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De tout temps, l’Égypte a fasciné ceux qui la visi- taient. Il en fut de même pour cinquante-neuf adhérents du Souvenir napoléonien, attirés par un voyage hors du commun, sur les pas de Bonaparte et de Lesseps, qui s’est déroulé du 21 au 29 avril 2009, en commémoration du 150 e anniversaire du début du percement du canal de Suez et sous le haut patronage de M. l’ambas- sadeur de la République Arabe d’Égypte en France S.E. Nasser Kamel et de M. l’ambassadeur de France en Égypte S.E. Jean Félix-Paganon. Le mardi 21 avril, la compagnie Egyptair nous a transportés dans d’excellentes conditions, en quatre heures et demie. Bonaparte et l’expédi- tion d’Égypte, partis le 19 mai 1798 de Toulon, avaient atteint la côte d’Alexandrie le 14 juillet, après trente-deux jours de navigation, la flotte française s’étant emparé de l’île de Malte le 11 juin, après deux jours de combats et y ayant séjourné jusqu’au 19. Deux cars nous conduisent de l’aéroport Héliopolis du Caire à l’hôtel Marriott. Puis, Alain Pigeard, historien et vice-président du Souvenir napoléonien, nous dit un mot sur la bataille gag- née par Kléber, qui, ici-même, écrasa les Turcs de Nassif Pacha, le 20 mars 1800. Au Marriott nos chambres sont situées dans les deux tours reliées au palais, qui comprend tou- jours la suite de l’Impératrice Eugénie à laquelle on accède par un escalier monumental. De classe internationale, l’hôtel est environné d’un mag- nifique parc et d’une piscine avec un espace à vagues. Le mercredi 22 avril, l’Institut d’Egypte étant fermé cette semaine-là, nous quittons l’hôtel pour nous rendre directement à la Société géo- graphique, une curiosité du début du XX e siècle, comprenant une dizaine de salles d’exposition et un vaste amphithéâtre, surmonté de verrières aux entrelacs finement décorés, inspiré des édi- fices mamelouks. Nous sommes reçus par Son Excellence, l’ancien ministre Abulezz, président de la Société égyptienne de géographie. Celui-ci accueille, avec beaucoup d’honneur et de gentil- lesse, le groupe du Souvenir napoléonien et reçoit des mains du président Christian Fileaux, la grande médaille Napoléon III. A lieu ensuite la visite de salles dont l’intérêt croît au fur et à mesure de leur traversée : salles des souvenirs de l’Égypte à l’époque du canal, diora- mas animés sur son percement de 1859 à 1869, présentation de cartes atlas et livres précieux de 1804 à 1811 sur l’épopée de Bonaparte, grands livres avec les photographies des fastueuses réceptions à l’occasion de l’inauguration du canal par l’Impératrice Eugénie en 1869. Nous terminons la journée par la visite à deux kilomètres de là, du quartier du savant Monge, dont le nom est indiqué en français sur une plaque de rue ; par des ruelles étroites et bordées de maisons quelque peu délabrées, nous atteignons la maison Sennary, ancien palais qui date du XVIII e siècle et que les savants Monge et Berthollet ont occupé lors de la campagne d’É- gypte. Le jeudi 23 avril, après le musée national des antiquités égyptiennes, nous arrivons à midi à la citadelle de Saladin, entourée de murailles et de tours importantes. Le tombeau de Mohamed Ali se trouve à l’angle ouest de l’édifice. Dans le palais Harim, ancienne résidence de Mohamed Ali, derrière la statue d’Ibrahim Pacha, au-delà d’une avenue bordée de vieux canons imposants des années 1850-1860, et de matériels de guerre, souvenirs des conflits israëlo-égyptiens, un musée militaire présente une salle consacrée à l’épopée napoléonienne et à l’histoire récente de l’Égypte, avec la prise de pouvoir du général Nasser. Après le déjeuner aux jardins de l’Agha Khan au pied de la citadelle, nous prenons la direction d’Alexandrie par la route dite « du désert ». La route du désert est une route à quatre voies et à péages, bordée de grandes exploitations agri- coles et de terrains militaires. Il y a dix ans, le désert s’étendait de chaque côté de la route. Après avoir parcouru deux cent quarante kilo- mètres, nous arrivons à la nuit tombante à Alexandrie. Nous résidons à l’hôtel Cécil immor- talisé par Lawrence Durrell dans Le Quatuor d’Alexandrie. C’est un ancien palais mythique à la décoration Belle Époque, aux pièces de réception et aux chambres cossues. Nous dînons rapidement afin d’écouter notre his- torien, Alain Pigeard, nous parler de « Bonaparte et la campagne d’Égypte ». « Ce qui restera de cette expédition, ce n’est pas tant le désastre naval d’Aboukir et les victoires terrestres, que l’œuvre magistrale des ingénieurs et des savants, et c’est là que l’on peut dire que la plume l’emporte sur l’épée ». VOYAGE EN ÉGYPTE SUR LES PAS DE BONAPARTE ET LESSEPS 21–29 AVRIL 2009 1

