31-07-12 amnesty international 2012 - rapport des drois humains dans le monde

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    AMNESTYINTERNATIONAL

    1AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012

    LA SITUATION DES DROITS HUMAINS DANS LE MONDE

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    uyMartin/Panos

    Sur la place Tahrir, au Caire (gypte), lafoule allume des fuses clairantes pourfter lannonce de la dmission dHosni

    Moubarak, le 11 fvrier 2011.

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    amnesty.or

    AILRC-FR, 2012

    Amnesty InternationalCentre de ressources linguistiquesUnit charge de la langue franaise,www.amnesty.org/fr

    DIFFUSIONCe livre est en vente auprsdes sections et groupesdAmnesty International(voir adresses p. 406-409).

    Il est galement en venteen librairie.

    IMPRESSIONCLAES-printing St Pieters-Leeuw, Belgique

    Version originale anglaise :

    Amnesty InternationalPublications 2012,1 Easton Street,Londres WC1X 0DW,Royaume-Uni.

    Index AI : POL 10/001/2012

    Tous droits de reproduction

    rservs. Il est interdit dereproduire intgralementou partiellement le prsentouvrage sur quelque supportque ce soit sans autorisationdes diteurs.

    ISBN : 978-2-8766-6187-5

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    1AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012

    LA SITUATION DES DROITS HUMAINS DANS LE MONDE

    Ce rapport couvre la priode allant de janvier dcembre 2011

    AMNESTYINTERNATIONAL

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    Des journalistes interviewent lartistemilitant Ai Weiwei devant chez lui, Pkin (Chine), aprs sa libration le22 juin 2011.

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    PPhoto/NgHanG

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    VIII Amnesty International - Rapport 2012

    PRFACE, XI

    CHAPITRE IRsums rgionauxAfrique, XXIAmriques, XXXI

    Asie-Pacique, XLIEurope et Asie centrale, LIMoyen-Orient et Afrique du Nord, LXI

    CHAPITRE IIPaysAfghanistan, 1Afrique du Sud, 5Albanie, 9Algrie, 11Allemagne, 14Angola, 16

    Arabie saoudite, 19Argentine, 23Armnie, 25Australie, 26Autorit palestinienne, 27Autriche, 30Azerbadjan, 32Bahamas, 34Bahren, 35Bangladesh, 39Blarus, 41Belgique, 44Bnin, 45Bolivie, 46Bosnie-Herzgovine, 47Brsil, 51Bulgarie, 56Burkina Faso, 57Burundi, 58Cambodge, 61Cameroun, 64Canada, 66Chili, 68Chine, 70Chypre, 75

    Colombie, 76Congo, 81

    Core du Nord, 82Core du Sud, 85Cte dIvoire, 86Croatie, 89Cuba, 92Danemark, 94

    gypte, 96mirats arabes unis, 101quateur, 103rythre, 105Espagne, 107tats-Unis, 111thiopie, 115Fidji, 119Finlande, 120France, 121Gambie, 124Gorgie, 125

    Ghana, 127Grce, 128Guatemala, 131Guine, 133Guine-Bissau, 135Guine quatoriale, 136Guyana, 139Hati, 140Honduras, 142Hongrie, 143Inde, 146Indonsie, 150Irak, 153

    Iran, 157Irlande, 162Isral et territoires palestiniens occups, 164Italie, 169Jamaque, 177Japon, 175Jordanie, 176Kazakhstan, 179Kenya, 182Kirghizistan, 185Kowet, 188Laos, 190

    Liban, 191Liberia, 194

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    SOMMAIRE

    RAPPORT 2012

    Amnesty International - Rapport 2012 IX

    Libye, 196Lituanie, 202Macdoine, 203Madagascar, 206Malaisie, 207Malawi, 209

    Maldives, 211Mali, 212Malte, 213Maroc et Sahara occidental, 214Mauritanie, 217Mexique, 219Moldavie, 224Mongolie, 226Montngro, 227Mozambique, 229Myanmar, 231Namibie, 235Npal, 236Nicaragua, 238Niger, 239Nigeria, 240Norvge, 245Nouvelle-Zlande, 246Oman, 247Ouganda, 248Ouzbkistan, 254Pakistan, 252Panama, 258Paraguay, 259Pays-Bas, 261

    Prou, 262Philippines, 263Pologne, 266Porto Rico, 268Portugal, 268Qatar, 269Rpublique centrafricaine, 270Rpublique dmocratique du Congo, 273Rpublique dominicaine, 278Rpublique tchque, 280Roumanie, 282Royaume-Uni, 284Russie, 288Rwanda, 293

    Salvador, 297Sngal, 298Serbie, 299Sierra Leone, 304Singapour, 307Slovaquie, 308

    Slovnie, 310Somalie, 312Soudan, 316Soudan du Sud, 320Sri Lanka, 322Sude, 325Suisse, 326Swaziland, 327Syrie, 330Tadjikistan, 336Taiwan, 337Tanzanie, 338Tchad, 340Thalande, 343Timor-Leste, 346Togo, 347Trinit-et-Tobago, 348Tunisie, 349Turkmnistan, 353Turquie, 354Ukraine, 359Uruguay, 362Venezuela, 363Vit-Nam, 365Ymen, 367

    Zimbabwe, 372

    CHAPITRE IIItat des ratications de certainstraits relatifs aux droits humains, 379Traits internationaux, 386Traits rgionaux, 396

    CHAPITRE IVAdresses, 406Index, 414

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    A

    mnestyInternational(photo:GraceGonzalez)

    Des femmes et des lles, des hommeset des garons manifestent au Nicaraguale 28 septembre 2011, loccasion de

    la Journe pour la dpnalisation delavortement en Amrique latine et dansles Carabes.

    Le papillon symbolise pour nous le dsir

    de raliser nos rves, de dployer nos ailes

    [et] de dfendre avec force nos droits.

    Martha Mungua, de lAlliance des centres nicaraguayens

    pour les femmes

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    Amnesty International - Rapport 2012 XI

    PRFACE

    SI qUELqUE CHOSE MARRIvE, SACHEz qUELE RgIME NE CRAINT PAS LES PRISONNIERSMAIS PLUTT CEUx PARMI vOUS qUI NE LESOUbLIENT PAS. Razan Ghazzawi, blogueuse syrienne dtenue pendant 15 jours en Syrie en dcembre 2011

    Le Rapport 2012 dAmnesty International rend compte de la situation des droits

    humains dans le monde en 2011. travers cinq rsums rgionaux et une tude au

    cas par cas de 155 pays et territoires, il se fait lcho des appels exigeant le respect

    des droits humains qui nont cess de rsonner dans le monde entier.

    Des millions de personnes sont descendues dans la rue, soulevant une gigantesque

    vague despoir de libert et de justice. Mme la plus brutale des rpressions semblait

    incapable dtouffer les revendications de plus en plus pressantes de populations qui

    ntaient plus prtes supporter des systmes politiques ignorant les idaux dgalit

    tout autant que les principes de la responsabilit, de la justice et de la transparence.

    La rsistance contre linjustice et la rpression a pris bien des formes et sest plus

    dune fois incarne dans des actes dmontrant un courage et une dtermination

    immenses de la part dhommes, de femmes et de groupes de personnes confronts

    des obstacles qui semblaient insurmontables. Malgr lindiffrence, les menaces

    et les attaques, les dfenseurs des droits humains ont men des actions en justice

    aux niveaux national et international, pour faire reculer une impunit et unediscrimination profondment enracines.

    Ce rapport rete lapproche dAmnesty International qui, dans son combat contre

    les violations des droits humains, examine les problmes poss et les possibilits de

    changement dans un pays ou une rgion donns. lheure o Amnesty International

    vient de franchir le cap de son 50e anniversaire, ce rapport tmoigne non seulement

    du sort rserv toutes ces femmes et tous ces hommes dont lexistence est

    marque par les atteintes aux droits humains, mais galement de laction de celles et

    ceux qui continuent de se mobiliser au nom du principe de la dignit humaine.

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    XII Amnesty International - Rapport 2012

    Les donnes gurant au dbut de chaque entre pays proviennent des sources indiques ci-aprs.

    Les chiffres sur lesprance de vie et le taux dalphabtisation des adultes sont tirs du Rapport sur ledveloppement humain 2011 du Programme des Nations unies pour le dveloppement (PNUD), disponible ladresse http://hdr.undp.org/fr/rapports/mondial/rdh2011.

    Les derniers chiffres disponibles concernent lesprance de vie la naissance (pour 2011) et le tauxdalphabtisation des adultes (en pourcentage de la population de 15 ans et plus, pour la priode 2005-2010).Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site du PNUD ou sur celui de lInstitut de statistique de lUNESCO(www.uis.unesco.org).

    Le PNUD a plac certains pays ayant un taux dalphabtisation de 99 % dans la catgorie des pays dveloppement humain lev . Dans ces cas, nous navons pas jug utile de prciser ce chiffre.

    Les chiffres concernant la population portent sur lanne 2011 et ceux qui concernent le taux de mortalitdes enfants de moins de cinq ans sur lanne 2009. Ils proviennent tous du rapport tat de la populationmondiale 2011 du FNUAP, disponible ladresse http://foweb.unfpa.org/SWP2011/reports/FR-SWOP2011.pdf.

    La population nest indique que pour donner une ide du nombre de personnes concernes par les sujets quenous traitons. Amnesty International reconnat que ce type dinformation a une utilit limite, et ne prend pasposition sur des questions telles que la dlimitation de territoires litigieux ou la prise en compte ou non decertains groupes dans le dcompte de la population.

    Certaines entres de ce rapport ne mentionnent quune partie de ces lments. Diffrentes raisons expliquentces omissions, notamment labsence de telles informations dans les tableaux des Nations unies voqus plushaut.

    Les chiffres indiqus sont les derniers disponibles lheure de la mise sous presse et leur seul objectif est desituer le pays dans son contexte. Toute comparaison entre pays doit tre faite avec la plus grande prcaution,compte tenu des diffrences de mthodologie et du caractre temporaire des donnes fournies.

