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" Vision Brésil n° 23, avril 2011 : Bonjour, Vous êtes unanimes, Vision Brésil doit rester gratuit ! Tous ceux qui ont répondu au sondage lancé le mois dernier pour savoir s’il fallait faire payer l’abonnement à Vision Brésil ont répondu négativement. C’est clair et sans appel, je m’incline donc et vais continuer à mettre librement à disposition ce blog mensuel, tant que j’aurais assez d’énergie et de plaisir à le rédiger. Le fait que vous soyez chaque mois plus nombreux à le lire est pour cela, un grand stimulant. Ce mois de mai, donc, Vision Brésil n°24 aborde la délicate question des jeux du favoritisme et du trafic d’influence dans politique brésilienne. Une plaie douloureuse pour l’exercice de la démocratie dans ce pays. On parlera aussi des efforts de recherche d’une stratégie industrielle à la hauteur des défis du moment, du monde de l’extrême pauvreté qui continue à exister malgré la croissance et de la planète football, un incontournable de la vie quotidienne brésilienne en ces temps de championnat. Jean-Jacques Fontaine Bonne lecture, répandez Vision Brésil autour de vous ! !!! # Ce mois, mai 2011 : Impunité, trafic d’influence et favoritisme, le retour des mauvais côtés de la politique brésilienne… La discussion autour du disfonctionnement des institutions politiques au Brésil est relancée après le renouvellement du Conseil d’Ethique du Sénat, chargé de faire respecter la moralité chez les parlementaires. 8 de ses 15 membres sont l’objet d’enquêtes judiciaires pour malversations ou trafic d’influence ! L’impunité est une marque d’infamie culturelle dans le jeu politique au Brésil dont le pays à de la peine à se débarrasser. Renan Calheiros, sous enquête pour abus de fonction, Romeo Jucá sous enquête pour appropriation abusive des ressources de l’Etat, Gim Argello, sous enquête pour détournement de fonds publics, Mario Couto, sous enquête pour désobéissance à la Justice Electorale, Acir Gurgacz, sous enquête pour trafic d’influence, Antonio Carlos Valadares, sous enquête pour crime électoral, Vladir Raupp, suspecté de détournement de fonds publics, Jayme Campos, inculpé de falsification de documents…

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! "!

Vision Brésil n° 23, avril 2011 : Bonjour,

Vous êtes unanimes, Vision Brésil doit rester gratuit ! Tous

ceux qui ont répondu au sondage lancé le mois dernier pour

savoir s’il fallait faire payer l’abonnement à Vision Brésil

ont répondu négativement. C’est clair et sans appel, je

m’incline donc et vais continuer à mettre librement à

disposition ce blog mensuel, tant que j’aurais assez d’énergie et de plaisir

à le rédiger. Le fait que vous soyez chaque mois plus nombreux à le lire

est pour cela, un grand stimulant.

Ce mois de mai,

donc, Vision Brésil

n°24 aborde la

délicate question des

jeux du favoritisme et

du trafic d’influence

dans politique

brésilienne. Une

plaie douloureuse

pour l’exercice de la

démocratie dans ce

pays. On parlera

aussi des efforts de

recherche d’une stratégie industrielle à la hauteur des défis du moment,

du monde de l’extrême pauvreté qui continue à exister malgré la

croissance et de la planète football, un incontournable de la vie

quotidienne brésilienne en ces temps de championnat.

Jean-Jacques Fontaine

Bonne lecture, répandez Vision Brésil autour de vous !

!!!

! #!

Ce mois, mai 2011 : Impunité, trafic d’influence et

favoritisme, le retour des mauvais côtés de la

politique brésilienne…

La discussion autour du disfonctionnement des institutions politiques au

Brésil est relancée après le renouvellement du Conseil d’Ethique du

Sénat, chargé de faire respecter la moralité chez les parlementaires. 8 de

ses 15 membres sont l’objet d’enquêtes judiciaires pour malversations ou

trafic d’influence ! L’impunité est une marque d’infamie culturelle dans

le jeu politique au Brésil dont le pays à de la peine à se débarrasser.

Renan Calheiros, sous enquête pour abus de fonction, Romeo Jucá sous

enquête pour appropriation abusive des ressources de l’Etat, Gim

Argello, sous enquête pour détournement de fonds publics, Mario Couto,

sous enquête pour désobéissance à la Justice Electorale, Acir Gurgacz,

sous enquête pour trafic d’influence, Antonio Carlos Valadares, sous

enquête pour crime électoral, Vladir Raupp, suspecté de détournement

de fonds publics, Jayme Campos, inculpé de falsification de documents…

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! $!

Ces 8 sénateurs sont désormais membres de plein droit du Conseil

d’Ethique de la Chambre Haute, ils vont avoir à juger l’honnêteté de leurs

pairs.

La pointe de l’iceberg

13 des 15 sénateurs composant ce Conseil

sont aussi des proches de José Sarney,

Président du Sénat et ancien chef de l’Etat,

qu’une biographie non autorisée mais fort

bien documentée décrit comme le plus grand

gangster politique du pays ! (« Honoraveis

Bandidos : um Retrato do Brasil na era

Sarney, Palmeria Dória, Geração Editorial,

2011 »).

En 2008, le Conseil d’Ethique du Sénat avait

absout José Sarney, déjà Président de la

Chambre Haute, de l’accusation de trafic

d’influence et de détournement d’argent

public. Créé en 1993, le Conseil d’Ethique du

Sénat a été saisi de 30 dénonciations. Seules

2 ont abouti à des condamnations.

Un seul sénateur s’est opposé à ces nominations, Jarbas Vasconcelos, pourtant

membre du même parti que José Sarney, le PMDB, déclarant que « le Sénat met en

scène son propre suicide en se moquant de façon aussi provoquante des exigences

populaire de moralisation de la vie politique. » Réponse de Lobão Filho, membre du

Conseil d’Ethique et fils du ministre des Mines et Energie: « nous avons une mission

extrêmement désagréable, juger nos semblables. Ce n’est jamais facile mais tous mes

collègues ont la capacité morale de le faire ».

Trafic d’influence

Les pratiques douteuses dont les politiciens sont le plus couramment coutumiers

concernent la nomination à des postes officiels bien rémunérés de proches parents ou

d’électeurs fidèles et influents. Un « sport national » porté à l’extrême depuis le début

du gouvernement Lula.