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De tout temps, l’Égypte a fasciné ceux qui la visi-taient. Il en fut de même pour cinquante-neufadhérents du Souvenir napoléonien, attirés parun voyage hors du commun, sur les pas deBonaparte et de Lesseps, qui s’est déroulé du 21au 29 avril 2009, en commémoration du 150e

anniversaire du début du percement du canal deSuez et sous le haut patronage de M. l’ambas-sadeur de la République Arabe d’Égypte enFrance S.E. Nasser Kamel et de M. l’ambassadeurde France en Égypte S.E. Jean Félix-Paganon.Le mardi 21 avril, la compagnie Egyptair nous atransportés dans d’excellentes conditions, enquatre heures et demie. Bonaparte et l’expédi-tion d’Égypte, partis le 19 mai 1798 de Toulon,avaient atteint la côte d’Alexandrie le 14 juillet,après trente-deux jours de navigation, la flottefrançaise s’étant emparé de l’île de Malte le 11juin, après deux jours de combats et y ayantséjourné jusqu’au 19.Deux cars nous conduisent de l’aéroportHéliopolis du Caire à l’hôtel Marriott. Puis, AlainPigeard, historien et vice-président du Souvenirnapoléonien, nous dit un mot sur la bataille gag-née par Kléber, qui, ici-même, écrasa les Turcs deNassif Pacha, le 20 mars 1800.Au Marriott nos chambres sont situées dans lesdeux tours reliées au palais, qui comprend tou-jours la suite de l’Impératrice Eugénie à laquelleon accède par un escalier monumental. De classeinternationale, l’hôtel est environné d’un mag-nifique parc et d’une piscine avec un espace àvagues.Le mercredi 22 avril, l’Institut d’Egypte étantfermé cette semaine-là, nous quittons l’hôtelpour nous rendre directement à la Société géo-graphique, une curiosité du début du XXe siècle,comprenant une dizaine de salles d’exposition etun vaste amphithéâtre, surmonté de verrièresaux entrelacs finement décorés, inspiré des édi-fices mamelouks. Nous sommes reçus par SonExcellence, l’ancien ministre Abulezz, présidentde la Société égyptienne de géographie. Celui-ciaccueille, avec beaucoup d’honneur et de gentil-lesse, le groupe du Souvenir napoléonien etreçoit des mains du président Christian Fileaux, lagrande médaille Napoléon III.A lieu ensuite la visite de salles dont l’intérêt croîtau fur et à mesure de leur traversée : salles dessouvenirs de l’Égypte à l’époque du canal, diora-