    LES REPRES CONCERNANT LES PAYS

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    Amnesty International - Rapport 2012 XIII

    ANASE

    Association des Nations de lAsie du Sud-EstCIAAgence centrale du renseignement des tats-Unis

    CEDEAOCommunaut conomique des tats de lAfrique de lOuest

    CICRComit international de la Croix-Rouge

    DESCDroits conomiques, sociaux et culturels

    FNUAPFonds des Nations unies pour la population

    OEAOrganisation des tats amricains

    OITOrganisation internationale du travail

    OMSOrganisation mondiale de la sant

    ONgOrganisation non gouvernementale

    ONUOrganisation des Nations unies

    OTANOrganisation du trait de lAtlantique nord

    PIDCPPacte international relatif aux droits civils et politiques

    PIDESCPacte international relatif aux droits conomiques,sociaux et culturels

    UNESCOOrganisation des Nations unies pour lducation, la scienceet la culture

    UNICEFFonds des Nations unies pour lenfance

    Comit europen pour la prvention de la tortureComit europen pour la prvention de la torture et despeines ou traitements inhumains ou dgradants

    Comit sur les travailleurs migrantsComit pour la protection des droits de tous les travailleursmigrants et des membres de leur famille

    Convention contre la tortureConvention contre la torture et autres peines ou traitementscruels, inhumains ou dgradants

    Convention contre les disparitions forcesConvention internationale pour la protection de toutes

    les personnes contre les disparitions forcesConvention europenne des droits de lhommeConvention de sauvegarde des droits de lhomme et desliberts fondamentales

    Convention sur la discrimination raciale

    Convention internationale sur llimination de toutesles formes de discrimination raciale

    Convention sur la protectiondes travailleurs migrantsConvention internationale sur la protectiondes droits de tous les travailleurs migrants etdes membres de leur famille

    Convention sur les femmesConvention sur llimination de toutes les formesde discrimination lgard des femmes

    Convention n 169 de lOIT

    Convention n 169 de lOIT relative aux peuplesindignes et tribaux

    Deuxime Protocole facultatifse rapportant au PIDCPDeuxime protocole facultatif se rapportant au PIDCP,visant abolir la peine de mort

    Protocole la Charte portant cration dune Courafricaine des droits de lhomme et des peuplesProtocole la Charte africaine des droits de lhomme et despeuples portant cration dune Cour africaine des droits delhomme et des peuples

    Protocole facultatif la Convention

    contre la tortureProtocole facultatif se rapportant la Conventioncontre la torture et autres peines ou traitements cruels,inhumains ou dgradants

    Protocole facultatif la Conventionrelative aux droits de lenfantProtocole facultatif se rapportant la Conventionrelative aux droits de lenfant, concernant limplicationdenfants dans les conits arms

    Rapporteur spcial des Nationsunies sur la tortureRapporteur spcial des Nations unies sur la tortureet les autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dgradants

    Rapporteur spcial des Nationsunies sur le racismeRapporteur spcial des Nations unies sur les formescontemporaines de racisme, de discrimination raciale,de xnophobie et de lintolrance qui y est associe

    Rapporteur spcial des Nationsunies sur les populations autochtonesRapporteur spcial des Nations unies sur la situationdes droits de lhomme et des liberts fondamentalesdes populations autochtones

    Rapporteuse spciale des Nations uniessur la violence contre les femmesRapporteuse spciale des Nations unies charge de laquestion de la violence contre les femmes, y compris sescauses et ses consquences

    SIgLES ET AbRvIATIONS

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    mosGumulira/AfricaMediaOnline

    La police du Malawi poursuit desmanifestants. Des mouvements deprotestation contre la mauvaisegouvernance, les pnuries de carburantet les atteintes aux droits humainsont eu lieu dans plusieurs villes dupays le 22 juillet 2011. Lors de cesmanifestations, la police a tir ballesrelles, tuant au moins 19 personnes et enblessant des dizaines dautres, dont desmineurs.

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    PPhoto/ItalianCo

    astGuard,FrancescoMalavolta

    Des migrants sont secourus par desgarde-ctes italiens au large de lle dePantelleria (Italie), le 13 avril 2011.

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    AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012

    CHAPITRE I - RSUMS RgIONAUx

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    Soudan, aot 2011. Un homme observedes avions militaires qui traversent leciel de Kurchi (Kordofan mridional).Un conit a clat dans la rgion en juinet, plusieurs reprises, le gouvernementsoudanais a bless et tu des civils dansdes bombardements ariens aveugles.

    C

    arstenStormer

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    RSUMSRgIONAUx

    AFRIqUE

    Amnesty International - Rapport 2012 XXI

    AFRIqUE

    Cette anne pourrait tre celle o la libert dexpression et dassociationsera respecte. [] Celle o les thiopiens ne seront plus incarcrs en

    raison de leurs convictions politiques. Le journaliste et ancien prisonnier dopinion thiopien Eskinder Nega, dans un discours sur lalibert de la presse prononc en septembre 2011 la veille du Nouvel An thiopien. EskinderNega a t arrt quelques jours plus tard et inculp de trahison et dinfractions lies auterrorisme.

    Les mouvements populaires qui ont dferl en Afrique du Nord ont trouv

    un cho chez les populations dAfrique sub-saharienne, en particulier dans

    les pays dirigs par des gouvernements rpressifs. Syndicalistes, tudiants et

    gures de lopposition politique se sont mobiliss pour organiser des mani-festations. Mus par leurs aspirations politiques, leur qute dune plus grande

    libert et un profond sentiment de frustration n dune vie marque par le

    dnuement, des hommes et des femmes sont descendus dans la rue pour

    dnoncer laugmentation du cot de la vie et protester contre leur situation

    conomique et sociale dsespre.

    Beaucoup des facteurs sous-jacents qui ont conduit aux soulve-

    ments en Afrique du Nord et au Moyen-Orient existent galement dans

    dautres rgions dAfrique. Cest notamment le cas des dirigeants auto-

    ritaires qui se maintiennent au pouvoir depuis plusieurs dcennies en

    sappuyant sur leurs services de scurit pour rprimer la dissidence.En outre, la pauvret et la corruption sont trs rpandues, les liberts les

    plus lmentaires font dfaut et de vastes catgories de population sont

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    XXII Amnesty International - Rapport 2012

    souvent tenues lcart du reste de la socit. En rprimant avec bruta-

    lit les manifestations de 2011, les responsables politiques de la rgion

    ont montr quils nont pas su tirer les leons de ce qui est arriv leurs

    homologues du nord.

    PauvretAu cours de la dernire dcennie, les taux de pauvret ont progressivement

    diminu en Afrique et des avances ont t enregistres dans la ralisationdes Objectifs du millnaire pour le dveloppement. Il nen demeure pas

    moins que plusieurs millions de personnes vivent toujours dans la pauvret,

    prives des services essentiels que sont une eau propre, des installations

    sanitaires, laccs aux soins et lducation.

    Du fait de la rapidit de lurbanisation, de nombreux Africains nont pas

    de logement dcent ; ils sont nombreux vivre dans des bidonvilles, o les

    installations les plus lmentaires font dfaut et o ils risquent tout moment

    dtre expulss de force par les autorits. Bien souvent, les personnes expul-

    ses perdent leurs biens lorsque leurs habitations sont dmolies. Beaucoup

    perdent galement leurs moyens de subsistance, ce qui les entrane encoredavantage dans la spirale de la misre. Les expulsions forces massives qui

    ont eu lieu dans au moins cinq zones dimplantation sauvage de Nairobi

    (Kenya) ont touch plusieurs milliers de personnes. Des centaines dautres

    ont t chasses dun campement du Territoire de la capitale fdrale, au

    Nigeria. NDjamena (Tchad) et dans diffrentes rgions dAngola, les expul-

    sions forces se sont poursuivies.

    Le fort taux de chmage et le niveau lev de pauvret ont t en partie

    lorigine de certaines violences, y compris lors de manifestations antigou-

    vernementales. Les mesures de lutte contre la corruption ont t souvent

    rduites nant parce quelles ne bnciaient daucun soutien politique. AuNigeria, par exemple, le chef de ltat a limog la prsidente de la Commission

    des crimes conomiques et nanciers six mois avant la n de son mandat,

    sans fournir la moindre explication.

    Rpression politiqueGalvaniss par les vnements en Afrique du Nord, des manifestants

    antigouvernementaux sont descendus, partir de la n janvier, dans les

    rues de Khartoum et dautres villes du Soudan. Ils ont subi les coups des

    forces de scurit et de trs nombreux militants et tudiants ont t arrts

    et dtenus arbitrairement. Beaucoup auraient t torturs en dtention.En Ouganda, des personnalits de lopposition ont appel la population

    reproduire les mouvements de protestation gyptiens en descendant

    dans la rue, mais les rassemblements ont t marqus par des violences.

    En fvrier, le gouvernement ougandais a interdit toute manifestation. La

    police et larme ont recouru une force excessive contre les manifes-

    tants et le dirigeant de lopposition Kizza Besigye a t harcel et arrt. Au

    Zimbabwe, une quarantaine de militants ont t arrts en fvrier pour la

    seule raison quils avaient discut des vnements dAfrique du Nord. Six

    dentre eux ont dans un premier temps t accuss de trahison. En avril,

    les autorits du Swaziland ont rprim des manifestations similaires avecune force excessive.

    En rprimantavec brutalit lesmanifestations de2011, les responsablespolitiques de la rgionont montr quilsnont pas su tirerles leons de ce quiest arriv leurshomologues du nord.

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    RSUMSRgIONAUx

    AFRIqUE

    Amnesty International - Rapport 2012 XXIII

    Les forces de scurit ont tir balles relles contre des manifestants anti-

    gouvernementaux en Angola, au Burkina Faso, en Guine, au Liberia, au

    Malawi, en Mauritanie, au Nigeria, au Sngal, en Sierra Leone et au Soudan

    du Sud, ce qui a fait de nombreuses victimes. Les autorits nouvraient en

    gnral pas denqute sur lutilisation excessive de la force et personne na

    t amen rendre des comptes sur les homicides.

    Dans la plupart des pays dAfrique, des dfenseurs des droits humains,

    des journalistes et des opposants ont, cette anne encore, t victimesdarrestations et de placements en dtention arbitraires ; certains ont t

    passs tabac, menacs, intimids ; certains ont t tus par des groupes

    arms ou par les forces de scurit gouvernementales. Les enqutes ouvertes

    au Burundi sur le meurtre, en 2009, du dfenseur des droits humains Ernest

    Manirumva nont pas enregistr de vritables avances. En Rpublique

    dmocratique du Congo (RDC), cinq policiers ont t reconnus coupables,

    en juin, de lassassinat en 2010 du militant des droits fondamentaux Floribert

    Chebeya. Mais aucune enqute navait t mene sur certaines personnes

    qui semblaient pourtant avoir eu un rle dans ce meurtre.

