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Demeter 145 L’Afrique : quelles stratégies de sécu rité alimentaire ? L’Afrique : quelles stratégies de sécurité alimentaire ? Enjeux et prospective par Monsieur Michel Benoit-Cattin, chercheur et Monsieur Nicolas Bricas, chercheur CIRAD / UMR MOISA / Montpellier 

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L ’ A f r i qu e : qu e l l e s s t r a t é g i e s de s é c u r i t é a l i m e n t a i r e ?

L’Afrique :

quelles stratégies de sécurité alimentaire ?

Enjeux et prospective

par Monsieur Michel Benoit-Cattin,chercheur

et Monsieur Nicolas Bricas,chercheur 

CIRAD / UMR MOISA / Montpellier 

7/23/2019 Afrique Quelles Strategies de Securite Alimentaire Enjeux Et Prospective 0

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L ’ a g r i c u l t u r e , c h a m p g é o p o l i t i qu e du X X Ie  s i è c l e

1. INTRODUCTION ÀL’AFRIQUESUBSAHARIENNE

1.1. Une mosaïque de payset d’organisations

L’Afrique subsaharienne est un immesous-continent, hétérogène et cloisonEn incluant les îles et depuis la partitionSoudan, elle rassemble 49 pays, certaminuscules et d’autres très grands comle Nigeria et l’Afrique du Sud. Les donnutilisées ici excluent les pays insulaires et pfois certains États pour lesquels les chiffressont pas disponibles.Hormis l’Éthiopie, tous ces pays ont été conisés par la France, l’Angleterre, le Portula Belgique ou l’Allemagne et ceci contrià leur diversité culturelle, linguistique, vopolitique. Deux grandes aires linguistiquculturelles et parfois idéologiques peinencore à coexister : l’une est dominée la langue anglaise et par une certaine vis« anglo-saxonne  » de l’économie et des sotés, l’autre est dominée par la langue françet une vision différente. On retrouve souven Afrique une opposition rappelant cexistant entre Europe du Nord et du SL’émancipation des pays lusophones a plus tardive et a fait suite à de longues gued’indépendance contre le Portugal. Elle

sont achevées en 1974, avec la « révolutionœillets  ». Cela a pu conduire au pouvoir leaders plus enclins au commandement la hiérarchie qu’au dialogue social.Les aléas de la colonisation du sous-connent ont établi des territoires aux découpaplus ou moins pertinents. Afin de limiterconflits potentiels, le principe d’intangibides frontières « héritées de la colonisatioa été posé lors des indépendances. Maisincohérences entre territoires nationaux , aque la réalité des territoires locaux et de le

populations demeurent à l’origine de nobreuses tensions à l’intérieur des pays comentre pays. Un certain nombre d’organtions inter-étatiques ont été mises en plpour essayer de transcender ces difficultépermettre des espaces régionaux plus ouveLà encore, le résultat est assez complexe. zones économiques, monétaires et douanise superposent plus ou moins et ceci co

optimistes. Non ou alors très difficilement,déploreront les afro-pessimistes. Nous vou-drions proposer ici un point de vue sur cesdifférentes questions, en mobilisant au mieuxl’information disponible et, d’autre part, enl’évaluant à l’aune de nos expériences person-nelles.Les données disponibles sur l’agriculture etl’alimentation à l’échelle des pays proviennentdes bases de données de la FAO et elles ontété actualisées courant novembre 2011 1. Desséries sur les productions y sont disponiblesdepuis 1961. Les séries sur l’alimentationsont plus récentes. Sachant que ces donnéessont, à la base, fournies par les services sta-tistiques des États, eux-mêmes très démunis,des doutes peuvent être émis sur leur fiabilité.Malgré les efforts faits au sein de la FAO pourproduire des informations cohérentes entre

elles, il importe de manipuler ces chiffres avecprécaution. Pour notre part, compte tenu dela longueur des séries disponibles, nous avonsprivilégié la mise en évidence de tendancesplutôt que la comparaison de valeurs abso-lues. Autrement dit, plus qu’au niveau de laration alimentaire, c’est à son évolution quenous sommes sensibles. Par ailleurs, vu lenombre de pays et la qualité inégale des don-nées fournies, les comparaisons entre payssont délicates et fastidieuses. Pour compenserces difficultés, nous essaierons de mettre enévidence des tendances évolutives moyennespour l’ensemble du sous-continent et pourdes regroupements de pays similaires, iden-tifiés par les techniques statistiques de clas-sification automatique. Au-delà de la compi-lation de ces données, nous ferons état de ceque nous avons appris et compris aussi bienen parcourant villes et campagnes africainesqu’en participant à une grande diversité derencontres locales comme internationales.Une fois le diagnostic de la situation agricoleet alimentaire posé, nous essaierons de rendrecompte des enjeux et des incertitudes concer-

nant la production, la consommation et lesfilières alimentaires du sous-continent.

INTRODUCTION

La situation alimentaire de l’Afrique subsa-harienne retient l’attention essentiellement àl’occasion de situations de crises. Ces crisespeuvent être urbaines, comme lors des évé-nements de 2008 qualifiés d’émeutes « de la

 faim  », ou correspondre à des situations defamine suite à des épisodes de sécheresse,parfois dans des contextes de guerres civiles.La dernière en date concerne la région diteCorne de l’Afrique , où la famine et la guerreen Somalie chassent des populations versl’Éthiopie, alors que le Kenya intervientmilitairement. Pour soutenir l’émotionsuscitée par ces informations, des tableauxd’ensemble sur le nombre de « sous-nutris   »ou sur la mortalité infantile sont réguliè-rement publiés. Au-delà de l’émotion légi-

time, ces faits renforcent l’inquiétude quantaux vagues d’immigration qui pourraienten résulter. Les responsables des pays richesne peuvent pas ne pas tenir compte de leursopinions publiques : des opérations d’inter-vention d’urgence largement médiatiséessont organisées, ainsi que de grandes confé-rences internationales débouchant sur desdéclarations générales, mais rarement plus.