mas animés sur son percement de 1859 à 1869,présentation de cartes atlas et livres précieux de1804 à 1811 sur l’épopée de Bonaparte, grandslivres avec les photographies des fastueusesréceptions à l’occasion de l’inauguration du canalpar l’Impératrice Eugénie en 1869.Nous terminons la journée par la visite à deuxkilomètres de là, du quartier du savant Monge,dont le nom est indiqué en français sur uneplaque de rue ; par des ruelles étroites et bordéesde maisons quelque peu délabrées, nousatteignons la maison Sennary, ancien palais quidate du XVIIIe siècle et que les savants Monge etBerthollet ont occupé lors de la campagne d’É-gypte.Le jeudi 23 avril, après le musée national desantiquités égyptiennes, nous arrivons à midi à lacitadelle de Saladin, entourée de murailles et detours importantes. Le tombeau de Mohamed Alise trouve à l’angle ouest de l’édifice. Dans lepalais Harim, ancienne résidence de MohamedAli, derrière la statue d’Ibrahim Pacha, au-delàd’une avenue bordée de vieux canons imposantsdes années 1850-1860, et de matériels de guerre,souvenirs des conflits israëlo-égyptiens, un muséemilitaire présente une salle consacrée à l’épopéenapoléonienne et à l’histoire récente de l’Égypte,avec la prise de pouvoir du général Nasser.Après le déjeuner aux jardins de l’Agha Khan aupied de la citadelle, nous prenons la directiond’Alexandrie par la route dite « du désert ». Laroute du désert est une route à quatre voies et àpéages, bordée de grandes exploitations agri-coles et de terrains militaires. Il y a dix ans, ledésert s’étendait de chaque côté de la route.Après avoir parcouru deux cent quarante kilo-mètres, nous arrivons à la nuit tombante àAlexandrie. Nous résidons à l’hôtel Cécil immor-talisé par Lawrence Durrell dans Le Quatuord’Alexandrie. C’est un ancien palais mythique à ladécoration Belle Époque, aux pièces de réceptionet aux chambres cossues.Nous dînons rapidement afin d’écouter notre his-torien, Alain Pigeard, nous parler de « Bonaparteet la campagne d’Égypte ».« Ce qui restera de cette expédition, ce n’est pastant le désastre naval d’Aboukir et les victoiresterrestres, que l’œuvre magistrale des ingénieurset des savants, et c’est là que l’on peut dire quela plume l’emporte sur l’épée ».

VOYAGE EN ÉGYPTESUR LES PAS DE BONAPARTE ET LESSEPS

21–29 AVRIL 2009

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Promenade sur le port de Bab el Futuh.Photo Christian Fileaux.

Le palais Sennary, maison des savants Mongeet Berthollet.Photo Claude de Méneval.

Entrée du musée national des antiquitéségyptiennes.

Photo C.M.

Le fort de Quait Bay que nous a fait visiterJean-Yves Empereur.

Photo C.F.