    Au Burundi, en thiopie, en Gambie, en Guine, en Guine-Bissau, enGuine quatoriale, au Liberia, Madagascar, en Ouganda, en RDC, en

    Somalie et au Soudan, les autorits cherchaient garder le contrle des infor-

    mations destines au public. Elles ont impos des restrictions sur la couver-

    ture de certains vnements, ferm ou suspendu des stations de radio,

    bloqu des sites Internet spciques ou interdit la publication de journaux. Le

    Rwanda sest engag dans une srie de rformes en vue daccrotre la libert

    des mdias, mais certains organes de presse ferms par les autorits en 2010

    navaient toujours pas repris leurs activits. Deux journalistes ont par ailleurs

    t condamns de lourdes peines demprisonnement.

    Les assembles nationales dAfrique du Sud et dAngola ont examin desprojets de loi susceptibles de restreindre fortement la libert dexpression et

    laccs linformation. Un point positif est cependant noter : au Nigeria, le

    prsident Goodluck Jonathan a enn promulgu la Loi relative la libert de

    linformation.

    ConitsLes violences politiques qui avaient clat en Cte dIvoire en novembre 2010,

    la suite de llection prsidentielle, ont dgnr en conit arm durant la

    premire moiti de lanne 2011. Les forces allies Alassane Ouattara ont

    reu le soutien dune force franaise et de la mission de maintien de la paixdes Nations unies. Elles ont pris le contrle du pays la n du mois davril

    et ont arrt lancien prsident Laurent Gbagbo, ainsi quun grand nombre

    de ses sympathisants. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont t

    dplaces par le conit ; beaucoup se sont rfugies dans des pays voisins,

    en particulier au Liberia. Des milliers de civils ont t tus ou blesss dans la

    capitale conomique, Abidjan, et dans louest du pays. En mars et en avril, les

    deux parties au conit ont tu en toute illgalit plusieurs centaines de civils

    Dukou (ouest du pays) et dans des villages alentour o les gens taient

    pris pour cible en raison de leur origine ethnique ou de leur afliation poli-

    tique suppose. La mission de maintien de la paix de lONU na pas protgefcacement la population civile Dukou. Les forces des deux camps en

    Les forces de scuritont tir balles rellescontre des manifestantsantigouvernementaux,ce qui a fait denombreuses victimes.

  • 7/29/2019 31-07-12 Amnesty International 2012 - Rapport Des Drois Humains Dans Le Monde

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    XXIV Amnesty International - Rapport 2012

    prsence se sont galement rendues coupables de violences sexuelles, y

    compris de viols, et en octobre la Cour pnale internationale (CPI) a auto-

    ris louverture dune enqute sur les crimes de guerre et les crimes contre

    lhumanit commis par les deux parties au conit. Sous le coup dun mandat

    darrt mis par la CPI, Laurent Gbagbo a t transfr aux Pays-Bas et remis

    la Cour en novembre. Pour prserver sa crdibilit, la CPI doit veiller ce

    que les crimes commis par les forces dles au prsident Ouattara fassent

    eux aussi lobjet dune enqute et que les responsables prsums soientpoursuivis. La CPI doit aussi enquter sur les crimes de guerre et les crimes

    contre lhumanit perptrs avant llection prsidentielle de novembre 2010,

    dans la mesure o, ce jour, lappareil judiciaire ivoirien na pas eu la capa-

    cit ou la volont de le faire.

    Les Sud-Soudanais se sont prononcs, de faon crasante, en faveur de

    lindpendance du Soudan du Sud lors du rfrendum de janvier sur lauto-

    dtermination. Une fois la date de lindpendance xe (au 9 juillet), les

    tensions se sont accrues dans les zones de transition que sont la rgion

    dAbyei et les tats du Kordofan mridional et du Nil bleu. Un autre rf-

    rendum prvu en janvier, concernant Abyei, na nalement pas eu lieu. Unconit a clat en mai dans la rgion : soutenues par des milices, les Forces

    armes soudanaises ont pris le contrle dAbyei, obligeant plusieurs dizaines

    de milliers de membres du groupe des Dinkas Ngoks se rfugier au Soudan

    du Sud. Dans la ville dAbyei, des habitations ont t pilles et dtruites. L

    encore, la mission de maintien de la paix de lONU, dploye Abyei, na

    pas pris de mesures signicatives pour empcher les attaques et protger

    la population civile. la n de lanne, aucune solution navait t trouve

    concernant le statut dAbyei.

    En raison de dissensions sur des questions de scurit et sur lissue des

    lections au Kordofan mridional, la situation dans cet tat a dgnr enconit arm entre le Mouvement populaire de libration du Soudan-Nord

    (MPLS-Nord) et les Forces armes soudanaises. Des centaines de milliers

    de personnes ont t dplaces par le conit et par le climat gnral din-

    scurit. Les troupes gouvernementales ont procd des bombardements

    ariens aveugles qui ont fait de nombreuses victimes civiles. Les Nations

    unies et diverses autres organisations, dont Amnesty International, ont

    recueilli des informations sur ces attaques menes sans discrimination et

    ces homicides illgaux. Angelo al Sir, un agriculteur, a ainsi dcrit la mort de

    son pouse, qui tait enceinte, de deux de leurs enfants et de deux autres

    parents, tus le 19 juin lors du bombardement dUm Sirdeeba, un village lest de Kadugli.

    En septembre, le conit au Kordofan mridional stait tendu ltat du

    Nil bleu, contraignant plusieurs dizaines de milliers de personnes se rfu-

    gier au Soudan du Sud et en thiopie. En refusant laccs aux organisations

    humanitaires indpendantes et aux observateurs, des droits humains entre

    autres, le gouvernement soudanais a de fait ferm les tats du Kordofan mri-

    dional et du Nil bleu au monde extrieur. Le Conseil de paix et de scurit de

    lUnion africaine et le Conseil de scurit des Nations unies nont pris aucune

    mesure concrte face cette situation. Ils se sont notamment abstenus de

    condamner les obstacles opposs aux organisations humanitaires et la pour-suite des atteintes aux droits humains.

    Rares sont lespersonnes qui ont t

    amenes rendredes comptes pourdes atteintes auxdroits fondamentaux.Cest pourquoi dansbeaucoup de pays dela rgion, la populationna plus conancedans les organeschargs de faire

    appliquer la loi ni danslappareil judiciaire.

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    RSUMSRgIONAUx

    AFRIqUE

    Amnesty International - Rapport 2012 XXV

    Le conit au Darfour (Soudan) sest poursuivi sans relche et le nombre

    dhabitants contraints de quitter leur foyer a encore augment. Les auto-

    rits soudanaises sen sont prises aux personnes qui vivaient dj dans

    des camps de dplacs car elles les considraient comme soutenant les

    groupes dopposition arms. De nouveaux cas de viol et dautres formes

    de violences sexuelles ont t signals. Le Soudan refusait toujours de

    cooprer avec la CPI. Le procureur de la CPI a requis la dlivrance dun

    mandat darrt contre le ministre de la Dfense, Abdelrahim MohamedHussein, pour des crimes de guerre et des crimes contre lhumanit

    commis au Darfour.

    En Somalie, les combats qui se poursuivaient contre le groupe arm isla-

    miste Al Shabab ont pris une dimension rgionale lorsque des soldats kenyans

    et thiopiens sont intervenus directement dans les combats. Plusieurs milliers

    de civils ont t blesss ou tus au cours dattaques menes sans discerne-

    ment par diffrentes parties en prsence, essentiellement Mogadiscio. Des

    centaines de milliers de personnes ne pouvaient toujours pas rentrer chez

    elles en raison du conit et de linscurit. La scheresse qui svissait dans la

    sous-rgion a aggrav une situation humanitaire dj catastrophique et ltatde famine a t dclar dans certaines parties de la Somalie. Les organisa-

    tions humanitaires avaient dimmenses difcults accder aux populations

    pour leur apporter une aide durgence.

    Le conit qui dchirait lest de la RDC semblait lui aussi sans issue. Les

    violences sexuelles, dont le viol, constituaient une pratique gnralise tant

    des forces de scurit gouvernementales que des groupes dopposition

    arms. Dautres atteintes aux droits humains homicides illgaux, pillages,

    enlvements se poursuivaient galement, essentiellement imputables aux

    groupes arms. Lappareil judiciaire de la RDC ntait pas en mesure de traiter

    les nombreuses affaires de violations des droits fondamentaux commises aucours du conit. Cette anne encore, des enfants ont t recruts et utiliss

    comme soldats, notamment en Rpublique centrafricaine, en RDC et en

    Somalie.

    Certains gouvernements africains taient toujours peu disposs faire en

    sorte que les responsables de crimes de droit international rendent compte

    de leurs actes. Ainsi, le Sngal refusait toujours de poursuivre ou dextrader

    Hissne Habr, lancien prsident du Tchad. Le gouvernement burundais,

    quant lui, a examin en n danne une proposition de rvision de la loi

    visant mettre en place une commission de vrit et de rconciliation, mais

    manquait manifestement de la volont politique ncessaire pour crer untribunal spcial, ainsi que les Nations unies lavaient recommand en 2005.

    Justice et impunitNombre daffaires de violations commises par les forces de scurit ou les

    forces de lordre ntaient pas traites. Les autorits nouvraient presque

    jamais denqute indpendante et impartiale sur les arrestations et les dten-

    tions arbitraires, les actes de torture et les autres mauvais traitements, les

    homicides illgaux (y compris les excutions extrajudiciaires) ou les dispari-

    tions forces qui leur taient signals. Rares sont les personnes qui ont t

    amenes rendre des comptes pour des atteintes aux droits fondamentaux.Cest pourquoi dans beaucoup de pays de la rgion, la population na plus

  • 7/29/2019 31-07-12 Amnesty International 2012 - Rapport Des Drois Humains Dans Le Monde

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    XXVI Amnesty International - Rapport 2012

    conance dans les organes chargs de faire appliquer la loi ni dans lappa-

    reil judiciaire. Ceux qui tentent de saisir la justice ofcielle, notamment les

    victimes datteintes aux droits humains, se voient par ailleurs confronts un

    autre obstacle, celui du cot.

    Limpunit pour les violations des droits humains perptres par des

    agents de la force publique tait gnralise au Burundi, au Cameroun,

    au Congo, en rythre, en thiopie, en Gambie, en Guine, en Guine-

    Bissau, au Kenya, Madagascar, au Malawi, au Mozambique, au Nigeria,en RDC, au Sngal, au Soudan, au Swaziland, en Tanzanie et au

    Zimbabwe. La commission denqute sur les excutions extrajudiciaires

    mise en place par le gouvernement burundais na pas publi ses conclu-

    sions. Les autorits burundaises nont pas non plus ouvert denqute sur

    les informations selon lesquelles des membres du Service national de

    renseignement (SNR) se seraient rendus coupables de torture en 2010.

