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Coudert Frères 5 décembre 2003 Avocats à la Cour AFEC Un an d’actualité du droit de la concurrence PARIS - 120943v2 - 0098800/4740 - Print : 06/04/2006 11:12 Intervention de Philippe RINCAZAUX Un an d’actualité des aides d'Etat 1 er janvier 2003 – 1 er décembre 2003 I – Actualité jurisprudentielle A – La notion d'aide d'Etat au sens de l'article 87 du Traité 1 – Origine Etatique des ressources utilisées 2 – Affectation du commerce entre Etats membres 3 - L'avantage : appréciation de l'intervention de l'Etat a - Le critère de l'investisseur privé en économie de marché b - Le critère de l'opérateur privé agissant dans des conditions normales de marché c - L'appréciation des compensations de charges de services public d - La sélectivité B - Applications du droit des aides d'Etat au plan national en 2003 1 - L'affaire Ryan Air 2 - L'affaire Air Lib C - Les conséquences de l'aide illicite 1 - L'obligation de récupération 2 - Régime de prescription 3 - Le bénéficiaire de l'aide : droits et charge de la récupération a – Le principe de la récupération b – Les droits du bénéficiaire de l’aide illicite c – L’obligation de motivation de la Commission européenne II – Actualité réglementaire et des procédures ouvertes A – Actualité communautaire B - Actualité française III - Conclusion – quelques perspectives pour 2004

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Coudert Frères 5 décembre 2003 Avocats à la Cour

AFEC

Un an d’actualité du droit de la concurrence

PARIS - 120943v2 - 0098800/4740 - Print : 06/04/2006 11:12

Intervention de Philippe RINCAZAUX

Un an d’actualité des aides d'Etat 1er janvier 2003 – 1er décembre 2003

I – Actualité jurisprudentielle

A – La notion d'aide d'Etat au sens de l'article 87 du Traité

1 – Origine Etatique des ressources utilisées 2 – Affectation du commerce entre Etats membres 3 - L'avantage : appréciation de l'intervention de l'Etat

a - Le critère de l'investisseur privé en économie de marché b - Le critère de l'opérateur privé agissant dans des conditions normales de marché c - L'appréciation des compensations de charges de services public d - La sélectivité

B - Applications du droit des aides d'Etat au plan national en 2003

1 - L'affaire Ryan Air 2 - L'affaire Air Lib

C - Les conséquences de l'aide illicite

1 - L'obligation de récupération 2 - Régime de prescription 3 - Le bénéficiaire de l'aide : droits et charge de la récupération

a – Le principe de la récupération b – Les droits du bénéficiaire de l’aide illicite c – L’obligation de motivation de la Commission européenne

II – Actualité réglementaire et des procédures ouvertes

A – Actualité communautaire B - Actualité française

III - Conclusion – quelques perspectives pour 2004

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Intervention de Philippe RINCAZAUX Un an d’actualité des aides d’Etat 1er janvier – 1er décembre 2003

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La présente intervention a pour sujet l’actualité des aides d’Etat en 2003. Le domaine des aides d’Etat a donné lieu en 2001 et 2002 à une série de décisions importantes de la part des juridictions communautaires. On peut ainsi citer notamment les arrêts Preussen-Elektra ou Ferring de 2001 et Stardust de 2002. Au regard de ces décisions, l'année 2003 peut sembler moins "riche" que les deux années précédentes. De fait, on ne peut considérer qu’il existerait plusieurs décisions aussi remarquables que celles précitées. Une telle appréciation doit toutefois être modérée. En effet, sans être de la même importance que les décisions adoptées en 2001 et 2002, plusieurs arrêts peuvent être signalés comme apportant d'intéressantes précisions sur certains aspects du droit des aides d'Etat, inédites ou confirmant des analyses plus anciennes. Dans ce contexte, et dans un premier temps, les développements jurisprudentiels de l'année 2003 peuvent être présentés en trois grands thèmes (I) : A - La définition des aides d'Etat En premier lieu, la très attendue décision Altmark a confirmé la position de la Cour de justice adoptée l’année précédente dans l’affaire Ferring, s’agissant de la problématique de l’analyse de la compensation de charges de service public. Ont été également apportées des précisions sur l’application du régime "de minimis" par la Commission européenne. Enfin, des précisions intéressantes ont été apportées s’agissant des critères de l’investisseur privé en économie de marché et de l’opérateur privé agissant dans des conditions normales de marché. B - La mise en œuvre des règles relatives aux aides d'Etat au plan national On doit relever à ce titre les deux affaires françaises de 2003 : Ryan Air, ayant donné lieu à un jugement du tribunal administratif de Strasbourg et Air Lib, ayant donné lieu à une ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Nanterre. C - La procédure de recouvrement des aides déclarées illicites Cette question a fait l'objet de précisions relatives à la notion de bénéficiaire de l'aide et à sa place dans la procédure ouverte par la Commission européenne. Les juridictions communautaires ont eu également à se prononcer, pour la première fois semble-t-il, sur le nouveau règlement de procédure de 1999. Dans un second temps, il sera procédé à un tour d'horizon de l'évolution réglementaire au cours de l'année 2003 (II), pour terminer par quelques perspectives pour l'année 2004 (III).

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I – Actualité jurisprudentielle A – La notion d'aide d'état au sens de l'article 87 du Traité 1 – Origine étatique des ressources utilisées La période examinée n'a pas donné lieu à des développements significatifs relatifs à cette notion. Seuls deux arrêts ayant abordé cette problématique peuvent être relevés : ► Arrêt du TPICE du 6 mars 2003 1

L'affaire ayant donné lieu à cette décision était relative à l’absorption par un organisme bancaire de droit public (la "West LB") d’un autre organisme public (la "Wfa"), propriété d’un Land allemand. Cette opération n'était pas motivée par des difficultés financières auxquelles aurait eu à faire face la banque bénéficiaire, mais par la nécessité pour cette dernière d'augmenter ses fonds propres afin de satisfaire aux obligations posées en matière de ratio de solvabilité par une directive communautaire. En contrepartie de cette opération, le Land allemand propriétaire de la Wfa devait percevoir de la WestLB une rémunération annuelle de 0,6 % des fonds apportés. Suite à une plainte d'une association de banques privées allemandes, la Commission européenne a estimé que cette opération constituait une aide d'Etat illicite. Elle a principalement considéré en effet que le taux normal de rémunération de cet apport public aurait du être de 9,3 % et non de seulement 0,6 %. Le Land allemand et la West LB ont formé un recours contre cette décision, dans lequel ils ont soulevé plusieurs moyens, dont celui selon lequel il n'y aurait pas "ressources d’Etat" au sens de l'article 87 lorsque l’Etat ne sort pas de son rôle de propriétaire ou d’entrepreneur et réalise un apport de capitaux à des fins exclusivement entrepreneuriales à une entreprise dégageant durablement des bénéfices. Cette argumentation consistait donc à soutenir, semble-t-il, que si la ressource en cause était utilisée de manière judicieuse d’un point de vue économique, elle ne pouvait être qualifiée de ressource étatique au sens de l’article 87 du Traité CE. Le TPICE n'a pas suivi cette argumentation. Il a jugé que "les ressources ne cessent pas [d'être des ressources d’Etat] par le simple fait que l’utilisation de ces ressources serait analogue à celle faite par un investisseur privé. (….) la question de savoir si l’Etat s’est comporté comme un entrepreneur relève de la détermination de l’existence d’une aide d’Etat et non de l’examen du caractère, public ou non, des ressources en question". En l’espèce, la Wfa étant un organisme doté de fonds publics et étant détenue par un Land, le caractère étatique des ressources n’était pas contestable.

1 Arrêt du TPICE du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, aff. jtes T-228/99 et T-233/99

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► Dans un arrêt du 8 mai 2003 2, la Cour a fait référence à sa jurisprudence Stardust de 2002. Etait en cause la recapitalisation d’une entreprise en difficulté par la voie de prêts et de renonciation à des créances détenues sur elle par des entités publiques. Dans ce cadre, une société de droit privé (Friulia), détenue à 87 % par une collectivité publique (une région italienne), avait consenti un prêt à cette entreprise. La Commission européenne a estimé qu'il s'agissait d'une aide d'Etat, dans la mesure où ces fonds devaient être considérés comme étant des ressources étatiques et qu'un investisseur privé en économie de marché n'aurait pas investi de la sorte. Elle en a par conséquent ordonné la récupération. Pour contester l'origine étatique des fonds investis, la partie requérante a, notamment, soutenu que les associés privés de Friulia disposaient de larges pouvoirs de décision et que Friulia était intervenue avec ses fonds propres. La Cour de justice a estimé que cette circonstance est sans pertinence, dans la mesure où pour que les fonds en cause soient qualifiés de ressources d'Etat, "il suffit, ainsi qu'il apparaît en l'espèce, qu'ils restent constamment sous contrôle public et donc à la disposition des autorités publiques", se référant en cela directement à son arrêt Stardust. 2 – Affectation du commerce entre Etats membres Ce critère n'a pas lui non plus donné lieu à d’importants développements au cours de l'année examinée. ► On peut toutefois relever un arrêt de la CJCE du 13 février 2003 3, dans lequel la Cour s'est prononcée sur une question relative à l'application de la règle de minimis. Etait en cause une décision de la Commission européenne déclarant illicite une aide consistant en des conditions avantageuses d'emprunt pour l'acquisition d'un véhicule utilitaire acquis en remplacement d'un véhicule utilitaire plus ancien. La Commission a refusé de faire application de sa communication de minimis à l'aide examinée en raison du fait qu'elle portait sur le secteur des transports. Or, la règle de minimis est expressément inapplicable aux transports, secteur caractérisé par un nombre élevé de petites entreprises et dans lequel des sommes relativement faibles sont néanmoins susceptibles d’avoir des répercussions sur la concurrence et sur les échanges commerciaux entre les Etats membres. La CJCE a annulé partiellement cette décision. En effet, la Cour a dit pour droit que l'exclusion du champ d'application de la règle de minimis doit être interprétée de façon stricte. Or, une partie de l'aide déclarée illicite par la Commission européenne visait des non professionnels du transport. En déclarant l'intégralité de l'aide illicite, la Commission européenne a donc violé ses propres règles issues des communications dont elle est à l’origine dans le domaine des aides d’Etat. Cette partie de l'aide examinée aurait pu relever de la règle de minimis. Elle ne pouvait donc s'en voir exclure et être déclarée illicite de ce fait.

