voit.auSsi beaucoupmoins d'étrangers mais en échange beaucoup plus de cafés.

Le port .ne. renferme .que peu de '1Atirrien's'de .commerce et: encore ne. sont-ce que 'odes•caboteurs.'.

'72

La rade est immense et offre un coup d'oeiladmirable , lorsqu'il s'y trouve un certainnombre de vaisseaux et frégates; on. remarqueencore dans cette rade ( en i 836 ) les carcas-ses des bkimens• de guerre pris sur les Algé-riens lors de la conquête d'Alger.

L'arsenal , dans la dépendance duquel setrouve le bagne , passe pour le plus beaude l'Europe. En effet , tout y est grand , touty est beau, tout y attire l'attention, touty excite l'admiration.

Pour entrer dans l'arsenal'il faut une per--mission du commandant de place ; on l'ob-tient sans difficulté en représentant son pas-seport; muni de cette permission, un gendarmede service à la porte de l'arsenal vous con-duit partout , et avec ce guide l'on voit.:

La salle des voiles qui est d'une longueurimmense.

La corderie, galerie voûtée de x o piedsde long, construite sur un plan de Vauban.

La fonderie de canons et le parc d'artil-lerie.

La salle des modèles où sont déposés ceuxdes navires de toutes classes et de tous lespays, des canots et barques de toutes façons,des ancres, des machines à vapeur , des ma-

73chines à mater et . généralement fotit celui:concerne , la navigation,

La salle- d'armes où sont beauCCitip (Pâti-ciennes 'armures romaines.

Le bassin de radoub 'rine l'on remplit etvide à volonté au moyen 'd'unie pompetrès'belle.

-Les bassins .couverts où l'on construit les'navires.

Enfin les batimenS du bagne dans lesquelson n'entre pas , mais dont on distingue fôrtbien la distribution-et là prOprefé en pààs'antprès des fenètres. On 'aperçoit surfont leSlits de camp sur lesquels couchent les forçats,sans matelas ni . couvertures excepté. pour-tant ceux dont la conduite est exempté' dé re-proches et 'dont la 'condamnation' est. -pourpeu d'années à qui l'on donne un matelas etune couverture.

Fon Mg.

• •

Les forçats sont divisés en plusieurs caté-gories : • •

Ceux qui sont condamnés ait rrième - rideni -bre d'années . aux travaux forcéS, occupent unen'Aine salle,

74Les grands criminels, pour la plupart con-

damnés à perpétuité , sont enchaînés deux àdeux par une chaîne d'environ 6 ou 8 pieds delongueur, attachée et rivée au pied de chacund'eux, et qu'ils raccourcissent à volonté en larelevant dans leur ceinture.

Ceux qui sont labôrieux et bons sujets,autant qu'un forçat peut l'être , ont les mem-bres libres et sont employés tant à l'intérieurqu'à l'extérieur de l'arsenal; ils balayent lesrues, nettoient les égouts, et ravitaillent lesbAtimens dans la rade sous la surveillanced'un garde-chiOurme.

Tous les forçats n'habitent point le bagne,il .y en a qui résident à bord des vieux Ltd-mens en rade que l'on nomme galères; ceux-là sont désignés sous le nom de galériens ;chaque matin ils sent conduits à terre pourtravailler hors de la ville dans des chantiersdivers et le soir ramenés à leur galère.

Les forçats sont payés de leurs travaux , ilspeuvent gagner de deux liards à un sou parjour; cependant les objets d'industrie qu'ilsfont dans leurs momens de loisir sont par euxvendus à leur profit.

Leur costume ordinaire est un pantalonde coutil, une veste en grosse ratine rouge

75et un bonnet phrygien de même couleur.

Néanmoins les condamnés à temps qui sefont remarquer par leur bonne conduite ont,comme Mulon dont nous parlerons tout àl'heure , la veste et le bonnet verts , couleurd'espérance , en grosse étoffe.

Les forçats n'ont à manger qu'une fois parjour.

Ceux au bonnet rouge n'ont toute l'annéeque du pain noir, des haricots et de l'eau.

Ceux au bonnet vert vivent de méme, maisle dimanche ils ont une ration de viande.

Tous pourtant peuvent se procurer à leursfrais un surcroît de nourriture dans une es-pèce de cantine qui tient au bagne , mais ja-mais de vin.

Malgré cette dure et avilissante position ,on les entend encore chanter, causer gaiementet rire. En général on ne remarque sur aucunefigure le regret , le remords ou la tristesse,tant il est vrai que le temps endurcit les àmesles plus sensibles.

Parmi les forçats il y a beaucoup d'hom-mes industrieux qui s'occupent pendant lesinstans qu'ils ont•de libres, à faire de petitsobjets de fantaisie, tels que des tabatièresdes bagues , do flacons en noix de coco , des

"76pintés biiiies én pai lie imitant la peinture, etc.

'14 'Ce' nombre éât le fameux Mulon, artistegraveur' qui , il y a quelques années, vola lesdiaMans de Mile Mars.

Celui-là est le grand faiseur et sa réputationd'habile ouvrier est justement acquise. Grâceà son talent il n'est pas employé aux rudestravaux de ses frères d'infortune, il est seule-Ment chargé d'ouvrir les écluses du bassin deradôüb lôrsqu'on y amène un bâtiment; etmoyennant une somme qu'il rend par jour àl'administration du bagne , il travaille dansune cabane près de son poste pour son pro-pre compte. Là il gagne assurément plus d'ar-gent qu'il n'en ettt jamais gagné à Paris , cartous les étrangers veulent voir Mulon et luiacheter quelque chose : il vend du reste assezcher tout ce qu'il fait.

ikiulon , artiste graveur sur métaux et sculp-teur en ivoire, a des adresses qu'il distribue àtàutes les personnes qui vont le visiter. Il n'aplus que quelques années à passer au bagne ,d'épéchez...vOus donc d'ailler le voir, c'est unhônüne qui a conservé lei S manières du bonton dt qui est digne d'intérdt.

Les forçats sont soumis 'à une surveillancetrès active , les travaux qu'on leur fait faire

77sont durs , leur nourriture n'est pas délicate ,leur sort est assurément bien malheureux ,mais ils sont traités avec humanité.

Seulement, lorsqu'oubliant qu'il est aubagne pour expier ses fautes, un forçat com-met un nouveau crime, il est traduit devantle 'tribunal maritime, espèce de conseil degtierre, et s'il est condamné à mort, il est exé-cuté dans l'intérieur du bagne même, en pré-sence de tous les forçats assemblés, à genouxet la tète découverte. Ils forment deux lignesau.milieu desquelles le Coupable doit . subir sapeine ; un appareil militaire formidable lescontient, les troupes chargent leurs 'armes de-vant eux ; plusieurs pièces de cation chargéesà mitraille et près desquelles se tiennent .lesartilleurs la mèche allumée, sont disposées demanière à les balayer au premier mouvementd'insurrection.

Jusqu'à présent les forçats côndamnés àmort étaient fusillés par derrière. Il paraitque désormais ils seront guillotinés. Le 22

juillet 1836 une exéciitiOn semble/le a 'déjàeu lieu au bagne de Rochefort; Mais l'exé-cuteur des hautes oeuvres ayant refusé sonministère, que, disait-il, il ne devait prêterque par suite d'arrêts de cotir d'assises, on

78fut obligé de le remplacer par deux con-damnés.

Toulon est borné à l'ouest et au nord parde hautes montagnes arides; les environs, enarrivant par Marseille , sont depuis 011iouldélicieux. On ne voit que jardins d'orangers.

La Seyne, petit bourg sur la rive droite deToulon et de sa rade, est aussi un fort joliendroit où se retirent tous les vieux capital-taines de la marine marchande.

frisa des passeports et embarquement.

A Toulon et à Marseille, avant de s'occu-per des moyens de faire la traversée, il estindispensable de se présenter au commissa-riat de la police pour faire viser les passeports.

Cette formalité remplie, si l'on doit s'em-barquer à Toulon à bord d'un bâtiment del'état, il faut préalablement se présenter chezl'intendant militaire pour obtenir un ordred'embarquement , ou si l'on s'est procuré àParis une autorisation spéciale à cet effet,pour la faire viser par le méme intendant mi-litaire qui désigne le navire sur lequel onaura le passage.

Cet ordre ou autorisation d'embarquement

obtenu il est d'usage que les passagers aillentrendre visite au commandant du bâtimentqui doit les transporter , ce qui a lieu au plustard la veille du départ.

Nous conseillons aux voyageurs qui nepeuvent obtenir leur passage à bord des bâti-mens de l'état, de ne point chercher à s'em-barquer à Toulon sur un navire du commerce,parce que les navires de cette sorte sont entrès petit nombre dans ce port , d'un faibletonnage, par conséquent mal emménagés, etqu'en résumé on court les risques d'attendrefort long-temps le moment de leur départ ,indépendamment des inconvéniens de la tra-versée sur un mauvais bâtiment.

C'est à Marseille qu'il faut prendre passagesur un bâtiment du commerce ; là il en partpresque tous les jours et qui sont assez com-modément distribués pour les passagers.

Toutefois il est bon de remarquer qu'il enest des navires du commerce comme des voi-tures publiques les uns sont gros, les autressont petits ; ceux-ci sont dégoûtans de mal-propreté , ceux-là n'ont pas même une cabineoù l'on puisse se mettre à l'abri de la lame.

Et d'abord nous expliquerons ici pour ceuxqui sont étrangers à la marine , que tous les

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bkiïnènà sé"désignent sous le nom général denavire et que les navires se divisent en plu -sieurs elasSes suivant leur diméniion.

Ainsi, il y a des - lximbardes qui sont depetits bâtiniens qui font le cébotage et sur

• leSquels Un passager ne doit jamais se hasar-; des Bilés' Ou bricksÂni sont des bki-

'Tiens il'tine plus grande dimensiOn , étlicite la plupart ont une cabine aveO quelquespetites • armoires autour pratiquées dans labOiserie, et que l'On:nonme couchettes, parceqU'en: effet,il y a dedans un Petit matelas surlequel COLI' Che un passager.

Des .galettes ; bâtimens apeu près sembla-bles aux bricks, mais plus akingés et beaucoupphis légers.

Enfin , des vaisseaux dits trois-mâts , quisont de gros bâtimens dont les emménage-mens scïht ordinairement assez vastes.

Lés bâtiinens de guerre , Ÿ compris les ha-teauk à vapeur , dont les eminénagemens nesànt faits qUe pour leur état-major n'ontpas toujours des 'couchettes pour les passa-gers Ordinaires , c'est-à-dire ceux qui n'ap-partienriebi ni à' l'armée ni au gouvernement ,'ét . les femmes surtout n'y sont pas conimodé-Ment 14es.

SI

Mais ces Mtimens n'étant jamais encom-brés comme les navires marchands, les offi-ciers , qui pour la politesse ne sont plus desJean Bart , ont soin de faire improviser dansl'entre-pont une chambre à coucher ferméepar des cloisons formées de voiles de rechan-ge. Dans cette chambre on accroche des car-rés , espèce de coffre en toile , au fond du-quel est un cadre en bois pour maintenir l'é-cartement; sur ce cadre on place un petitMatelas dont les passagers doivent faire em-piète avant de s'embarquer; et ces carrés re-présentent des couchettes qu'on est prié de nepas confondre avec les hamacs.

Les petits matelas dont nous venons deparler se vendent tout faits sur les quais detout port de mer ; leur prix au minimum estde 6 francs.

Quand on voyage avec des dames , il estprudent de se munir en plus de couverturesde laine.

Nous ne parlons pas d'oreillers , car il estfacile de s'en improviser; mais les autres ob -jets sont indispensables, et on a le temps deles regretter lorsqu'on s'est embarqué sans enfaire empiète.

A Marseille, c'est sur les quais et dans les

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bureaux dés courtiers de commerce où de no-lisemens, qui sont en grand nombre , qu'ilfaut s'informer du départ'd'un bAtiment.'As-sez• ordinairement une affiche placée à laporte de Ces bureaux indique .un navire - enchargement pour Alger, mais il faut se méfierde ces annonces qui ne concernent pas tou-

• •jours un navire convenable.C'est avec les courtiers de nolisemens que

l'on fixe le prix du passage , ainsi que nousl'avons dit en tête des présentes. Le prix estde qtiarànte francs par personne pour 'avoir •droit à une couchette et un logement dansla cabine de la chambre , car il n'y a que lesbâtinienS d'un fort tonnage, faisant des voya-gés au long cours, qui aient des salles et deschambres.

Indépendamment du prix du passage, onpaie par personne deux francs par jour pourla nourriture.

A moins d'avoir de nombreux et pesais •bagages on ne paie rien pour le transport deces objets. '

On peut se dispenser de payer des frais denourriture à bord;'si l'on veut se miinir dé pro-visions ; mais nous devons dire que les capi-taines des batimens voient cela d'un mauvais

83oeil, parce què le prix de la nourriture estpour eux presque tout bénéfice lorsque lespassagers sont atteints du mal de mer, ce quiarrive à 90 personnes sur i oo.

Après avoir arrété les conditions du' pas-sage de la manière que nous venons d'indi-quer , mais avant de rien payer et avant deremettre les passeports dont les courtiers ontbesoin pour obtenir une patente de santé , ilest indispensable de se rendre à bord du bâ-timentsur lequel on doit partir, afin de le vi-siter et de s'assurer qu'il est propre et que lesemménagemens y sont commodes. Cela re-connu , et lorsqu'on est pressé d'arriver, ilfaut encore s'assurer du départ probable dubâtiment pour .un jour très rapproché. Nousdisons départ probable, parce que les naviresne peuvent partir comme les diligences ajouret heure fixes, puisqu'il est nécessaire de sesoumettre au temps et au vent; et jour trèsrapproché, car les armateurs afin de se procu-rer le plus grand nombre possible de passagers,annoncent . le départ de leur bâtiment à qua-tre, six ou huit jours, tandis que souvent sonchargement n'étant pas encore fait ou com-plet il ne met à là voile que quinze jours plustard.

84C'est ;donc en visitant le navire, qu'il fan

voir s'il. est à peu près rempli.Le jour. pris 'et indiqué pour le départ

faut se rendre à bord avec ses bagages, soisla veille au soir si l'on part le matin , soitquelques heures avant de mettre à la voile sil'on part .dans le jour.

A Toulon il n'y a guère que les bateaux àvapeur de l'état qui transportent des passa-gers appartenant au civil.

Ces btimens, qui lèvent l'ancre ordinaire-ment à midi , annoncent, comme tous les bà-timens de guerre, leur départ par un coup deCanon.

Ils font la traversée en quatre jours et quel-quefois en trois jours quand le temps est beau.

A Marseille , où il n'y a point de maréemontante , la Méditerranée n'ayant pas deflux ni de reflux , les bâtimeni assez générale-ment mettent à la voile le matin avant le jour.

Les bàtimens à voile, par: une belle mer etun bon vent , font la traversée en six ou huitjours; par unegrosse mer, et des vents .contrai-res, on.est exposé .à mettre le double de temps.et quelquefois plus.

En sortant de la rade de Toulon , on voitsur la droite deux îlots formés de rochers de

85figure pyramidale qu'on nomme les deux frè-res et qui de loin ressemblent parfaitement àdeux sapins très élevés ; dès qu'on est dehorsde là rade de Toulon , on n'aperçoit plus laville parce qu'elle se trouve cachée par un cap;puis, le vent aidant, on làisse sur la gaucheles îles d'Hyères , le golfe de Gênes , au fondduquel est située la ville de ce nom ; Gênes lasuperbe; la Corse et la Sardaigne. Ncius nedonnerons la description d'aucun dé ces lieuxparce qu'il est rare qu'on les approche assezpour les bien distinguer.

En suivant la direction de Toulon à Algerpresque toujours on laisse les clés Baléares surla•droite.

En quittant Marseille et sa rade on setrouve dans le golfe de Lion qui est à droite,puis on passe auprès d'une petite île forméed'un rocher à pic appelé le Château d'If :c'est une espèce de lazaret où les bâtimensqui viennent du Levant ou des Grandes-Indesfont • leur quarantaine ; une fois derrière leChâteau d'If, on perd Marseille de vue etbientôt la terre pour ne la revoir qu'aux fiesBaléares qu'on laisse sur la gauche lorsqu'onne passe pas au milieu.

86

• • 11ÉM•tw dé la nier.

A§eèz OrdinaireMent 'é 'est angitbt 'qv latiré â d1spaikrank qüe filet sePaleeegséntir. •

Tafit que les yetixid'édouvre1t'.1e soll'itte 'en" elitrepre#ant‘ g'- voeetgeles pilernièreeénititions de la. riavikatkri' ,.ffiftekibrils'-prérnetes .et u1ipliées qu' ec-siorinent' leethaircee dela mer, le .ebuVénirde la famille, des arnis•i.ele'la.eië paiibl :dfedi- dbindetigne stintiennent.lee forces' et lete, • • -

Mais dés qu'on n'aperçoit plus que le cielet 1 1 aul iil dit bàtinient • rodeur dugbintlfori. et vif dé la' mer, commencent ,à

tsefitir- Iént ififidence ; la tête; devientlottrdel ld litiitrine"at,bppressée., .1è';eceur•eetékétBUéfàÉsé), tcitités: dés

sent ; d1et iidiffé-it'i'tôuI dé ' ,qui iSé pedië'aitttede de , gùi ; les

ple 'te nares' affedtiffile Sant otililiéee 'polefaite 'plâde ài lie ,ptdfdd égoïsme.

Cpëticlàfieleét état :Sefütt eesdiitinplurdilmoins , suivant le tempffliientldêgipereûnneset aussi selon l'impression que l'embarque

87ment a fait éprouver; nous croyons que l'i-magination et la crainte du mal de mer doi-vent contribuer beaucoup à en augmenterl'effet.

Les marins . ,pré tendent , qu'il fat mangeravant de s'embarquer, et manger encoreirnal-gré le mail de mer; En • effet, la? nourrituredonne dés forces poue supporter rindisposi-Jtiorilitandà quellaihstinence en .creusantcern», tanéantit Ulules des iforceS1 tell, moinetemps qu'elle }faitiperdretoute énergie:

',Nous ver:Or/truandons :;aux. Yoyageurs , de se •munir d'oranges avant de s'embarquer ; cefruit mangé en petite 'quantité ; •rafroichit etdissipe;l es maux de !cœur..

l y: a eussi. un. nitày en d'.offoiliiir le , mal 'demerret.Même de ;l'éviter ,: eut Ile.seieouclierdès-que •i:Pd se sent indispos&

►e; malisi inedouté,et)dont illeffet egisidécrire ne 'dure partent pas toujours

chez eiftpippart des fixeisonnasiqui; en sont at-teintes; assez souvent il se/dissipe laiiliscet, dequatre ou> cincyjours i; idueiste)11 ieetili pas ef-frayantptlisqu'en , n'en Weill pas et que "le mot

,màgi;qupp <de terre probinedi 'par ,le I rhatele envigie;, suffit \potivelkiriminkliatenient.

88

Iles Baléares.

Juste à moitié de la distance de Toulon oude Marseille à. Alger , on rencontre les îlesBaléares.

Ces îles, vis-à-vis et à la hauteur des côtesde "Valence , forment une subdivision duroyaume d'Aragon , sous le nom de provincede Palma, et se composent des îles Majorque,Minorque , Iviça , Formentera et Cabrera ,autrefois connues des anciens sous le nom dePithyuses.

Les habitans des îles Baléares, que l'on ditêtre d'origine phénicienne , étaient renom-més dans l'antiquité. pour leur bravoure et leuradresse. à manier la fronde ; les Carthaginois ,les Romains , les Goths et les Arabes possédè-ren t successivement« petit archipel qui, versle 13e siècle,. passa au pouvoir des rois d'Ara-gon et plus tard au royaume d'Espagne auquelil appartient encore.

Le climat des îles.Baléares est chaud , mais:tempéré ; on y cultive. beaucoup d'orangers.dontles fruits sont très beaux. La pop lotionréunie, de _toutes ces_ tles est éyaluée à centquatre-vingt mille âmes.

89Les villes principales sont : Paha,- Mahon,

Ivice , Cabrera et Formentera.Palma , capitale des îles Baléares, est en-

tourée de murs, et son port, défendu par deuxchAteaux forts, est l'un des meilleurs de la Mé-diterranée.

Cette ville n'est pas très bien construite•,mais cependant ses maisons, ornées toutes debalcons , ont une physionomie agréable.

Les promenades et surtout celle de laBaluba sont très belles. La place des Bornes,où l'on vend des fleurs, est digne aussi de l'at-.tention des voyageurs.

Les édifices les pins remarquables de cettecapitale , sont :

Le palais da Gouvernetir.Le palais de la Bourse.L'Hôtel-de-Ville.La cathédrale , vaisseau magnifique, chef-

d'oeuvre d'architecture gothique.Et le palais de l'Inquisition qui se trouve

hors des murs.Palma possède un musée d'antiquités ,

deux bibliothèques publiques , et plusieursétablissernéns industriels et de bienfaisance.

Elle est renommée pour ses oranges et parla beauté de ses femmes. En effet beaucoup

90

dej celles-ci ne le cèdent eut rien aux 'Andalou_ses par la régularité ide leurs traits, le 'veloutéde leurs yeux noirs comme leims cheveux, etla 'grâce de leur personne.

Quand. les navires passent à une distanceassez rapprochée , on aperçoit sur les pro ,-menades de Palma qui longent la mer , unepopulation de. moines de toutes couleurs.

Mahon, autre fois Partys M'agonies, ehef-lieuet évêché de l'île de Minorque , est situé aufond d'.ungolfe qui offre un port immense-oùla flotte la plus considérable peut mouiller àl'aise.

Cette ville, qui est assise sur le versant d'unecolline , est très bien construite , toutes lesmaisons y sont gracieuses et élégantes.,En en-trant dans le port qui est défendu par le fortSt.- Philippe , on voit à gauche sur le rivageVilla- Carlos qui est presque un faubourg deMahon ; un café de: cette ville est tenu parune française nommée Léocadi, jeune, jolieet très aimable personne qui fait les délicesde Ille Minorque.

A droite de la rade est le grand lazaret ;un peu plus..loin une petite ile qui est la con-signe ; presque au fond de Ja baie , une autreîle sur laquelle existe uni immense couvent

91

dans la même direction et.au fond de la rade,on aperçoit une. jo4e casa, srmontée.„d'undôme qui la fait .ressembler à un,temple.

A gauche de la baie et à environ:une .demi 7

lieue de Villa-Carlos , on voit Mahon qr i esttout- à-fait au bout de la rade et d'un étroitgoulet.