    Autre exemple agrant du caractre institutionnalis de limpunit : au

    cours de lExamen priodique universel du Soudan par le Conseil des

    droits de lhomme [ONU], en septembre, ce pays a rejet les recomman-

    dations qui lui taient faites de rexaminer sa Loi de 2010 relative lascurit nationale et de rformer le Service national de la sret et du

    renseignement (NISS). De ce fait, les agents du NISS demeurent labri

    de toute poursuite et de toute sanction disciplinaire pour les violations des

    droits humains quils ont commises.

    Le nombre de personnes en dtention provisoire demeurait trs lev car,

    dans la plupart des pays, lappareil judiciaire ntait pas en mesure de garantir

    un procs quitable dans un dlai raisonnable. Beaucoup de personnes ne

    pouvaient pas bncier des services dun avocat aprs leur arrestation.

    Dans de nombreux pays, les conditions de dtention taient pouvantables :

    la surpopulation et la pnurie de personnel pnitentiaire semblaient tre largle, tout comme le manque de soins, deau, de nourriture et dquipements

    sanitaires de base pour les dtenus. Bien souvent, elles ne rpondaient pas

    aux critres minimaux xs par les normes internationales et sapparentaient

    une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dgradant. Dans une

    affaire particulirement horrible intervenue en septembre, neuf hommes sont

    morts asphyxis dans les locaux de la gendarmerie nationale de Lr (Tchad)

    o ils taient entasss.

    La tendance vers labolition de la peine de mort sest poursuivie.

    LAssemble nationale du Bnin a vot en faveur de la ratication du

    Deuxime Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatifaux droits civils et politiques, conrmant ainsi son intention dabolir la

    sentence capitale. Au Ghana, labolition de cette peine a t recommande

    par la Commission de rvision de la Constitution. En octobre, le procureur

    gnral fdral et ministre de la Justice du Nigeria a inform une dlgation

    dAmnesty International que le gouvernement avait instaur un moratoire

    ofciel sur les excutions. Le gouvernement de Sierra Leone avait fait une

    dclaration similaire en septembre. loppos de ces volutions encoura-

    geantes, la Somalie, le Soudan et le Soudan du Sud guraient parmi les

    derniers pays dAfrique sub-saharienne procder encore des excu-

    tions, souvent lissue de procs contraires aux rgles dquit les pluslmentaires.

  • 7/29/2019 31-07-12 Amnesty International 2012 - Rapport Des Drois Humains Dans Le Monde

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    RSUMSRgIONAUx

    AFRIqUE

    Amnesty International - Rapport 2012 XXVII

    MarginalisationDans de nombreux pays, rfugis et migrants taient plus que dautres

    victimes datteintes aux droits fondamentaux. Des Congolais ont, cette anne

    encore, t en butte des violences sexuelles au moment o ils taient

    expulss dAngola. En Mauritanie, les autorits ont arrt arbitrairement

    plusieurs milliers de migrants avant de les renvoyer vers des pays voisins. Au

    Mozambique aussi, des rfugis et des migrants ont t victimes de violations

    de leurs droits fondamentaux. Des homicides illgaux commis par des agents

    de la force publique ont notamment t signals. Les rfugis et des migrants

    en Afrique du Sud continuaient dtre la cible de violences et de destructions

    de biens. En dcembre, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les

    rfugis (HCR) a recommand que les pays daccueil prennent des mesures

    pour mettre un terme au statut de rfugi accord jusque-l la plupart

    des Rwandais prsents sur leur territoire. Les rfugis et les organisations

    de dfense des droits humains se sont mus du fait que le HCR navait pas

    vritablement expos le fondement de cette recommandation, ainsi que du

    fait que sa mise en uvre par les tats risquait dexposer au risque de renvoi

    forc vers le Rwanda un grand nombre de personnes ayant toujours besoin

    dune protection.

    Plusieurs dizaines de milliers de Sud-Soudanais ont dcid de quitter le

    Soudan pour le Soudan du Sud, car ils risquaient de perdre leurs droits la

    nationalit soudanaise aprs la dclaration dindpendance de la partie mri-

    dionale du pays. En butte de nombreuses difcults, ils ont notamment t

    harcels avant et pendant leur priple ; une fois arrivs au Soudan du Sud, ils

    ont t confronts une situation humanitaire dramatique.

    Les violences et les discriminations lgard des femmes demeuraient trs

    rpandues dans de nombreux pays, notamment en raison de certaines tradi-

    tions et normes culturelles. Dans certains tats, la lgislation en vigueur insti-tutionnalisait la discrimination envers les femmes. Celle-ci pesait galement

    sur laccs des femmes aux services de sant.

    Des femmes et des lles ont, cette anne encore, t victimes de viol ou

    dautres svices sexuels dans plusieurs pays en conit ou dans des rgions

    comptant un nombre lev de rfugis ou de personnes dplaces, notam-

    ment lest du Tchad, la Cte dIvoire, lest de la RDC, la Rpublique centrafri-

    caine et le Soudan (en particulier le Darfour). Ces violences taient souvent

    le fait de membres des forces de scurit gouvernementales ; dans la plupart

    des cas, aucune enqute ntait ouverte.

    DiscriminationLa discrimination fonde sur lorientation sexuelle ou sur lidentit de genre,

    relle ou suppose, sest aggrave. Non seulement les responsables poli-

    tiques ne protgeaient pas le droit ne pas subir de discrimination, mais

    souvent ils se servaient de dclarations et de mesures pour inciter la

    discrimination et aux perscutions fondes sur une orientation sexuelle

    suppose.

    Au Cameroun, des personnes souponnes dentretenir une relation

    homosexuelle ont t perscutes. Un grand nombre ont t arrtes et

    certaines, dont Jean-Claude Roger Mbede, condamnes de lourdespeines demprisonnement. Le gouvernement camerounais a galement

    La discriminationfonde sur lorientationsexuelle ou surlidentit de genre,relle ou suppose,sest aggrave.Les responsablespolitiques se servaientde dclarations et demesures pour inciter

    la discrimination et auxperscutions fondessur une orientationsexuelle suppose.

  • 7/29/2019 31-07-12 Amnesty International 2012 - Rapport Des Drois Humains Dans Le Monde

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    XXVIII Amnesty International - Rapport 2012

    propos de modier le Code pnal en vue dalourdir les peines dempri -

    sonnement et les amendes pour les personnes reconnues coupables de

    relations homosexuelles. Au Malawi, en Mauritanie et au Zimbabwe gale-

    ment, des hommes ont t arrts et poursuivis en raison de leur orientation

    sexuelle suppose. Au Malawi, le gouvernement a adopt une loi rigeant

    en infraction les relations sexuelles entre femmes et, lors dun rassemble-

    ment politique, le prsident Bingu wa Mutharika a dclar que les gays

    taient pires que des chiens . Au Nigeria, le Snat a adopt un projet deloi rigeant en infraction les relations entre personnes du mme sexe. Au

    Ghana, le ministre charg de la Rgion occidentale a ordonn aux forces de

    scurit darrter tous les gays et toutes les lesbiennes vivant dans louest

    du pays.

    En Ouganda, la proposition de loi relative la lutte contre lhomosexualit

    na pas t examine par le Parlement, mais na pas non plus t retire.

    David Kato, minent dfenseur des droits humains en gnral et des droits

    des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transgenres en

    particulier, a t assassin son domicile en janvier. Un homme a t arrt et

    condamn, en novembre, 30 ans de rclusion pour ce meurtre. En Afriquedu Sud, la socit civile a fait pression auprs des autorits pour quelles

    sattaquent au problme des violences contre les lesbiennes, les gays et les

    personnes bisexuelles ou transgenres en particulier contre les lesbiennes.

    la suite de ces actions, les pouvoirs publics ont mis en place un groupe de

    travail charg de la prvention des violences fondes sur lorientation sexuelle

    suppose.

    En rythre, les perccutions fondes sur des motifs religieux se sont pour-

    suivies. Un trs grand nombre de personnes ont t arrtes arbitrairement

    et auraient t maltraites en dtention.

    Scurit et droits humainsLAfrique est, de plus en plus, expose des actes de terrorisme commis

    par divers groupes arms islamistes, dont Al Qada au Maghreb islamique

    (AQMI), actif dans plusieurs pays du Sahel ; le groupe religieux Boko

    Haram, qui a multipli les attentats lexplosif au Nigeria tout au long de

    lanne ; et le groupe arm Al Shabab, qui opre au Kenya et en Somalie.

    Ces formations ont commis de nombreuses atteintes aux droits humains,

    dont des attaques aveugles, des homicides illgaux, des enlvements et des

    actes de torture.

    En raction ces violences, certains gouvernements ont accru leurcoopration militaire, notamment au Sahel, et des pays voisins sont inter-

    venus militairement. Le Nigeria a mis en place une Force dintervention

    conjointe (JTF) pour lutter contre Boko Haram dans certains tats. Lorsque

    les forces de scurit gouvernementales tentaient de contrer les groupes

    arms, elles commettaient souvent elles-mmes des violations des droits

    humains. En Mauritanie, 14 dtenus condamns pour des infractions

    lies au terrorisme ont t victimes de disparition force au cours dun

    transfert. Au Nigeria, les forces de scurit ont rpondu lescalade des

    violences dans certains tats en procdant des centaines darrestations

    et de dtentions arbitraires, des disparitions forces et des excutionsextrajudiciaires.

    Toute la question est de

    savoir si les dirigeantsdAfrique adhreront ces changements, ousils les considrerontcomme une menace leur maintien aupouvoir. voir la faondont ils ont ragi auxmanifestations et ladissidence, on peut

    dire que la plupart desresponsables politiquesfaisaient partie en 2011non pas de la solution,mais bien du problme.

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    RSUMSRgIONAUx

    AFRIqUE

    Amnesty International - Rapport 2012 XXIX

    Lheure du changementSans doute lAfrique sub-saharienne ne connatra-t-elle pas une amliora-

    tion du respect et de la protection des droits fondamentaux aussi rapide et

    spectaculaire que lAfrique du Nord. Par endroits, il se pourrait mme que la

    situation empire. Cependant, certains facteurs une croissance conomique

    durable, les pressions en faveur dune meilleure gouvernance, lmergence

    dune classe moyenne, une socit civile plus puissante, un meilleur accs

    aux technologies de linformation et de la communication vont peu peu

    contribuer amliorer la situation des droits humains. Toute la question est

    de savoir si les dirigeants dAfrique adhreront ces changements, ou sils

    les considreront comme une menace leur maintien au pouvoir. voir la

    faon dont ils ont ragi aux manifestations et la dissidence, on peut dire que

    la plupart des responsables politiques faisaient partie en 2011 non pas de la

    solution, mais bien du problme.

