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553 Edmond Picard (1881-1900) - Léon Hennebicq (1901-1940) - Charles Van Reepinghen (1944-1966) - Jean Dal (1966-1981) Editeurs : LARCIER, rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES 14 septembre 2002 121 e année - N ° 6063 Bureau de dépôt : Charleroi X Hebdomadaire, sauf juillet/août ISSN 0021-812X 27 2002 LA SIGNATURE ÉLECTRONIQUE APRÈS LES LOIS DU 20 OCTOBRE 2000 ET DU 9 JUILLET 2001 Depuis peu, la signature électronique est devenue une réalité juridique en droit belge. Après avoir fait couler beaucoup d’encre en doctrine et mis à mal les concepts classiques d’écrit, de signature et d’original, la notion de signature électronique a finale- ment fait l’objet d’une réglementation nationale, sous l’égide du législateur européen. Et c’est par le biais du droit de la preuve que la réforme fut introduite. Néanmoins, de ces certitu- des fraîchement acquises naissent de nouvelles interrogations quant à la portée et l’interprétation exacte des lois qui ont fait entrer le Code civil dans l’ère numérique. I INTRODUCTION L’avènement de ce qu’il est désormais conve- nu d’appeler la société de l’information cons- titue, à de nombreux égards, une révolution sans précédent, que certains n’hésitent pas à comparer à la révolution industrielle du dix- neuvième siècle. Une des manifestations les plus visibles de ce phénomène est l’émergen- ce du commerce électronique. Bien qu’il n’ait pas pris, du moins en Europe, l’essor qu’on lui prédisait il y a à peine un an, il est indéniable que son expansion est considérable. Cette nouvelle économie ne va cependant pas sans soulever de nombreux problèmes juridi- ques. Des contrats sont formés via les réseaux, des obligations naissent, et ce souvent entre personnes de nationalités différentes, soumi- ses à des législations distinctes. Il y a rare- ment un contact physique entre les parties, le contrat étant conclu à distance, sans véritable support tangible. Le lien juridique se crée de manière dématérialisée là où précédemment un écrit « papier » le fixait irrévocablement. C’est donc presque naturellement au niveau de la preuve des obligations que les difficultés d’intégration des nouvelles technologies se sont cristallisées dans la matière du commerce électronique. Face à ces incertitudes, et soucieuses de ne pas entraver le développement de ce nouveau marché si prometteur, les autorités ne sont pas restées inactives. Ainsi, après avoir rappelé brièvement les principes généraux de droit belge en matière de preuve [1] et présenté les bases tant théoriques [II] que techniques [III] sur lesquelles ont été établis les différents ins- truments législatifs, une attention particulière sera accordée aux normes européennes [IV] et aux lois belges concernant la signature élec- tronique [V]. Loin d’être un exposé exhaustif sur une matiè- re en permanente évolution et à propos de la- quelle surgissent constamment de nouvelles interrogations, il s’agira ici seulement de fa- miliariser le lecteur aux notions de base et d’attirer son attention sur quelques controver- ses d’actualité. En l’absence quasi totale de jurisprudence (1), nous renvoyons le lecteur à la très importante littérature consacrée à ce sujet (2). S SOMMAIRE La signature électronique après les lois du 20 octobre 2000 et du 9 juillet 2001, par L. Guinotte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 553 Prescription des créances à charge ou au profit de l’Etat - Prescription quinquennale - Absence d’effet interruptif d’un recours au Conseil d’Etat (Cour d’arbitrage, 20 février 2002, note) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 562 Impôt annuel voté par le collège juridictionnel de la Région de Bruxelles-capitale (Cass., 1 re ch., 4 janvier 2002) . . . . . . . 563 Commerçants - Exécution de bonne foi des conventions - Exécution d’un contrat radicalement déséquilibré - Poursuite du respect de l’accord primitif - Abus de droit (Liège, 7 e ch., 21 décembre 2001) . . . . 564 Contrat conclu avec la Région de Bruxelles-capitale - Changement d’autorité responsable (Bruxelles, 2 e ch., 31 mai 2001) . . . . . 568 Droit d’auteur - Reproduction publicitaire d’œuvres déjà autorisées (Civ. Bruxelles, 4 e ch., 10 mai 2002) . 569 Chronique judiciaire : Lettre ouverte au ministre de la Justice - Billet de la semaine - Colloques - Les deuils judiciaires - Coups de règle - Parallèlement... - Courrier des revues - Dates retenues. (1) Voy. cependant en droit français la décision de la cour d’appel de Besançon du 20 octobre 2000, R.G., n o 99/0834, disponible sur le site http://www.lega- lis.net/legalnet. (2) Pour ne citer que les plus récentes contributions voir E. Montéro, « Définition et effets juridiques de la signature électronique en droit belge : appréciation critique » in C.U.P., Formation permanente, La preu- ve , vol. 54, mars 2002, pp. 40 à 82; D. Gobert « Cadre juridique pour les signatures électroniques et les services de certification : analyse de la loi du 9 juillet 2001, in C.U.P., Formation permanente, La preuve, vol. 54, mars 2002, pp. 83 à 172; P. Lecocq et B. Vanbrabant, « La preuve du contrat par voie électronique : clap 2 e », Act. dr., 2002/2, à paraître; M.-E. Storme, « De invoering van de elektronische handtekening in ons bewijsrecht - Een inkadering van een commentaar bij de nieuwe wetsbepaling », R.W., 9 juin 2001, n o 41, pp. 1505-1525; D. Gobert et E. Montéro, « La signature dans les contrats et les paiements électroniques : l’approche fonctionnelle », D.A.O.R. , n o 53, pp. 17 à 39; D. Gobert et Extrait du Journal des tribunaux n° 6063 du 14 septembre 2002 et reproduit avec l’aimable autorisation des Editions Larcier

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Edmond Picard (1881-1900) - Léon Hennebicq (1901-1940) - Charles Van Reepinghen (1944-1966) - Jean Dal (1966-1981)Editeurs : LARCIER, rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES

14 septembre 2002121e année - N° 6063

Bureau de dépôt : Charleroi XHebdomadaire, sauf juillet/août

ISSN 0021-812X27

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LA SIGNATURE ÉLECTRONIQUE APRÈS LES LOIS DU 20 OCTOBRE 2000

ET DU 9 JUILLET 2001

Depuis peu, la signature électroniqueest devenue une réalité juridique endroit belge. Après avoir fait coulerbeaucoup d’encre en doctrine et mis àmal les concepts classiques d’écrit,de signature et d’original, la notionde signature électronique a finale-ment fait l’objet d’une réglementationnationale, sous l’égide du législateureuropéen. Et c’est par le biais dudroit de la preuve que la réforme futintroduite. Néanmoins, de ces certitu-des fraîchement acquises naissent denouvelles interrogations quant à laportée et l’interprétation exacte deslois qui ont fait entrer le Code civildans l’ère numérique.

I

INTRODUCTION

L’avènement de ce qu’il est désormais conve-nu d’appeler la société de l’information cons-titue, à de nombreux égards, une révolutionsans précédent, que certains n’hésitent pas àcomparer à la révolution industrielle du dix-neuvième siècle. Une des manifestations lesplus visibles de ce phénomène est l’émergen-ce du commerce électronique. Bien qu’il n’aitpas pris, du moins en Europe, l’essor qu’on luiprédisait il y a à peine un an, il est indéniableque son expansion est considérable.

Cette nouvelle économie ne va cependant passans soulever de nombreux problèmes juridi-ques. Des contrats sont formés via les réseaux,des obligations naissent, et ce souvent entrepersonnes de nationalités différentes, soumi-ses à des législations distinctes. Il y a rare-ment un contact physique entre les parties, lecontrat étant conclu à distance, sans véritablesupport tangible. Le lien juridique se crée demanière dématérialisée là où précédemment

un écrit « papier » le fixait irrévocablement.C’est donc presque naturellement au niveaude la preuve des obligations que les difficultésd’intégration des nouvelles technologies sesont cristallisées dans la matière du commerceélectronique.

Face à ces incertitudes, et soucieuses de nepas entraver le développement de ce nouveaumarché si prometteur, les autorités ne sont pasrestées inactives. Ainsi, après avoir rappelébrièvement les principes généraux de droitbelge en matière de preuve [1] et présenté lesbases tant théoriques [II] que techniques [III]sur lesquelles ont été établis les différents ins-truments législatifs, une attention particulièresera accordée aux normes européennes [IV] etaux lois belges concernant la signature élec-tronique [V].

Loin d’être un exposé exhaustif sur une matiè-re en permanente évolution et à propos de la-quelle surgissent constamment de nouvellesinterrogations, il s’agira ici seulement de fa-miliariser le lecteur aux notions de base etd’attirer son attention sur quelques controver-ses d’actualité. En l’absence quasi totale dejurisprudence (1), nous renvoyons le lecteur àla très importante littérature consacrée à cesujet (2).

SS O M M A I R E

■ La signature électronique après les lois du 20 octobre 2000 et du 9 juillet 2001, par L. Guinotte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 553

■ Prescription des créances à charge ou au profit de l’Etat - Prescription quinquennale - Absence d’effet interruptif d’un recours au Conseil d’Etat(Cour d’arbitrage, 20 février 2002, note) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 562

■ Impôt annuel voté par le collège juridictionnel de la Région de Bruxelles-capitale(Cass., 1re ch., 4 janvier 2002) . . . . . . . 563

■ Commerçants - Exécution de bonne foi des conventions - Exécution d’un contrat radicalement déséquilibré - Poursuite du respect de l’accord primitif - Abus de droit(Liège, 7e ch., 21 décembre 2001) . . . . 564

■ Contrat conclu avec la Région de Bruxelles-capitale - Changement d’autorité responsable(Bruxelles, 2e ch., 31 mai 2001) . . . . . 568

■ Droit d’auteur - Reproduction publicitaire d’œuvres déjà autorisées(Civ. Bruxelles, 4e ch., 10 mai 2002) . 569

■ Chronique judiciaire :Lettre ouverte au ministre de la Justice - Billet de la semaine - Colloques - Les deuils judiciaires - Coups de règle - Parallèlement... - Courrier des revues - Dates retenues.

(1) Voy. cependant en droit français la décision de lacour d’appel de Besançon du 20 octobre 2000, R.G.,no 99/0834, disponible sur le site http://www.lega-lis.net/legalnet.