 À ces occasions, des jugements sur la dégra-dation de la situation alimentaire peuventêtre portés, complétés par des déplorationssur l’abandon de l’agriculture vivrière qui

conduirait l’Afrique – en particulier ses villes– à se nourrir grâce aux importations. Dessolutions simples sont parfois avancées pouraugmenter la production grâce aux variétésaméliorées et aux engrais. De leur côté, lesresponsables des pays africains ne restent pasinactifs car assurer l’alimentation des popu-lations, en particulier urbaines, est nécessairepour se maintenir au pouvoir. Par ailleurs, lescauses de tensions et de conflits entre régionset entre pays sont nombreuses : depuis lesindépendances, les initiatives d’unions régio-

nales et continentales ont été promues pardes leaders ayant des visions panafricaines,sachant que la sécurité alimentaire et le déve-loppement de l’agriculture sont inscrits àl’agenda de ces organisations.Dans un contexte international où les paysriches sont de plus en plus handicapés parleur crise économique, il est probable quel’Afrique subsaharienne devra compter deplus en plus sur elle-même pour progresser.Mais le peut-elle ? Oui, soutiendront les afro- 1. FAO, 2011.

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les avantages comparatifs dans les échangmondiaux, la baisse des droits de douane pltôt que le protectionnisme, etc. Dans le caddes plans d’ajustement structurel (PAS), lmoyens financiers et institutionnels du sytème antérieur ont été quasi anéantis : d’odavantage de liberté pour les acteurs privémais moins de soutien aux petits produteurs. La vulgarisation agricole a disparu, lprix sont devenus incertains, les intrants plcoûteux, sinon inaccessibles et la recherchagronomique a périclité. Par contre, les machés ruraux se sont rapidement développédes opérateurs privés ont pris en charge collecte, la circulation et la vente des produialimentaires produits localement ou impotés. Les organisations de producteurs ont pse développer avec le soutien des bailleude fonds et des organisations non-gouve

nementales (ONG). Certaines défendenles intérêts des producteurs engagés dans lfilières d’exportation, d’autres promeuvent modèle de l’agriculture familiale et son corolaire que serait la souveraineté alimentairmais toutes sont de plus en plus associées la définition des politiques agricoles. Un sytème agro-alimentaire décentralisé plus réatif, associant secteurs formel et informel, s’emis en place et a su assurer l’alimentation dvilles en croissance rapide, tout en incitantdes gains de productivité.

1.3.3. Le NEPAD et l’agricultureLe New partnership for Africa’s developme(NEPAD) est un plan de développemend’inspiration très libérale, approuvé pl’OUA en 2001. Depuis le sommet des ched’État réuni en 2003 à Maputo, le Programmdétaillé pour le développement de l’agricultuafricaine  donne la priorité politique – poutout le continent, dans le cadre de l’Unioafricaine et du NEPAD – au développemende l’agriculture et ceci avec des objectifs dcroissance de 6 % et des investissemen

publics à hauteur de 10 % des budgets nationaux 4. Il faut noter que ce choix panafricaréaffirmé est bien antérieur au rapport de Banque mondiale de 2008 sur L’agricultuau service du développement  qui réhabilite rôle de l’agriculture dans le développement la réduction de la pauvreté 5.

développement administré, sous l’impulsiondu jeune État et de ses cadres nationalistes aété mis en place. Des sociétés d’État y sonten charge des filières agricoles, en particulierd’exportation, ainsi que du développementrégional. Concernant le contrôle des exporta-tions et des taxes ou des devises qu’elles rap-portent, les États ont installé soit des « marke-ting boards  », soit des « caisses  de stabilisation etde péréquation ». Ces dernières se distinguentdes premières car elles ne se substituent pasentièrement au secteur privé, même si ellesle contrôlent de près. Dans tous les cas, prixet débouchés sont garantis aux producteurs,alors que financements et subventions auxintrants sont fréquents. Des offices céréaliersont le monopole de la circulation et du com-merce des céréales locales et des importations,avec des prix garantis. La modernisation de

l’agriculture est conduite dans le cadre deprojets plus ou moins sectoriels ou intégrés,de durée déterminée, soumis à évaluationsex ante  comme ex post  et bénéficiant de finan-cements internationaux et bilatéraux. Touteune génération de paysans et de cadres tech-niques a vécu dans et de ce système durantune vingtaine d’années, mais son influences’estompe avec le temps.