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Le vendredi 24 avril, nous visitons en deuxgroupes les catacombes d’El Chougafa, lacolonne de « Pompée » et le théâtre romain.Nous rejoignons ensuite M. Jean-Yves Empereur,président du Centre d’études alexandrines etcélèbre découvreur, sur la terrasse du fort deQuait Bay. Ce fort qui se situe à l’extrémité del’île de Pharos, l’île du phare d’Alexandrie, l’unedes sept merveilles du monde disait Philon deByzance, a été érigé en 1480 par le sultan AlMalik Nassr Quaitbay, qui fit également constru-ire une citadelle à Rosette. Le fort a été restauréà diverses périodes, dont à l’époque deBonaparte ; Kléber y entretenait une garnison de500 à 600 hommes. Plusieurs canons du vaisseaufrançais l’Orient, ainsi que des pièces d’étambotont été remontés en 1984.Jean-Yves Empereur qui par ailleurs fouille la plusgrande nécropole à l’ouest d’Alexandrie,Nécropolis, nous donne une idée de ce qu’était lephare d’Alexandrie avant qu’il ne soit détruit parun tremblement de terre en 1503. Construit en297 av. J.-C. par Ptolémée Ier, achevé en 283 av. J.-C. par Ptolémée II, l’édifice de cent cinquantecinq mètres de haut avait trois étages, carré,octogonal et cylindrique, au sommet surmontépar une statue de Zeus. Certains blocs ont étéréutilisés pour consolider les murailles du fortQuait Bay, d’autres reposent encore sur le fondsous-marin peu profond, une dizaine de mètres àcet endroit. Plus de 3 000 vestiges ont été repérésà ce jour, dont les plus importants ont été remon-tés comme les éléments de la tour principale, lescolosses de Ptolémée : statues imposantes dePtolémée et de son épouse Arsinoë.À l’issue d’une visite extrêmement documentéequi fit grosse impression sur les membres duSouvenir napoléonien, Jean-Yves Empereur nousaccompagna pour le déjeuner sur la terrasse dusiège du Centre d’études alexandrines. Avant ledébut du repas, le président Christian Fileauxremit à celui-ci la grande médaille Napoléon III etun magnifique livre sur le style Empire.L’après-midi fut consacré à la visite de la biblio-thèque d’Alexandrie. En l’absence de son prési-dent, l’ambassadeur Aly Maher El Sayed retenuau Caire, nous sommes accueillis par la directricedes relations publiques, le responsable de la sec-tion littérature et des jeunes femmes guides.L’ancienne bibliothèque d’Alexandrie avait étéfondée au IIIe siècle av. J.-C. par Demetrios dePhalère à l’instigation de Ptolémée Ier Soter. Ellerassemblait pratiquement tous les écrits du tempset on pouvait consulter la quantité énorme de500 000 rouleaux de papyrus. La bibliothèquefut le cœur du monde méditerranéen, pont demultiples influences culturelles. Elle brûla en 47av. J.-C. : César ayant mis le feu à la flotte de

Ptolémée, le vent propagea l’incendie jusqu’à laville et donc, à la bibliothèque. Tout le savoir dumonde d’alors fut réduit en cendres en l’espacede quelques heures. La nouvelle bibliothèque setrouve également face à la mer, à peu près àl’emplacement de l’ancienne. C’est un vaste bâti-ment vitré en forme de disque solaire qui s’in-cline vers la Méditerranée. La bibliothèqued’Alexandrie devrait compter à terme, plusieursmillions d’ouvrages. Elle en a actuellement700 000 et son multi-linguisme arabe, anglais,français (langues officielles) et espagnol, italien,grec, russe, permet d’étendre sa célébrité et d’en-visager un rapprochement avec d’autres institu-tions du monde.À l’intérieur, un musée fort bien agencé présenteavec des objets, des peintures, des gravures etdes aquarelles, l’histoire de l’Égypte avec une sec-tion « Bonaparte et l’Égypte », ainsi qu’une sec-tion « manuscrits ». Parmi ces trésors se signalentune centaine d’ouvrages très anciens en arabe,une reproduction d’un fragment de rouleau depapyrus de la bibliothèque antique et deuxgrandes broderies provenant de la Kaaba (lieu depèlerinage de la Mecque).Au département Antiquités, on peut voir de trèsbelles mosaïques de l’époque ptolémaïque, unecollection de tanagras dont une triade alexan-drine, Isis, Serapis et Harpocrate, une statue demarbre d’un enfant endormi, une têted’Alexandre le Grand et deux Héraclès en marbre.Le samedi 25 avril, de bon matin, nous quittonsle Cécil Hôtel pour nous rendre à l’anse dumarabout, à l’ouest d’Alexandrie, où Bonapartedébarqua le 1er juillet 1798. Après avoir con-tourné le port pétrolier, le port marchand, lesdocks et de nouveaux quartiers, la route côtièreétant réservée à la circulation portuaire, nousarrivons sur une plage que nous désigne AlainPigeard, comme étant une partie du lieu dedébarquement de l’armée française. Il nous faitrevivre l’arrivée de la flotte.Passant par la corniche au retour, nous déjeunonsau restaurant Athenios avec Frank Goddio,célèbre plongeur et archéologue sous-marin amide Louis-Napoléon Bonaparte-Wyse, qui a décou-vert au large d’Aboukir, par seulement six mètresde profondeur, les vestiges de deux citésantérieures à la fondation d’Alexandrie, proba-blement Menouthis et Heraclion, englouties à lasuite d’un tremblement de terre.Puis nous arrivons à Aboukir, à l’emplacementd’un vieux fort défendu par une dizaine decanons ottomans pointés vers le large. Sur uneéminence, face à la mer, le docteur JacquesPalombo nous décrit de façon très approfondieet en distribuant à tous les participants le plan dusite et la position des navires, la bataille navale