Le nombre de fonctionnaires et le niveau des rémunérations dans le secteur public

ont explosé. La masse salariale de l’administration est passée de 75 milliards de R$

! %!

en 2002 à 184 milliards (105

milliards de CHF / 80

milliards d’!) en 2010, soit

une augmentation de 80%.

115’000 nouveaux postes

ont été créés, certes en

partie pour renforcer des

secteurs déficients comme

l’éducation et la santé, mais

surtout, pour satisfaire aux

demandes des élus.

Ainsi, 22’000 fonctionnaires ont été engagé non par concours, sur la base de leur

qualification professionnelle, mais par « parrainage », sur la recommandation d’un

politicien. La pratique est légale, mais elle coûte cher à une machine d’Etat dont

l‘efficacité reste souvent à prouver. C’est ainsi qu’au final, 63% des postes du

Ministère du Développement Rural sont occupés par des gens engagés hors concours.

Une majorité donc, qui n’a jamais eu à faire la preuve de ses compétences ! Au

Ministère de la pêche, ils sont 60% dans cette situation. Et à celui des Mines et de

l’Energie, 68%.

Le règne de l’impunité

Si l’impunité est aussi

généralisée chez les

politiciens, c’est parce que

l’Etat n’arrive pas à faire

appliquer les punitions

qu’il décerne. Pour un

particulier, les choses sont

simples : comme partout

ailleurs, vous ne payer pas

une amende dans les

délais, vous recevez un

commandement de payer, puis une saisie.

Il n’en va pas de même au Brésil lorsqu’il s’agit de personnes juridiques. Quand une

entreprise ou une institution refuse de payer un dédommagement pour violation, par

exemple d’une loi sur l’environnement, l’administration plaignante doit faire elle-

même recours auprès de la justice, et apporter la preuve de la culpabilité pour qu’un

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! &!

processus de recouvrement puisse démarrer. Résultat, en 2010, les 156 organismes de

surveillance du gouvernement ont saisi la justice pour 696 amendes impayées

correspondant à un montant de 22 milliards de R$ (12,5 milliards de CHF / 9,5

milliards d’!). Elles ont gagné 108 causes, mais elles n’ont réussi à recouvrer que… 11

amendes ont été réellement payées !

« La finalité des amendes, c’est de prouver aux contrevenant que l’infraction ne paye

pas. Dans la pratique, c’est la seule arme de contrôle que détiennent les services de

l’administration, explique Gustavo Binenbojm, professeur de droit constitutionnel à

l’Université d’Etat de Rio de Janeiro (UERJ). Si ces punitions ne sont pas appliquées,

le gouvernement stimule le non respect des lois. » Et le sentiment d’impunité chez les

fraudeurs, qu’ils soient des acteurs économiques ou politiques.

Timides essais de moralisation

Pour mettre fin à ces

pratiques laxistes, les

services de l’AGU, le

Procureur Général de

l’Union ont décidé de

mettre en place une

équipe de choc de 700

avocats chargés de

coordonner les actions

des 156 organismes de

surveillance de l’Etat,

(elles n’ont même pas une base de donnée en commun!), et de déposer désormais

systématiquement et sans retard des procédures de recouvrement pour les amendes

non payées. Résultat, 41’000 actions ont été lancées en 2010, contre 21’000

seulement un an auparavant.

Cela n’est qu’une des initiatives entreprises ces derniers temps pour tenter de

moraliser la vie publique brésilienne. Le 3 mai, la Présidente Dilma Rousseff a

solennellement lancé, à l’occasion de la journée internationale de la liberté de presse,

une nouvelle loi sur la transparence et l’accès à l’information. Une loi qui

paradoxalement ne sera pas particulièrement utile aux journalistes, mais qui devrait

permettre aux simples citoyens, aux avocats et aux lobbies de mieux contrôler le

fonctionnement de la vie politique et parlementaire du pays.

! '!

La fin du « secret d’Etat » ?

Ainsi, il n’y aura plus de

protection ad eternum des

secrets d’Etat. Ils devront

être rendus publics après

25 ans. Et la transparence

sur les sites internet de

l’administration sera

généralisée, à l’image du

site « e-democracia » de la

Chambre des Députés qui

permet à tout le monde de

s’exprimer sur

l’avancement des travaux

parlementaires et de faire

des propositions de

modification.

Ce n’est pas tout à fait par hasard que Dilma Rousseff se lance maintenant dans cette

campagne pour l’accès public à l’information. Lors de la visite au Brésil, début mars,

du Président américain Barack Obama, les 2 Chefs d’Etat se sont mis d’accord pour

présenter à la prochaine assemblée générale des Nations Unies, en septembre, une

initiative globale pour en finir avec les secrets d’Etat éternels. 70 pays ont déjà

adhéré.

Changer les mentalités

Le plus difficile dans tout ça, au Brésil, ce n’est pas de faire approuver cette nouvelle

loi par les Chambres, juge Rosental Calmon Alves, professeur brésilien à l’Université

du Texas à Austin et spécialiste des nouvelles technologies, mais de changer la culture

brésilienne en relation avec l’idée d’une gouvernance ouverte. « Notre héritage

ibérique est fait de secret, de respect de l’autorité, de non questionnement des lois. Ce

n’est pas comme dans la culture anglo-saxonne qui valorise l’individu. Nous, notre

culture politique est basée sur l’institution et l’autorité ».

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! (!

Pour aller de l’avant,

Rosental Calmon Alves

propose de s’inspirer de

l’expérience mexicaine,

« un pays qui a réussi à

sortir d’une pratique quasi

soviétique du secret d’Etat

pour se doter d’une des

législations les plus

avancée du monde en

matière de transparence. »

Une recommandation a

prendre avec une certaine

prudence, cependant, le Mexique, pas plus que le Brésil, ne brille par sa capacité à

éliminer la corruption, le favoritisme ou l’impunité de ses dirigeants.« Il faudra sans

doute encore une génération ou plus pour que les choses changent ici » évalue

Claudio Weber Abramo, Directeur de Transparency International-Brésil.

!!!