Entre Mahon et Villa-Carlos , on remarqueune grande quantité (le „moulins â vent quitous ont six ailes courtes dont les extrémitésforment un cercle au moyen d'une corde at-taohée de l'une à l'autre.

Les constructions de Mahon se conserventsi. bien dans ce beau pays, eelles paraissenttoujours neuves. L'édifice le plus remarquablede cette ville. est la cathédrale.

On attribue la fondation de l'idahon à Ma-gon, célèbre amiral carthaginois.

Iviçe ou IS)!:ça, autrefois Ebusus, et que lesEspagnols nomment Ibiza, est une petite villepeu importante , aujourd'hui située dansde ce nom ; presque tous ses habitans unit ar-tisans ou pécheurs.

L'ile d'Ivice est sillonnée de montagnescouvertes de: bois et où se trouve une popu-lation encore bien rapprochée de l'état denature,

92Cabrera et Formentera sont deux petites

villes sises dans les Ales qui portent leur. nomet dont on ne parle que lorsqu'on les aper-çoit; pourtant il est bon de dire qu'il y a àCabrera un Château-fort qui sert de prisonpour tontes les îles Baléares.

Nous avons dit plus haut que le temps or-dinaire pour la traversée par un bâtiment àvoile est de six jours.

Or, quand on est aux ales Baléares, il fautdonc encore se résoudre à passer trois joursen mer avant d'arriver dans l'Algérie , quipour Je colon est la terre promise.

Deux jours suffiront peut-être si le tempsest beau ; mais pour ne pas se bercer d'unvain espoir, il faut compter sur trois.

Du reste , ce temps est ordinairement misà profit par le passager que l'aspect des fiesBaléares a presque guéri du mal de mer,monte souvent sur le pont, il ressent déjà leseffets du soleil d'Afrique.'

Il s'infôrme si le vent est bon-, il voit avecanxiété jeter le lok pour savoir combien denoeuds file le bâtiment.

Il sait déjà que le lok est une petite planche

93en bois de chène , de forme presque triangu-laire, dont un côté arrondi est recouvert d'unepetite bande de fer pour lui donner du poids,et que la première partie de la corde qui tientcette planche est de la longueur du navire.

Il apprend que le lok jeté à la mer se fixesur la vague jusqu'à ce que le bâtiment se soitéloigné de toute la longueur de la corde , etque le temps employé à parcourir cette lon-gueur, mesuré par un sablier, indique, aumoyen d'un calcul que le matelot fait promp-tement et de mémoire , combien on file denoeuds à l'heure ; il apprend enfin que troisnoeuds font une lieue marine.

Bientôt, à force de fixer la vue sur l'horizon,on aperçoit un point noir qui ressemble à unnuage, puis qui s'alonge à mesure qu'il de-vient plus distinct et forme une bande grisâtre.

Tout-à-coup on crie terre ! terre ! c'est lacôte d'Afrique, c'est le mont Atlas que l'onreconnaît ; c'est le cap Caxine , c'est enfinAlger ! Alger que l'on découvre par un beautemps à environ six lieues.

Et alors , vous voilà , voyageurs ou colons,parvenus au terme de votre voyage ; vous êtesen face de la terre où existait Utique, de cetteterre qui rappelle tant et de si beaux souvenirs .

94Id vous éprOuvez•ne émotion vive, joyeuse,

un bonheur indicible, vous oubliez pour uninstant la patrie , les amis... Vous éteslout aupays nouveau qui se montre à vous.

Actuellement vous sentez le besoin d•con-naitre par leur nom tous les objets qui vontle plus frapper votre attention. Vous allezmultiplier vos questions.

C'est donc à votre conducteur à vous in-.struire.

Regardez et écoutez.

Aspect d'Alger.

De la- mer -on ne peut découvrir Algerplantant que l'on- se trouve à • l'est de cetteville et à peu près à hauteur• du cap Mati -fou.C'est là où »nous sommes., , et en effet , nousvoyons très bien la- ville dans toute son éten-due. •

Elle a la forme d'une voile latine en termede marine), ou d'un .triangle dont deux ex-trémités sont appuyées sur la .mer, et l'autreextrémité est terminée• par la- Kasbah ,. dontnoue parlerons plus. loin.'

ConStruite• en amphithéAtre sur un versantcle Mtlas-, comme ses rues étroites-ne se des-

94Id vous éprOuvez•ne émotion vive, joyeuse,

un bonheur indicible, vous oubliez pour uninstant la patrie , les amis... Vous éteslout aupays nouveau qui se montre à vous.

Actuellement vous sentez le besoin d•con-naitre par leur nom tous les objets qui vontle plus frapper votre attention. Vous allezmultiplier vos questions.

C'est donc à votre conducteur à vous in-.struire.

Regardez et écoutez.

Aspect d'Alger.

De la- mer -on ne peut découvrir Algerplantant que l'on- se trouve à • l'est de cetteville et à peu près à hauteur• du cap Mati -fou.C'est là où »nous sommes., , et en effet , nousvoyons très bien la- ville dans toute son éten-due. •

Elle a la forme d'une voile latine en termede marine), ou d'un .triangle dont deux ex-trémités sont appuyées sur la .mer, et l'autreextrémité est terminée• par la- Kasbah ,. dontnoue parlerons plus. loin.'

ConStruite• en amphithéAtre sur un versantcle Mtlas-, comme ses rues étroites-ne se des-

sinent pas et que .ses maiSons• en terraSSe sontblanchies à la chaux, elle a l'aspect d'uneimmense carrière.

A gauche de la ville, vous remarquez lefaubourg Bab-Azoun, le fort du même .nom,le joli vallon, de bIustapha,pacha, Couvert, demaisons de campagne et de verdure ; la bellepelouse du champ de manoeuvres.

Les grands bâtimens blancs parallèles quevous apercevez au dessus , sont, des casernesd'infanterie construites depuis la conquête.

A l'extrémité est du champ de manoeuvres,tout près de la xner, ce carré planté d'arbresqui ressemble à un bois., c'est le jardin desplantes ou des essais, établi, en i833.

- Un peu plus loin, sur la gauche, vous voyezHussein-dey, ancienne maison de plaisanced'une . fille du, dey ;. puis l'embouchure • del'Affadi, petite rivière qui vient de la plainede Mitidja se jeter dans la mer auprès de, laMaison carrée , ancienne ferme .où était leharas du dey, et propriété- qui appartient au-jourd'hui au maréchal Clausel.

Au delà de la Maison carrée,- .on voit encoreun petit édifice, c'est le fort de Mau: où 'nousavons un poste 1. et là , cette pointe de. terrequi se rapproche de nous, est le eap,l‘latifoil,

96!près duquel sont quelques ruines de l'ancienneRust

Maintenant, reportons la vue vers Alger.Ce grand édifice isolé que l'on distingue surun plateau à l'est de la Kasbah, est le châteaude l'Empereur, fort ainsi nommé parce .queCharles-Quint campa en 1541 sur l'empla-cement méme où depuis il fut bâti; lors dela conquête d'Alger en 183o, cette forteressesauta en partie, soit par l'imprudence desTurcs qui le défendaient, soit par une bombelancée par les' Français de la pointe d'unemontagne qui domine ce château, à l'ouest, etappelée la Vigie : c'est l'explosion de ce fortqui décida du sort de la régence.

Entre le château de l'Empereur et la Kas -bah , des bâtimens assez vastes se détachentau dessus d'un terrain nu : ce sont les tanga-rins ou le fort de l'Etoile, anciennes écuriesdu dey, maintenant caserne d'artillerie. .

La Kasbah est la citadelle de la ville, qu'elledomine ainsi que la mer.

Le dey l'habitait une partie de l'été ; c'estlà qu'il a donné au consul français, M. Deval, .

le coup d'éventail qui causa la perte de sesétats. Nous en dirons les motifs. dans la no,tice historique sur Alger.

Nous approchons de la rade , nous y en-trons.

Nous sommes à environ deux lieues de laville; c'est ici, dans cette immense rade, bor-née à l'est par .le cap Matifou , que les vais-seaux doivent mouiller, parce que plus loin ,ou plutôt plus près du port, il n'y a que vingtà' trente pieds d'eau.

De la pointe du. cap Matifou à la pointePescade , qui est ce petit cap que vous voyezlà à droite , au pied d'Alger, il y a quatrelieues.

Sur la droite d'Alger, auprès de ces jeunesarbres qu'on vient de planter sur une placehors des murs d'enceinte, la place Bab-el-Oued : les cinq moulins à vent qu'avec lalongue vue du capitaine vous regardez. si at-tentivement, parce qu'ils vous, rappellent laFrance , ont été construits par le génie. mili-taire depuis x 83o. Ils ont coûté beaucéup d'ar-gent à édifier et n'ont jamais rendu de ser-vices; abrités au sud et à l'est par les monta-gnes de l'Atlas , ils ne pourraient tournerqu'avec les vents du nord ou du nord-ouest;mais ces vents étant toujours ou trop forts outrop faibles, ils ne peuvent en profiter.

Actuelkment,portez la vue au delà, de cesmoulins , vers l'ouest, Voyez-vous près durivage une espèce de château avec un parcpresque entouré de murs? Oui. Eh bien, c'estle jardin. du dey, campagne où celui-ci al-laitsouvent avec ses femmes passer quelquesmôis de l'année ; aujourdiuic'est.un hôpital.'Les bâtimens longs que. Von distingue. à côtédes pavillons plus élevés, sont des baraquesen planches.qui contiennent chacune plus decent lits pour les malades.

Au dessus du jardin du dey, ces jolies mai-sons de campagne dont les terrasses blanchesdominent les orangers., appartiennent pourla plupart à des consuls. Aussi, on nommeCette croupe de .montagnes couvertes de villas,la vallée Iles consuls.

Au . pied de la vallée , toujours à l'ouest ,cet. édifice qui se dessine sur la grève, c'est lefort des Anglais.

Plus loin , voit& vôyez le cap Caxine , oùl'on s'est souvent battit lors et dopuis la con-quête ; au delà se trouve Torre-Chica , où ledébarquement des troupes françaises a eulieu , le 15 juin 183o.

Tous ces édifices , tous . ces points blancsplus ou moins élevés, crénelés, ou percés de

99meurtrières , que vous remarquez, depuis.; efort des anglais jusqu'à la. Maisonmarrée ,sont .des forts àu des batteries garnies-de ca-nons.,

Ici faites attention.Nous sommes à un, qiiart de, lieue 41.3 port,

le capitaine, du briok, viPAt de çonffluder :Préparez-vous pour. On .a jeté l'ancreet nous sommés arrivés.

Voici le capitaine du port dans sou canot,conduit par un 'Maure ou un Afaltais , qui .

vient. reconnaître le!:bàtimegt et indiquer ànotre capitaine l'endroit gin port où il pourras'amarrer, ce qui ne .vons.,empéchera, pas dedébarquer aujourd'hui.s'il n'est pas trop tard,puisque d'.ailleurs à Alger on ne fait pas dequarantaine>., lorsqu'on vient directement deFrance.

Cette espèce de tour dont nous ne sommespas élàignés et au haut .de laquelle il y. a . unegrande lanterne, c'est le phare ou le ehâteaudu fanal. Le.rocher apr. legel il e4est appelé. la Moune ;.c'est, dit-on, ce rocherqui a donné lieu • la fondation ,de la ville.

Ce., e eetit ,bàtirnent gni. est, à esté ,d0phare et qui ressemble à :Rn temple , est la

100demeuré du commandant de la s tation navale.

Voyez-vous toutes ces barques qui se diri-gent sur notre bAtiment P ne dirait-on pas quece sont encore ces pirates algériens , la ter-reur de la Méditerranée , qui veulent se pré-cipiter sur notre navire

Cés heaumes à' la peau Cuivrée , couvertsde guenilles, qui crient si fort dannetirs bar-ques- sales, ce sont des Maures ou des Sbiqrs(en arabe Biscara.s Bédouins qui travail-lent sur le port . : vous saurez que Sbiqrs signi-fie à peu près commissionnaire.

• Ces autres en gilet de laine rayé de noir eten chapeau ciré, dans des barques peintes enrouge et jaune , ce sont des Maltais , des Es-pagnols, des Mahonnais.

Faites monter vos caisses sur le pont dubrick, payez à son capitaine ou à son secondce que vous devez, puis donnez au .matelotqui vous a servi cinq francs de gratification..

Cela fait , prenons une barque de Maltaisou d'Espagnol de préférence à tout autre.Nous voilà dedans. Bien ; à présent faisons-nous conduire à la porte de la marine. Quandvous serez à terre , vous donnerez au canotierconducteur du bateau un franc pour tout sa-laire et il sera content.

loiAussitôt à terre , attendez vous'à dtre as-

sailli par une nuée de Sbiqrs à moitié nus etcouverts de vermine, qui vont se ruer sur vosmalles et se les disputer pour les porter à votrehôtel. Mais que ces gens ne vous effraient paset que leur aspect ne fixe point votre opiniOnsur la population d'Alger.

Chassez tons ces vauriens à coups dé canneen leur disant : emmchi emmchi ce qui enfrançais veut dire va-t'en , 'va- t'en.

Choisissez-en un ou déux seulement ; etvous leur donnerez en arrivant vingt ou trentesons si vos effets ne pèsent pas plus d'une cen-taine de livres.

Ah I nous voilà enfin à terre.Nous allons entrer en ville par la porte de

la marine. Ici , il faut laisser visiter vos effetspar les douaniers et payer des droits d'entréepour tous vètemens qui n'ont pas encore étéportés, pour les liquides, etc.

Pendant qu'on ouvre les .malles ; regardezau dessus de la porte de la marine. Voyez-vousdans un cadre d'arabesques ce lion peint .dansune attitude si fière ?

:éte probablement le symbole de la forcewrk et du courage de ses habitans , car2.

102le dey,n'avait point d'armoiries. Du reste , jen'ai jamais ,pu.savoir la véritable significationde cette peinture qui parait très ancienne.

Les douaniers ont fini continuons notrechemin. Pour ne pas nous perdre dans les dé-tougs sinueux des rues du quartier de la ma-rine , nous allons suivre la rue de la Marinejusqu'à la place du Gouvernement.

Cette rue, qui commence à la porte 01'4. noussommes , est la rue des cons merçans euro-ropéens,, des , courtiers de commerce et descourtiers Maritimes.

On l'a élargie depuis trois ans ; on a creuséle sol pour que la montée vers la place ,duGouvernement soit moins rude aux voitures ;toutes ces maisons a _droite et à gauche ontété restaurées ou édifiées par les Français éta-blis dans ce.pays.

Voici la place du Gouvernement. Elle estfaite depuis la conquête d'Alger seulement ;car avant, excepté un petit carré ombragé parun figuier, qu'on nomme la place des Cara-vanes et que vous verrez en vous promenantdans la ville, il n'y en avait point dans cettecité.

Celle. ci tient l'emplacement d'un massif demaisons que l'on a abattues pour la former.

108Le : sol n'en est pas pavé , mais est con-

solidé par un mortier de chaux aussi dur; quela pierre.

Comme cette place joint immédiatement àla mer, vers le nord-est, il est probable.quepar la suite le débarcadère sera de ne eté.

Actuellement que nous sommes sur la place ;

orientons-nous pour nous rendre à un .hinel.Il y en a dans la ville trois, entre autres ,nus par. des Français , qui , sans valoir les ie.tels de Marseille , ne. sont pas mauvais.

Je vous citerai d'abord ,l'hÔtel 'd'Europe.,rue Charles-Quint, n. 12), près de, lexue Zab-el-Oued qui commence ici à notre droite 3puis l'hôtel de Paris , aussi rue Bab-e1:-Oued.,un peu plus loin que la rue Charles-Quint;et enfin l'hôtel du Nord qui est dans une ruevoisine.

Chacun de ces hôtels a un restaurant (res-taure , comme on dit en Provence) , où vousserez servi à la carte absolument comme àParis , et où vous pourrez dépenser depuis

fr. 5o jusqu'à 20 fr. par repas. -Toutefois si vous devez séjourner à Alger

quelque temps, je vous engage à prendreiunabonnement au znois.pour vos repas. Les abon.

104

blettie» sont dé 5so. fr: à 90 fr., selon que Vonveut. étre bien servi. • •

Allons à l'hôtel d'Europe, sa disposition ,j'en suis sûr, vous plaira 'mieux que celle desautres. - • •

Prenons la rue Bab el- Oued : ici à gauchevous voyez des maisons construites à :1'euro-•péenne avec des• arcades . qui vous rappellentla rue. de Rivoli. .Là Ce sont des .marchandsde comestibles, •plus loin. des magasins -demodes et de nouveautés, à droite ce sont descafés françaiS, des boutiques de barbiers, etc.

Tournons à gauche , voilà la rue Charles --Quint et l'hôtel d'Europe.

Arrétons-nous sous ce vestibule avant d'en.trer. Vous voyez cette galerie carrée, sou-tenue par deseolonnes , qui règne autour dela cour dallée. en marbre , et autour du' pre-mier étage intérieureMent. Eh bien , c'est ladistribution- de .toutes les maisons d'Alger, etmême • de l'Afrique.

Entrons et demandons une chambre aupremier. Bien ces chambres qui donnentsui la galerie où elles sont•éclairées , ont étéarrangées la française depuis notre occupa-tion , car avant il n'y avait ni portes, ni fe-nêtres, ni lits.

106Au surplus , vous reconnaîtrez tout cela

plus tard. Maintenant posez vos bagages etallez promptement rue Soggeman qui donnesur la place du Gouvernement , prendre unbain à la française pour retrouver votre équi-libre que le roulis du bâtiment a dérangé.

Et quand vous aurez achevé la lecture decet ouvrage et passé un mois à Alger, vousconnaîtrez le pays comme si vous l'habitiezdepuis deux ans.

el'éttette ertie

• ALGÉRIE. •

NOTICE HISTORIQUE SUR ALGER.

On ne sait rien de positif sur la fondationd'Alger.

Il est aussi difficile de trouver l'origine decette ville dans l'histoire, que les ruines d'U-tique sur le sol où on les cherche de nosjours.

Bien que maintenant, aux yeux de la plu-part des Européens , le nom d'Arabe soit àpeu près synonyme de celui de sauvage, il ya pourtant encore parmi les Arabes, surtouten Syrie , des hommes savans , et très savans.

Car c'est d'après les auteurs arabes quedes auteurs d'autres pays ont parlé des an-ciennes révolutions d'Alger ; particulièrement

107

Drégô de Hgeda Dapper, dOht• lesMémbires publiés én -Angleterà il y , prèsd'un siècle, ont été : traduits en français183d ; puis . William Shaler, qui • 'en .1826 ,publia; à 'Boston êSeli8S8' »SUÉ l'étatd'Alger.

C'est' d'âne en. ligrtant- .de la méfie 'sourceque .ntis• devanders , • et' eràptés dé tee nousavons appris suries lieux parla tradition,. quenous'' ilônnernus ici une dciurte'lltiticd" surl'histoire d'Alger et l'ancienne régeriée de cen'Orn ;'refivoyarit'le lecteur qui . voudrait plusde détails à c'e sujet , •atti ouvrages .,de-Shesvet dé 'Shalar, Maintenant -assez répanduse - enFiance.

•'"tifè1 :

•Là: 'partie . de l'Afrique . qtie daignedus 'le 'n'On). d'états . barbaresques ,

étraiÉ autrefoiSalspélde Mauritanie.Ce pays, CeitiTme a • étée.pedàêdé

successivement par les Romains• ; les'Vaiidkles'd'ils Grecs.

Et phis ted • il a été' partagé' 'eh' pltitietitspeiviritësiduvern éleepar"ltià`Scileiks' taràYésqui formaient autant de souverains. Parmi- tedeitierS , entré ride eàLrtég 'qu'a

108transmis l'histoire, nous citerons ceux de Mas-sinissa, Syphax , Jugurtha et Juba , qui ré-gnaient à peu près dans le même temps.

Vers l'an 46 avant J.-C. , Juba , l'un desrois de Mauritanie , ayant, pris le parti dePompée contre César, fut par celui-ci défaiten même temps que Scipion , dans une ba-taille qui se livra aux environs d'Utique.

Juba perdit la vie dans le combat , et unjeune fils qu'il avait , fut conduit à Rome oùCésar lui fit donner une brillante éducation.Plus tard l'empereur Auguste , qui aimaitbeaucoup ce jeune prince à cause des bellesqualités dont était doué , le rétablit dansson royaume de Mauritanie , et le maria à Si-lerie fille d'Antoine et de Cléopâtre. Avecles richesses dont Auguste l'avait comblé , lefils de Juba bâtit une ville à laquelle il donnale nom de Julia Coesarea , en mémoire deson protecteur et en reconnaissance de sesbienfaits. On présume que cette ville est au :-,jourd'hui Alger.

De l'union de Juba et de Silerie naquitun fils nommé Ptolémée , qui succéda à sonpère peu de temps avant le règne de Cali-gula.

Mais, dès son avénernent au trône, Cali-

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gala s'étant emparé des élats de Ptolémée ,fit mourir celui-ci et partagea le royaume endeux provinces, dont l'une fut appelée Tin-gitane de Tingis , actuellement Tanger dansle royaume de Fez , et l'autre Mauritaniecésarienne, à cause de Julia Gcesarea.

Après avoir conquis l'Espagne , vers l'an427, les Vandales conduits par Genséric , leurroi , passèrent en Afrique , subjuguèrent lesdeux Mauritanies et détruisirent toutes lesbelles villes et les superbes édifices qu'avaientélevés les Romains durant une possession dequatre cents ans.

Les Vandales conservèrent le pays jusqu'èn553, époque à laquelle ils en furent chasséspar Bélisaire , général de l'empereur Justi-nien.

La Mauritanie devint ensuite la possessiondes Grecs jusqu'en 663 , et aux Grecs succé-dèrent les Arabes mahométans.

Pendant plusieurs siècles encore la Barba-rie passa à différens peuples dont quelquesuns ont été gouvernés par les descendans desmêmes familles, au nombre desquelles on re-marque celle d'Abdérame , si connue en Es-pagne.

En zo51 , un peuple qui prit le nom der,

Morabite , ou Almoravide , se rendit maitrede J'Afrique.; il fut hieuten après remplacépar les Mohavédins., qui, eux,rndmes le fu-rent par les gesseins , tous Arabes.

Le royaume d'Alger fut alors divise enquatre gouvernemens çt resta. ainsi jusqu'auquatorzième siècle. •

En IS15 , sous le ministère du cardinal Xi-ménès,, Ferdinand V, roi d'Aragon, envoyaen Afrique „sous k commandement du comtede. Navarre: , une armée qui prit Oran, villequi était habitée par les Maures, chassés. en1492 des royaumes de Grenade , de Valenceet d'Aragon.