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Jean-Yves Empereur et le président ChristianFileaux.Photo C.F.

Exposé d’Alain Pigeard devant la plage dudébarquement de la flotte française et deBonaparte.Photo C.M.

Entourant le général Mustapha Abdel Latif,et de gauche à droite Louis-Napoléon

Bonaparte-Wyse, le préfet Tixier et sonépouse, M. Christian Fileaux, le baron de

Méneval, Mme Amina Alwy, le prince Murat etM. Mohammed Aguiba devant une toilereprésentant l’inauguration du canal par

les autorités et en présence del’impératrice Eugénie.

Photo C.M.

L’ancien siège de la compagnie du canal deSuez.

Photo Frédéric Fenni.

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des 1er et 2 août 1798, qui vit l’anéantissement dela presque totalité de la flotte française par laflotte anglaise, mieux préparée et dirigée par unstratège hors pair, l’amiral Nelson.Près d’un an plus tard, la bataille terrestred’Aboukir du 25 juillet 1799 sera pour les Françaisune victoire sur les 18 000 hommes de MustaphaPacha.Nous reprenons la direction de Rosette à soixantekilomètres de là, par une nouvelle route qui tra-verse de vastes palmeraies. Nous franchissons l’undes bras du Nil. À la sortie de la ville aux ruesétroites bordées de maisons ottomanes, nousnous arrêtons devant la citadelle de Quait Bayégalement bâtie par le sultan Al Malik NassrQuaitbay. Le fort renferme une copie de lacélèbre pierre de Rosette, ce bloc de basaltedécouvert par le capitaine Pierre Bouchard en1799 et dont les textes en écriture grecque,démotique et hiéroglyphique ont été traduits parChampollion en 1822. Cette pierre confisquéepar les Anglais en 1801 lors du rapatriement destroupes et membres de l’expédition d’Égypte, setrouve toujours au British Muséum.Il est près de 17 heures et nous n’avons pas beau-coup avancé : il nous reste 210 km à parcourirpour arriver à Port-Saïd. La route nous avait étéannoncée à quatre voies et avec un revêtementbitumeux : « C’est la grande artère qui réunit leMaroc à la Turquie avec une interruption en rai-son de la bande de Gaza », m’avait-on dit. Enréalité, la route est en réfection ou en construc-tion et l’on passe d’une voie de droite à une voiede gauche, au gré des travaux et souvent sur unefile. Nous arrivons, malgré les prodiges de noschauffeurs, avec deux heures de retard à l’hôtelSonesta à l’entrée du canal de Suez. Il fait nuit.Spectacle inoubliable : un grand paquebot illu-miné attend de sortir du canal, des remorqueurss’apprêtent à le tirer vers la rade.Il nous faut modifier la soirée, dîner rapidementet demander aux conférenciers égyptiens de venirà l’hôtel, car il est impossible d’aller à l’AllianceFrançaise. Nous louons un salon et invitons lesconférenciers et le public français et égyptien ànous rejoindre ; mais à peine la conférence de M.Mohamed Aguiba, consul de France honoraire ettransitaire représentant le groupe Worms, était-elle commencée sur le thème des « RelationsFrance-Égypte d’hier et d’aujourd’hui », que nousrecevons, le président Fileaux, le prince Murat,Louis-Napoléon Bonaparte-Wyse et moi-même,l’invitation du gouverneur de la région de Port-Saïd transmise par le président des Amis de Suezet de Ferdinand de Lesseps, de nous rendre à saréception.Nous y retrouvons nos conférenciers. AlainPigeard poursuivra la soirée en captivant son

