yahya michot, la réponse d'avicenne à bahmanyâr et al-kirmânî

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Présentation, traduction critique et lexique arabe-français de la "Mubâḥatha III" (Louvain-la-Neuve, 1997)

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  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    .,LE MUSEONREVUE D'ETUDES ORIENTALES

    FONDE EN 1881 PAR CH. DE HARLEZ

    SUBVENTIONNE PAR L'UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN

    Jean R.MichotLA REPONSE D 'AVICENNE Ii BAHM ANYAR ET AL-KIRM ANf

    Presentation, traduction critique et lexique arabe- francaisde la Mubdhatha III

    P. 143-221

    TOME 110-Fasc. 1-2EXTRA IT

    LOUV AIN-LA-NEUVE1997

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    LA REPONSE D'AVICENNE A BAHMANYAR ET AL-KIRMANfPresentation, traduction critique et lexique arabe-francais

    de la Mubdhatha IIIComment un homme s 'envolcrait-il ?

    A \'lCE\~E, Oiscau, trad. CORfll'i, Avicenne, p. 221.

    INTRODUCTIONVIlC correspondence philosophique d'A \'iCCIlI1CLa nouvelle edition d'al-MIIh[j~7athat dAvicenne publiee par Muhsin

    Bidarfar a Qom en 1413/1992 est une importante contribution aux etudesavicenniennes modemes. Auparavant, les chercheurs ne disposaient que dela version editee par 'Abd al-Rahrnan Badawi, dans son Aristu 'inda f-'Arab (Le Caire, 1947), sur la base du manuscrit du Caire Dar al-KutubHikma 6 M, Selon Ie savant egyptien, il sagissait de reponses dAvicennea des questions de disciples - Bahmanyar Ibn al-Marzuban I surtout, AbOMansur Ibn Zayla2 et peut-etrc dautres encore -, questions et reponsesreunics du vivant merne du Shaykh al-Ra'is mais laissees en leur etat debrouillon, sans etre revues par lui. Ou, selon une autre hypothese, jugeemoins vraisemblable cependant par Badawi, ces questions et reponsesnauraient ete arrangees en un recueil quapres la mort des deux disciplesdAvicenne'. S. Pines, qui fut I'un des premiers a exploiter I'editionBadawi, parla quant a lui d un recueil de notations quAvicenne a consi-gnees par ecrit: de questions qui lui ont etc posees par quelques disciplesr " , J et de ses reponses. Recueil chaotique I,..J Ce sont comme les archivesdu groupe de savants dont le chef de file etait Avicenne vieillissanr'.Un recueil de questions et reponses, des archives ... Mais produits

    dans quel contexte, elabores dans quel cadre'? Les Discussions (Mubd-hathdt i sont-elles des notes de cours, des minutes de seminaire, une cor-respondance philosophique ? Face aces diverses questions, la nouvelle

    I Sur Bahrnanyar t oh 458/1(66), voir H. DAJBER, art. Bahmanvar. in Enc . Iran .. t. I,p, 501-503, et notre Nouvelle IPZIl're, p. 151. n. 31.

    2 Sur Ibn Zayla t oh. 440/1048), voir A.-M, GOJCHON, art, Ibn Zavla, in Enc. deI'lslam, Nouv, ed, t. III, p. 999.

    , BADAWi, Aristu, p, (39)-(40)." P['\ES, Conception, p, 204.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    144 l.R. MICHOTedition de M. Bidarfar presente deux grands interets. Tout dabord, ellepermet de trancher: al-Mubdhathdt sont, pour lessentiel, une veritablecorrespondance philosophique. D'autre part, la version publiee par l'eru-dit qomi ne retient pas que la matiere proprement philosophique a I'ins-tar du texte de I'edition Badawi, une matiere decontextualisee du vecudans lequel elle s'est elaboree, sinon une matiere expurgee. Parce qu'ellelaisse Avicenne sexprimer sans Ie censurer, sans soumettre sa prose aaucune coupure, elle jette un jour surprenant sur son personnage et surses relations avec ses disciples, principalement Bahmanyar Ibn al-Mar-zuban. Comme D. Gutas l'avait deja pressenti", il y a peu de doute queIe manuscrit dOxford, Bodleienne Hunt 534 (Maimti'a 457), d'al-Mubdhathdt datant de 638/1240 sur lequel M. Bidarfar fonde son edi-tion conserve une recension plus proche des textes originaux que Iemanuscrit du Caire D tir al-K utub H ikm a 6 M naguere utilise par 'A.R.Badawi.Une correspondance philosophique d" Avicenne. en version inte-

    grale ... Ou plutot, relativement integrale ... Tout insignes qu'en soientles mentes, I'edition Bidarfar d'al-MuM~7(]that est en effet loin deconstituer Ie travail critique definitif que D. Gutas semble appeler de sesvceux en ecrivant a propos des manuscrits du Caire et d 'Oxford: Therelationship of these two recensions to each other and to the othermanuscripts of the Discussions with regards to both arrangement andcontents remains to be investigated '. Alors meme que lanalyse qu'ilpropose de la tradition manuscrite de I' ceuvre est la plus complete a cejour, lerudit qomi se limite a donner, en reference a la nurnerotation desparagraphes de son edition et pas toujours avec la minutie et la clartesouhaitables, la composition et la structure de la version de Princeton etde ses derivees, dont Ie manuscrit de Leyde. En ce qui conceme Iemanuscrit du Caire. il se contente de dresser une liste des paragraphes deson edition qui en sont absents et annonce renvoyer dans I'appendice lespassages de ce manuscrit sans correspondants dans le manuscritdOxford. Le problerne est que, si nous comprenons bien I'expose qu'ilfait de sa methode d' edition, cet appendice est egalement suppose com-porter quelques autres passages, propres au manuscrit de Leyde, et quela provenance d'aucun de ses 162 paragraphes (1001-1162) nest expli-citement indiquee ... 8

    5 GUTAS, Avicenna, p. 143." 634/1236 selon GUTAS, Avicenna. p. 143.

    GUTAS, Aviccnna, p. 144.s Nous clarifions la situation en donn ant en appendice du present travail une table de

    concordance entre I 'appendice (mulhaq t de l'edition Bidarfar et I'edition Badawi desMubdhatluit ; voir p. 217.

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    LA REPONSF D'AVICENNE A BAHMANY,1R ETAL-K1RMiwf 145L'edition Bidarfar ne represente done pas encore l'outil de precision

    qui permettrait une veritable intelligence, non seulement du contenudoctrinal d' al-Mubdhathdt et de leur structure interne, mais de leurcadre historique et de leur chronologie, sans parler du developpementde leurs diverses traditions manuscrites. II est d'ailleurs permis de sedemander si un tel outil existera jamais vu la nature merne de I'ceuvre,telle qu ' elle nous est parvenue. La plupart des questions soumises itAvicenne apparaissent en effet comme des demandes d ' eclaircisse-ments sur des textes precis, sinon sur divers passages d'un ouvrage par-ticulier. De ces textes ou de cet ouvrage, les titres ne nous sont cepen-dant pas precises, de meme que les references exactes de la presquetotalite des passages concernes. D'ou une tres desagreable apparence decoq it I'ane, de discontinuite et d'heterogeneite, les questions pos ees auShaykh al-Ra'is, et partant ses reponses, se dormant comme autant depensees, ou de notes philosophiques, independantes, flottantes, denueesde tout cadre precis. Faut-il ajouter que la situation ne sameliore guerequand les questions semblent revenir sur des reponses anterieures,jugees insatisfaisantes? ..C'est parce que tellement dincertitudes, relatives it des points fonda-

    mentaux, grevent encore le meilleur texte disponible d 'al-Mubdhathdtque nous nous refusons a ce stade d'adopter a leur egard une approcheglobale ou thematique. Comprenant six discussions et un appendice,I'edition Bidarfar permet de proceder par tranches a l'exploration deI'oeuvre. Et sil doit saverer que certaines de ces discussions ne corres-pondent pas effectivement a un echange epistolaire particulier d'Avi-cenne avec un de ses disciples, sans doute sera-t-il plus aise de le mon-trer par la methode choisie, cas par cas. Le present travail, qui est issu denotre cours d'Explication de textes philosophiques arabes a I'Universitecatholique de Louvain en 1993-1994, devrait done etre Ie premier d ' uneserie consacree aux Discussions',Au fait que c'est par la troisierne des Discussions, et non par la pre-

    miere, que nous inaugurons cette exploration de I'reuvre, il ne faut cher-cher d 'autres raisons qu'une convenance pedagogique, s'agissant de lalongueur d'un texte a traduire et a etudier en trente heures avec des etu-diants, ainsi qu'un interet anterieur de notre part pour une de ses pages,dans le cadre de l'annonce de notre decouverte it Bursa d'un texte inedit

    9 Ce travail a aussi fait lobjet dechangcs epistolaires avec les deux grands specia-listes d'Avicenne que sont D. Gutas et J. Janssens. Nous nous sommes efforce de ren-contrer leurs interrogations et remarques mais craignons, helas, de ne pas y etre toujoursparvenu, Notre gratitude et notre amitie leur sont acquises en la divergence meme de nosanalyses.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    146 J.R. MICHOTdu jeune Avicerme!". II n'y a en ce choix aucune indication de quelqueanteriorite chronoJogique de cette Mubdhatha sur les autres.

    Les difficultes de 1' homme volantLa Mubdhatha III est une reponse d'Avicenne a une lettre de celui

    qu'il appelle Ie shaykh eminent et qui est de toute evidence sonfameux disciple Bahmanyar Ibn al-Marzuban, Nous avons evoqueailleurs Ie profil de cette sorte de nouvel Alcibiade implique dans unedispute entre son mentor et un vieux philosophe du nom d 'AbQ l-Qasimal-Kirmani, ainsi que Ie sens et Ie contexte de leur echange epistolaire, etattire l'attention sur l'importance des renseignements que cette Mubd-hatha III fournit sur la personnalite d'Avicenne et sur ses relations avecses disciples II.On nous permettra de ne point revenir sur la chose en cemoment, pour nous interesser au principal enjeu philosophique de lamissive.La Mubdhatha III propose successivement une introduction tres per-

    sonnelle, huit disputations philosophiques, une conclusion a nouveautres personnelle et un appendice relatif a la question du debut du temps,ajoute alors que la lettre avait ete redigee. Quel que soit l'objet precis del'une ou l'autre de ces disputations, I'impression generale qui en ressortest celie d'une opposition radicale entre deux approches philosophiquesde l'homrne.La premiere approche, que I'on qualifiera de rnaterialiste et que

    I' on pourrait egalement rapprocher a bon droit de certaines positions demedecins ou de theologiens du kaldm, refuse de voir en l'homme autrechose qu'une complexion corporelle+. Elle a pour avocat ce vieillard

    10 Voir notre Nouvelle !1'U\TC, p. 144-145. n. 16, et p. 150-154.II Voir notre Nouvelle (EUVre, p. 150-154, Nous avons traduit, au debut de cet article,

    la notice dal-Bayhaqi sur Abu l-Qasim al-Kirmani,12 l088 - ... Un groupe des adeptes de l'examen a nie l'existence (ithbdt) de I'ame.

    La doctrine dont il est [habituellernent] tenu compte est cependant la doctrine de qui croitqu'elle est la complexion parce que les actions psychiques ri'ernanent d'elle que par 1' inter-mediaire de la complexion et parce quaucune action ne s'acheve sinon grace it cclle-ci. Lesvues des gens sur I'equilibre de la complexion sont tellement fortes qu'clle serait, elle,l'agent premier, pas la divinite ' Quant it la doctrine des theologiens (mutakallim) de [ce]temps et it leur persistance it dire que l'ame est cet ensemble-ci (jumlat, il sagit de [quelquechose] de vii et de faible. S'ils n'y trouvaient pas de la joie, je ne parlerais pas la-contre.Ecoute quelque chose qui te reposera Ie cceur et Ie tranquillisera par rapport au mal desdoutes. Je ne suis en effet, dans ce groupe, que quelqu'un qui verifie (muhaqqiq) ce que j'aicompris it partir des livres, rappelle+' ce que j'ai intelligc et livre a autrui ce que j'ai appris-(AVICENNE, Mubdhathiit, ed, Bidarfar, p, 348-349 - ed. Badawi, p. 159. 187 fin). *1 rnu-dhakkir B ap, cr.: mutadhakkir BA (sur ces sigles. voir inti-a. p, 164). Voir aussi les deuxpassages de Miskawayh traduits p, 147, n. 15.