L'armée espagnole poussant ses conquêtes,s'empara de Buggia ou Bougie et de plusieursautres places. Les Algériens craignant alorspour leur ville , réclamèrent l'assistance d'unprince arabe nommé Selim Eutémi, souverainde la plaine de Mitidja, et renommé par sabravoure et ses talens militaires., Celui-ci, vint.avec une armée, , mais il ne put , empecherles Espagnols de' se rendre maîtres d'Alger.Oie capitula. Eutémi fut fait roi d'Alger ,s'engagea à payer tribut aux Espagnols. etconsentit à ce que ces derniers fissent .laàtirun fort, sur la petite île qui est eni face de

111la ville , où se trouve aujourd'hui le phare.

Les Espagnols ayant mis une forte garni-son dans ce fort , se trouvèrent ainsi mattresdu port dont ils pouvaient refuser l'entrée etla sortie à tous corsaires.

En 1516 „ lors de la Mort de Ferdinand ,les Algériens, fatigués du joug des Espagnols,tentèrent de s'en délivrer . .

A cet effet , ils implorèrent! les secours dedeux fameux. pirates , nommés , l'un ilaroudj,dit Barberousse, l'autre Khayreddiri, maho-métans, nés à Mitylène, ville de l'archipel.Ces deux capitaines , d'une valeur entrepre -nante , furent rencontrés en mer avec leurescadre par les députés' 'algériens. Ils accep-tèrent avec avidité les propositions qu'on leurfit : Barberousse se fit débarquer avec tin as-sez grand. nombre d'hommes , à deux joursde marche d'Alger, et envoya sa flotte pren.dre position devant la Ville. L'entreprise réus-sit complétement et les Espagnols abandon-nèrent les lieux.

Fier des succès qu'il avait obtenus , et en-couragé par la soumission dont les Algériensfaisaient preuve , il- résolut de se rendremaître d'Alger et des dépendances. Il assas-sina de sa main Eutémi , pendant qu'il était

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au . bain , se fit nommer roi à sa place , etépousa Zaphire , ‘sa veuve , princesse d'unebeauté accomplie , pour laquelle il avait conçuune' violente passion.

Barberousse, menacé par un fils d'Eutémi,qui s'était retiré à Oran , sous la protectiondes Espagnols , et par 'd'autres princes sesvoisins , marcha contre ses ennemis, les défitet profita , de la terreur qu'il inspirait pourétendre ses conquêtes. Il s'empara de Tenez,où il mit un autre frère nommé Isaac Zemipendant qu'il marchait vers Tremecen qu'ilprit aussi.

En 1517, Charles-Quint , qui venait deprendre possession du royaume d'Espagne ,envoya en Afrique une armée de to,000hommes , sous le commandement du mar-quis de Gomarez , gouverneur d'Oran , pourmettre un terme aux entreprises de Barbe-rousse , qui alors habitait Tremecen.

Un complot s'étant formé contre sa per. ,.sonne , Barberousse , inquiet de l'issue de laguerre qu'on entreprenait contre lui , quittafurtivement Tremecen à la faveur de la nuitpour regagner Alger sous l'escorte d'un petitnombre de troupes ; mais les Espagnols , in-formés de ce projet, se mirent à .sa poursuite,

l'atteignirent et le tuèrent en combattant.Après la mort de Barberousse , Khayred-

din son frère s'empara à son tour du gou-vernement, mais ayant lieu de soupçonnerles Algériens de s'entendre avec les Maureset les Arabes de la plaine pour se défaire delui , il prit le parti de se mettre sous la pro-tection dé Sélim Pr, empereur de Constanti-nople, lui faisant . offrir un tribut annuel àcondition que sa hautesse le maintiendraitsur le trône.

Le Grand-Seigneur accepta la proposition :il déclara Khayreddin roi d'Alger et lui en-voya 2000 Janissaires, complétement ar-més. Dès lors Khayreddin , sous le nom deBarberousse:,. que 'portait son .frère , devintla terreur de tous les Arabes de la • plaine.

En 15T 9 , pour défendre.la ville et assurerson port Khayreddin , avec l'aide. de Sélimfit joindre à la • terre par une jetée la petiteîle qui est en face d'Alger et réparer le fortqu'occupaient les Espagnols.

L'habileté et la bravoure de cet heureuxsoldat le firent élever à la dignité de capitan-pacha du Grand-Seigneur, et il eut pour suc-cesseur dans sa vice-royauté d'Alger, Hassan-Aga , renégat de de Sardaigne.

11.4C'est iepuis Khayreddin que le sultan a

pris le titre de souverain d'Alger, et que l'é-tat d'Alger a été qualifié de régence.

Vers l'an 1.541, Charlea-Quint voulant pu-nir les Algériens des échecs qu'ils avaient,en différentes occasions, fait éprouver à sestroupes , résolut une expédition contre eux.

Il arma donc une flotte de z oo vaisseaux etde vingt galères, portant 3o,000 hommes qu'ilcommandait lui-mém.e , et arriva bientôt de-vant Alger.

La flotte jeta l'ancre près du cap Matifoul'armée débarqua sans opposition et retape-reurvint camper sur une éminence qui com-mandait la ville.

En peu de temps , les troupes espagnoleseurent élevé sur ce même emplacement le fortqui existe encore aujourd'hui sous le nom deChâteau de l'Empereur.

Charles-Quint était sur le point de serendre maître d'Alger qu'il avait vivement ab-.taqué, on parlait déjà de capitulation, lorsquetout-à-coup il s'éleva une tempête terriblequi causa la perte de go bâti:mus de la flotteespagnole avec tous leurs équipages et muni-tions. Le camp , assis sur un coteau , fut im-médiatement inondé par les eaux qui descen-

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laient en torrens des montagnes. Les tentes,les bagages , les hommes et les chevaux , toutétait entraîné vers la mer.

La terreur était telle et les désastres siépouvantables, que l'empereur, reconnaissantqu'il ne lui restait de salut que dans la fuitesuivit ceux de ses soldats qui, résistant au tor-rent , s'étaient dirigés du côté où l'on avaitlaissé la flotte , abandonnant tout le matérielet les bagages ; mais il était déjà trop tard : lesArabes de la plaine qui venaient au secours desAlgériens, lui coupèrent la retraite et firentun grand carnage des Espagnols , dont unebien faible partie parvint à se rembarquer,

Charles-Quint cependant fut assez heu-reux pour atteindre une barque , joindre unbkiment et se sauver. Beaucoup de per-sonnes , hommes et femmes, qui avaient suiviCharles-Quint comme s'il fût venu passer unerevue sur les côtes d'Afrique, furent retenuesen esclavage avec bon nombre de soldats.

Tel fut le résultat de cette expédition donton attendait merveille.

Après toutes ces diverses révolutions, l'é-tat d'Alger s'affermit et sut se maintenir. Ilparvint méme à s'affranchir de fait du jougde la Turquie , qui , sur les derniers temps ,

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était plut6t son alliée que sa protectrice. Iln'eut plus à supporter que des guerres in-testines qui n'apportèrent aucun change-ment dans la forme de son gouvernement.

Puis , semblable à un écolier indocile s laville d'Alger fut souvent châtiée à cause de sescorsaires par les puissances chrétiennes, maiselle ,en fut toujours quitte pour des courbetteset la liberté de quelques esclaves. Elle futbombardée par les Français en 1668, 1682 et1688, par lesDanois en 1770 et 1772, par lesEspagnols en 1783 et 1784 , et par les An-glais en 1816.

Enfin , la régence d'Alger eut à subir unedernière révolution , et ce fut au profit de laFrance.

Si l'on en croyait les on dit de quelquesAlgériens, ce grand événement tirerait sonorigine d'une bien petite cause. Voici à cesujet l'anecdote qu'on nous a racontée à Alger.

Un jour, il y a bien long-temps déjà , carc'était sous le règne de Napoléon ; un jourdonc , le bey de Tunis avait dans son haremune favorite; une favorite, jeune, belle, ten-dre ; mais si jeune, si belle , si tendre que lebey en était amoureux fou.

Car,. comme il était amoureux de sa favo-

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rite , il voulut: en' faire sa femme , ou plui6tune de . ses femmes.

Et quand elle fut sa femme, il voulut luifaire cadeau d'un sarmah , mais un beau , unriche sarmah (1), tel que femMe de- bey n'enavait point encore vu.

A cet effet, il s'adressa à un juif d'Alger ,orfèvre de son état , pour le - confectionner.Celui-ci se chargea de - la commande ; néan-moins, comme , il , ne- se croyait pas assez detalent pour faire le. chef -d'oeuvre qu'on luidemandait, il s'adressa à son tour à un juif deParis , qui s'adressa lui-même à un orfèvrehabile de Versailles, lequel orfèvre fit le sar-rnah, moyennant une douzaine de mille francs:

Ce sarmah , qui était de l'or le plus fin , très. artistement découpé à jour et orné de pierresprécieuses , parvint enfin à Alger , d'où il futexpédié à Tunis , au prix de 3o,000 fr.

Le bey le trouva très beau , et n'en contestapas la valeur ; mais comme alors le pachaétait gêné dans ses financés , il prit pour selibérée des arrangemens avec le juif d'Alger ,il lui donna en paiement une certaine quan-

(1) Le sarmah est une coiffure conique dont nousdonnerons plus loin la description.

6.

118tité de Olé, et lui accorda. un permis pour enexporter de Tunis , sans droits , ;nie autrequantité.

Préeisément à cette époque, il y avait. di-sette sur les cotes derovence , et les troupesfrançaises qui étaient dans ces contréesnun-quant de blé , le juif, dont 1101.18 venons deparler, :vendit le sien aux fournisseurs de nosarmées ! Il sut si bien profiter des circonstan-ces , que bientet il devint créancier, soit 'desfournisseurs de l'armée soit du gouverne-ment français, d'une somme exad.ciAl un mil-lion.

Certes , jusque-là , il. avait fait ave. le . beyde Tunis un brillant marché , puisque, le prixdu. sarmah originairement de quelques millefrancs , s'était pour lui' élevé tout-à-coup àplus d'un million.

Mais l'inc,onstante fortune J'abandonna.La restauration étant venue dans ces entre-faites , sa créance fut méconnue par le non-.veau gouvernement. Cependant le juif algé-rien , persévérant comme le sont tous lesIsraélites , parvint à intéresser le Dey ensa faveur; et par l'intermédiaire de celui-ci ,des réclamations énergiques furent faites au-près de M. Deval , notre consul général.

119

M. Deval promit d'en référer â son gou-vernement , et de faire connattre le-plus tôtpossible la réponse qu'il en aurait obtenue.

Vers l'année 1829 , à l'occasion des fètesdu Ramadan ou du Baïram , tous les consulsrésideras à Alger furent admis à présenterleurs hommages au Dey.

Après les complimens et les cérémoniesd'usage , le Dey demanda à M. Deval la ré-ponse qu'il avait promise , et se plaignit à cedernier des lenteurs apportées par les minis-tres de Charles X à la solution des affaires deson sujet.

M. Deval donna en effet une réponse, etl'appuya d'objections contre l'opportunitéde la demande du juif; mais comme il ne seservait point de son interprète , soit que neconnaissant pas assez bien la valeur des motsarabes, il eût employé des expressions, peurévérencieuses , soit que la décision des mi-nistres du roi de France , qu'il faisait conne-tre , eût courroucé sa hautesse, il en résultapour le représentant de la Franeeun coup d'é-ventail appliqué plus ou moins fort par le Dey.

Et cette insulte méritant Une réparationéclatante , le gouvernement improvisa l'expé-dition d'Alger;

120Et , le 5 juillet.r83o , le. drapeau français

flottait sur la Kasbah;Et l'honneur de la France était vengé.Et la piraterie était anéantie dans la Médi-

terranée.Quant à la créance .du juif, on ne dit point

ce qu'elle est devenue.

TOPOGRAPHIE.

Le territoire de la régence d'Alger s'étenddans une longueur. d'environ 25o lieues sur5o de largeur.

Il est borné .au nord par la Méditerranée ,au sud par le Billelud-gérid , ou pays des.dat,tes qui le sépare du désert de Sahara; à l'estpar le royaume de Tunis , et à l'ouest par lesdéserts d'Angadd et le royaume de Maroc.

Les principales villes de l'Algérie sont : .Sur le littoral :Bone, Bougie, Mustaganem, Arzew, Oran,

et Rio-Salado.Et *dans les.terres :Tremecen , Mascara, Kolea , Belidah, Me-

deya , Constantine et Estore.

121

Tous les autres lieux portant le nom deville ou village sont , pour ainsi dire , sans au-cune importance aujourd'hui.

Alger.

Alger , capitale de l'ancienne régence,comme nous l'avons déjà dit, est .à peu prèsau centre du littoral. C'est l'ancienne JuliaCoesarea , puis kosium , selon les uns, et Rus-canton, selon les autres.

Les Arabes l'appellent Djezair et El Ge-zair, , mot qui signifie ville de l'île , à causede l'endroit où est situé le phare , et qui au-trefois était une île.

Ils la surnomment aussi la bien gardée, lacité guerrière, la Vierge, la ville des , Jardins.

Par la manière dont elle est bàtie .Algerne peut être comparée à aucune ville d'Eu-rope. Toutes les maisons se touchent et neforment presque qu'une seule masse.; ellessont surmontées d'une terrasse, au lieu detoiture , et blanchies à la chaux deux fois paran.

Ces maisons, ainsi ramassées, n'ont aucuneapparence au dehors , et ne tirent leur jourque par la cour, qu'on peut du reste appeler

122la principale pièce de la maison; car l'étéelle sert de salon de réception.

Il y a à Alger des maisons à deux et troisétages qui sont de véritables palais.

Trois seules rues permettent à une voiturede passer, encore n'est-ce que depuis notreconquête , et au moyen de quelques travauxqu'il .a fallu y faire ; parce que précédemmentles voitures étaient inconnues dans le pays.

Les autres rues sant si étroites , que , dansplusieurs , deux personnes ne peuvent passerde front ; et comme les maisons se rejoignentà hauteur du premier étage, le soleil n'y pé-nètre jamais. Cependant , l'été , on est obligéde reconnaître Futilité du peu de largeur deces rues et de leur sinuosité ; car on y est ga-ranti de la chaleur.

Les rues qui conduisent du bas de la ville àh Kasbah sont si escarpées, que les chevauxne peuvent pas y monter.

Nous avons, dit plus haut qu'Alger n'avaitque deux places publiques : celle des Carava-nes , qu'un énorme figuier ombrage entière-ment, et où se font les ventes aux enchèresde meubles des indigènes à certains jours dela semaine ; puis où l'on vend aussi les su-perbes oranges de Belidah.

123Et celle du Gouvernement que nous avons

déjà décrite. Cette dernière va être entouréede constructions européennes, avec une ga-lerie supportée par des arcades, à l'instar dequelques rues de Paris.

Sur cette place , tous les matins , se tientle marché qû les colons et les indigènes, aprèsqu'à, la. porte Bab-Azoun ils ont fait coucherleurs chameaux et attacher leurs chevaux etbaudets par les deux pieds de devant., appor-tent les produits de leurs jardins de leursbasse-cours et de leur chaise.

Et le soir, quand le soleil a disparu, .etque le canon de la station a annoncé l'heurede la retraite , des chaises sont disposées, uncercle brillant de. femmes .françaises , espa-gnoles et anglaises , et, d'officiers ,. vient seformer pour entendre le concert, des. musi-ciens .de la garnison ,. tandis que. les maures etles juifs se promènent de long en large , pêle- -

mêle avec les négocians européens, et queles juives et les mauresques couvrent les ter-Fasses. des maisons qui entourent la place.

La. ville possédait beaucoup de mosquées,mais nous en avons réduit le nombre considéra-blement. Plusieurs ont été abattues pour uti-lité publique; d'autres ont été .converties

1Mmagasins et en casernes. Deux seules sont en-core remarquables : celle de la rue de la Ma-rine , qui est très vaste , et que la mer baigne,et celle qui nous sert aujourd'hui d'église.

Cette dernière , d'une construction mo-derne , quoique conservant le style maures-que , est fort belle ; les dômes , qui rempla-cent les voûtes longues de nos églises, sontseutenus par des colonnes en marbre blanc.

La coupe en marbre , supportée par un fûtaussi en marbre, d'une fontaine qui s'y trou-vait, comme dans la plupart des mosquées , aété convertie en fonts baptismaux. Autourde cette coupe, sur laquelle on fait mainte-nant des chrétiens , on voit sculpté le signe dumahométisme. Ainsi pour le service de no-tre religion, le maitre-autel étant établi à.une extrémité de la mosquée, et les' fontsbaptismaux à l'autre, la croix est précisémenten face du croissant.

La population de la ville était évaluée., en1720, à Io0,000 âmes, et en 183o, à 70,000;elle s'élève aujourd'hui à environ 30,00o ha-bitans , dont 18,000 indigènes et 12,000 eu-ropéens.

La Kasbah est un fort presque aussi grandque celui de Vincennes ; sa garnison actuelle

125est de i 800 hommes d'infanterie. La cavale-.rie et l'artillerie ne peuvent y arriver qu'entournant la ville.

Quand le Dey résidait à la Kasbah il occu-pait un pavillon qui est au milieu- du fort.C'est dans un petit kiosque en planches quin'a pas plus de six pieds carrés , et qui estadossé à une galerie du second étage de cepavillon, qu'eut lieu , eitre Hussein-Dey etle consul français, l'altercation qui occasionnal'expédition de i 83o. On voit encore ce kios-que qui sert aujourd'hui de réduit au domes-tique d'un officier.

Le Dey restait rarement à la Kasbah; il fai-sait son séjour ordinaire dans une superbemaison qu'on nomme maintenant le palais dugouvernement, au centre de la ville , et à peude distance de la place de ce nom.

Il est peu de palais aussi beaux et aussi ri-ches en marbre et en dorures que celui-là ;mais les abords en sont si obscurs qu'à peinesi l'on voit clair à midi dans les rues qui yconduisent.

Des fossés profonds , bordés d'une doublemuraille crénelée, flanquée de tours, carrées ,entourent Alger et la Kasbah.

La ville a environ trois quarts de lieue de

14.18circuit. On y entre parquatre portes : la portedela Marine, qui donne sur le port et la nier;la porte de Bad-Azoun, ou porte des jardins;la porte Bab-el-Oued , ou porte du torrent ;et la porte Neuve.

Le port d'Alger, dont un côté est formépar une jetée qui joint le phare à la ville , estassez sûr ; il n'est pas très grand , mais larade dont il fait paprtie a, comme nous l'a-vons déjà dit, plusieurs lieues d'étendue.

En sortant de la porte Bab-el-Oued, entrela ville et le jardin du dey, se trouve une trèsjolie place, faite depuis 1834 , plantée d'ar-bres, et" qui servira de promenade. •• Les environs d'Alger dans un rayon decinq à six lieues , ne forment qu'un mas-sif de montagnes dépendant de l'Atlas ; • ce-pendant ce massif est cultivable, et générale-ment fertile, parce qu'il est coupé par detrès larges ravins bien arrosés.

De très belles routes déjà en partie plan- •tées de marronniers ou platanes, entourent laville, et ouvrent des communications facilesavec tous les points du territoire que nous oc-cupons auprès d'Alger, et méme avec Belidahet Kolea. Ainsi, ce sol , où, il y a six ans , lechameau était souvent 'obligé de se frayer un

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chemin au travers des broussailles, est aujour-d'hui traversé en tout sens par de larges rou-tes , où les voitures des colons se croisent in-cessamment avec les charriots du train deséquipages et même les cabriolets des négo-cions. Toutes ces routes ont été terminéessous les auspices du duc de Rovigo , ainsi quel'indique aux voyageurs une pierre de marbreincrustée dans le rocher, sur la route du fortde l'Empereur, et portant ces mots gravés enlettres d'or: .Rovigo 183z.

La ville d'Utique était à 12 ou 1S •lieuesd'Alger , entre le cap Matifou et Bougie;jusqu'à présent on n'a encore reconnu au-cun indice de sa position ; il est probable quela mer qui , depuis des siècles, tend à envahirces rivages, en aura enseveli les ruines.

Bone.

Bone est à l'est,. et à environ 70 lieuesd'Alger, et à près de 4o de Tunis. Son portn'est ni spacieux, nier. L'hiver, les batimenssont obligés de jeter l'ancre dans une rade:, àune lieue de la ville, où le mouillage offreplus de sécurité. •

Bone, que les Espagnols nomment &na ,et les Arabes Blard-el-enaeb , est construite

1e3comMélAlger ; cependant les rues sont pluslarges. Elle est aussiç en amphithéâtre ; maisau lieu de dominer la mer , elle s'incline versla plaine.. Sa population peut s'élever à 2000habitanS , dont 5 ou 600 Européens ..

C'était , il y a quelques années , une fortjolie ville ; mais , prise , minée , abandonnée,puis reprise à trois fors successives; elle n'offreplias àujourd'hui4 pour ainsi. dire , qu'un mon-ceau de décombres.

Auprès , c'est-à-dire k une demi-lieue , • onvoit encore les ruines de l'ancienne Hipponeou Iiipporeguis; dont saint Augustin fut évê-que. A l'exception d'un bassin qui était vrai-semblablement le réservoir d'un établisse-ment de bains des restes - d'une galerie quil'entourait , et d'un aqueduc qui aboutit à cebassin , on ne reconnatt plus les vestiges d'au-ciin édifice.

Les environs de Bone sont `'magnifiqueà.Une plaine • bien 'plantée , arrosée par unepetite' rivière et plusieurs courans d'eau , etdes prairies où le . foin vient à hauteurd'homme, se déroulent à l'oeil dans un rayonde plusieurs lieues.

Autrefois., les Français' avaient à Bone uncomptoir appartenant ,à là compagnie fran-

129taise d'Afrique, fondée sous Louis XIV , etdont l'objet principal était le commerce ducorail. Ce comptoir était protégé par unepetite garnison que nous avions au bastion deFrance, fort sur la mer , un peu au delà et àl'est de la ville.

Bougie.

Bougie , en arabe Buggiah, est située entreBone et Alger , à 45 lieues environ de cettedernière ville.

C'est un pays fort triste. Ses maisons y sonttoutes actuellement dans le plus mauvais état.11 est coupé par de profonds ravins, dont lesbords sont des rochers volcaniques. Ses envi-rons sont couverts de broussailles , notam-ment de figuiers de Barbarie (cactus sauvages)et de bananiers nains.