auditoire, en dissertant sur « Napoléon et lesfemmes ».Au rendez-vous du gouverneur le généralMustapha Abdel Latif nous sommes présentés àla société égyptienne de Port-Saïd, ministre,député, conseillers, en présence de la télévisionet de la presse égyptiennes. Mme Amina Alwy,présidente de la Chambre de Commerce, fait latraduction et nous introduit auprès du gou-verneur. Celui-ci se déclare heureux de nous ren-contrer et de célébrer avec nous le 150e anniver-saire du début du percement du canal de Suez. Ilnous fait une description de la région qu’iladministre. Le président du Souvenirnapoléonien et le Prince Murat, après les remer-ciements d’usage, reçoivent la grande médailledu gouvernorat.Le dimanche 26 avril, nos deux cars escortés demotards de la police en grande tenue, faisantactionner leur avertisseur, traversent Port-Saïd,montent sur le bac qui traverse le port enarrivant à Port Fouad dans la zone militaire deschantiers navals et de l’arsenal. Nous y pénétrons,privilège rare, pour y découvrir la statue deFerdinand de Lesseps (jetée de son socle et casséelors des événements de 1956, restaurée depuis).Elle est prête à être remise à l’entrée du canal,l’autorisation ayant été accordée par les autoritéségyptiennes. Mais quand ?Le président Christian Fileaux, le prince Murat etle docteur Jacques Palombo déposèrent unegerbe au pied de la statue, en compagnie du vice-gouverneur, du directeur de l’Arsenal, de la prési-dente de la Chambre de Commerce qui nous aaccompagnés, et du consul de France honoraire.Après cette cérémonie, dans le cadre du 150e

anniversaire des premiers coups de pioche ducreusement du canal, toujours escortés, nous par-tons pour Ismaïlia pour déjeuner au club mar-itime du canal de Suez.Nous devions être reçus par l’amiral Fadel, gou-verneur du canal et par son bras droit, Mme

Clémence Wahab, directrice des Relationsextérieures. Nous les attendons, mais en leurabsence, nous nous mettons à table. Finalement,vers 15 heures, Mme Wahab arrive et nous faitembarquer sur un bateau de l’administration ducanal à bord duquel nous faisons une promenadesur le lac Timsah qui nous rapproche du canal et oùnous croisons plusieurs navires de fort tonnage.Nous visitons ensuite la maison de Ferdinand deLesseps, un chalet entouré d’un jardin fleuri etarboré avec une serre. La maison comprend unevaste entrée, un bureau, une chambre que l’onne visita pas, salon, salle à manger. Un deuxièmechalet, autrefois siège de la compagnie du canal,reçoit parfois des hôtes de marque. Nousdéposons une deuxième gerbe.

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À l’entrée du canal, le socle de la statue deFerdinand de Lesseps.Photo C.M.

Chalet de Ferdinand de Lesseps à Ismaïlia.Photo C.M.

Au pied de la statue colossale restaurée deFerdinand de Lesseps, dans l’arsenal militaire

de Port Fouad.Photo F.F.