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    LA REPONSE J) 'AVICENNE A BAHMANYAR ET ALKIRMANi 147

    d'Abu l-Qasim al-Kirmani, un mauvais logicien qu'Avicenne rapprochede Miskawayh 13 et pour qui il affiche un mepris sans reserve. Alors que,de I'aveu meme dAvicenne!", Bahmanyar lui devrait tout son bag agephilosophique, il ne reste pas du tout insensible a un tel materialisme.La deuxieme approche, dont Avicenne se fait Ie promoteur vehement,

    est anti-materialiste et spiritualiste. Elle distingue I'arne de la com-plexion corporelle et situe I' essence de I'humanite en l'intelligenceseule, cet ego capable de saisir sa substance imrnaterielle dans la trans-parence d'une autoperception.La Mubdhatha IJI foumit ainsi un ternoignage de valeur sur deux faits

    que I'on oublie sans doute trop souvent: Ie caractere profondernentnovateur de la psychologie et de l'humanisme d'Avicenne par rapport ason temps, et la difficulte qu'il eut a les imposer face a I'establishmentdes vieilles eminences philosophantes qui trustaient les subsides, pen-sions et autres prebendes des emirs bouyides!", En d'autres terrnes, Iemoins que ron puisse dire est que la celebre these de l ' hommevolant'?, qui est au cceur de la revolution avicennienne de I'ego et sur

    11 Voir la traduction, 113 et. sur rage du Kirmani, 75. Sur AbO' All Ahmad b.Muhammad b. Ya'qub Miskawayh. philosophe et historien (Rayy, entre 320/932 et325/937 - Ispahan, 421/1030'1): voir ARKOUN, Contribution.

    14 Voir la traduction, 114.15 La verite impose cependant de dire qu'Avicenne cut, en son combat pour imposer

    une vision immarerialiste de I'hornrne dans le milieu de l'intelligentsia bouyide, un pre-curseur eminent en la personne de ce Miskawayh quil estime si peu. En temoigne it suf-fisance le Traitc de ldme et de l'intellect de ce dernier, entierement destine it dissiper lesdoutes d'un interrogateur sur l'existence de substances simples subsistant par elles-memes, dont lintcllcct.

    Nous parlerons, comme nous l'avons promis, de letablissement de lcxistcnce dunesubstance qui n 'est pas un corps ni ne suit Ie corps it l'instar de la lumiere et du chaud"!dont l'interrogateur parle. Nous evoquerons ce qui nous invite obligatoirement it croire en[cette substance] sans qu'il y ait lit nul accompagnement de melancolie: ce sont, bien plu-tot, une ref lex ion val ide et une intel ligence saine qui conduisent vers elle tout individu ayantune bile normale - si Dieu veut! (MISKAWAYlI, /Va/.I',p. 42). *1 al-harr R: al-juz A.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    148 J.R. MICHOTlaquelle la premiere disputation de la Mubdhatha III apporte des ele-ments aussi interessants qu'inexploites jusqu'ici par les analystes,n 'emporta pas immediatement la conviction de I'enrourage du jeune phi-losophe. II eut a batailler ferme et son disciple prefere ne fut pas un deses moindres contradicteurs, Bahmanyar de lui dire par exemple: Jeveux qu'avec moi soit utilise, pour exposer cette [existence de I'ameimrnaterielle], autre chose que la voie de la perception de l 'essence[c 'est-a-dire l ' homme volant]. Je m'y suis en effet exerce et j'ai pouropinion quil s 'agit dune tromperie (mughdiata], malgre sa validite. Jevoudrais connaitre cela par une autre voie, afin que mon coeur trouve laserenite 17,Certes, 1' homme volant est un argument que ses presupposes et sa

    difficulte ne mettent pas a la portee de tout Ie monde. Comme AvicenneIe confirme spontanernent'", il peut done apparaitre oiseux a tous cesgens en fait incapables de saisir la veritable substance intellectuelle del'ame, qui reduisent son existence de iure separee a sa situation dincor-poration de [acto'? et, partant, sont seulement prets a considerer desdemonstrations de I'ame se referant a l'animation du corps, Avicenne estcependant totalement sur de ce qu'il avance. II est bien entenduconscient de son genie et ne se gene nullement d'en rappeler la grandeur

    de Miskawayh par l'affirmation de lexistence de l'intellect immatcriel de I'hornme quepar les moyens de dernontrcr cctte existence et par l'identification de I'ego de I'homme etde cet intellect. Le Traite de lamr et de l'intellect de Miskawayh devrait pour bien faireetre utilise dans toute etude de la genese de la psychologie d' Avicenne. II apparait en effetpart icul icremcnt revelateur des enjeux du champ philosophique it partir duquel I 'hommevolant prcnd son envoI. II ne nous est rnalheureusement pas possible de lexplorerdavantage dans le cadre de la presente traduction,

    Les difficultes d'Avicenne it faire accepter I'homme volant ne sont pas sans fairepenser aux objections quil prete lui-mente a ses freres. dans Ie merveilleux final de sonRecit de l'Oiseau : Combien panni les freres dont mon Recit aura frappe loreille, ncvont-ils pas me dire:

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    LA RtPO\SF [) '\ \ ICF\\E ,4 B4ml\\Y4R t.t 4LK/R\!.4V/ 149

    a qui n'en serait pas persuade-". Par ailleurs, cornme Ie philosopheI'indique.", 1 ' homrne volant n 'a pas ete sans convaincre ou, a tout Iemoins, laisser perplexes diverses creatures passant pour des adversairesde la sagesse mais qui avaient de la penetration.Malheureusernent, il sernblerait que ce soit justernent celle-ci qui

    fasse defaut a Abu l-Qasirn al-Kirmani. de merne qu une subtile pers-picacite+. D' ou cette kyrielle de questions et d ' objections adresseespar Ie vieux shaykh au jeune maitre. qui ny voit que distractions, etour-deries et divagations, toutes plus etonnantes et ridicules les unes queles autres, et sindigne que son disciple puisse les partager ou s 'en fairele porte-parole. Et Avicenne de supposeI'. desabuse, que Bahmanyar aitete contamine par Ie Kirrnani.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    150 l.R. MICHOTC'est egalement en reponse a une objection du Kirmani qu' Avicenne

    est amene a faire une mise au point d'une importance fondamentale pourI'intelligence de sa conception des rapports de l'ame et du corps:Adrnettons que nous ne percevions pas notre essence tant que la dispo-sition de nos membres ne se represente pas a notre imagination, durantle sommeil. Un tel jugement demontrera-t-il [cependant] autre chose quela correlation entre la perception et la representation imaginative? II n ' ya rien qui interdise qu'il y ait, en correlation avec la perception d'unechose, representation imaginative de quelque chose; en cela il n'y acependant rien qui contredise la doctrine ou la premisse [en cause]: toutce qui est tel qu'une chose ri'est pas tant qu'il nest pas lui-meme, n'estpas cette chose:".Ce passage est important parce qu'il renvoie a ce principe clef du sys-

    teme avicennien que nous avons essaye d ' analyser ailleurs-? en pari antde des-alteration et aepiphanie.Ce n 'est pas parce que I' homrne volant ne percevrait pas son

    essence tant qu'il n'aurait point de representation imaginative de sesmembres que cette representation imaginative pourrait etre identifiee asa perception de son essence et que celle-ci se reduirait a celle-la.L' autoperception de I' ego spirituel et la representation imaginative de lacorporeite sont deux choses differentes et irreductibles l'une a I'autre enleur simultaneite meme. Pour Avicenne, il y a tout au plus entre ellescette merne correlation qu'il met entre la decouverte de la solution d'unprobleme par un geometre et les dessins qu'il trace avec sa pointe,linfluence exercee a distance par Ie magicien et sa manipulation de lastatuette representant sa victime, I' oraison du coeur des adeptes desdiverses confessions et leurs pratiques cultuelles ou, sujet explicitementdeveloppe dans la huitieme et derniere disputation de la Mubdhathaiu, I'intuition du moyen terme et la cogitation. Chaque fois, le proces-sus de nature inferieure n' est pas Ie processus de nature superieure etcelui-ci ne se reduit pas a celui-Ia alors meme quil y a correlation entreles deux. Quant au sens de cette correlation, il est toujours double: d'unepart, I'association des dimensions inferieures du sujet a son projet supe-rieur neutralise les obstacles qu'elles pourraient constituer a la poursuitede ce projet - cest la des-alteration -; dautre part, cette participationdes dimensions inferieures du sujet a son projet superieur manifeste enses modalites memes l 'essence de ce projet, en est la transcription etI' exteriorisation aces registres inferieurs - c' est I' epiphanie.

    zs Notre traduction. ~72., 0 Voir nos Cultes et Des-alteration.10 Voir la traduction, 107-112.

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    LA REPONSE D 'A I'/CENNE A BAHMANY AR et AL-KIRMANi 1 5 1

    En approchant selon cette perspective I'extase et la merveilleusedanse des derviches mevlevis, puis en les rapprochant de la contempla-tion des anges moteurs des spheres et du moulin sideral, nous avons eteamene a no us demander si le double concept de des-alteration/epiphaniedeveloppe par Avicenne, plutot que de lui foumir la clef de I' activitehumaine et angelique seulement, ri'etait pas, de maniere plus generale, Iesecret merne de la creation dans son systeme. Alors meme, ecrivions-nous!', qu'il ne peut etre explicitement question de voir dans l 'irnma-nence de l'univers cree une dimension inferieure du Tout qui aurait pourfonction la des-alteration de la transcendance essentielle du divin, il fautbien reconnaitre que, ne de lexteriorisation de la pen see de Dieu, mani-festation de cette pensee, Ie cree se developpe, a partir de Lui et vis-a-vis de Lui, selon une relation structurellement identique a un rapport dedes-alteration/epiphanie. En verite, sans doute l 'epiphanie et la des-alte-ration ne sont-elles que les extremes d'un merne continuum, les deuxversions d'une meme logique du reel. En dautres termes, sans doute leprocessus qui, dans ce monde sublunaire, a la frontiere materielle duneant, lors du retour du cree vers Dieu (ma'dd), prend I'aspect d'unedes-alteration, est-il celui-la meme qui, dans la proximite de Dieu, auxpremiers moments de la genese (mabda'), de I'epanchement du fluxcreateur, est epiphanie, Et vice-versa.Ce qu'Avicenne enseigne d'essentiel dans ce passage de la Mubd-hatha III, c 'est que la corporeite meme de I'hornme - cest-a-dire, sur-

    tout, la representation imaginative que Ie sujet a de la disposition de sesmembres - doit elle aussi ri'etre envisagee, par rapport a I'auropercep-tion de I' homme volant, que comme un processus de des-alte-ration/epiphanie. Et si I' on veut comprendre en toute sa richesse Ie rap-port de cette representation imaginative corporisante de I' hornmevolant a sa perception de lui-rneme, ce n'est pas seulernent au rapportentre les dessins et I'intuition du geometre quil faut le comparer mais,en le situ ant bien sur a son rang dans I' e panouissement du Tout, au rap-port existant entre I' animation des spheres et I' intellection chez les angeset, plus haut encore, entre la creation et Ie Createur.Qu'il s'agisse de Dieu, des anges ou de I'homrne, l'unite de la pensee

    avicennienne est totale et I'economie des moyens conceptuels qu' ellemet en ceuvre etonnante. Comme I'homme volant, son spiritualismela fait cependant evoluer a des altitudes beaucoup trop elevees pour IeKirmani et consorts, La OU il y a une subtile et tres esthetique correla-