1.3.2. L’ajustement structurelcontre le Plan de Lagos

S’inscrivant dans une dynamique panafri-caine au sein de l’Organisation de l’Unitéafricaine (OUA 2), les chefs d’État avaientvalidé en 1980 un Plan d’action pour ledéveloppement économique de l’Afrique 1980– 2000 , dit Plan de Lagos , au sein duquell’objectif de l’auto-suffisance alimentaire étaitcentral. Mais, suite aux difficultés macro-éco-nomiques rencontrées par de nombreuxpays dans les années quatre-vingts, des plansd’ajustement structurel ont été imposés parle Fond monétaire international (FMI) et laBanque mondiale, avec leurs conditionna-

lités et leurs corollaires de privatisation dedésengagement des États. Une alternative auPlan de Lagos  a été proposée par la Banquemondiale, dans un rapport intitulé Pour undéveloppement accéléré au sud du Sahara , plusconnu sous le titre de rapport Berg  du nom deson principal auteur, un professeur d’écono-mie de l’université du Michigan 3.Ceci a nourri de nombreux débats et contro-verses car la référence pour l’agriculturen’était plus l’auto-suffisance alimentaire, mais

plique la coordination des politiques, entravela mobilité des personnes et contribue aucloisonnement des marchés.

1.2. Des conditions agricolesgénéralement défavorables

L’Afrique présente une grande hétérogénéitéde milieux, qui correspond assez bien à l’iné-gale répartition des populations dans l’espace.Les milieux naturels vont du désert aux forêtséquatoriales extrêmement humides, en pas-sant par les savanes, les plateaux d’altitude,etc. Les densités de population s’étalent dequasiment zéro à plus de 1 000 habitants parkilomètre carré. Pour des raisons de disponi-bilité en eau et en ressources alimentaires, lesdensités sont très faibles dans les zones déser-tiques, mais aussi – pour des raisons essen-tiellement sanitaires – dans les zones les plus

arrosées et couvertes de forêts.Dans ce double contexte, humain et biolo-gique, les performances et les potentialités dessystèmes productifs, eux-mêmes très divers,varient fortement. Les conditions pédo-cli-matiques sont en général peu favorables àl’agriculture : il y a trop d’eau ou pas assez, lamatière organique des sols se décompose trèsvite, les parasites ne sont pas contenus par desépisodes de froid. De nombreuses parasitosesaffectent les hommes comme les animaux.Cependant, la température est plus modérée

dans les zones d’altitude et la pluviométriemieux répartie, sans être surabondante dansla zone des savanes.

1.3. Les grandes orientationspolitiques concernantl’agriculture et l’alimentationdepuis les indépendances

 Au-delà du grand clivage déjà mentionnéentre la tradition anglo-saxonne et les autres,il faut souligner – concernant la vision et lamise en œuvre du développement écono-

mique et agricole – l’existence de grandesphases communes à de nombreux pays, qu’ilsaient opté pour un camp ou l’autre, voirepour le non-alignement, à l’époque de laguerre froide.

1.3.1. Le développement administrédes pays nouvellementindépendants

Dans les pays ayant accédé à l’indépendancedans les années soixante, un processus de

2. Depuis, l’OUA a été remplacée par l’Union africaine (UA3. Berg, 1981.4. CAADP, 2011.5. World Bank, 2007.

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dans un domaine dominé par le sectinformel. Mais la FAO établit aussi dep1990, par période de trois ans et pour chapays, des niveaux de malnutrition ou pourcentages de personnes sous-alimendans la population totale 6. Pour l’ensem

de l’Afrique subsaharienne, le ratio aubaissé de 31 % sur la période 1990 – 19927 % sur la période 2003 – 2006 : une élution à comparer à la baisse de 16 à 13enregistrée en moyenne mondiale duranmême temps ou à celle de 20 à 15 % calcupour l’ensemble de l’Asie. De plus, les dnées nationales montrent qu’un petit grode pays a vu stagner le disponible moyen tête et augmenter la malnutrition : BotswaBurundi, Gambie, Liberia, Madagascar, Tzanie, Swaziland et Zambie 7.

2. UN DIAGNOSTIC MESURÉ

2.1. Une situationalimentairequi ne se dégrade pas

D’après les données de la FAO dont lesséries remontent jusqu’aux années soixante,la situation alimentaire moyenne, expriméeen kilo-calories disponibles par personne etpar jour, a progressé dans toutes les régionsdu monde (Graphique 1). L’Asie a dépassél’Afrique vers 1980 et laissé celle-ci en bas del’échelle, mais sur une tendance soutenue àl’amélioration malgré le délaissement poli-tique et économique que connaîtrait l’agri-culture vivrière au moins depuis cette date.

Les disponibilités alimentaires   résultent de

la production locale, complétée par le soldedes échanges extérieurs et l’aide alimentaire :autrement dit des postes difficiles à établir

La mise en œuvre de cette politiquecontinentale se fait au niveau des grandesrégions économiques, telle la Communautééconomique des États de l’Afrique de l’Ouest  (CEDEAO), puis au niveau des États, dansle cadre de programmes nationaux d’inves-tissements agricoles. À l’échelon national,toutes les parties prenantes, y compris lesorganisations de producteurs, sont impli-quées dans l’élaboration des plans d’inves-tissements. Les études sont prioritairementet essentiellement réalisées par des expertslocaux et continentaux, à la différence decelles promues par les bailleurs de fondsqui sont traditionnellement confiées à l’ex-pertise internationale. Un remarquable siteinternet (resakss.org ) permet de suivre lamise en place de ces plans et de partagerl’information disponible de façon interac-

tive.

Europe

Amérique du Nord

Amérique du Sud

Afrique

Asie

Graphique 1Évolution des disponibilités alimentaires

(en kilocalories disponibles par personne et par jour – Source : FAOSTAT)

6. Ces données sont publiées chaque année dans les Stafood insecurity (SOFI).7. FAO, 2011.

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L ’ A f r i qu e : qu e l l e s s t r a t é g i e s de s é c u r i t é a l i m e n t a i r e ?