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Nous nous installons ensuite à l’hôtel Mercurepour dîner et écouter la conférence d’AlainPigeard : « Ferdinand de Lesseps et le canal deSuez ».Le lundi 27 avril, départ pour le Caire à 7h30,pour effectuer un trajet de cent cinquante kilo-mètres qui nous mène à la nécropole deSaqqara, avec visite des mastabas de l’ancienempire, dont celui de Mérérouka, puis versDachour, avec l’aperçu de la pyramideRombhoïdale.La route est sans surprise : elle est bonne et, dechaque côté, s’étendent de vastes exploitationsagricoles, des camps militaires, et au fur et àmesure que nous nous rapprochons du Caire, desusines, des instituts techniques, des laboratoirescomplètent le paysage. La circulation étant assezdense près de la capitale, nous la contournons ausud par une étendue désertique, d’où surgissentde nouvelles cités et de nouvelles voies d’accès.Nous mettons, cependant, près d’une heureentre Memphis et Saqqara. Les vingt-cinq kilo-mètres de route, le long du Nil, sont encombréset en réfection : canaux partiellement recouverts,jonchés de bouteilles en plastique, circulation demarchandises sur des voitures à cheval, ânes, dro-madaires, chevaux arabes maniés avec dextérité,gros camions, autobus…À 10 heures, nous sommes sur le plateau déser-tique au sable fin et visitons le mastaba deMérérouka. La police à cheval est présente et denombreux policiers contrôlent les entrées. Nouspénétrons ensuite par une colonnade dans lecomplexe funéraire du pharaon Djeser. Une vasteplace de quatre cent mètres de long comprend lapyramide, aujourd’hui ceinturée d’échafaudageset à laquelle on accède par un temple funéraire.Temples, tombeaux et le mur des cobras, jalon-nent le parcours. Le Serdab, pièce d’expositionattenante à la chapelle, renfermait une statue duroi (aujourd’hui au musée des antiquités égypti-ennes du Caire) et remplacée par une copie quel’on aperçoit en regardant par les fentes de lafaçade. Enfin, certains visiteront la pyramiderouge de Dachour, d’autres se contenteront demonter jusqu’à l’entrée, située à plus de trentemètres, après avoir grimpé cent vingt-cinqmarches.Nous nous installons en fin de journée, au MenaHouse Oberoï. Cet hôtel de grand luxe à laséduisante décoration orientaliste, est un ancienpalais construit en 1869. L’Impératrice Eugénie ya séjourné. Un complexe hôtelier entoure cemonument, avec jardin et piscine. De là, onaperçoit la pyramide toute proche de Khéops.La soirée se termine par une croisière sur le Nil,avec dîner, orchestre et danse orientale à bord duMS Marquis.

Le mardi 28 avril, le plateau de Guizeh s’étendaitdevant nous, avec, au loin, l’extraordinaire visionde ses trois sublimes pyramides de Khéops,Khéphren et Mykérinos, et du Sphinx. Pendanttrois heures, à l’exclusion de Mykérinos ferméepour travaux, le groupe du Souvenir napoléoniena parcouru le plateau, sous la protection de lapolice égyptienne, montée à dromadaire.Certains visiteront Khéops, d’autres Khéphren etla barque solaire de quarante-trois mètres etlarge de six mètres en son centre, qui, dit-on,navigua sur le Nil avant de transporter, vingt-cinqsiècles av. J.-C., le pharaon vers l’éternité. Mais, cequi accroche nos regards, c’est le Sphinx, sculptédans un éperon rocheux long de cinquante-septmètres et haut de vingt mètres ; ce félin à l’allureétrange, aux pattes repliées, incarne probable-ment le pharaon Khéphren et est le symbole del’Égypte. Sa barbe postiche retrouvée est aumusée des antiquités égyptiennes du Caire. Etcontrairement à ce qui est dit parfois, ce ne sontpas les armées de Bonaparte qui ont dégradé saface, mais les Mamelouks.Le déjeuner a lieu au restaurant des pyramides,face aux gradins des spectacles sons et lumièreset à proximité du Sphinx.Nous nous divisons ensuite, certains d’entre nousdevant être reçus par M. Jean Félix-Paganon,ambassadeur de France en Égypte, et son épouseen leur résidence. Le président Christian Fileauxremit la médaille Napoléon III et un livre sur lesdécors Empire à M. Jean Félix-Paganon, qui nousaccueillit avec beaucoup de cordialité. Le prési-dent profita de ces entretiens pour informernotre ambassadeur du souhait du Souvenirnapoléonien de créer des liens avec l’Égypte en yimplantant un ou plusieurs correspondants.D’autres visitèrent le Caire copte avec les églisesde Saint-Georges, de la Moallaqa et la synagoguede Béni Ezra.Un dernier dîner sous forme de buffet devaitnous réunir dans la grande salle à manger, riche-ment décorée du Mena House Oberoï avant deregagner Paris le lendemain.Ce voyage sur les pas de Bonaparte, del’Impératrice Eugénie et de Ferdinand de Lesseps,a été profitable aux membres du Souvenirnapoléonien ; nous avons pu comprendre unpays, berceau de la civilisation qui nous a enchan-tés lors de nos études et dont nous apercevons lesprogrès.Admirer les trésors de l’Égypte ancienne n’est pasincompatible avec le grand bond en avant que lepays est en train d’accomplir.Que tous ceux et celles qui ont contribué au bondéroulement de notre voyage d’études, trouventici l’expression de notre gratitude.