    31 Voir notre Des-alteration. p. 27. Nous nous permettons de reproduire ici un passagede ce travail car il est paru dans un ouvrage assez difficile a trouver en Europe.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    15 2 l.R. MICHOTtion, ils sont seulement capables de parler de dependance. Impregnes dece materialisrne foncier que I' on rencontre deja chez al-Farabi - pourne pas remonter a Aristote -, il ri'y aura jamais rien de plus, selon eux,qu'une eduction des formes la O U Avicenne conceit une manifestation dusuperieur et une participation de linferieur. Naguere, A.-M. Goichon putse demander si, pour Ie Shaykh al-Ra'Is, I'ame de I'homme est creatricede son corps". Plutot que de reprendre la question en ces termes, nousprefererions dire que I'arne humaine sornatise. Tout comme les angesdailleurs, dont l'extase saccornpagne du moulin celeste ou, merne,d ' une certaine facon, Ie Dieu createur. Ce concept de des-alteration/epiphanie central en son systeme du reel, Ie grand philosophe pourraitdone egalement Ie devoir a cette qualite de medecin hors pair qui faitaussi son renom: L'ensernble des accidents psychiques sont suivis, ouaccompagnes, de mouvements du pneuma soit vers I 'exterieur, soit verslinterieur: et cela soit en un coup, soit peu a peu [ ... J Le corps subitl ' influence d' autres dispositions psychiques encore que celles que nousavons evoquees. Les representations psychiques, par exemple, provo-quent des affaires naturelles. II peut ainsi arriver que Ie nouveau-ne res-semble a la [personne J dont on imagine Ie visage lors de I 'union sexuelleet que sa couleur se rapproche de la couleur de ce que Ie regard fixe lorsde I' a ccouchement. Ces etats [de choses], d ' aucuns rechignent parfois ales accepter qui ne sont pas au fait de [certains 1 etats, mysterieux, deI' existence. Quant a ceux qui se sont immerges dans la connaissance, ilsne les nient pas de la maniere dont on nie ce dont l'existence ne se peutpas. De ce type [de phenomenes 1 releve Ie fait de suivre Ie mouvementdu sang, pour qui y est prepare, quand il Ie rnedite abondamment etregarde les choses rouges. De ce domaine releve aussi Ie fait, pour unhomme, d'avoir les dents engourdies par nne sorte dacide du fait quequelqu'un dautre que lui mange nne [chose] acide, ainsi que Ie faitd' etre atteint par la douleur dans un membre parei! a celui qui endoloritquelqu'un dautre, quand on l'observe. De ce domaine releve egalernentIe remplacement de la complexion [par nne autre] en raison de la repre-sentation de ce dont on a peur ou de ce dont on se rejouit+'.II y a un pari avicennien comme il y a un pari de Pascal. II est clai-rement formule, a propos de I' intuition, dans la derniere disputation dela Mubdhatha 111'4 mais conceme deja, et tout autant, I' hommevolant: merne si nous concedions qu'il n'est dautre voie ici-bas, pourconnaitre ou saisir notre ego, qu' apprendre, cogiter ou nous representer

    12 Voir GOICHON. Ame.B AVICENNE, Qanun, t. I, p. 129 ..14 Voir la traduction, ~111.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    L A R EP ON SE oVICENNE A BAHMANY,4R rr AL-KIRMr1Ni 15 3imaginativement notre corporeite, cela ne prouverait pas que ce ne seraitpas dtt a la conjoncture malheureuse de notre presence sous la lune etqu'il devrait a priori en etre ainsi en tout autre type d'existence que nouspourrions avoir. La vraie question consiste a se demander s ' il appartienta I'ame d'agir, de connaitre et de se connaitre par essence, independarn-ment du corps. Si elle ace pouvoir, inutile de se preoccuper d'obstacleset oppositions conjoncturels. Si elle ne l 'a pas, que la preuve de ce qu'onavance alors repose seulement sur une demonstration peremptoire oudemeure en suspens, tant qu'on ne peut fournir de demonstration noninfluencee par la conjoncture sublunaire.Ce pari est, a nos yeux, un des textes les plus beaux et les plus pro-fonds du grand philosophe iranien.Quant a ce mastiqueur de m..; d'al-Kirmani persuade que I'ame est

    une complexion'S, il n'y a nul etonnement que ses relations avec Avi-cenne soient aussi mauvaises: ce ri'est pas seulement dans des ouadis dif-ferents quils se trouvent mais, bien plutot, aux antipodes I'un de I'autre.Et si le jeune philosophe semporte contre son vieil adversaire, s'il luidame sa determination d'ecrire mille feuillets pour prouver I'immateria-lite de l'ame36, c'est parce que I'autre revient sans cesse a la charge.La chose est evidente dans la disputation 4 concernant I'ame et la

    complexion, la 5 concernant Ie mouvement volontaire et la 7 concernantla preparation'". Alors meme que la disputation 2 sur la conduction et la3 sur la disparition de I' e ffet concernent la vue et les rayons, le materia-lisme d' Abu l-Qasim al-Kirmani y transparait encore et on peut legiti-mement penser qu'il a introduit ces sujets dans le cadre dobjections a lapsychologie spiritualiste d' Avicenne. Quant a la disputation 6 et aI'appendice, ils concernent respectivement des points techniques demetaphysique et de physique, plus de psychologie. Merne s'il devientdifficile de reconstituer Ie biais precis par lequel ils se rattachent autheme central de Ia Mubdhatha Ill. I'existence d'un tel lien est probable.La datation des IsharatOn remarquera que nous avons fait preceder la traduction de cinq des

    disputations de la Mubdhatha III d'un extrait de la Psychologic du

    1; Voir la traduction, ~96. fin.16 Voir la traduction. 9S.17 On notera qua la fin de cette disputation 7 (l02). Avicenne etend au mouvement

    volontaire sa these de la dcs-alteration/epiphanie quand il evoquc les instruments" etastuces. clont nous avons hesoin pour conrrer lcs inclinations sopposant a nos mouve-ments volontaires.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    154 1.R. MICHOTShifd '. De cette initiative, il ne faut point deduire que nous pretendrionsavoir chaque fois identifie les textes d' Avicenne effectivement concer-nes par ces disputations. Ces extraits sont donnes a titre illustratif et enguise de referents plausibles, sans plus. Pourquoi cependant, pourrait-onse demander, n'avoir retenu que des pages du Shifa' plutot que d'autresoeuvres et, surtout, aucun texte des lshdrdt, contrairement a ce qu'ilarrive parfois de faire a M. Bidarfar?Trois raisons nous ont pousse a agir de la sorte.Il y a tout d'abord Ie fait qu'Avicenne renvoie lui-merne a la Psycho-

    logie du Shifd' au debut de la premiere disputation.", en indiquant qu'al-Kirrnani en a lu les passages relatifs a I' hornme volant et souhaiteraitI'interpeller a leur propos, perspective qui ne l'enchante aucunement.II se fait ensuite que deux des sujets de la Mubdhatha 111ne sont pas

    abordes dans les Ishdrdt: la conduction, dont question dans la disputa-tion 2, et Ie rayonnement, traite dans la disputation 3. Alors qu'il est pos-sible de retrouver les autres themes plus ou moins evoques dans I'une etl'autre oeuvres, ces deux-ci sont seulement presents dans la Psychologiedu Shifa', en relation avec Ie sens de la vue.Troisieme et derniere raison: au moment ou Avicenne ecrit la Mubd-

    hatha Ill, son disciple Bahmanyar et, a fortiori, le Kirmani, ne disposentpas encore du texte des Ishdrdt. Lisons en effet les deux premiers para-graphes de la Mubdhatha I 1 1 3 9 :Ce dont il me rernercie, s'agissant de la promesse [que j'avais faite],c' est un present de moi a I' intention de ce compagnon. II se com porte ace sujet d'une maniere correspondant a son eminence. II aurait pourtantete plus normal que je fasse I'objet de blames et de reprobations pourtant de manquements. II na cependant point ete aise de terminer d'ecrirece document jusqu'a ce moment, du fait de ce que l'on sait pouvoiradvenir comme obstacles en de pareils cas. Maintenant, cependant, celaa ete facile, et Ie voila qui arrive, par I'interrnediaire d'un tel.Dans une lettre qu'il a envoyee a Avicenne et a laquelle celui-ci

    repond par la Mubdhatha III, Bahmanyar lui a done adresse des remer-ciements anticipes pour un document que le philosophe, dans un courrieranterieur, lui avait promis, a titre de present, mais dont l 'achevementavait pris du retard. Et Ie Shaykh al-Rais d'avouer d'autant plus facile-ment quil aurait merite des reproches au lieu de cette reconnaissanceque, dans la presente missive, il peut annoncer a son disciple avoir enfintermine Ie travail promis et Ie lui avoir justement envoye: Le voila quiarrive, par I'jntermediaire d 'un tel ...

    38 Voir la traduction, 56.39 Voir la traduction, 47-48.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    LA REPONSE D'AV1CENNE A BAHMANYAR ET AL-K1RMANi 15 5Ce document prom is a Bahmanyar comme cadeau, suffisamment

    important pour susciter des remerciements anticipes et suffisammentvolumineux pour exiger une longue redaction, enfin termine et tout justeexpedie a son dedicataire au moment ou A vicenne ecrit la MubahathaIII, nest autre, selon nous, que les lshdrdt.Simple hypothese que cette identification? Mais que dire alors de

    cette introduction d'une autre lettre d'Avicenne a Bahmanyar'":1 - Du shaykh eminent" sont arrivees un [certain] nombre de

    lettres ayant en commun de me faire le plaisir de minformer qu'il vabien - chose dont on se rejouira grandement et dont on remerciera Dieucontinument! - et cornportanr" des questions scientifiques pour les-quelles il demandait des reponses. J'en ai pris connaissance et j'ai louele Dieu Tres-Haut pour l'ensemble de ce qu'Il entreprend a son egard+',pour ce qui est de mettre Ia paix en son arne et de Ie faire aspirer ausavoir et a son etude. Je L'ai loue comme II Ie me rite et comme en avoirla possibilite incite a Ie faire.

    2 - En ce qui conceme Les Evocations (al-lshdrtit] , aucune copieri'en sera produite sinon oralement, face a face'", et apres [avoir remplicertaines] conditions qui ne seront definies qu'a titre de preventiorr". IIne sera pas possible qu'un etranger demande qu'elles lui soient divul-guees et les examine avec Iui"'. Les examiner ne sera en effet possiblequ'a lui47 et au shaykh eminent" Abu Mansur Ibn Zayla. Quant it laracaille (ra'd '), aux mastiqueurs [de m ... ]49 et a qui n'est point d'entreles Gens de la Realite et de la Saintete, il est exclu de leur exposer cesdires. Les divulguer'" reviendrait it les exposer a un tel accident et laprudence consistera it differer-' [Ia chose] jusqu'a ce que Celui quiassemble Ie Decret [Ia] predetermine'".Ce passage de la Mubdhatha J 5 3 , obligatoirement posterieur a la redac-

    tion des lshdrdt, est essentiel. Avicenne a recu plusieurs lettres de son40 AVICENNE, Mubdhathdt, ed, Bldarfar, p. 38-39.41 al-fadil + B ap. cr. A: li-l-shaykh B. Le shaykh eminent est Bahmanyar.42 dimni-ha + B ap. cr. : fi B dummina A43 bi-hi + B ap. cr. A: yatawalla-hu B44 muwajahat'" + B ap. cr. A: mushafahar" B45 tu'qadu + A: yu'qadu B46 Bahrnanyar.47 Bahmanyar.48 al-fadil + B ap. cr. A: al-shaykh B49 wa l-madagha + B ap. cr. : al-ra'a' B wa I-mudgha + A50 al-futha bi-ha A: al-safanja B51 al-ta'khir B ap. cr. A: al-ta'akhkhur B52 yutiha B ap. cr. A: yuntija B53 Nous avons termine une traduction integrale de cette Mubahatha I. que nous desti-

    nons 11une prochaine livraison du Museon.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    15 6 l .R. MTCHOTdisciple, qui lui a entre autres demande deux choses: la permission defaire faire une copie des lshdrdt et celie de les exposer a des gens en quion reconnait sans peine AbO l-Qasim al-Kirmani et ses pareils - laracaille et les mastiqueurs [de m . .. ]..., on connait en effet. Dansun cas comme dans I'autre, la reponse du philosophe est negative: lesIshdrdt sont exclusivement destinees a ses deux disciples Bahmanyar etIbn Zayla. Le philosophe confirme ainsi, en les precisant, les limitesbien connues qu' en differents passages des I shdrdt ; il impose a la circu-lation de I'ceuvre".II est difficilement pensahle que heaucoup de temps ait separe la