Ce mois en bref, avril 2011

PT, un électorat conservateur ; fraude aux droits d’auteurs ; archives

culturelle mortes ; Google Maps Rio, copie à revoir ; la télé au volant.

L’étude est signée André Singer ancien porte parole de l’ex-président

Lula. Aujourd’hui professeur de Sciences politiques à l’Université de São

Paulo, il s’est penché sur les caractéristiques sociologiques de l’électorat

du Parti des Travailleurs, une formation historiquement et

idéologiquement très enracinée dans la gauche progressiste, mais dont

les adeptes sont, d’après lui… franchement conservateurs !

Entre 2003 et 2008, 31 millions de brésiliens ont accédé à la classe moyenne, ce

groupe de population forme aujourd’hui la majorité électorale du pays et vote

massivement PT. « L’électorat PT est aujourd’hui le gardien de la stabilité

économique du pays car il voit en elle la garantie de sa nouvelle prospérité financière,

acquise grâce aux retombées sociales de la croissance », note André Singer.

! )!

Deux autres chercheurs, Amaury de Souza

et Bolivar Lamounier prolongent cette

analyse dans un livre qu’ils viennent de

faire paraître : La classe moyenne

brésilienne, ambitions, valeurs et projets

de société. « Le fait que la mobilité sociale

de ces classes ascendante dépend

amplement de la consommation et pas du

tout des nouvelles formes d’organisation de

la production démontre la fragilité de cette

ascension et justifie les craintes de ces

nouveaux électeurs face aux changements

politiques. » Pour Amaury de Souza et

Bolivar Lamounier, la classe moyenne

brésilienne défend la démocratie, mais partage avec les autres couches sociales « une

profonde aversion pour la politique car les partis et les élus ne tiennent jamais

compte de l’opinion des électeurs ».

Fraude aux droits d’auteurs

Il s’appelle Milton Coitinho et il serait un très prolifique auteur de musique de

cinéma au Brésil. Ses arrangements auraient déjà illustré les films de Glauber Rocha

dans les années 1960 et de nombreux autres ensuite. Ces deux dernières années,

l’ECAD, le Bureau Central de Distribution des Droits d’Auteurs lui aurait versé des

royalties sur 24 nouveaux films ! Au total 130’000 R$ (75’000 CHF / 55’000!).

Hélas, Milton Coitinho n’existe pas !

Son nom cache une vaste fraude aux

droits d’auteurs qui sévit depuis des

années. L’ECAD proteste de sa bonne

foi, affirmant que les demandes de

Coitinho semblent authentiques. Mais

le Bureau Central de Distribution des

Droits d’Auteurs reconnaît que, dans

la pratique, la seule déclaration

verbale lui suffit pour enregistrer la

production d’un auteur !

Marcia Barbosa, Directrice du Département des Droits Intellectuels du Ministère de

la Culture admet qu’il va désormais falloir assurer une supervision de l’ECAD. Une

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! *!

supervision, mais pas un contrôle, précise-t-elle : « un contrôle impliquerait un

pouvoir de police et du personnel dont nous ne disposons pas ». Insuffisant pour

Dudu Falcão, un des musiciens qui a vu ses compositions enregistrées au nom de

Milton Coitinho : « si une telle fraude a pu exister, il y a sûrement beaucoup d’autres

Miton Coitinho qui sévissent à l’ECAD ». Les faits lui donnent raison, une seconde

affaire de faux registres de droits, au nom cette fois de différents membres d’une

famille Silva, fictive elle aussi, vient d’être découverte.

Archives culturelle mortes ?

12’000 images, couvrant

70 ans de l’histoire

brésilienne sont l’objet

d’un bras de fer entre les

photographes qui les ont

réalisées et un mystérieux

avocat qui les a achetée à

bas prix. Dans cette

collection, le premier but

de Pelé à la Coupe du

Monde de 1970, le lever de

drapeau des indiens

Caiapós lors de la

démarcation de leur

réserve au Xingu en 1961,

la foule émue autour du

cercueil de Getulio Vargas après son suicide en 1961, des photos originales

définitivement soustraites à la vue du public… et à leurs auteurs.

C’est la conséquence de la faillite en 2000 des Editions Bloch, propriétaire de la

chaîne de Télévision Manchete, ainsi que des revues illustrées « Manchete », « Fatos

e Fotos », « Pais & Filhos », « Ele & Ela », « Desfile », « Geografia Universal » et

« Amiga ». La masse en faillite des Editions Bloch a été vendue aux enchères en août

2010. Les archives photos ont alors été achetées pour une bouchée de pain par un

avocat qui les garde aujourd’hui dans un lieu secret. « Certaines de ces archives

concernent ma famille, affirme-t-il, Et puis cette collection m’appartient maintenant,

j’en fais ce que je veux ».

Une partie de ce trésor a déjà été revendue. Et c’est là que le bât blesse. Car, outre le

fait de soustraire à la vue du public un patrimoine historique de valeur, le

! "+!

propriétaire de cette collection commercialise des œuvres qui ne lui appartiennent

pas. Les photographes de Manchete n’ont en effet jamais cédé leurs droits à l’éditeur.

Ils ont peu de chance d’obtenir gain de cause s’ils ne peuvent pas localiser l’endroit où

se trouvent maintenant ces archives. « Elles sont dans un grenier à Rio de Janeiro,

mais je ne vais les montrer à personne, » réplique l’avocat.

Google Maps Rio, copie à revoir

Explorer la ville de Rio de Janeiro sur la plateforme numérique de Google réserve de

curieuses surprises. On y trouve certes mentionnés les quartiers connus de

Copacabana, Ipanema ou Leblon, mais ils côtoient une succession de favelas dont les

noms prennent parfois l’espace de quartiers où elles ne sont pourtant que peu

visibles. Cette image est d’autant plus paradoxale que, si 1/3 des habitants de Rio

vivent dans des favelas, celles-ci occupent seulement 3,8% de son territoire !

Les autorités cariocas s’inquiètent du fait que les lieux touristiques n’apparaissent en

général qu’après les favelas, et qu’il faille zoomer pour les voir mentionner. Cela est

d’autant plus gênant que la sécurité et le tourisme sont deux enjeux d’envergure, avec

l’organisation prochaine de la Coupe du Monde 2014 et des Jeux Olympiques 2016.