2 Arrêt de la CJCE du 8 mai 2003, République Italienne et SIM 2 Multimedia Spa, aff. jtes C-328/99 et C-399/00 3 Arrêt de la CJCE du 13 février 2003, Espagne/Commission, aff. C-409/00

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► Pour mémoire, on peut également signaler que dans ses arrêts West LB 4 et P&O Ferries 5, le TPICE a rappelé que, s’agissant de l’affectation du commerce, la Commission n’est pas tenue de faire la démonstration de l’effet réel que l’aide a eu sur la concurrence et sur les échanges entre Etats membres. Il ne lui incombe pas de procéder à une analyse économique chiffrée extrêmement détaillée dès lors qu’elle a exposé en quoi les effets sur la concurrence et l’affectation entre Etats membres sont manifestes. 3 - L'avantage : appréciation de l'intervention de l'Etat Un des critères les plus importants pour la qualification d'une aide d'Etat et certainement celui qui a donné lieu aux plus importantes décisions et interrogations ces dernières années, consiste dans la nécessité de démontrer que la mesure adoptée par l'Etat apporte un avantage à l'entreprise qui en bénéficie. De fait, toute mesure adoptée par l'Etat en faveur d'une entreprise ne porte pas nécessairement atteinte à la concurrence. Il est ainsi régulièrement rappelé qu'une mesure financière adoptée par un Etat en faveur d'une ou de plusieurs entreprises ne constitue pas une aide si elle est la contrepartie d'un bien ou d'une prestation acquise à coût de marché, d'une obligation mise à sa charge, ou de l'indemnisation d'un préjudice causé par l'Etat. Plusieurs arrêts en 2003 ont eu l'occasion de faire application de ce principe, en continuant d'y apporter des précisions. a - Le critère de l'investisseur privé en économie de marché Lorsque l'Etat intervient dans l'économie en tant qu'investisseur (sous forme de prêt, de garantie, de participation dans le capital…), les juridictions communautaires et la Commission européenne ont recours au critère dit "de l'investisseur privé en économie de marché". Il est recherché si l’intervention publique se réalise dans des conditions normales de marché, c'est-à-dire si elle se réalise dans des conditions "similaires" à celles qui auraient prévalues si cette mesure avait été adoptée par un investisseur privé. Dans l'affirmative, la mesure en cause ne peut être qualifiée d'aide au sens de l'article 87 du Traité, et, a fortiori, d'aide d'Etat illicite. Cependant, cette notion "d'investisseur privé en économie de marché" n'a jamais fait l'objet d'une définition précise, fixée une fois pour toutes. La Cour de justice a juste indiqué qu'un investisseur privé, au sens de ce critère, est celui qui poursuit "…une politique structurelle, globale ou sectorielle, guidée par des perspectives de rentabilité à plus long terme" 6. Le TPICE et la CJCE ont eu l'occasion en 2003 de revenir sur la mise en œuvre de ce critère, sans toutefois que ces décisions constituent à cet égard des avancées significatives de l'état du droit.

4 Arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, précités, n° T-228/99 et T-233/99 5 Arrêt du TPICE du 5 août 2003, P&O European Ferries (Vizcaya) SA et Diputation Foral de Vizcaya /Commission, aff. jtes T-116/01 et T-118/01 6 Cf., notamment, l'arrêt de la CJCE du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, aff. C 42/93, Rec. I, p. 4175

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► On peut ainsi relever tout d'abord l'arrêt du 6 mars 2003 7 précité, relatif à l’intégration d’une banque d’un Land allemand (la Wfa) dans la WestLB, organisme bancaire de droit public, mesure qualifiée d'aide d'Etat illicite par la Commission européenne. Dans leur recours, la Wfa et la WestLb ont notamment soutenu que la Commission européenne avait appliqué à tort le critère de l'investisseur privé en économie de marché. En effet, selon elles, ce critère ne pouvait pas être mis en œuvre quand il s'agit d'examiner une intervention publique envers une entreprise rentable. Le TPICE a rejeté cette argumentation. Il a rappelé que la situation rentable ou non de l'entreprise bénéficiaire de l'aide est sans influence sur la qualification de la mesure publique prise en sa faveur. La question est de savoir si cette mesure a conféré ou non à cette entreprise un avantage, ce qui est possible même si sa situation financière est saine. En revanche, le TPICE rappelle également que "cette question doit être prise en compte dans le cadre de la question de savoir si l’investisseur public s’est comporté comme un investisseur opérant dans une économie de marché ou si l’entreprise bénéficiaire a reçu un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché". Les apports de capitaux consentis par l’Etat en faveur d’entreprises publiques doivent être rémunérés aux taux du marché, afin d’éviter des distorsions de concurrence, que le bénéficiaire soit ou non dans une situation financière difficile. S'agissant de l'appréciation concrète des conditions normales d'investissement, le Tribunal a validé également le fait pour la Commission de recourir à la valeur du rendement moyen dans le secteur concerné comme instrument analytique pour la détermination du comportement d’un investisseur privé. Le Tribunal considère que "l’utilisation du rendement moyen doit correspondre à l’idée qu’un investisseur privé avisé, à savoir un investisseur qui souhaite maximiser ses bénéfices mais sans courir trop de risques par rapport aux autres participants dans le marché dans son calcul de la rémunération appropriée à escompter pour son investissement, exigerait en principe un rendement minimal équivalent au rendement moyen du secteur concerné". Le recours à cet outil ne dispense toutefois pas la Commission "de son obligation de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte", "de son obligation de prendre en compte la possibilité que l’aide en question remplisse éventuellement les conditions pour être autorisée" et "de motiver d’une façon suffisante sa décision finale relative à l’existence et à la dimension de l’aide d’Etat en question". ► La CJCE a également eu l'occasion de se prononcer sur la nécessité de recourir au critère de l'investisseur privé en économie de marché dans l’affaire ayant donné lieu à l'arrêt SIM 2 du 8 mai 2003 8.

7 Arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, précités, n° T-228/99 et T-233/99 8 Arrêts SIM 2 précités, n° C-328/99 et C-399/00

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Parmi les moyens invoqués par les autorités italiennes dans le cadre de leur recours, a été mis en avant le fait qu'en l'espèce, des investisseurs privés avaient participé à la recapitalisation en cause, pour des montants équivalents, voire supérieurs, à la participation publique, ce qui attestait, selon elles, de la licéité du comportement des interventions publiques au regard du critère précité. Cet arrêt a fourni l'occasion à la Cour de justice de procéder à un bref rappel de la notion d'aide d'Etat (notion qui recouvre tant des prestations positives que des interventions diverses qui allègent les charges d'une entreprise) et de l'usage du critère de l'investisseur privé : "Il y a lieu d'apprécier si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé d'une taille qui puisse être comparée à celle des organismes gérant le secteur public aurait pu être amené à procéder à des apports de capitaux de la même importance". La Cour rappelle également que, s'agissant d'une appréciation économique complexe, elle n'exerce qu'un contrôle "restreint" sur la décision de la Commission européenne, se limitant "à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir". Au cas d'espèce, la Cour relève l'ancienne et constante mauvaise santé financière de l'entreprise bénéficiaire de l'aide, le fait que le plan de restructuration avait été jugé trop ambitieux par un organisme d'audit indépendant et le fait que la recapitalisation avait été décidée pour des considérations sociales et non économiques. Dans ce contexte, la Cour estime qu'aucune de ces deux sociétés publiques intervenues à l'opération ne s’est conduite comme un "investisseur privé opérant dans des conditions normales d’une économie de marché". Ces interventions ont donc constitué une aide d’Etat. On peut toutefois regretter qu'à aucun moment, la Cour n'ait tenu compte, et a fortiori répondu aux parties sur ce point, du fait que des investisseurs privés avaient effectivement et, semble-t-il, massivement, participé à la recapitalisation en cause. ► Enfin, on peut relever que dans un arrêt Velipack du 3 juillet 2003 9, la Cour de justice a validé le recours par la Commission européenne au critère de l'investisseur privé en économie de marché. Dans cette affaire, la Commission avait estimé que constitue une aide d'Etat un apport en capital dans des entreprises dont le capital social est partagé ente des actionnaires privés et publics, si la participation publique atteint une proportion sensiblement supérieure à celle de la distribution d'origine et si le désengagement relatif des actionnaires privés est essentiellement imputable aux mauvaises perspectives de rentabilité de l'entreprise. b - Le critère de l'opérateur privé agissant dans des conditions normales de marché A l'instar du critère de l'investisseur privé pour évaluer une intervention financière de l'Etat, les juridictions et l'autorité communautaires utilisent le critère de l'entreprise privée agissant dans des conditions normales de marché pour apprécier une intervention publique telle qu'une vente ou un achat.