    reception des lshdrdt par Bahrnanyar et sa double requete ainsi que lesprecisions dAvicenne. Ce qu'on imagine Ie plus logiquement, c 'est eneffet que, des reception des Ishdrat et malgre les admonitions qu' ellescomportent, il ait souhaite pouvoir en soumettre une copie au vieiladversaire du Shaykh al-Rais, dont il etait proche, ou au moins en dis-cuter avec lui.Avec la Mubdhatha I, nous voila donc en possession d'une lettre

    qu' Avicenne envoie a Bahmanyar peu de temps apres lui avoir fait par-venir les lsluirdt specialernent cornposees pour lui et dans laquelle ilevoque clairement, par les termes elogieux que ron sait, AbO l-Qasimal-Kirmani, Ie personnage central de cette Mubdhatha ut dans I'intro-duction de laquelle il annonce a son disciple l 'achevernent et renvoid'un important travail quil avait promis de lui offrir. A la lumiere de lasequence evenernentielle ainsi reconstituee, ce n 'est nullement solliciterles textes mais seulement expliciter I'implicite qu'affirmer que Ie docu-ment evoque dans la Mubdhatha III n' est autre que les I shdrdt,Voila donc pourquoi Ies pages dAvicenne a merne d'illustrer les

    questions ayant suscite les disputations de la Mubdhatha III n 'auraientpas pu provenir des lshdrat,On I'aura devine, notre analyse conduit par ailleurs a reinstruire Ie

    dossier de la datation de ces lshdrdt,Dans notre Nouvelle (1'U\'/"e,alors que nous venions de recevoir I'edi-

    tion Bidarfar des MIIM~1Othtit , nous avons juge la Mubdhatha 1/1 appar-tenir au meme contexte polernique anti-kirmanien que la Demande demediation de Bursa dont nous annoncions alors la decouverte et que lanotice dal-Bayhaqi sur AbO l-Qasirn al-Kirrnani permet de dater du

    i" Voir AVICEN\E. Is/zciull. prologues ct epilogue, trad. GUTAS in A\'icI'I1I1G, p. 55-56.< Entre la Muhftlwrha II I et la M ubahatha I. il ny a pas que ce lien incarne par Ie per-

    sonnage du Kirmani. Avicennc reaborde en effet. dans la Mubdhatha I. quelques-uns desthemes deja rraites dans la Mubahatha III . Nous y reviendrons dans I'introduction it notretraduction de la Mubdhath I.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    LA RtPONSE [J'A>ICENNE A BAHMANyi\R ET st. KIRMANi 157sejour dAvicenne a Rayy en 405/1014-1015, a linstar de I'EpitreAdhawiyya comme elle adressee au vizir AbQ Sa'd al-Hamadhani=.Identite de contexte ne signifie cependant pas necessairernent identite dedate et le fait qu' Avicenne refere a la Psychologic du Shifd' au debut dela Mubdhatha III force a reporter la composition de celle-ci apres405/1015, durant Ie sejour du Shaykh al-Ra'is a Hamadhan. C'est eneffet dans cette ville, entre 406/1016 et 414/1 024, qu' il passe pour avoirecrit cette Psychologie. Selon D. Gutas'", elle daterait plus precisementdes annees 412/1022-414/1024. Il reconnait cependant qu 'Avicennecommenca a travailler a son magnum opus entre 406/1016 et 412/1021.La Psychologic du Shifa' pourrait done avoir ete compo see a une dateplus proche de 406/1016 que de 414/1024Sg. Et done aussi cetteMubdhatha III dont Ie climat polemique est plus proche de celui de laDemande de mediation que de celui d 'ceuvres indubitablement plus tar-dives - la Najdt et le Diinesh Ndmeh par exemple - dans lesquelles,regnant enfin sans partage, il ne manifeste plus aucun souci de la concur-rence de vieilles eminences du genre du Kirmani. On ne devient pas Ie

    56 Nous avons pris du retard dans ledition et la traduction de cette Demandc demediation. Nous comptons cependant pouvoir la publier avant la fin de cette annee 1997.Sur la datation de la composition de rEp/tre Adhawivva en 405/1014-1015 et sa conver-gence avec le tcrnoignage dal-Bayhaqi, voir notre Nouvelle rrU1TC. p. 143-144.

    57 GIlT AS. A vicenna. p. 104-105.5' D. Gutas iAvicenna. p. 104-105) semble considerer comme acquis quAviccnne

    cornmenca la Physique du Shifi)' par la P hy siq ue I, qui conceme les principes gcncraux dela physique et dont il aurait alors ecrit vingt folios environ. En fait, dans les tcmoignagesdal-Juzjani sur lesquels D. Gutas se ronde, il est tout au plus dit qu'Aviccnne "com-menca avec les naturalio. sans precision de quelque section que ce soit: fa- 'btada'o hi-l-tabt'iyvdt (in GOHLMAN, Life, p. 54): wa harradna 'ale) an vaqa'a min-hu l-ibtidd' hi-I-tabi'ivvatfa-sharo'afi dhalika - "we ... urged that he start with Physics. He began withthat . . . (in AVICENNE, Madkhal , p. 2: correction et trad. GUTAS, A viccnna, p. 41).

    On remarquera par ailleurs la difference entre le rernoignagc de la biographie et ccluidu Madkhal . Dans ce dernier, al-Juzjani parle dune demande collective plutot que per-sonnellc. forrnulee au pluriel plutot quau singulier. De surcroit. il ne refere a aucun eve-nement particulier par rapport auquel il faudrait situer cette demande dans Ie temps -convient-il des lors, dans la biographie. daccorder quelque valeur dindication dune pos-tcriorite temporelle aux thumma commcncant les paragraphes (les Then de la traduc-tion de W.E. Gohlrnan)?Rien ri'ernpeche en somme de penser. comme nous Ie croyons, qu'Avicenne ait pucommencer a travailler it la Physique du ShifcJ' quelque temps seulement apres son arri-vee a Hamadhan. Al-Juzjani nous apprenant qu'il nc composa pas tous Ies livres du Shifd'dans I' ordre -- il passa par exemple l.cs animaus et Les plantes quand il cntreprit decomposer la Phvsique -, nous serions rncme tcnte de croire que lcs vingt folios envi-ron evoques par Ie Juzjan! portaient sur la psychologic. dont l 'homme volant. unsujet autrement plus emballant que lcs principes generaux de la physique, quAvicenneavait plus ou moins aborde, pour la premiere fois, en 405/1015, it Rayy, dans rEpilreAdhawiyva ct dont la Mubdhatha III no us apprend Ie caractere central dans sa polerniqueanti-kirmanienne dalors.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    158 J.R. MICHOTShaykh al-Rais en un tour de main et, quand il passe de Rayy a Hama-dhan, Avicenne n ' a pas encore totalement acheve son parcours du com-battant'".Mais si la Mubdhatha III date des debuts dAvicenne a Hamadhan,

    cest-a-dire d'environ 406/1016, il doit en alief de meme des Ishardtdont nous venons de dire qu'elles lui sont a peu pres conternporaines.Une telle datation ne correspond pas a celie que I'on rencontre dordi-

    naire et qui fait des Ishdrdt une des toutes dernieres oeuvres du philo-sophe'", en reference a une indication de ce quiI est convenu dappelerla bibliographie longue des ceuvres dAvicenne: (15) Instructionsand remarks, which is the last and best work he wrote on philosophy, towhich he held steadfastly?'. Force est cependant de constater que Ieplus ancien manuscrit conserve de cette bibliographie longue ne date quede 588/119262 et que son auteur n' est pas au-dessus de tout soupcon'",II vaut par ailleurs la peine de se referer a l ' avis sur Ie sujet de Zahir

    al-Din al-Bayhaqi (m. 565/1170), un historien des informations de quinous avons pu apprecier la qualite a d'autres propos: la datation quil

    ," Ce n'est en fait qua partir de 414/1024, a lspahan, a la cour de 'Alii' al-Dawla,quAvicenne trouva une securite dcmploi et vit son genie dument reconnu. Illavoue lui-meme dans le prologue du Danesh Nameh en disant de I'ernir 'Alii': Aupres de lui, j'airealise tous mes desirs: securite. dignitc, gloire. prestige, culte de la science, et residenceaupres de lui (Science, trad. ACHENA-MASSE, t. I, p. 63), Al-Juzjani le confirme (trad. inGOHL\IAt\, Life, p. 65). Nizaml 'Arudi en apporte egalemcnt un temoignage eloquent dansson Cahar Maqdla (551/1156; Discours, trad. DEGASTINES, p. 152).A Hamadhan de 406/1016 a 414/1024, a Rayy en 405/1014-1015, la situation dAvi-cenne etait toute diffcrcnte. Ainsi est-ce avec une totale pertinence quIbn Taymiyya -un des lecteurs les plus assidus des [aldsifa dans le monde sunnite apres F.D, al-Razi.ainsi que Ie revele son La prevention de l' o pposition de l'intellect et de fa tradition (Dar'Ta 'drud al- 'Aql wa l-Naql i malheureusement encore meconnu des histoires de la penseemusulmane - explique qu'Avicenne a compose l'Epftre Adhawiyva, a propos du retour[dans lau-dela], pour un des dirigeants dont il cherchait a se rapprocher pour quils luidonnent ce quil leur demanderait comme position et argent. II laexplique au debut decette epitre (Dar', t. V, p. 10; voir AVICENNE,Adhawiyva. trad. LUCCHETTA,Epistola. p.6 sv.). La concurrence des philosophes orbitant, tels Avicenne et al-Kirrnani, autour desemirs bouyides nest pas sans faire penser aux rivalites des poetes a la cour umayyade deDamas. Voir a ce sujet - pour la generation precedcntc certes, mais les conditions ri'ontpas radicalement change au temps dAvicenne -, ARKOLJN,Contribution, p. 45-46.

    60 Voir. parmi les travaux rccents, GUTAS, Avicenna, p. 140: The Pointers andReminders is Avicenna's last philosophical summa, written sometimes between 421-425/1030-1034: GOODMAN,Avicenna, p. 41: Avicenna devoted the early 1030s to hisBook ol Hints and Pointers (Al-lshdrdt wa 'l-Tanbihdt i, a mature expression of his ownphilosophical views, insights . .. Voir aussi GOHLMAN,Life, p. 154.