(2) Pour ne citer que les plus récentes contributionsvoir E. Montéro, « Définition et effets juridiques dela signature électronique en droit belge : appréciationcritique » in C.U.P., Formation permanente, La preu-ve, vol. 54, mars 2002, pp. 40 à 82; D. Gobert« Cadre juridique pour les signatures électroniques etles services de certification : analyse de la loi du9 juillet 2001, in C.U.P., Formation permanente, Lapreuve, vol. 54, mars 2002, pp. 83 à 172; P. Lecocqet B. Vanbrabant, « La preuve du contrat par voieélectronique : clap 2e », Act. dr., 2002/2, à paraître;M.-E. Storme, « De invoering van de elektronischehandtekening in ons bewijsrecht - Een inkadering vaneen commentaar bij de nieuwe wetsbepaling », R.W.,9 juin 2001, no 41, pp. 1505-1525; D. Gobert etE. Montéro, « La signature dans les contrats et lespaiements électroniques : l’approche fonctionnelle »,D.A.O.R. , no 53, pp. 17 à 39; D. Gobert e t

Extrait du Journal des tribunaux n° 6063 du 14 septembre 2002 et reproduit avec l’aimable autorisation des Editions Larcier

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EXPOSÉ DU PROBLÈME ET RAPPEL DE QUELQUES

PRINCIPES GÉNÉRAUX EN MATIÈRE DE PREUVE DES OBLIGATIONS

Rien n’empêche, à l’heure actuelle, de con-clure un contrat sur l’Internet pour autantqu’il s’agisse d’un contrat consensuel. De parla seule rencontre de volonté des parties, lecontrat est formé et les obligations qui en dé-coulent sont nées. Il n’en reste pas moinsqu’un individu prudent souhaitera vraisem-blablement se réserver une preuve efficace del’existence du contrat et des dispositions qu’ilcontient, dans l’hypothèse où un litige devraitsurvenir ultérieurement. Or, l’article 1341 duCode civil impose le recours à l’écrit pourprouver toutes les choses (c’est-à-dire les ac-tes juridiques) dépassant la somme de 375 €.C’est le problème de la recevabilité de lapreuve. Par ailleurs, les articles 1319 et 1322du Code civil déterminent la force probantequ’il convient d’accorder respectivement àl’acte authentique et à l’acte sous seing privé.Relativement au premier, l’article 1319 dis-pose que « L’acte authentique fait pleine foide la convention qu’il renferme entre les par-ties contractantes et leurs héritiers ou ayantscause ». L’article 1322 réserve un statutmoins privilégié à l’acte sous seing privé ence que pour avoir force probante, il doit êtrereconnu ou légalement tenu pour tel par celuià qui on l’oppose. Le Code civil établit ainsiun système probatoire réglementé.

Si tel est le régime en droit civil, l’article 25,alinéa 1er, du Code de commerce dispose parcontre, en matière commerciale, que « Indé-pendamment des moyens de preuve admis parle droit civil, les engagements commerciauxpourront être constatés par la preuve testimo-niale, dans tous les cas où le tribunal croiradevoir l’admettre, sauf les exceptions établiespour des cas particuliers ». Ainsi, bien que lerégime légal subsiste, il se trouve considéra-blement assoupli. Non seulement l’admissibi-lité de la preuve, mais également sa force pro-bante, sont laissées à l’appréciation du juge.Concrètement, il faut apporter au juge lemaximum d’éléments susceptibles d’emportersa conviction (3).

Ainsi, selon la qualité des parties au procès,l’administration de la preuve se fera selon lerégime réglementé du Code civil à l’égard dunon-commerçant et selon le système de preu-ve « libre » contre le commerçant. Ici donc, iln’y aurait en principe pas d’obstacles à cequ’un consommateur puisse prouver par tou-tes voies de droit qu’un contrat électronique abien été conclu entre lui-même et un commer-çant. Ce dernier sera quant à lui fort démunipour prouver l’existence du contrat et l’éten-due des obligations qu’il contient selon les rè-gles imposées par le Code civil. La probléma-tique est évidemment identique entre deuxparties non commerçantes.

En quoi cependant le système de la preuve ré-glementée et dans une moindre mesure celuide la preuve « libre » sont-elles concrètementun obstacle à la conclusion de contrats élec-troniques? Cela provient du fait que le Codecivil, bien qu’il fasse référence aux conceptsde « preuve littérale » (4), « d’acte » (5),« d’écrit » (6) et de « signature » (7) ne les dé-finit pas. Il est cependant généralement admisque l’acte sous seing privé (8) se caractérisepar un écrit et une signature. Et la signature aété définie de manière formaliste par la Courde cassation comme étant « la marque manus-crite par laquelle le testateur révèle habituel-lement sa personnalité aux tiers » (9). Le ter-me « manuscrit » impose dès lors qu’il nepeut s’agir que d’une signature apposée sur undocument papier.

Ainsi, si la conclusion d’un contrat consen-suel sur le réseau est tout à fait réalisable, ilpourrait être impossible pour les parties deprouver les droits et obligations qui en décou-lent, sauf si les parties ont préalablement con-clu une convention sur la preuve, les disposi-tions du Code civil relatives à la preuve

n’étant pas d’ordre public (10). Cette techni-que ne peut cependant être appliquée que dansun nombre limité d’hypothèses et n’est en toutcas pas adaptée au commerce électronique« grand public » où le consommateur occa-sionnel n’a pas conclu préalablement de con-vention relative à la manière dont la preuve ducontrat pourra être rapportée en cas d’inci-dent.

Face à cet obstacle, différentes solutions ontété proposées. On ne les mentionnera qu’à ti-tre d’information : l’augmentation du seuilfixé par l’article 1341 du Code civil (11),l’adoption généralisée d’un système de preu-ve libre (12), ou encore l’introduction dans lesarticles 1347 et 1348 du Code civil de l’écritélectronique par voie d’exception (13). Aucu-ne de ces voies n’a été suivie, probablementparce qu’elles n’apportaient que des solutionspartielles à une problématique globale.

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L’ÉLARGISSEMENT DES CONCEPTS ET LA THÉORIE DES ÉQUIVALENTS

FONCTIONNELS

Une autre voie a été proposée, issue d’une ré-flexion approfondie sur les notions d’écrit etde signature, mais aussi d’original. Ainsi,concernant l’écrit, certains auteurs ont essayé,en se basant sur l’absence de définition légalede celui-ci, de proposer un concept extensif,permettant d’inclure non seulement l’écrit tra-ditionnel mais aussi les documents électroni-ques. Classiquement, l’écrit est défini commela représentation lisible du langage ou de lapensée au moyen de graphismes (14). Cettedéfinition interdit de reconnaître la valeurd’écrit à un document électronique. Une con-ception plus récente se propose d’étendre lanotion d’écrit à toute expression de langagepar des signes connus ou traduisibles déposéssur un support quelconque (15). Cette défini-tion, beaucoup plus large, assurerait la recon-naissance du document électronique.

Issue de cette réflexion sur les concepts eux-mêmes, c’est finalement la théorie dite deséquivalents fonctionnels qui s’est imposée(16). Il s’agit de redéfinir les concepts par rap-port aux fonctions essentielles qu’ils sont cen-sés assurer. Selon cette théorie, tout procédépermettant de remplir ces fonctions doit se

« combattre avec les armes de l’autre ». Les règlesde la preuve civile devront ainsi être respectées parle commerçant, tandis que le non-commerçant pour-ra, par toutes voies de droit, prouver les obligationsdu commerçant. Voy O. Caprasse et A. Benoit-Mou-ry, « Validité et force obligatoire des clauses con-tractuelles relatives à la preuve », in C.U.P., Forma-tion permanente, Droit de la preuve, vol. XIX, oct.1997, pp. 118 et 117.(4) Art. 1316, C. civ.(5) Art. 1322, 1341, C. civ.(6) Art. 1344, 1345, C. civ. (7) 7 Art. 1323, 1324, 1326, C. civ .(8) Nous n’aborderons pas la notion d’acte authenti-que électronique dans le cadre de cette étude. Surcette question, voy. notam. trois études publiéesdans Authenticité et informatique / Authenticiteit eninformatica, congrès de la Fédération royale du no-tariat belge, Bruxelles, 2000, Kluwer et Bruylant,2000 : J.-L. Snyers, « De notariële certificatie en deelektronische authentieke akte », pp. 383 à 424;E. Montéro et A. Wallemacq, « La responsabilité dunotaire comme auteur, récepteur ou utilisateur dudocument informatique », pp. 425 à 451; B. Vuylste-ke, « Cybernotary », pp. 453 à 478;(9) Cass., 7 janv. 1995, Pas., 1995, I, p. 456; Cass.,2 oct. 1964, Pas., 1965, I, p. 106. Dans un arrêt ulté-rieur, la Cour de cassation a précisé que : « la signa-ture d’un acte sous seing prive doit, en règle, être tra-cée directement sur le document lui-même », Cass.,28 juin 1982, Pas., 1982, I, 1286. Pour une analysedétaillée de la signature des actes sous seing privé,voy. M. Van Quickenborne, « Quelques réflexionssur la signature des actes sous seing privé », notesous Cass., 28 juin 1982, R.C.J.B., 1985, pp. 57 et s.

E. Montéro, « L’ouverture de la preuve littérale auxécrits sous forme électronique », J.T., 2001, pp. 114et s.; Th. Verbiest et E. Wéry, avec la collaborationde A. Salaün et D. Gobert, Le droit de l’internet et dela société de l’information - Droit européen, belge etfrançais, Collection Création-Information-Commu-nication, Larcier, Bruxelles, 2001; R. Mougenot, Lapreuve, 3e éd. (mise à jour par D. Mougenot), Lar-cier, no 122, à paraître. Le lecteur trouvera dans cescontributions de très nombreuses références.

(3) C’est la nature de l’acte à prouver, commercialou non, qui entraîne l’application du régime de lapreuve « libre ». En pratique cependant, la qualitédes parties est importante dans la mesure où, suivantl’article 2 du Code de commerce, toutes les obliga-tions des commerçants sont présumées commercia-les. Elle peuvent donc être prouvées librement, saufsi le commerçant établit que l’obligation en causen’est pas commerciale. Si une convention est com-merciale dans le chef d’une partie et civile dans lechef de l’autre, on parle alors d’acte mixte. Danscette hypothèse, les deux régimes de preuve s’appli-queront cumulativement, chaque partie devant

(10) R. Mougenot, « La preuve », in Rép. not., t. IV,liv. II, 1997, no 10.(11) M. Fontaine considérait que cela constituerait« un ballon d’air frais bien salutaire », voy.M. Fontaine, « La preuve des actes juridiques et lestechniques nouvelles », in La preuve, colloqueU.C.L., 1987, p. 70.(12) Comme c’est le cas aux Pays-Bas.(13) Voy. sur ce point D. Mougenot, « Droit de lapreuve et technologies nouvelles », in C.U.P., For-mation permanente, Droit de la preuve, vol. XIX,oct. 1997, nos 37 et s.(14) R. Mougenot, op. cit., p. 127. (15) M. Fontaine, in La preuve, colloque U.C.L.,1987, p. 9.(16) Voy. sur ce point, notamm., au sujet de la signa-ture électronique D. Gobert et E. Montéro, D.A.O.R.2000, op. cit., pp. 17 à 39, ainsi que les nombreusesréférences citées à la note 8.