1975 :

65 1980 : 61

1982 : 69

Série 1

1989 : 771998 : 80

2007 : 97

2009 :114

1975 :

40

1982 : 46

1986 : 52 Série 2

1992 : 62

1998 : 78

2009 : 116

1975 :

74

1981 : 86

Série 3

1990 : 97

1995 : 91

1996 : 97

2005 : 1012009 :

98

40

50

60

70

80

90

100

110

120

1975 1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008

1975 : 103Série 1

1984 : 91

1994 : 88 2002 : 97

2009 : 105

1975 : 69Série 2

1983 : 60

1990 : 73

1999 : 952009 : 97

1975 : 163

1980 : 135

1981 : 145

Série 3

1987 : 129

1992 : 1131999 : 107

2005 : 101

2009 : 97

50

60

70

80

90

100

110

120

130

140

150

160

170

1975 1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008

Graphique 2Croissance des productions alimentaires par groupes de pays

(Base 100 : 2004 – 2006 – Source : Indices FAOSTAT)

Graphique 3Tendances des productions alimentaires par tête pour trois groupes de pays

(Base 100 : 2004 – 2006 – Source : Indices FAOSTAT)

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une tendance ascendante depuis le début années quatre-vingts (en vert ) et – au mopour ces cinq pays d’Afrique de l’Ouest, dle Nigeria – il n’apparaît pas d’impact négde l’ajustement structurel.

 Afin de mettre en interaction les disponibpar tête, les productivités du travail et dterre pour les productions alimentairesfaut utiliser une unité commune de mesuà savoir la kilocalorie 8. Il est possible d’alyser les niveaux et l’évolution de la prodtivité du travail agricole en utilisant les sérplus ou moins complètes, de valeur ajoupar actif exprimée en dollars constants b2000, publiées par la Banque mondiale 9. tendances sont probablement significatimais il faut se souvenir que la notion dtif n’est pas uniforme, qu’elle inclut tou

les activités agricoles au sens large, y copris l’élevage, la forêt et la pêche, et qu

progresse moins rapidement et le troisièmegroupe (en rouge ) connaît un net plafonne-ment de la production alimentaire. Mais cesperformances doivent être pondérées par lacroissance démographique.

Selon les indices, la production alimentaireafricaine par tête se serait dégradée à partirdes années soixante jusqu’au début des annéesquatre-vingts, puis elle aurait augmenté pouratteindre son niveau actuel, le plus élevé.Cette progression devrait tempérer les opi-nions négatives sur l’impact des politiquesd’ajustement structurel, mais la comparai-son et le rapprochement des trajectoires despays conduit à relativiser ce résultat global(Graphique 3). Trois groupes de pays doiventen effet être distingués selon leur évolutionentre 1975 et 2009. Les plus nombreux sont

ceux qui, depuis les années quatre-vingt-dix,ont retrouvé et dépassé leur niveau initial (en jaune ). Un autre groupe important a vu saproduction alimentaire par tête décroître for-tement jusqu’aux années deux mille, puis sestabiliser (en rouge ). Le dernier groupe est sur

2.2. La production alimentaire :des progrès non négligeables

Pour ne pas entrer dans le détail de l’évolu-tion des principales cultures alimentaires,de leurs superficies et de leurs rendements,nous allons utiliser les indices de produc-

tion alimentaire établis par la FAO : indicesde production nette et indice par tête (base100 sur la période 2004 – 2006) entre lesannées 1975 et 2009. Contrairement auxidées reçues, ces indices révèlent que la crois-sance de la production alimentaire est sou-tenue en Afrique depuis 1975 et tout à faitanalogue à celle observée en Asie et Amé-rique du Sud, alors qu’elle est beaucoup plusmodeste en Amérique du Nord, en Australieou en Nouvelle-Zélande et qu’elle plafonneen Europe.

Comme le montre le Graphique 2 , les tra- jectoires de croissance des différents paysd’Afrique subsaharienne peuvent être répar-ties en trois groupes. La majorité des pays (envert ) suit une trajectoire identique à celle ducontinent, un deuxième groupe (en jaune )

1980 : 636Série 1 1995 : 712

2000 : 870

2005 : 962

1980 : 281 Série 2 1995 : 265 2000 : 2862005 : 279

1980 :

1 644

1983 : 1 201

Série 3

1989 : 2 069

1992 : 1 464

1995 : 1 573

2000 : 2 162

2005 :

2 610

0

500

1000

1500

2000

2500

1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004

Graphique 4Productivité du travail en agriculture

(en dollars constants par an et par actif, base 2000 – Source : ADI – World Bank 2011)

8. Benoit-Cattin and Dorin, 2009.9. World Bank, 2011.

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et agricoles ont diminué ou se sont stabilsées comme en Asie. Sur la période 1960 2010, la population urbaine a été multiplipar 9,5, comme résultat d’une croissancannuelle de 4,5 %. Un taux d’urbanisatioplus élevé que dans le reste du monde permà l’Afrique subsaharienne de se rapprochdu taux moyen mondial d’urbanisation. Cdernier serait aujourd’hui d’environ 50 %contre 37 % en Afrique subsaharienne, aloqu’en 1960, les pourcentages étaient respectvement de 33 et 14,6 % 11.