    61 Traduction in GOHLMAN,Life, p. 97. Quant a la bibliographie courte . dAviccnne,il ny est rien dit des circonstances de la redaction des lsharat: voir sa traduction inGOHLMAN,Life, p. 46, n 10,

    62 II sagir du manuscrit B de W.E. Gohlman. Voir son Life, p. 3.63 Voir notre Nouvelle uvre, p. 146, n. 18, a propos de l'Epftre Adhawiyya sur le

    retour.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    L A R EP ON SE D 'A \" 1C EN NE II B AH M AN Y,4 R E T A L-K 1 RM A ty i 159propose pour I'Epitre Adhawiyya correspond a celie a laquelle nospropres analyses nous ont amene et c'est lui qui nous a permis d'identi-fier la Demande de mediation d' Avicenne que nous avions decouverte aBursa'". Selon al-Bayhaqi, Bahmanyar lisait des pages d'al-f:la.yil "v a 1 -Mahsul et Ibn Zayla des pages des Ishdrdt durant les seances nocturnesd'etude d'Avicenne et de ses disciples a Hamadhan, avant la mort deShams al-Dawla en 412/1021-102265. Pour D. Gutas, this is clearly afabrication'?. Selon nous, rien n'est mains sur et l'affirmation merite-rait d'etre dument dernontree.Peut -etre objectera-t -on qu' Avicenne renvoie quatre fois au Livre deLa Guer ison (Kitab al-Shifd') dans la partie logique des Ishartir67 et qu'il

    passe pour rr'avoir commence a rediger la Logique du Shifd' qu'a partirde 412/1022-414/102468. Nous repondrons que cette datation de la com-position de la Logique du Shifd' repose une fais de plus sur les temoi-gnages du seul Abu 'Ubayd al-Juzjani, qui ment quand il pretendqu' Avicenne composa la Metaphysique et la Physique du Shifa' sans dis-poser d'aucun livre'", Et quand bien merne les temoignages d'al-Juzjaniseraient fiables a propos de la Logique du Shifd', I'imprecision de leur

    64 Voir nos Recueil, p. 126, n 18, et Nouvelle auvre, p. 138.65 AL-BAYHAQI,atimma, p. 62, trad. in GCTAS,Avicenna, p. 95-96; voir aussi GOHL-

    MAN,Life, p. 128, n. 71.Que cette information napparaisse pas dans certaines copies anciennes de l 'oeuvredal-Bayhaqi. ainsi que W.E. Gohlman Ie fait remarquer sans plus de precision (Life.p. 128, n. 71), ne suffit pas pour lui faire perdre son interet. On Ie remarqueradailleurs. chez D. Gutas (Avicenna, p. 96) comme chez W.E. Gohlman (Life, p. 128. n"71), ce qui rnene it refuser cette information d'al-Bayhaqi est moins Ie problerne de tra-dition manuscrite evoque ici que la conviction que les lshardt n'avaient pas encore eteecrites it I'epoque en question. Mais comme il sagit justement de la chose it demon-trer ...66 GUTAS,Avicenna, p. 96. Voir aussi p. 140: the fabricated story in Bayhaqis

    Tatimma,67 AVICENNE,shdrdt, p. 21, 49, 52, 76; trad. Gotcnor-, Directives, p. III, 161, 166,215. Nous remercions J. Janssens d'avoir attire notre attention sur ce point. Ces quatrerenvois concement des questions de logique, science ayant un role tout particulier dans larelation polemique d'Avicenne avec Ie Kirmani, qu'il s 'agisse de la Demande de media-

    tion, de la Mubiihatha 1 1/ ou de I'affaire des bons offices joues par Ie Kirmani entre Avi-cenne et les savants de Shiraz (voir notre Nouvelle (FUVre, p. 148). Dans les Ishdrat, il ri'ya pas d'autre renvoi d'Avicenne it ses ceuvres.

    68 Voir GUTAS,Avicenna, p. 104-105.69 Voir I'introduction dal-Juzjani au Shifa', trad. GUTASin Avicenna, p. 41,43, et sabiographie dAvicenne, trad. GOHLMAN,ife, p. 59. II suffit de comparer Ie Livre de fa

    Genese et du Retour et Ie Shifd' pour etre convaincu de ce mensonge. L'ampleur desemprunts Iitteraux au Livre de fa Genese et du Retour faits par Avicenne dans Ie Shifa'est une des raisons de la difficulte de l'etude du premier - et du retard accumule dansnotre projet d'en publier une traduction critique annotee ; nous avons cependant terrnineune version exploratoire de ce travail, qui est it la disposition des chercheurs -; voiraussi GUTAS,Avicenna, p. 99.

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    160 l.R. \lICHOTformulation est a nouveau telle qu'ils ne suffisent pas pour prouverqu' Avicenne, a Hamadhan, n' aurait pas commence I'une ou l ' autre partde cette Logique avant 412/1022-414/10247 .

    7() D. Gutas (A\iceIl170. p. 104-105) semble considerer comme acquis quAvicennecornrnenca la Logiquc du Shita' en 412/1 022-414/1 024 seulement. et par la l.ogique I. Enfait. les temoignagcs dal-Juzjani sur lesquels il se fonde sont loin detre parfaitementconcordants. Ces tcmoignagcs sont au nornbre de quatre:

    I) Biographie, in GOHL\lA:-'. Life. p. 58-59. apres levocation de la composition de laPhysique et de la Metaphvsique du Shira' ( 413/1022): 11'0 'btadaa bi-l-mantiq wakataba nun-huju : 'all - "He then began on the "Logic" and wrote one section of it. ou,mieux, 1 1 commenca aussi avec la Logique et en ecrivit une partie.

    2) Biographie , in GOHL~I.';:-'. Life. p. nO-6J. apres Ievocation de la detention dAvi-cenne a Fardajan, de son retour a Hamadhan avec Taj al-Mulk et de son sejour dans lamaison dun certain al-' Alawi (414/1023): 1m ' stnaehalo bi- tasnif al-mantiq min kitabal-shifd - ... and occupied himself with writing the "Logic" of the Shifd ', ou, mieux,II s 'occupa aussi de la redaction de la Logiquc du Livre du Sh ij '.

    3) Madkhal, p. 3: trad. GnAS. Aviccnna, p. 41. aprcs lcvocation de la composition dela Physique et de la Meraphniqul' du Shifa' ( 413/1(22) : wa shara'a fi l-nian tiq wakataba l-khutba 11'0 r n a vattasilu bi- lui - He also started on Logic and wrote the openingaddress and associated material".

    4) Modkhal, p. 3: trad. GLTAS. Avicenna. p. 42. apres revocation de la detentiond' Avicenne it Fardajan. de son refus detrc it nouveau vizir et de sa mise en disponibilite(414/1023): wa hunaka 'shtaehala bi-l-mantiq - "There [in Hamadan] he worked on theLogic [ofthe Cure].

    En 3, al-Juzjani precise plus ou moins quelle partie de la Logique Avicenne cornmencait ecrire apres la Physique et la Metaphvsique du Sill/d': "the opening address and asso-ciated material , c ' est-a-dire. selon Gutas (A v tc en n a . p. 4J. n. 12). presque certainementles chapitres 2-4 du traite I du Madkhal, contenant une introduction gcnerale it la philo-sophie et it la logique. En 1. il parle tout au plus dvune partie'>.

    En 2, la manicre dont al-Juzjani s ' cxprime laisse penser qu' Avicenne retravailla parti-culierement it la Logiquc du Shira' durant son sejour chez al-Alaw! en 414/1023. En4. alors quil traite la question de la redaction de la Logique apres avail' evoque a peu presles memes evencmcnts quen 2. ce quil dit peut etre compris comme renvoyant a tout lesejour dAvicenne it Harnadhan. plutot qu ' a une periode particuliere de ce sejour. C'estdailleurs ainsi que Gutas comprend la chose.

    En sus merne d'une telle disparite, ces quatre temoignages peuvent donner lieu a deslectures diverses selon quon les divisc en paragraphes et les ponctue de I'une ou I'autremanierc. Bref, sans doute peut-on en retirer quapres avoir compose la Metaphvsique duShifd' vers 413/1 022, A vicenne travailla dans la fouke aux chapitres 2-4 du traite I duMadkhal, sorte dintroduction generalc 11la philo sophie et it la logique. puis, lors de sonsejour chez al-" Alawi en 414/1023. retravailla de maniere particuliere a certains deslivres du Shifd' consacres a cette science. En dehors de cela, il nous semble mains sirnpo-ser de s 'engager dans une datation precise de sections particulieres de la Logique duShira' que de conserver au ternoignage 4 sa portee la plus gcnerale: Ie Shaykh al-Ra'istravailla it cette Logique durant son scjour it Hamadhan. C'est-a-dire qu'il nesr pas excluquil se soit mis a la tache relativement tot apres son arrivee en cettc ville. aux environsde 406/1016. On notera it ce propos que Ie Madkhal, si on se refere a l'index des nomsdceuvres de ses editeurs cairotes. ne comprend de renvoi ni a la Physique, ni a la Meta-physique du Shijd', alors que sa Psvchotogie, par exemple. ne manque pas de l'un oulautre renvois aux Iivres de logique - comme sil sagissalt de sections deja dispo-nibles de la merne Somme philosophique ' -: voir par exemple N afs . I. I, ch. I,p. 7: wa qad bavvannd fi l-kutub al-mantiqivva (De Anima. p. 22): I. I. ch. V. p. 37: 'alama 'arafta fi kutub al-maniiq (De Anima. p. 92) .

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    LA RE PO NSE D 'A F ICENN E A B AH M AN Y,4 R E T A L-K IR M AN i 161Autre objection possible, formulee par D. Gutas?': dans Les Orien-

    taux, quil date des environs de 418/1027-420/1029, et dans son Pro-logue du Shifd', ecrit vers 420/1029, il est difficult to imagine that Avi-cenna would not have mentionned the Pointers, had it been written. Lachose nous semble dautant moins devoir etre acceptee a priori que, dansI'introduction de la Mubdhatha I traduite plus haut, Ie Shaykh al-Ra'isindique clairement les barrieres quil entend mettre a la circulation desIshdrdt, On remarquera par ailleurs que I'ouvrage n'est pas non plus citedans d'autres oeuvres tardives, telles la Najdt ou, meme, la Lettre a al-Kiyd (vers 427/1036), alias Bahrnanyar selon Nizami 'Arudi'".La chronologie des principales oeuvres d' Avicenne dont question ICInous semble done pouvoir etre fixee comme suit:

    SejoursJurjan, 399/1009 ou 402/1012- 405/1014:Rayy, 405/1014-1015:Hamadhan, 405/1015-406/1016-414/1024.relat ivement tot apres son arrivee et, entout cas, avant la mort de Shams al-Dawlaen 412/1021-1022:

    Ordre chronologigue des ~uvresLivre de la Genese et du RetourEpitre Adhawivva sur lc RetourDemande de mediationPsychologie du Shifa', l 'homme volant.evoque dans la Mubdhatha fIILogique du Shifd : les parties evoquees dansIes Ish(lrlitIshdrdt. evoquees implici tement dans la Mu-bdhatha III. explicitement dans la MuM-hatha IMubdhatha IIIMubahatha I

    Les Ishdrdt sont par consequent anterieures au Livre de la Guidance(414/1023) de quelques annees au moins. Quant a la Najdt (421/1030 ou423/1032) et au Livre de science (421/1030 ou 423/1032-425/1034)73,elles 1es precedent de plus de dix ans.Nous nous rendons parfaitement compte de I' ampleur des implica-

    tions de ces nouvelles datations, non seulement pour 1a chronologie desecrits d'Avicenne mais pour I'intelligence de I'evolution de sa pensee etde sa pratique philosophiques. Ceux qui, faisant confiance a al-Bayhaqi,datent 1es Ishdrdt du sejour d' Avicenne a Hamadhan sont en effet extre-mement rares 74, Attirons cependant I' attention sur deux points encore.

    71 GUTAS. Avicenna, p. 123.72 Voir NIZAMI 'ARUDl, Discours, trad. DEGASTINES, p. 152.7J Voir notre Destinee, p. 6-7, et GUTAS. Avicenna. p. 145.74 II y a notamment E. Panoussi; voir GUTAS. Avicenna, p. 140, n. I.On peut deja. a ce stade, faire une constatation interessant directement ]' homme

    volant. Cette doctrine ne date pas de la fin de la vie d'Avicenne et les principaux textesla concernant appartiennent a une meme periode dune demi-douzaine dannees tout au

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    162 J.R. MICHOTMiskawayh passe pour etre ne entre 320/932 et 325/93775 et est mort,

    selon Yaqut, en 421/1030 a Ispahan?", centenaire ou presque. II estnommement evoque dans la Mubdhatha 11I77, dont nous avons ditqu 'elle est a peu pres contemporaine des l shdrdt. Si cet ouvrage devaitetre date des annees 421/1030-425/1034 comme generalement consi-dere, Miskawayh serait bien centenaire quand Avicenne le prend a par-tie dans la Mubdhatha Ill. Mais cela en aurait-il encore valu la peine?Une douzaine dannees plus tot si, comme nous Ie pensons, les Ishdrdtdatent des debuts du sejour a Hamadhan, laffaire perd son invraisem-blance.Le deuxierne point nous parait essentiel. Si les lshdrdt avaient ete

    ecrites vers 421/1030-425/1 034 a Ispahan et constituaient vraiment,comme on le repete depuis des siecles sur la base de la bibliographielongue, la derniere Somme philosophique du Shaykh al-Ra'is, on auraitrationnellement pu attendre qual-Jfizjani evoque la composition d'unouvrage aussi important. II parle en effet dument, par exernple, de laNajdt et de Ylnsaf, Force est cependant de Ie constater: de la redactiondes Ishdrdt il ne dit mot. La chose s'explique bien sur par ce que l'onpeut imaginer de la nature des relations dal-Juzjani avec Bahmanyar.Cornme un enfant pour Avicenne selon les termes memes de celui-ciou, plutot, plus proche meme qu'un enfant, et plus aime, eduque parlui et lui devant tout son bagage philosophique ", destinataire de laMubdhatha 111et dedicataire des Ishdrdt, Bahmanyar Ibn al-Marzuban,cest-a-dire le fils du margrave, donne vraiment 1'impression davoirete un jeune noble dont la formation aurait ete confiee au philosophe?".Un genre de nouvel Alcibiade en quelque sorte ainsi que nous Ie disionsplus haut en reprenant cette jolie expression de D. Gutas et dont on peutlegitimement se demander sil n'est pas I'enfant demir, d'entre lesgens eminents; pret a financer l 'achat de livres pour Avicenne ainsi querelate dans la Mubdhatha tv. Attache au service d'Avicenne et depen-plus: de 405/1014-1015 a avant 412/1021-1022. 11 sagit, dans lordre chronologique, deI'Epftre Adhawivya ou l'homme volant sannonce (voir la trad. de LUCCHETTA, Epis-tola, p. 140 sv.). des deux fameuses pages de la Psychologic du Shija', du texte analoguedes lshdrdt et de la premiere disputation de la Mubdhatha Ill, a peu pres contemporainsI 'un de l'autre.