9 Arrêt de la CJCE du 3 juillet 2003, Royaume de Belgique/Commission, aff. C-457/00

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Il est alors examiné si une entreprise privée aurait acheté ou vendu aux mêmes conditions. Mais tout comme la notion "d'investisseur privé" peut s'avérer incertaine, à défaut de définition précise, la difficulté provient des caractéristiques du référant que l'on entend prendre pour évaluer l'intervention examinée. Une "entreprise privée" est en effet déjà, en soi, une notion peu explicite. En outre, on peut s'interroger sur la pertinence de ce critère quand il s'agit d'établir une comparaison avec des entreprises qui sont dans une situation manifestement différente. ► C'est sur cette problématique qu'a porté un arrêt rendu par la CJCE le 3 juillet 2003 à l'occasion d'un nouvel épisode de l'affaire Chronopost 10, qui peut être considéré comme l'un des deux arrêts les plus intéressants de la période examinée. Pour ne s'en tenir qu'aux développements communautaires pertinents pour l'arrêt en cause, on rappellera que le Syndicat français de l’express international (SFEI) avait dénoncé à la Commission européenne l'assistance logistique (notamment) apportée par la Poste à sa filiale la Société française de messageries internationales (SFMI). Le plaignant considérait en effet qu'il s'agissait là d'une aide d'Etat dans la mesure où cette aide ne serait pas rémunérée par SFMI à sa juste valeur. La Commission n'avait pas partagé l'opinion du SFEI et avait rejeté sa plainte 11. Sur recours, le TPICE avait partiellement annulé cette décision de la Commission européenne. Le Tribunal avait considéré qu’"afin d’apprécier si les mesures en cause peuvent constituer des aides d’Etat, il convient d’examiner la situation du point de vue de l’entreprise bénéficiaire, en l’occurrence du SFMI–Chronopost, et de déterminer si cette dernière a reçu l’assistance logistique et commerciale en cause à un prix qu’elle n’aurait pu obtenir dans des conditions normales de marché". Or, en l’espèce, le Tribunal avait jugé que la Commission s'était contentée de vérifier quels avaient été les coûts encourus par La Poste pour la fourniture de l’assistance logistique et commerciale et à quel niveau ces coûts avaient été remboursés par la SFMI-Chronopost. Or, selon le Tribunal, même si la SFMI avait payé les coûts complets de La Poste pour la fourniture de l’assistance logistique et commerciale, cela ne suffirait pas en soi à démontrer qu’il ne s’agit pas d’aides. En effet, étant donné que La Poste avait peut-être pu, grâce à sa situation en tant qu’entreprise publique possédant un secteur réservé, fournir une partie de l’assistance logistique et commerciale à des coûts inférieurs à ceux d’une entreprise privée ne bénéficiant pas des mêmes droits, une analyse tenant compte uniquement des coûts de cette entreprise publique ne pouvait exclure que les mesures en cause constituent une aide d’Etat. C’est justement la relation dans laquelle l’entreprise mère opère sur un marché réservé et sa filiale qui exerce ses activités sur un marché ouvert à la concurrence qui crée une situation où une aide d’Etat est susceptible d’exister. Le Tribunal avait donc considéré que la Commission aurait dû examiner si ces coûts complets correspondaient aux facteurs qu’une entreprise agissant dans des conditions normales de marché aurait dû prendre en considération lors de la fixation de la rémunération pour les services fournis.

10 Arrêt de la CJCE, Chronopost, La Poste et République française/Ufex et autres, aff. jtes C-83/01, C-93/01 et C-94/01 11 Décision de la Commission européenne du 1er octobre 1997, JOCE L 164, p. 37

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La CJCE était invitée à se prononcer sur cet arrêt. Elle a annulé la décision du TPICE. La Cour a en effet jugé que la juridiction de première instance a commis une erreur de droit en exigeant de la Commission qu'elle compare le comportement de La Poste à celui d'une entreprise privée, alors que celle-ci, en charge d'un SIEG, "se trouve dans une situation très différente de celle d’une entreprise privée agissant dans des conditions normales de marché". La Poste est effectivement en charge d’un réseau dont le maintien et la constitution ne répondent pas à une logique purement commerciale : "l’assistance logistique et commerciale est indissociablement liée au réseau de La Poste, puisqu’elle consiste précisément dans la mise à disposition de ce réseau sans équivalent sur le marché". La Cour juge donc que, dans certaines hypothèses, le critère de l'entreprise privée et le principe même d'une comparaison, que l'on pouvait croire pourtant bien établis, ne sont pas pertinents pour juger si une mesure donnée constitue ou non une aide d'Etat. Dès lors, et même si la Cour continue de se référer à la notion de "conditions normales de marché", elle suggère en réalité de ne plus comparer l'entreprise publique avec une entreprise privée, mais d'examiner s'"il est établi que la contrepartie exigée couvre dûment tous les coûts variables supplémentaires occasionnés par la fourniture de l’assistance logistique et commerciale, une contribution adéquate aux coûts fixes consécutifs à l’utilisation du réseau postal ainsi qu’une rémunération appropriée des capitaux propres dans la mesure où ils sont affectés à l’activité concurrentielle de SFMI-Chronopost". En l'espèce, la Cour estime qu'"aucun indice ne donne à penser que ces éléments ont été sous-estimés ou fixés de manière arbitraire" et renvoie donc l'affaire au TPICE. ► Un autre arrêt peut être cité comme portant sur le critère de l'opérateur privé intervenant en économie de marché, même s'il est plutôt fait référence dans cette décision à la notion "d'investisseur en économie de marché". Différentes autorités publiques espagnoles avaient conclu un accord avec la société de ferry P&O pour l'établissement d'une relation régulière permanente entre Bilbao et Portsmouth. Parmi les mesures convenues dans cet accord, le Conseil provincial de Biscaye (la "Diputacion") avait acheté par avance à un prix donné une certaine quantité de bons de voyage à la compagnie de ferry et s'était engagé à en acquérir une certaine quantité d'autres durant les quatre années suivantes. La Commission européenne a estimé qu'il s'agissait là d'une aide d'Etat illicite dans la mesure où le nombre total de bons de voyage acquis par la collectivité espagnole n’avait pas été fixé en fonction de ses besoins réels. En outre, la Commission a relevé que l’accord conclu entre les parties comportait des dispositions anormales dans un accord commercial de ce type, telles que l’indication du nombre hebdomadaire et annuel de voyages que P&O devait assurer, le fait que le consentement de la Diputacion serait nécessaire au cas où P&O voudrait changer le navire qui assure le service et le fait que des conditions précises soient fixées concernant la nationalité des membres de l’équipage ou l’origine des biens et des services.

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Dans leur recours, la Diputacion et P&O arguaient, notamment, que les montants versés ne constituaient pas une aide d’Etat, mais la rémunération au prix du marché d’un service effectivement fourni par P&O, sans que cette compagnie en retire donc un avantage en sa faveur. Par un arrêt du 5 août 2003 12, le TPICE a confirmé la décision de la Commission. Le Tribunal a souligné en premier lieu qu’une "mesure étatique en faveur d’une entreprise ne saurait, du seul fait que les parties s’engagent à des prestations réciproques, être exclue a priori de la notion d’aide d’Etat". Dans un cas comme celui de l’espèce, même si les termes du contrat sont comparables à ceux des contrats généralement conclus entre les compagnies maritimes et les opérateurs privés, le critère déterminant consiste dans "la question de savoir si la convention d’achat de bons de voyage conclue entre la Diputacion et P & O Ferries reflétait des besoins effectifs ressentis par les pouvoirs publics". Autrement dit, "le seul fait qu’un Etat membre achète des biens et services aux conditions du marché ne suffit pas pour que cette opération constitue une transaction commerciale effectuée dans des conditions qu’un investisseur privé aurait acceptées, ou, autrement dit, une transaction commerciale normale, s’il s’avère que l’Etat n’avait pas un besoin réel de ces biens et services". Et le Tribunal de préciser que "la nécessité pour un Etat membre de démontrer qu’une acquisition par lui de biens ou de services constitue une transaction commerciale normale s’impose d’autant plus dans le cas où, comme en l’espèce, le choix de l’opérateur n’a pas été précédé d’une procédure d’appel d’offres ouvert ayant fait l’objet d’une publicité suffisante". c - L'appréciation des compensations de charges de services public ► Le second arrêt le plus intéressant de l'année n'est qu'une confirmation, mais une confirmation très attendue. Il s'agissait effectivement pour la CJCE de confirmer – ou non – sa jurisprudence Ferring de 2002 aux termes de laquelle les compensations octroyées par les Etats dont le montant n'excède pas ce qui est nécessaire à l'accomplissement d'une mission de service public ne procurent pas d'avantage aux entreprises bénéficiaires et dès lors ne constituent pas des aides d'Etat au sens de l'article 87 § 1 du Traité. Selon cette jurisprudence de la CJCE, qualifiée "d'approche compensatoire", une telle mesure ne constitue une aide d’Etat que si l’avantage qu’en tire le bénéficiaire "excède les surcoûts qu’il supporte pour l’accomplissement des obligations de service public qui [lui] sont imposées par la réglementation nationale". Cependant, cette jurisprudence avait été, dès son adoption, vivement contestée. Deux avocats généraux en avaient même demandé le retrait, total ou partiel, dans leurs conclusions 13.