2.4. Une demande alimentairedécalée

L’urbanisation s’accompagne de changments dans les modes de consommatioalimentaire. Ils résultent à la fois d’un nouveau mode de vie et d’un approvisionnemevia les marchés, avec des revenus monétairaccrus. Jusqu’ici, l’approvisionnement almentaire des villes, y compris les grand

peut être agricole. Cependant, l’examende l’évolution des populations urbaines etrurales peut suffire pour montrer la spécificitédémographique de l’Afrique subsaharienne.Le Graphique 5   illustre ainsi la croissancesoutenue de l’ensemble de la population etl’amorce d’une transition démographique setraduisant par un ralentissement de l’aug-mentation par rapport à une tendance expo-nentielle. La croissance de la populationtotale s’est faite au taux moyen ajusté annuelde 2,7 % : soit une multiplication par 3,7entre 1960 et 2010.Malgré son taux de progression élevé, la crois-sance urbaine n’absorbe qu’une partie de lacroissance démographique. Les populationsrurales et agricoles continuent de croître defaçon exponentielle, mais à un taux qui seréduirait lentement. Entre 1960 et 2010, la

population rurale a été multipliée par 2,7,facteur résultant d’une croissance annuellemoyenne de 2,1 %. La population agricolen’est, elle, estimée que depuis 1980 et a crûdepuis cette date au taux de 2,2 %. Partoutailleurs dans le monde, les populations rurales

valeur ajoutée concerne ce même ensembled’activités qui déborde la seule productionalimentaire. Dans ce cadre, comme le montrele Graphique 4 , l’analyse des données surla période 1980 – 2005 et pour vingt-septpays 10 fait ressortir le niveau nettement supé-

rieur (en jaune ) atteint par l’Afrique du Sud :à environ 2 500 dollars par actif et par an, lechiffre est du même ordre de grandeur quecelui enregistré dans les pays d’Amérique duSud. Mais la grande majorité des pays (enrouge ) stagne autour des 250 dollars. Entre lesdeux, un petit groupe (en vert ) se distinguepar un niveau en croissance, se situant dans lamoyenne mondiale.

2.3. Une structuredémographique spécifique

Les notions de populations urbaine, rurale,agricole ou active ne sont pas définies defaçon homogène et stable et ceci rend diffi-cile estimations et analyses précises. Toute lapopulation rurale n’est pas agricole et, inver-sement, une partie de la population urbaine

10. Les autres ne sont pas renseignés.11. United Nations, 2011.

Graphique 5Croissance des populations urbaines et rurales d’Afrique subsaharienne entre 1950 et 2010

(en milliers de personnes – Source : Nations unies, 2011)

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Graphique 6Répartition du marché alimentaire urbain en valeur économique dans les huit capitales de l’UEMOA 

(En pourcentage – Source : Bricas 2012)

vis-à-vis des importations. Les données Fconcernant les importations et les expotions sont publiées en valeur courante. Pen suivre l’évolution, il est donc possiblerapporter la valeur des importations de pduits alimentaires au total des importatide chaque pays. Au niveau global, ce rade dépendance oscille en moyenne autde 10 % et il a tendance à baisser depuisannées quatre-vingt-dix. Au niveau des pil est très instable, en liaison avec l’instabdes volumes et des prix, mais il n’existe – en règle générale – de tendance à la dégdation.Néanmoins, tout dépend des recettes dportations disponibles : pour relativl’importance des importations alimentaiil est aussi possible de les rapporter àvaleur des exportations agricoles (Graphi

7 ). Dans les années soixante, les impotions alimentaires représentaient seulem30 % des exportations agricoles de l’Afrisubsaharienne. L’agriculture assurait lmentation directement et en finançant importations. Mais, dès 1993 puis durles années deux mille, l’agriculture ne

organisées pour approvisionner ces énormesmarchés. Le chiffre d’affaires des filières ali-mentaires locales est certainement beaucoupplus élevé que celui des filières d’exportationqui retiennent l’attention et l’intérêt des ana-lystes et des investisseurs privés ou publics.Or, on ne sait pratiquement rien du fonc-tionnement des filières qui approvisionnentles marchés urbains en céréales et tubercules.Comment sont-elles organisées ? Régulées ?Financées ? Quels sont leurs éventuels ver-rous technologiques pour assurer le lienentre une production dispersée, saisonnière,aléatoire et une consommation régulière,concentrée et de plus en plus exigeante enqualité ? Comment se transmettent les prix,se partage la valeur ajoutée ? Autant de ques-tions préalables à toute action publique sou-cieuse de promouvoir ces filières, ne serait-ce

que pour réduire le poids des importationsalimentaires.

La part des produits importés dans la consom-mation des ménages urbains, combinée à laforte croissance démographique conduit àsupposer une dépendance forte et croissante

capitales, a essentiellement été assuré par lesecteur informel et à partir des productionslocales plus ou moins proches. Pour les pro-duits importés, l’intervention du secteurformel de l’import-export s’impose, mais l’es-sentiel de la distribution reste assuré par lesecteur informel. Pour qui fréquente les villesafricaines, grandes ou petites, il est frappantde constater – du moins dans les situationsde paix civile – qu’il n’existe pas de pénuriealimentaire, que des millions de consomma-teurs sont chaque jour approvisionnés prèsde chez eux en produits frais ou transforméset qu’existent de multiples possibilités derestauration hors domicile, très fréquentéespour les repas de la mi-journée.Des enquêtes effectuées en 2008 dans lescapitales des huit pays constituant l’Unionéconomique et monétaire ouest-africaine  

(UEMOA) donnent une illustration quanti-fiée du profil des dépenses alimentaires desconsommateurs urbains (Graphique 6 ). Seuls22 % de la dépense des ménages portent surdes produits importés. Le reste concerne desdenrées animales et végétales produites loca-lement et ceci implique l’existence de filières

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L ’ A f r i qu e : qu e l l e s s t r a t é g i e s de s é c u r i t é a l i m e n t a i r e ?