  • 7/29/2019 31-07-12 Amnesty International 2012 - Rapport Des Drois Humains Dans Le Monde

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    Martina Correia xe la prison au moment prciso son frre, Troy Davis, est excut alors quede nombreux doutes planent sur sa culpabilit(Gorgie, tats-Unis, 21 septembre 2011). MartinaCorreia est elle-mme dcde deux mois plus tarddes suites dune longue maladie.

    Le combat pour la justice ne sarrte pas avec moi.

    Cette lutte vaut pour tous les Troy Davis qui mont

    prcd et tous ceux qui viendront aprs moi.

    Troy Davis, excut aprs avoir pass 20 ans dans le couloirde la mort

    S

    cottLangley

  • 7/29/2019 31-07-12 Amnesty International 2012 - Rapport Des Drois Humains Dans Le Monde

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    Amnesty International - Rapport 2012 XXXI

    RSUMSRgIONAUx

    AMRIqUESAMRIqUES

    [Cest] un affront la dmocratie [et] un affront ltat de droit.

    Marcelo Freixo, dput de ltat de Rio de Janeiro (Brsil), voquant lassassinat de la juge

    Patrcia Acioli. Il a lui-mme reu de nombreuses menaces de mort pour avoir men desinvestigations sur les bandes criminelles et dnonc leurs agissements.

    Le 11 aot 2011, la juge Patrcia Acioli est morte devant son domicile,

    Niteri, dans ltat de Rio de Janeiro, atteinte de 21 balles tires par des

    agents de la police militaire brsilienne. Sa longue exprience en matire

    pnale dans des affaires concernant des policiers impliqus dans des viola-

    tions des droits humains lui avaient dj valu de nombreuses menaces de

    mort. En octobre, 11 policiers, dont un commandant, ont t arrts et

    inculps. Selon certaines informations, lorsquelle a t assassine Patrcia

    Acioli dirigeait une enqute sur limplication prsume de ces policiers dansdes excutions extrajudiciaires et des activits criminelles. Sa mort a port un

    coup dur au mouvement brsilien de dfense des droits humains, mais son

    inlassable qute de justice reste un exemple pour toutes celles et tous ceux

    qui, comme elle, refusent que les atteintes aux liberts fondamentales soient

    passes sous silence.

    En 2011, les revendications en matire de droits humains se sont fait

    entendre travers toute la rgion, tant devant les tribunaux nationaux que

    dans le systme interamricain de protection de ces droits et dans la rue. Les

    appels la justice lancs par de simples citoyens, des dfenseurs des droits

    humains, des organisations de la socit civile et des peuples indignes ontpris de lampleur, et plusieurs ont dbouch sur une confrontation directe

    avec de puissants intrts conomiques et politiques. Ces conits taient

  • 7/29/2019 31-07-12 Amnesty International 2012 - Rapport Des Drois Humains Dans Le Monde

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    XXXII Amnesty International - Rapport 2012

    pour beaucoup provoqus par des politiques de dveloppement conomique

    qui exposaient nombre dhabitants en particulier les plus dmunis et les

    populations marginalises un risque accru de subir des violations et dtre

    exploits.

    Exiger la justice et la n de limpunitNombre daffaires de droits humains ne progressaient que lentement, frei-

    nes par une justice difcilement accessible, par le manque dindpendancedu pouvoir judiciaire et par la volont de certains milieux de protger des

    intrts politiques, conomiques et judiciaires et de recourir des mesures

    extrmes pour ne pas avoir rendre des comptes. Dans certains pays comme

    le Brsil, la Colombie, Cuba, le Guatemala, Hati, le Honduras et le Venezuela

    il tait dautant plus difcile de faire respecter ces droits que leurs dfen-

    seurs, les tmoins, les avocats, les procureurs et les juges taient frquem-

    ment menacs, voire tus. Les journalistes qui tentaient de dnoncer les abus

    de pouvoir, les atteintes aux droits fondamentaux et la corruption taient eux

    aussi souvent pris pour cibles en Amrique latine et dans les Carabes.

    Dans certains pays, toutefois, malgr les obstacles et de frquents revers,des avances non ngligeables ont t enregistres dans les enqutes et les

    poursuites portant sur les violations des droits humains commises dans le

    pass. Un certain nombre danciens dirigeants militaires de facto et dof-

    ciers suprieurs de larme ont t reconnus coupables et condamns des

    peines demprisonnement.

    En Argentine, lancien gnral Reynaldo Bignone et lhomme politique et

    ex-policier Luis Abelardo Patti ont t condamns en avril la rclusion

    perptuit pour plusieurs meurtres, enlvements et actes de torture commis

    dans la ville dEscobar pendant les annes 1970. En octobre, lex-capitaine

    de la marine Alfredo Astiz et 15 autres militaires ont t condamns despeines demprisonnement allant de 18 ans la perptuit pour leur impli-

    cation dans 86 crimes contre lhumanit commis dans les annes 1970.

    Leurs victimes avaient t enleves puis dtenues dans le centre de dten-

    tion secrte install au sein de lcole suprieure de mcanique de la Marine

    (ESMA), Buenos Aires, o certaines sont mortes sous la torture ou aprs

    avoir t jetes dun avion en plein vol. Parmi les personnes tues se trou-

    vaient les deux religieuses franaises Lonie Duquet et Alice Domon, les mili-

    tantes des droits humains Azucena Villaor, Mara Bianco et Esther Careaga,

    co-fondatrices du mouvement des Mres de la place de Mai, et lcrivain et

    journaliste Rodolfo Walsh.En Bolivie, la Cour suprme a dclar coupables sept anciens hauts

    responsables, militaires et civils, pour leur implication dans les vnements

    dits d octobre noir , qui ont fait 67 morts et plus de 400 blesss au cours

    de manifestations survenues en 2003 El Alto, prs de La Paz. Il sagissait

    du premier procs de responsables militaires accuss de violations des droits

    humains se concluant devant un tribunal civil bolivien. Cinq anciens ofciers

    de larme se sont vu iniger des peines allant de 10 15 ans de rclusion.

    Deux anciens ministres ont t condamns trois annes demprisonne-

    ment, assorties par la suite du sursis.

    Au Brsil, la prsidente Dilma Rousseff a promulgu une loi portant cra-tion dune commission vrit charge denquter sur les violations des droits

    Le capitaine de lamarine Alfredo Astizet 15 autres militairesont t condamns des peinesdemprisonnementallant de 18 ans la perptuit pourleur implication dans

    86 crimes contrelhumanit commisdans les annes 1970.

  • 7/29/2019 31-07-12 Amnesty International 2012 - Rapport Des Drois Humains Dans Le Monde

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    Amnesty International - Rapport 2012 XXXIII

    RSUMSRgIONAUx

    AMRIqUES

    humains commises entre 1946 et 1988. Au Chili, le nombre de violations

    faisant lobjet dune instruction judiciaire est parvenu un niveau jamais

    atteint, avec louverture de 726 nouvelles affaires pnales et le dpt de

    plus dun millier de plaintes, constitues au l des ans par les proches de

    personnes excutes pour des motifs politiques sous le rgime militaire du

    gnral Augusto Pinochet.

    Aprs presque 25 ans dexil en France, Jean-Claude Duvalier, ancien

    prsident dHati, a regagn le pays et a immdiatement fait lobjet duneenqute pnale pour de graves violations des droits humains, la suite de

    plaintes dposes par des victimes et des proches de victimes. En Colombie,

    le gnral la retraite Jess Armando Arias Cabrales a t condamn en avril

    35 ans demprisonnement pour son implication dans la disparition force

    de 11 personnes en novembre 1985 ; celles-ci avaient t enleves aprs

    que larme eut pris dassaut le palais de justice o des lments du mouve-

    ment de gurilla M-19 retenaient des otages. En septembre, Jorge Noguera,

    ancien directeur du Dpartement administratif de scurit (DAS) colombien,

    a t condamn 25 annes demprisonnement pour lassassinat en 2004

    du professeur duniversit Alfredo Correa de Andreis et pour ses liens avecdes groupes paramilitaires.

    Si importantes que soient ces affaires, elles constituaient des exceptions

    et limpunit tait la norme. Ainsi, en Colombie, lancienne directrice du

    DAS Mara del Pilar Hurtado continuait dchapper la justice alors quelle

    tait implique dans un scandale li des coutes et des oprations de

    surveillance illgales, ainsi qu des menaces contre des opposants de lex-

    prsident colombien, Alvaro Uribe. Elle stait vu accorder lasile au Panama

    en 2010.

    Au Mexique, les actions en justice intentes contre les auteurs de graves

    violations des droits humains commises dans les annes 1960, 1970 et 1980taient au point mort. La Cour suprme a toutefois conclu que les arrts de

    la Cour interamricaine des droits de lhomme sur le Mexique taient contrai-

    gnants, notamment lobligation de transfrer la justice civile les affaires de

    militaires impliqus dans des violations des droits humains.

    Dans le domaine de la justice internationale les avances ont t ingales.

    Ainsi, en octobre, les autorits canadiennes nont pas arrt lancien prsident

    des tats-Unis George W. Bush, en dplacement en Colombie-Britannique,

    en dpit dlments probants attestant sa responsabilit dans des crimes de

    droit international, notamment des actes de torture. En revanche, la France

    a extrad en dcembre lancien chef dtat de facto du Panama, ManuelNoriega, vers son pays, o il avait t reconnu coupable par contumace du

    meurtre dopposants politiques, entre autres crimes.

    Le systme interamricain de protection des droitsfondamentauxAu cours de lanne, le systme interamricain, en particulier la Commission

    interamricaine des droits de lhomme, a t la cible dattaques virulentes

    de la part de plusieurs tats. Les autorits brsiliennes ont ainsi rappel leur

    ambassadeur auprs de lOEA, en raction aux mesures ordonnes par la

    Commission sur le projet damnagement hydrolectrique de Belo Monte.La Commission avait demand la suspension du projet tant que les commu-

    nauts indignes concernes nauraient pas t dment consultes. Plus

    Au Brsil, les agentsde la force publiqueavaient toujoursrecours despratiques marquespar la discrimination,les atteintes auxdroits humains et lacorruption ; certaines

    de leurs oprationstaient de vritablesinterventions militaires.