12 Arrêt P&O European Ferries (Vizcaya) SA et Diputacion Foral de Vizcaya précité, n° T-116/01 et T-118/01 13 Conclusions de l'Avocat général Léger du 19 mars 2002 sous l'affaire C 280/000 Altmark et de l'avocat général Jacobs du 30 avril 2002 sous l'affaire C 126/01 GEMO SA. L'Avocat général M. Léger proposait à la Cour de renverser sa jurisprudence Ferring et de considérer que les compensations de service public constituent des aides d’Etat, même si celles-ci ne font que compenser les coûts du service public. L'Avocat général Jacobs dans l’affaire GEMO faisait quant à lui la distinction entre deux catégories de situations : lorsqu’il existe un lien direct et manifeste

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Et c'est justement dans les deux affaires objet de ces conclusions que la CJCE s'est prononcée. Dans l'affaire Altmark 14, étaient en cause des subventions octroyées par la région de Magdebourg à une entreprise titulaire d'une licence de transports réguliers par autocar, aux fins d'assurer ce service de transport. En premier lieu, on peut noter au plan procédural le caractère exceptionnel de cette affaire, qui a donné lieu de la part de la CJCE à une réouverture des débats afin de permettre aux Etats membres, à la Commission européenne et au Conseil de donner leurs points de vue et, de ce fait, à deux conclusions de l'Avocat général Léger, en mars 2002 et en janvier 2003. En second lieu et surtout, sur le fond, la Cour ne suit pas son Avocat général et confirme sa jurisprudence Ferring. Elle y apporte toutefois des précisions. Ainsi, la Cour précise que pour qu’une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’Etat, quatre conditions cumulatives doivent être réunies:

● l’entreprise bénéficiaire doit avoir été effectivement chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent avoir été clairement définies ;

● les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent avoir été

préalablement établis de façon objective et transparente ; ● la compensation ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des

coûts occasionnés par l’exécution des obligations de services public ; ● lorsque le choix de l’entreprise qui sera chargée de l’exécution d’obligations de service

public n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire doit avoir été déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transports afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

Concrètement, cette analyse signifie que les Etats membres voulant compenser des obligations de service public qu'ils imposent à une entreprise n'ont pas à notifier à la Commission européenne leur projet de financement. Et la Cour de justice va très vite mettre en œuvre sa nouvelle jurisprudence, non à l’occasion de l’affaire GEMO15, comme attendu, mais dans l’affaire Enirisorse16.

entre un financement étatique et des obligations de service public clairement définies, les sommes versées par les autorités publiques ne constitueraient pas une aide au sens de l’article 92, paragraphe 1 du traité ; en revanche, lorsqu’un tel lien fait défaut ou lorsque les obligations de service public ne sont pas clairement définies, les sommes versées par ces autorités constitueraient des aides 14 Arrêt de la CJCE du 24 juillet 2003, Altmark Trans GmbH, aff. C-280/00. 15 Arrêt de la CJCE du 20 novembre 2003, GEMO, aff. C-126/01. 16 Arrêt de la CJCE du 27 novembre 2003, aff. C-34/01 à C-38/01.

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Dans l’affaire GEMO, était en cause une taxe sur les achats de viande à la charge des revendeurs de viande (sauf les petits détaillants) destinée à financer les entreprises d’équarrissage. La CJCE a considéré que cette taxe libérait les éleveurs et les abattoirs de la charge financière que représente l’élimination des produits et résidus inutilisables résultant de leur activité, ce qui constitue un avantage économique susceptible de fausser la concurrence. Les autres conditions de caractérisation d’une aide d’Etat (origine étatique des ressources mises en œuvre, caractère de sélectivité et affectation du commerce) étant satisfaites, cette mesure a été déclarée constituer une aide d’Etat, incompatible avec le Traité du fait de son absence de notification et d’approbation. Cependant, la Cour s’en est tenue strictement à la question préjudicielle qui lui était posée, et malgré les conclusions de son avocat général qui l’y invitait, elle ne s’est pas prononcée de nouveau à l’occasion de cet arrêt sur sa jurisprudence Ferring / Altmark. Dans l’affaire Enirisorse, des établissements publics italiens chargés de la manutention portuaire ont bénéficié d’une taxe sur le chargement et le déchargement des marchandises manutentionnées dans les ports et versée au Trésor. La Cour a eu à connaître de cette affaire sur question préjudicielle posée par une juridiction saisie par une entreprise qui contestait avoir dû payer cette taxe alors même qu’elle n’avait pas eu recours aux services de l’établissement public opérant dans le port dans lequel elle avait déchargé ses marchandises. Dans ce contexte, elle a vérifié les caractéristiques de cette mesure au regard du critère de l’origine étatique des ressources (elle a considéré que tel était le cas) et de l’affectation des échanges entre Etats membres (également). Puis, s’agissant du critère de l’avantage, la Cour a fait application des quatre critères qu’elle a définis dans son arrêt Altmark. Elle a notamment constaté en l’espèce qu’il ne ressort pas du dossier que les bénéficiaires de cette taxe auraient été chargés d’une mission de service public et, que les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation auraient été définis de façon préalable, objective et transparente. Dans ce contexte, la Cour a dit pour droit qu’il appartient à la juridiction nationale de prendre toutes les mesures nécessaires conformément à son droit national pour empêcher tant l’attribution d’une partie de la taxe aux entreprises bénéficiaires que la perception de celle-ci. d – La sélectivité Pour mémoire, on peut signaler que la Cour de justice s'est référée à son arrêt Adria Wien pipe line de 2002 dans un arrêt précité du 13 février 2003 17, à propos d'une subvention mise en place par les autorités espagnoles pour l'acquisition de véhicules utilitaires. Le gouvernement espagnol soutenait en effet que la mesure en cause ne présentait pas un caractère sélectif notamment en raison du fait qu'elle visait de manière générale un ensemble de bénéficiaires potentiels et que les exclusions au régime mis en place étaient nécessaires à

17 Arrêt Espagne précité, n° C-409/00

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l'économie du système. La Cour n'a pas fait droit à cette argumentation. Elle a souligné que "l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité commande uniquement de déterminer si, dans le cadre d'un régime juridique donné, une mesure étatique est de nature à favoriser «certaines entreprises ou certaines productions» par rapport à d'autres, lesquelles se trouveraient, au regard de l'objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable. Dans l'affirmative, la mesure concernée remplit la condition de sélectivité constitutive de la notion d'aide d'État prévue par cette disposition." Dans cette optique, la Cour a précisé que "la circonstance que le nombre d'entreprises pouvant prétendre bénéficier de la mesure en cause soit très significatif, ou que ces entreprises appartiennent à des secteurs d'activité divers, ne saurait suffire à mettre en cause son caractère sélectif et, partant, à écarter la qualification d'aide d'État". Or, en l'espèce, la Cour relève que la mesure en cause a effectivement favorisé des personnes physiques et des PME se livrant à des activités de transport pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, et qu'elle exclut expressément les grandes entreprises de son champ d'application alors que celles-ci auraient pu en bénéficier. La mesure adoptée par le gouvernement espagnol était donc sélective et pouvait donc constituer une aide d'Etat. B - Applications du droit des aides d'Etat au plan national en 2003 Deux affaire survenues durant l'année 2003 méritent plus particulièrement d'être signalées, en ce qu'elles sont le fait de juridictions françaises. 1 – L'affaire Ryan Air 18

En 2002, la CCI de Strasbourg a autorisé l'ouverture d'une ligne aérienne Strasbourg/Londres desservie par la société britannique Ryanair. Dans ce cadre, des engagements financiers et techniques annuels avaient été conclus avec la compagnie aérienne. Ces engagements étaient présentés comme la contrepartie d’une campagne de publicité mise en œuvre par Ryanair. Une compagnie concurrente, filiale de Air France, Brit'Air a saisi le Tribunal Administratif de Strasbourg de la légalité de cette contribution financière. Le Tribunal administratif a considéré que la promotion publicitaire promise et réalisée par Ryanair profitait essentiellement à celle-ci et ne pouvait "constituer une contrepartie suffisante aux engagements financiers" et dès lors devait "être interprétée comme instituant une aide financière" de la CCI. Puisque cette aide a été, selon le Tribunal, versée par un établissement public administratif qui "n’a pas agi comme un investisseur privé en économie de marché", et "qu’elle est susceptible d’affecter les échanges entre Etats membres de la Communauté européenne", elle constitue donc une aide d’Etat au sens de l’article 87 CE.