2.5. Un diagnosticplutôt optimiste ?

Dans un contexte de croissance démogrphique et d’urbanisation souvent qualifiéde galopantes et alors que depuis une trentaine d’années, l’agriculture et le milieu rur

ont été délaissés par les politiques nationalet les bailleurs de fonds internationaux, forest de constater que globalement et selon ldonnées disponibles, la situation alimentaide l’Afrique subsaharienne ne s’est pas dégrdée et que la production agricole a connune croissance significative. Ceci s’est produit dans un contexte de retrait des États d’exposition accrue à la concurrence interntionale.

 Au niveau local, on est frappé par le dynmisme, l’inventivité et la capacité d’org

nisation économique et sociale des acteulocaux, en particulier des femmes, danle secteur agro-alimentaire informel. Cen’empêche pas des entreprises agro-alimentaires, à capitaux nationaux ou étrangers, dse positionner : en particulier par rapport à demande des classes moyennes urbaines.

habitudes de consommation dans les paysbénéficiaires, subventionnent les balancescommerciales, mais pèsent aussi sur le mar-ché local et ceci décourage les producteurslocaux. Depuis 1990, la part de l’Europedans l’aide en céréales a chuté de 25 % à5 %, d’un volume oscillant entre 2 et 3 mil-lions de tonnes. Ce type d’aide représentedésormais une part faible et décroissantedu disponible céréalier dans l’essentiel despays : entre 1993 et 2003, sa part a chuté demoins de 5 % à moins de 2 %. Néanmoins,le pourcentage est nettement plus élevé – del’ordre du quart, voire plus – dans les paysen situation de conflits ou de post-conflitscomme le Rwanda, le Burundi, l’Érythrée,l’Angola ou le Liberia. Le Programme Ali-mentaire Mondial  (PAM) des Nations uniesgère une bonne partie de ces aides d’urgence

ou de conflits et il se soucie de s’approvi-sionner dans d’autres régions du sous-conti-nent disposant d’un excédent conjoncturel.Enfin, à cette aide très quantitative s’ajouteune aide plus qualitative, souvent ciblée surles enfants dans le cadre d’actions nutrition-nelles et de santé.

fit plus à couvrir les besoins alimentaires :d’autres ressources deviennent nécessaires.L’évolution apparaît lorsque l’on rapporteles exportations agricoles au total des expor-tations. Au début des années soixante, l’agri-culture fournissait la moitié des recettesd’exportation, alors que, dans les annéesdeux mille, elle n’en fournit plus que 10 %.Il existe évidemment de grandes différencesentre pays : ceux bénéficiant de ressourcespétrolières et minérales en retirent une partcroissante, voire quasi exclusive de leursrecettes d’exportation.

Pour être complet dans l’examen des res-sources alimentaires, il faut enfin prendre encompte l’aide alimentaire. Il s’agit d’un sujetcomplexe et controversé. La FAO publiedepuis 1988 des séries sur les volumes de

céréales, ainsi que des volumes totaux. Envolume, l’essentiel de l’aide alimentaire estconstitué de céréales données par les grandsproducteurs de l’OCDE, en particulier l’Eu-rope et les États-Unis. Grâce à leurs dons,ces pays offrent un débouché supplémen-taire à leurs producteurs, consolident des

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Importations alimentaires / Exportations agricoles

Exportations agricoles / Exportations totales

IImmppoorrttaattiioonnss aalliimmeennttaaiirreess // IImmppoorrttaattiioonnss totales

Graphique 7Évolution de la balance commerciale agricole de l’Afrique subsaharienne entre 1961 et 2009

(Source : FAOSTAT)

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L ’ a g r i c u l t u r e , c h a m p g é o p o l i t i qu e du X X Ie  s i è c l e

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Hypothèsemoyenne

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Graphique 8Perspectives d’évolutions démographiques en Afrique subsaharienne jusqu’en 2100

(En milliards d’habitants – Source : Nations unies, 2011)

qu’elle a régressé en moyenne de 3,8 millid’hectares chaque année. À l’inverse, les sfaces agricoles ont augmenté de 3,1 millid’hectares. Différentes études prospectcorroborent cette abondance de terres apà la culture et fondent diverses extrapotions. Un travail particulièrement approfoa ainsi été réalisé par l’IIASA et la FAO ade cerner les potentialités agricoles sur l’semble de la planète 12. Dans la prospec

 AgriMonde / Inra / Cirad , la comparaides anticipations existantes met en évidede grandes incertitudes 13. Curieusemeles processus économiques et sociaux en avec l’extension des surfaces cultivées etimpacts environnementaux sont peu ou considérés. Les enjeux fonciers sont typiqment des enjeux de durabilité, avec des inractions entre aspects économiques, soci

et environnementaux, auxquels on peut ajter une dimension culturelle.Pour schématiser, on peut dire qu’en pcipe, les règles traditionnelles d’accès à

viennent, autour de 2020. Pour relativiser lepoids de la population subsaharienne dans lapopulation mondiale, le Graphique 9  parle delui-même.