On trouve , à quelque distance de la ville ,plusieurs mines de fer, et une forêt d'où l'onpourrait tirer des bois propres aux construc-tions.

Bougie est actuellement une ville bien peuimportante , mais la baie et le golfe de Store.,qui la baignent presque, •offrent aux navires detoutes dimensions un mouillage parfaitement

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Alustagefnene et Arzew.

Mustaganem , ou Mostagan , et Arzew,sont 'deux petites villes peu distantes l'unede l'autre. La première à environ 20 lieues ,et la seconde à Io lieues d'Oran , vers Alger.

Chacune de ces villes peut renfermer 2 à3000 habitons. Cependant, à Mustaganem, lapopulation est. plus considérable qu'à Arzew.

Il n'y a encore qu'un petit nombre d'Eu-ropéens établis dans ces lieux qui ne sont ennotre possession que depuis trois ans.

Mustaganem et Arzew sont bâties sur leversant d'une colline qui longe lamer; toutesdeux ont un assez bon port : celui de Musta-ganem seulement' est grand et. sûr. Ces villesétant à proximité de la plaine , il s'y fait ungrand commerce de blé pour l'exportation.

Hustaganem est entourée de murailles \etpoSsède une belle mosquée.

A quelques heures de cette dernière villeon rencontre une forêt très bien fournie dontl'exploitation , serait d'un avantage incalcu--lable pour l'armée et la colonie, surtout pourle bois de chauffage, si rare et si dispendieuxsur tous les points que nous occupons.

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Oran.

Oran , ou en arabe Ouarana et Gouharan,capitale de la province de ce nom , est àl'ouest et à environ soixante-quinze lieues parterre d'Alger, à l'entrée du canal de Gibral-tar, et à quarante-cinq lieues de Carthagène.

La ville construite sur une colline à unepetite distance de la mer, est divisée par ungrand ravin en deux , parties auxquelles oncommunique au moyen d'un pont de pierrestrès ancien établi sur le ravin.

La première partie, assise à l'ouest au pieddes rochers de Santa-Cruz , se désigne sousle nom de ville espagnole, parce que, commenous le dirons tout à l'heure, elle fut long-temps occupée par les Espagnols,

La seconde partie, située à l'est sur un pla-teau qui tient immédiatement à la plaine, sedésigne sons le nom de ville des Juifs, parceque ceux-ci s'y trouvent toujours en majorité. ,

Il y a quarante-cinq ans Oran était uneville très belle et très riche ; ses rues étaientlarges, quelques unes fort longues, étaientméme tirées au cordeau, pavées et ombra-,gées par de beaux arbres tels qu'on en voitencore dans la rue Philippe.

132Les Espagnols, qui étaient en possession du

pays depuis une centaine d'années , y avaientfait des constructions superbes 'qui parais-saient devoir durer bien des siècles. Des fon-taines pnbliques, des 'aqueducs, des chapelles,des palais , des bastions et surtout un fortd'une vaste étendue ayant de longtiei gale-ries souterraines, avaient' été édifiés à grandsfrais dans leur ville. Partout dés pierres demarbre portant les armes d'Espagne , et desinscriptions pompeuses, attestaient la richesseen même temps que l'èrgueil des fondateurs.

La ville des Juifs avait pour faubourgs, au-près de la porte du Marché ,qui donne sur laplaine , deux grands villages ; et • alors, vers1792 , la population indigène et • espagnoled'Oran, y compris celle des villages d'ont nousvenons de parler, dépassait trente mille âmes.

Mais untremblement de terre qui, en 1793,se fit ressentir plusieurs fois en trois jourssuccessifs, ruinala ville presque entièrement,

La partie occupée par les Espagnols,, etqui étain plus.rapprochée de la mer, fut beau-coup plus endommagée que l'autre ; ses plusbeaux édifices furent renversés , tous les au-tres effroyablement lézardés. Le château-fort,qu'on nomme aujourd'hiii la vieille Kasbah,

133ensevelit en un instant durant la nuit plus dequatre mille hommes de garnison sous sesruines.

Des milliers d'hibitans perdirent aussi lavie dans cet événement.

Peu de temps après ce tremblement deterre les Espagnols abandonnèrent Oran etles indigènes redevinrent seuls maîtres dupays.

Aussitôt ceux-ci élevèrent dans la partieest de la ville juive une citadelle que l'onappelle le Château-Neuf ou la Kasbah : cechâteau est construit extérieurement à l'eu-ropéenne et intérieurement à la mauresque.Au rez-de-chaussée, qui sert de pavillon d'ha-bitation , on remarque une vaste salle dontles plafonds sont soutenus par de jolies colon-nades en marbre blanc taillées en spirale.

Il existe sous la Kasbah des souterrains oùbeaucoup de personnes, dont les beys vou-laient se défaire sans bruit , ont trouvé lamort.

Depuis le départ des Espagnols, des guerresayant eu lieu entre les beys qui se sont succédédans le gouvernement de la province d'Oranet le dey d'Alger, les indigènes ne pensèrentpoint à rétablir les maisons écroulées. La ville

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espagnole resta même à peu près diserte.Une peste apportée du Levant par des 14-

timens ma?chands vint encore et fit mourirune bonne partie de la population.

Enfin l'armée française fit la conquéte d'O-ran en 1831 ; la population qui , à cette épo-que, était encore de quinze mille âmes, futen une nuit réduite au cinquième. Les quatreautres cinquièmes, par des motifs qu'on nepeut expliquer, fuirent dans la plaine empor-tant leurs richesses et leurs pénates.

Aujourd'hui Oran compte à peine quatremille habitans dont la plupart européens,une centaine de maures et le surins juifs. -

Les deux villages qui étaient auprès de laporte du Marché ont été rasés, partie par lesindigènes lors de leur fuite , -partie par l'ar-mée française.

Toutes les maisons que le tremblement deterre avait endommagées, et que le temps avaitlaissées sur pied , ayant été démolies par lessoldats pour avoir du bois dont on manquait,toute la ville espagnole et quelques quartiersde la ville juive ne présentent plus que desmasures et des décombres.

Au milieu de la ville juive existe une trèsbelle mosquée, dont la tour du minaret, re-

135vètue de carreaux de faïence peints en vertet vernis , s'élève majestueusement dans lesairs.

Il n'y avait dans la • ville que deux mos-quées , celle dent nous venons de parler quirésista 'an tremblenient de terre pour servirde caserne à nos troupes, et une autre pluspetite convertie én hôpital:

Sur le -haut de la tour du minaret de cettedernière mosquée on voit un nid de cigognesformé d'un énorme monceau de bois sec que,depuis un grand nombre d'années, les oiseauxqui Pont construit ou leurs descendans entre-tiennent soigneusement.• La cigogne étant un oiseau vénéré des Mu-

sulmans, les soldats français, par l'ordre desautorités militaires, ont jusqu'à présent res-pecté celles qui habitent le minaret de l'hô-pital.

Au pied de la ville et sur le rivage de lamer, il existe encore une immense construc-tion espagnole qu'on appelle Sainte-Margue-rite ou la Maison-Carrée ; autrefois elle étaitcaserne, maintenant elle sert d'entrepôt.

Oran est susceptible de devenir une villetrès •commerçante , la majeure partie de .sesnégocians sont actuellement des Espagnols.

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On y voit plusieurs cafés européens, entreautres le café Français , et plusieurs restau-rans.

Mais elle n'a encore qu'une seule mauvaiseauberge qui est qualifiée d'hôtel par son mai-tre nommé Bartholo , qui du reste est un bonvivant et un homme très complaisant.

Sa maison, située près de la douane et voi-sine du consulat d'Angleterre , est agréable-ment située. A une portée de fusil de là existeune belle place ornée d'une fontaine de cons-truction espagnole , et que l'on a embelliedepuis quelques années.

Le ravin qui traverse Oran du sud au nord,est extrêmement fertile et renferme de trèsbeaux jardins. Au bout du ravin qui touchela mer, et au pied de la ville , se trouve unevaste baie ; mais les bAtimens ne peuvent pasy mouiller même en été, parce que les ventsdu nord-ouest , qui soufflent fréquemmentavec violence, les exposeraient à chaque ins-tant à être brisés contre les rochers. Le portest à Mers-el-Kebir, à trois lieues d'Oran.

Cette ville , défendue au nord par la mer,à l'est par la Kasbah et à l'ouest par des ro-chers, est fermée au midi par des muraillesassez basses, au delà desquelles elle est proté-

137gée par un bastion nommé le fort St.-André,

Elle a trois portes principâles : celle deTremecen ou de la plaine, celle du ravin,et celle de Mers-el-Kebir.

Une chatne de rochers à pic bordant lamer depuis. Mers-el-Kebir jusqu'à Oran, onne pouvait autrefois communiquer d'un lieuà l'autre qu'au moyen de barques. Les mar-.chandises étaient amenées à la ville , quandla mer le permettait, sur des balancelles,grandes chaloupes pontées et matées.

Un chemin conduisait bien de la ville auport, mais il était long et excessivementmontueux, encore ne pouvait-on le parcouriril y a deux ans qu'avec une bonne escorte detroupes, à cause des Arabes qui se cachaientfacilement dans les anfractuosités des rochers.

Aujourd'hui le génie militaire a creusédans le rocher même qui longe la mer, unlarge sentier qui permet de communiquer fa-cilement à pied d'Oran à Mers-el-Kebir, etqui sert aussi au transport d'une partie desmarchandises que l'on débarque.

Mers-el-Kebir est un vieux fort en trèsmauvais état construit par les Espagnols surl'escarpement des rochers au fond de la radeoù est le port.

1:38Ces rochers qui , comme nous venons de le

Mire, se prolongent jusqu'à Oran , se nom-ment les. monts Ranunra et atteignent près dequinze cents pieds d'élévation. Ceux qui àl'ouest dominent la ville, sont les montsi'dazetta et Santa-Cruz, qui s'élèvent, l'un àtreize cent soixante-quinze, et l'autre à douzecents pieds. au dessus du niveau . de la mer.

. Sur le mont Santa- Cruz il existe un fortqui commande la ville - et . une partie de laplaine qui se trouve au delà du mont. Ce fortaussi construit par les:Espagnols était ancien-nement très beau,. maintenant il est enruines.

Au dessous du fort de Santa-Cruz, vers lamer, on en voit un autre moins grand , enmauvais. état , qu'on nomme le fort Saint-Grégoire.

Une plaine superbe, mais nue, se développeautour d'Oran du sud à l'est dans un espacede six à huit lieues : elle est bordée par l'Atlasen deçà duquel on rencontre deux lacs : l'und'eau salée, l'autre d'eau douce ; celui-ci estcouvert de cygnes.

A un quart de lieue et à l'est d'Oran, sur lebord de la mer, se dessine isolément une mos-quée qui avant notre occupation était remar•

quablement belle et en grande vénérationchez les Arabes de toute la province. On yentre par un porche qui communique à uncorridor sinueux conduisant dans une vastecour carrée formant pelouse , et au milieu.delaquelle est un bassin avec une fontaine enmarbre ombragée de figuiers , arbres révéréspar les Musulmans. Autour de cette cour, oùpourrait manoeuvrer un régiment d'infante-.rie , règne une galerie couverte , avec des ar-ceaux en ogive , et qui servait sans doute auxprocessions. A droite de la cour est le templeou la mosquée proprement dite, surmontéed'un élégant minaret , et dont l'intérieur, dé-.gradé par les Français et les Bédouins tour àtour, est encore orné de très jolies et délica-tes colonnades en torsades.

Au bout du-temple, et dans le même édi-fice , sont plusieurs pièces qui servaient pro-bablement de marabouts. ( tombeaux ), pourles prêtres ou les croyans qui durant leur vies'étaient distingués par leur piétg.

Be la mosquée une porte donne entréedans un petit cimetière privilégié, fermé demurs à hauteur d'appui vers la plaine. Au mi-lieu un joli marabout, temple de forme octo-gone , contient le cercueil du bey qui gouver-

140nait Oran du temps des Espagnols, et auxquatre coins ceux de quatre de ses enfans. Aucentre de ce marabout s'élève un figuier ma-gnifique qui dépasse le dôme, où une ouver-ture lui a été ménagée.

Cette belle mosquée est occupée depuisquelque temps par des détachemens d'infan-terie et de cavalerie.• Les environs d'Oran sont infestés de bêtesféroces , principalement de lions , de hyèneset de chacals. Il y a sept ou huit ans on yvoyait de temps en temps des éléphans , maisau delà des lacs dont nous venons de parler.

Malgré l'état désastreux dans lequel setrouve aujourd'hui Oran : par sa positiongéographique , ' sa proximité de Gibraltar ,Carthagène et Maroc, cette place peut encorepasser pour la seconde du royaume d'Alger.

Rio-Salado.

Rio -Salado est un petit part au delà deMers-el-Kebir et du cap Falcon. Jusqu'à pré-sent on ne le connaît que pour avoir été in-diqué par les indigènes comme un point oùabordent quelques caboteurs, soit pour s'a-briter lors des gros temps, soit pour y prendre

141de petits chargemens de blé ou de pelle-teries.

Treinecen.

Tremecen ou Tlemcen , au sud-ouest et àenviron trente lieues d'Oran dans les terres ,sur les confins des déserts d'Angad et duroyaume de Maroc , à une demi-journée demarche de la mer, est une grande et belle villetout-à-fait mauresque, assise sur un plateaudépendant d'une chatne de rochers et entou-rée de murailles. Elle était autrefois très im-portante mais en 1670 le dey d'Alger la fitpresque entièrement détruire pour punir seshabitans dont il avait eu à se plaindre.

On remarque à Tlemcen plusieurs ruinesromaines qui appartenaient à de beaux édi-fices.

Suivant le docteur Shaw, cette ville seraitconstruite sur l'emplacement de l'ancienneLanigara de Ptolémée.

Sa population , qui était anciennement detrente mille âmes, compte à peu près la moi-tié aujourd'hui.

Les habitans de ce pays sont assez indus-trieux.; ils travaillent le fer, fabriquent desarmes , préparent des cuirs dits maroquin ;

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ils.fabriquent aussi des tapis de pied et diversesétoffes en laine , lin et coton.

A l'est de Tlemcen, une plaine passable-ment cultivée s'étend à perte de vue.

Mascara ou Maskara.

Mascara était, avant l'expédition dont ellefut l'objet en i835, une assez belle ville,quoique ses maisons soient construites enterre ; elle est située dans un pays de culture,à peu près à une journée de marche d'Oranet de Mustaganem. Sa population est d'envi-ron 12,1mo âmes. La plaine qui entoure cetteville est nue, mais elle est très fertile en blés.

Kolea.

Kolea , à l'ouest et à environ t o lieues d'Airger, est une petite ville au delà de la rivièrede Mazarran , sur la lisière nord de h Mitidja,et à peu de distance de la mer. C'est un excel-lent pays de culture.

Belida/7, et Medeya.

Belidah, au sud-ouest et à 20 lieues d'Al-ger, sur la limite méridionale de la plaine de.Mitidja , compte de to à 12 mille habitartsu

t43Medeya ou Midiah est située dans la même

direction et à une journée de Belidah , dontelle a l'étendue et l'importance. C'est la ca-pitale de la province de Titterie.

Belidah et Medeya ont des.murs d'enceinte:Ces deux villes , au milieu des terres les plusfertiles de la Numidie et dans la position la plusheureuse, sont les plus belles e Vies plus richesde la régence, comme pays-agricole. Belidahparticulièrement, située dans un plateau ma-gnifique, entourée de jardins d'orangers, devignes, de vertes prairies et de plaines culti-vées, peut être considérée comme le paradisde l'Afrique.

Constantine,

Constantine, capitale de la•province de•cenom , est située au sud-ouest et à , une journéede marche de Bone , sur un rocher escarpé •et auprès d'une petite rivière appelée num-nel , qui se jette dans la mer à i5 lieues de là.

C'est une grande et belle ville , assez bienbâtie , avec des rues droites et larges ; cepen-dant ses maisons sont très basses; elle est en-tourée de murailles en bon état, avec unecitadelle. Après Alger, c'est la. plus consid&rable des villes de 1' Afriquefrançaise.

144Les indigènes évaluent sa population à

oo,000 arnes , mais ils exagèrent vraisembla-blement; ils assurent qu'elle renferme des ri-chesses et un matériel d'artillerie immense ;ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle a tou-jours été florissante quand les autres villesétaient en guerre, parce qu'elle profitait dela, détresse de celles-ci.

Constantine ou Constantina est l'ancienneCirta, Sittianorzon-Coloni a, dont Salluste faitmention. On y voit encore de très belles ruinesromaines. Par sa position et sa prospérité cetteville ne cède en rien à Belidah ; et il est à dé-sirer que Youssouf, qui vient d'en étre nomméBey, s'en rende maître prochainement, caravec une administration européenne on enretirerait en très peu de temps des avantagesincalculables sous le rapport de l'industrie ,du commerce et de l'agriculture.

Estore

Enfin, Estore ou Stora , la dernière desvilles que nous avons indiquées , est située àquelques lieues à l'ouest de Bone , près l'em'houchure de la rivière de Rimmel, qu'en cetendroit les Arabes appellent Rumnel-el-Ke-

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bir , et conséquemment dans la direction laplus courte de Constantine à la mer.

Estore est une petite ville aujourd'hui dé-labrée , mais qui, comme elle était il y a long-temps, deviendrait importante à cause de sesrapports obligés avec Constantine , si l'onfaisait la conquéte de ce pays; Estore se trou-vant sur la route de la mer à Constantine.

On ne trouvera pas extraordinaire quenous n'ayons point parlé des moyens de com-munication d'une ville à l'autre , dans l'Al-gérie, puisque nous ne sommes encore enpossession que des points principaux du litto-ral, c'est-à-dire de Bone , Bougie ; Alger,Mustaganem , Arzew, et Oran, et que jùsqu'àprésent il n'est .possible d'aller de l'une de .ces villes à. l'autre autrement que par mer. ."

Mais quand les voyageurs et les colons se-ront à méme de visiter les villes de l'intérieurque nous avons décrites , des chemins largeset commodes leur seront assurément ouvertscar les Arabes ne faisant pas usage de voi-tures , ont peu de routes tracées.

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POPULATION DE L'ANCIENNE RÉGENCE.

Division et moeurs des indigènes%

La population totale de l'ancienne régenced'Alger peut s'élever au plus à 2 millionsd'âmes. Ainsi, l'ouvrage de Sidiglamdam ,publié il y a quelques années à Paris, et quila porte à i cr millions., est sous ce rapportfort exagéré.

Il est à remarquer que du nombre d'habi-tans que nous venons d'indiquer, la portionla plus riche a quitté les villes au pouvoir desFrançais , aussitôt qu'elles tombèrent sousleur domination. Tous les Turcs et les troisquarts des Maures qui résidaient à Oran , àAlger et à Bone, sont allés se fixer à Smyrne,à 'Alexandrie , à Constantinople ; et la ma-:jeure partie des Juifs est allée grossir la popw-lation déjà croissante de Jérusalem, qui com-mence à sortir encore une fois de ses ruines ,malgré les dissensions des Arabes qui l'envi-ronnent.

Les indigènes se divisent en Maures, Cou-

147louglis (î) , Juifs , Bédouins ou Arabes etKabales ou Kabiles.

Les Maures , les Coulouglis et les Juifs ha-bitent les villes. Les Bédouins campent dansla plaine et les Kabiles habitent les mon-tagnes, particulièrement les points les plusélevés de l'Atlas , où ils ont des huttes creu-sées dans la terre comme les Hottentots. LesKabiles assurent que le . Mont-Atlas est par-tout couvert de terre végétale.

La religion des Maures, Coulouglis, Bé-douins et Kabiles est le mahométisme.

Les Juifs, comme partout ailleurs, profes-sent le judaïsme.

Avant la conquéte du pays, les habitansdes villes étaient gouvernés d'après les usageslocaux établis sur les principes du Koran etde la Bible , et le bon plaisir du dey et desbeys.

Les Juifs avaient leur quartier particulier;leurs. vétemens ne pouvaient ètre que de cou-leur noire ou bleue ; il leur était défendu, souspeine de mort, de porter d'autre couleur ; ilspouvaient parler l'arabe, mais il ne leur était

(1) Les Coulouglis sont nés de Turcs et de fem-mes algériennes.

148point permis d'apprendre à le lire et l'écrire.

En général les Israélites étaient commepartout, dans un état complet d'abjection.

Les femmes des Musulmans ne sortent ja-mais dans les rues sans être voilées, et elles nesortent que pour aller au bain, ou à certainsjours, pour visiter leurs anzies. Leur voileconsiste en un morceau d'étoffe claire qu'ellesse placent immédiatement au dessous des yeuxqui restent à découvert ; ce morceau d'étoffés'attache derrière la tête de manière à nepouvoir glisser sur le nez, puis la tête et lecorps sont enveloppés par une espèce de largemantille en mousseline claire nommée élé-fantine.

Les Juives ont la même liberté que les eu-ropéennes et ne se voilent jamais. Tantqu'elles sont filles, leurs cheveux sont flottansderrière elles ; mais dès qu'elles sont mariées,tous leurs cheveux sont ramassés et entière-ment cachés sous une coiffure de forme trèslongue qu'on appelle sarmah et qui ressembleau hennin qu'anciennement les femmes por-taient en France , ou si l'on veut au bonnetdes cauchoises, avec cette différence pourtantque le sarmah est en métal d'or, d'argent oude cuivre découpé en filigrane.

140Le costume des Maures et des Juifs des

deux sexes , leurs habitudes leurs manièresde vivre sont, sauf quelques légères modifica-tions, les mêmes que ceux des Turcs.

Les femmes d'Alger sont généralementbelles; mais comme elles se marient fortjeunes et qu'elles font un usage immodéré desbains de vapeur, leur beauté se fane dèsqu'elles ont atteint vingt-cinq à vingt-huitans. Il est vrai qu'elles sont plus précoces queles femmes des pays septentrionaux, car iln'est pas rare de voir des juives et des mau-resques mères à l'âge de 12, ans et souvent àIo , ce qui n'empêche pas pourtant que leursenfans soient très beaux et très robustes.

Elles ont toutes une petite main et unfort joli pied , qui dans leur intérieur est tou-jours nu ; leurs ongles des pieds et des mainssont teints en rouge. Jusqu'à ce qu'elles semarient elles teignent leurs cheveux de lamême 'couleur; et par un , excès de coquet-terie dont les dames françaises sont encoreloin , elles se noircissent, avec une poudretrès fine , le tour des paupières à la naissancedes cils , de manière à faire parattre pluslong le grand angle de l'ceil , que pourtantelles ont bien fendu.