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    XXXIV Amnesty International - Rapport 2012

    inquitant encore, le secrtaire gnral de lOEA, Jos Miguel Insulza, a

    ouvertement soutenu la position brsilienne et publiquement demand

    la Commission de rexaminer sa dcision dans laffaire Belo Monte. La

    Commission a, par la suite, modi les mesures conservatoires ordonnes

    dans cette affaire, nexigeant plus du Brsil que le projet soit suspendu dans

    lattente de la consultation des populations concernes.

    Lquateur, le Prou et le Venezuela ont galement critiqu la Commission

    interamricaine des droits de lhomme, lui reprochant doutrepasser sonmandat et de porter atteinte leurs droits souverains. Les critiques formu-

    les par lquateur et le Venezuela concernaient essentiellement le Bureau

    du rapporteur spcial pour la libert dexpression. Quant au Prou, il repro-

    chait vivement la Commission sa dcision ordonnant le renvoi devant la

    Cour interamricaine des droits de lhomme dune affaire relative des

    excutions extrajudiciaires qui auraient t perptres en 1997, au moment

    de la libration de 71 otages (dans le cadre de lopration appele Chavn

    de Huntar).

    Au cours du second semestre de 2011, les tats membres de lOEA ont

    continu de dbattre dventuelles rformes du systme interamricain deprotection des droits fondamentaux. lissue de ces discussions, un rapport

    a t remis au Conseil permanent de lOEA, qui devait lexaminer dbut

    2012. Bien que les recommandations nonces dans ce document aient

    t prsentes comme ayant pour objectif de renforcer le systme, certaines

    des mesures proposes risquaient en ralit de compromettre son indpen-

    dance et son efcacit et davoir dimportantes rpercussions sur laction de

    la Commission et de ses rapporteurs.

    Scurit publique et droits humainsLes tats ont, cette anne encore, tir prot de proccupations lgitimes ausujet de la scurit publique et du taux lev de criminalit pour justier ou

    feindre dignorer les violations des droits humains perptres par leurs forces

    de scurit lorsquelles combattaient les activits criminelles ou les groupes

    arms.

    Tandis quil poursuivait sa campagne contre les cartels de la drogue, le

    gouvernement mexicain a ferm les yeux sur les nombreuses informations

    faisant tat de torture, de disparitions forces, dhomicides illgaux et de

    recours excessif la force imputables larme de terre et, de plus en plus,

    la marine. Plus de 12 000 personnes ont t tues dans des violences attri-

    bues aux organisations criminelles et 50 000 soldats de larme de terre etde la marine taient toujours dploys par le chef de ltat, Felipe Caldern,

    pour assurer le maintien de lordre. Certains lments attestaient de la

    collusion entre agents de police ou des forces de scurit et associations

    criminelles, notamment travers lenlvement et lassassinat de membres

    prsums dautres organisations criminelles. Le gouvernement maintenait

    que ces violations taient exceptionnelles et que leurs auteurs taient amens

    rendre des comptes mais, au cours de lanne, une seule affaire a entran

    la comparution en justice de militaires.

    Dans une moindre mesure, larme a t utilise pour assurer le maintien de

    lordre dans un certain nombre dautres pays de la rgion, dont le Guatemala,le Honduras, la Rpublique dominicaine, le Salvador et le Venezuela, o le

    Il y avait lieu de penserque, dans un certainnombre de cas, lapolice dominicaineavait recouru despratiques dlibrmentmeurtrires au lieu dechercher arrter dessuspects non arms.

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    Amnesty International - Rapport 2012 XXXV

    RSUMSRgIONAUx

    AMRIqUES

    prsident Hugo Chvez a ordonn le dploiement dans les rues de soldats

    de la Garde nationale pour lutter contre la multiplication des crimes violents.

    Confronts un niveau trs lev de criminalit violente dans le pays,

    les agents de la force publique brsilienne avaient toujours recours des

    pratiques marques par la discrimination, les atteintes aux droits fondamen-

    taux et la corruption. Certaines de leurs oprations taient de vritables inter-

    ventions militaires. Si quelques projets en matire de scurit publique ont

    favoris, dans une certaine mesure, une baisse des niveaux de violence, lesrformes promises dans ce domaine par les autorits fdrales ont t mises

    mal par dimportantes coupes budgtaires et le manque de dtermina-

    tion politique. Cette anne encore, des quartiers dfavoriss ont t pris en

    tau entre les violences des gangs et des mthodes policires abusives, les

    habitants tant souvent traits comme des dlinquants. Rio de Janeiro, le

    pouvoir des milices sest encore accru. Ces bandes criminelles, composes

    dagents ou dex-agents des forces de lordre, ont renforc leur mainmise sur

    un grand nombre des communauts les plus pauvres de la ville, recourant

    aux violences et lextorsion de fonds et sappuyant sur des activits nan-

    cires illicites et sur la mise en place dappuis politiques. Lassassinat de lajuge Patrcia Acioli a mis en lumire linuence et lassurance de ces gangs.

    Adoptant une approche radicale dans sa lutte contre la criminalit, la police

    dominicaine sest rendue coupable de dtentions arbitraires, de torture et

    dautres traitements cruels, inhumains ou dgradants, dhomicides illgaux

    et de disparitions, entre autres graves violations des droits humains. Il y avait

    lieu de penser que, dans un certain nombre de cas, elle avait recouru des

    pratiques dlibrment meurtrires au lieu de chercher arrter les suspects

    qui, pour beaucoup, ntaient pas arms.

    Conit armLe conit arm qui dchire de longue date la Colombie inigeait toujours

    dindicibles souffrances aux populations civiles de lensemble du pays. Les

    affrontements avaient des consquences en matire de droits humains parti-

    culirement graves pour les habitants des zones rurales, en particulier les

    communauts indignes, afro-colombiennes et paysannes. Plusieurs milliers

    dentre eux ont t contraints de fuir leur foyer. Des mouvements de gurilla

    et des paramilitaires se sont rendus coupables de graves exactions, dont des

    violations du droit international humanitaire, dans certains cas avec la collu-

    sion des forces de scurit.

    Certaines des mesures lgislatives adoptes par les autorits ont marqudes tapes importantes. La loi sur les victimes et la restitution de terres recon-

    naissait notamment les droits rparation de certaines victimes et prvoyait

    la restitution dune partie des millions dhectares de terres drobes au cours

    du conit. Ce texte excluait toutefois de nombreuses victimes ; une vague

    dhomicides et de menaces visant les dfenseurs des droits humains, en

    particulier ceux qui uvraient en faveur de la restitution des terres, susci-

    tait des doutes quant la capacit des autorits restituer les terres leurs

    propritaires lgitimes, comme elles sy taient engages.

    La dtermination du gouvernement colombien protger les droits humains

    et lutter contre limpunit a t remise en question par les mesures visant largir la comptence des juridictions militaires, susceptibles de permettre

    Le conit arm quidchire de longue datela Colombie inigeaittoujours dindiciblessouffrances auxpopulations civiles delensemble du pays.

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    XXXVI Amnesty International - Rapport 2012

    aux membres des forces de scurit souponns de violations des droits

    humains dchapper la justice. Le prsident Juan Manuel Santos et le

    chef dtat-major des forces armes ont, par ailleurs, critiqu la condamna-

    tion pour violations des droits humains de plusieurs hauts responsables de

    larme.

    Lutte contre le terrorisme et scurit la n de lanne, prs de deux ans aprs lexpiration du dlai x par leprsident des tats-Unis Barack Obama pour la fermeture du centre de

    dtention de Guantnamo, plus de 150 hommes y taient toujours dtenus.

    Lespoir que le gouvernement amricain respecte sa propre dclaration

    de 2009, selon laquelle cinq de ces hommes, accuss de participation aux

    attentats du 11 septembre 2001, comparatraient devant une juridiction fd-

    rale ordinaire, a t ananti lorsque le ministre de la Justice a annonc en

    avril quils seraient jugs par une commission militaire. Les autorits nont pas

    cach leur intention de requrir la peine de mort contre les cinq prisonniers.

    Dans une autre affaire juge par une commission militaire, le Saoudien Abd al

    Rahim al Nashiri a t renvoy devant la justice en septembre. Il risque dtrecondamn mort sil est dclar coupable.

    Les responsables prsums des violations des droits humains perptres

    dans le cadre du programme de dtentions secrtes de la CIA, mis en place

    par le gouvernement prcdent, jouissaient toujours dune parfaite impunit.

    En juin, le ministre de la Justice a annonc que, hormis dans deux cas de

    morts en dtention, il ne garantissait pas de nouvelles investigations sur ces

    dtentions, alors que la torture et la disparition force faisaient partie int-

    grante du programme secret et quau nombre des victimes guraient des

    dtenus faisant actuellement lobjet dun procs inique devant une commis-

    sion militaire et risquant dtre excuts, sils taient dclars coupables.

    Peuples indignesMalgr quelques volutions encourageantes, les violations des droits des

    peuples indignes constituaient toujours un motif de proccupation majeur.

    Bien souvent, les peuples indignes ont t privs de leur droit dtre

    consults en bonne et due forme et de donner un consentement libre, pra-

    lable et clair au sujet de vastes projets de dveloppement les concernant,

    y compris dans le secteur des industries extractives. Le Prou a adopt cette

    anne une loi historique, qui a rendu obligatoire la consultation des popula-

    tions autochtones avant la mise en place de tout projet de dveloppement surdes terres ancestrales. De telles dispositions demeuraient toutefois exception-

    nelles. Bien que tous les tats de la rgion aient approuv la Dclaration sur

    les droits des peuples autochtones [ONU, 2007], les droits noncs dans ce

    texte taient encore loin dtre respects.

    Le non-respect des droits des peuples indignes avait des rpercussions

    ngatives non seulement sur leurs moyens de subsistance, mais aussi sur

    ces communauts elles-mmes, qui taient menaces, harceles, expul-

    ses ou dplaces de force, attaques ou tues, mesure que lexploita-

    tion des ressources sintensiait dans les rgions o elles vivaient. Au

    Brsil, en Colombie, au Guatemala et au Mexique, des indignes ont tchasss de leurs terres, souvent par la violence. En Bolivie et au Prou, les

    Prs de deux ansaprs lexpirationdu dlai x par leprsident des tats-Unis Barack Obamapour la fermeture ducentre de dtention deGuantnamo, plus de150 hommes y taienttoujours dtenus.