3.2. L’enjeu foncier

Face aux besoins alimentaires que va générerla croissance démographique et, par consé-quent, aux surfaces indispensables pour per-mettre l’activité et la production agricoles,l’enjeu principal est certainement foncier.L’Afrique subsaharienne est souvent présen-tée comme un immense territoire sous-peu-plé. Rapprocher les cartes des milieux et cellesde la répartition de la population montre quece n’est pas si simple et qu’il faut se méfierdes ratios globaux, même au niveau des pays.Malgré les progrès de la télé-détection, les

données sur l’utilisation des terres restentapproximatives et plus ou moins cohé-rentes. À la FAO, des données d’utilisationdes sols, incluant les forêts, sont disponiblespour la période 1990 – 2008. Elles révèlentque la superficie couverte par les forêts resteénorme, avec 700 millions d’hectares, mais

Tout cela constitue un gage de réussite pourles politiques publiques d’investissementdans l’agriculture et dans les infrastructuresqui sont en cours de promotion. Par contre,l’identification des pays obtenant les moinsbons résultats, ainsi que l’analyse de l’aidealimentaire prouvent que le handicap majeurvient des situations d’instabilités politiques etde conflits.

3. DÉFIS ET ENJEUX

3.1. Le défi démographique

Comme nous l’avons vu, la croissance démo-graphique se poursuit, mais à un rythme quicommence à ralentir. D’après les hypothèsesfaites sur cette transition démographique,des projections assez ouvertes se dégagent(Graphique 8 ). Selon les dernières projections

des Nations unies, ce n’est que dans l’hypo-thèse « optimiste  » – c’est-à-dire basse – que lepalier démographique apparaîtrait en Afriquesubsaharienne durant le dernier quart duvingt-et-unième siècle, avec une populationde 2,5 milliards d’habitants. Le cap du mil-liard devant être franchi dans les années qui

12. Fischer, Velthuizen et al. 2000.13. Paillard, Treyer et al. 2010.

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occupées (hors forêts) se fait en mettant eculture des terres de moins en moins fertiledes sols moins profonds et en réduisant l

temps de jachère. Mais ces zones non cultvées étant auparavant valorisées par l’élevaget donc des éleveurs, il s’ensuit une premièsource de tensions entre groupes sociaux. Dplus, en termes environnementaux, la rédution de l’élevage se fait au détriment de restitution organique aux sols cultivés, aloque la réduction des jachères compromet uautre processus de maintien de la fertilitLorsque des populations migrent vers drégions moins densément occupées, dans undynamique de front pionnier, une premiè

confrontation se développe entre agriculteudéjà installés et éleveurs, avant même qule processus décrit ci-dessus ne se produisDans les zones forestières, l’abattage de forêt a un coût environnemental élevé. Lqualité des sols sous forêt est incertaine difficile à appréhender tant que la forêt elà. Même peu peuplées, les forêts abritendes cultivateurs pouvant avoir des traditionet des relations à l’espace basées sur des prtiques anciennes de la chasse. Les nouveau

tions peuvent être fortes et violentes. Mêmesi les autochtones spoliés se résignent devantla force publique, leur rancœur constitue un

terreau pour de futures violences. Quasimenttoutes les guérillas rurales de par le mondeont des origines foncières, parfois fort loin-taines. Lorsqu’il s’agit de fonds souverainsasiatiques ou moyen-orientaux qui viennentfaire cultiver pour couvrir leurs besoins natio-naux, on est en présence d’un processus néo-colonial , rappelant le temps où d’autres puis-sances d’Europe de l’Ouest venaient « mettreen valeur   » des territoires pour alimenterleurs métropoles. Lorsqu’il s’agit de capitauxinvestis pour produire pour le marché local

comme mondial (exemple actuel du sucre),l’enjeu économique et social est de parvenirà ce que cela soit réalisé par une agricultureintensive en travail et rémunérant mieux aumoins autant de travailleurs que l’agricul-ture à laquelle elle se substitue et ce, avec desméthodes durables.Une autre dimension de la question foncièreréside dans le processus d’expansion. D’unpoint de vue technique, l’extension de la sur-face cultivée dans les zones déjà densément

terre font que tout autochtone a accès à l’es-pace cultivable reconnu pour son groupe. Lesmigrants ont des accès d’autant plus précaires

et contestés que leur installation est récenteet que la terre se fait rare : d’où une premièrecatégorie de tensions pouvant alimenter destroubles graves comme en Côte d’Ivoire. Surces mécanismes sont venus se superposer desprocessus d’exclusion ou d’accaparement parla force lors de certaines colonisations de peu-plement. L’agriculture blanche qui s’est ins-tallée est de plus en plus contestée et mena-cée, comme en Afrique australe. C’est dansce contexte tendu qu’il faut resituer ce qu’ilest convenu d’appeler les « accaparements de

terres   ». Ce terme désigne l’appropriationd’espaces agricoles, soit par des investisseursétrangers lointains, soit par des investisseursnationaux, fonctionnaires ou commerçants.Des données chiffrées commencent à êtreproduites, ainsi que des études de cas. Anniveau global et compte tenu des réservesestimées, ces transferts de terre ne sont pasde nature à avoir un impact sur la sécurité ali-mentaire par réduction du foncier disponible.Par contre, localement, les tensions et frustra-

1950 : 2,532

Monde

1950 : 0,186

Afriquesubsaharienne1950 : 1,403

Asie

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2010 : 6,896

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Graphique 9Perspectives démographiques comparées jusqu’en 2100

(En milliards d’habitants – Source : Nations unies, 2011)