« Il faut se méfier de cette représentation des favelas qui contribue une fois encore à

stigmatiser la ville de Rio par rapport à son insécurité, alors que la situation tend à

s’améliorer », affirment les services de la Préfecture.

« Google n’a jamais eu l’intention de discréditer Rio (…) le problème est le manque

d’informations sur les cartes », se défend le directeur de Google au Brésil, Felix

Ximenes. La direction de Google s’est toutefois engagée à rectifier le tir. Felix

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! ""!

Ximenes affirme que d’ici 6 mois, « on pourra d’abord voir sur Google Maps

l’information la plus importante comme le nom des quartiers puis, au moyen du

zoom, les sous-quartiers avec leurs rues et seulement après les favelas ».

(Collaboration, Le Petit Journal Rio de Janeiro).

La télé au volant

C’est le nouveau must du

trafic urbain brésilien :

conduire en regardant la

télé, via l’écran de son

navigateur GPS ! Une

pratique téméraire de plus

en plus répandue. L’autre

jour, le conducteur du taxi

que j’ai emprunté

visionnait un match de

football en roulant à

80km/h ! « Je ne regarde

pas, j’écoute » ! Vraiment ?

Difficile de ne pas jeter un œil sur le « replay » du dernier but quant on a le GPS fixé

juste sous le rétroviseur…

Les adeptes de cette nouvelle manie ont beau se justifier en expliquant que regarder

la TV au volant, lorsqu’on est bloqué dans un embouteillage aide à contrôler le stress,

le Département National de la Circulation rappelle qu’il s’agit d’une infraction grave,

plus grave encore que de ne pas attacher sa ceinture ou de téléphoner au volant. Il va

sévir. Merci pour les passagers !

Statistiquement cependant, regarder la télé au volant n’est pas le plus grand danger

qui guette les usagers de la route au Brésil. Chevaucher une moto est bien plus

risqué ! Le parc des 2 roues a explosé, mais les accidents impliquant les motards

aussi : de 1998 à 2008, les décès dus à des accidents de la route ont augmenté de

24%, ceux concernant les motards, de… 754% !

!!!

! "#!

Economie, mai 2011, à la recherche d’une

politique industrielle

Comment profiter de la croissance pour asseoir un développement

compétitif et durable ? Comment stimuler l’innovation technologique et

l’exportation de produits à haute valeur ajoutée ? Comment instaurer un

environnement légal et fiscal favorisant l’investissement productif ? Un

faisceau d’interrogations que le Brésil affronte, alors que

l’enrichissement du PIB, très dépendant du cours mondial des

comodities, se tasse et que le marché intérieur ralentit à cause d’une

inflation qui montre à nouveau le bout de son nez. Les réponses à ces

questions ne sont pas ni simples ni uniques. Petit panorama des indices

permettant de tracer la voie d’une nouvelle politique industrielle

brésilienne.

C’est bien sûr l’information du mois : le taïwanais Foxconn, principal fabriquant de

composants pour ordinateur du monde va installer une unité de montage de la

tablette électronique Ipad 2 d’Apple dans la région de São Paulo. Foxconn va ainsi

augmenter de 30% le nombre des ses employés au Brésil qui sont aujourd’hui 4’800.

Bon pour le PIB national, mais malgré les apparences, cet événement n’apporte rien

au développement industriel du Brésil, car il table sur l’expansion de la

consommation intérieure.

Tracer la voie de la compétitivité

« Le Brésil ne peut plus tabler sur ce seul mode de croissance. Il est entré dans le

champ du radar du monde et doit chercher à explorer de nouvelles stratégies de

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! "$!

développement », estime

la Fondation Getulio

Vargas, principal centre de

recherches statistiques du

pays. Les experts de la

FGV tablent sur certains

de leurs indicateurs pour

tracer les grandes lignes de

ces perspectives de

demain : l’intérêt des

cadres étrangers de haut

niveau pour le marché

brésilien, l’installation par des multinationales de tous les pays, de centres de

recherche sur le sol brésilien et l’esprit d’entreprise dont fait preuve la population.

Prenons cette dernière donnée. En 2010, le Brésil a été le pays le plus créateur

d’entreprises de tous les membres du G20 : 17% de la population adulte a en effet

monté sa propre affaire ces 3 dernières années, contre 14% en Chine et 7,6% aux

Etats Unis. Une bonne partie de ces créations ont été un succès, « parce que les

objectifs se sont améliorés en qualité, les nouveaux entrepreneurs recherchent les

bonnes affaires du marché » analyse le Sebrae, l’Agence Nationale d’Appui aux

Petites et Moyennes Entreprises, dans son diagnostic annuel GEM 2010, « Global

Enterpreneurship Monitor ».

« Le meilleur résultat

atteint depuis 11 ans » note

encore le Sebrae. Certes

ces nouvelles PME sont

surtout des entreprises de

service, elles ne font pas

encore une politique

industrielle, « mais c’est

un dynamisme social qui

peut favoriser

l’innovation » estime la

Fondation Getulio Vargas.

Multinationales au Brésil : cap sur l’innovation

Plusieurs multinationales veulent maintenant développer des unités d’innovation au

! "%!

Brésil. A l’exemple de l’Oréal, qui va doubler l’effectif de son centre de recherche de

Rio de Janeiro. « Les créations originales que nous faisons ici sont commercialisées

dans le monde entier et il y en a de plus en plus » explique Pierre-Emmanuel

Angelogou, directeur de la division « grand public » de L’Oréal Brésil. IBM, General

Electric, Volvo Aero, Intel, Clariant, Telefonica et Veritas annoncent vouloir suivre le

même chemin.

Des centres de recherches de pointe qui se concentrent sur l’axe São Paulo-Rio de

Janeiro. L’ancienne capitale fédérale a d’ailleurs pris une petite longueur d’avance sur

la métropole économique du pays, grâce notamment aux perspectives de

l’exploitation du pétrole et du gaz des grandes profondeurs océaniques. La française

Technip et l’américaine Dow, se sont installées sur le parc technologique de

l’Université Fédérale de Rio de Janeiro, à l’Ile du Fundão dans la baie de Rio, déjà

plein à 80%, et cherchent de nouveaux espaces pour leurs laboratoires. Le

gouvernement négocie avec l’armée la cession de 200’000 m2 sur l’île voisine de Bom

Jesus pour étendre ce parc technologique.