150Nous avons donné plus haut, en parlant

d'Alger, la desCription de ses maisons, nousallôns dire un mot des appartemens.

Les pièces d'habitation sont toutes distri-buées à peu prés de méme , elles ont entréesur la galerie qui entoure la cour, par uneporte terminée en ogive et fermant à deuxbattans ; cette porte et deux très petites fe-nôtres qui l'accompagnent éclairent seulesordinairement l'appartement.

Vis-e.vis la porte se trouve pratiqué dansle mur un cintre ait l'on place habituellementun divan.

L'appartement est toujours de la longueurd'un côté de la maison ; à chaque extrémitéet à environ un tiers de sa longueur, il estcoupé par un petit mur à hauteur d'homme,,sur lequel repose un plancher qui sert dechambre à coucher ou de cabinet de repos;on y parvient au moyen soit d'une petiteéchelle en planches, soit de quelques 'gradinsen construction ; une petite balustrade enbois, tournée ou sculptée et peinte de diversescouleurs, sert .d'appui vers le centre de la pièce.

Le dessous de ce petit cabinet tient lieu degarde-robe et l'on ne peut y entrer qu'en sebaissant beaucoup.

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Le mobilier de l'appartement ne se com-pose généralement que d'un grand tapis , deplusieurs coussins , d'une lampe appendueplafond par une chaîne de fer ou d'argent,de plusieurs grands coffres en bois peint etdoré où l'on renferme le linge et les vête-mens, et d'une petite table à pieds sculptés,haute d'environ 8 à ro pouces.

Les plafonds sont ordinairement peints oudorés, et les murs sont revêtus jusqu'à hau-teur d'appui de carreaux en faïence vernis ,ou bien ils sont blanchis â la chaux.

Chez les gens du peuple les coussins et lestapis sont remplacés par des nattes.

Les femmes mauresques restent toujoursdans leurs appartemens et prennent leurs re-pas entre elles; jamais elles ne mangent avecles hommes.

La polygamie, comme l'on sait, est per-mise chez- les musulmans et les Israélites.Chaque homme peut avoir quatre femmes lé-gitimes . aussi l'on voit souvent de ces qua-druples alliances , et il est assez rare que lamésintelligence règne entre les femmes ; celase couçuit facilement du reste : d'abord, par-ce que relies-ci ne sortent jamais avec leursmaris ; que les maris ne reçoivent jamais

152d'hommes à la société desquels elles soientadmises et que toujours ils sont justes enversleurs femmes auxquelles ils évitent consé-quemment tout motif de jalousie.

Les Kabiles et les Bédouins vivent en tri-bus. Chaque tribu est soumise à un scheikqu'elle élit elle-médie et qui se choisit deslieutenans.

Le nombre d'individus des deux sexes quicompose une tribu varie beaucoup ; assez or-dinairement il est de z 000 à 3000 , cepen-dant des Arabes assurent qu'il y a dans laprovince d'Oran , non loin de Mascara, unetribu qui à elle seule peut fournir au moins1.5,000 cavaliers.

Ces habitans de la plaine et des montagnesétaient plutôt tributaires que sujets du dey,ou si l'on veut on peut dire que les Arabes, ycompris les Kabiles , étaient tributaires desbeys, que ceux-ci l'étaient du dey et que cedernier l'était lui-même du Grand -Seigneur,c'est-à-dire l'empereur de Turquie.

Les Kabiles travaillent le fer qu'ils tirentde leurs montagnes. ils cultivent la terre pourleurs besoins seulement et se livrent beaucoupau brigandage ; naturellement féroces, ils nedescendent dans la plaine ou sur le rivage de

153la mer que pour exercer leur cruauté sur descultivateurs paisibles ou de malheureux nau-fragés, après les avoir dépouillés.

Les Bédouins sont un peuple pasteur, ilsse logent sous des tentes qu'ils portent çà etlà dans la plaine où le scheik le juge conve-nable ; le lieu où campe une tribu s'appelledoikr.

Les chevaux des Arabes, presque tous blancs,paissent en liberté au milieu des troupeauxnombreux , de chèvres, moutons, taureaux,vaches , ânes , mulets et chameaux qui les en-tourent.

Rien n'est beau comme l'aspect d'une nom-breuse tribu campée dans une vaste plainequ'avoisinent de riantes prairies.

A l'exception des scheiks et de leurs liente-nans dont les costumes sont assez riches, lesBédouins sont misérablement et salementvêtus; les hommes n'ont qu'une large culottede toile à la turque et un manteau tissé enlaine , qu'on nomme burnous ; ce manteau aun capuchon qui leur sert de coiffure ; lesfemmes pour la plupart n'ont pour vêtementqu'un pantalon d'une espèce de mousseline etune tunique en laine sans manches et sans ca-puchon.

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leurs cheveux sont retenus sous une calotteà la grecque ou tressés en queue par derrière.

Elles ont comme les hommes les jambeset les pieds nus et ne se couvrent pas le vi-sage.

Celles qui rie sont pas livrées aux travauxdes champs, ainsi qu'il est d'usage, ont, étantjeunes, une figure quiplalt toujours ; des traitsréguliers, des yeux noirs et vifs , une peau unpeu plus brune que ne l'ont les Andalousei;de légères marques bleues de tatouage sur lefront, le nez et le menton , leur donnent unephysionomie piquante.

Les hommes sont de haute taille , secs etmusculeux; leur peau est cuivrée, mais beau-coup ont une tête telle qu'il n'en est sortide plus belle du pinceau de Raphaël.

Ils portent la barbe longue et ont la têterasée jusqu'au sinciput exclusivement.

Les Bédouins sont fourbes et cruels surtoutenvers les chrétiens.

Les Maures seuls généralement sont hu-mains et de bonne foi aussi la civilisation fe-rait chez eux de rapides progrès , si elle leurétait définitivement rendue.

Les Arabes sont braves jusqu'à la témérité;ils ne combattent. jamais en ligne , mais tant

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qu'ils le peuvent ils chargent individuel-leMent.

Leurs armes consistent en un yathaghanespèce de long coutelas qui a la forme de lalame d'une faulx , et en un long fusil trèslourd qu'ils portent à la grenadière à piedcomme à cheval.

Les chefs , néanmoins, sont mieux armésils portent deux yathaghans , un long et uncourt, une paire de pistolets à la ceinture etune aux arçons de la selle , puis quelquefoisune masse d'armes. En outre derrière eux un.esclave ou un Bédouin à cheval porte un ondeux fusils.

Des Bédouins de quelques tribus de l'extré-mité su•ouest de la province d'Oran fontusage de la lance , niais ils ne la manient pastrès adroitement.

L'artillerie n'est employée en Afrique quepour la défense des villes importantes ; lespièces de canon de ce pays, fondues par lesindigènes, sont mal faites ; il y en a dans lespetites villes de l'intérieur qui sont forméesde barreaux de fer réunis par deux ou troiscercles.

Souvent et mdrne à Alger, on chargeait lescanons avec des cailloux ronds qu'on ramassait

156au bord de la mer, ou près des torrens. LesBédouins ont pourtant fait usage d'artilleriebondes villes deux fois : la première aux en-virons de Blida dans le col de l'Atlas. Aprèsavoir envoyé aux Français quelques cailloux ,ils abandonnèrent les deux seules pièces qu'ilsavaient, et on les encloua en les laissant surplace. Et la seconde fois dans la plaine d'O-ran 1 là ils tirèrent trois ou quatre boulets surun blokhaus avec une mauvaise pièce qu'ilsavaient amenée de Mascara, puis ils firentdisparaître cette arme qui les embarrassait

Ces guerriers ont souvent donné un specta-cle divertissant à l'armée française. Quand no-tre artillerie.pouvait parvenir à prendre uneposition élevée , elle lançait vers les massesde Bédouins , des bombes qui n'arrivaientpas tout-à-fait jusqu'à eux; aussitôt, ceux-ciaccouraient d'un air moqueur pour exami -ner le projectile qu'ils croyaient mort et dontils n'avaient pas compris l'utilité de la trajec-toire ; au bout d'une minute la bombe écla-tait au milieu des curieux, et tous ceux que seséclats et la mitraille avaient épargnés , s'en-fuyaient en faisant des cris et des hurlemensaffreux.

Les Arabes sont excellens cavaliers ;

16'7grand nombre conduisent leurs chevaux sansbride, les dirigent de la main et les arrêtentde la voix; telle est la rapidité de la course deces animaux , que le cavalier est obligé de seboucher le nez et la bouche avec une étoffelégère pour'ne pas perdre la respiration.

Au dossier ou à la palette de leur selle estattachée une corde de six ou huit pieds delongueur, à l'extrémité de laquelle est fixé uncrochet en fer très fort; et lors d'une retraite ,ou lorsqu'ils se replient , ce crochet lancéadroitement leur sert à enlever du champ debataille leurs morts et leurs blessés qu'ils pla-cent sur leurs chevaux ou traînent pour qu'ilsrie restent pas au pouvoir de l'ennemi.

,il y a quelques armées encore les Bédouinsmassacraient sans pitié tous leurs prisonniers;aujourd'hui ils s'humanisent et en épargnentun grand nombre ; niais , vainqueurs ou vain-cus , ils ont conservé l'habitude de couper latête à nos soldats tués et blessés quand les cir-constances nous forcent à les abandonner surle lien du combat.

Lorsque la moisson des tétes est abondante,beaucoup de cavaliers en ont une ou deux ap-pendues à chacun de leurs étriers au moyend'une corde qui passe dans la bouche et sort

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sous le menton. Ils emportent ces horriblestrophées pour décorer l'entrée de leurstentes.

Il n'y a point d'hommes pluiprésomptueuxet plus orgueilleux que les Musulmans, ils secroient seuls le peuple élu de Dieu. 4n peutjuger de leur morgue par la formule , suivantequi se mettait en tête de tous les actes du gou-vernement algérien.

« Avec l'aide et l'assistance de la divinité ,« et sous le règne de notre souverain ( le sul-« tan) , l'asile du monde, puissant et grand« monarque , auteur de tout ce qui est bon,« le meilleur des hommes, l'ombre de Dieu,« directeur du bon ordre , roi des rois , su-« prême arbitre du monde , empereur de la« terre, rival d'Alexandre-le-Grand, posses-« seur de grandes forces, souverain des deux« mondes et des mers , roi d'Arabie et de« Perse, empereur, fils d'empereur et copqué-« rant, blakmou d-Khan .—Puisse Dieu le rap-« peler à lui dans la prospérité et son règne« être éternel et glorieux ! — Son humble et« obéissant serviteur maintenant souverain ,« gouverneur et chef d'Alger , soumis pour« toujours aux ordres émanés du noble trône

de sa , majesté impériale, Hussein pacha. —

159« Puisse son gouvernement être heureux et« prospère , etc. »

Dans les contrats en arabe que les Musul-mans passaient avec les Français dans les pre-miers temps de notre occupation, Ies'ICadis nemanquaient jamais d'employer ce style :

Un tel ( le Maure) a vendu à l'infi-« dèle ou au chien de chrétien, tel, que Dieu« confonde avec toute sa race , etc. »

Tous les habitans des' pays méridionauxsont naturellement ;sobres, mais particulière-ment les peuples de l'Afrique.

Les Arabes de la plaine vivent souvent avecquelques figues de Barbarie par jour.

Le mets favori des Maures et des Arabes,est le couscoussou, espèce de pilan composéde poules coupées par morceaux, de riz et dedivers Légumes cuits ensemble dans l'huileavec de la farine de mes.

Pour manger, jamais ils ne se servent decouteaux ni de fourchettes, les doigteleur tien-nent lieu de: tout.

Pour remplacer le vin , les Maures boiventune liqueur qu'ils font eux-mêmes, c'est uneabsinthe excessivementforte.

Les Juifs ne sont pas abstèmes,. mais .ils neboivent que le vin qui .a été fait par leurs co-

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rëligionnaires: ils distillent diverses espèces deliqueurs qu'ils font aussi très fortes.

Le contact d'un musulman ou d'un chrétienavec, un objet destiné à leur nourriture suffitpour leur faire rejeter ce même objet , nonpar dégoût , mais par un principe religieuxsuivant lequel est considéré comme souillépour eux tout ce qui a été toue hé par d'autresque des Israélites.

Aussi ils ont leur boucherie particulière oùla viande mise en étalage est marquée dusceau d'un employé spécial de leur police.

Le vin et les liqueurs qui n'ont pas été faitsdans leur. propre habitation sont aussi, ca-chetés, sur le tonneau ou le vase qui lesrenferment, d'un sceau qui indique qu'ilsn'ont point été .ouverts.

Les plaisirs des habitans des villes sontextrêmement bornés ; le seul plaisir des fem-mes est d'aller au bain ; ce jour-là est pourelles un jour de bonheur.

Les hommes ont des plaisirs un peu plusvariés ; d'abord ce sont les bains , ensuite lapipe, la fréquentation des cafés , les réunionschez le barbier, puis le jeu d'échecs.

Nous donnerons plus bas la description desbains maures.

161Les cafés des indigènes sont encore loin: de •

ressembler par le luxe aux cafés de Paris, - ce-pendant ils ont une physionomie originalequi plaît même aux Européens.

Un café. consiste en une grande pièce car-rée donnant autant que possible sur une rued'où il tire son jour par la porte et- par unegrande fenétre qui n'est point fermée.

Le plancher est recouvert d'une natte dejonc; on. n'y voit pas de tables, mais tout-autour de la. pièce règne à hauteur d'appui unetablette d'environ trois pieds. de large aussicouverte par des nattes de jonc et sur laquelles'asseyent les habitués ; au milieu de là piècepend aulout d'une chaîne une lampe en cui-vre qui le soir sert de lustre.

Auprès de la porte d'entrée se trouve unratelie• garni de pipes , et à côté , ou bien endehors de la porte si la largeur de la rue lepermet,'est le foyer où se fait le café : ce' foyerest un fourneau en plâtre soir lequel est mon -tée une grande chaudière.

Dans ce vaisseau on met une certaine quan-tité de café, de cassonnade ou de sucre, et onle remplit d'eau. On fait bouillir le tout enremuant un peu de temps en temps avec unbâton, et ensuite,-avec rune espèce de cuillère à

162

pot , on sert cette liqueur bien chaude dansune fasse , aux amateurs.

Le café ainsi fait, offre à boire et à man-ger; mais comme il n'y entre point de chico-rée , il a un arôme d'un goût parfait.

Chaque, tasse est toujours accompagnéed'une pipe toute chargée et allumée et necoûte que trois sous; avant la conquête on nepayait les mêmes objets qu'un sou.

Les Musulmans sont naturellement silen-cieux, même dans les lieux publics ; au café ,ils font quelquefois nue partie d'échecs en te-nant d'une main leur pipe, et jouant ainsi pen-dant des heures sans proférer un mot.

Dans les cafés en vogue on rencontre ce-pendant assez souvent , dans le nombre deshabitués, un conteur qui a le talent d'attirerl'attention de tous ceux qui l'entourent.

Presque toujours le conteur improvise deshistoires qu'il commence d'abord à débiterlentement, puis s'échauffant progressivement,sa volubilité suffit à peine à son imagination ;son regard s'anime, ses traits se contractent,et joignant le geste à la parole, il fait passerdans l'esprit de ses auditeurs les émotions queparaissent lui faire éprouver ses inspirations.

Alors on voit tous les yeux fixés sur le con-:

163Leur, et à la mobilité des physionomies .onpeut juger des sensations diverses des audi-teurs.

Quelquefois aussi dans les mêmes cafésvient un musicien qui prend place fans façonau milieu des consommateurs; là, après avoirhumé une tasse de moka dont le gratifie lemaitre de l'établissement, il essaie dé charmerpar ses accords.

Son instrument consiste en une espèce demandoline à trois Cordes dont il tire des sonsque les Français et les Allemands ne trouventrien moins qu'harmonieux , mais qui font lesdélices des Maures ; ce musicien s'accom•.pagne toujours de la voix en improvisantaussi.

Depuis la conquéte les artistes lyriques in-digènes ont fait d'immenses progrès, car déjà,après avoir épuisé leur verve improvisatrice,on les entend s'essayer sur l'air de Marlboroughet'de' la Parisienne.

Ainsi , il pourrait bien se faire que l'annéeprochaine ils s'entendissent pourfaire des répé-titions de quelque morceau de l'opéra des Hu-guenots.

Les boutiques dés barbiers sont des lieuxoù les hommes , particulièrement les jeunes

• 184gens, se réunissent fréquemment pour ap-prendre les nouvelles du jour, en même tempsqu'ils se font raser le menton ou la tête.

En Afrique comme en Espagne, le barbierest un homme qui jouit d'une certaine consi-dération; c'est par lui que l'on connaît- lachronique scandaleuse et les nouvelles poli-tiques, aussi dès l'aube du four jusqu'à la nuitsa boutique est toujours pleine.

La boutique du barbier dans les villes dela régence est disposée à peu près de mêmeque les cafés ;, une tablette à hauteur d'appuiet recouverte d'une natte en jonc , entoure lapièce et sert de canapé aux personnes qui at-tendent leur tour pour leur toilette , ou auxcurieux. Le mur, jusqu'à trois ou quatre piedsau dessus de la tablette est aussi garni denattes en jonc sur la lisière supérieure des-quelles sont accrochés les rasoirs tout autourde la pièce.

Les barbiers du pays que nous décrivonssont extrêmement adroits dans leur métier ;il est rare de voir une tête rasée sortir deleurs mains avec la plus petite incision. Il estvrai de dire que leurs rasoirs sont excellens,et qu'on n'en fabrique pas de meilleurs à Lon:dres ni à Paris,

165Les Maures ne connaissent guère d'autre

instrument de musique que l'espèce de man-doline dont nous avons parlé plus haut etqu'ils appellent Kouëdrack. On voit bien aussidans les mains de quelques uns des chanteursde cafés , un mauvais violon à trois on quatrecordes, mais ce n'est pas un instrument diipays , c'est un débris provenant des chré-tiens.

La danse n'est pas un plaisir de bon tonchez les Maures , ,mais ils ont des danseurs deprofession qui figurent toujours dans les ré-jouissances de famille ou dans les fêtes pu-bliques; leur danse est celle dû Châle lesdanseurs , au nombre de deux ou quatre ontaux jambes des bas de cuir sans pieds ou plu-tôt des guêtres collantes comme celles des Pro-vençaux , et garnies de petits grelots qu'ilsagitent à volonté. Deux ou trois musicienscomposent leur orchestre : l'un. a un Kouë-drack un autre un tamtam, pot en grès dontl'ouverture est fermée par une peau de mou-ton comme les tambours , et dont le fond estpercé d'un grand nombre de petits trous ; etun troisième des castagnettes en fer..

Leur danse au commencement est insigni-fiante par la lenteur des mouvemens et le peu

166de grâce des danseurs , mais elle finit par de-venir vive , entrafnante et lascive.

La danse des Bédouins est â peu près lamême que celle des Maures.

Comme les villes renferment une grandequantité de nègres esclaves ou libres , ceux-ci prennent aussi part aux fêtes publiques etaux réjouissances de Famille , car ils ne sontpas aussi malheureux que l'on se plaît à le dire.

La plupart des nègres qui habitent le lit-toral de l'Algérie y ont été amenés de diffé-rentes manières.

Les uns sont venus de la Nigritie ou desenvirons du cap de Bonne-Espérance avecles' caravanes qui, avant la conquête, traver-saient le grand désert de Sahara.

Les autres ont été amenés de Tombouctouou du Sénégal aussi par caravane ou par desbatimens de pirates.

Les Nègres originaires de Tombouctou, etqui sont en petit nombre dans l'Algérie, sontremarquables par leur taille élevée et la forcede leur corps.

Tous ces Nègres de différens pays conser-vent leurs moeurs et leurs usages. Leur danseest tout-à-fait originale et amusante ; rarementon y voit des femmes.

181D'abord , un orchestre se forme ; il se com-

pose d'une grosse caisse et d'un long tambourreliés à chaque extremité par: un cerceau ,comme nos futailles; d'une espèée de clari-nette formée d'un roseau, dont =le son' ressem-ble parfaitement à celui de la Musette ou de lacornemuse des Airvergnats, et d'un tambourin.

Ensuite chaque danseur a aux mains descastagnettes en fer, assez semblables à deuxcuillères à bouche qui seraient rapprochéesparallèlement de manière à former un oeufpar leur bassin. Le grOupe 's'agite alors .enbattant constamment des castagnettes durantla danse qui consiste à lever un pied, puisl'autre , à porter le corps à droite; à gauche ,à s'accroupir se reculer, chanter'et . crier.

Les Nègres ont une"ailtre danse • encoreplus curieuse : la musique . est placée au centre,tous les danseurs sont armés d'un petit bâtonlong • de deux 'pieds ; ils commencent à cir-culer en rdhd, sans se tenir, en sautant sur "unpied. et sur l'autre ; puis s'éChauffant , ilstournent sur eux-mtmes tantôt .à droite, tan-tôt à gauche, et . frappant en cadencé' leursbâtons l'un contre l'autre, ils font maintstours de passe-passe pour changer l'ordre deleur place dans le rond,

168

Les Juifs ne sont point danseurs, mais ilsaiment la musique et le chant dans leur inté-rieur; leurs iàstrumens favoris sont une mau-vaise guitare et un violon , et quelquefoisaussi un tambourin.

Comme dans la plupart des familles quisont extrêmement nombreuses, il y a tou-jours un membre qui a voyagé ; c'est celui-làqui fait les frais de la réjouissance , c'est lemusicien et le chanteur.

Les Juifs imitent en tout. les Musulmans ,mais jamais ostensiblement; et quand ils don-nent des fêtes, ce qui a toujours lieu dansleur intérieur, ils ne manquent pas de seprocurer un danseur et une danseuse mauresqui charment les yeux par leurs mouvemens ,et les oreilles. par leur improvisation.

Les Israélites sont presque tous artisans ounégocians ; parmi ces derniers, il s'en trouvede fort riches , mais tous ont le goût des bel-les choses. Dans les repas qu'ils donnent, ilsétalent avec complaisance leur argenterie quiconsiste en de vastes plateaux et en coupes ;leurs cristaux et leurs tapis.

Ils ornent avec plaisir leur personne dediamans et de brocard.

Leurs femmes, comme les mauresques, ont

160aux bras et aux jambes deux gros anneau«d'or et d'argent, de larges pendans auxoreilles , et les doigts des pieds et des mainschargés de bagues.