18 Jugement du Tribunal administratif de Strasbourg, du 24 juillet 2003, Brit’ Air c/ CCI Strasbourg, req. n°02-04641

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Cette mesure n'ayant pas été notifiée, les décisions de la CCI sont annulées par le Tribunal, qui prononce également une injonction de 1000 euros par jour à la CCI en cas de non résiliation de ses accords avec Ryan Air. Cette décision a fait l'objet d'un recours en sursis d'exécution de la part de la CCI de Strasbourg, qui a été rejeté par la Cour Administrative d'appel de Nancy le 18 septembre 2003 19. La Cour a estimé qu'aucun des moyens soulevés par la CCI et Ryan Air ne paraissait, "en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué". Le recours au fond contre le jugement du Tribunal Administratif est toujours pendant devant cette même Cour. 2 – L'affaire Air Lib Une seconde affaire montre toutefois les limites du recours à la réglementation des aides d'Etat au plan national. La société Corsair a intenté une action à l'encontre de la société Air Lib. Selon Corsair, depuis le début de l'année 2002, la société Air Lib bénéficiait d'importantes mesures de soutien de la part des pouvoirs publics, visant à la maintenir en activité alors qu'elle était au bord de la faillite :

● prêt de 30,5 millions d'euros accordé par le Fonds de développement économique et social, sur demande des autorités gouvernementales ;

● moratoire sur le paiement des charges sociales, fiscales et parafiscales.

Corsair estimait que ces mesures permettaient à Air Lib de proposer des vols vers les Antilles et l'Italie à des prix anormalement bas, constituait une aide étatique. Or les deux volets de cette aide n'avaient pas été notifiés à la Commission avant leur mise en œuvre alors même qu'ils auraient dû l'être. Corsair a alors saisi en référé le Président du Tribunal de commerce de Créteil en invoquant la jurisprudence SFEI/La Poste de la CJCE. En effet, la CJCE a considère dans cet arrêt que, dans la mesure où une aide a été octroyée sans respecter les conditions posées par l'article 88, paragraphe 3 CE, une "juridiction nationale à laquelle il est demandé d'ordonner la restitution de l'aide doit faire droit à cette demande si elle constate que l’aide n'a pas été notifiée à la Commission. Toute autre interprétation conduirait à favoriser l'inobservation par les Etats membres de l'interdiction de mise à exécution des projets d'aides". Autrement dit, si seule la Commission européenne est compétente pour se prononcer sur la question de la compatibilité de l'aide avec le Marché Commun, en revanche il entre dans la compétence de la juridiction nationale de se prononcer sur la légalité d'une aide non notifiée. Le Tribunal de commerce de Paris, dans l'affaire Chronopost, s'était déjà prononcé en ce sens. Pourtant, le Président du Tribunal de commerce de Créteil a rendu une ordonnance de référé le 12 février 2003 par laquelle il se déclare incompétent pour apprécier les conséquences d'une

19 Arrêt de la Cour Administrative d'Appel de Nancy du 18 septembre 2003

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éventuelle illégalité de l'aide accordée, au motif que la Commission européenne avait récemment diligenté une enquête visant à apprécier la nature des aides financières accordées par la France et du risque de contradiction qui en résulte pour les tribunaux nationaux. Il a en effet jugé que "ce n'est qu'à l'issue de cette décision de récupération que les tribunaux nationaux devront prendre toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire (…) toute mesure prise prématurément par une juridiction nationale risquerait d'être en contradiction avec la décision de la Commission". C - Les conséquences de l'aide illicite 1 / Le rappel de l'obligation de la récupération La Cour de justice a eu l'occasion en 2003 de rappeler l'obligation pesant sur les Etats membres de procéder à la récupération d'une aide déclarée illicite : ► Affaire SIM 20 : l'obligation de récupération s'impose quel qu'en soit le résultat. Dans l'affaire SIM précitée, une des aides jugée illicite consistait pour l'Etat italien à avoir abandonné une créance de 65 milliards de lires détenue sur l’entreprise en difficulté contre paiement par celle-ci d'une somme de 20 milliards de lires. L’aide ayant été déclarée illicite, donc nulle, l’Etat était obligé de restituer ces 20 milliards. Cependant, la société bénéficiaire ayant été mise en liquidation, il lui était impossible de retrouver la contrepartie de cette aide, à savoir sa créance de 65 milliards. Pour s'opposer à l'exécution de la procédure de restitution/récupération, l'Italie a alors argué de ce que cette situation "n'aurait pas de sens au regard de la sauvegarde des intérêts communautaires". La Cour de justice n’a pas fait droit à cette argumentation, et a exposé que "la suppression d'une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité". ► Arrêt du 26 juin 2003 21 : à l’occasion d’un recours intenté par la Commission européenne contre un Etat membre n’exécutant pas une décision de récupération d’une aide illicite, la Cour de Justice a eu l’occasion de rappeler que la récupération des aides illégales doit être effectuée en principe selon les modalités prévues par le droit national. Mais surtout, la Cour rappelle que "dès lors que la décision de la Commission exigeant la suppression d’une aide d’Etat incompatible avec le marché commun n’a pas fait l’objet d’un recours direct ou qu’un tel recours a été rejeté, le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un Etat membre contre le recours en manquement, introduit par la Commission sur le fondement de l’article 88, paragraphe 2, CE, est celui tiré d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision".

20 Arrêts SIM 2 précités, n° C-328/99 et C-399 21 Arrêt de la CJCE du 26 juin 2003, Commission/Royaume d’Espagne, aff. C-404/00

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► Dans l’affaire P&0 22, le TPICE écarte toute possibilité pour un Etat de se prévaloir de la confiance légitime des bénéficiaires d’une aide d’Etat pour se soustraire à l’obligation de prendre la mesure nécessaire en vue de la récupération d’une aide déclarée illicite. ► Par ailleurs, le cas est suffisamment rare pour être relevé, la Commission européenne a déclaré une aide illicite sans pour autant en demander le remboursement, dans une décision du 25 juin 200323, en estimant que tant les autorités belges que les bénéficiaires pouvaient légitimement penser que la mesure en cause ne constituait pas une aide d’Etat (la Commission a relevé en effet que le régime fiscal mis en place qui s’est révélé être une aide illicite était très proche d’un système mis en place quelques années auparavant et qui n’avait pas été considéré par la Commission comme constitutif d’une aide d’Etat). 2 / Régime de prescription L'année 2003 a donné lieu au premier contentieux portant sur le "règlement procédure" du droit des aides d'état, le règlement CE n°659/1999. Dans deux arrêts du 10 avril 2003 24, le TPICE a ainsi précisé certaines modalités d'application de l'article 15 de ce texte, selon lequel "Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. Le délai de prescription commence le jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire (…). Toute mesure prise par la Commission ou un Etat membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription". La Ville d’Orléans, le département du Loiret et la société Scott SA ont conclu en août 1997 un accord par lequel a été cédé à cette dernière un terrain dans le département du Loiret à des conditions avantageuses. Cette transaction a fait l'objet de commentaires dans une étude réalisée par la Cour des comptes et publiée en novembre 1996. Suite à celle-ci, un concurrent a dénoncé en décembre 1996 à la Commission européenne ce qu'il a considéré constituer une aide publique. La Commission européenne a adressé une demande d'informations à la France dès janvier 1997, puis en août de la même année, auxquelles il fût répondu en mars, avril, mai, novembre et décembre 1997. La Commission a ouvert la procédure formelle d'examen le 20 mai 1998. Celle-ci s'est terminée par une décision du 12 juillet 2000 dans laquelle la Commission européenne a déclaré que cette acquisition à prix avantageux constituait une aide d'Etat illicite. Le Tribunal, saisi d'un recours contre cette décision, a eu à répondre à trois questions : ► Le règlement n° 659/1999, entré en vigueur le 16 avril 1999, donc en cours de la procédure objet du recours dont était saisi le Tribunal, était-il applicable ?

