abdelhak lamiri : faut il avoir un modele d-economie

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 Love this PDF? Add it to your Reading List! 4      jolipr int. com/mag Faut-il avoir un modèle d’économie ? D e nombreux économistes, journalistes, ana- lystes et simples citoyens formulent et expo- sent périodiquement leurs idées sur des sujets d’intérêt général. Ceci est saint. On ne sait jamais d’où peut provenir une idée salvatr ice. Les nations et les entreprises qui réussissent le mieux mobili- sent toute l’intelligence dont elles disposent. Elles utilisent beaucoup plus les cerveaux de tous leurs membres, que leurs simples bras. Il y a beaucoup de règles de communication à respecter pour que l’opération soit fructueuse. Mais ceci ne constitue point notre objet. La question que l’on se pose est la suivante : doit-on avoir un modèle économique en tête pour formuler de bonnes propositions ? Le modèle devrait être un type d’économie qui fonc- tionne relativement bien ; et qui a bel et bien existé, ou un système dont il convient d’élaborer les détails de fonctionnement pour prouver sa viabilité. La plupart des analystes dans notre pays s’orientent vers un consensus économique qui ne dit pas son nom. En examinant méticuleusement les orienta- tions de nos différents analystes, on se rend compte que l’objectif retenu prend de plus en plus forme : on préconise inlassablement une économie de marché sociale proche des modèles des pays scan- dinaves , Malaisie, ou ce qu’il est convenu d’appeler l’économie de marché sociale (en tenant compte des différences culturelles, historiques et religieuse). Les valeurs prônées par nos analystes sont : une société plus égalitaire, une participation de tous les acteurs au processus de développement, une éducation, une santé et un système de transport de qualité, des transferts sociaux importants et un climat des affaires favorable à un entreprenariat ouvert à tout détenteur d’idée et non seulement aux possesseurs de capital. Mais comment y parvenir ? C’est à ce niveau-là que les dissensions et les modes opératoires divergent. Le danger de raisonner sans modèle Il est heureux de constater que la vaste majorité des économistes est plutôt d’accord sur les objectifs économiques et sociaux. Le débat sur les modes opératoires est saint et normal. Mais ceci n’implique nullement l’existence d’exceptions. Cependant, le gros de nos problèmes provient de la classe et des partis politiques. Leurs analyses n’ont, en général, aucun référentiel. On ne peut pas se revendiquer de l’économie de marché tout en préconisant d’éviter toute faillite pour toute entreprise publique même non stratégique (tels que le bâtiment, l’agroalimen- taire, l’hôtellerie et le tourisme). Il est également étonnant de vouloir résoudre le problème de l’emploi avec un secteur bancaire qui utilise les ressources des citoyens pour nancer sur- tout l’importation de biens de consommation naux. On ne peut pas prôner l’économie de marché sans développ er un secteur privé minoritaire dans des activités comme la formation et la santé, même si le gros des opérations dans ces secteurs relève du secteur public. Il y a un e quantité impressionnante d’idées fausses détenues par des milieux politiques qui pourtant se revendiquent d’une économie de marché sociale. Tout comme on ne peut pas se re- vendiquer d’une économie de marché régulée tout en préconisant de s’ouvrir aux IDE tous azimuts sans processus d’orientation et de contrôle. Il est intéressant de se demander pourquoi nous aboutissons à ces contradictions. La raison essentielle est due au fait qu e ces analystes n’ont aucun modèle concret ou système économique le 13.02.12 | 01h00      h     t     t     p     :      /      /     w     w     w  .     e      l     w     a     t     a     n  .     c     o     m      /     c      h     r     o     n      i     q     u     e     s      /     r     e     p     e     r     e     s     e     c     o      /      f     a     u     t   -      i      l       a     v     o      i     r       u     n       m     o      d     e      l     e        d       e     c     o     n     o     m      i     e        1      3   -      0      2        2      0      1      2        1      5      8      7      9      7 _      1      7      5  .     p      h     p  Pa ge 1 Repères éco  Abdel hak L amiri (PH. D. e n scie nces de gestion)

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5/14/2018 Abdelhak LAMIRI : Faut Il Avoir Un Modele D-economie - slidepdf.com

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Faut-il avoir un modèle d’économie ?

