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Le Coran et La Bible à la lumière de l'histoire et de la science Extraits du livre de W. Campbell

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Le Coran et La Bible la lumire de l'histoire et de la scienceExtraits du livre

de W. Campbell

Table des matiresAvant propos Prface Premire section : Prologue I. Quelques prsupposs en matire linguistique II. Prsupposs fondamentaux particuliers au livre du Dr. Bucaille Deuxime section: La Bible vue travers le Coran et la tradition musulmane I. Tmoignage rendu la Bible par le Coran II. Le Hadith et la Sunna Troisime section: La Bible et le Coran : deux collections de rvlations qui ont bien des analogies I. L'Hypothse documentaire: ses consquences sur la Torah et sur le Coran II. La Critique des formes littraires du Nouveau Testament: ses consquences pour l'Evangile et pour le Coran III. Formation historique compare du Coran et de l'Evangile ..... 1. Formation initiale du Coran et de l'Evangile ..... 2. Le Recueil final du Coran et celui de l'Evangile ..... 3. Les variantes de lecture dans le Coran et dans l'Evangile ..... 4. Luttes et conflits dans le christianisme primitif compars ceux qui secourent l'islam primitif ..... 5. L'Evangile au deuxime sicle ..... 6. Rsum de l'histoire compare du Coran et de l'Evangile Quatrime section: Science et Rvlation I. La Science moderne, le Coran et la Bible: anticipation des connaissances scientifiques II. Les difficults existent-elles dans le Coran? ..... Premire partie: ..... La terre, les cieux et les jours de la cration (6 ou 8) ..... Deuxime partie: Pas de problmes? ..... Problmes en anatomie, en embryologie et en gntique ..... Troisime partie: Pas de problmes? ..... Allgories et histoire Cinquime section: La notion du preuve I. Les allusions bibliques la nature comme preuve de la puissance de Dieu II. Comment prouver une rvlation d'aprs le Torah Sixime section: Jsus et Muhammed, deux prophtes pour un monde en perdition I. Le ministre prophtique de Muhammed II. Jsus: prophte et Messie III. Jsus: prophte et Messie (suite) IV. Un Messie qui doit souffrir V. Le Pouvoir de l'intercession VI. Jsus: serviteur juste et intercesseur VII. Chacun dans sa propre langue Appendice: Prophties relatives la mort et la rsurrection du Christ et leur accomplissement

Source et prsentation :http://www.answering-islam.org/French/Auteurs/Campbell/CB/index.htm ou http://pages.ifrance.com/livres/coranbib/index.htm

Extraits du livre du Dr. William Campbell Editions Farel, B.P. 20, 77421 Marne la Valle Cdex 2, France L'auteur : Le Docteur William Campbell est mdecin gnraliste. Pendant plus de 30 ans, il a vcu et pratiqu au Maroc, en Tunisie et dans le Moyen-Orient. Il a suivi de prs la religion musulmane avec un intrt tout particulier dans le but de vouloir comprendre profondment tous les aspects de cette culture et de cette foi.

Avant-proposCe livre est n d'une grande dception. Un jour, le regard tombe sur le titre d'un ouvrage nouvellement paru. Titre allchant, puisque l'auteur se propose de faire une tude compare de la Bible et du Coran la lumire de la Science. Or ce sujet passionne William Campbell. Mais rapidement, l'intrt cde le pas la dception et l'indignation. A-t-on le droit d'aborder ce sujet avec tant d'a priori? En se servant de tant d'hypothses "arrangeantes" mais si fragiles et si peu vrifies ? Or W. Campbell aime la vrit scientifique - il est mdecin -, il aime le musulman au service duquel il a mis ses comptences mdicales en Afrique du Nord et dans d'autres pays arabes ; par-dessus tout il aime la Vrit, pour elle-mme. L'ouvrage est donc une raction une prsentation partielle et dforme des faits. Un souffle polmique parcourt toutes ses pages Car l'auteur pourfend vigoureusement les affirmations insuffisamment tayes et les raccourcis emprunts pour aboutir des conclusions souhaites. Mais plus importante me semble la note apologtique qui inspire W Campbell et sous-tend le plan de ce livre. Car dtruire ne suffit pas, il faut reconstruire. Affirmer ne satisfait pas, il faut prouver. II propose donc d'accompagner le lecteur dans le cheminement qui va de l'incrdulit bien comprhensible - fonde sur l'ignorance - la dcouverte progressive des vrits de l'Histoire pour aboutir aux certitudes de la Vrit rvle. Le chemin est long, parfois sinueux pour le lecteur non rompu cet exercice ; il comporte quelques raidillons difficiles franchir. Mais qu'il ne se dcourage pas. C'est le prix de la vrit. Celle qui affranchit de 1'erreur et des prjugs. Rigueur intransigeante quand il s'agit de dfendre le vrai, bienveillance quand il s'agit d'aider le lecteur bien dispos trouver le vrai, voil les deux matres mots de cet ouvrage prsent au public francophone crit par un auteur qui a une exprience privilgie du monde musulman. A. Doriath