22 Arrêt P&O European Ferries (Vizcaya) SA et Diputacion Foral de Vizcaya précité, n° T-116/01 et T-118/01 23 Décision de la Commission européenne du 25 juin 2003, IP/03/887. 24 Arrêts du TPICE du 10 avril 2003, Scott SA, aff. T-366/00 et Département du Loiret, aff. T-399/00

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La réponse du TIPCE est affirmative. Le règlement s'applique aux procédures en cours lors de son entrée en vigueur. Le TPICE rappelle le principe selon lequel les règles de procédures sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond. Or le Tribunal rappelle que le règlement n° 659/1999 est un règlement de procédure relatif à l’application de l’article 88 CE. Aucune disposition transitoire n’étant prévue pour son article 15, ce dernier s’applique donc à toute action en récupération définitive d’une aide qui intervient après la date d’entrée en vigueur du règlement, y compris d’une aide octroyée avant cette date. Le règlement entrant en vigueur le 16 avril 1999 et la demande de récupération intervenant en juillet 2000, l’article 15 était applicable à l’espèce, peu importe que la procédure d’examen formelle ait débuté en 1998. ► Est-il nécessaire que le bénéficiaire de l'aide ait eu connaissance de la procédure en cours pour que le délai de prescription puisse démarrer ? Le requérant soutenait en effet que le délai de prescription est destiné à protéger le bénéficiaire de l'aide et donc qu'il ne serait interrompu que lorsque celui-ci aurait pris connaissance de ce qu'une procédure était en cours. Le Tribunal rejette cette argumentation. Il rappelle que la Commission européenne n'est pas tenue d'avertir le bénéficiaire de l'aide de la procédure en cours et qu'il revient au bénéficiaire de l’aide de s’assurer que la procédure de notification de l’aide par l’Etat membre a été respectée afin d’avoir une confiance légitime dans la régularité de la mesure en cause. ► Une demande de renseignements peut-elle valablement interrompre la prescription ? Le requérant soutenait que le terme "mesure" visé à l'article 15 du règlement ne pouvait viser une simple demande de renseignements, mais qu'il fallait un "acte d'autorité d'instruire", c'est-à-dire soit une décision d'injonction faite à l'Etat membre de fournir les documents et informations, soit une décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen. Le Tribunal relève qu’une simple demande impose à l’Etat membre concerné de fournir tous les renseignements nécessaires et est donc susceptible d'interrompre le délai de prescription. 3 - Le bénéficiaire de l'aide : droits et charge de la récupération a – Le principe de la récupération ► Arrêt du 3 juillet 2003 25

La Cour de justice a apporté une précision qui, sans être surprenante, n'en est pas moins intéressante.

25 Arrêt Royaume de Belgique/Commission précité, n° C-457/00

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Dans l'affaire qui lui était soumise, une société Verlipack avait bénéficié d'un prêt d'une collectivité publique. La Commission européenne avait décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre de cet apport, estimant qu’il présentait les caractéristiques de celui d’un apporteur de capital à risque dans les conditions normales d’une économie de marché, puisque par ailleurs un investisseur privé, la société Heye, avait également apporté des fonds à cette société. Ultérieurement, il a été porté à la connaissance de la Commission européenne que l'apport réalisé par la société Heye avait été financé par la région Wallone, collectivité publique qui avait également prêté des fonds à Verlipack. Au vu de ces nouveaux éléments, la Commission européenne a décidé, le 4 octobre 2000, que les apports en capital au groupe Verlipack constituaient des aides incompatibles avec le marché commun. Cette décision a été confirmée par la Cour de justice qui, à cette occasion, en réponse à l'argumentation soulevée par le royaume de Belgique, a dit pour droit que pour déterminer le bénéficiaire d’une aide d’Etat, il convient d’identifier les entreprises qui ont eu la jouissance effective de celle-ci. En conséquence, si l’existence d’une clause d’affectation des prêts est tout à fait légitime, il n’est pas exclu que la Commission puisse tenir compte de sa formulation pour déterminer le bénéficiaire d’une aide. Il est donc tout à fait envisageable qu’une analyse conduise à considérer que le bénéficiaire de l’aide d’Etat est une autre personne que celle de l’emprunteur par lequel l’aide n’aura fait que transiter. Il n’est par ailleurs pas nécessaire de constater au préalable que l’intervention constitue une aide de l’Etat à l’égard de l’emprunteur. ► Arrêts SIM 2 26

La Cour de justice y rappelle le fait que la Commission européenne peut ordonner la récupération de l'aide illicite non seulement auprès du bénéficiaire de l’aide, mais aussi auprès de l'entreprise qui en a assuré la pérennité grâce aux moyens de production qui lui ont été transférés, lorsqu'il y a continuité économique entre les deux entités. b – Les droits du bénéficiaire de l’aide illicite et le rôle des entités ayant octroyé l'aide Dans quelques arrêts rendus en 2003, les juridictions communautaires ont eu l'occasion de rappeler le rôle et les droits de l'entreprise bénéficiaire de l'aide dans la procédure ouverte par la Commission européenne, mais aussi la place de l'entité ayant octroyé l'aide, lorsqu'il s'agit d'une entité infra-étatique. ► Dans les arrêts Scotts 27, il est ainsi rappelé que le bénéficiaire de l'aide n'est pas partie à la procédure, seuls l'Etat et la Commission européenne le sont. La même analyse a été tenue dans

26 Arrêts SIM 2 précités, n° C-328/99 et C-399 27 Arrêts Scott SA, n° T-366/00 et Département du Loiret, n° T-399/00, précités

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l'affaire Westbank 28, dans laquelle la Cour de justice a rappelé qu'en matière d'aide d'Etat, c'est l'Etat qui est l'interlocuteur de la Commission européenne, et que les entreprises bénéficiaires ne peuvent qu'être associées à la procédure, sans pouvoir se prévaloir des droits de la défense. ► Il en est de même des collectivités ayant octroyé l'aide, comme cela est souligné dans ces deux affaires. Dans les arrêts Scotts, il est ainsi précisé que les collectivités locales ne sauraient reprocher à la Commission le fait que la procédure se déroule uniquement entre cette dernière et l'Etat. De fait, "Si l’administration centrale d’un Etat membre n’a pas respecté son obligation de notification, au détriment des collectivités territoriales ou du bénéficiaire d’une aide octroyée par celles-ci, ces circonstances constituent un problème interne aux parties, qui ne sauraient être reprochées à la Commission." La situation de ces "parties" à la procédure est synthétisée par une formule du Tribunal dans l'arrêt Scotts : "Les entreprises bénéficiaires des aides et les entités territoriales infra-étatiques qui octroient les aides, telles que les requérantes, tout comme les concurrents des bénéficiaires des aides, sont uniquement considérés comme étant des "intéressés" dans cette procédure. (…) [La] jurisprudence impartit essentiellement aux intéressés le rôle de sources d’information par la Commission dans le cadre de la procédure administrative engagée au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE. Il s’ensuit que les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce." ► Cette "mise à l'écart" de la procédure connaît toutefois une limite. Dans l'arrêt Westbank en effet, le TPI expose que l’entreprise bénéficiaire de l’aide et l’entité infra-étatique qui l’a octroyée disposent "d’un intérêt légitime" à se prévaloir du non-respect éventuel du droit de l’Etat membre à être entendu dès lors que cette violation peut avoir eu une incidence sur la légalité de la décision adoptée par la Commission. c – Les obligations de motivation de la Commission européenne L’article 253 CE prévoit une obligation de motivation à la charge de la Commission dans la rédaction de ses décisions. Différents arrêts rendus en 2003 illustrent que cette obligation de motivation varie selon l'objet de la décision. En effet, dans son arrêt P&O 29, le TPICE a rappelé que "lorsque, contrairement aux dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE, l’aide projetée a déjà été versée, la Commission (…) n’est pas tenue d’exposer des motifs spécifiques pour justifier de l’injonction de restitution.". En revanche, quand il s'agit d'analyser la mesure concernée, la Commission est tenue de motiver son appréciation. Trois de ses décisions ont d'ailleurs été partiellement annulées en 2003 pour avoir failli à cette obligation :

28 Arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, précités, n° T-228/99 et T-233/99 29 Arrêt P&O European Ferries (Vizcaya) SA et Diputacion Foral de Vizcaya précité, n° T-116/01 et T-118/01

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► Ainsi, dans l’affaire SIM 2 30, la Cour a partiellement annulé la décision de la Commission faute pour celle-ci d’avoir suffisamment démontré que l’entreprise ayant succédé à l’entreprise directement bénéficiaire de l’aide avait également tiré profit de cette mesure. La Commission aurait ainsi dû démontrer que l’aide perçue, et le risque de récupération en cas d’illicéité de celle-ci, avait été pris en compte dans le prix de transfert d’une entité à l’autre. Or, compte tenu des circonstances de l’espèce, où la société Multimedia avait été créée par Seleco (l'entreprise bénéficiaire de l'aide), qui bénéficiait en tant que cessionnaire du prix de vente des actions à des tiers, il ne pouvait être exclu que Seleco ait conservé le bénéfice des aides reçues. La Cour a donc conclu à une insuffisance de motivation et a notamment considéré que la Commission n’avait pas suffisamment pris en compte le fait que les actions dans Multimedia avaient été achetées à un prix qui semblait être celui du marché. ► Dans l’affaire WestLB 31, le Tribunal a annulé la décision de la Commission pour défaut de motivation suffisante. Comme indiqué précédemment, le Tribunal a admis que la Commission ait tenu compte du rendement moyen des investissements dans le secteur concerné afin de déterminer la rémunération qu’aurait dû percevoir le Land pour son apport. En revanche, le Tribunal a reproché à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé la valeur du taux de rendement de base (c’est-à-dire le rendement moyen sur l’investissement dans le secteur bancaire) et la majoration appliquée à ce taux pour l’adapter au cas d’espèce. Il s’agissait pourtant, au regard du type d’opération examiné, de paramètres particulièrement importants pour l’appréciation de la licéité de la mesure incriminée. ► Dans l'affaire de l'aide espagnole à l'acquisition de véhicules utilitaires précitée, la décision de la Commission européenne a été partiellement annulée en ce que la Commission européenne n'avait pas distingué entre les aides à l'investissement et les aides au fonctionnement, alors qu'il s'agit là de deux régimes distincts. II – Actualité réglementaire A – Actualité communautaire Plusieurs textes relatifs aux aides d'Etat ont été adoptés pendant la période examinée. ► Deux d'entre eux méritent plus particulièrement d'être relevés : ● Formulaire de dépôt de plainte Le 16 mai 2003, a été publié au Journal officiel de la Communauté européenne un formulaire de dépôt de plainte concernant des aides d’Etat présumées illégales.