Les négresses aussi aiment beaucoup lesbijoux, et à défaut d'or, d'argent et de pier-reries , elles se parent de verroteries et d'an-neaux de cuivre ; mais comme .si: ce n'étaitpas assez d'avoir au bas de l'oreille unelourde et large boucle qui forme quelquefoisun triangle, elles s'en mettent encore une àla partie supérieure de l'oreille.

Les bains qui , comme nous l'avons dit ,sont au nombre des plaisirs des indigènes ,ne sont pas la chose la moins curieuse àconnexe de leurs moeurs.

Les établissemens de bains sont distribuésà peu près de la même manière dans chaqueville : voici la description d'un de ces établis-semens et la manière dont se prennent lesbains.

En entrant, est une grande pièce formantun carré long et dont les murs sont blanchisà la chaux; d'un côté on voit un immensefourneau surmonté de chaudières rempliesd'eau, de l'autre côté sont une demi-(' onzaine de coussins longs en forme de ma-

170telas, rangés par terre l'un à côté de l'autre etcachés par des rideaux.

Vis-à-vis la porte d'entrée de cette pièce,est une porte double conduisant dans la salled'étuve. Cette salle est octogone 'et tire sonjour du haut qui est terminé en dôme ; aumilieu, il y a un bassin en marbre plein d'eauchaude ; autour de la salle sont quatre ren-foncemens en forme de porche , erautant depetits cabinets ayant une fontaine avec unpetit réservoir aussi en marbre ., dans lequelun robinet verse de l'eau presque • bouillante.Le carreau de la salle et 'des cabinets est éga-lement en marbre.

Au centre de la salle se promènent , enve-loppés dans un linge comme un linceul , lesbaigneurs qui attendent leur tour pour êtrematés.

Sous les porches sont étendus nus sur lecarreau ceux que l'on mate.

Les cabinets sont réservés aux personnesde distinction.

Les maceurs sont des hommes grands etvigoureux, aux formes herculéennes, à la peaubasanée, à la tète rasée, et qui n'ont pourtout vêtement qu'une petite jaquette qui ca-che à peine leur nudité.

171Lorsqu'un baigneur se présente dans l'éta-

blissement, un jeune maure le conduit au-près des coussins qui sont dans la premièrepièce ; là il l'aide à .se déshabiller, il l'affn-hie d'un vaste morceau de calicot, lui metaux pieds des semelles de bois garnies d'unebride , puis le fait entrer dans la salle d'étuve,où le baigneur doit se promener, suivantl'usage , pendant quelques instans pour éta-blir la transpiration.

Ensuite s'il eSt susceptible de payer gé-néreusement, on le fait entrer dans un despetits cabinets, bn le dépouille de son espècede linceul, et on l'étend le nez en l'air sur uncarré de toile placé sur le plancher. Aussi-tôt deux maceurs se saisissent de lui, l'un luiprend un bras, l'autre une jambe , et , lamain garnie d'un petit sac en tissu de crin ,ils le frottent, frottent, frottent.—Des mem-bres ils passent au corps. Après avoir fait lapoitrine, ils retournent le patient sur le nezet lui brossent les reins d'importance.

Les frottemens terminés, l'un des maceurs,le plus fort, le fait asseoir; lui prend un bras,puis l'autre , le met à la crapaudine ; lui te-nant ainsi les mains et lui plaçant le pied surle cou, lui fait glisser son talon sur la co-

1:7

tonné vertébrale , en lui faisant craquer les .

reins; et la jointure des épaules. Cela fait , lemaceur s'asseoit derrière le baigneur, prendcelui-ci dans ses jambes, et, s'appuyant lespieds contre' la muraille pour avoir plus deforce , l'étreint par les épaules , et le tord àdroite et à gauche comme une branche d'o-sier.; il le relève , lui prend encore les mem-bres l'un après l'autre, et, s'appuyant du piedsur le corps du patient, les tire , jusqu'à ceque les articulations aient craqué.

Lorsque le baigneur est bien brossé , bienfrotté , bien tiré , bien tordu et alongé , on leplace à genoux auprès de la petite fontainedé son cabinet. On Mche le robinet; puis, avecune écuelle , on l'inonde, d'eau presque brû-lante . jusqu'à le suffoquer. Ensuite , avec depetis outils faits exprès, on lui nettoie lesdoigts des mains et des pieds, les oreilles, etc.,et on le lave de nouveau.

Le maceur prend du savon à la rose qu'ilmet dans le bassin de la fontaine ; fait beau-coup de mousse , relève le baigneur , lui sa-vonne la tête et le corps, et le rince bien pour .

la dernière fois.Enfin, après cette cérémonie qui dure bien

deux heures, on l'enveloppe, dans une grande

173toile de calicot , on lui ceint la tète avec unetoile roulée , comme pour »un turban ; on luien jette une troisième sur les épaules, ce quile fait vraiment ressembler àune momie d'É-gypte ; et dans cet état, on le conduit dans lapièce d'entrée, où on le couche sur un matelas,en le couvrant bien, et en lui recommandantde rester là une ou deux heures : aussitôt, unetasse de café très noir lui est servie avec unepipe chargée et allumée , et on le laisse tran-quille.

Après une opération semblable , on .estéchiné, essoufflé, on n'en peut plus de fati-gue ; mais , lorsqu'ayant pris une heure et de-mie de repos, on s'est débarrassé de ses ban-delettes, on se lève frais et dispos et dans unesituation d'esprit fort agréable ; on se trouveréellement infiniment mieux qu'avant; on estjoyeux, on est content de soi.

Dans les villes où il n'y a pas de bains par-ticuliers pour les femmes, les hommes vontau bain -dans la matinée et les femmes dansla soirée. Celles-ci se màcent réciproquementou se font mater par leurs esclaves ; et dèsqu'il y a une femme dans l'établissement, ilest défendu à tout homme, sous peine demort de s'y introduire,

174Quand on a payé 3o ou 4o sous pour un

bain à la mauresque , on a été généreux.A Alger , il y a plusieurs établissemens

de bains maures , et deux seulement de bainsfrançais , fondés par nos compatriotes depuisquelques années.

Aux bains maures , comme on vient de levoir , on ne prend que des bains de vapeurcependant, les directeurs de ces établisse-mens qui se civilisent un peu , vo*nt serendre agréables aux Européens, ont eut l'heu-reuse idée , pour imiter les bains à la française,de placer' dans la salle d'étuve des tonneauxdéfoncés d'un côté, et remplis d'eau ; de sorteque l'amateur de ces bains, l'Européen , parexemple , qui n'ose pas encore livrer sa per-sonne aux rnaceurs , tranquillement assis à lamauresque ou à genoux dans son tonneau , ale plaisir de voir mater tout autour de lui.

A Oran et à Bone il n'y a qu'un établisse-ment de bains , ce sont des bains maures ;mais comme là , la civilisation marche bienplus lentement qu'à Alger, l'usage des ton-neaux -baignoires n'est pas encore connu.

Nous recommandons d'essayer les bainsmaures, c'est une excellente chose.

175Les Juifs, autrefois comme à présent en-

core, quoique soumis à une puissance étran-gère à leurs moeurs , ont cependant conservéleurs lois et coutumes; ils ont dans chaqueville un conseil composé des anciens, lequelest présidé par un des notables qui a titre deroi des Juifs. C'est sous la direction de celui-cique s'administrent les affaires qui intéressentla nation israélite, comme se désignent lesJuifs dans chaque ville un peu considérable.

Ils ont aussi leurs juges qui sont les rabbins,de même que les musulmans ont les leurs quisont les kadis et les muphtis comme nousexpliquerons cela plus loin.

IŸ.

INDUSTRIE,

Commerce et agriculture des indigènes.

L'industrie , dans l'ancienne régence , seborne à très peu de chose. Dans les principalesvilles seulement , on travaille le cuir , on fa-brique des armes , des burnous , vêtemensindispensables des hommes, à la ville commeà la campagne ; des sarmahs , coiffures coni-

175Les Juifs, autrefois comme à présent en-

core, quoique soumis à une puissance étran-gère à leurs moeurs , ont cependant conservéleurs lois et coutumes; ils ont dans chaqueville un conseil composé des anciens, lequelest présidé par un des notables qui a titre deroi des Juifs. C'est sous la direction de celui-cique s'administrent les affaires qui intéressentla nation israélite, comme se désignent lesJuifs dans chaque ville un peu considérable.

Ils ont aussi leurs juges qui sont les rabbins,de même que les musulmans ont les leurs quisont les kadis et les muphtis comme nousexpliquerons cela plus loin.

IŸ.

INDUSTRIE,

Commerce et agriculture des indigènes.

L'industrie , dans l'ancienne régence , seborne à très peu de chose. Dans les principalesvilles seulement , on travaille le cuir , on fa-brique des armes , des burnous , vêtemensindispensables des hommes, à la ville commeà la campagne ; des sarmahs , coiffures coni-

176ques s. en métal découpé à jour, dont nous

-avons déjà parlé; des pantonfles,.et des bour-ses en cuir et velours , brodées en or , et qui'ont la forme de portefeuilles; différens ob-,jets de toilette et de fantaisie , et des pote-ries.. Du reste , il n'y a aucune manufacture niusine.

Alger n'a jamais été une ville très commer-çante, mais elle fut toujours la ville de con-.sommation •le trésor de la régence. Là s'en-.tassaient les richesses prises sur .les naviresqui parcouraient la Méditerranée, et les con-tributions levées sur les Juifs et les Arabes;là on apportait les produits de l'intérieur dupays et les produits étrangers amenés à Boneet à Oran par quelques bàtimens européens,Enfin, là vivaient les riches de la régence.

Oran et Bone , au contraire , étaient desvilles éminemment commerçantes , et quiavaient des relations fréquentes, l'une avecMaroc, Gibraltar et Carthagène, l'autre avecTunis , Smyrne , Marseille et quelques villesd'Italie.

A Oran, chaque année, aux mois de mai etde septembre , une caravane de deux à troismille chameaux, qui commençait à se former

177

au delà de Tombouctou , traversait le dé-sert de Sahara et se complétant dans leroyaume de Tafilet , apportait des dentsd'éléphant , des plumes d'autruche , de lacire , du miel : du poil de chameau qui sert àtisser les plus beaux burnous ; des pelleteries ,des dattes ; des lions et d'autres animaux fé-roces apprivoisés , etc., etc.

Parvenue à quelque distance de la ville , lacaravane envoyait au bey une députation•deplusieurs des commerçans les plus notables ,qui faisaient à celui-ci les présens d'usageet lui demandaient la permission 'd'enrichirOran des productions de leur pays , puis deremporter en échange des blés de la régenceet des objets de fabrique européenne.

Cette permission accordée, la caravane ve-nait camper à une demi-lieue d'Oran et éta-lait dans la plaine ses marchandises; là alorss'établissait une espèce de foire qui durait unequinzaine de jours.

Les négocians d'Oran, Maures et Juifs, ap -portaient de leur côté de gros velours et desbrocards fabriqués à Lyon, des foulards , uneétoffe claire imitant la mousseline, confection-

,née à Gibraltar, etc.Une ou plusieurs tribus de la province

178

d'Oran &signées par le bey apportaient laquantité de blé demandée ; les transactionsse faisaient , et quand elles étaient terminéesla caravane reprenait paisiblement la routequ'elle avait suivie pour venir.

Ensuite les négocians d'Oran vendaient lesmêmes marchandises qu'ils avaient reçuespartie à Alger, partie aux Européens dont lesnavires fréquentaient habituellement leurport.

La dernière caravane que l'on vit à Oran ,vint au mois de mai 183o. ; elle ne comptaitpas moins de deux mille chameaux, outre ungrand nombre de chevaux.

Si le territoire d'Alger était entièrementcolonisé, il est indubitable que ces caravanesreparaîtraient promptement à Oran , parcequ'elles ne peuvent se procurer que dans cepays du blé, dont les contrées d'où elles vien-nent manquent totalement.

Il est à remarquer que la province d'Oranproduit le plus beau blé que l'on connaisse ;le grain est très gros , la farine est, un peumoins blanche que celle du ,blé- de Pro -vence, mais elle•donne un pain d'aussi bonnequalité.

La pêche du corail, sur les Mes de,Barba-

179

rie , pouvait etre autrefois pour le- gouverne-ment algérien une branche de commercetrès lucrative, mais il n'en tirait pas le partique.la France peut en espérer.

La frugalité .des Arabes , la, fécondité. ..

sol qui les nourrit et plus encore. leur ! apa-thie , font que. les terres cultivables de la ré-gepce ne produisent point la millième partiede,ce qu'elles sont susceptibles de, rendre.

en plaine les Arabes ne fument point leuriterres, ils cultivent très mal; leurs instrumensaratoires, consistent en ,une charrue forméed'une. branche d'arbre ayant un .coude effilé ,avec laquelle ils écorchent à peine la terre ,une herse ayant quelques dents, et une houe.Ils ne se servent pas toujours ..de la. herse ,parce que souvent ils ,sèment avant de la-bourer.

Leurs arbres ne sont . jamais greffés, ni .

, ils se contentent d'en recueillir les fruitstels, que la,..pature les leur donne; jamais nonplus ils,ne fout de. plantations.

Ils ne cultivent guètes que le blé, l'orgeet le maïs; et comme ils n',ont ni gaçgesgreniers , ils. conservent le. blé dans .des silos,excavatioe profondes dans la.terre, revetuesde paille et ,hermétiquement. fermées.

180'Toutefois , dans certaines parties de la

plaine de Metidjah , principalement dans lesenvirons de Belidah , Medeya , Kolea , ilexiste de très grandes propriétés particulièresappartenant à des Maures qui les exploitenteux-mémes, ou 'à de riches habitans de la villequi les afferment. Celles-ci sont mieux cul-tivées , on les nomme fermes ; elles ontquelques bâtimens et des jardins, sinon bienplantés, du moins garnis de beaucoup d'arbres.

Mais si les Arabes négligent leurs terres, enrevanche ils élèvent une quantité considéra-ble de bestiaux et de volailles. On remarqueparmi leurs volailles une espèce de pintadesqu'ils appellent poules de Carthage, et qui ontà peu près le goût du faisan. Dans leurs trou-peaux une chose peu importante en elle-même, mais qui pourtant frappe l'observateur,c'est que les moutons pour la majeure partieont quatre cornes d'une grandeur démesurée.

Les boeufs de l'Afrique , ou plutôt les tau-reaux, car on ne fait point de boeufs, sont depetite espèce ; néanmoins ils sont employésaux travaux d'agriculture.

Les Bédouins élèvent beaucoup de che-vaux et de mulets; ceux-ci sont de haute taille.et ne servent que comme bétel de somme.

181

Les chevaux peuvent être divisés en deuxraces : la première comprend ceux desmontagnes , qui sont petits , mais de formesgracieuses ; et la seconde , ceux de la plaine ,qui sont grands et minces et dont les formesne sont pas élégantes.

Du reste, tous ces chevaux sont excellenset remarquables par leurs qualités, leur vi-gueur et leur force musculaire. ils descen-dent les montagnes avec la rapidité de la flè-che sans jamais s'abattre, et telle est la forcede leur jarret qu'au milieu de la course la plusrapide, ils s'arrêtent court selon la volonté ducavalier.

V.

COMPARAISON

De la régence d'Alger avec la Provence, sous lerapport du climat et de la fertilité.

La Provence est sans contredit un des plusbeaux pays du monde ; sa température estdouce, sa végétation est précoce.

Mais la partie septentrionale de l'Afriqueest infiniment préférable.

En Provence, c'est à peine si l'on rencon-n

182're une source ou un mince filet d'eau ; il n'ypleut.jamais. L'hiver y est quelquefois assezrigoureux pour geler les orangers et les oli-viers , le mistral s'y fait sentir les trois quartsde l'année de la manière la plus désagréable ,les céréales sortent à regret de la terre à causede la sécheresse ; elles donnent un bon grain ,il e,t vrai , mais en très petite quantité. L'o-ranger et le grenadier n'y fournissent qu'unfruit médiocre.

En Afrique, au contraire , avec un climatadmirable, une chaleur toujours suppor-table l'été, on ne s'aperçoit de l'hiver que pardes pluies douces et fécondantes qui viennentabreuver la terre pendant plusieurs mois ; àchaque pas dans les montagnes et dans laplaine on rencontre des fontaines et des sour-ces d'eau abondantes, qui alimentent des ruis-seaux. La terre à peine cultivée produit lesplus belles céréales, les arbres sans Vitre tail-lés ni greffés donnent des fruits magnifiques.

VI.

Plaina de la liDetidjah et ver.ans de l'Atlas.

La plaine de la Metidjah peut former .uneétendue superficielle de 33o lieues carrées.

183

Une lieue carrée donne environ 3,788 hec-tares : ainsi la plaine entière contiendrait1,250,040 hectares, oit 2,50040 arpens ,mesure forestière.

Une partie assez considérable de cetteplaine est en marais que l'on pourrait dessécherfacilement au moyen de canaux d'irrigation.

Tout le surplus est cultivable et la coloni-sation en est d'autant plus commode qu'il n'ya aucun défrichement à faire.

Sur presque tous les points de cette plaineles pâturages sont abondans; les orangers, lescitroniers , lès jujubiers, les figuiers, les oli-viers y poussent naturellement et aquièrentun développement prodigieux.

La vigne sauvage donne des grappes deraisin d'une grosseur telle qu'on n'en voitpas dans les vignobles de France et mêmed'Espagne.

Dans beaucoup d'endroits les oranges etles grenades , qui sont excellentes, égalent engrosseur la tête d'un enfant.

Pline le naturaliste rapporte qu'il fut pré-senté aux empereurs Auguste et Néron , despieds de froment provenant des environsd'Alger et qui avaient 36o et 4.00 tiges sortiesdu même grain.

184Quoique fort mal cultivée aujourd'hui , il

parait que la plaine de Metidjah a peu perdude sa fertilité, car on voit encore souvent despieds de froment portant plus de ioo tiges.

Des versans de l'Atlas, tombent des torrensqui, arrivés dans la plaine, forment de petitesrivières qui la sillonnent en -tout sens , se di-rigeant les unes vers la Méditerranée et les au-tres vers le désert.

Les principales rivières qui parcourent laplaine de Metidjah sont le Schellif et le0 uadrn'jedid.

Il y a aussi dans la même plaine un grandnombre de lacs , les uns d'eau douce et lesautres d'eau salée ; puis des eaux thermales etminérales.

Les montagnes formées des versans et desramifications. de l'Atlas qui longent la Meti-djah de l'ouest à l'est, sont très riches en végé-tation ; elles sont couvertes en différens en-droits d'épaisses forêts abondantes. en arbresde différentes essences. On y remarque pàrti-culièrement le chêne liége , le chêne à coche-nille , le chêne blanc, le chêne bellotte , quiproduit un gland bon à manger ; le pin à ré-sine , dit pin d'Alep; le lentisque , dont ontire de l'huile et qui répand dans le foyer une

185odeur de parfum ; le palmier dattier, le pal-mier chamerops , le térébinthe le thuya,l'arbousier, qui donne un fruit excellent àmanger ; le cyprès , le myrte, le sumac, la vi-gne sauvage le sapin, le châtaignier, etc.

Ces mémes montagnes sont aussi très richesen mines de plomb , de fer et de sel, qui nonseulement ne sont point exploitées par les in-digènes, mais encore sont pour la majeurepartie ignorées d'eux.

Si la plaine et les montagnes sont fertilesen plantes de toutes espèces , elles sont aussiabondantes en animaux sauvages, tels que :* lelion , le léopard , la hyène , la panthère, lesanglier, le dabbah , espèce de loup très fé-roce; le faadh, qui ressemble au léopard; le cha-cal, animal qui évente les morts à une distancetrès éloignée et parvient à les déterrer, quelleque soit la profondeur de leur sépulture ; letamanoir, espèce de. gros rat qui a le museauen forme de trompe; le gerboa ou rat de l'At-las , qui se tient souvent sur les pattes de der-rière ; l'éléphant, mais qui ne se trouve làqu'accidentellement quand il s'est éloigné dugrand désert par suite de la chasse. qu'on luia faite ; l'autruche , la gazelle , etc. , etc.Les perdrix rouges et les lapins sont éga-

186

lement très communs dans les montagnes.Parmi les insectes nuisibles on peut citer

la sauterelle, dans les champs , et les puces,les punaises et les moustiques dans les habi-tations.

Administration actuelle d'Alger..

L'administration d'Alger, depuis 181) jus-qu'à ce jour, quoique souvent modifiée, a ététout à la fois militaire et civile.

Nous ne nous étendrons pas sur les avan-tages et les inconvéniens d'une semblableadministration et nous nous bornerons .àdire en quoi elle consiste actuellement.

Le commandement général et la, haute ad-ministration sont aujourd'hui confiés à ungouverneur général qui exerce ses pouvoirssous les ordres et la direction du ministre 'dela guerre.

Les différens services civils et militairessont dirigés respectivement par

Un officier général commandant les troupes.Un intendant civil,

Un ofiicier général commandant la marine.Un procureur général.Un intendant militaire.Et un directeur des finances.Tous exerçant leurs pouvoirs sous lei

dres du gouverneur général et formant aveccelui-ci le conseil d'administration.

La justice est administrée . au nom du roipar des tribunaux français et par' dés tribu-naux indigènes.

A Alger il y a un tribunal de première in-stance, un tribunal de commerce et un tri-bunal supérieur qui prend le titre de cour déjustice.

Les villes de Bone et d'Oran ont chacuneun tribunal de première instance et un tribu-nal de commerce.

Dans chacune des mêmes villes , Alger,Oran et Bone , il y a aussi un tribunal mu-sulman composé d'un muphti et d'un kali, etun tribunal israélite composé de trois rabbins.

Les tribunaux français connaissent de toutesaffaires, et de tous crimes et délits entre euro-péens et entre ceux-ci et des indigènes.

Les tribunaux musulmans connaissent detoutes affaires et de tous délits, entre musul-mans et entre ceux-ci et des Israélites.

188Enfin , les tribunaux israélites connaissent

aussi de toutes affaires et de tous délits entreJuifs seulement.

Nous rapporterons au surplus à la fin de cetouvrage l'ordonnance royale organisatricedu gouvernement et de la justice dans l'Al-gérie.

Les villes dont nous venons de parler ontégalement chacune un commissaire du roi présla municipalité, faisant fonctions de maire ; etdes commissaires de police.