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    Amnesty International - Rapport 2012 XXXVII

    RSUMSRgIONAUx

    AMRIqUES

    informations recueillies ont fait tat dun recours excessif la force len-

    contre de personnes qui manifestaient en faveur des droits de ces habitants

    et dnonaient des projets damnagement. Les motifs fallacieux invoqus

    pour poursuivre des dirigeants indignes taient un motif de proccupation

    en quateur et au Mexique.

    Comme les annes prcdentes, il y avait lieu de penser que les tats ne

    prenaient pas au srieux les droits des peuples indignes ou nafchaient pas

    la volont politique ncessaire pour mettre n la discrimination qui svissaitdepuis de nombreuses dcennies. En avril, la Commission interamricaine

    des droits de lhomme a exhort le Brsil suspendre la construction du

    barrage de Belo Monte tant que les communauts indignes nauraient pas

    t pleinement et dment consultes et en particulier tant quelles nau-

    raient pas eu accs dans les langues appropries une valuation exhaus-

    tive des consquences sociales et environnementales du projet , et que des

    mesures nauraient pas t mises en uvre pour protger les communauts

    volontairement isoles. Le Brsil sest farouchement oppos ces mesures

    conservatoires, que la Commission a par la suite allges.

    En Bolivie, aprs plusieurs semaines de manifestations au cours desquellesde trs nombreuses personnes ont t blesses, les forces de scurit ayant

    utilis du gaz lacrymogne et des matraques pour disperser les occupants

    dun campement de fortune, le prsident Morales a dcid dannuler le

    projet damnagement dune route traversant le Territoire indigne et parc

    national Isiboro-Scure (TIPNIS). Les manifestants indignes considraient

    que ce projet avait t plani en violation des garanties constitutionnelles

    relatives la consultation pralable et des lois en matire de prservation de

    lenvironnement.

    Au Canada, daprs un audit fdral rendu public en aot, 39 % des

    systmes dapprovisionnement en eau des Premires nations comportaientde graves dfaillances, et 73 % des rseaux deau potable et 65 % des circuits

    dvacuation des eaux uses prsentaient un risque moyen ou lev pour la

    sant.

    Droits des femmes et des llesLes tats de la rgion nont pas donn la priorit sur le plan politique la

    protection des femmes et des lles contre le viol, les menaces et les homi-

    cides. La mise en uvre des lois visant combattre les violences lies au

    genre constituait toujours un sujet de proccupation majeur. De plus, devant

    le manque de ressources disponibles pour ouvrir des enqutes et engagerdes poursuites en lien avec ces crimes, on sinterrogeait sur lexistence dune

    volont vritable, de la part des pouvoirs publics, de sattaquer au problme.

    Dans de nombreux pays, le manque de dtermination traduire en justice

    les responsables de ces crimes contribuait perptuer limpunit pour les

    auteurs de violences lies au genre et favorisait un climat de tolrance envers

    les violences faites aux femmes et aux lles.

    Les violations des droits sexuels et reproductifs des femmes et des lles

    demeuraient monnaie courante et avaient des consquences effroyables

    sur leur vie et leur sant. Le Chili, le Nicaragua et le Salvador interdisaient

    toujours toute forme davortement, y compris pour les jeunes lles et lesfemmes enceintes la suite dun viol ou dont la poursuite de la grossesse

    Au Brsil, en Colombie,au Guatemala et auMexique, des indignesont t chasss deleurs terres, souventpar la violence.

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    XXXVIII Amnesty International - Rapport 2012

    mettait la vie en pril. Quiconque pratiquait ou sollicitait une interruption de

    grossesse sexposait une lourde peine demprisonnement.

    Dans dautres pays, laccs des services davortement srs tait garanti

    par la loi mais refus dans la pratique, des procdures judiciaires intermi-

    nables le rendant quasiment impossible en particulier pour les femmes

    nayant pas les moyens de recourir des structures prives. Laccs la

    contraception et linformation sur les questions lies la sexualit et la

    procration demeurait un motif de proccupation, en particulier pour lesfemmes et les lles les plus marginalises de la rgion.

    Migrants : des victimes visibles, des droits invisiblesDans un certain nombre de pays, plusieurs centaines de milliers de migrants,

    en situation rgulire et irrgulire, nont pas t protgs par la loi.

    Au Mexique, plusieurs centaines de corps ont t dcouverts dans des

    fosses communes. Certains ont t identis comme les cadavres de migrants

    victimes denlvement. Les familles de migrants dAmrique centrale disparus

    ont organis des manifestations travers le pays pour que leurs proches

    soient localiss et pour attirer lattention sur le sort subi par de nombreuxmigrants. Ceux-ci taient plusieurs dizaines de milliers, originaires dAm-

    rique centrale, traverser chaque anne le Mexique. Certains taient enlevs,

    torturs, viols, voire tus par des bandes criminelles, qui opraient souvent

    avec la complicit de reprsentants de ltat. Par crainte de reprsailles ou de

    mesures dexpulsion, les migrants sans papiers taient rarement mme de

    dnoncer les graves violations dont ils taient victimes.

    Au Mexique, les dfenseurs des droits des migrants, en particulier ceux qui

    uvraient au sein du rseau de centres daccueil assurant une aide huma-

    nitaire ces personnes, ont t pris pour cible comme jamais auparavant.

    Dans le sud-ouest des tats-Unis, le long de la frontire mexicaine, desmigrants en situation rgulire et irrgulire ont t victimes de discrimi-

    nation et de prolage aux mains dagents de la force publique, lchelle

    locale, fdrale et des tats. En butte des pratiques discriminatoires

    lorsquils tentaient de se tourner vers la justice et de demander une protec-

    tion, ils se heurtaient aussi des obstacles les empchant daccder

    lducation et aux soins mdicaux. Ils faisaient, par exemple, lobjet de

    politiques visant surveiller plus troitement les migrants par rapport

    au reste de la population, ou risquaient dtre dnoncs aux services de

    limmigration. la suite de nouvelles propositions de lois contre limmi-

    gration, certains lves ont abandonn leur scolarit par crainte que leursparents ne soient arrts. Des textes lgislatifs contre limmigration adopts

    par la Caroline du Sud, la Gorgie, lUtah et lIndiana ont t contests

    devant la justice fdrale.

    En Rpublique dominicaine, des migrants hatiens en situation rgulire

    et irrgulire ont t victimes de violations de leurs droits humains, dont

    des expulsions massives, illgales et violentes, au cours desquelles des

    Dominicains dorigine hatienne ont, comme les annes prcdentes, t

    privs de leur droit la nationalit dominicaine. Au cours des oprations

    dexpulsion, certains migrants auraient t battus et des enfants auraient

    t spars de leurs parents. Plusieurs pays, dont les Bahamas, nont pastenu compte des appels lancs par lONU pour que cessent, pour des motifs

    Les familles demigrants disparusont organis desmanifestations travers le pays pourque leurs prochessoient localiss.

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    Amnesty International - Rapport 2012 XXXIX

    RSUMSRgIONAUx

    AMRIqUES

    humanitaires, les expulsions vers Hati compte tenu de la crise que traverse

    le pays depuis le sisme de 2010 et lpidmie de cholra.

    Peine de mortQuarante-trois hommes ont t excuts aux tats-Unis au cours de lanne,

    tous par injection ltale. Ce chiffre portait 1 277 le nombre total de prison-

    niers excuts depuis que la Cour suprme amricaine a lev le moratoire

    sur la peine de mort en 1976. Deux points positifs sont cependant noter: lIllinois est devenu en mars le 16e tat abolitionniste des tats-Unis et, en

    novembre, le gouverneur de lOregon a impos un moratoire sur les excu-

    tions et prconis une rexion sur la peine de mort.

    Au nombre des personnes excutes en 2011 gurait Troy Davis. Il a t

    mis mort en Gorgie en septembre, alors que de srieux doutes planaient

    toujours sur la abilit de sa condamnation. Martina Correia, sa sur, qui a

    milit courageusement et sans relche contre la peine capitale jusqu son

    dcs en dcembre 2011, demeure une source dinspiration pour tous ceux

    qui dfendent haut et fort la dignit humaine et la justice dans lensemble de

    la rgion et dans le reste du monde.Elle a dclar : La peine de mort est une abomination, une ngation de

    la dignit humaine. Elle nest pas seulement fonde sur la couleur et la race,

    mais sur la capacit affronter le systme. Jessaye dtre une voix pour

    les sans-voix. Je ne me considre pas comme quelquun de spcial, je suis

    simplement persuade que ma communaut ne se limite pas mes voisins

    de quartier elle englobe le monde entier. Lorsque quelquun est excut en

    Chine, en Ouganda, au Nigeria, en Gorgie ou au Texas, cest un peu chacun

    de nous qui meurt.

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    A

    mnestyInternational

    Su Su Nway, militante des droits dutravail, son arrive laroport deYangon (Myanmar) le 16 octobre 2011.Elle avait t condamne 12 ans etsix mois de rclusion mais a t libre la faveur dune amnistie accorde le12 octobre 2011 par le gouvernement environ 240 prisonniers politiques.

    R

    EUTERS/SoeZeyaTun

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    Amnesty International - Rapport 2012 XLI

    RSUMSRgIONAUx

    ASIE-PACIFIqUEASIE-PACIFIqUE

    Il est temps, peuple de Chine ! Il est temps.La Chine appartient tous.

    Il est temps de choisir vous-mme ce que deviendra la Chine. Zhu Yufu, dissident chinois

    Sentant le vent du changement politique soufer depuis le Moyen-Orient

    et lAfrique du Nord, plusieurs gouvernements de la rgion Asie-Pacique

    ont ragi en accentuant, dans leurs efforts pour se maintenir au pouvoir, la

    rpression des revendications relatives aux droits humains et la dignit.

    Paralllement, le succs des soulvements en Tunisie et en gypte a incit

    les dfenseurs des droits humains, les militants et les journalistes en Asie faire entendre eux aussi leur voix, en utilisant la fois les nouvelles

    technologies et des mthodes militantes plus classiques pour dnoncer

    les violations de leurs droits.