Très bons salaires

Les managers

internationaux, eux aussi,

sont de plus en plus

nombreux à frapper à la

porte du Brésil à cause du

niveau de rémunération

proposé. C’est ainsi que

l’italien Nico Riggio,

jusqu’alors vice-président

de Philips à New York,

s’est installé à São Paulo

pour monter une

entreprise de fabrication de boissons aromatisées. Le suisse Dominique Maurer, lui,

directeur de la filiale brésilienne de l’entreprise allemande T-System a renoncé à une

promotion dans l’entreprise qui le ferait rentrer en Europe. « Le marché brésilien

offre aujourd’hui beaucoup plus de perspectives et les salaires des managers sont

bons comparé à l’Europe », se justifie-t-il.

Il est vrai que les rémunérations offertes aux cadres étrangers désireux de venir

travailler au Brésil sont en moyenne 25% plus élevées que celles versées aux Etats

Unis, en Allemagne ou en grande Bretagne calcule le bureau international de

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! "&!

chasseurs de tête Hay Group. Résultat, 56’000 visas de travail ont été octroyés par le

Brésil à des étrangers en 2010, 30% de plus qu’en 2009. « Le Brésil attire par la

complexité de son marché et le gigantisme de son économie » analyse Diego Sanson,

directeur des ventes pour l’Amérique latine de l’entreprise de recrutement Monster

qui affirme détenir dans ses classeurs les dossiers de 314’000 personnes désirant

venir travailler au Brésil !

Manque de créativité stratégique de l’Etat

Des perspectives réjouissantes, hélas freinées par un manque évident de définition

stratégique de la part des autorités, assène Miriam Leitão, chroniqueuse économique

au journal Globo. Elle pourfend dans son éditorial la stratégie de la BNDES, la

Banque Nationale de Développement Economique et Social, qui investit dans

certaines entreprises et pas d’autres, pour fabriquer un champion toutes catégorie

dans chaque secteur économique.

C’est ainsi que la BNDES a

prêté 7 milliards de R$ aux

abattoirs JBS-Friboi pour

leur permettre d’absorber

leur principal concurrent

aux Etats-Unis et devenir

numéro un mondial de la

viande. Résultat, selon

Miriam Leitão, les

exportations de viande ont

diminué de 15% au Brésil,

atteignant le plus mauvais

chiffre depuis 2004, alors que le prix du kg de bœuf explose sur le marché intérieur et

que JBS-Friboi est maintenant accusé de se fournir auprès d’éleveurs pratiquant le

déboisement illégal en Amazonie et le travail esclave. « C’est une stratégie identique à

celle appliquée par les militaires lors du miracle économique dans les années 1970,

on sait où cela a mené. Visiblement, les politiques n’ont rien appris depuis, ils se

trompent d’époque » conclut Miriam Leitão.

Une fiscalité à revoir de fond en comble

Un de ses collègues, le chroniqueur politique Merval Pereira, pointe lui du doigt la

fiscalité brésilienne, principal frein à l’installation d’une politique industrielle

d’innovation nationale. « En additionnant les impôts directs et les taxes de tous

! "'!

ordres qui grèvent la circulation économique des marchandises, de leur fabrication à

leur vente et à leur consommation, la fiscalité atteint 40% du PIB au Brésil et pénalise

autant les acteurs économiques que les simples citoyens ». Merval Pereira se fait

l’écho de la création il y a quelques semaines du « Mouvement Brésil Efficace »,

regroupant des chefs d’entreprises, des commerçants, mais aussi des associations à

but social, des ONGs et des instituts de recherche qui lance une campagne pour

ramener à 30% du PIB la fiscalité brésilienne.

Second point d’achoppement de Merval Pereira, la (mauvaise) manière dont l’Etat

utilise l’argent des impôts : « les dépenses de l’Union pour les inactifs et les retraités

ont passé de 6,7% à 12,2% entre 1987 et 2009, alors que les investissements publics,

ont chuté à moins de 2% ». Le développement des infrastructures et du parc

industriel est en effet le maillon faible de l’économie brésilienne tous les spécialistes

le relève. Idéalement, le taux d’investissement devrait atteindre 25% du PIB, il n’est

que de 20%. 18% proviennent du secteur privé, un chiffre stable, « mais l’effort

financier public, qui était de 30% dans les années 1970 s’est évaporé. Il est temps que

l’Etat prenne conscience du devoir à domicile qu’il doit rédiger », conclut Merval

Pereira.

!!!

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! "(!

Economie en bref, mai 2011

Investissements étrangers record des multinationales et des touristes

brésiliens ; semi privatisation des aéroports en vue ; une compagnie

aérienne pour la poste ; remue ménage sur le marché des commodities ;

la compétitivité du Brésil recule.

11 milliards de US$, c’est ce que les grandes compagnies brésiliennes ont

investit à l’étranger en 2010, pratiquement l’équivalent de ce que ces

mêmes compagnies avaient rapatrié au pays en 2009, 10,1 milliards de

US$. Les chiffres sont de la CNUCED, l’Organisation des Nations Unies

pour le Commerce et le Développement : « ces capitaux brésiliens ont

servi à acheter en 2010 des entreprises de pays développés dans les

domaines du minerai de fer, de l’acier, de l’alimentation, du ciment et des

raffineries de pétrole. »

A l’origine de ce mouvement, bien sûr, la valorisation du réal brésilien et la baisse du

dollar américain, un différentiel qui a aussi fait le bonheur des touristes brésiliens :

en mars 2011, ils ont dépensé 1 milliard de US$ hors du pays, 87% de plus qu’en mars

2010. Un chiffre à nuancer cependant, cette année, les congés de Carnaval ont eu lieu

en mars !

! ")!

Semi privatisation des aéroports en vue

C’est Sepp Blatter, le Président de la Fédération

Internationale de Football qui avait mis le feu

aux poudres. Il s’est inquiété publiquement de la

lenteur des travaux préparatoires de la Coupe

du Monde de Football 2014 au Brésil. Dans une

première réaction, le gouvernement a vertement

tancé le patron de la FIFA, affirmant que le

calendrier était respecté, puis il a fait volte face

et admis, suite à une étude de l’IPEA, l’Institut

Publique d’Etudes Economiques Appliquées,

démontrant que les aéroports de 9 des 14 villes

sièges des compétition ne seraient pas prêt pour

2014, qu’il lui fallait revoir sa copie.