Extrait du Journal des tribunaux n° 6063 du 14 septembre 2002 et reproduit avec l’aimable autorisation des Editions Larcier

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voir reconnaître un statut équivalent. Nousexaminerons successivement les notionsd’écrit, de signature et d’original, analyséesau travers de cette approche.

A. — L’écrit (17)

Trois fonctions essentielles de l’écrit ont ainsipu être dégagées. Il s’agit de l’inaltérabilité,de la lisibilité et de la stabilité.

L’inaltérabilité : c’est la garantie que le docu-ment, une fois rédigé, ne sera plus modifié, in-tentionnellement ou non, que ce soit par unepartie ou par un tiers. Dans un environnementpapier, c’est le papier lui-même, à savoir lesupport, qui assure cette inaltérabilité. Aucontraire, pour un document électronique,c’est le plus souvent la signature qui fournitcette garantie, la signature étant le résultatd’un traitement du contenu du document. Ellepermet dès lors de détecter immédiatementune modification de l’information (18).

La lisibilité : sur un support papier, les infor-mations sont directement lisibles puisqu’ellessont rédigées dans un langage (vocabulaire etgrammaire) et dans une symbolique graphique(écriture) accessible à la compréhension hu-maine. Concernant l’écrit électronique, cettefonction requiert l’utilisation du matériel adé-quat permettant de reproduire les informa-tions de manière à ce qu’elles puissent êtrelues (un ordinateur et un logiciel). Il fautveiller à ce que, soit les informations subis-sent de fréquentes conversions afin que lesnouveaux logiciels puissent les lire, soit leslogiciels ayant servi à leur création soient pré-servés. Dans cette dernière hypothèse, les or-dinateurs du futur devront également pouvoirutiliser ces anciens logiciels.

La stabilité : pour un document papier, c’estle support qui assure la stabilité de l’informa-tion. En effet le papier, et donc l’informationqu’il contient, se détériore peu si des mesuresadéquates sont prises pour sa conservation. Enrevanche, les supports électroniques ont unedurée de vie bien inférieure au papier. Néan-moins, ce n’est pas le support en tant que telqui doit être stable, mais bien l’informationqui y est consignée. Cela n’empêche donc pasque l’information soit transférée sur un autresupport, si son caractère original est préservé,ce que la signature électronique permet.

Ainsi, lorsque les moyens adéquats sont misen œuvre pour garantir ces trois fonctions, onpeut considérer que l’on se trouve bien en faced’un « écrit » au sens du Code civil (19). Il ne

fait aucun doute qu’un document électroniquepeut remplir ces trois fonctions, parfois mêmeavec un degré de sécurité bien supérieur ausupport papier.

On regrettera cependant que la notion d’écritn’ait pas été définie clairement dans la loi, aucontraire de la signature électronique (voy. in-fra). Cela a peut-être semblé superflu au légis-lateur de définir cette notion dès lors que sil’on parle de signature électronique, cette der-nière se rattache invariablement à un docu-ment électronique (20) (21). De nombreusesquestions demeurent cependant et il auraitpeut-être été opportun de saisir l’occasion dedonner à l’écrit, quel qu’il soit, une définitionclaire (22). La question des fonctions del’écrit, qu’il soit exigé ad probationem ou advaliditatem n’est pas encore résolue et ne peutêtre abordée ici tant la matière est complexe etnécessiterait des développements qui sortentde notre propos. Notons cependant l’article17, § 2, de l’avant-projet de loi sur certains as-pects juridiques des services de la société del’information (23), qui propose de déclarer sa-tisfaite l’exigence d’un écrit dans le cadre du« processus contractuel » par « une suite designes intelligibles et accessibles pour êtreconsultés ultérieurement, quels que soientleur support et leurs modalités de transmis-sion ». L’intelligibilité et l’accessibilité pourconsultation ultérieure semblent ici être deve-nus les fonctions déterminantes.

B. — La signature

Les fonctions de la signature sont, tradition-nellement, doubles. Elle permet d’établir,d’une part, l’identité de l’auteur et, d’autrepart, le consentement du signataire relative-ment au contenu de l’acte ou du message. Enoutre, une troisième fonction est égalementattribuée à la signature qui découle de l’usagedu papier comme support de la signature : lacombinaison de ces deux éléments assure lemaintien de l’intégrité des informations que ledocument contient (24) (25). Tout procédé qui

remplit ces fonctions doit en conséquencepouvoir accéder au statut de signature. Dansun document électronique, c’est la signaturequi assure, via le maintien de l’intégrité del’acte, la fonction d’inaltérabilité que l’on as-signe à l’écrit.

C. — L’original

Nous aborderons brièvement la notion d’ori-ginal. La différence entre l’original d’un actesous seing privé et une copie de cet acte résidedans le fait que l’original porte la signaturemanuscrite. Sur la copie ne se trouve pas cettesignature originale, manuscrite, directementapposée à la main, mais seulement la copie decelle-ci (26). Dans un environnement papier,la signature est apposée sur le support, le do-cument papier. Ainsi une nouvelle signatureest nécessaire pour tout nouvel original. Dansun contexte électronique au contraire, la si-gnature n’est plus liée au support mais direc-tement au contenu. La signature est en effetindépendante de son support et résulte généra-lement d’un traitement du contenu de l’acte.Le résultat de ce traitement permet non seule-ment de vérifier l’identité du signataire, maiségalement de contrôler si le contenu de l’acten’a pas été modifié. La « copie » du contenuet de la signature du message sur un autre sup-port n’affecte dès lors en rien le caractère ori-ginal de l’acte.

On peut donc en conclure que la distinctionfaite par le Code civil entre l’original et lacopie connaîtra certainement une applicationlimitée dans l’environnement électronique.

3

LA SIGNATURE ÉLECTRONIQUE : QUELQUES CONSIDÉRATIONS

TECHNIQUES

Le terme « signature électronique » recouvredivers mécanismes techniques qui permettentaux destinataires de données transmises parvoie électronique de vérifier l’authenticité(27) et l’intégrité de celles-ci. On ne procéde-

dans le cadre du projet e-justice (M. Antoine, D.Gobert, C. Lazaro et O. Leroux, sous la direction du

professeur Y. Poullet, Rapport final sur le droit de lapreuve, et plus particulièrement le chapitre II, dispo-nible à l’adresse http://www.droit.fundp.ac.be/e-jus-tice/default.htm).(20) Notons cependant que la signature électroniquepeut également être utilisée pour garantir le contenud’un site web ou certifier l’origine d’une informa-tion, identifier un ordinateur. Voy. sur ce point lanote 31.(21) Voy E. Montéro, op. cit., no 4.(22) Voy. notam., D. Mougenot, « Faut-il insérerune définition de l’écrit dans le Code civil? », Ubi-quité, 2000/7, pp. 121 à 128.(23) Approuvé par le conseil des ministres du 29 no-vembre 2001. Pour un premier aperçu, voy. Th. Ver-biest et E. Wéry, « Projet de loi belge sur le commer-ce électronique : première analyse », actualité du13 mars 2002, disponible sur le site www.droit-tech-nologie.org, à l’adresse http://www.droit-technolo-gie.org/1_2.asp?actu_id=546(24) M. Antoine et D. Gobert, « Pistes de réflexionpour une législation relative à la signature digitale etau régime des autorités de certification », R.G.D.C.,juill.-oct. 1998, nos 4/5, p. 290. Voy. égalem.,D. Gobert et E. Montéro, D.A.O.R., op. cit., no 21.(25) Cette affirmation est cependant controversée.Pour certains, la signature manuscrite ne remplit pas

(17) A propos de cette notion, voy. les travaux pré-paratoires de la loi du 20 octobre 2000 introduisantl’utilisation de moyens de télécommunication et dela signature électronique dans la procédure judiciaireet extrajudiciaire, M.B., 22 déc. 2000, p. 42698 etplus particulièrement le rapport fait au nom de laCommission de la justice par M. Bart Somers, Doc.parl., Chambre, 30 juin 2000, session ordinaire,no 0038/008, pp. 24 à 31. Ci-après cité « rapport dela Commission de la justice ».(18) Dès lors cette fonction appartient peut-être plusau concept de « signature » qu’à celui « d’écrit ».(19) Le respect de ces trois fonctions est à mettre enrelation avec la problématique de la conservation desdocuments électroniques. A propos de ce sujet, par-ticulièrement vaste et complexe, voy. notam. le rap-port établi par la commission « droit de la preuve »

cette fonction, notamment si un document comporteplusieurs pages et ne comporte de signature que surla dernière d’entre elles. De même, certaines signa-tures électroniques ne peuvent remplir cette fonc-tion, comme par exemple la signature biométrique, àmoins qu’elle ne comporte une fonction dite de« hachage », c’est-à-dire de transformation du docu-ment lui-même. Ainsi, s’il est vrai que le mécanismede signature numérique fondé sur la cryptographieasymétrique, qui est le plus répandu à l’heure actuel-le, assure cette fonction de maintien de l’intégrité, iln’en va pas nécessairement de même de certainsautres types de signature électronique. Voy., R.Mougenot, La preuve, 3e éd. (mise à jour par D.Mougenot), Larcier, nos 121-2 et 123 - C, à paraître.Voy. égalem., infra, le chapitre consacré aux consi-dérations techniques.(26) Comme nous l’avons déjà évoqué, la Cour decassation a précisé que : « la signature d’un acte sousseing privé doit, en règle, être tracée directement surle document lui-même », Cass., 28 juin 1982, Pas.,1982, I, 1286.(27) Le terme authenticité est souvent utilisé pourfaire référence à la fonction d’identification de la si-

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ra pas ici à un exposé détaillé des différentsprocédés de signature électronique existants,ni de leur mode de fonctionnement précis.Nous renvoyons le lecteur intéressé à l’impor-tante doctrine consacrée à ce sujet (28). Seulsseront ici examinés sommairement les princi-pes de base de la signature digitale à crypto-graphie asymétrique, qui est actuellementconsidérée comme un des systèmes les plussûrs et surtout le plus répandu pour signerélectroniquement.