30 Arrêt SIM 2, précité, n° C-328/99 et C-399/00 31 Arrêt WestBank et Wfa précité, n° T-228/99 et T-233/99

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En préambule de ce formulaire, il est notamment rappelé que "toute personne ou entreprise peut saisir la Commission d’une plainte. La procédure est libre (…) en outre, comme solution de rechange ou en plus du dépôt d’une plainte auprès de la Commission, les tiers dont les intérêts sont lésés par l’octroi d’aides illégales ont normalement la possibilité de saisir les juridictions nationales." Les informations dont la Commission a besoin sont relatives :

- au plaignant ; - au représentant du plaignant ; - à l’Etat membre qui a octroyé l’aide en cause ; - aux mesures d’aide présumées faisant l’objet de la plainte ; - au motif de la plainte ; - aux autres procédure éventuelles déjà entreprises auprès de la Commission, des autorités

et/ou juridictions nationales ; - aux pièces justificatives à l’appui de la plainte.

L’auteur de la plainte peut demander à ce que son identité, ou certaines des informations qu’il communique, ne soit pas révélée, mais il doit en motiver la raison. ● Communication de la Commission sur les taux d’intérêt applicables en cas de récupération d’aides illégales (8 mai 2003) La récupération d'une aide comprend le montant de l'aide dont a bénéficié l'entreprise, ainsi que les intérêts calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission (ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide a été octroyée au bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération). En 1995, la Commission avait expliqué dans une lettre adressée aux Etats membres que les taux commerciaux offraient une meilleure mesure de l’avantage accordé au bénéficiaire de l’aide illégale. Cependant, un doute subsistait sur la question de savoir si ces intérêts devaient être simples ou composés. Compte tenu de l'importance de la récupération des aides illégales, la Commission a jugé nécessaire de clarifier et de communiquer sa position à cet égard. La Commission expose ainsi que la récupération d’une aide vise à rétablir le statu quo ante. Le remboursement de l'aide par son bénéficiaire assure une restauration des conditions de concurrence qui prévalaient antérieurement sur le marché. La Commission relève que quelle que soit l'aide, un taux d’intérêt composé est préférable afin de garantir une neutralisation totale des avantages financiers découlant d’une telle situation. La Commission précise donc dans sa communication que, désormais, dans toute décision ordonnant la récupération d’une aide illégale :

- elle appliquera le taux de référence utilisé pour le calcul de l’équivalent subvention net des aides régionales sur une base composée, cette composition devant se faire sur une base annuelle ;

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- elle souhaite que les Etats membres appliquent des intérêts composés lors de l’exécution

d'une décision de récupération. ► A titre accessoire, on peut relever également l’adoption de quelques textes plus sectoriels : ● Règlement n° 1535/2003 du 29 août 2003 portant modalité d’application du règlement n° 2201/96 du Conseil en ce qui concerne le régime d’aide dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes Le règlement n° 2201/96 a instauré une aide aux producteurs qui livrent certains fruits et légumes et une autre aide à la production de certains fruits récoltés dans la Communauté. Afin de simplifier le système en vigueur, il a été décidé de modifier certaines modalités d’application du régime d’aide. ● Révision des lignes directrices en matières d’aides d’Etat à finalité régionale pour la période située au-delà du 1er janvier 2007 Les lignes directrices pour les aides à finalité régionale, adoptées en 1998, prévoyaient un réexamen 5 années après par la Commission. Après un tel réexamen, la Commission a décidé qu’une procédure de révision n’est actuellement pas nécessaire. Le 8 mai 2003, la Commission précise qu’une révision aura toutefois lieu en temps utile afin de donner à toutes les personnes impliquées dans cette révision le temps nécessaire pour établir les cartes régionales pour la période courant à compter du 1er janvier 2007. ● Règlement n° 763/2003 de la Commission du 30 avril 2003 modifiant le règlement n° 2768/98 relatif au régime d’aide pour le stockage privé d’huile d’olive Ce règlement ne fait que prolonger la période pendant laquelle la Commission a le pouvoir, en vue de déterminer les aides à octroyer pour la réalisation de contrats de stockage privé d’huile d’olive, d’ouvrir des adjudications à durée limitée. ● Règlement n° 1540/98 du Conseil, du 29 juin 1998 concernant les aides à la construction navale Ce règlement cesse de s’appliquer à la fin de l’année en cours, soit au 31 décembre 2003. B – Actualité française Le 16 janvier 2003, a été publiée une circulaire du ministre délégué aux libertés locales traitant notamment des aides que les régions ont désormais le pouvoir de déterminer et d’octroyer elles-mêmes. Y est affirmé l'obligation pour les collectivités territoriales de se conformer au droit communautaire des aides publiques. Cette information a paru nécessaire dans la mesure où, auparavant, dans la mesure où l'Etat définissait lui-même les aides, les régions n’avaient pas à s'assurer de leur validité.

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Dans ce contexte, la circulaire indique que trois voies sont ouvertes aux collectivités territoriales :

● soit respecter les modalités d'un régime déjà notifié et approuvé ; ● soit instaurer un régime bénéficiant d'un régime d'exemption ; ● soit notifier (via l'Etat cependant) et faire approuver la mesure qu’elles souhaitent mettre

en place. Cette option n'est toutefois pas recommandée par le ministère en raison de sa lourdeur et en raison du fait que la région n'a pas de rapport direct avec la Commission.

III – Perspectives pour 2004 A - Décisions de la Commission et ouvertures de procédures à l’encontre de la France La période écoulée est marquée par 10 ouvertures de procédure article 88, paragraphe 2 CE à l’encontre de mesures décidées par l’Etat français :

● Aide C 13/2003 : régime de la taxe professionnelle applicable à France Télécom et mesures financières mises en place par l’Etat au soutien de FT. FT bénéficie de dispositions dérogatoires au droit commun en matière de taxe professionnelle. Ce régime n’a fait l’objet d’aucune notification. Par ailleurs, afin de rééquilibrer la situation financière de FT, l’Etat français envisage une augmentation de capital et a notifié ce projet. En ce qui concerne la taxe professionnelle, la Commission considère que le paiement d’une taxe inférieure aux autres entreprises n’est justifié ni par une dérogation de l’article 87, paragraphe 2 et 3 CE, ni par la nécessité de compenser les coûts supplémentaires d’une éventuelle mission d’intérêt économique général. En ce qui concerne la recapitalisation, la Commission relève que la France reconnaît vouloir y procéder à un moment où aucun investisseur privé n’est disposé à le faire. Elle a par ailleurs des doutes sur la rentabilité des capitaux investis. Même si cette aide peut être une aide à la restructuration, donc autorisée, la Commission ne dispose pas assez d’éléments pour se prononcer, et a donc décidé l’ouverture d’une procédure d’examen le 30 janvier 2003.

● Aide C 3/03 : aide au sauvetage et à la restructuration de l’entreprise Air Lib

La France a octroyé une aide pour le sauvetage d’Air Lib sous forme de prêt. Cependant, la Commission a émis des doutes sur la compatibilité de cette aide et sa légalité. En effet, cette aide comprend notamment une durée trop longue et une affectation qui dépasse le simple sauvetage de l’entreprise. Ainsi, le prêt octroyé servirait aussi à

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l’expansion et l’ouverture de nouvelles lignes par Air Lib, ce qui justifie l’ouverture d’une procédure par la Commission le 21 janvier 2003.