PrfaceLa raison d'tre de ce livre Le livre que voici est une rponse un ouvrage au destin assez exceptionnel, paru il y a dix ans environ. Jugez-en. Il se trouve sur les rayons de la quasi totalit des librairies de Tunisie et du Maroc. Il apparat, aux Etats-Unis, entre les mains d'un jeune Egyptien qui dsire influencer, sinon, convaincre, la jeune fille qu'il courtise. Il occupe une place de choix dans la mosque de Regent's Park Londres juste en dessous du Coran et du Hadith. La contribution de ce livre a t juge assez importante pour que ds l'anne 1983, l'original franais ait t traduit dans les langues suivantes : anglais, arabe, indonsien, persan, serbocroate, turc, urdu et gougrati. C'est un jeune tunisien qui m'a parl, pour la premire fois, de ce livre crit par un mdecin franais. Il me demanda : " Avez-vous dj lu le livre du Dr. Maurice Bucaille, intitul La Bible, le Coran et la Science ? Il examine fond la Bible et le Coran. Il affirme mme que le Coran est exempt d'erreurs scientifiques. " Je pris la peine d'examiner le livre en question et m'aperus qu'effectivement il contenait de nombreuses affirmations sur la Bible et sur le Coran. Il est vrai que son auteur dclare : " C'est en examinant trs attentivement le texte en arabe que j'en fis un inventaire, au terme duquel je dus me rendre l'vidence que le Coran ne contenait aucune affirmation qui pt tre critiquable du point de vue scientifique l'poque moderne. " (1) Par contre j'ai t surpris de constater que lorsqu'il parle de la Bible, l'auteur ne fait tat que de " contradictions, invraisemblances et incompatibilits ". Selon lui, il prtend que les spcialistes des sciences bibliques les ignorent gnralement. Tout au plus, lorsqu'ils les mentionnent, " ils tentent de les camoufler l'aide d'acrobaties dialectiques " (2). Les musulmans ont rserv un accueil enthousiaste au livre du Dr. Bucaille, car s'il s'avrait exact, il servirait alors consolider leur confiance dans le Coran et constituerait une sorte de deuxime tmoin, la Science venant ainsi confirmer la vracit du message coranique. mais le livre du Dr. Bucaille appelle un examen attentif. Car il me semble qu'il passe sous silence des arguments convaincants en faveur de la crdibilit et de la vracit de la Bible. II ne mentionne pas l'accomplissement des prophties contenues dans la Bible. Le Dr. Bucaille prtend qu'aucun des Evangiles n'est l'oeuvre de tmoins oculaires. Quant aux plus anciennes copies des Evangiles, il ne les mentionne qu'en quelques mots, donnant ainsi l'impression que nous ne disposerions d'aucun tmoignage solide et digne de foi rendu au texte en notre possession. L'auteur va mme jusqu' comparer, finalement, l'Evangile la Chanson de Roland " qui relate sous un aspect romanc un vnement rel " (3). Ces ides viennent videmment appuyer les principales affirmations des musulmans, savoir que les chrtiens auraient modifi l'Evangile, qu'il n'existerait aucun tmoignage irrfutable en faveur des paroles prononces par Jsus, ni en faveur de sa vie. Ces propos constituent une accusation srieuse et grave ; mais comme je les avais maintes fois entendus dans la bouche de nombreux musulmans que j'ai frquents au cours de longues annes passes en Afrique du Nord, je m'y tais tellement accoutum qu'ils ne me troublaient mme plus. Ce en quoi j'avais grandement tort. En 1983, de passage Londres, je me rendis au British Museum pour admirer le Codex Sinaticus, l'une des plus anciennes copies compltes du Nouveau Testament, et qui date du milieu du IVe sicle. Je voulais photographier la page qui est reproduite au chapitre III de la section 3. Aprs m'tre renseign auprs du gardien, je me dirigeai vers la vitrine qu'il m'avait