Cette technique met en œuvre une relationtriangulaire entre le signataire, le destinatairedu message et une autorité de certification.Concrètement, celui qui souhaite signer élec-troniquement demande à l’autorité de certifi-cation de lui délivrer une clé privée (pour fairebref, il s’agit d’une formule mathématique),qui doit rester secrète et sous le contrôle ex-clusif du signataire. Dans le même temps,l’autorité de certification crée une clé publi-que complémentaire de la clé privée (29).Cette clé publique est, comme son nom l’indi-que, accessible à tout un chacun par l’organi-sation d’un système de publicité tel un annuai-re. Elle est contenue dans un certificat quiétablit explicitement le lien entre une person-ne déterminée et sa clé publique. Une fois cesdémarches préalables effectuées, le signatai-re, s’il désire envoyer un message signé audestinataire, appliquera la clé privée au mes-sage. Il résultera de cette opération que lemessage sera crypté selon la formule mathé-matique que constitue la clé privée. Lors de laréception du message, le destinataire tenterade décrypter le message à l’aide de la clé pu-blique de l’émetteur supposé du message. Siles deux clés correspondent, le message pour-ra être décrypté et le destinataire aura alors lacertitude que le message a bien été signé parla clé privée de l’émetteur. Il aura dès lorsl’assurance raisonnable que c’est bienl’auteur de l’acte lui-même qui a signé. Lafonction d’identification de l’auteur du mes-sage est ainsi remplie. Si le décryptageéchoue, cela signifie que le message n’a pasété signé avec la clé privée de l’auteur présu-mé.

La deuxième fonction, celle de l’adhésion del’auteur au contenu de l’acte, intimement liéeà la première, peut être présumée remplie dèsl’instant où la vérification mentionnée ci-des-sus est effectuée avec succès et que la clé pri-vée de chiffrement a été appliquée volontaire-ment par son propriétaire, à l’exclusion detout procédé automatique de signature (30).Enfin, la fonction du maintien de l’intégrité ducontenu du document est quant à elle assuréepar le cryptage à l’aide de la clé privée d’uncondensé du message (obtenu à l’aide d’unefonction dite de « hachage irréversible » trans-mis avec le message en clair lui-même. En ef-fet, ce que l’on appelle la signature électroni-que sera en fait le petit fichier contenant cecondensé du message crypté à l’aide la clé pri-vée et transmis avec le message lui-même. Cedernier ne sera généralement pas crypté, pourune évidente raison de rapidité : il est plus fa-cile et plus rapide de crypter une petit fichierqu’un gros. Si après le décryptage de ce con-densé à l’aide de la clé publique, et sa« décompression » à l’aide de la même fonc-tion de « hachage », on constate une différenceentre le document transmis en clair et le mes-sage décrypté et décompressé, c’est qu’il y aeu altération du message entre-temps. Si aucontraire les versions sont identiques, on estassuré que l’intégrité du contenu du message aété préservée (31).Par ailleurs, la signature digitale, qui est baséesur la technologie de la cryptographie, permetégalement d’envoyer des messages confiden-tiels. La démarche est ici inverse à celle suiviepour signer un message : l’auteur du messagesigne celui-ci à l’aide de la clé publique dudestinataire, qu’il se sera procurée au préala-ble sur le registre contenant le certificat dudestinataire. Lorsque ce dernier recevra lemessage, il devra faire usage de sa clé privéepour décrypter le message. En effet, tout mes-sage crypté avec une des deux clés ne peut-être décrypté qu’avec l’autre. Le message nepourra donc être lu que par le destinataire etpersonne d’autre. Rien n’empêche de surcroîtl’auteur de l’acte de doubler l’opération decryptage par l’utilisation du système de signa-ture digitale. Il appliquera donc sa clé privéeau message préalablement crypté à l’aide de laclé publique du destinataire. Ainsi, comme onle voit, la signature électronique permet éga-lement de garantir la confidentialité des com-

munications électroniques. C’était la fonctionpremière de la cryptographie (32).

Le rôle des autorités de certification apparaîtdonc fondamental. Ce sont elles qui en défini-tive seront les garantes de la bonne marche dusystème mis en place. Une de leurs tâches es-sentielles sera donc d’établir et de garantir lelien entre la clé publique contenue dans le cer-tificat, qu’elles devront publier dans des re-gistres, et la clé privée qui y correspond.Outre la clé publique, le certificat contiendradifférentes informations relatives à l’identitéde la personne qui en est titulaire, telles queson nom, son adresse, et toute autre informa-tion que le titulaire souhaitera voir figurer surle certificat. Compte tenu de l’importance deleur mission, il était impératif que des mesu-res adéquates soient prises pour entourer leursactivités des garanties nécessaires à la fiabili-té et à l’efficacité des opérations. C’est préci-sément l’objet de la directive européenne surles signatures électroniques (33) et de la loi du9 juillet 2001 fixant certaines règles relativesau cadre juridique pour les signatures électro-niques et les services de certification (34).Compte tenu de la complexité de cette matière(35), nous nous limiterons à l’examen des dis-positions de ces textes relatives à la valeur ju-ridique des signatures électroniques, en cecompris le nouvel alinéa 2 de l’article 1322 duCode civil, introduit par la loi du 20 octobre2000 (36).

4

LES DIRECTIVES EUROPÉENNES SUR LES SIGNATURES

ÉLECTRONIQUES ET LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE

Le Conseil et le Parlement européen ont adop-té le 13 décembre 1999 une directive relativeà un cadre communautaire pour les signaturesélectroniques.

La plus grande partie de la directive est con-sacrée à régler le statut et les obligations des

(30) Voy., R. Mougenot, La preuve, 3e éd. (mise àjour par D. Mougenot), Larcier, no 121-3, à paraître.Il faut également que la signature soit liée de maniè-re logique au document, à défaut d’un lien (quasi)physique entre les deux, comme c’est le cas desécrits signés manuscritement. Cette exigence con-duit la doctrine à considérer que la signature électro-nique suppose nécessairement une transformation del’écrit (comme ici le cryptage du message). Voy.D. Gobert et E. Montéro, D.A.O.R., op. cit., no 20;E. Montéro, op. cit., nos 34 à 36.

(31) Notons que les fonctions de la signature digitaledécrites ci-dessus ne sont qu’une partie des applica-tions que l’on peut en faire. Plus largement, la signa-ture digitale permet de contrôler l’origine et l’inté-grité de données électroniques, quelles qu’ellessoient. Il peut donc s’agir de contrôler l’origine etl’intégrité d’un javascript, de vérifier l’authenticitéd’une page web ou d’un site internet (voy. sur cepoint J. Dumortier et P. Van Eecke, « De Europeseontwerprichtlijn over de digitale handtekening :waarom is het misgelopen? », Computerrecht, 1999/1, pp. 3 à 5).

gnature. Le choix de ce terme peut paraître inoppor-tun en ce qu’il risque de créer une certaine confusionavec la notion d’authenticité au sens d’acte authenti-que, tel que prévu à l’article 1317 du Code civil.(28) Pour un éventail des procédés existants et uneanalyse plus approfondie du fonctionnement de la si-gnature digitale, voy. notamm. : P. Lecocq et B.Vanbrabant, op. cit., nos 30 à 43; D. Gobert, « La sé-curisation des échanges par la reconnaissance de lasignature électronique : conditions d’existence desréseaux d’avocats », in C.U.P., Formation perma-nente, Multimédia, le cyberavocat, vol. XXIX, févr.1999, pp. 180 et 181; S. Parisien et P. Trudel,« L’identification et la certification dans le commer-ce électronique », Québec, Ed. Yvon Blais Inc.,1996, pp. 117 et s.; E. Davio, « Certification, signa-ture et cryptographie », in E. Montéro (éd.),« Internet face au droit », Cahiers du C.R.I.D.,no 12, E. Story-Scientia, 1997, pp. 80 et s., et dumême auteur, « Preuve et certification sur internet »,R.D.C., 1997 no 11, pp. 660 à 670; M. Antoine etD. Gobert, R.G.D.C., op. cit., no 4/5, pp. 285-310;D. Gobert et E. Montéro, D.A.O.R., op. cit., nos 10 à26.(29) Notons qu’il est impossible de déduire la cléprivée du signataire à partir de la clé publique corres-pondante.

(32) La méthode utilisée était alors la cryptographiedite symétrique, c’est-à-dire que la même clé servaità crypter et à décrypter les messages. Cependant,outre la lourdeur technique de ce procédé, seule latechnique de la cryptographie asymétrique peut êtreutilisée à des fins de signature, en permettant d’iden-tifier le signataire et de garantir le maintien de l’in-tégrité de l’acte.(33) Directive européenne 1999/93/C.E. du Parle-ment européen et du Conseil sur un cadre commu-nautaire pour les signatures électroniques, 13 déc.1999 (J.O.C.E., no L 013, 19 janv. 2000, pp. 0012 à0020).(34) M.B., 29 sept. 2001.(35) Pour un examen de la directive et de la loi, voy.notam. M. Antoine et D. Gobert, « La directiveeuropéenne sur la signature électronique : vers la sé-curisation des transactions sur l’Internet? »,J.T.D.E., 2000, no 68, pp. 73 à 78; E. Caprioli, « Laloi française sur la preuve et la signature électroni-que dans la perspective européenne », J.C.P., 3 mai2000, pp. 787 à 795. Sur la loi du 9 juillet 2001, voy.D. Gobert, C.U.P., op. cit. pp. 83 à 172.(36) Loi du 20 octobre 2000 introduisant l’utilisa-tion de moyens de télécommunication et de la signa-ture électronique dans la procédure judiciaire et ex-trajudiciaire, M.B., 22 déc. 2000.