La Présidente Dilma Rousseff a pris le taureau par les cornes et chargé son Ministre

de la « Casa Civil » Antonio Palocci de plancher sur la solution. Une solution qui

contredit ses promesses électorales et prend toute la gauche nationaliste à rebrousse-

poil, certains aéroports vont être partiellement dénationalisés, les terminaux qui

doivent être agrandis seront mis en concession à des entreprises privées.

Les grands consortiums de travaux publics se frottent les mains, les compagnies

aériennes sont satisfaites et la FIFA rassurée, mais les autorités doivent manœuvrer

avec précaution, tant les réticences d’une partie de la majorité parlementaire et de

l’Infraero, l’entité publique qui administre les aéroports sont grandes. Seuls 3

aéroports seulement seront partiellement privatisés dans un premier temps, ceux de

Guarulhos et Viracopos à São Paulo et celui de Brasilia. Dans un deuxième temps,

ceux de Confins à Belo Horizonte et du Galeão à Rio de Janeiro suivront.

La concession au privé des aéroports ne suffira pas estime l’IPEA. « D’ici 2014,

même les investisseurs privés n’auront pas le temps de réaliser les travaux

importants nécessaires », Le gouvernement dément. Autre problème, malgré les

agrandissements prévus, certains aéroports resteront en sous capacité : après

travaux, celui de Guarulhos à São Paulo devrait pouvoir accueillir 35 millions de

passagers, mais selon les projections d’augmentation du trafic aérien, il recevra 37

millions de voyageurs en 2014 !

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! "*!

Une compagnie aérienne pour la poste

Les postes brésiliennes, elles, ne

seront pas privatisées, à l’instar de

leurs consœurs d’une bonne partie des

pays de l’Union Européenne, mais

elles vont recevoir les mêmes

prérogatives. Le gouvernement a ainsi

décidé d’élargir les activités de

l’entreprise publique chargée

d’acheminer le courrier aux services

financiers et bancaires électroniques.

Libre à la poste de décider si elle va

fonder sa propre banque ou s’associer avec l’une des grandes banques brésilienne,

vraisemblablement Bradesco, qui assure déjà les payements pour la poste.

En outre, la poste va pouvoir se doter de son propre service de courrier aérien à

l’intérieur du Brésil, là encore, soit en créant sa propre compagnie, soit en passant un

contrat de avec une entreprise internationale de courrier rapide comme DHL. Enfin,

la poste brésilienne est désormais autorisée à ouvrir des agences à l’étranger et à

investir dans des grands projets d’infrastructures. Le premier sera sans doute celui de

la construction du Train à Grande Vitesse Campinas-São Paulo-Rio de Janeiro.

Remue ménage sur le marché des commodities : hausse du fer, baisse du

sucre

La sidérurgie brésilienne souffre : le prix du fer a

augmenté de 6 à 10% sur le marché intérieur en

avril. Il avait baissé de près de 30% en août 2010.

A l’époque, un dollar bon marché leur avait

permis d’acheter à l’extérieur. 22% du fer utilisé

au Brésil en 2010 était importé, contre seulement

12% en 2009. Mais voilà, au niveau mondial, le

cours du minerai de fer a bondi de 30% depuis début 2011 et les stocks de l’an dernier

sont épuisés. Les entreprises sidérurgiques vont donc devoir passer à la caisse et

répercuter la hausse sur leurs clients, particulièrement les fabricants d’automobiles et

de camions.

Mouvement inverse sur le sucre, dont le cours a plongé de 27% depuis fin février.

L’automne dernier pourtant, tout le monde s’attendait à ce que la flambée du sucre se

! #+!

prolonge à cause de la pénurie mondiale.

Cependant, au Brésil, premier pays producteur,

où la récolte commence, « les quantités

escomptées apparaissent déjà meilleures que

prévu » résument les spécialistes de BNP Paribas.

« L’absence des phénomènes climatiques El Niño

et La Niña permet aussi à l’Inde, deuxième

récoltant, de s’attendre à produire cette année

24,5 millions de tonnes, soit plus que ses besoins, ce qui l’autorise à exporter

0,5 million de tonnes».

Logiquement, cela permet une baisse du prix de l’éthanol à la pompe, et ramène les

automobilistes brésiliens vers l’alcool carburant qu’ils avaient déserté malgré la

hausse du pétrole.

La compétitivité du Brésil recule

C’est le dernier classement IMD-

Lausanne (Suisse) / Fondation Dom

Cabral-Belo Horizonte (Brésil) qui

l’affirme, le brésil a perdu 6 positions

sur le ranking de la compétitivité

mondiale, passant de la 38° à la 44°

place. Il est devancé en Amérique

Latine par le Chili, le Mexique et le

Pérou, et, parmi les BRICs, par la

Chine et l’Inde. Raison de ce recul, la

perte d’efficacité des entreprises et

l’augmentation du coût de la vie.

C’est la première fois que le Brésil recule au classement IMD-Dom Cabrla depuis le

début du siècle. Entre 2000 et 2010, il avait gagné 11 places passant du 49° au 38

rang. Les champions de cette année sont, dans l’ordre, Hong Kong, les Etats Unis et

Singapour. La Suisse se classe 5°, la France n’apparaît pas parmi les 20 premiers.

!!!

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! #"!

Environnement, mai 2011, les brésiliens ne

connaissent pas leur patrimoine naturel

De combien d’espèces différentes la biodiversité brésilienne est-elle

constituée ? Réponse impossible, aucune compilation systématique n’a

été entreprise à l’heure

actuelle, faute de

moyens et d’intérêt.

Les spécialistes

estiment qu’on connaît

10% des animaux,

plantes et bactéries

peuplant le pays, soit

190’000 espèce sur un

total qui devrait

approcher 1’8 million.

20’000 d’entre elles

offriraient un potentiel

économique important. Et toutes contribuent à un équilibre naturel sans

arrêt remis en question par l’activité humaine.