    Zhu Yufu, lauteur du pome cit plus haut, a t arrt en mars par

    les autorits chinoises. Le procureur a cit ce pome comme principal

    lment charge pour tayer linculpation d incitation la subversion

    du pouvoir de ltat . Cet homme, qui avait dj pass prs de neuf ans

    en prison au cours des 13 dernires annes pour avoir rclam une plus

    grande libert politique, tait au nombre des dizaines de dtracteurs,

    militants et dissidents qui ont t arrts et harcels partir de fvrierpar les autorits chinoises, dans le cadre de lune des pires campagnes

    de rpression politique qui ait t mene depuis les manifestations de

  • 7/29/2019 31-07-12 Amnesty International 2012 - Rapport Des Drois Humains Dans Le Monde

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    XLII Amnesty International - Rapport 2012

    Le succs dessoulvements en

    Tunisie et en gypte aincit les dfenseursdes droits humains,les militants et lesjournalistes en Asie faire entendre eux aussileur voix, en utilisant la fois les nouvellestechnologies et desmthodes militantes

    plus classiques pourdnoncer les violationsde leurs droits.

    la place Tiananmen en 1989. Outre Zhu Yufu, sur la longue liste des

    personnes arrtes, assignes domicile de manire illgale ou victimes

    de disparition force guraient Liu Xia, lpouse de Liu Xiaobo, laurat

    du prix Nobel de la paix, ainsi que Gao Zhisheng, juriste, et Ai Weiwei,

    artiste de renomme mondiale. Dans plusieurs cas, les autorits chinoises

    ont tortur des prisonniers pour leur arracher des aveux et leur faire

    promettre de ne pas parler des mauvais traitements quils avaient subis

    sur les rseaux sociaux ni des journalistes ou toute autre personne.La duret de la rpression a montr quel point le gouvernement

    chinois tait proccup par les messages anonymes lancs sur Internet

    partir de fvrier en faveur dune rvolution de jasmin . Ces messages

    appelaient les citoyens chinois qui en avaient assez de la corruption, de

    la mauvaise gouvernance et de la rpression politique se rassembler

    paciquement et simplement dambuler dans un certain nombre de

    lieux publics dsigns, dans plusieurs villes. Aussi inoffensifs quaient t

    ces appels, le gouvernement chinois a ragi en interdisant plusieurs fois

    au cours de lanne les recherches des mots jasmin et gypte sur

    Internet. Des dizaines de milliers de manifestations ont toutefois eu lieudans tout le pays, les protestataires rclamant une meilleure protection

    de leurs droits fondamentaux civils, politiques, conomiques, sociaux

    et culturels.

    Les revendications dynamiques des citoyens chinois en faveur de leurs

    droits ont contrast avec la situation dans la Rpublique populaire dmo-

    cratique de Core (Core du Nord) voisine. Rien nindiquait une amlio-

    ration de la situation catastrophique des droits humains dans le pays

    aprs laccession au pouvoir, le 17 dcembre, de Kim Jong-un, g d

    peine 30 ans, qui a succd son pre comme matre absolu du pays.

    Il semblait plutt que les autorits aient arrt des agents de ltat soup-onns dtre susceptibles de contester ou de remettre en cause une

    transition en douceur. Il est craindre que ces dtenus ne soient alls

    rejoindre les centaines de milliers de personnes soumises la dtention

    arbitraire, au travail forc, une excution publique et la torture ou

    dautres mauvais traitements dans les nombreux camps de prisonniers

    politiques du pays.

    Rpression de la dissidence

    Peu de gouvernements de la rgion ont touff la voix de leur propre

    peuple avec autant de brutalit que le rgime nord-coren, mais les viola-tions du droit dexprimer et de recevoir librement des opinions se sont

    poursuivies dans toute la rgion. Plusieurs gouvernements ont dlibr-

    ment cras toute opinion dissidente. En Core du Nord, les personnes

    qui scartaient de lidologie ofcielle risquaient de passer le restant

    de leur vie dans un camp de prisonniers politiques sinistre et isol. Le

    Vit-Nam et le Myanmar ont rig en infraction pnale la libre expression

    dopinions dissidentes et disposent de services de renseignement spci-

    quement chargs dintimider les dtracteurs du gouvernement et de les

    rduire au silence.

    Dautres pays ont galement musel les dissidents, en recourant toute-fois des moyens moins ouvertement violents. Singapour, qui ntait

  • 7/29/2019 31-07-12 Amnesty International 2012 - Rapport Des Drois Humains Dans Le Monde

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    Amnesty International - Rapport 2012 XLIII

    RSUMSRgIONAUx

    ASIE-PACIFIqUE

    toujours pas dispos respecter les normes internationales relatives

    la protection de la libert dexpression, a plac en dtention pour une

    courte priode Alan Shandrake, crivain britannique de 76 ans, inculp

    doutrage lautorit de la justice pour avoir critiqu lusage de la peine de

    mort par le pouvoir judiciaire.

    En Inde, pays er de son pass de libert de parole et du dynamisme de

    ses mdias, le gouvernement a tent dimposer de nouvelles restrictions

    aux rseaux sociaux, notamment aux services de messagerie instantane.Les mdias sur Internet ont galement continu de faire lobjet de pres-

    sions en Malaisie, o ils taient toutefois moins entravs que la presse, la

    radio et la tlvision, soumises une censure stricte.

    En Thalande, le gouvernement nouvellement lu de Yingluck Shinawatra

    sur de lancien Premier ministre Thaksin Shinawatra na pas mis n

    lapplication trs svre de la loi particulirement problmatique sur le

    crime de lse-majest, qui prohibe toute critique de la famille royale. Bon

    nombre des personnes qui ont t prises pour cible avaient mis en ligne

    des crits jugs rprhensibles par le parquet ; Ampon Tangnoppakul, un

    grand-pre de 61 ans, a quant lui t condamn 20 ans demprison-nement pour avoir envoy des SMS considrs comme insultants.

    Les autorits de la Rpublique de Core (Core du Sud) ont utilis de

    plus en plus souvent la Loi relative la scurit nationale pour harceler les

    opposants prsums la politique mene par le gouvernement lgard

    de la Core du Nord. Cela sest parfois traduit par une application absurde

    de la loi, par exemple dans le cas de Park Jeonggeun, qui a t plac en

    dtention et a fait lobjet de poursuites pour avoir mis en ligne des versions

    parodiques de la propagande nord-corenne.

    Des personnes qui critiquaient les autorits et rclamaient le respect

    des droits humains et de la dignit dans la rgion se sont heurtes unerpression encore plus dure et, dans certains cas, ont pay de leur vie

    le fait davoir lev la voix. Les journalistes pakistanais sont parvenus

    prserver un environnement mdiatique anim et parfois critique en dpit

    de la raction violente du gouvernement, ainsi que de partis politiques et

    de groupes insurgs, comme les talibans pakistanais. Neuf journalistes au

    moins ont t tus au cours de lanne, dont Saleem Shahzad, un cyber-

    journaliste qui avait critiqu ouvertement larme et les services de rensei-

    gnement tout-puissants. Dautres journalistes ont dclar Amnesty

    International quils avaient subi de graves menaces de la part des puis-

    sants et mystrieux services de renseignement, ainsi que des forces descurit, de partis politiques ou de groupes extrmistes.

    Les journalistes nont pas t les seuls tre attaqus cause de leurs

    opinions au Pakistan. Deux hommes politiques de premier plan ont t

    assassins pour avoir dnonc lutilisation des lois trs problmatiques

    sur le blasphme : Salman Taseer, gouverneur du Pendjab connu pour

    son franc-parler, et Shahbaz Bhatti, ministre des Minorits (et seul chr-

    tien du gouvernement).

    Minorits

    linstar de nombreux autres pays de la rgion Asie-Pacique, lePakistan a t marqu par une discrimination persistante et grave envers

    En Core du Nord,les personnes quiscartaient delidologie ofciellerisquaient de passerle restant de leurvie dans un camp deprisonniers politiquessinistre et isol.

  • 7/29/2019 31-07-12 Amnesty International 2012 - Rapport Des Drois Humains Dans Le Monde

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    XLIV Amnesty International - Rapport 2012

    les minorits religieuses et ethniques. Les membres des minorits ont

    souvent t marginaliss et, dans bien des cas, ils ont t victimes dun

    harclement exerc directement par le gouvernement. Souvent, les

    gouvernements nont pas respect leur obligation de protger les droits

    des membres des minorits. Cette discrimination bien ancre a aggrav la

    pauvret, ralenti le dveloppement et attis la violence dans de nombreux

    pays.

    Dans la province pakistanaise du Baloutchistan, riche en ressourcesnaturelles, les forces de scurit, ainsi que certains groupes insurgs,

    ont t impliqus dans des atteintes aux droits humains, notamment

    des disparitions forces, des actes de torture et des excutions extra-

    judiciaires. Le gouvernement na pas tenu toutes ses promesses de

    rpondre aux revendications exprimes de longue date par la commu-

    naut baloutche propos de la distribution des revenus issus des prin-

    cipaux projets de lindustrie extractive et dinfrastructure. La province a

    galement t le thtre de plusieurs attaques violentes visant la commu-

    naut chiite, et tout particulirement les Hazaras chiites vivant Quetta,

    capitale du Baloutchistan, dont un certain nombre sont dorigine afghane.Des groupes religieux extrmistes ont appel ouvertement la violence

    contre les chiites et nont pas t empchs de mener leurs activits ni

    de perptrer des violences, par exemple lexcution de 26 plerins chiites

    le 20 septembre. Des groupes extrmistes pakistanais ont revendiqu

    des attaques contre les chiites perptres jusquen Afghanistan, o deux

    attentats-suicides simultans ont tu quelque 70 chiites qui participaient

    aux processions religieuses de lAchoura Kaboul et Mazar-e-Charif.

    La communaut ahmadiyya, groupe religieux essentiellement bas

    en Asie et qui se dnit comme musulman, a t lobjet de discrimi-

    nation systmatique au Pakistan et en Indonsie. Au Pakistan, o la loiinterdit aux ahmadis de se dire musulmans, la communaut a subi un

    harclement constant de la part de responsables gouvernementaux et,

    faute de protection et de soutien sufsants, a t prise pour cible par

    des groupes extrmistes religieux. En Indonsie, la police a t critique

    pour navoir pas empch une foule de 1 500 personnes dattaquer des

    ahmadis en fvrier dans le sous-district de Cikeusik ; trois personnes

    ont t tues et beaucoup dautres blesses. Le gouvernement central a

    permis que des rglements locaux restreignant les activits des ahmadis

    restent en vigueur. Les ahmadis ont galement t victimes de discri-

    mination cause de leurs croyances religieuses dans dautres pays majorit musulmane de la rgion Asie-Pacique, tels que le Bangladesh

    et la Malaisie. Leurs enfants ont notamment t empchs de frquenter

    certaines col