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autorités de certification, qui seront chargéesde délivrer des certificats de signatures élec-troniques. Comme nous venons de le voir, cescertificats permettront de garantir que la si-gnature électronique apposée sur un docu-ment émane bien de la personne qui l’a appo-sée.C’est à l’article 5 que l’on trouve les principesgouvernant les effets juridiques des signaturesélectroniques. Il faut ici distinguer deux régi-mes distincts.Premièrement, l’article 5.1, qui ne concerneque les signatures électroniques qui répondentà certaines conditions (37), prévoit purementet simplement qu’elles auront la même valeurque les signatures manuscrites. Ce qui veutdire qu’elles doivent être admissibles commepreuve en justice et qu’elles doivent bénéfi-cier de la force probante accordée aux signa-tures manuscrites. C’est ce qu’il est convenud’appeler la clause d’assimilation. Cette re-connaissance pleine et entière de la signatureélectronique s’explique par les moyens tech-niques mis en œuvre pour sa création, qui as-surent un haut degré de fiabilité.Deuxièmement, l’article 5.2 traite des effetsjuridiques des signatures électroniques qui nerépondent pas à toutes les conditions fixées àl’article 5. 1. Pour ces signatures, il est prévuune clause de non-discrimination. Dans cettehypothèse, les Etats membres doivent veiller àce que l’efficacité juridique et la recevabilitécomme preuve en justice d’une signature élec-tronique ne soient pas contestées au seul motifque la signature se présente sous forme élec-tronique, ou qu’elle ne repose pas sur un cer-tificat qualifié, ou qu’elle ne repose pas sur uncertificat délivré par un prestataire de serviceaccrédité, ou encore qu’elle n’est pas crééepar un dispositif sécurisé de création de signa-ture. Cet article consacre donc la recevabilitédes signatures électroniques lato sensu. Pourfaire bref, un juge ne pourra pas refuser un do-cument dont l’une des partie prétend qu’il estsigné électroniquement. Toutefois, à défaut derépondre aux spécifications de l’article 5. 1, ilappartiendra à celui qui s’en prévaut de con-vaincre le juge qu’il s’agit bien d’une signatu-re.Cette directive envisage principalement, maispas uniquement, la validité ad probationem dela signature électronique. Les effets de la si-gnature électronique sur le plan probatoiresont réglés par la directive. Cela ressort del’article 1er de la directive qui énonce que :« Elle (la directive) ne couvre pas les aspectsliés à la conclusion et à la validité des contrats

ou d’autres obligations légales lorsque desexigences d’ordre formel sont prescrites par lalégislation nationale ou communautaire;(...) ». Néanmoins, l’article 5.2, relatif à laclause de non-discrimination parle égalementde « l’efficacité juridique des signatures », desorte que l’on ne peut parler d’une limitationdu champ d’application au droit de la preuve.Ainsi, il est permis de penser que la validité dela signature ad validitatem est également vi-sée (38). Cette interprétation de la directivepeut en outre se fonder sur la formulation del’article 1er de la directive qui prévoit que cel-le-ci ne couvre pas les aspects liés à la conclu-sion et à la validité des contrats lorsque desexigences d’ordre formel sont prescrites par lalégislation nationale ou communautaire. Eneffet, dès lors que la directive règle précisé-ment le régime juridique applicable aux si-gnatures électroniques, on peut en déduire queles exigences d’ordre formel dont questiondans cet article visent d’autres conditions deforme que la signature.L’article 9 de la directive européenne sur lecommerce électronique (39), dispose quant àlui que : « Les Etats membres veillent à ce queleur système juridique rende possible la con-clusion de contrats par voie électronique. LesEtats membres veillent notamment à ce queleur régime juridique applicable au processuscontractuel ne fasse pas obstacle à l’utilisa-tion des contrats électroniques ni ne conduiseà priver d’effet et de validité juridique de telscontrats pour le motif qu’ils sont passés parvoie électronique ». Suit alors une énuméra-tion de domaines pour lesquels il est permisaux Etats membres de conserver le régime ac-tuel et d’écarter ces domaines de la réforme(art. 9.2) (40). Cet article semble pouvoir êtreinterprété comme imposant de supprimer lesobstacles à la conclusion électronique descontrats autres que ceux relatifs à la signature(41), puisque la directive sur les signatures

électroniques règle déjà cette question, lors-qu’il fait référence à « l’efficacité juridique »des signatures électroniques. Signalons que latransposition de cette directive en droit belgeest en cours (42).

5

LE DROIT BELGE

Le législateur belge a choisi de transposer ladirective européenne sur les signatures élec-troniques au moyen de deux lois, soit la loi du20 octobre 2000 introduisant l’utilisation demoyens de télécommunication et de la signa-ture électronique dans la procédure judiciaireet extrajudiciaire, qui ajoute, notamment, unalinéa 2 à l’article 1322 du Code civil et la loidu 9 juillet 2001 fixant certaines règles relati-ves au cadre juridique pour les signaturesélectroniques et les services de certification(que nous désignerons ci-après par loi P.S.C.pour loi relative aux prestataires de servicesde certification).

Nous n’aborderons pas les dispositions de laloi P.S.C. qui réglementent l’activité de cesderniers (43). Nous examinerons seulementles paragraphes 4 et 5 de l’article 4 [B] decette loi ainsi que le nouvel article 1322 duCode civil [A], en examinant les rapportsqu’entretiennent ces deux dispositions [C].Signalons néanmoins que la loi affirme en sonarticle 4, § 1er, le principe selon lequel nul nepeut être contraint de signer électronique-ment. Il ne saurait en être autrement dès lorsque l’utilisation de la signature électroniquesuppose un équipement technique dont tout lemonde ne dispose pas.

A. — L’article 1322, alinéa 2, du Code civil

La loi du 20 octobre 2000 a introduit, entreautre, un alinéa 2 à l’article 1322 du Code ci-vil. Il s’agissait pour le législateur de transpo-ser la clause de non-discrimination contenue àl’article 5.2 de la directive européenne sur lessignatures électroniques.

Celui-ci dispose que : « Peut satisfaire à l’exi-gence d’une signature [1], pour l’applicationdu présent article [2], un ensemble de donnéesélectroniques [4] pouvant être imputé à unepersonne déterminée et établissant le maintiende l’intégrité du contenu de l’acte [3] ».

1. — « Peut satisfaire à l’exigence d’unesignature : le début de cet alinéa semble pou-voir être lu comme « satisfait à l’exigenced’une signature électronique... ». La formula-tion retenue est due au parcours législatif etaux amendements successifs dont a fait l’ob-jet cet article (44). La problématique liée à

(38) Pour l’utilisation des signatures dans le secteurpublic, voy le considérant no 19 de la directive surles signatures électroniques qui précise : « Les si-gnatures électroniques seront utilisées dans le sec-teur public au sein des administrations nationales etcommunautaires et dans les communications entrelesdites administrations ainsi qu’avec les citoyens etles opérateurs économiques, par exemple dans le ca-dre des marchés publics, de la fiscalité, de la sécuritésociale, de la santé et du système judiciaire ».(39) Directive 2000/31/C.E. du Parlement européenet du Conseil relative à certains aspects juridiquesdes services de la société de l’information, et notam-ment du commerce électronique, dans le marché in-térieur, du 8 juin 2000 (J.O.C.E., no L178, 17 juill.2000, pp. 1 à 16).(40) L’article 9.2 précise que certains contrats nesont pas soumis à la réforme. Il s’agit 1) des contratsqui créent ou transfèrent des droits sur les biens im-mobiliers, à l’exception des droits de location; 2) lescontrats pour lesquels la loi requiert l’interventiondes tribunaux, des autorités publiques ou de profes-sions exerçant une autorité publique; 3) les contratsde sûretés et de garanties fournis par des personnesagissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre deleur activité professionnelle ou commerciale; 4) lescontrats relevant du droit de la famille ou du droitdes successions. Il ne s’agit bien évidemment qued’une possibilité accordée aux Etats membres, la li-berté leur étant laissée d’aller au-delà de que ce queprévoit la directive.(41) Tels que ceux liés au formalisme particulier decertains contrats où à l’opposabilité du contrat auxtiers.

(37) Il s’agit, selon l’article 5 de la directive des« signatures électroniques avancées basées sur un cer-tificat qualifié et créées par un dispositif sécurisé decréation de signature ». Une signature électroniqueavancée est une signature qui satisfait aux exigencessuivantes : a) être liée uniquement au signataire; b)permettre d’identifier le signataire; c) être créée pardes moyens que le signataire puisse garder sous soncontrôle exclusif; d) être liée aux données auxquelleselle se rapporte de telle sorte que toute modificationultérieure des données soit détectable. Un certificatqualifié est un certificat qui satisfait aux exigences vi-sées à l’annexe I de la directive et qui est fourni par unprestataire de service de certification satisfaisant auxexigences visées à l’annexe II de la directive. Un dis-positif sécurisé de création de signature est un dispo-sitif de création de signature qui répond aux exigencesprévues à l’annexe III de la directive.

(42) La directive devait être transposée dans le droitdes Etats membres pour le 17 janvier 2002. Unavant-projet a été rédigé doit être déposé à la Cham-bre prochainement.(43) Voy. sur cet aspect la récente étude deD. Gobert, C.U.P., op. cit., pp. 83 à 172.(44) Voy., en ce sens, P. Lecocq et B. Vanbrabant,op. cit., no 99 et la note 219 et E. Montéro, op. cit.,

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cette interprétation sera développée au pointB.

2. — Pour l’application du présent article :c’est-à-dire tant que d’autres formes ne sontpas prescrites par une législation spécifique.Cela ressort clairement du commentaire del’article (45). Il s’agit de l’application du prin-cipe lex specialis derogat lex generalis. Cettelégislation spécifique peut provenir du Codecivil lui-même (46) ou d’une réglementationspécifique (47). Ces quelques mots insérésdans le nouvel article 1322 du Code civil met-tent en lumière le fait que le législateur belgen’envisageait ici que l’aspect probatoire de lasignature électronique.

3. — Pouvant être imputé à une personne dé-terminée et établissant le maintien de l’inté-grité du contenu de l’acte : il s’agit ici de dé-terminer quelles sont les conditions que doitremplir la signature électronique pour être re-connue. En fait, il faut prouver que la signatureélectronique en est bien une. Il faudra non seu-lement démontrer l’imputabilité de la signatu-re à une personne déterminée mais égalementque l’intégrité du contenu de l’acte a été sau-vegardée. Sous le terme « imputabilité » sontcomprises les fonctions d’identification etd’adhésion au contenu de l’acte (48). En bref,il faudra rapporter la preuve que le procédé designature électronique identifie la personnedont il émane, manifeste son consentement aucontenu de l’acte et qu’il garantit que l’acten’a pas été modifié ou altéré lors du transfertde l’information. La définition fonctionnelle

de la signature transparaît au travers de cet ar-ticle.

4. — Un ensemble de données électroniques :les termes utilisés sont larges et ce dans unsouci d’embrasser tout type de signature élec-tronique. Par rapport au projet initial, on peutremarquer que l’on n’exige plus que cet en-semble de données électroniques doive résul-ter d’une transformation de l’écrit. Cela sem-ble signifier que la signature ne doit plus êtreliée logiquement au message. Néanmoins, lesdéfinitions données dans la loi P.S.C. de la si-gnature électronique et de la signature électro-nique avancée reprennent toutes deux cetteexigence de lien logique entre le message et lasignature (voy. art. 2, al. 2, 1o et 2o, L. P.S.C.)de sorte que cet « oubli » dans l’article 1322,alinéa 2, n’aura vraisemblablement pas deconséquences (49).

On remarquera que le principe de neutralitétechnologique apparaît a priori respecté dansla mesure où le texte est rédigé de manière fortlarge et ne fait explicitement référence à aucu-ne technique particulière de signature électro-nique (50).

B. — Les paragraphes 4 et 5 de l’article 4 de la loi du 9 juillet 2001

1. — L’article 4, § 4, énonce que : « sans pré-judice des articles 1323 et suivants du Codecivil, une signature électronique avancée réa-lisée sur la base d’un certificat qualifié et con-çue au moyen d’un dispositif sécurisé de créa-tion de signature électronique, est assimilée àune signature manuscrite, qu’elle soit réaliséepar une personne physique ou morale ».