    75 Voir ARKOUN, Contribution, p. 60.76 Voir ARKOl;N, Contribution, p. 89.77 Voir la traduction, 113.7X Voir la traduction, 114.74 Ainsi arrive-t-il a Avicenne de se presenter comme le serviteur- de Bahrnanyar;

    voir Ie 403 traduit plus bas, p. 182, n. 87. Plutot que d'erre reduite a une formule aI'cmporte-piece, l 'expression pourrai t bien devoir etre comprise Iineralernent.

    80 Voir notre Nouvelle ceuvre. p. 154.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    LA REPONSE f)'AViCENNE A BAHWANY.4R FT AL-KIRWANi 16 3dant de lui, al-Juzjani apparait quant a lui comme tout I'oppose de cejeune disciple cheri tres vraisemblablement noble, riche et mecene deson mentor. S'il est difficile de confirmer qu'il y eut en son chef unesourde jalousie a l 'egard de Bahmanyar, le fait reste toutefois qu'il taitsystematiquernent, dans la biographie officielle de son maitre, nonseulement I'importance de ses relations avec Bahmanyar, mais jusqu'ausimple nom de ce demier. Alors merne que les liens entre les deuxcondisciples ri'etaient sans doute pas tres cordiaux, on peut legitimernentpenser qu'il aurait ete impossible a al-Juzjani de ne rien dire de la com-position d ' une oeuvre aussi importante que les Ishdrdt si, plutot que dedater des annees encore relativement obscures de Harnadhan. ellesavaient ete ecrites alors qu' Avicenne avait atteint, a Ispahan, le sommetde sa gloire. Ainsi les silences dal-Jflzjani sont-il d'une certaine maniereaussi riches d' enseignements que ses declarations.

    ** *Tout certain qu' il nous paraisse, Ie changement de datation que nous

    proposons pour les lshdrdt aura bien sur besoin d' etre etaye par lesconclusions des relectures et etudes qu'il suscitera vraisemblablement.Sans dou te merne cette datation pourra-t-elle etre modifiee ou affineed'une ou deux annees, entre 405/1015 et 412/1021-1022. Elle ne devraitcependant pas manquer de pouvoir produire tres tot ses effets, dont deseffets parfois inattendus. Ainsi vaudrait-il la peine de se demander si cequi a souvent ete considere comme I' esoterisme des l sharat" nedevrait pas plus simplement etre explique comme la volonte d'un jeunepenseur, a la recherche dun emploi stable et de gloire, de proteger saproduction philosophique contre les attaques aussi stupides qu ' inte-ressees des vieilles eminences de la nomenklatura philosophante d'unecour bouyide. Du protectionnisme en quelque sorte, sur un marcheintellectuel ou les idees avaient une valeur marchande et pouvaientnourrir leur homme'". Ce qui au depart, dans les prologues et I' epiloguedes lshdrdt, ri'etait qu'une recommandation de diffusion limitee aquelques disciples, dans Ie contexte d 'un conflit visant l ' obtention deprebendes avec un vieux mastiqueur de m . .. , ne se serait transformeen une doctrine de I' a rcane que plus tard, apres la mort d 'A vicenne, une

    Xl Voir par exemple, parmi les travaux recents. HASNAWl, Avicenne, p. 414: LexIshdrdt affichent un caractere esoteriquc. visible jusque dans le style concis. ramasse. .. .

    8, Cfr la declaration d 'Avicenne ( 115 de la traduction): Moi. je ne suis pas de ccuxqui acquierent le savoir pour le mettre sur le marche .

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    164 lR. MICHOTfois le cadre socio-economique et Ie contexte evenernentiel de la nais-sance de I'ceuvre oublies, et celle-ci devenue accessible a taus.Probablement aurons-nous loccasion de revenir sur Ie sujet dans un

    prochain travail. Dans lintervalle, nous ne pouvons que recommanderde lire les unes par rapport aux autres les pages a teneur plus personnellede la Mubahatha III et les celebres admonitions des lshdrdt, Alors queIe vieil AbO l-Qasim al-Kirmani mastique ce que 1'0n sait, Avicenneaffirme a son enfant spirituel avoir baratte, dans les lshdrdt quil luidedie, la creme de la verite et lui avoir fait gouter les mets des hotesveneres. Faut-il des lors s'etonner qu'il lui demande de les preserverdes profanateurs , des ignorants, des heretiques et alii, qui seplacent chez ces soi-disant philosophes et leurs imbeciles"!? EtI'identite de la principale personne repondant aces t1atteuses descrip-tions n'est -elle pas obvie?

    La traductionNotre traduction de la Mubdhatha III a ete realisee sur I 'edition d'al-

    Mubdhathdt de Muhsin Bldarfar84 (sigle B). Nous avons compare cetteedition avec les deux extraits qui en ant ete publics par Y. Mahdavis"(sigle M) et avec I'edition de 'A.R. Badawf86 (sigle A). Comme dit plushaut, la version Bidarfar, alors meme qu'elle propose plusieurs amelio-rations par rapport a celie de Badawi, est loin detre parfaite. Nous luiavons apporte plusieurs corrections sur la base de son apparat critique,de I' edition Badawl ou de notre propre chef. Dans les notes, seules cescorrections sont indiquees, et non tout ce qui distingue les deux edi-tions.

    Concordance entre I' edition Bidarfar et les extraitspublics par Y. Mahdavi

    Notre traduction Ed. Bldiirfar47-S6 (debut), p. 55, l. 3 -

    p. 58, l. 3 113-117 (debut), p. 74. I. 6 -

    p. 76, l. 7126, p. 79, l. 6-9

    Y. MahdavlA. Introduction p. 204, I. 5 -

    p . 205. l. 15p. 205, 1. 17 -

    p. 206,1. 14p. 206. 1. 15-16

    Append. A proposdu debut du temps

    Explicit

    Xl AVICENNE. lsluirdt, p. 222; trad . GOICHON, Directives, p. 525.84 AVICENNE, Mubdhathat, ed. BjoARFAR, p. 55-79, 47-126.85 MAHOA VI, Bibliographie, p. 204-206.g6 BADAWI, Arist. p. 119-246.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    IA RfPONSt [) ' ;\ VICFNNt A BAHM4Ny.4R rtAL,KIRM4Ni 165Concordance entre les editions Bidarfar et Badawi de la Mubdhatha !IfNotre traductiOll Ed, B1dilrfar/. L'argumcnt de 60-65 (de but ). p. 59, I. 6 -

    I 'homme volant p. 60, I. 1268, p. 61. I. 5-1271-72, p. 61, I. 18-p. 62, I. 10

    92 (sauf le s deux l eres I.),p. 67, I. 13-18

    94, p, 68, I. 9-17 100 (saul' lere I.) - 102,p, 70, I. 9 - p, 71, I. 7

    108-109, p, 72. I. 8-p. 73 . I. 5 xS

    111-112, p. 73, I.l)-p, 74, I. 5

    App . Ii propos du 117 (saul' lcre 1.)-debut du tcmps 119, p. 76. I. 6 - p. 77. I. II

    120-126. p. 77, I. 12-p. 79, I. 8

    4. L 'dmc ellacomplexion

    5. Le mouvcmentvolontaire

    R . L'intuition

    Ed. Badawin" 370 (sauf les deux l ercs l.),

    p. 207n' ' 38(VP (sauf debut Iere I.J.p,210

    n" 381 * (saul' Iere I.), p. 21()n 429 (sauf lere I.),p. 223, I. 17-22

    n'' 430, p, 224. I. 10-16n"64.p.137n 431, p. 224-225n"467,p. 231. I. 13-22p. 231.1. 22 - p. 232, I. 10

    n" 321, p. 187n" 322, p, 188

    Nous avons essaye d'identifier en notes les personnes intervenantdans les debars et qui sont seulement evoquees par des pronoms ou pardes adjectifs possessifs. Nous ne sommes pas certain davoir toujoursreussi.Les deux figures de I 'appendice ont ete ajoutees par nous.En plus des extraits de la Psychologic du Shzja' proposes en exergue

    au debut de cinq disputations, nous traduisons dans les notes diverstextes qu'il semble particulierernent utile de relier aux debars de laMubdhatha Ill. II est evident que de nombreuses autres pages d'Avi-cenne auraient pu etre citees ou auraient rnerite de l ' etre.

    ** *

    S7 Les * designcnt les passages traduits par PI'iES in Conception, p. 213; voirJANSSENS, Bibliographv, p. 22,

    xx M. Bidarfar tal-Mubahathat. p. 26) ne met pas Ie 110 (p. 73 , I. 6-8) de son editionpanni les passages sans equivalent dans I'cdition Badawi. Nous navons pas encore reussiit Iy retrouver.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    166 J.R. MICHOTTRADUCTION

    [55,1] Au nom de Dieu, Celui qui fait misericorde,Ie Misericordieux '

    Seigneur, facilite [les choses 1 !

    A . INTRODUCTION47 - La lettre du shaykh eminent] mest bien arrivee, minformant qu'il

    va bien et me notifiant des choses qui ont suscite [en moil une completetranquillite et une pleine attention. J'ai pris connaissance de l'ensemble deson contenu. [5] Ce dont il me remercie, s'agissant de la promesse [quej'avais faite], c'est un present de moi a I'intention de ce compagnon-. II secomporte ace sujet d'une maniere correspondant a son eminence. Il auraitpourtant ete plus normal que je fasse l'objet de blames et de reprobationspour tant de manquements. II u'a cependant point ete aise de terminer'd' ecrire ce document jusqu' a ce moment, du fait de ce que l' on sait pouvoiradvenir comme obstacles en de pareils cas. 48 - Maintenant, cependant,cela a ete facile, et Ie voila qui arrive, par l'intermediaire d'un tel.49 - [10] Quant a ce que [le shaykh eminent] a raconte du depit du

    shaykh Abu l-Qasim al-Kirmani lorsque [56,1] lui est arrive ce qui lui estarrive, quelquun de pareil a lui na pas Ie droit de s 'inquieter d'une tellechose", Des occasions' de ce genre, entre nous, n'ont pas cesse de seproduire, qui ne conduisent [cependant] pas a une breche dans ce dontnous" avons convenu entre nous comme affection, quand bien mernecela peut conduire a de I' irritation dans Ie dialogue. La raison de ce[depit] nest pas quil? aurait souffert du fait qu'il aurait pu lui arriver des'en prendre a moi, oh non, mais, plutot, [qu'it souffre] de ce qu'on luiconnait comme obstination impudente, rebelle, lorsque lui est presente[5] quelque chose qu'il na pas [encore] entendu. S O - En somme, ceshaykh" merite plus la misericorde que la colere". [ A en jugerJ par ce

    I Bahmanyar.Bahmanyar.tanajjuz M: tatajazza' B

    j Nous n 'avonx pas reussi it reconstituer Ie scenario precis de la scene ici evoquee.5 Asbdb, de la racine SBB, qui donne aussi sabb. injure, insultc.(, Avicenne et Bahrnanyar.Al-Kirmani.