Dans l'Algérie sont établies, d'après lemême système qu'en France , sauf quelquesmodifications ,

Une direction des domaines et de l'enre-gistrement ;

Une direction des douanes ;Et une direction des postes.Il y a aussi un directeur et un sous-direc-

teur de la colonisation.Des notaires , des commissaires-priseurs et

des huissiers sont aussi institués dans l'Algérie.Il y a à Alger quatre notaires, trois com-

missaires-priseurs et plusieurs huissiers.A Oran, deux notaires et un huissier.A Bone aussi deux notaires et un huissier.Jusqu'à ce jour ce sont les greffiers des tri-

189banaux qui ont rempli les fonctions de con-servateur des hypothèques.

Les contrats entre européens et indigènessont passés indifféremment devant les notai-res ou devant les kadis , qui font aussi l'officede notaire; quelquefois les actes sont re-çus en même temps et par un kadi qui lesrédige en arabe et par un notaire qui les ré-dige en français.

En Afrique presque toutes les propriétéssont grevées de rentes au profit de la Mecqueou de Médine , comme aut refois en. Franceles héritages l'étaient au profit des couvens .etdes hospices.

Les mutations d'immeubles se font ordi-nairementpar l'intermédiaire de courtiers, et àtitre de bail â rente. Une somme fixe est payéecomptant pour pot-de-vin, et la rente est ser-vie partie aux vendeurs, partie aux receveursde la Mecque et de Médine.

Les fonds qui reviennent à la Mecque et àMédine sont employés en oeuvres de bienfai-sance. Un comité, dont les membres sontmusulmans, en fait la distribution aux pau-vres et aux nombreux pèlerins qui vont visi-ter le tombeau du prophète.

*edam et bondé« peetio.

RETOUR EN FRANCE.

Pour quitter l'Algérie et rentrer en Franceles formalités sont les mêmes que celles quenous avons indiquées pour l'embarquement àToulon et à Marseille.

On part par un bâtiment de l'État ou parun bâtiment du commerce.

Si l'on espère obtenir le passage sur un bâ-timent de la marine militaire, il faut deman-der à l'état-major général ou au commandantde la station navale , une permission d'em-barquement, et se présenter au bureau duconseil de santé pour avoir un certificat con-statant qu'à l'époque où l'on quitte le port ,il n'existe pour la ville et ses environs aucunsoupçon de peste ni de maladie contagieuse.

Ce certificat se nomme patente de santé et

207doit être représenté avec la permission d'em-barquement au commissaire du navire sur le-quel on a obtenu le passage.

Si l'on doit faire la traversée sur un bâti-ment du commerce , c'est chez un des cour-tiers de nolissement , que l'on rencontre àchaque pas dans la rue de la Marine ou dansla rue des Consuls, à Alger, qu'il faut s'a-dresser.

Lorsqu'on prend cette voie on n'a aucuneformalité à remplir pour satisfaire aux régie-mens sanitaires. Ce sont les courtiers qui sechargent de tout sur la remise du passeportdu passager.

Inutile de rappeler que pour quitter l'Al-gérie, comme pour voyager en France, lepasseport est une chose indispensable dont ondoit se munir avant tout. C'est le commissairede police qui déltVre les passeports ou lesvisas.

Ce n'est point sans une émotion pénible etmême sans quelque regret que l'on quitteAlger.

Ses blanches maisons , ses coupoles , sesminarets , ses forts, ses belles et riantes val-.

208

lées de Mustapha-Pacha et des Consuls, nedisparaissent jamais aux yeux sans que l'onforme le projet de les revoir.

Au fait, Alger a un climat si beau , si doux !on respire dans ses rues une odeur de par-fums si agréables !......

Nous avons parlé de l'effet de la mer surles passagers; nous avons décrit les îles Ba-léares, les abords de Marseille et ceux deToulon :

Maintenant nous allons d'une seule traitetransporter le voyageur surfes côtes de France.

Arrivé en vue du port, c'est-à-dire à deuxlieues de la ville où l'on doit débarquer, lecommandant du navire fait jeter l'ancre etenvoie un officier au bureau de la santé poury prendre un garde qui doit accompagner lespassagers jusqu'au lazaret.

lei il faut purger sa quarantaine et s'armerde patience pour subir la captivité dans la-quelle vous retiennent les sévères réglemensde l'intendance sanitaire.

Quarantaine.

La quarantaine est imposée aux navires ,aux passagers et aux marchandises venant des

209pays étrangers, afin de s'assurer qu'ils n'ontapporté le germe d'aucune maladie épidé-mique. Ce qui pourrait se reconnaîtrependant la durée du séjour au lazaret.

La quarantaine est plus ou moins longue ,selon la distance et l'état sanitaire des lieuxd'où viennent les navires.

Ainsi, pour les Utimens venant des GrandesIndes , la quarantaine ordinairement est :

Quant aux colis ou marchandises , de 55j ours ;. Et quant aux personnes , de 40 jours ;

Pour les batimens venant des Echelles duLevanCelle est, aussi habituellement:

Quant aux marchandises, de 45 jours;Et quant aux personnes, de 3o jours.Enfin, pour les provenances de l'Algérie,

la quarantaine est en ce moment ,De Io jours pour les personnes,Et de 15 jours pour les marchandises.Les animaux de toute espèce ne sont assu-

jétis qu'à la même quarantaine que les per-sonnes.

Et dans tous les cas, le jour :de l'entréedans le port, si l'on a pris de suite un gardede santé, et le jour de la sortie du lazaretsont compris dans le délai de la quarantaine.

210

tin lazaret.

Un lazaret est un vaste établissementisolé, entouré de murs et au centre duquelexistent des bath/lens pour loger les passagerset des hangars Our abriter les marchan-dises.

Les bAtimens d'habitation ne se composentque de chambres entièrement nues , souventblanchies à la chaux pour la salubrité. Il s'ytrouve bien quelques crochets en fer pourappendre les hardés, mais pas le moindrepetit meuble.

Les passagers se procurent chez le con-cierge de l'établissement, en payant, le mo-bilier indispensable , comme nous le dironstout à l'h eure.

Le lazaret renferme aussiLe logement du directeur qui ordinaire-

ment est un ancien officier; c'est lui qui a lapolice de l'établissement.

Le logement d'un concierge qui surveilleles portes , et qui loue des meubles aux pas-sagers.

Le logement d'un restaurateur attaché àl'établissement et qui fournit des vivres auxquarantenaires.

211Un hôpital où peuvent se faire traiter les

personnes malades.Une chapelle où tous les dimanches un

prêtre dit la messe.Et un parloir, longue galerie avec une

double grille au milieu , où les quarantenairespeuvent voir les pareras et amis qui attendentleur arrivée.

On ne paye rien pour le séjour au lazaret.Mais aussitôt introduit dans ce lieu , un

garde est donné à chaque passager ou à chaquesociété de passagers, sur le pied de 4 fra ncspar jour.

Ce garde est chargé de surveiller tous lesmouvemens des personnes auxquelles il estattaché, et moyennant une gratification surlaquelle il compte, il sert de domestique àcelles-ci. Il fait les lits , balaye les chambres ,et va chercher au restaurant le déjeuner et ledîner.

De plus, on paye, d'après un tarif approuvépar l'intendance sanitaire , le loyer de chaqueobjet mobilier que l'on se fait fournir chez leconcierge ; le tarif varie suivant le lazaret ,mais voici à peu près les prix ordinaires.

Prix du loyer par quarantaine.

fr. cent.

Un lit de sangle d » 75Une table à tiroir » 7 5Un matelas. z 5oUne paire de draps z 25Une couverture » fioUne serviette » 15Un traversin en plumes » 5oUn chandelier » 25Une paire de mouchettes » z 5Une pelle à feu » 15Une pincette. » 15Un pot à eau » 25Une cuvette » 25Un vase de nuit » 25Une chaise. » 3oUn soufflet. » 4oUn miroir » 3o

Lorsqu'à bord d'un bâtiment il se trouveun grand nombre de passagers, il faut, aussi-tôt que l'on est descendu à terre , se hâter dedemander et se faire remettre les effets mo-biliers dont on croit avoir besoin, car souventil n'y en a au magasin que pour les plus ha-

213biles, c'est-à-dire les premiers arrivés, et lesautres courent risque dé coucher sur le plan-cher jusqu'à ce que le fournisseur ait étéchercher à la ville le matériel manquant.

Les premiers débarqués aussi sont toujoursles mieux logés.

Lorsqu'•on s'est entendu entre • plusieurspersonnes , les dépenses du lazaret peuventêtre très minimes.

On demande deux chanibres pour 5 .à 6personnes, un seul garde ou deux au plus , eton s'arrange avec le restaurateur pour vivre àraison de tant par tête pour chaque jour dela quarantaine.

Pour 3 ou 4 francs par tête on peut fairedeux repas et être assez • bien servi.

Dès que l'on est entré au lazaret il n'y apas moyen d'en sortir avant d'avoir terminésa quarantaine. Des factionnaires , l'armechargée, entourent l'établissement et ont laconsigne de tirer sur tout individu qui tente-rait de s'évader ou de faire passer hors desmurs quelque chose frauduleusement.

Du reste, les quarantenaires ont la libertéde se promener dans certaines parties del'enclos , pourvu qu'ils ne touchent à aucunepersonne d'une autre quarantaine.

214A cet effet d'ailleurs , Il y a aux porte&

extérieures et dans les avenues du. lazaretquantité de gardiens armés d'un long batonterminé par un crochet en fer àinme ceuxdes Chiffonniers au moyen duquel ils re-tiennent les personnes qui voudraient sortirou qui par mégarde seraient sur le point detoucher d'autres personnes d'une autre qua-rantaine ou des objets quelconques exposésà l'air pour se purifier.

Le crochet sert aussi aux gardiens pourramasser les choses que le vent aurait faitvoler dans les chemins et qui exposeraient àfaire une quarantaine de rigueur,"le recbequimarcherait dessUs.

Si par inadvertance ou autrement on tou-chait une personne soumise à une autre qua-rantaine que celle que l'on fait soi-même , oudes marchandises , etc. , on serait obligé desubir une prolongation de quarantaine égaleà ce qui resterait i faire à la personne ou àl'objet téuché, sans que rien pût en dispenser.

Cependant il est des objets que l'on peuttoucher sans inconvénient, bien qu'apparte-.nant à des quarantenaires différeras. Le fer etle bois, par exemple , ne sont pas conta-minés.

215Les passagers qui n'ont à faire qu'une qua-

rantaine de Y o jours peuvent , sans se com-promettre , se promener avec des voyageursvenant du Levant si ceux-d ne sont pas sus-pects par rapport à l'état sanitaire connu deslieux d'où ils arrivent ; mais le moindrecontact que leurs personnes, leurs vêtemensou même leurs chiens auraient avec eux, lesobligerait ,à faire la même quarantaine queces derniers.

Toutefois, lapersonne qui, volontairement,en a 'touché une autre et la met dans le casde prolonger sa quarantaine, est tenue depayer à celle-ci tous les frais que cette prolon-gation de séjour lui nécessite.

Tout ce que nous venons de dire au sujetde la quarantaine , ne s'applique qu'aux pas-sagers venant des contrées où la santé n'offreaucun soupçon de peste ni de maladie conta-gieuse.

Mais dans les temps où l'état sanitaire auxGrandes-Indes et dans le Levant est plus quesuspect, les réglemens du lazaret sont bienplus rigoureux.

Les personnes qui viennent de l'Inde font

216une quarantaine de 5o jours. Elles passent les25 premiers jours enfermées dans un petitenclos où est leur logement, sans avoir decommunication avec qui que ce soit, exceptéleur garde ; et les 25 autres jours dans un en-clos plus grand où elles peuvent alors se pro-mener.

Les personnes venant du Levant, ou del'Amérique, font moitié de leur quarantainedans leur logement , dont elles ne peuvent s'é-loigner; et pendant l'autre moitié il leur estpermis de se promener dans les avenues.

Néanmoins , si durant ces quarantainesrigoureuses il se déclarait un cas de pesteparmi les passagers, ceux-ci ne pourraientquitter le lazaret que 5o jours après la mortou le rétablissement du malade.

Dans chaque lazaret il y a une boite auxlettres confiée au concierge.

Lors de la levée, ce dernier ouvre la boite,prend les lettres avec une pincette faite exprès,les met dans un vase en cuivre percé de plu-sieurs trous, et place ensuite ce vase sur la ta-blette d'une petite armoire doublée, en plomb.Sous la tablette, qui est en fer et aussi percéede trous , il y a un bassin qu'on remplit desel marin et, d'acide sulfurique, puis aussitôt

217on ferme hermétiquement l'armoire où leslettres se parfument ainsi en une ou deuxheures.

Cette cérémonie n'est que pour les lettresdes passagers qui sont au lazaret et dontla quarantaine n'excède pas un mois.

Mais les lettres provenant des quarantainesvenant des Indes ou d'un pays dont l'état sa-nitaire est suspect, de même que toutes cellesvenant par mer de l'étranger, sont l'objet debien d'autres préparatifs.

D'abord le porteur des lettres un officierde navire qui en est chargé, est annoncé parun garde au concierge qui est retranché der-rière une grille.

Celui-ci place en dehors de sa grille ungrand vase rempli de vinaigre très fort danslequel le porteur des lettres jette ses dépê-ches et se recule. Au bout de quelques ins-tans le concierge rentre son vase, en retire leslettres avec une pincette, puis immédiatementon les perce avec un instrument tranchant oupointu, on les met dans un bassin en fer blancpercé comme une passoire ; on verse de nou-veau du vinaigre dessus, après quoi on les jettedans l'armoire dont nous avons déjà parlé,pour subir la fumigation.

Comme l'argent est contaminé , durant laquarantaine , lorsqu'on paye quelque choseau restaurant ou ailleurs, on jette toujoursl'argent dans un vase contenant du vinaigreet placé à la porte de chaque employé du la-zaret.

Le denier jour de la quarantaine arrivé, le&portes du lazaret sont ouvertes dès le matinaux passagers devenus libres ; mais avant dequitter la chambre et de fermer les malles, ilfaut subir une opération, celle de la purifi-cationi

A la pointe du jour le garde entre dans lachambre de ses passagers en tenant d'une mainune espèce de poêle dans laquelle est du selmarin, de l'acide nitrique et quelques autresingrédiens, et de l'autre une bouteille d'acidesulfurique. Après avoir bien fermé toutes lesportes et les fenêtres de l'appartement, ilverse un peu d'acide dans la poele , et aussi-tôt une fumée épaisse qui occasione des touxaux poitrines les plus fortes , se répand par-tout en s'imprégnant dans le linge et les ef-fets d'habillement.

Cette cérémonie de fumigation , qui dureenviron cinq minutes , étant terminée, l'onest bien et dûment purifié et admis à /cc libre

219

pratique; mais il faut se garder d'offrir unepoignée de main aux connaissances que l'onlaisse au lazaret.

Telles sont les lois sanitaires immuablespour tous.

Desoriptiou du lazaret de Marseille.

Le lazaret de Marseille est l'un des plusgrands, des plus beaux et des mieux adminis-trés de tous les lazarets possibles.

Il est situé sur la droite du port à une por-tée de canon de la ville, près de la porte d'Aix,sur un terrain qui s'incline vers la mer.

Une double enceinte de murs très élevésforme la clôture. Il a trois principales por-tes : deux qui donnent sur la rade ou le débar-cadère , et l'autre, qu'on appelle la grille, quidonne vers le faubourg d'Aix.

Un vaste bâtiment, long d'environ i 5opieds , situé près de la rade , est destiné à re-cevoir les quarantenaires. Il est composé d'unrez-de-chaussée et d'un premier étage seule-ment, faisant face à la mer et ayant devant lesappartemens une large galerie soutenue pardes colonnes. Chaque appartement consisteen une grande pièce carrée avec cheminée et

220deux cabinets au fond, le tout plafonné etbien blanchi à.la chaux.

Indépendamment de ce Mtiment qui est leprincipal, il y en a encore plusieurs autres ,mais qui sont petits et construits dans desenclos situés à différens endroits dans l'inté-rieur du lazaret. Çà et là sont des carr4s for-més par des mars et réservés pour les troupes ,infanterie et cavalerie.

Il y.a aussi à certaines distances des maga-sins immenses pour mettre les marchandises etobjets en quarantaine. Puis entre ces magasinsdes séchoirs où sontpia rées sur des chantiers lesballes de coton aussi en quarantaine. Il paraitque le coton peut rester à la pluie sans êtreendommagé.

Le lazaret possède une chapelle', un hôpi.tal et un parloir, qui , comme tous ses autresbAtimens , sont fort bien entretenus.

Il renferme un grand nombre d'employés ,tels que gardiens, portefaix et ouvriers quihabitent de petites maisonnettes répanduesdans les diverses parties de son enceinte.

Outre ses habitans , ce lazaret peut logerenviron 3,000 personnes; et deux ou trois ré-gimens d'infanterie peuvent bivouaquer dansses enclos.

221.

La porte de la grille est celle par laquelleon sort du lazaret : à droite et à gauche decette porte est une galerie couverte , longued'une soixantaine de pieds et qui sert de par-loir pour les personnes en quarantaine quedes amis ou connaissances viennent visiter.

A la conciergerie de cette porte il y a unecloche que le concierge sonne un nombre decoups convenus pour faire venir au parloir lesquarantenaires qui attendent des visites. Lesvisiteurs ont extérieurement une galerie pa-rallèle à la première et séparée de celle•ci parune double grille en bois, puis au milieu desdeux grilles se trouve un châssis en fil de ferpour empêcher que l'on fasse passer quelquechose hors du lazaret. La distance d'unegrille à l'autre est d'environ 6 pieds.

Le restaurant du lazaret de Marseille esttrès bon.

La quarantaine dans ce lazaret se passefort agréablement , surtout l'été.

Dans cette saison les portefaix se réunis-sent fréquemment, les soirs après leur jour-née , et organisent un concert vocal qu'onentend réellement avec un vif plaisir.

Assis en cercle, l'un à distance de l'autre

222

pour ne pas se toucher , ils commencent parnommer un président.

Celui-ci propose le programme du concert,fait la police, marque la mesure et le premierdoit chanter.

On ne chante que des morceaux d'opéraschoisis, tels que Guillaume Tell, Fra-Diavolo,la Dame Blanche, etc. , et de jolies romances.Et bien que des brocs remplis de vin soientplacés au milieu du cercle pour rafraîchir detemps en temps les concertans , toute chansonà boire est proscrite.

Le refrain de chaque couplet est répété enchoeur avec un ensemble vraiment étonnant,et terminé par des battemens de mains quitrois fois exécutés en mesure prêtent un cer-tain charme au concert.

Quant aux voix, on n'en entend de sembla-bles parmi lés classes ouvrières qu'en Alsaceet en Italie.

Deeoription du lazaret de Toulon.

— Le lazaret de Toulon est situé à une lieueet demie de la ville, dans une presqu'île sou-vent inaccessible par terre.

«223

Il est hors de vue de Toulon , sur un ter-rain aride et rocailleux formant une penterapide. Un mur assez élevé forme sa clôture.

Ce lazaret n'est ni aussi beau ni aussigrand que celui de Marseille. Il n'a qu'uneprincipale porte qui est celle du débarcadère.

A droite avant d'entrer, est un magasin delits et autres objets mobiliers à l'usage despassagers militaires, puis un peu plus loin, endedans de la porte, l'hôpital, long batimenttrès simple ; à gauche le logement du restau-rateur, celui du concierge ; en face , une lignede batimens composés d'un rez-de-chausséeet d'un étage au dessus, contenant des cham-bres toutes numérotées.

Ces chambres, qui sont destinées aux passa-gers, sont pour la plupart étroites et sombres,elles ont presque tontes un arrière-cabinet.

Entre les logemens du restaurateur et duconcierge , et ceux des passagers, se trouve unlong terrain servant de promenade , et à l'extré-mité, vers la gauche, un parloir fermé, puisun joli petit pavillon qui est la demeure dudirecteur.

C'est ordinairement près de ce pavillonque l'on monte en canot pour sortir du la-zare t.

224

Dans l'intérieur de l'établissement sontaussi d'autres petits bâtimens pour les mili-taires, un grand harigar, quelques petits en-clos et un cimetière.

Enfin derrière la ligne de bâtimens quenous avons décrits plus haut est une espèce deparc planté de broussailles et dont le sol s'é-levant graduellement offre sur la mer une vuetrès étendue.

Aulazaret de Toulon la vie n'est pas pluschère qu'à celui de Marseille, mais sous tousles rapports on y est infiniment moins bien ,et le jour y est fort triste.

Dans le lieu où est assis le lazaret il faitpresque toujours froid; l'élévation du terrainsemble attirer toutes les vapeurs de la plagequi s'amoncèlent en brouillard pour tomberensuite en pluie.

Sortie du lazarets

La veille de la sortie du lazaret les passa-gers ne doivent pas oublier de charger leurgarde de faire venir de la ville pour le lende-main matin, savoir à Marseille, des com-missionnaires qui attendront à la porte de la

• 225grille , et à Toulon des canots qui attendrontauprès du pavillon du directeur du lazaret.

En sortant du lazaret de Marseille ontombe entre les mains des douaniers qui vi-sitent, avec égards, les effets; et aussitôt aprèson est dans la ville, où l'on entre par la ported'Aix.

A Toulon , pour aller du lazaret à lit villeil faut une heure et demie; on traverse la radeet le port, et l'on débarque sur le quai prèsde la patache où se tient un officier d'état-major de la marine pour la police du port.

Là se trouvent les douaniers ; ils visitentaussi avec beaucoup d'égards et méme de po-litesse , les malles et les effets.

Mais, ici comme à Marseille, malheur aupassager qui voudrait les tromper, car uneamende de Soo francs et la confiscation desobjets qu'il aurait tenté d'introduire en fraudele puniraient de sa témérité.

On peut entrer en France des cigarres , enles portant à découvert , en les déclarant à ladouane et en payant un droit de 90 francs dumille. — C'est-à-dire des t000 cigarres.

On ne peut sans payer de droits passer du

226

- tabac pour sa consommation qu'une très pe-tite quantité. — Une demi-livre environ.

Il est permis , jusqu'à présent du moins ,d'entrer une ou deux armes étrangères, commeun yathaghan , un fusil.

Mais on ne peut, même en offrant de payerles droits , introduire des essences pour latoilette , des burnous, des cachemires , etc.

ORDONNANCES ROYALES ORGANISATRICES

ou

GOUVERNEMENT ET DE LA JUSTICE

DANS L'ALGÉRIE.

Art. I ers Le commandement général et lahaute administration des possessions fran-çaises dans le nord de l'Afrique (ancienne ré-gence d'Alger) sont confiés à un gouverneurgénéral.