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L ’ a g r i c u l t u r e , c h a m p g é o p o l i t i qu e du X X Ie  s i è c l e

lités entre les groupes sociaux et les peupQuant aux élites, elles ont montré qu’eétaient capables du meilleur comme du piCertes, il faut que les pays se concertent pse doter d’infrastructures et d’institutipermettant la libre circulation des hommedes biens dans des espaces économiques ingrés. Certes, il faut des actions de recher– développement pour mettre au point normes et les technologies indispensables filières agro-alimentaires, de la productiola consommation. Certes, il faut promouvles organisations professionnelles et interpfessionnelles pour la régulation de ces filièCertes, il faut tirer parti des nouvelles tenologies de communication comme vected’informations techniques et économiquMais tout cela n’aura d’utilité et d’efficacque si la paix et la sécurité sont assurées d

les champs et les villages, dans les villes et les routes qui les relient. De ce point de vles organisations inter-étatiques, aux niverégional ou continental, ont un rôle décà jouer.

comme premier point de son partenariat stra-tégique avec l’Afrique 14.

3.4. Autres incertitudes

 Au-delà de la paix et de la sécurité, d’autresincertitudes pèsent sur le devenir de la sécu-

rité alimentaire, même si elles sont moins spé-cifiques au sous-continent. Ainsi, le dérègle-ment climatique suite au réchauffement glo-bal concerne le monde entier, mais certainesprévisions seraient plus catastrophiques danscertaines régions d’Afrique déjà exposées auxsécheresses et à des températures extrêmes. Leparadoxe et l’injustice sont que l’Afrique, quia peu contribué au changement climatique,en serait la principale victime.Dans le domaine de l’économie, les prix ali-mentaires devraient, au-delà de leur instabi-

lité, rester durablement à la hausse, ne serait-ce que du fait de l’inexorable renchérissementde l’énergie fossile. Or, les productions agri-coles incorporent directement celle-ci par lecarburant pour la production et les transportset, indirectement, par les intrants, en particu-lier les engrais. Des prix plus élevés pénalisentles consommateurs et les producteurs ache-teurs nets, mais ils pourraient aussi inciter lesproducteurs à produire plus.D’un point de vue sanitaire, si les pays duNord ont peur des maladies dites émergentesvenues d’Afrique, l’Afrique est durablementaffectée par la pandémie du sida et ce d’au-tant que les moyens médicaux de la contenirdemeurent extrêmement coûteux. Mais lesida fait oublier d’autres pandémies, commela malaria, dont l’impact est peut-être supé-rieur alors que les moyens de prévention et desoins sont connus.

CONCLUSION : PESSIMISMEOU OPTIMISME ?

 À l’issue de ce survol des questions alimen-

taires et de leurs corollaires, il est possible detrouver des raisons d’être optimiste quant àl’avenir de l’Afrique subsaharienne, riche –entre autres – de ses hommes, ses ressourcesminières, ses sols ou ses marges de progrèsimportantes, vu son bas niveau de départ.Mais il existe autant de raisons d’être pessi-miste compte tenu des perspectives globalesde l’environnement planétaire, de la fragi-lité des milieux naturels ou de la croissancedémographique qui peut accentuer les riva-

venus perturbent cet équilibre, puis entrenten concurrence avec les autochtones. Lesévénements survenus dans le sud de la Côted’Ivoire montrent jusqu’à quels troubles celapeut conduire. De nouveau, c’est fondamen-talement par le foncier que s’établit le lienentre insécurité civile et insécurité alimen-taire.

3.3. Paix et sécurités

C’est en Afrique subsaharienne que lesguerres, civiles ou non, et les troubles sociauxsont les plus fréquents et nombreux sur la pla-nète. Les guerres donnent lieu à des interven-tions, puis au stationnement de forces sous laresponsabilité des Nations unies, mais ausside l’Union africaine ou de certaines organi-sations régionales. Rares sont les pays qui,

durant les vingt dernières années, n’ont pasconnu de situation de crise grave. En raisonde la croissance démographique, les groupessociaux ont de plus en plus besoin de terrescultivables pour asseoir leur approvisionne-ment alimentaire et ceci génère des tensionsau niveau local comme entre régions ou paysvoisins. De même, les situations de pénurieou de hausses des prix alimentent les révoltesurbaines. L’insécurité alimentaire généreraitainsi de l’insécurité civile en milieu ruralcomme en milieu urbain. Inversement, lestroubles et les guerres dissuadent producteurs

et commerçants de s’aventurer sur les routes,chassent les paysans de leurs terres, détruisentles récoltes et produisent des camps de réfu-giés mal nourris.Une fois les guerres terminées, tout est àreconstruire, les infrastructures comme lesliens sociaux et économiques. L’insécurité ali-mentaire est installée en situation de conflitset de post-conflits. Il existerait une spiraledes insécurités. De nombreux pays d’Afriquesubsaharienne sont dans ces situations et celaest perceptible dans leurs performances éco-

nomiques et alimentaires. Briser la spiraledes insécurités devrait constituer le premierobjectif pour renforcer durablement la sécu-rité alimentaire. L’expertise agricole s’en sou-cie malheureusement fort peu. Par contre, lesorganisations régionales, comme la Commu-nauté économique des États de l’Afrique del’Ouest (CEDEAO) ou l’Union africaine,se sont donné des moyens d’action. Il estaussi intéressant de souligner que l’Unioneuropéenne a retenu « la paix et la sécurité  » 14. Conseil de l’Union européen

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