    K Al-Kirmani.q Cfr Ie fameux hadith: Ma Misericorde a Ie dessus sur Ma colere ou . . precede

    Ma colere: (voir notamment AL-BlJKHARI. alSa!ll!l, Bad' al-Khalq, 'Alam. 2.955; Taw~ld,'Ala/716.872).

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    LA Ri'PONSE [) 'AVICENNE A BAHMANYAR ET AL-KIRMAN! 16 7qu'il montre comme vehemence, il s'imagine que, s'agissant de contra-dictions, il lui sera aise de venir avec quelque chose du fait de quoi rnapoi t rine se serrera, alors que la valeur en est inferieure a ce contre quoiil I'eleve. Par Ie Dieu qui fait Misericorde, Misericordieux, je suisl 'homme qui se rejouit le plus de ce qu'il entend comme mise en doutepertinente et comme demande bien formulee. Ne [10] me peinent que lescalembredaines et les propos delirants, surtout quand ce sont des compa-gnons et des proches qui s'y plongent. Bien plus, il ne me plait pas quemes oeuvres en arrivent a [etre traitees ainsi}'", pour dautres raisonsencore que celle-ci.51 - Mais que l'on soit mon adversaire et qu'on m'interroge aumoyen de la [question] pourquoi? et de ce qui y correspond, c'est ceque je vise!', moi, et ce que je desire. [Je suis] quelqu'un que n 'ebranlerien de ce qui lui est destine, confiant que je suis dans les facilites queDieu m 'a accordees et dans les bonnes oeuvres '? qu'Il rri'a fait la gracede [me faire accomplir]: examiner pleinement [les choses] et mener Ieplus loin possible [leur] etude, interroger mon arne et [151 polerniqueravec elle de [sujets] que les gens etrangers comprennent bien peu. Del'opposition de qui s'oppose [a moi] et de la contradiction de qui [me]contredit, il n'est rien qui me fasse souffrir, et surtout pas quelque chosede pareil a cela. Au contraire, une demande judicieuse me dilate la poi-trine" et fait s'etendre la grandeur de rna joie, tandis que ce qui se situeen dehors de cela me fait mal au cceur et a I'ame, Ou, plutot, ce quiblesse un homme, c ' est seulement Ie comportement de quelqu 'un quidevrait s'en tenir a la position de qui cherche a etre dirige et qui sedonne [57,1] la position de contradicteur et de polerniste.

    52 - Le shaykh" a fait commencer r sa] demande par des termes aumoyen desquels il aurait mieux valu qu'il sabstienne de lutter contremoi. Ce qui a suivi cette [introduction], il y a aussi mele de tels termes.[II aurait mieux valu] que son opinion a mon sujet soit meilleure quecette opinion! S' il a eu pour opinion, a mon sujet, que je laisserais faire,il ma pris pour un malhonnete; or loin de moi [lidee] d'agir malhon-netement vis-a-vis [5] d'un compagnon tel que lui! Et s'il a consideremon avis comme incorrect, alors qu'il a trouve que, d'un [certain] cote,il participait du vrai, il aurait au moins pu avoir a lendroit de lui-merne

    10 Ou: lui parviennent. tombent entre ses mains (waqa'a ilav-hit"II hadaftu B ap. cr.: hadafa BM12 min aslaf al-nazar B ap. cr.: wa islaf li-l-nazar B wa aslaf li-l-nazar M. Salaf signi-

    fie litteralement une bonne oeuvre accomplie en vue dobtenir une recompense dans ['au-dela,

    13 Cfr Coran, XCIV, I:Ne tavons-Nous pas dilate la poitrine?14 Bahmanyar.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    168 J.R. MICHOTune partie de la mauvaise opinion [qu'il a eue a mon egard], et ne pas sepennettre d 'envoyer Ie tout a mon adresse.

    53 _Il15 a notamment dit ceci: L'ai trouve detraquees certaines deschoses que comportait cette reponse. S'il les a reellement trouveesainsi, en en ayant la certitude, il me met a I'ecart de ceux sur qui se fon-der et a qui se referer [10]; tandis que sil en a [seulement] eu I'opinion,il netait pas beau, de sa part, de me juger en vertu d'une simple opinion.54 - Moi, de surcroit, j'ai trouve qu'il avait chu bien en dessous dudegre qui est Ie sien, sagissant de ce qu'il a demande et de ce a proposde quoi il a pose des questions et finasse. Sans doute a-t-il ete contaminepar certains des caracteres naturels de ceux avec qui il dialogue et palabrebeaucoup. Il y a en effet une gale pour les ames comme pour Ies corps.

    55 -lIS] Pour ce qui est de repondre aux passages qu'il" [m ']a sou-mis, je veux lui reproposer quelque chose qui leur correspondra et serade leur type. Toute chose qui ne ressemble pas a sa compagne est eneffet deviante, etrangere, et tout [enfant] qui ne ressemble pas a son pereet a son frere est un individu rattache de I' exterieur a la famille, unbatard.

    B. DISPUTATIONSI. L'argument de I'homrne volant

    lljaut que chacun d'entre nous s'imagine (tawahhama) commeayant ete cree en un coup. cree parfaitement mais en ayant la vuevoilee, [empechee] de contempler les {choses} exterieures, cree entrain de tomher dans de l'air, Oll dans un vide aerien, sans que laresistance de I' air ne le heurte 10 d 'une maniere qui ferait qu 'il yaurait hesoin qu'il {Ia] sente, les membres separes, ne se rencon-trant point ni ne se touchant. Puis [chacun] meditera s'il etablira[alors] l'existence de son essence, sans douter de son etablisse-ment de son essence comme existante ni pourtant etablir I' exis-tence de rien de ses membres interieurs - entrailles, caur, cer-veau -, non plus que celie d'aucune des choses de dehors. Bienplutot, il etablira I' e xistence de son essence sans etablir, pour elle,l'existence ni d'une longueur, ni d'une largeur, ni d'une profon-deur. Et si, en cette situation-la, il se representait en imaginationune main ou un autre membre, il ne se Ie representerait pas enimagination comme une partie de son essence, ni comme une

    [, Bahmanyar.lf Bahmanyiir.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    LA REPONSE D'AVICENNE A RAHMANYI\R ET AL-KfRMkvi 169

    condition pour son essence, Or til Ie sais. ce dont 011 etablit I'exis-tence est autre que ce dont on n'etablit pas I 'existence, et ce quel'on affirme autre que ce que 1'011 n'affirme pas, L'essence dontI'existence sera r ainsi] etablie aura done ceci de propre qu 'ellesera elle-meme autre que son corps et que ses membres, dont I' exis-tence /I 'aura pas ere etablie. Pour qui etablit une telle existence, il ya done un chemin pour etre eveille a l'existence de I'dme cOl11l11echose autre que le corps Oll, plutot meme, autre qu'un C0l7JS.

    Shifd', Nafs, I. L ch. L p. 13 (De Anima, p. 36-37).56 - [58,1] [Mes] propos relatifs a I'argument etablissant I'existence

    de I'arne et qui est bati sur une supposition en laquelle s ' ensuit neces-sairement une perception de I'essence [propre], ce shaykh-Ia'? me les arappeles, souhaitant lire devant moi Ie Livre de l'time de La GUeriSOlZ Xalors que moi je souhaitais [Ie lui] interdire!".- Cet argument-Ia, lui dis-je, ri'est pas de ceux qui te contraindraient

    d'en accepter la conclusion.Cette preuve-la est en effet batie sur une prernisse de lordre d 'une

    consideration (muqaddima i'tibdriyyai et [5] qu'il n'est facile de jugervraie que pour les gens doues de penetration et d 'une subtile perspicacite.Etant donne que lui?", non seulement manque de I'une et de l'autre maisregarde [cette] premisse d 'un ceil irrite, Ie doute se presenterait plus rapi-dement a lui que I'eau ne coule vers Ie bas. 57 - C'est qu'il y a des syl-logismes batis sur des premisses que certains seulernent, et pas d' autres.jugent effectivement vraies. II y a par exemple des premisses sensorielies

    17 Al-Kirmani.IX C'est-a-dire, tres vraisemblablement, les deux passages de la Psvchologie du SI1i fa'

    relatifs a lhomme volant: I. I, ch. I (Nat" p. 13: De Anima, p, 36-37), traduit enexergue, et I. V, ch. 7 (Nat" p. 225: De Anima, p. 162-1(4). Les 298299 (p, 121) deI'cd. Bidarfar des Mubdhathat eclairent aussi la problematique de lhomme volantdans la Psychologie du Shifo ':

    298 - Q[uestion, de son ecri[T[urel: Si. du fait que la puissance intellectuelle cxixtcsans etre imprirnee dans la matiere, il y a une demonstration tronale tarshl) ou orientale(sharqii plus proche des entendernents, quil l= Avicenne] [nous] fassc la grace de [nous]la proposer. Ce qui a ere dit dans Ie L ivre de I 'iim rcquiert en effet de valider nornbre depremisses. L'amc, cest cornme si on navait pas, a son endroit, totalement confiance.malgre la validite de la demonstration.

    299 - R[ eponse, de son ecri]T[ ure I: Que ceci est vrai ' Surtout ce qui est bati surlinterdiction de la division Ides intelligibles] ct limpossibilite de la position [de l'intelli-gence dans Ia matiere I' Par ailleurs, le Tronal, si Dieu m ' en fait le present. cela se trou-vera seulernent dans la Sage sse tronole.,

    Voir aussi Ie ~402 (p. 146-147) de led, Bidarfar des Mubahathat traduit plus bas,p. 182, n. 87.

    IQ amna'a B ap. cr, : arntani'a B20 Al-Kirmani.

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    170 J.R. MICHOTet des [premisses] experimentales, objets d'une observation, etc. Parexemple, la preuve que Galien donne de la possession d'une sensationpar certains os, du fait d'une experience a lui a propos des dents!'. II [me]semble [10) que j'ai indique ceci au cceur du livre et ce peut etre a memed' eveiller celui qui est impartial a un telle consideration", s' il n' a pasl'initiative de sy livrer de par son [propre] entendement.58 - En sornme, cet argument est soit oiseux, soit perernptoire.II est oiseux selon celui dont l'entendement sarrete en deca de la

    penetration amenant a comprendre cette consideration. Ainsi admet-ilque l'homme soit existant, parfait de constitution et d'intelligence, sansetre afflige d'aucun mal - et c'est la supposition qui a ete faite " -,[rnais] [15) son statut sera Ie statut d'une chose inerte en ceci quil nepercevra pas son essence jusqu 'au moment d 'ouvrir les deux yeux parexemple, et de poser son regard sur sa surface apparente. Ce qu'il aura[alors] saisi sera son essence, qu'il percevra [alors]. II ri'est en effet rienqui saisisse [59,1] une chose sans saisir son essence [comme] saisissante.59 - Des gens pareils, cet argument n'est point utile en ce qui lesconceme ou, plutot meme, il est oiseux - je veux dire I'argument quiderive de la consideration, par I'individu, de I'etat de son soi (nafsu-hu).[Ces gens] ont besoin des arguments par I'espece et par le genre quidisent Etant donne que les corps ont telles actions animales, il y a poureux [5) tel principe, qui est une arne, et des choses semblables.[Cet argument], cependant, est perernptoire selon les gens clair-voyants.60 - 1124 faut que le savant accompli examine son essence et sa percep-

    tion, maintenant, de son essence, et qu' il medite [ceci]: [I] Sa perceptionque c'est lui et qu'il a des organes et des actions se rapportant a lui est-elleune perception de son ipseite [Ia] par la voie de la sensation ou [lb] par lavoie de la demonstration? [2] Ce sur quoi porte que c'est lui, est-ce [2a]cet ensemble qu'il [forme] ou [2b] autre chose que cet ensemble-la?