Baron de Méneval

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Le landau de Ferdinand de Lesseps.Photo C.M.

Du haut de ces pyramides, quarante-deuxsiècles nous contemplent. Et qu’ils sont petitsnos autocars !Photo F.F.

Le sphinx, toujours aussi énigmatique.Photo F.F.

Entourant Son Excellence Jean Félix-Paganonet son épouse, après leur réception à la

résidence privée de l’ambassadeur.Photo C.F.

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PETIT RAPPEL SUR L’ÉGYPTE ANTIQUELa chronologie longue, comprenant la période prédynastique, fait remonter la Ire dynastie à 5 546 av.J.-C. La chronologie courte la fait remonter à son fondateur Ménès, vers 3 000 av. J.-C. La IVe dynastie(2 700 ans av. J.-C.) sera celle de Khéops, Khéphren et Mykérinos.L’âge d’or de l’Égypte est la XIXe dynastie, époque dite du Nouvel Empire, avec Thèbes pour capitaleet les pharaons Aménophis Ier à IV, Mineptah, Ramsès II (le dieu Ré l’a mis au monde), Séti Ier etThoutmosis Ier à IV.Selon le schéma traditionnel égyptien, transmis par Manéthon, 30 dynasties (et une 31e ptolémaïque)au cours de trois millénaires vont administrer l’Égypte, ceci jusqu’en 332, date de l’arrivée d’Alexandrede Macédoine.Ce sera, ensuite, l’époque de l’Égypte hellenistique jusqu’en 30 av. J.-C. puis l’Égypte romaine jusqu’en395 après J.-C.L’Égypte restera byzantine jusqu’en 642, époque à laquelle elle devient progressivement musulmane,avant d’entrer dans le monde moderne avec Méhmet Ali en 1805.

Christian Fileaux

ILS ÉTAIENT EN ÉGYPTE :Nicole et Christine BARGOIN, Joëlle BEDEL, Irène BELLICARD, Dominique et Céline BILLIARD, Louis-Napoléon BONAPARTE-WYSE, Marcel et Renée BONNIAUD, Françoise BRUCK, Marie-Pierre CHAM-PAGNE, Jacques et Anne-Marie CROSNIER, Marie-Claude DANTHU, Jean DELALANDE, Claude etGeneviève DEMETZ, François DOP, Marie-Christine DOP-WAGNER, Yves et Béatrix ESTÈVE, Frédéric etChristiane FENNI, Christian FILEAUX, François et Nicole GUARY-CÉSAR-LAINE, Alain et Claudette HIN-GOUET, Dominique JAPY, Michel LANGERON, Lucienne SAINTAURENS, Jean Franck et Marie-PaulineLERY, Giuseppe NINIO, Arlette LOURADOUX, Michel et Lucie MALLEZ, Pierre MARTIN, Prince MURAT,Claude et Monique de MÉNEVAL, Gérard et Anne-Marie MOTTOT, Jacques et Reine PALOMBO, Jack etLouise Clémence PENY, Alain et Pauline PIGEARD, Michel POCHET-D’HALENNE, Joseph et ClaudettePUZO, Raymond SYORD, Joël et Cécile TIXIER, Pascal et Yvette VINCENT, Henri et Nicole ZIGLIARA.