indique tout en rflchissant la meilleure manire de prendre une photo de ce livre sous verre, sans avoir des effets de reflet. C'est alors que j'ai t littralement fascin par le livre ouvert devant moi. Tandis que mes yeux taient rivs sur les pages de ce manuscrit, mes oreilles rsonnaient du cri " VOUS AVEZ FALSIFIE VOTRE BIBLE ", rpt des centaines de fois. L'motion m'treignit et je fondis en larmes. Encore maintenant, tandis que j'cris ces mots, la mme motion m'envahit. Oh ! Combien j'aurais voulu toucher de mes mains ce prcieux document! J'aurais eu l'impression de toucher les copistes, mes frres d'il y a plus de seize sicles. Bien qu'ils soient morts depuis si longtemps, j'avais le sentiment d'tre en communion avec eux. J'avais l, devant les yeux, la preuve tangible et palpable que l'Evangile est aujourd'hui ce qu'il a toujours t. Je n'ai pas eu l'autorisation de toucher ce trsor. Ce n'est pas faute de n'avoir pas os le demander ! Mais on ne me l'a pas permis. Je me suis content alors de prendre ma photo et je suis reparti. Ce prsent ouvrage est donc en premier lieu une rponse aux deux analyses du Dr. Bucaille. Mais il poursuit un autre but. Il se propose d'examiner en profondeur, sur les plans intellectuel et motionnel, les vraies divergences entre l'Islam et le Christianisme. Je vais illustrer cette affirmation par un exemple. Les musulmans dclarent que Muhammad intercdera en leur faveur. Cela constitue pour eux une consolation d'ordre motionnel, car nul ne peut envisager, sans frayeur, de se trouver un jour, seul dans l'blouissante clart du Jugement de Dieu. Mais cette consolation est-elle fonde sur des affirmations claires du Coran ? Les chrtiens soutiennent, eux aussi, que Dieu rconforte leur coeur et leur conscience, en plaant leur esprance en Jsus qui est mort pour expier les pchs du monde entier et qui est vraiment vivant pour intercder en faveur de ceux qui l'ont reu comme Sauveur. Y a-t-il, dans l'Evangile, quelque chose qui vient justifier cette esprance ? Comme je l'ai indiqu prcdemment, les musulmans prtendent que la Bible a t modifie. Peut-on trouver une preuve de cette accusation soit dans le Coran, soit dans le Hadith, soit dans l'histoire ? Si les deux livres en prsence, savoir le Coran et la Bible, diffrent dans leurs affirmations, selon quels critres accordera-t-on foi l'un plutt qu' l'autre ? Comment reconnatre un vrai prophte ? Mais, qui suis-je donc, pour avoir l'audace d'aborder toutes ces questions ? Comme le Dr. Bucaille, je suis mdecin. Comme lui, j'ai appris l'arabe, l'arabe de l'Afrique du Nord. Comme lui, j'ai tudi fond le Coran et la Bible. Nanmoins, certains des domaines abords dans cet ouvrage sont hors de mes comptences. C'est pourquoi j'ai recherch les conseils de spcialistes dans les domaines aussi divers que ceux de l'astronomie, de la gologie, et de l'embryologie humaine. Dans la mesure du possible, j'ai essay de ne pas commettre d'erreurs dans l'interprtation des faits. Si les sondes interplantaires lances pour tudier la comte de Halley rendaient primes les informations concernant les mtores, telles que je les ai prsentes au chapitre I de la section 5, je demanderais au lecteur de faire preuve de patience. J'ai demand des hommes dont la langue maternelle tait l'arabe de bien vouloir examiner attentivement les tudes sur le sens des mots dans cette langue. D'autres amis et mon pouse ont accept de consacrer beaucoup de temps lire et passer mon manuscrit au crible de la critique. Je leur en exprime ma plus vive reconnaissance. En dernire analyse, j'assume l'entire responsabilit du choix qui a t fait dans les pages de ce livre. Dans la premire section nous nous intresserons aux prsupposs et aux prjugs qui animent tout auteur. En ce qui me concerne j'adopte le prsuppos suivant : La Bible est un document historique fiable, digne de confiance et la bonne nouvelle, l'vangile, qu'elle rapporte est vraie et authentique.