    21 AVICENNE,Qdnun, t. T . p. 47: Aucun des os n'a de sensation du tout, sinon lesdents. L'experience, a dit Galien, ternoigne qu'clles ant une sensation pour laquelle ellessont aidees par une puissance qui leur vient du cerveau afin qu'clles distinguent egale-ment entre Ie chaud et Ie froid. Voir notamment GALIEN,Euvres, trad. DAREMBERG,. I,p. 303:

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    L A R EP ON SE D 'A VIC EN NE A B AH MA NY AR E T A L-K 1R MI4 Ni 1 7 1[Reponse a 2aJ. Mais comment ce qui est [alors] percu - et qui est

    son essence - serait-il [cet] ensemble [10] alors que beaucoup de ceuxqui percoivent I'existence de leur quoddite (anniyya )25 ne percoivent pas[cet] ensemble? N'etait la chirurgie, on ne connaitrait ni cceur. ni cer-veau, ni organe principal, ni organe subalterne. Pourtant, avant meme[de connaitre] tout cela, on percevrait sa quoddite.61 - En outre, ce qui est [alors] percu demeure per~u lorsque, par

    exemple, quelque chose de I'ensemble se detache d 'une maniere quei'on ne sent pas, tout comme un membre tombe d'un Iepreux engourdi.II se peut que cela lui arrive alors qu'il ne Ie sent pas, qu'il ne percoit pasque I'ensemble a change et qu'il percoit [15J son essence" comme etantson essence, telle qu' elle etait, inchangee.62 - [Zb], Quant a la chose [relevant] de I'ensemble [mais] autre que

    I'ensernble, soit il sagira d'un organe interne, soit il sagira d'unmembre apparent. Les organes internes, rien peut n'en etre percu alorsque la quoddite est percue anterieurernent a la chirurgie; or ce que I'onpercoit est autre que ce que J'on ne percoit pas. Le membre apparent,[lui], peut manquer et se remplacer alors que la quoddite per~ue est une,en tant qu'elle est percue, [60,IJ d'une unite individuelle.63 - [Ia]. De surcroit, comment serait-il possible de dire quarrivera la perception de r son1 essence se fait seulement de par la sensation? La

    sensation atteint I'apparent, lequel n'est pas i'essence qui est percue, etles organes internes sains ne se sentent pas mutuellement quand bienmeme ils sont en contact les uns avec les autres; Ie psychisme sain nonplus. Le psychisme L5 ] sain, absolument sain, est celui en lequel le mou-vement des organes n'est pas senti.64 - [Ib], Comment par ailleurs serait-il possible de dire que cela se

    fait par demonstration a partir des actions? Et cela parce que l'action,quand elle est prise absolument, apporte la demonstration d'un agentabsolu, indetermine; tandis que lorsqu'elle est prise de maniere res-treinte de par Ie fait de l'individuation - mon action par exemple, etton action -, ce [moi, ce toil avec lequel Ie rapport est etabli est unepartie du comprehensible (mafhum)27 de I'action restreinte; or la percep-tion de la partie est anterieure a la perception du tout.

    , 5 Sur anniyya, anitas ; quoddite et les problemes souleves par ce terme, voirVAN RIET, ed. du De Anima, I. V. p. 162; DE LIBERA, Querelle, p. IX7.

    26 bi-dhiiti-hi A : dhata-hu B27 Nous proposons ce neologisrnc vu Ie caractere inadcquat des traductions gcneralc-ment proposees pour Ie terme mafhum: concept, sens, etc. Le comprehensibled'une chose est ce qui est a comprendre, ou que I'on comprend. par cette chose. de memeque l'intelligible ima'qul ; dune chose est ce qui est intellige, ou it intelliger. par ccttechose.

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    172 J.R. MICHOT65 - [101 Tu Ie sais de par toi-rneme, tu nas pas acquis" cette per-

    ception [de ton essence 1 par la voie de la demonstration it partir de tonaction, ni par la voie de la demonstration a partir de ton etat, lorsque [dumoins] tu consideres lIes choses] judicieusement. Neanmoins, malgretout ceci, une telle preuve n' est pas de ce qui convient pour tout cher-cheur. II sagit bien pluto! d'une preuve speciale, dont I'utilite est limi-tee aux gens doues de penetration. Je lai soumise a des creatures comp-tant parmi les adversaires-? de la sagesse [mais] ayant de la penetrationet ils en vinrent a etablir I'existence de I'ame ou a rester perplexes, areflechir. [15] Cela n'echappa." point a la plupart dentre eux: dans I'etatsuppose.", I'homme percevrait son essence et naurait pas besoin, pourpercevoir son essence, de demonstration. Le doute [leur] advenait seule-ment du cote de la sensation: la moindre preuve de l 'irnpossibilite de lachose." les ramenait neanrnoins it la soumission [a mes idees] ou it laperplexite. [Le Kirmani] par contre manifestait publiquement+' son rejetde cet argument au moyen de divagations " convenant a d'aucuns [seu-lement].

    66 - [61,IJ - Le dormeur ne percoit pas son essence! dit-il " notam-ment. Et Ie shaykh eminent16 - Dieu lui accorde durablement Sonappui! - de I' aider a ce propos!67 - Cette prernisse n 'est pas admissible; et quand bien merne on

    ladmettrait, elle ne serait pas utile a propos de ce qu'il souhaite contre-dire grace a elle.68 - [5] Premierement", Ie dormeur soccupe de ses imaginaux

    comme, a l'etat eveille, il soccupait de ses sensibles. Frequemmentmerne il soccupe d'affaires relevant de l'intelligence et de la penseecomme a I'etat eveille. Or, en la situation en laquelle il soccupe de cela,il percoit qu'il est cet [individu] qui s'[en] occupe, ainsi qu'il en va de lasituation de reveille. S'il se reveille et se souvient de ses occupations[durant Ie sornmeil], il se souvient de sa perception de son essence. Et

    2X taktasih-hu B: taksib-hu A2'> addad B ap. cr.: asdad B11 1 kan B ap. cr.: k ada B1[ Dans Ie modele de I" < , hom me volant".l' C'cst-a-dirc de limpossibi lite quarriver a la perception de son essence se fasse de

    par la sensat ion; voir supra. II a].II yushi'u: yushayyiu B'" bi-tahawwusat B ap. cr.: tahawwusat Bl' Al-Kirmani._\()Bahmanyar.mill-hi! qaw lu-hu ... al-awwal B: tushukkika ... fa-qala A (p. 210. I. 9) On exprima

    devant lui lc doute sutvant: le dormcur ne percoit pas son essence. Le dormeur, dit-il.s ' o (' ( u re . ..

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    LA RFPONSF f) 'A i lCENNF A RAHMANY/If? FTAL-KIRMr1.Ni 173s'il se reveille et qu ' il ne se souvienne pas de cela, il ne se souvient pasde sa perception de son essence. Ceci n ' est cependant pas une demons-tration qu ' il ne percevait pas son essence. En effet, Ie souvenir de la per-ception de l'essence est autre [chose] que la perception de I'essence.Bien plus, la perception de la perception [10J de I'essence est autre[chose] que la perception de I'essence'". L'eveille aussi peut ne pas sesouvenir de sa perception de son essence lorsque, dans son souvenir, nesont pas conservees des activites qu'il a eues et en lesquelles, de sonessence, il n 'etait [pourtant] pas oublieux.69 - Deuxiemernent, Ie dormeur, l'[individu] ivre, Ie comateux, lavictime dapoplexie, l'epileptique et Ie fou nont pas Ie meme statut que

    quelqu'un que ne frappe aucun mal. Mais ceci est une chose que leshaykh '?ne comprend pas! II est done [151 a excuser s'il-+o l'a negligee.Nous avions pourtant suppose" que l'homme ne soit frappe daucun mal.

    70 - Entre [autres divagations de sa part], il y a aussi Ie fait quil sefigure que dans Ie sommeil, tant que la disposition de nos membres ne serepresente pas a notre imagination, nous ne percevons pas nos essences.II y a en ceci [divers] types derreur.71 - Premierernenr':', il a etc dit precedemment que, tout en ne sen-

    tanr" pas la disposition de nos membres apparents, nous percevons quenous, [62,1] nous sommes nous. Et si Ia disposition de nos membres indi-viduels change - a I'etat eveille reellernent et, dans Ie somrneil, meta-phoriquement -, ce qui est percu [par nous, demeure] un et ne se rem-place pas, ce n ' est pas la disposition des membres. II ne se peut pas nonplus que ce soit une affaire universelle qui se conserverait, malgrechaque remplacement, de la maniere dont I'universel se conserve: ce quiest per~u [par nous] est en effet particulier. II ne se peut pas, [de rnerne],que ce soit une affaire individuelle qui se conserverait, malgre les rem-placements, de Ia maniere dont Ie particulier [5] relic aux [elements] qui

    " fa-inna clhikr al-shuur bi-l-dhat ghayr al-shu'ur bi-l-dhfit, bal al-shu'ur bi-l-shuurbi-l-dhat ghayr al-shuur bi-l-dhat B ap. cr. A: bal al-shuur bi-l-shuur bi-l-dhat ghayr al-shuur bi-l-dhat. fa-irma dhikr al-shu'ur bi-I-dhat ghayr al-shu'ur bi-l-dhat BAli contraire,la perception de la perception de lcsscncc est autre [chose] que la perception delesscncc: Ie souvenir de la perception de tessence est autre l chose] que la perceptionde Iessence.

    ,'! Al-Kirmani."0 _: wa B"I Dans Ie modele de I'

  • 5/10/2018 Yahya Michot, La r ponse d'Avicenne Bahmany r et al-Kirm n

    174 l.R. MICHOTse remplacent+' se conserve, s ' agissant de quelque chose de nos mem-bres; cela a ete rendu evident. C'est done quelque chose d'autre.72 - Deuxiemernent, admertons " que nous ne percevions pas notre

    essence tant que Ia disposition de nos membres ne se represente pas anotre imagination, durant Ie sommeil. Un tel jugement demontrera-t-il[cependantJ autre chose que la correlation (muqdrana) entre la percep-tion et la representation imaginative? II ny a rien qui interdise qu'il yait, en correlation avec la perception d 'une chose, representation imagi-native de quelque chose; en cela il n'y a cependant rien qui contredise ladoctrine ou la prernisse [en cause]: tout ce qui est tel qu'une chose n'estpas tant qu'il nest pas lui-rneme, n'est pas cette chose.73 - [10] Troisiemement, son'" opinion est que [lindividu] qui se

    tiendrait, selon la supposition qui a ete faite'", dans l 'air tiede, de qualitesembl able [ a celle de la peau], a un moment qui ne serait pas senti [delui], percevrait I'existence de l 'air, qu'il se produirait la un heurt sen-sible, tangible, et qu'il s'agirait de quelque chose de necessaire.[Notre] reponse: II ri'est pas un homme'" qui etablisse l'existence de

    I'air de par son toucher, sinon dans le cas d'un heurt [15] violent ou dequelque chose de pareil a une pression de la peau, ou du fait d'une rnorsure,ou du fait d'un chaud ou d'un froid dissemblables de la qualite de la peau.74 - Quant a ce qui vient apres cela comme dernandes, mes yeux ne

    se sont ouverts, en ce qui les concerne, sur rien dont on [devrait] tenircompte. Et il m ' a ete penible qu'il4Y fit si peu de cas de la logique, aidanta ce propos ce shaykh-la'",2. La conduction (ta'diya) et les conducteurs

    La realite . c 'est que le simulacre de ce qui est vu est conduit parl'intermediaire du diaphane vas l'organe recepteur, dispose [adhoc}, lisse, brillant, sans que !a substance du diaphane le recoive,[ondamentalement, en tant qu'il est cette forme.

    Shifa " Nals, l. Ill, ch. 8, p. 132 (De Anima, p. 268)51.

    44 l i- l-mutabaddilat B ap. cr.: al- tabaddulat SA aux remplacements4, al-thani hab B: wa aydan fa-hab A En outre. admettons ...46 Al-Kirmani.47 Dans Ie modele de l'homme volant; voir lextrair de la Psychologic du Shifd'

    cite en excrgue.4S ul-nas B ap. cr.: al-insan 84Y Bahmanyar.5(' Al-