Cet article assure la transposition de la claused’assimilation prévue à l’article 5.1 de la di-rective sur les signatures électroniques. Con-crètement, les signatures électroniques quirépondront à ces conditions seront automati-quement considérées comme signatures.

La loi définit les notions de signature électro-nique avancée (art. 2, al. 2, 2o), de certificatqualifié (art. 2, al. 2, 4o), et de dispositif sécu-risé de création de signature électronique(art. 2, al. 2, 7o), en renvoyant pour l’essentielaux annexes I, II et III de la loi. Par commodi-té, ce type de signature sera désigné par le ter-me de « signature parfaite », emprunté àP. Lecocq et B. Vanbrabant (51).

On notera au passage que le paragraphe 4 pré-voit explicitement la possibilité d’attribuerune signature à une personne morale, ce quiconstitue une innovation, et ce même si lesamendements qui ont été apportés au projet en

cours d’adoption ont quelque peu diminuél’impact de cette modification (52).

Par ailleurs la loi prévoit un système d’accré-ditation libre pour les autorités de certifica-tion, conformément à la directive. En prenantun raccourci extrême, le principe de l’accrédi-tation est le suivant : une autorité de certifica-tion ne peut être accréditée que si, après en-quête, il a été démontré qu’elle est en mesurede proposer des signatures parfaites (53).Cette accréditation, une fois accordée, permetà l’autorité de certification de délivrer des si-gnatures électroniques qui bénéficieront alorsd’une « présomption » de perfection. Descontrôles ultérieurs sont possibles par l’auto-rité accréditante (en Belgique, le ministèredes Affaires économiques). Il s’agit en quel-que sorte d’un label de qualité délivré parl’administration. Ce régime d’accréditationest cependant libre, de sorte qu’il n’est pasobligatoire pour une autorité de certificationd’être accréditée pour pouvoir délivrer des si-gnatures parfaites. Néanmoins, les signaturesdélivrées par une autorité de certification ac-créditée bénéficieront de facto d’un avantagesur les autres dans la mesure où la seule preu-ve de l’accréditation de l’autorité de certifica-tion qui aura délivré la signature devrait suffi-re pour que le principe de l’assimilations’applique. Pour les signatures délivrées pardes autorités de certification non accréditées,la preuve du respect des exigences posées parles trois annexes de la loi devrait en principeêtre rapportée, même si en pratique, il est en-visageable de limiter les éléments à vérifier(54).

Notons au passage que la personne à qui l’onimpute une signature électronique, même par-faite, conserve la possibilité de ne pas recon-naître cette signature, conformément auxarticles 1323 et suivants du Code civil. Indé-pendamment de l’adéquation peu évidente del’article 4, § 4, de la loi P.S.C. avec les textesrelatifs à la dénégation d’écriture et à son co-rollaire, la procédure en vérification d’écritu-re (art. 883 et s., C. jud.), on peut se poser laquestion de savoir s’il était opportun de lais-ser cette faculté au signataire présumé d’undocument électronique. En effet, le degré defiabilité offert par une telle signature est bienplus élevé que celui d’une signature manus-crite, aisée à contrefaire. En outre, la chargede la preuve appartiendrait alors à la personnequi tente d’imputer la signature à son auteurprésumé, tâche ardue et malaisée dans lemeilleur des cas. Signalons cependant quecette question n’est pas tranchée et que les

(49) Voy sur ce point les réflexions émises parE. Montéro, op. cit., no 35.(50) Même s’il ne fait aucun doute sur le fait que cesoit la technique de la cryptographie asymétrique quiait été prise comme modèle technologique pour la ré-daction du texte.(51) P. Lecocq et B. Vanbrabant, op. cit., no 80, et lanote 185. M.-E. Storme désigne quant à lui ce typede signature par les termes « gekwalificeerde elek-tronische handtekening », M.-E. Storme, op. cit.,no 37, tandis qu’E. Montéro adopte la dénominationde « signature électronique qualifiée », E. Montéro,op. cit., no 6, note 11.

no 23. Cette interprétation n’est cependant pas una-nime. Voy égalem. les travaux préparatoires de la loidu 9 juillet 2001 (Doc parl., Chambre, 50, 322/007,p. 4).(45) Rapport de la Commission de la justice, p. 29.(46) Ainsi l’article 970 du Code civil relatif au testa-ment olographe prescrit que le testament doit être« écrit en entier, daté et signé de la main dutestateur », ou encore l’article 1326 du même Codequi prévoit que dans le cas d’une convention unilaté-rale, l’acte sous seing privé doit être écrit de la mainet celui qui s’engage ou que sa signature soit précé-dée de la mention manuscrite « bon pour » ou« approuvé ». On peut remarquer que relativement àce dernier article, la loi française sur la signatureélectronique a remplacé les termes « de sa main »par « par lui-même » (art. 5), permettant dès lorsl’usage de la signature électronique dans cette hypo-thèse. On relèvera également l’article 17, § 2, del’avant-projet de loi belge sur le commerce électro-nique qui prévoit notamment que l’exigence d’unemention écrite de la main de celui qui s’oblige peutêtre satisfaite par tout procédé garantissant que lamention émane de ce dernier ».(47) La Convention de Genève du 7 juin 1930 quifixe les règles d’établissement d’un chèque, d’unbillet à ordre ou d’une lettre de change, demeure in-changée. Il est donc actuellement impossible d’éta-blir un chèque par voie électronique. De même,l’article 17 de la loi sur le crédit à la consommation,même s’il ne précise pas que la signature doit êtremanuscrite, prévoit néanmoins en son alinéa 2 que :« Le consommateur doit faire précéder sa signaturede la mention manuscrite et en toutes lettres : “ lu etapprouvé pour ... francs à crédit. ”. Il doit y apporterégalement la mention manuscrite de la date et del’adresse précise de la signature du contrat. »(48) Rapport de la Commission de la justice p. 30 etjustification de l’amendement no 12 à ladite proposi-tion de loi (Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1999-2000, no 38/006).

(52) Sur la signature électronique des personnes mo-rales, voy. B. Vanbrabant, « La signature électroni-que des personnes morales », in C.U.P., Formationpermanente, La preuve, vol. 54, mars 2002, pp. 173à 228.(53) L’accréditation suppose en effet que le presta-taire de services de certification ait satisfait aux exi-gences de l’annexe II, que ses certificats soient con-formes à l’annexe I et que les dispositifs de créationde signature utilisés répondent à l’annexe III (art. 17,§ 1er, de la loi). Bien que parmi ces exigences ne fi-gure pas celle que la signature électronique soitavancée, on conviendra avec P. Lecocq et B. Van-brabant que si les exigences des annexes I, II et IIIsont rencontrées, la signature qui sera créée sera né-cessairement avancée (P. Lecocq et B. Vanbrabant,op. cit., no 106 et la note 236.)(54) P. Lecocq et B. Vanbrabant, op. cit., no 107.

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auteurs divergent quant à « qui » devra prou-ver ou à ce qu’il faudra prouver (55). Une par-tie de la doctrine (56) précise cependant quedans l’hypothèse où le signataire contesteraitavec succès sa signature, celui-ci n’en reste-rait pas moins tenu d’indemniser l’autre partiesur la base de la responsabilité aquilienne. Lesparagraphes 1er et 2 de l’article 19 de la loiP.S.C. précisent en effet en substance que letitulaire d’une signature électronique est res-ponsable de la confidentialité de la clé privée(§ 1er) (57). Si un doute naît quant à cette con-fidentialité, il appartient donc au titulaire defaire révoquer le certificat (§ 2) (58). A défautpour lui de le faire, il engagerait sa responsa-bilité extracontractuelle à l’égard de la partiequi se prévaut de la signature, puisqu’il n’apas pr i s l es mesures nécessa i res pour« bloquer » sa signature électronique en sa-chant que celle-ci n’était plus sous son seulcontrôle. Le dommage serait alors pour l’autrepartie la non-conclusion du contrat (59). Laseule possibilité pour le signataire d’éviterune quelconque part de responsabilité seraitde démontrer que sa signature électronique aété « piratée » et utilisée à son insu, situationqui risque de se présenter rarement en prati-que et dont la preuve risque d’être impossibleà rapporter (60). Cette question est d’impor-tance puisqu’un régime trop strict pourraitconstituer un frein important au développe-ment de la confiance tant recherchée, que laréglementation sur la signature électroniquedevait promouvoir.

2. — Le paragraphe 5 de l’article 4 disposequant à lui : « Une signature électronique nepeut être privée de son efficacité juridique etne peut être refusée comme preuve en justiceau seul motif :» — que la signature se présente sous formeélectronique, ou

» — qu’elle ne repose pas sur un certificatqualifié ou» — qu’elle ne repose pas sur un certificatqualifié délivré par un prestataire accrédité deservice de certification, ou» — qu’elle n’est pas créée par un dispositifsécurisé de création de signature ».

Il s’agit de la transcription li ttérale del’article 5.2 de la directive européenne sur lessignatures électroniques, relatif à la clause denon-discrimination. Ce paragraphe a été ajou-té au projet de loi à la fin de son parcours lé-gislatif, afin d’assurer la transposition la pluscomplète possible de la directive. Le législa-teur souhaitait en effet réaliser « l’équivalen-ce absolue entre la signature électronique et lasignature manuscrite, tant pour les procéduresjudiciaires qu’extrajudiciaires » (61). Cetajout ainsi que sa place dans cette loi, peuventsembler surprenants dès lors que la clause denon-discrimination faisait en principe déjàl’objet d’une transposition via l’article 1322,alinéa 2 nouveau, du Code civil. Cela tientprobablement au fait que le législateur consi-dérait que l’assimilation de la signature élec-tronique à la signature manuscrite telle queprévue par l’article 1322, alinéa 2, n’était quefacultative (62). Nous avons cependant préci-sé que si la formulation de cet article laissesupposer une simple faculté de reconnaissan-ce d’une signature électronique, l’analyse dela gestation législative du texte ouvre la porteà une interprétation selon laquelle la recon-naissance doit être acquise pour autant que lesconditions énumérées dans cet article soientremplies (voy. pt A 1.). Quoi qu’il en soit,l’ajout de ce paragraphe 5 n’est pas sans con-séquence, comme nous le verrons par la suite.