« Il y a un abîme entre ce que l’on sait et ce que l’on fait, explique Thomas

Lewinsohn, spécialiste de la biodiversité et professeur à l’Université d’Etat de

Campinas. Nous ignorons jusqu’où on peut aller sans déstabiliser l’équilibre naturel

au point de l’empêcher définitivement de se recomposer ». Thomas Lewinsohn et son

équipe ont procédé à cet analyse du connu et de l’inconnu du patrimoine naturel

brésilien dans le cadre de la révision en cours de la loi sur l’utilisation des ressources

de la biodiversité.

Tâtonnement à l’aveugle

La conclusion de leur étude est

alarmante dans la mesure où chaque

perte d’une espèce entraine un

changement dont on ignore les

conséquences dans toute la chaine de

l’habitat local. « Le problème,

explique Thomas Lewinsohn, ne

! ##!

réside pas tellement dans l’extinction des espèces, c’est un phénomène naturel, mais

dans la rapidité actuelle de ce processus. Lorsque vous abattez une portion de forêt

pour créer un pâturage, 90% des espèces qui s’installent sont exogènes. Comment

interagissent-elles avec le milieu, personne n’en sait rien. » Pour le chercheur, nous

jouons avec le feu…

Autre risque, la perte économique de ce potentiel. « Sans les connaître, nous passons

à côté d’espèces dont le potentiel d’exploitation économique est peut-être

phénoménal. D’autres, comme les grandes multinationales pharmaceutiques

étrangères pourraient s’en emparer et les exploiter hors du Brésil ». Une perte sèche

pour le pays.

Une armée pour un recensement

La raison de cette méconnaissance ?

Un manque de moyens, il faudrait

engager une armée de gens pour

procéder à un recensement plus ou

moins complet et étudier les différents

écosystèmes, mais surtout une

indifférence généralisée de l’opinion

publique et des autorités. « Personne

ne fait pas la relation entre la perte de

la biodiversité et sa propre survie.

Tant qu’on ne seront pas convaincu qu’ils faut connaître son environnement avant

d’agir pour ne pas en souffrir, les recherches vont continuer à avancer à pas de

tortue» conclut Thomas Lewinsohn.

Comme pour démentir ce pronostic négatif, le gouvernement a lancé au mois de mars

la seconde édition de l’Inventaire Forestier National. Il va durer 5 ans et étudier la

flore d’au moins un espace de forêt tous les 20km. 10’000 personnes vont participer à

cette opération dont le budget est devisé à 150 millions de R$ (86 millions de CHF /

65 millions d’!). Seuls les espèces végétales seront recensées, l’étude ne s’intéressera

donc pas à la faune ou aux bactéries. Elle ne débouchera pas non plus nécessairement

sur l’étude des espèces cataloguées, une tâche à charge ensuite des universités si elles

veulent s’y engager.

C’est donc un effort partiel, mais c’est un premier pas. Le premier Inventaire

Forestier National, et le seul à ce jour, avait été réalisé entre 1978 et 1983. Il devait

être répété 5 ans plus tard, mais les résultats du second inventaire ne seront

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! #$!

disponibles qu’en 2016, 33 après ! En outre, ce premier recensement a été très partiel,

peu de chercheurs formés étaient alors susceptibles d’y participer, et les observations

se sont limitées aux forêts plantées du Centre-Sud du pays. L’Amazonie, dont la

couverture végétale occupe 49% de la superficie du pays avait été totalement ignorée.

Pour aller plus loin : l’Amazonie en photos

Un designer français, Antoine Olivier

et un photographe brésilien, JL Bulcão

ont passé 2 mois dans la forêt

amazonienne en 2009, traquant les

projets d’exploitation de la forêt

respectueux de l’environnement. Le

résultat en est un livre, « Les gardiens

de l’Amazonie » et une exposition,

présentée à Paris début 2011, qu’on

peut voir maintenant à Rio de Janeiro, à l’Espace Culturel de Furnas, Rua Real

Grandeza, 219 – Botafogo. Les gardiens de l’Amazonie abordent le travail des

récolteurs de caoutchouc dans l’Acre, des cultivateurs d’Açai et de guarana des bords

du fleuve Amazone et des casseurs de noix du Brésil du Para. Pour télécharger le

livre : http://www.autresbresils.net/spip.php?article2023

!!!

Environnement en bref, mai 2011

Impuissance face à la biopiraterie ; us et coutumes des indiens Xingus

menacés par le barrage de Belo Monte ; Rio de Janeiro sous l’eau en

2099 ? Les derniers perroquets bleus du Brésil.

Le gouvernement brésilien reconnaît qu’il a les mains liées dans sa lutte

contre « l’escalade de la cueillette illégale de matériel génétique de la

biodiversité brésilienne ». Il lui manque une législation adaptée pour

pincer les fraudeurs et les punir. « Notre seul outil, explique Bráulio

Dias, Secrétaire à la Biodiversité du Ministère de l’Environnement, c’est

la mesure provisoire 2’186, éditée il y a 10 ans, qui ne fixe même pas le

montant des royalties que les entreprises doivent payer pour utiliser les

ressources naturelles, alors que le Pérou, par exemple, s’est donné une

loi fixant à 20% du bénéfice ces royalties. »

! #%!

Conséquence grave de cette

carence, l’envoi indiscriminé de

tonnes de « plantes Mikado »

(syngonanthus elegans) en

Allemagne, une plante

d’ornement d’intérieur existant

seulement au Brésil et en voie de

disparition. Ou encore le fait que

d’après une enquête du

quotidien Globo, plus d’une

centaine d’entreprises

pharmaceutiques, alimentaires,

agroindustrielles cosmétiques

ou de parfumerie ont été priées

par les autorités de justifier leur activité dans ce domaine sans qu’aucune ne donne

suite à cette notification officielle !

Bráulio Dias espère que le parlement votera enfin une nouvelle loi contre la

biopiraterie avant la Conférence de l’ONU Rio +20 en 2012, qui marquera les 20 ans

de la première Conférence Mondiale sur l’Environnement, Rio 92.