Il exerce ses pouvoirs sous les ordres et ladirection de notre ministre secrétaire d'étatde la guerre.

2. Un officier-général commandant lestroupes ,

227Un intendant civil ,Un officier-général commandant la ma-

rine ,Un procureur général ,Un intendant militaire ,Un directeur des finances ,Sont chargés des différens services civils et

militaires, sous les ordres du gouverneur gé-néral, et dans la limite de leurs attributionsrespectives.

3. Le gouverneur général a près de lui unconseil composé des fonctionnaires désignésdans l'article précédent.

Suivant la nature des questions soumisesau conseil, le gouverneur général y appelleles chefs des services spéciaux , civils ou mi-litaires , que l'objet des discussions peut con-cerner. Ils ont voix consultative.

4. Jusqu'à ce qu'il en soit autrement or-donné, les possessions françaises dans le nordde l'Afrique seront régies par nos ordon-nances.

5. Le gouverneur général prépare , enconseil , les projets d'ordonnances que ré-clame la situation du pays , et les transmet ànotre ministre secrétaire d'état de la guerre.

Dans les cas extraordinaires et urgens , il

228peut provisoirement , et par voie d'arrêté ,rendre exécutoires les dispositions contenuesdans ces projets.

6. Des ordonnances spéciales détermine-ront les attributions du gouverneur généralet du conseil , ainsi que l'organisation del'administration civile , celle de la justice etcelle des finances.

L'administration de l'armée et celle de lamarine demeurent soumises aux lois et or-dormances qui les régissent.

Louis-PHILIPPE.

Art. x er. Dans les possessions françaises dunord de l'Afrique , la justice est administréeau nom du roi, par des tribunaux français etpar des tribunaux indigènes, suivant les dis-tinctions établies par la présente ordonnance.

2. Les juges français et indigènes sont nom-més et institués par le roi.

Ils ne peuvent entrer en fonctions qu'aprèsavoir prêté serment.

Leurs audiences sont publiques au civilcomme au criminel, excepté dans les affairesoù la publicité sera jugée dangereuse pourl'ordre ou les moeurs.

Leurs jugemens sont toujours motivés.

229

SECTION PREMIÈRE. - Des Tribunaux franpais.

3. Dans chacune des villes d'Alger, deBone et d'Oran , il y a un tribunal de pre-mière instance, un tribunal de commerce àAlger, et un tribunal supérieur siégeant dansla même ville.

4. La juridiction des tribunaux d'AlgerBone et Oran , s'étend sur tous les territoiresoccupés dans chacune de ces provinces jus-qu'aux limites qui seront déterminées par unarrêté spécial du gouverneur.

Le ressort du tribunal supérieur embrassela totalité des possessions françaises dans lenord de l'Afrique.

5. Le tribunal de première instance d'Al-ger se compose :

De deux juges,D'un substitut du procureur général du roi,D'un greffier et d'un commis greffier.6. L'un des deux juges du tribunal de pre-

mière instance d'Alger conne de toutes lesmatières civiles. Il juge en dernier ressort lesdemandes qui n'excèdent pas -2,000 fr. de re-venu, et à charge d'appel toutes les autresactions.

'eoLe second juge connaît en dernier ressort

de toutes' les contraventions et délits correc-tionnels.

H dit aussi chargé de l'instruction des af-faires criminelles.

7. Ces deux jutes remplissent, chacun se-lon la . natiire de ses attributions , les diversesfonctions que les lois confèrent, en France ,aux juges 'de Taik.

Mais l'appel des jugemens qu'ils rendentn'est reçu que dans les limites établies *parl'artkle précédent.

8. Les deux juges du tribunal deprerniehinstance d'Alger se suppléent récipréqileinentdans tontes . leurs fon ctions.

9. Les tribunaux. de première instance deI3one et d'bran sont composés . chaciin 'd'unjuge , d'un suppléant, d'un substitut' du Éit_curenr général du roi , et d'un greffier.

'Dans chacIn de 'ces . àiétes, le jitge'réhnitles attributions énuMérées dans 6'et7de' la pr.éiente ordondânce.

1 -coknait . en. 'mitre dés :a ffaii'és 'deer'çe ,.et aiite rac4titin admise 'par i'ar-

ticle 3g ci-après ., il jugé 'en'dêFriier ressortles Pré;ienus de ântràVexitions , délits 'Oude crimes contre lesquels la loi ne editeISàs

231

une peine supérieure à celle de la réclusion.Il connaît, à la charge d'appel, des autres

crimes.1 o. Le tribunal de commerce d'Alger se

compose de sept notables négocians nomméschaque année par le gouverneur, qui désigneen radine temps le président.

Ils sont indéfiniment rééligibles.Us ne peuvent rendre de jugemens qu'au

nombre de trois.Un greffier est attaché à ce tribunal , dont

le président et les juges ne reçoivent ni trai-tement ni indemnité.

. Le tribunal supérieur d'Alger est com-posé :

"D'un président et de trois juges ,'D'un procureur général 'du roi ,D'un substitut ,D'un greffier et d'un commis greffier asser-

mentés.connaît de l'appel 'des jugemens rendus

en premier ressort. par les tribunaux. de pre-mière instanceede commerce.

Il ne•pourra juger qu'au nombre de troisjuges au moins.

Le 'tribunal isupérieur , constitué' entribut/il criminel , juge les. 'appels , en matière

232correctionnelle, toutes les affaires qui seraientportées, en France, devant les cours d'assises,ainsi que les appels des jugemens d'Oran etde Bone mentionnés en l'art. 9 ci-dessus.

Dans ces cas, les magistrats doivent néces-sairement siéger au nombre de quatre.

Trois voix sont requises . pour qu'il y aitcondamnation.

13. Le procureur général exerce auprès detous les tribunaux les attributions du minis-tère public en France.

Ses substituts exercent sous sa directionimmédiate les mêmes attributions prés du tri-bunal auquel ils sont attachés.

14. Chaque année , le gouverneur, aprèsavoir pris l'avis du président du tribunal su-périeur et . du procureur général , désigne ,par un arrêté spécial, ceux . des juges qui doi-vent composer les divers tribunaux.

Il désigne également celui des juges du tri-bunal de première instance d'Alger qui con-naît des affaires civiles, et celui qui est chargédes affaires correctionnelles. et de police ainsique de l'instruction des affaires criminelles.

En cas d'empêchement d'un juge , il estsuppléé par un autre juge désigné par le pré-sident du tribunal supérieur , et à Oran et à

233Bone par le juge suppléant attaché au tribu-nal de chacune de ces deux villes.

15. Chaque année , le procureur général ,par un arrêté spécial , fait la distribution duservice entre les substituts et désigne le tribu-nal près duquel chacun d'eux doit exercer sesfonctions.

Expédition de cet arrêté est immédiate-ment transmise au gouverneur.

Cette distribution du service ne fait pasobstacle à ce que le gouverneur et le procu-reur général, quand ils le jugent nécessaire,changent les attributions et la résidence desjuges et des substituts. Ils conservent respec-tivement à toute époque de l'année le droitde modifier le roulement.

16. En cas d'absence ou d'empêchementd'un des juges du tribunal supérieur, il seraremplacé de droit par un des juges du tribunalde première instance d'Alger.

17. Les greffiers pourront être supplééspar les commis assermentés désignés par eux,et au besoin par un des notaires de la rési-dence désigné par le tribunal.

18. Il est attaché aux tribunaux français ,pour les assister ou siéger avec eux dans lescas déterminés au titre suivant, des assesseurs

234

musulmans, au nombre de quatre pour Algeret de deux pour chacune des villes de Boneet d'Oran.

Ces assesseurs sont nommés par le gouver-neur.

19. Des interprètes assermentés sont spé-cialement attachés au service des divers tri-bunaux et répartis selon les besoins, par ar-rêté du gouverneur.

20. Les juges, les suppléans, le procureurgénéral et ses substituts doivent réunir toutesles conditions d'aptitude requises en Francepour exercer les mêmes fonctions.

21. Les juges des tribunaux d'Alger, deBone et d'Oran, portent le costume des ju-ges de première instance de France.

Le costume du président du tribunal supé-rieur et du procureur général est le mêmeque celui des conseillers des cours royales enFrance.

22. Le traitement du procureur-général etdu président du tribunal supérieur est fixé à12,000 fr.

Celui des juges et du substitut du procureurgénéral à 6,000 fr.

Celui des suppléans à 3, 000 f.Ces divers traitemens ‘subissent la retenue

235 .

établig en. favetir de la caisse des retraites.Les services en Afrique sont comptés, pour

les droits à la retraite, comme s'ils avaient étérendus. en France.

23. Le traitement des greffiers est fixé ainsiqu'il suit :

Greffier du tribunal supérieurd'Alger 4, 000 fr.

Commis-greffier assermenté. . 2,000Greffier du tribunal de première

instance d'Alger. 41009Commis-greffier assermenté. Greffiers des tribunaux de pre-

mière instance de Bone et d'Oran,chacun .. 3,000

Greffier du tribunal de com-merce d'Alger 4,090

Moyennant les allocations ci-dessus , le per-sonnel et le matériel des greffes demeurent àla charge des greffiers , sauf le papier timbré,qui leur est remboursé par le trésor royal. Lesdroits de greffe et d'expédition fixés par lestarifs de France sont perçus au profit du do-maine.

24. Il est alloué aux assesseurs nommés enexécution de l'art. 18 ci- dessus des droits deprésence fixés par un tarif spécial du gouver-

236fleur pour toutes les affaires au jugement des-quelles ils participent.

SECTION H. - Des Tribunaux indigènes.

25. Les tribunaux musulmans sont main-tenus.

Les muphtis et les cadis sont nommés etinstitués par le roi, ou, en son nom, par legouverneur. Ils reçoivent un traitement del'état. La qtiotité en sera ultérieurement fixéesur la proposition du gouverneur.

26. Le gouverneur institue également, par-tout où il le juge nécessaire , des tribunauxisraélites composés d'un ou trois rabbins parlui désignés.

Leurs fonctions sont gratuites.

TITRE II. Compétence et Attributions desTribunaux français et indigènes.

27. Les tribunaux français connaissent detoutes les affaires civiles et commerciales en-tre Français , entre Français et indigènes ouétrangers, entre indigènes de religion diffé-rente , entre indigènes et étrangers entre

9,37

étrangers , enfin entre indigènes de la mémereligion quand ils y consentent.

28. Les tribunaux français civils et decommerce, pour le jugement de tout procèsdans lequel un musulman est intéressé, sontassistés d'un assesseur musulman pris à tourde rôle sur la liste dressée par le gouverneur,en exécution de l'art. 18 ci-dessus.

Cet assesseur a voix consultative ; son avissur le point de droit est toujours mentionnédans le jugement.

29. La disposition qui précède est appli-cable au tribunal supérieur toutes les fois qu'iljuge sur appel , tant en matière civile et com-merciale que correctionnelle.

3o. La compétence du tribunal de com-merce d'Alger, à raison de sa matière , estla même que celle des tribunaux de commercede France.

31. La loi française régit les conventionset contestations entre Français et étrangers.Les indigènes sont présumés avoir contractéentre eux selon la loi du pays , à moins qu'iln'y ait convention contraire.

Dans les contestations entre Français ouétrangers et indigènes , la loi française oucelle du pays sont appliquées selon la nature

238de l'objet du litige , la teneur de la conven-tion et , à défaut de convention, selon les cir-constances ou l'intention présumée des parties.

3z. Les tribunaux français connaissent detoutes les infractions aux lois de police et destireté, à quelque nation ou religion qu'ap-partienne ;

De tous les crimes ou délits commis pardes Fran.‘ais, des Israélites ou des étrangers ;

Des crimes ou délits commis par des mu-sulmans indigènes au préjudice des Français,d'Israélites ou d'étrangers.

33. Ils ne peuvent prononcer d'autres pei-nes que celles établies par le Code pénal. fran-çais.

34. En matière correctionnelle et crimi-■nelle , dans tous les cas où les tribunaux fran-çais reconnaissent des circonstances atténuan-tes, ils appliquent. l'article 463 du Code pénal.

Si le prévenu est un indigène et si le fait àlui imputé n'est, ni prévu, ni puni par la loidu pays, les tribunaux français peuvent mo-dérer indéfiniment la peine , et même ren-voyer le prévenu absous.

35. Toutes les fois qu'un musulman est misen jugement comme coupable ou compliced'un délit ou d'un crime , le juge français est

239

assisté d'un assesseur musulman ayant voixconsultative, comme il est prescrit en matièrecivile par l'article 28 ci-dessus.

Cette disposition est applicable au juge-ment sur appel.

36. Quand le tribunal supérieur est consti-tué en tribunal criminel et qu'il est appelé àprononcer sur un musulman, il s'adjoint deuxassesseurs qui ont voix délibérative sur la dé-claration de culpabilité , et voix consultativeseulement sur l'application de la peine.

Dans le premier cas, les deux tiers desvoix sont nécessaires pour reconnaître la cul-pabilité; il en faut trois pour l'application dela peine , ainsi qu'il est dit à l'article r 2 ci-dessus.

37. Demeure réservée aux conseils deguerre, la connaissance des crimes et délitscommis en dehors des limites telles qu'ellesauront été déterminées en exécution de l'ar-ticle 4.

Par un indigène au préjudice d'un Fran-çais ou d'un Européen ;

2° Par un indigène au préjudice d'un autreindigène , alors seulement que le fait à punirintéresse la souveraineté française ou la sfi -reté de l'armée ;

24p

3° Par un Français' au préjudice d'un in-digène.

38. La compétence et les attributions descadis et des autres tribunaux musulmans sontmaintenues.

Les cadis continuent à constater et rédigeren forme authentique les conventions danslesquelles les musulmans sont intéressés.

39. Les musulmans indigènes , prévenusde crimes ou délits contre la personne ou lespropriétés d'autres musulmans aussi indigè-nes , sont jugés par le cadi ou les autres jugesdu pays , selon la loi et les formes suivies jus-qu'à ce jour.

Néanmoins aucun jugement de condamna-tion ne peut être mis à exécution qu'aprèsavoir été revêtu du visa du procureur géné-ral, à Alger , et de son substitut à Bone ou àOran.

L'exécution a lieu , dans tous les cas , pardes agens spéciaux de la force publique; insti-tués ou agréés par le procureur général.

4o. Dans le cas de l'article précédent, le.prévenu, le substitut du procureur général etle procureur général lui-même peuvent inter-jeter appel de la décision du cadi. Le tribu-nal supérieur la réforme , s'il y a lieu , mais

241

seulement lorsque le fait qui a provoqué lapoursuite est prévu par la loi française.

41. Si le cadi néglige ou refuse de pour-suivre , le tribunal supérieur peut, d'office,ou sur le réquisitoire du procureur général ,évoquer la poursuite desdits crimes ou délits.

Dans ce cas , comme dans celui de l'articleprécédent, le tribunal supérieur applique laloi du pays; il doit appliquer la loi française,si elle prononce une peine moindre.

42. Les jugemens rendus par le cadi , lors-que la partie condamnée ne les exécute pasvolontairement et à l'instant, sont, ainsi queles actes civils qu'il reçoit, écrits en doubleminute et signés tant du cadi que des assesseurset des parties, quand il y a lieu, sur un re-gistre spécial dont le dépôt est, tous les troismois, effectué sans frais au greffe du tibunalsupérieur.

Il n'est point dérogé , par cette disposition,aux autres obligations que la loi ou la coutumeimposent aux cadis.

43 . Les tribunaux israélites connaissent endernier ressort :

i° Des contestations entre Israélites , con-cernant la validité ou la nullité des mariageset répudiations selon la loi de Moïse ;

2422° Des infractions à la loi religieuse , lors-

que , d'après la loi française , elles ne consti-tuent ni crime, ni délit, ni contravention.

Ces tribunaux concilient les Israélites quise présentent volontairement et constatententre eux toutes conventions civiles.

Toutes autres attributions leur sont inter-dites , à peine de forfaiture.

Les dispositions de l'article précédent leurdemeurent applicables.

44. Tout jugement portant condamnationà la peine de mort, et prononcé , soit par lestribunaux français , soit par les tribunaux hi-digènes , ne pourra être exécuté sans l'autori-sation formelle et écrite du gouverneur.

45. Le gouverneur peut ordonner un sursisâ l'exécution de tonte condamnation quel-conque.

Le droit de faire grâce n'appartient qu'auroi.46. Le recours en cassation est ouvert aux

parties, mais seulement contre les jugemensdu tribunal supérieur.

Il est formé et suivi d'après les réglemensen vigueur pour les possessions françaises horsdu territoire continental.

Toutefois, le pourvoi ne pourra être formé,en matière criminelle et correctionnelle, que

243lorsque le condamné se sera préalablementconstitué.

TITRE in. De la Procédure devant les Tribunaux.français et indigènes.

47. Tontes les instances civiles sont dis-pensées du préliminaire de la conciliation.Les juges de première instance pourrontnéanmoins inviter les parties à comparattreen personne sur simple avertissement.

Quand un Musulman ou Israélite doit êtremis en cause , l'invitation sans frais précèdenécessa.irement l'assignation.

. 48. La forme de procéder en matière ci-vile ou commerciale devant les tribunaux fran-çais d'Afrique est celle qui est suivie en Francedevant les tribunaux de commerce.

On suit devant le cadi et les autres tribu-naux indigènes la procédure usitée dans lepays.

49. Le délai pour interjeter appel des ju-gemens contradictoires en matière civile etcommerciale est d'un mois à partir de la si-gnification à personne au domicile réel oud'élection. Ce délai est augmenté à raison desdistances, qui seront réglées par un arrêtédu gouverneur.

244A l'égard des incapables, ce délai ne pourra

courir que par la signification à personne ouau domicile de ceux qui sont chargés del'exercice de leurs droits.

L'appel des jugemens rendus par le cadi ,pour les formes et le délai dans lequel il doitêtre interjeté reste soumis à la loi et auxusages du pays.

Dans aucun cas , l'appel ne sera reçu nicontre les jugemens par défaut , ni contre lesjugemens interlocutoires, avant le jugementdéfinitif.

5o. En matière correctionnelle ou de sim-ple police , le tribunal est saisi par le minis-tère public , soit qu'il y ait eu ou qu'il n'y aitpas eu instruction préalable, ou directementpar la citation donnée au prévenu à la requêtede la partie civile.

S'il y a eu instruction , le juge remet lespièces au procureur général ou à son substitut,qui reste le maître de ne pas donner suite àl'affaire ou de saisir le tribunal correctionnel.

5i. Le juge d'instruction statue, le minis-tère public entendu, sur les demandes de miseen liberté provisoire.

5z. Si, après l'envoi des pièces de l'in-struction par le juge d'instruction au procu

245reur général, celui-ci est d'avis qu'il y alieu de traduire l'accusé devant le tribunalsupérieur faisant fonctions de tribunal cri-minel, il dresse l'acte d'accusation et de-mande au président l'indication d'un jourpour l'ouverture des débats. L'ordonnance dujuge et l'acte d'accusation sont signifiés à l'ac-cusé , auquel toutes les pièces de la procéduresont communiquées sur sa demande.

Le procureur général peut également ,dans le cas de crime, sans instruction préa-lable, saisir directement le tribunal supérieur.

53. La forme de procéder en matière cri-minelle , correctionnelle et de police , ainsique les délais et les formes de l'appel, dansles cas où il est autorisé, sont réglés par lesdispositions du Code d'instruction relatives àla procédure devant les tribunaux de policecorrectionnelle.

TITRE IV. - Juridiction administrative.

54. Le conseil d'administration, établi prèsdu gouverneur, statue sur toutes les matièresdont la connaissance est, en France , dévolueaux conseils de préfecture.

Il connaît également des actes d'admini-,stration attribués en France au Conseil d'état.

246tes Mêmes formes d'instructions sont oly-

servées.55. les arrêtés• du conseil pourront être

déférés au conseil d'état, mais ils seront, danstous les cas, provisoirement exécutoires.

Néanmoins, en ayant égard aux circon-stances, le gouverneur pourra d'office , ousur'là demande des parties intéressées , sus-pendre l'exécution jusqu'à décision définitive.

56. Dans le cas où le gouverneur peut pro-noncer seul, ses arrêtés ne seront sujets à aucunrecours, sauf toutefois les actions devant lestribunaux .ordinaires, dans les matières deleur compétence.

57. 'Lorsque l'autorité administrative élèvele Coriflit 'd'attribuions, il est jugé en dernierressôrt parle conseil réuni sous" la présidenceilu gouverneur, auquel est adjoint un nouveaumembre de l'ordre judiciaire.

TITRE 'V. - Dispositions particulières.

58. 'route citation ou notification faite àun indigène en Matière civile ou criminellesera , à peine de ntillité , accompagnée 'de latradijetion en langue arabe .' .faite et cerefiéepar un interprète assermenté.

'247Sq. Scinélbstatit toutes lés -disposititiiii des

lois, les nullités d'exploits et actes de procé-dure seront facultatives pour le juge , quipourra, selon les circonstances, les accueillirou les rejeter.

.60. tout 'jugement portant condainnatidnau paiement d'une - somme d'argent ou .à ladélivrance de valeurs ou objets mobiliers,pourra, lors de sa prononciation, être déclaréexécutoire par la voie de `la contrainte parcorps.

Il n'est rien innové- aux' règles de l'eXécu-tien des jugemens 'en matière Commerdiale.

6i. Seront tenus tous les fonctionnairesmusulmans ou israélites, dans l'ordre judi-ciaire iou administratif, et tous agens de laforce publique mis à leur disposition spéciale,de prêter assistance à l'autorité française pourla recherche ou constatation des crimes oudélits, comme aussi pour la mise à exécutiondes mandemens de justice et des jugemensrendus par les tribunaux français.

62. Un réglement du gouverneur détermi-nera les conditions d'admission aux profes-sions ou fonctions de défenseurs près lestribunaux, notaires, huissiers , commissaires-priseurs, ainsi que les règles de discipline

248auxquelles les individus qui les.exercent sont

Asiujétis.7 Toutes les dispOSitimia des arlètéi ou„Oglèniens."publiés depuis le 7 juillet 183omir l'organisation et l'administration de lajustice ,. cesseront d'avoir leur effet à compterdujour de la mise. à exécution de la 'présenteordonnancé, .

64. *Notre . ministre secrétaire-d'état au dé-, partemeU f de la guerre, président du conseil,et nôtre garde—des-sceaux ,. ministre secré-taire d'état de la justice et des cultes , sontchargés, chacun en ce qui le concerne, dei'eiécution de la présente ordonnance.

Donné à Paris, le i o acifit z 834.

LOUIS-PRILIPPe