De manière claire, comme déjà évoqué ci-des-sus lors de l’analyse de l’article 5.2 de la di-rective, la loi interdit donc notamment de dé-clarer irrecevable comme preuve en justice undocument dont une partie prétend qu’il est si-gné électroniquement pour le seul motif que lasignature est électronique. Notons cependantqu’il est toujours possible de considérer com-me irrecevable une signature électronique (ouplutôt le document que l’on souhaite produireà titre de preuve sur laquelle elle est apposée)pour d’autres motifs que ceux énoncés danscet article, par exemple le fait que la signaturene serait pas avancée. Cet article vise donctoutes les signatures qui ne sont pas parfaites,c’est -à-dire les s ignatures « simples »,« avancées » et « avancées avec certificatqualifié ». Si les deux dernières doivent êtredéclarées recevables (la première pouvantl’être), il appartient cependant à celui qui s’enprévaut de démontrer qu’il s’agit bien d’unesignature électronique.

Certains auteurs (63) ont précisé que dans leshypothèses visées par l’article 5.2 de la direc-

tive (et donc de l’article 4, § 5, de la loi), unefois la signature électronique déclarée receva-ble, le juge était libre de lui accorder forceprobante ou non en fonction des éléments quilui étaient soumis, au contraire du systèmeprévu par l’article 5.1 de la directive (ou 4,§ 4, de la loi), où le juge devait accorder forceprobante à la signature parfaite, conséquencelogique de son assimilation à la signature ma-nuscrite. Cette interprétation se base notam-ment sur les travaux préparatoires de la loiP.S.C. (64) et sur la formulation actuelle del’article 1322, alinéa 2 (65). On remarqueracependant que la distinction entre recevabilitéet force probante de la signature électroniquedans le cadre de la clause de non-discrimina-tion peut paraître quelque peu artificielle. Eneffet, en vertu de l’article 1322, alinéa 2 nou-veau, du Code civil, dès lors qu’un mécanis-me technique que l’on prétend être une signa-ture électronique assure les fonctions d’impu-tabilité et d’intégrité prévues par ce texte, ilfaut considérer que l’on est bien en face d’unesignature, et partant d’un acte sous seing privé(en partant du principe que les mots « peutsatisfaire » se lisent comme « satisfait »). Lerôle du juge se limiterait en conséquence à vé-rifier « simplement » si ces deux fonctionssont remplies. Soit elles ne le sont pas et lejuge doit déclarer le document électroniqueirrecevable, soit elles le sont et le juge doit dé-clarer le document recevable et, partant, luiaccorder force probante, puisqu’il s’agit d’unécrit signé (sous réserve de la dénégationd’écriture). Il s’agit, pour reprendre l’expres-sion de P. Lecocq et B. Vanbrabant, d’une rè-gle du tout ou rien (66). Du reste, en décider

(61) Voy. les travaux préparatoires de la loi du9 juillet 2001, Doc. parl., Chambre, 50, 322/7, p. 4.(62) Voy. les travaux préparatoires de la loi du9 juillet 2001, Doc. parl., Chambre, 50, 322/7, p. 4,ainsi que Doc. parl., Sén. 2-662/3, sess. ord. 00/01.(63) D. Gobert et E. Montéro, « La signature dansles contrats et les paiements électroniques : l’appro-che fonctionnelle », op. cit. no 55; D. Gobert etE. Montéro, « L’ouverture de la preuve littérale auxécrits sous forme électronique », op. cit., pp. 119 et120; D. Gobert, « Belgique : projet de loi “ signatureélectronique ” déposé à la Chambre », actualité du

(55) Voy. sur cette question P. Lecocq et B. Vanbra-bant, op. cit., nos 109 à 112; D. Gobert et E. Mon-téro, J.T., op. cit., pp. 114 et s., estiment quant à euxqu’une signature parfaite bénéficie d’une présomp-tion réfragable selon laquelle les fonctions d’imputa-bilité et d’intégrité sont remplies. Selon ces auteurs :« un signataire peut toujours, comme pour la signa-ture manuscrite, contester sa signature puisque laprésomption est réfragable, avec néanmoins la diffé-rence fondamentale qu’il ne lui suffit plus de désa-vouer sa signature mais qu’il doit renverser laprésomption »; R. de Corte, « Elektronische handte-kening en de identificatie in de virtuele wereld »,11 juill. 2001, non publié; de manière plus nuancée,voy E. Montéro, op. cit., p. 46.(56) E. Montéro, op. cit., nos 43 à 45; R. Mougenot,La preuve, 3e éd. (mise à jour par D. Mougenot),Larcier, no 158, à paraître; D. Gobert, C.U.P., op.cit., pp. 153 à 158.(57) Le paragraphe 1er énonce : « Dès le moment dela création des données afférentes à la création de si-gnature, le titulaire du certificat est seul responsablede la confidentialité de ces données ».(58) Le paragraphe 2 énonce quant à lui : « En casde doute quant au maintien de la confidentialité desdonnées afférentes à la création de signature ou deperte de conformité à la réalité des informations con-tenues dans le certificat, le titulaire est tenu de fairerévoquer le certificat ».(59) Qui ne s’identifie cependant pas nécessaire-ment au dommage qui aurait été considéré contrac-tuel si le désaveu de signature n’avait pas aboutiavec succès.(60) Comp., D. Gobert, op. cit., p. 155.

11 février 2000, disponible sur http://www.droit-technologie.org; Th. Verbiest et E. Wéry, avec lacollaboration de A. Salaün et D. Gobert, Le droit del’internet et de la société de l’information, droiteuropéen, belge et français, Collection Création-Information-Communication, Larcier, Bruxelles,2001, nos 667 et 668.(64) Voy Doc. parl., Ch., 50 322/001, sess. ord. 99/00, p. 13 : « Pour résumer le lien entre les deux pro-jets de loi, on peut dire que le projet relatif aux auto-rités de certification accorde force probante aux si-gnatures électroniques avancées créées par undispositif sécurisé de création de signature et combi-nées à un certificat qualifié. Ces signatures bénéfi-cient des mêmes effets juridiques que ceux qui sontreconnus aux signatures manuscrites (...) Par contre,le projet relatif au droit de la preuve se limite à créerle principe de la recevabilité de tout type de signatu-re, même électronique, le juge étant alors libre d’ap-précier la valeur probante à accorder à celle-ci (ilpourrait très bien accorder une valeur probante équi-valente à celle de la signature manuscrite s’il estimeque les différentes fonctions de la signature sont réa-lisées avec une certitude raisonnable) ».(65) Cette interprétation est en effet confortée par lechoix par le législateur des termes « peut satisfaire àl’exigence d’une signature... » de l’article 1322,alinéa 2, du Code civil. Nous avons néanmoins si-gnalé au point A que cette formulation pouvait se lirecomme « satisfait », de sorte que le pouvoir d’appré-ciation qui semble être laissé au juge sur ce point estinexistant.(66) P. Lecocq et B. Vanbrabant, « La preuve ducontrat par voie électronique », in Le commerceélectronique : un nouveau mode de contracter, actesdu colloque organisé par la Faculté de droit de Liège(Unité de droit privé) et la Conférence libre du Jeunebarreau de Liège le 19 avril 2001, a.s.b.l. Editions duJeune barreau de Liège, 2001, op. cit., nos 96 et 99

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autrement reviendrait à créer une distorsionjuridique sérieuse et non justifiée entre le ré-gime de la signature manuscrite et celui de lasignature électronique, puisque dans l’envi-ronnement « papier » le juge ne peut pas dé-clarer un acte sous seing privé recevable et luidénier ensuite toute force probante (67). Ce-pendant, la controverse existante en doctrinesur cette question n’est peut-être qu’une que-relle de mots, dans la mesure où les thèses enprésence reconnaissent toutes deux au juge unpouvoir d’appréciation, mais à des stades dis-tincts. Fondamentalement, il s’agira toujoursde démontrer à celui-ci que le procédé techni-que utilisé est bien une signature et qu’il doitse voir attribuer les mêmes effets. Il n’estdonc pas impossible que l’impact de la con-troverse soit limité dans la pratique quotidien-ne de la matière.

Une autre conséquence non négligeable pro-vient du libellé de l’article 4, § 5 et de la sup-pression dans l’article 4, § 4, de la référence àl’article 1322 (référence qui existait jusqu’àl’amendement du texte par le Sénat). D’unepart, l’article 4, § 5, parle de la recevabilité dela signature électronique en justice et de l’ef-ficacité juridique des signatures électroniqueset, d’autre part, l’article 4, § 4, s’est affranchide son lien avec l’article 1322 du Code civil,qui semblait le cantonner au domaine de lapreuve (68). Ceci tend à démontrer que tant laclause d’assimilation que la clause de non-discrimination, transposées en droit belge, neconcernent pas uniquement le droit de la preu-ve mais doivent être appliquées à chaque foisque le terme « signature » apparaît dans unenorme juridique. Ces deux clauses ont doncune portée générale en droit belge, ce qui apour conséquence qu’il ne sera théoriquementpas nécessaire de modifier tous les textes où lemot « signature » apparaît, en y mentionnantque la signature électronique est aussi accep-tée. A titre d’exemple, l’article 1034ter, 6o,du Code judiciaire, qui prévoit que la requêtedoit être signée par le requérant ou son avocatà peine de nullité, ne devra en principe pasêtre modifié pour permettre aux avocats de si-gner électroniquement une requête. Cette in-terprétation large (69) n’est pas retenue parune partie de la doctrine (70), mais ressortclairement du considérant 19 de la directivesur les signatures électroniques et d’une partiede l’exposé des motifs de la loi P.S.C. (71).Elle est également confirmée par la formula-tion actuelle des paragraphes 4 et 5 de

l’article 4 de la loi. Enfin, et la précision estd’importance, l’article 17 de l’avant-projet deloi sur certains aspects juridiques des servicesde la société de l’information confirme selonnous de manière non équivoque cette solution.Cet article précise en effet que :« § 1er. Toute exigence légale ou réglementai-re de forme relative au processus contractuelest réputée satisfaite à l’égard d’un contrat parvoie électronique lorsque les qualités fonc-tionnelles de cette exigence sont préservées.

» § 2. Pour l’application du paragraphe 1er, ily a lieu de considérer :» . . . . . . . . . . . .

» que l’exigence, expresse ou tacite, d’une si-qnature est satisfaite dans les conditions re-vues soit à l’article 1322, alinéa 2, du Code ci-vil, soit à l’article 4, § 4, de la loi du 9 juillet2001 fixant certaines règles relatives au cadrejuridique pour les signatures électroniques etles services de certification ».

Il est donc ici fait expressément référence auxarticles 1322, alinéa 2, du Code civil et 4, § 4,de la loi P.S.C. pour définir ce qu’il faut ounon considérer comme une signature, en de-hors du strict domaine de la preuve. Bien qu’ilne s’agisse que d’un avant-projet, et que ce-lui-ci ne vise que « le processus contractuel »,il peut s’en déduire que ces articles consti-tuent le socle juridique sur lequel s’appuie lanotion juridique de signature électronique,quel que soit le rôle ou le domaine dans lequelcelle-ci est envisagée. Du reste, pourquoi fau-drait-il aller chercher ailleurs une définitiondéjà complète de la signature (surtout au re-gard des annexes de la loi P.S.C.)? Une multi-plication des définitions ne ferait qu’accroîtreles difficultés d’application d’une législationdéjà fort complexe.