● Aide C 6/03 : plan Rivesaltes – taxes parafiscales CIDVN

Il s’agit d’une aide à un secteur en crise. Un plan de reconversion a été mis en place. Pour mener à bien cette reconversion, les producteurs de la région ont eu accès à une prime de gel par hectare, financée par une cotisation interprofessionnelle, et une aide à l’hectare financée par les budgets publics pour couvrir partiellement les coûts de reconversion. Conformément à la jurisprudence de la Cour, la Commission considère que le financement d’une aide d’Etat par le biais de charges obligatoires peut avoir une incidence sur la concurrence en ayant un effet protecteur allant au-delà de l’aide proprement dite, en particulier lorsqu’elle est financée par des taxes parafiscales grevant également des produits importés des autres Etats membres. Procédure ouverte le 21 janvier 2003

● Aide C 23/03 : construction navale – application abusive de l’aide au développement en

faveur des paquebots R3 et R4 En 1999, la Commission a autorisé une aide au développement pour la construction de deux paquebots (allégement fiscal) en contrepartie de leur location puis de leur vente à des conditions préférentielles à Renaissance Financial. Cette société ayant fait faillite, les contrats de location ont été résiliés et les paquebots ont été vendus à d’autres acquéreurs. En conséquence, ces paquebots quitteront la zone géographique qui leur était assignée pendant 5 ans afin que l’aide soit octroyée. La Commission considère que la condition à laquelle était subordonnée l’autorisation de l’aide au développement n’est donc plus remplie, et ce alors que La France n’a pas notifié à la Commission son intention d’autoriser les changements de zone géographique. Procédure ouverte le 2 avril 2003.

● Aide E 3/02 : mesure d’aide en faveur d’Electricité de France

Cette décision d’ouverture de procédure met en lumière un problème intéressant et récurrent : celui de statut d’Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC) et sa compatibilité avec le droit communautaire des aides d’Etat, notamment en ce qui concerne la garantie illimitée dont bénéficie EDF qui rend inapplicable la législation sur la faillite et l’insolvabilité. La France a contesté la qualification d’aide en précisant notamment que chaque EPIC est responsable de ses dettes sur son propre patrimoine ; l’Etat ne fait qu’ordonner la dépense en cas de carence de l’EPIC dans le remboursement de ses dettes. Cela n’a cependant pas convaincu la Commission, d’autant plus que celle-ci a relevé que dans le rapport d’activité du Conseil d’Etat français pour l’année 2002, il apparaît "que cette immunité des personnes publiques paraît susceptible d’être contestée" notamment

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"au regard de la jurisprudence sur les aides d’Etat illégales". Une procédure est donc en cours depuis le 2 avril 2003 pour se prononcer sur la validité d’une telle disposition au regard du droit des aides d’Etat.

● Aide C 32/03 : Sernam 2 : révision des aides à la restructuration

En l’espèce, il s’agit d’une aide à la restructuration du Sernam qui avait été accordée en 2001, mais dont les conditions d’octroi ont été fondamentalement modifiées, la France en ayant averti la Commission par le biais d’un rapport. En effet, le Sernam a changé de statut social, passant de celui de SCS à celui de SA (ce qui réduit la responsabilité de Géodis pour les dettes du Sernam). La prolongation d’une année de la restructuration a par ailleurs été décidée. La Commission ayant des doutes sur le retour à la viabilité du Sernam dans un délai raisonnable, elle s’est estimée obligée de procéder à une nouvelle analyse de la situation, par ouverture d'une procédure le 30 avril 2003.

● Aide C 34/03 : CMR, chantier de réparation navale Marseille. Il s’agit en l’espèce d’un problème intéressant la qualification d’entreprise en difficulté. La société CMdR, chantier de réparation navale, ayant fait faillite, une nouvelle société, CMR, a été créée pour reprendre cette activité. En novembre 2002, la France a notifié son intention d’accorder une aide à la restructuration à CMR, considérant cette dernière en difficulté conformément aux lignes directrices communautaires pour les aides d’Etat au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté. Toutefois, les lignes directrices précisent qu’une entreprise nouvellement créée n’est pas admissible au bénéfice de l’aide à la restructuration, même si sa position financière de départ est incertaine. Ainsi pour la Commission, CMR a été créée en tant que nouvelle entreprise et même si elle a repris les actifs, commandes en cours et contrats de travail de CMdR, elle semble avoir commencé à fonctionner sans les dettes de CMdR. D’autre part, il n’est pas non plus démontré que les autres conditions prévues par les lignes directrices sont remplies. Une procédure a donc été ouverte par la Commission européenne le 13 mai 2003.

● Aide C 46/03 : Cotisation au profit d’Interbev

Interbev est l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes. Ses deux principales missions sont l’établissement des accords interprofessionnels et la communication collective. Les cotisations d’Interbev ont été rendues obligatoires par le gouvernement français dans le cadre d’une procédure d’extension des accords interprofessionnels. La Commission distingue différentes aides, selon leur utilité :

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- les actions de promotion ; - les actions d’assistance technique ; - les actions de recherche et d’expérimentation ; - les actions financées par la cotisation FNE.

Dans la mesure où des ressources publiques auraient été utilisées pour financer des avantages pour des entreprises du secteur des viandes, leur notification à la Commission était obligatoire. Procédure ouverte le 9 juillet 2003.

● Aide C 50/03 : Compensations financières liées à un arrêt temporaire de la pêche à la

langouste rouge en Corse En l’espèce la question est de savoir si l’aide en cause remplit les conditions posées par les lignes directrices pour l’examen des aides d’Etat dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture et des dispositions du règlement n° 72/1999 du Conseil, du 17 décembre 1999, définissant les modalités et conditions des actions structurelles de la Communauté dans le secteur de la pêche.

La France avait notifiée son intention d’accorder une aide. Mais l’assemblée de Corse a voté cette aide et l’a mise en œuvre avant que la Commission ait pu se prononcer sur la notification. A ce stade de l’examen, la Commission considère que le régime notifié ne se conforme pas pleinement aux conditions posées par les lignes directrices susmentionnées, puisque le mode de calcul des indemnités accordé ne permet pas de considérer qu’il s’agit de « mesures sociales d’accompagnement » ; ces aides ne seraient par ailleurs pas limitées aux « personnes exerçant leur activité professionnelle principale à bord d’un navire de pêche » par la mesure d’arrêt temporaire. Procédure ouverte le 23 juillet 2003 ● Aide C 58/03 : Aide en faveur d'Alstom Le gouvernement a transmis à la Commission européenne le plan mis en place en vue de la recapitalisation de la société Alstom, ce qui a entraîné l'ouverture d'une procédure article 88, §2, de sa part.

B – Perspectives d'évolutions réglementaires et d'arrêts intéressants ► 2004 devrait tout d'abord voir se poursuivre la réflexion engagée sur les services d'intérêt général, dont le mode de financement concerne au premier chef la réglementation des aides d'Etat. Dans son Livre vert du 21 mai 2003, la Commission européenne annonçait d'ailleurs des lignes directrices concernant l'application des règles des aides d'Etat aux services d'intérêt économique général, qui ont déjà fait l'objet d'un premier rapport le 13 décembre 2002.

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► 2004 pourrait voir également l'adoption d'un règlement d'application du règlement procédure de 1999. La Commission européenne a en effet mis en ligne en 2003 un projet de règlement visant à mettre en place des formulaires de notification obligatoires, et de transmission d'informations que les Etats membres sont tenus de communiquer à la Commission (notamment des rapports annuels sur les régimes d'aides existants). Ce règlement compléterait également le règlement 659/1999 en ce qui concerne le calcul des délais (point de départ notamment) et fixerait une méthode de fixation et de calcul du taux d'intérêt applicable à la récupération des aides, intégrant les dispositions objet de la communication précitée publiée en 2003 par la Commission. Ce projet est accompagné de 39 projets de formulaires de notification (dont le contenu varie selon qu'il s'agit d'une notification simplifiée ou non, ou selon le secteur économique en cause – agriculture, énergie, transport) ou de communication d'informations.

* * *

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LISTE DES ARRETS CITES

1. Arrêt de la CJCE du 13 février 2003, Espagne/Commission, aff. C-409/00

2. Arrêt du TPICE du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, aff. jtes T-228/99 et T-233/99

3. Arrêts du TPICE du 10 avril 2003, Scott SA, aff. T-366/00 et Département du Loiret, aff. T-399/00

4. Arrêt de la CJCE du 8 mai 2003, République Italienne et SIM 2 Multimedia Spa, aff. jtes C-328/99 et C-399/00

5. Arrêt de la CJCE du 26 juin 2003, Commission/Royaume d’Espagne, aff. C-404/00

6. Arrêt de la CJCE du 3 juillet 2003, Royaume de Belgique/Commission, aff. C-457/00

7. Arrêt de la CJCE du 3 juillet 2003, Chronopost, La Poste et République française/Ufex et autres, aff. jtes C-83/01, C-93/01 et C-94/01

8. Arrêt de la CJCE du 24 juillet 2003, Altmark Trans GmbH, aff. C-280/00

9. Jugement du Tribunal administratif de Strasbourg, du 24 juillet 2003, Brit’Air c/ CCI Strasbourg, req. n°02-04641

10. Arrêt du TPICE du 5 août 2003, P&O European Ferries (Vizcaya) SA et Diputation Foral de Vizcaya /Commission, aff. jtes T-116/01 et T-118/01

11. Arrêt de la Cour Administrative d'Appel de Nancy du 18 septembre 2003

12. Arrêt de la CJCE du 21 octobre 2003, Belgische Staat, aff. jtes C-261/01 et C-262/01

13. Arrêt de la CJCE du 20 novembre 2003, GEMO SA, aff. C-126/01

14. Arrêt de la CJCE du 27 novembre 2003, Enirisorse SpA, aff. jtes C-34/01 à C-38/01