De nombreux économistes, journalistes, ana-lystes et simples citoyens formulent et expo-sent périodiquement leurs idées sur des sujets

d’intérêt général. Ceci est saint. On ne sait jamais

d’où peut provenir une idée salvatrice. Les nationset les entreprises qui réussissent le mieux mobili-sent toute l’intelligence dont elles disposent. Ellesutilisent beaucoup plus les cerveaux de tous leursmembres, que leurs simples bras. Il y a beaucoupde règles de communication à respecter pour quel’opération soit fructueuse. Mais ceci ne constituepoint notre objet. La question que l’on se pose estla suivante : doit-on avoir un modèle économiqueen tête pour formuler de bonnes propositions ? Lemodèle devrait être un type d’économie qui fonc-

tionne relativement bien ; et qui a bel et bien existé,ou un système dont il convient d’élaborer les détailsde fonctionnement pour prouver sa viabilité.

La plupart des analystes dans notre pays s’oriententvers un consensus économique qui ne dit pas sonnom. En examinant méticuleusement les orienta-tions de nos différents analystes, on se rend compteque l’objectif retenu prend de plus en plus forme: on préconise inlassablement une économie demarché sociale proche des modèles des pays scan-

dinaves, Malaisie, ou ce qu’il est convenu d’appelerl’économie de marché sociale (en tenant compte desdifférences culturelles, historiques et religieuse).Les valeurs prônées par nos analystes sont : unesociété plus égalitaire, une participation de tousles acteurs au processus de développement, uneéducation, une santé et un système de transportde qualité, des transferts sociaux importants et unclimat des affaires favorable à un entreprenariatouvert à tout détenteur d’idée et non seulement auxpossesseurs de capital. Mais comment y parvenir ?

C’est à ce niveau-là que les dissensions et les modesopératoires divergent.

Le danger de raisonner sans modèle

Il est heureux de constater que la vaste majoritédes économistes est plutôt d’accord sur les objectifséconomiques et sociaux. Le débat sur les modesopératoires est saint et normal. Mais ceci n’impliquenullement l’existence d’exceptions. Cependant, legros de nos problèmes provient de la classe et despartis politiques. Leurs analyses n’ont, en général,aucun référentiel. On ne peut pas se revendiquer del’économie de marché tout en préconisant d’évitertoute faillite pour toute entreprise publique même

non stratégique (tels que le bâtiment, l’agroalimen-taire, l’hôtellerie et le tourisme).

Il est également étonnant de vouloir résoudre leproblème de l’emploi avec un secteur bancaire quiutilise les ressources des citoyens pour nancer sur-tout l’importation de biens de consommation naux.On ne peut pas prôner l’économie de marché sansdévelopper un secteur privé minoritaire dans desactivités comme la formation et la santé, même sile gros des opérations dans ces secteurs relève du

secteur public. Il y a une quantité impressionnanted’idées fausses détenues par des milieux politiquesqui pourtant se revendiquent d’une économie demarché sociale. Tout comme on ne peut pas se re-vendiquer d’une économie de marché régulée touten préconisant de s’ouvrir aux IDE tous azimutssans processus d’orientation et de contrôle.Il est intéressant de se demander pourquoi nousaboutissons à ces contradictions.

La raison essentielle est due au fait que ces analystesn’ont aucun modèle concret ou système économique

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     h    t    t    p    :     /     /    w    w    w .    e     l    w    a    t    a    n .    c    o    m     /    c     h    r    o    n     i    q    u    e    s     /    r    e    p    e    r    e    s    e    c    o     /     f    a    u    t

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Repères éco

 Abdelhak Lamiri (PH. D. en sciences degestion)

5/14/2018 Abdelhak LAMIRI : Faut Il Avoir Un Modele D-economie - slidepdf.com

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Faut-il avoir un modèle d’économie ?

intégral et cohérent. Ils font des propositions enfonction de rêves, de souhaits inaccessibles, dedésirs certes nobles, mais impossibles à réaliser.Souhaiter une économie de marché sans faillite enest un exemple. Nous avons pourtant des partis quipréconisent ceci. Mais cette manière de procéderexiste dans quel pays ? Aucune économie de mar-ché ecace ne fonctionne ainsi. Il est dangereuxde faire des recommandations uniquement en

fonction de ses rêves, sans référence à ce qui estpossible. Si une option n’existe nulle part dans lespays «modèles» c’est que la probabilité de le faireest très minime. Il faut alors approfondir les coûts-bénéces de l’opération.