C. — L’articulation des articles 1322 du Code civil et 4, §§ 4 et 5,

de la loi du 9 juillet 2001

La question ne se pose pas vraiment pour les« signatures parfaites », dont le statut est ré-glé par l’article 4, § 4, de la loi, soit la claused’assimilation pure et simple, qui ne laissesubsister aucun doute quant aux conditions àremplir pour ce type de signature et quant auxeffets à leur accorder, que l’on envisage ounon la signature sous l’aspect probatoire.

Au contraire, pour les signatures « non par-faites », il semble a priori que deux disposi-tions concurrentes soient applicables : l’arti-cle 1322, alinéa 2, du Code civil et l’article 4,§ 5, de la loi du 9 juillet 2001. Nous avonsdéjà précisé que la clause de non-discrimina-tion devait initialement être transposée parl’article 1322, alinéa 2, du Code civil. Celui-ci va cependant plus loin qu’une simple ex-pression d’un principe de non-discriminationdes signatures électroniques. Il traduit dansun texte législatif la définition fonctionnellede la signature et énonce des règles plus stric-tes que l’article 5.2. de la directive, soit lesfonctions que doit remplir la signature, con-ditions que ne contient pas l’article 5.2. de ladirective. Il s’agit probablement de la raisonprincipale pour laquelle un paragraphe 5 a étéajouté à l’article 4 de la loi du 9 juillet 2001,reprenant fidèlement le texte même de la di-rective (72). Néanmoins, cet ajout est venuperturber l’attribution des rôles respectifs quel’on reconnaissai t tradit ionnellement àl’article 1322, alinéa 2, du Code civil (clausede non-discrimination) et l’article 4, § 4, dela loi du 9 juillet 2001 (clause d’assimila-tion).

L’agencement de ces deux dispositions peutselon nous être résumé comme suit : sil’article 4, § 5, contient de manière certaineles principes de la recevabilité et de l’efficaci-té des signatures électroniques, il ne détermi-ne pas les conditions ni les critères qui doiventêtre rencontrés pour qu’un procédé techniquedéterminé puisse accéder au rang de signatu-re. Il faut pour cela s’en référer au contenu del’article 1322, alinéa 2, du Code civil, et aubesoin, au contenu des annexes de la loiP.S.C. Il peut donc s’en déduire qu’une signa-ture non parfaite sera considérée comme unesignature par une application combinée desarticles 4, § 5, de la loi P.S.C. et 1322, alinéa2, du Code civil. Dans le domaine probatoiresensu stricto cependant, l’article 1322,alinéa 2, se suffit à lui même (73). Il n’est eneffet pas nécessaire de faire le détour parl’article 4, § 5, de la loi P.S.C. pour trouverl’expression du principe de la recevabilité dessignatures électroniques comme preuve enjustice, puisque l’article 1322 le contient déjà.Cet article était en effet déjà en vigueur avantl’adoption de l’article 4, § 5, de la loi P.S.C.,sans qu’il ait été contesté que le principe derecevabilité était bien concrétisé par cette dis-position (74). Du reste, il nous semble plus

(voy. égalem. les mêmes auteurs, op. cit., nos 96 et99); En ce sens égalem. E. Montéro, op. cit., no 23.(67) Toujours sous réserve de la dénégation d’écriture.(68) Signalons cependant que l’article 4, § 4, faittoujours référence aux articles 1323 et suivants, desorte que la « filiation » de la matière avec le droit dela preuve subsiste.(69) Voy. en ce sens E. Montéro, op. cit., nos 17 et18. Voy. égalem. P. Lecocq et B. Vanbrabant, op.cit., nos 81, 88 et 116 à 119 s’appuyant sur le princi-pe d’interprétation conforme du droit national parrapport au doit communautaire.(70) Voy. notam., M. Antoine et D. Gobert,J.T.D.E., 2000, op. cit., pp. 73 et s., no 14; D. Gobertet E. Montéro, J.T., 2001, op. cit., p. 116; comp.l’opinion de D. Mougenot dans R. Mougenot, Lapreuve, 3e éd. (mise à jour par D. Mougenot), Lar-cier, no 122-3, in fine, à paraître.(71) Doc. parl., Ch. repr. Doc. 50, no 322/007, pp. 3et 4.

(72) Sur ce point, voy. E. Montéro, op. cit., nos 19 et20 et les différentes notes citées par l’auteur sous cesnuméros.(73) En ce sens, P. Lecocq et B. Vanbrabant, op. cit.,no 117; comp. R. De Corte, op. cit., nos 102 et 103;(74) Comp. Y. Poullet et M. Antoine, « Vers la con-fiance ou comment assurer le développement ducommerce électronique », in Authenticité et infor-

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cohérent de placer dans le Code civil un prin-cipe général applicable à la preuve des obliga-tions et à la recevabilité des moyens de preuveen particulier, plutôt que dans une loi spécifi-que.

D. — Quelques observations

La possibilité de donner date certaine à unacte électronique contre les tiers par le biaisd’un enregistrement électronique n’est pré-vue par aucun texte. L’article 1328 du Codecivil reste à ce jour inchangé. Le recours à untiers de confiance, qui enregistrerait la tran-saction et lui garantirait sa date n’aura donceffet qu’entre les parties au contrat et ne serapas opposable aux tiers. Il s’agit là d’une la-cune de taille à laquelle il conviendrait de re-médier au plus vite. A titre d’illustration, unbail signé électroniquement ne pourrait pasêtre enregistré, sauf à en établir un exemplai-re papier, à le signer manuscritement et à pré-senter ce document manuscrit à l’enregistre-ment, ce qui enlève toute utilité au contratélectronique. La solution consisterait à don-ner à un tiers de confiance la mission qui neserait plus de certifier l’identité des parties,mais de certifier qu’un acte a été accompli àun moment déterminé (75). L’administrationde l’enregistrement, une fois dotée du maté-riel adéquat, pourrait remplir ce rôle qui luiest actuellement dévolu dans l’environne-ment papier.

Il ne serait pas inopportun que les articles 883et suivants du Code judiciaire, relatifs à laprocédure en vérification d’écriture, fassentl’objet d’un remaniement, afin d’être entière-ment adaptés aux nouveaux procédés de si-gnature électronique. Ces textes ont en effetété rédigés à une époque où seuls des docu-ments « papier » pouvaient servir de support àune signature. En outre, pour les signaturesélectroniques qui font appel à une autorité decertification, cette dernière pourrait être ame-née à jouer un rôle important dans le règle-ment de l’incident. Ce rôle pourrait ne pas êtrepurement passif et une obligation de collabo-ration, voire de participation à la procéduren’est peut-être pas à exclure.

Les textes belges restent muets sur le sujet desactes authentiques. Il n’est donc pas possible,dans l’état actuel de la législation, de signerélectroniquement une acte authentique. Il estvrai que ni la directive sur les signatures élec-troniques, ni la directive commerce électroni-que n’imposent de pousser la réforme jusqu’àce stade. Il s’agit pourtant d’une évolutioninéluctable à terme, sur laquelle des travauxsont déjà menés. L’avant-projet de loi belgesur certains aspects juridiques des services dela société de l’information dispose en effet enson article 31 que l’article 1317 du Code civilserait complété par un alinéa libellé commesuit : « Il (l’acte authentique) peut être dressésur tout support s’il est établi et conservé dans

des conditions fixées par le Roi, par arrêté dé-libéré en conseil des ministres ». Ainsi la loien reconnaîtrait dès à présent la validité, maislaisserait une certaine marge de manœuvrepour l’introduction effective de cette disposi-tion, en laissant au conseil des ministres lesoin d’en élaborer le cadre technique (76). Parailleurs, on ne peut perdre de vue qu’en cettematière se pose également la question de lapassation d’un acte authentique à distance,qui soulève elle aussi de nombreuses interro-gations.

Enfin, signalons que la définition de la signa-ture permet de conserver une distinction entrela signature manuscrite et d’autres formes designatures. Cela permet de conserver le régi-me juridique classique concernant la signaturemanuscrite ordinaire, qui continuera à coexis-ter avec celui de la signature électronique(77).

C

CONCLUSION

Après un parcours législatif long et jalonné dediverses modifications, la signature électroniquedispose maintenant d’un cadre législatif. Ayantfait son entrée par le droit de la preuve, elle sem-ble s’imposer de manière naturelle dans toutesles branches du droit. Bien que certaines zonesd’ombre subsistent encore, il est maintenant ac-quis que la signature électronique doit fonda-mentalement permettre d’identifier son auteur,de s’assurer de son consentement relativementau contenu du document signé et de garantirl’intégrité du contenu de ce dernier. Quel quesoit le stade auquel ces éléments devront êtrerapportés, leur réunion conférera au documentélectronique la qualité d’acte sous seing privé.Quant à savoir avec quelle aisance, qui du signa-taire, du cocontractant ou du tiers, pourra dé-montrer que le procédé utilisé répond ou non àces conditions, il s’agit d’une question que la ju-risprudence devra résoudre. Il reste à espérerque celle-ci sera la plus uniforme possible, afinque l’utilisation des contrats électroniques puis-se se généraliser tant dans le chef des consom-mateurs que des professionnels, ce qui, à n’enpas douter, constituait l’objectif premier des lé-gislateurs belge et européen lors de la rédactiondes textes relatifs à la signature électronique.

Laurent GUINOTTEAvocat et assistant à l’U.Lg.

(76) Signalons à cet égard la loi française sur la si-gnature électronique (L. no 2000-230 du 13 mars2000 portant adaptation du droit de la preuve auxtechnologies de l’information et relative à la signatu-re électronique, J.O., 14 mars 2000) qui envisageégalement la possibilité de signer un acte authenti-que électroniquement, par l’ajout d’un alinéa 2 àl’article 1317 du Code civil qui énonce que « Il(l’acte authentique) peut être dressé sur support élec-tronique s’il est établi et conservé dans des condi-tions fixées par décret en Conseil d’Etat ».(77) D. Gobert et E. Montéro, D.A.O.R., op. cit.,p. 36.

matique / Authenticiteit en informatica, congrès dela Fédération royale du notariat belge, Bruxelles,2000, Kluwer et Bruylant, 2000, no 10.(75) De tels organismes existent déjà. Concrète-ment, ils attribuent aux documents électroniques une« marque de temps » indélébile de manière à pouvoirgarantir leur origine chronologique.

Extrait du Journal des tribunaux n° 6063 du 14 septembre 2002 et reproduit avec l’aimable autorisation des Editions Larcier

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