En abordant l'tude de la signification du Coran et de l'Evangile, je me suis efforc de saisir le sens vident, celui qu'auraient sans doute compris ceux qui ont entendu pour la premire fois ces versets lorsqu'ils furent communiqus. J'ai essay d'viter le pige qui consiste vouloir faire dire aux versets considrs ce que j'aurais souhait qu'ils affirment. C'est au lecteur qu'il appartient de juger si j'ai parfaitement russi matriser mes partis pris. Mais aussi pourquoi choisir ce terme de " prsuppos " de prfrence d'autres, tels que : postulat, a priori, parti pris, hypothse. Certains de ces synonymes conviendraient mieux dans la langue scientifique (hypothse, postulat), d'autres, en philosophie. Mais le lecteur n'est sans doute pas un spcialiste de ces sciences. Il comprendra sans doute mieux les expressions "prjug" ou "partis pris" ou "prsuppos". Comme, c'est dans de nombreux ouvrages en langue franaise, ce dernier terme qui revient le plus souvent et qu'il est donc d'une certaine manire "consacr" par l'usage et en mme temps comprhensible tout lecteur non initi aux finesses du langage des spcialistes, j'ai opt pour l'emploi de ce mot. Nous vivons tous avec des prsupposs. Mais il est bien inutile de les multiplier. C'est ce qu'a exprim un philosophe anglais du 14e sicle, Guillaume d'Occam : " Essentia non sunt multiplicanda praeter necessitam " c'est--dire " les prsupposs (sur la nature essentielle des choses) ne doivent pas tre invoqus au-del de la simple ncessit. " Nous vivons tous avec des prsupposs, mais cette phrase, connue parfois sous le nom de "rasoir d'Occam" rappelle constamment qu'il faut, la manire d'un rasoir ou d'un couteau, supprimer les prsupposs inutiles et bien reconnatre ceux que nous utilisons. Ayons prsent l'esprit que chaque fois que nous crons un prsuppos, aussi infime soit-il, nous ouvrons une nouvelle voie dans un labyrinthe. C'est parce que nous sommes devant une impasse dans notre raisonnement que nous avons tent une NOUVELLE piste explorer. Nous nous appuyons tous sur des prsupposs pour rsoudre des problmes ou concilier des divergences. Nous verrons, par exemple au chapitre I de la troisime section, que les tenants de la " haute critique " ont fait le prsuppos que Mose ne pouvait pas connatre l'criture. De mme, au chapitre II, le Dr. Bucaille prsuppose que le mot " fume " employ dans le Coran dsignerait les gaz primitifs ; des savants chrtiens prsupposent que le mot "eau" employ dans la Bible a le mme sens. Nous montrerons, au chapitre II de la quatrime section, que le Dr. Torki formule plusieurs prsupposs dans son tude des sept cieux. En soi, cette activit intellectuelle n'a rien de condamnable. Elle s'inscrit dans la recherche intellectuelle et le dsir de trouver une explication tout. Mais nous devons nous souvenir qu'il nous faut en limiter l'usage au strict ncessaire. Enfin, voici pour finir quelques remarques sur l'usage des mots arabes dans ce livre. Les noms franais des Sourates sont ceux que propose Muhammad Hamidullah dans sa traduction du Coran. Pour la transcription des noms de Sourates et des autres nom arabes examins et discuts dans le prsent ouvrage, je me suis servi des symboles phontiques internationaux. Il y a cependant des exceptions. Pour les noms des auteurs arabes qui s'expriment et crivent en franais ou en anglais, j'ai conserv la forme latine qu'ils ont choisie eux-mmes. La transcription des noms arabes, tels qu'ils apparaissent dans les Hadiths, n'est pas toujours uniforme. Je me suis content de conserver la forme que le traducteur anglais ou franais leur avait donn, sans vrifier dans l'original arabe. Un certain nombre de mots arabes se sont glisss dans la langue franaise et sont revtus d'une criture universellement admise. C'est le cas des mots " Hgire ", " Chiite ". Quant aux autres, je me suis content de les transcrire en franais, en conservant la phontique des noms; ainsi, j'ai prfr Muhammad Mahomet.