L’idée peut être noble, populaire, désirable, maiselle est souvent irréalisable. On peut proposer unautre exemple. On ne peut pas souhaiter une éco-nomie de marché sociale et défendre une ouverturesans contrôle et sans orientation des mouvements

de capitaux. On pourrait avoir des investissementsspéculatifs dans l’immobilier et dans des effets nan-ciers volatiles qui vont ruiner l’économie productiveet l’épargne des citoyens.

Dans quel pays «modèle» d’économie de marchésociale tolère-t-on des activités spéculatives de tousbords ?Il est dangereux de raisonner uniquement sur labase de ses rêves et de ses objectifs à soi. Il est fortutile d’avoir un modèle. On évite beaucoup d’erreurs

de politique économique. On corrige les nuances.Par exemple, en termes de politique de logement,dire qu’en Algérie l’Etat doit donner un logementgratuit, types HLM actuels, à chaque citoyen néces-siteux est un non-sens. C’est un objectif impossible,noble certes, mais impossible à réaliser avec la pro-ductivité et les politiques économiques actuelles.Mais stipuler que chaque Algérien a le droit d’êtrelogé est possible (subventions de loyer, constructionsde logements sociaux beaucoup moins coûteux queles HLM actuels). Dans quel modèle a-t-on résolule problème avec des dons gratuits de logements ?

Par contre, on en a beaucoup où les subventions deloyer ont contribué grandement à alléger le pro-blème. Lorsqu’on veut greffer ses rêves sur la réalité,on déforme la nature des politiques économiquessouhaitées.

Quelques dangers des modèles

Tout a un prix. Utiliser des modèles d’économie

pour analyser et formuler des recommandationsest souvent judicieux. Cela nous permet d’éviterde raisonner en vase clos. Mais il y a un bémol.Les critiques ont raison de relever l’importance deprendre en considération les dimensions culturelleet historique. Avoir un modèle n’implique guèreque l’on puisse aveuglément transposer toutes lesdispositions et les mécanismes en vigueur dans lepays que l’on désire imiter. Il est hors de questionde développer dans ce contexte les approches mé-thodologiques pour détecter ce qui est transposable,

sous quelles conditions et ce qui ne l’est pas. Onarrive souvent, tant bien que mal, à faire ce genrede discernement. Il faut donc être vigilant et ne pasvouloir en faire du «copier-coller» lorsqu’il s’agitde projets de sociétés.

Par ailleurs, les différents choix économiques sonten partie fonction des cultures locales. Par exemple,il est relativement aisé pour nos compatriotes algé-riens de critiquer le modèle anglo-saxon. Certes, ilne nous convient guère. Il n’a aucune chance d’être

greffé ecacement sur notre tissu économique etsocial. Nous avons une culture trop distante de cespays pour pouvoir vivre avec un tel système. Maisbeaucoup d’analystes pensent que ce système estbeaucoup plus proche des caractéristiques de laculture américaine : individualisme, prise de risqueet approbation de plus d’inégalités sociales. Avantde parler de mutations profondes de ce système,il va falloir remettre en cause ses soubassementsculturels et historiques.

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Faut-il avoir un modèle d’économie ?

C’est beaucoup plus compliqué qu’une simple évo-lution des politiques économiques. Les spécialistesen sciences humaines savent qu’il est beaucoup pluscompliqué de faire évoluer les perceptions, les idéesreçues, la manière d’être et de penser que les loiset les institutions. De surcroît, lorsque de puissantslobbies nanciers pèsent de tout leurs poids surles décisions politiques, il n’est point surprenantde constater que les choix économiques sont en-

core plus éloignés des souhaits des citoyens du paysmême.

Il est utile, voire indispensable de rééchir avec unmodèle. Cependant, il ne faudrait ni en exagérerla comparaison ni essayer de calquer tous azimutstout ce qui est entrepris dans le pays en question ;tant la culture et l’histoire forgent des différencesde comportement humain impossibles à gommersur le moyen terme.

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