Aprs cette entre en matire, le dcor tant plant, efforons-nous de jeter un nouvel aperu sur la Bible et le Coran, la lumire de la science moderne. 1. La Bible, le Coran et la Science, ditions Seghers, Paris 1976, p.11. 2. Ibid., p12. 3. Ibid., p.112.

Premire partie PrologueI.I Quelques prsupposs en matire linguistiqueNotre intention et celle du Dr. Bucaille est d'examiner la Bible et le Coran la lumire des dcouvertes de la Science. La Bible et le Coran sont deux livres, tous deux sont plus que millnaires et rdigs dans les langues de civilisations qui ont depuis longtemps volu ou disparu. Si l'on parle encore aujourd'hui l'hbreu, le grec ou l'arabe, les civilisations judenne, hellnistique ou arabe n'existent plus telles que les ont connues les rdacteurs de la Bible ou le prdicateur du Coran. Lorsque nous voulons comparer une proposition tire du Coran ou de la Bible l'nonc moderne d'une observation ou d'une hypothse tudies par la Science, nous nous livrons un exercice trs srieux et difficile, qui nous oblige enjamber toute une partie de l'histoire des civilisations : il nous faut retrouver le sens du texte ancien. Car comparer des propositions dont on ne saisit pas le sens ne peut dboucher sur aucune conclusion touchant au sens ! On pourra comparer le nombre de lettre ou de mots, on ne pourra gure aller plus loin. Seules les significations des propositions nous intressent ici ; il faut donc chercher comprendre le texte du Coran ou le texte biblique avant de le soumettre un examen ultrieur. Le Dr. Bucaille s'est engag dans cette tude et nous allons notre tour, avec vous, ami lecteur, rechercher le sens de quelques-uns de ces vieux textes. Ce faisant, nous entrerons, comme le Dr. Bucaille, dans le domaine de la linguistique. C'est une science qui tudie les langues. Comme toutes les disciplines scientifiques, la linguistique met notre disposition des outils, des mthodes, mais aussi... des prsupposs, des modles, des rgles. Avant d'aborder la recherche du sens des mots, nous allons revenir un instant sur l'importance des prsupposs dans toute discussion, mme linguistique. Puis nous verrons comment les spcialistes de l'tude des langues s'y prennent pour tablir le sens d'un texte provenant d'une autre civilisation ou d'une autre culture. A l'aide d'exemples tirs du Coran ou de la Bible, nous illustrerons les rgles ainsi dfinies, avant d'examiner dans les chapitres suivants l'approche particulire du Dr. Bucaille et de proposer nous-mme quelques lments de rflexion. 1. L'importance des prsupposs dans une discussion Celui qui crit, ou lit, ou participe une discussion introduit dans son activit, que ce soit le livre qu'il rdige ou la discussion qu'il anime, un certain nombre d'ides fondamentales qu'il considre comme vraies. Parfois ces concepts peuvent faire l'objet d'un examen rigoureux, dans certains cas ils peuvent tre vrifis par des mesures. C'est notamment le cas des valeurs qui interviennent dans les sciences exactes. Ces ides peuvent aussi tre confrontes aux donnes de l'archologie ou compares d'autres documents historiques. Mais il arrive aussi que ces opinions chappent toute possibilit de vrification. C'est principalement celles-l que nous nous rfrons quand nous parlons de prsupposs. Prenons un exemple simple. Je crois fermement que la matire est relle, que le papier de ce livre est rel, matriellement et solidement prsent dans ce monde. Tel n'est cependant pas l'avis de tout le monde. Lorsque je suivais les cours de philosophie l'Universit, le professeur nous parla d'un philosophe grec, du nom de Znon, pour qui le monde n'tait qu'une illusion. Dans ma candeur, je levai la main et demandai : " Mais comment pouvait-il jouir de la vie, s'il la considrait comme une illusion ? "

Il avait raison. Du point de vue thorique, aucune raison ne s'oppose ce qu'une illusion vous procure de la joie. Une grande partie de notre temps passe poursuivre des chimres et chafauder des rves. Si j'avais pos la question, c'est que le postulat de Znon ne concordait pas avec le mien ; lui, il niait la ralit du monde, moi, je l'affirmais. Ce prsuppos particulier est partag par les musulmans, les chrtiens et les juifs. Ces trois confessions croient qu'un Dieu a cr l'univers actuel partir du nant ; c'est un univers rel que l'on peut partiellement toucher et mesurer. Les problmes de communication peuvent surgir lorsque nous n'avons plus les mmes prsupposs. Un jour, au Maroc, un homme vint me trouver pour une consultation mdicale. A la question que je lui posai concernant son emploi, il rpondit qu'il tait `aalim. Il enseignait donc la religion. Nous engagemes une discussion propos de l'Evangile. Dans le but de poursuivre notre entretien, il m'invita chez lui. Au cours de la conversation, nous abordmes le mot "messie" mentionn en Jean 1.41. J'expliquai alors mon interlocuteur : " Ce mot tire son origine de mot hbreu masiah qui correspond l'arabe a1-masih ; il est traduit par `Messie' en franais." " Non, rpondit-il, c'est un autre nom de Muhammad, car Muhammad possde plusieurs noms. " Aprs que nous ayons chacun prement dfendu notre point de vue, je suggrai : " Et bien, consultons un dictionnaire ! Vous avez sans doute un munjid (dictionnaire arabe). " " Il est inutile de consulter un dictionnaire ", poursuivit-il. " Pourquoi donc ? Je suis persuad que nous trouverions ce mot. " " Ce n'est pas la peine, ajouta-t-il, car le dictionnaire, c'est vous qui l'avez fait ! " " Qu'entendez-vous par l ? Je n'ai, personnellement, jamais t concern ni par la rdaction, ni par la publication de ce dictionnaire ! " " Et pourtant, si ! Car il est l'oeuvre des chrtiens." Ainsi prit fin notre conversation. Il y a vingt-cinq ans, le seul dictionnaire arabe disponible au Maroc avait t ralis par des catholiques, au Liban. Et cet ami ne pouvait admettre que ce dictionnaire ft valable. C'est pourquoi notre dsaccord sur un mot ne put se rsoudre l'aide d'un dictionnaire. Nous n'avions pas le mme prsuppos concernant le critre de fiabilit et de validit du dictionnaire. 2. Le sens des mots L'exemple prcdent prouve l'vidence que pralablement toute discussion sur des sujets scientifiques ou religieux, nous devons trouver un terrain d'entente sur le sens des mots que nous employons et, le cas chant, sur la manire de connatre le sens vritable de ces mots. Le Dr. Bucaille est trs sensible cet aspect de la question. Dans son livre un chapitre entier est consacr au sens du mot arabe `alaqa. Quatre pages sont rserves l'tude du sens des mots grecs laleo, akouo et parakletos. Mais comment connatre le sens exact des mots ? Qui a le pouvoir de dcider qu'un mot doit tre pris dans telle acception plutt que dans telle autre ? Comment naissent les dictionnaires? En ralit chacun contribue l'laboration des dictionnaires, aussi bien vous que moi. Et cela, par l'emploi que nous faisons des mots sur une priode donne. Voici comment J. Pytard et E. Genouvrier dcrivent les tapes prparatoires la cration de dictionnaires, dans leur ouvrage Linguistique et enseignement du franais (1) : " Dans le champ des recherches sur les caractres statistiques du vocabulaire et du lexique, une place importante est faite aux enqutes qui ont t conduites sur la langue parle. Ces enqutes avaient, au moins, une double fonction : nous renseigner sur les limites et le contenu du vocabulaire le plus frquemment employ dans la langue orale, et, partir de ce vocabulaire < fondamental > (ou de base), dterminer une pdagogie nouvelle de la langue franaise...

La dmarche tait celle d'une enqute, conduite sur le vif, l'aide d'un matriel d'enregistrement et visant la collecte de dialogues entre plusieurs interlocuteurs avertis ou non de l'investigation dont leur parler tait l'objet. Ainsi 163 textes, issus de ces dialogues de tmoins d'origine sociale et gographique diverses, ont t recueillis puis dpouills, fournissant un ensemble de 312 135 mots, le nombre de mots diffrents tant de 7 995. Les mots diffrents ont t rangs en tenant compte de leur frquence d'emploi et de leur rpartition dans les textes, c'est--dire du < nombre de textes o le mot figure >... Cependant les enquteurs ont complt leur recherche sur le franais oral, o la notion de frquence tait fondamentale, par une enqute utilisant des questionnaires tablis sur un