Us et coutumes des indiens Xingus menacés par le barrage de Belo Monte

« Chez nous les femmes ont pour coutume d’amener leur bébé avec elle quand elles se

baignent dans la rivière et de les

allaiter dans l’eau. » « Le Rio Xingu,

on s’y baigne, on y pêche, on y lave le

linge, le dimanche on va à la plage

griller du poisson ». Ici il y a plus

d’espèces de poissons que dans toutes

les rivières d’Europe ». « Le Rio Xingu

est mon père, le Rio Xingu est ma

mère, vous allez me dire en face que

vous allez tuer mon père et ma

mère ? »

Ces citations sont extraites de textes d’enfants ou d’entretiens recueillis par le

rapporteur de la Commission des Droits de l’Homme de l’OEA lors de son enquête

auprès des indiens riverains du Rio Xingu, menacés par la construction du barrage de

Belo Monte. Son rapport a donné lieu à une demande de l’OEA au Brésil de

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! #&!

suspendre les travaux de ce barrage (voir Vision Brésil n° 23, avril 2011). Elles ont été

recueillie et publiées par Cecilia Campello do Amaral, anthropologue, qui milite

contre la construction de ce barrage devant assécher en partie un bras de la rivière le

long duquel vivent plusieurs tribus indiennes.

Au delà de la dénonciation, Cecilia Campello do Amaral veut monter que le problème

qui se pose à ces peuples de la forêt va au-delà des dommages matériels et ne peut

être résolu par de simples compensations financières. Selon elle, le « Projet de

Réparation qui reconnaît les pertes non matérielles infligées aux personnes touchées

et propose une compensation en argent pour qu’elles puissent recomposer leur mode

de vie ailleurs » n’est pas viable. « Les sociétés riveraines du Xingu sont constituées

de personnes dont l’existence est complètement intégrée à la dynamique du fleuve. Si

le Rio Xingu meurt, elles vont mourir avec».

Rio de Janeiro sous l’eau en 2099 ?

C’est évidemment des

projections totalement

futuristes, qui, on l’espère,

ne se réaliseront jamais.

Elles ne contribuent pas

non plus à résoudre le

problème des inondations

qui submergent

régulièrement certains

quartiers de la ville lors de

fortes pluies. Fin avril

d’ailleurs, la commission technique du Comité International Olympique, en visite à

Rio de Janeiro, s’est vue interdire l’accès des travaux du stade du Maracanã, où se

déroulera la cérémonie d’ouverture des JO de 2016, noyés justement sous un mètre

d’eau ! Tout de même, les conclusions de l’Institut National de Recherches Spatiales

sont inquiétantes.

Les nouvelles évaluations de l’IPCC, le Groupe Intergouvernemental sur les

Changements Climatiques, font état d’une élévation de 1,5 mètres du niveau de la mer

d’ici 2099, et les experts de l’Institut ont dessiné une nouvelle carte de Rio de Janeiro

sur cette base. Une bonne partie de la région de Jacarepagua, dans la Zone Ouest, où

vont se dérouler la majorité des compétitions olympiques n’existera plus à la fin du

siècle, les plages de la Zone Sud, Copacabana, Ipanema et Leblon sont aussi

menacées, tout comme le fond de la baie de Guanabara, région populaire très habitée.

! #'!

En tout, 10% du territoire de la municipalité de Rio devrait être englouti par l’Océan.

Les derniers perroquets bleus du Brésil

Le réalisateur du film à grand

spectacle et en 3D « Rio » n’a pas

choisi au hasard son acteur principal,

l’Ararinha Azul ou perroquet bleu. Le

fait qu’il ait été clandestinement

envoyé hors du Brésil à sa naissance

n’est pas fortuit non plus. L’Ararinha

Azul à l’état sauvage a en effet

disparu, seuls 71 spécimens

apprivoisés survivent encore, dont 66

hors du Brésil. C’est le Cheik du Qatar

qui est aujourd’hui le plus grand

propriétaire au monde de cet oiseau

natif de la caatinga semi-sèche du

Nord-Est du Brésil.

3 des 4 derniers Ararinha Azuis, identifiés comme faisant partie d’une espèce en voie

de disparition en 1985, sont capturés par des trafiquants en 1987. Le mâle survivant

est encore vu en 1990, il s’est uni à un perroquet d’une autre espèce, le maracanã,

plus petit que lui de 12 centimètres. Ce rescapé et sa famille sont aperçus une

dernière fois en 2000. Depuis, aucun témoignage crédible ne permet de penser que

cette espèce existe encore à l’état libre.

Le Cheik du Qatar, en collaboration avec les autorités brésiliennes, prépare un groupe

d’oiseau de sa possession à une réintroduction dans le Nord-Est du Brésil. Une

opération risquée qui devrait durer 5 ans et dont le succès n‘est pas garanti. Toutes

les tentatives faites jusqu’à présent à partir d’animaux captifs n’ont rien donné.

!!!

Social, mai 2011, en finir avec l’extrême pauvreté ?

Le recensement national 2010 de la population brésilienne vient d’être

rendu public. Il réserve quelques surprises. Ainsi, le taux d’inégalité est

le plus faible depuis 50 ans, conséquence des programmes de

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! #(!

redistribution sociale de la croissance, mais 60,5% de la population ou 34

millions de familles vivent encore avec l’équivalent d’un salaire

minimum par mois, soit 310 CHF ou 235 ! et la moitié des habitations du

pays n’ont pas d’égouts. Et l’extrême pauvreté reste plus importante

qu’on ne le croyait : elle touche 16 millions de personnes et non 10,

comme l’affirmaient les dernières estimations. La Présidente Dilma

Rousseff a promis qu’il n’y aurait plus de misérables au Brésil à la fin de

ses 4 ans de mandat. Cela va être difficile à réaliser.

Les 16 millions de personnes vivant dans l’extrême pauvreté représentent 8,5% de la

population brésilienne. Ceux qui ont bénéficié des programmes d’aide des

gouvernements Fernando Henrique Cardoso et Lula pour sortir de la misère, comme

la Bourse Famille, sont donc moins nombreux qu’imaginé. La majorité de ces

nécessiteux, 9,6 millions se concentrent dans les campagnes du Nord-Est où ils

forment 46% de la population.

! #)!

Portrait type de l’extrême pauvreté

Maria Pereira da Silva, 47 ans, vit à Gameleira, une petite ville du Sertão, à 100 km de

Recife, dans une maison de terre battue, sans sanitaires ni eau courante. Elle a eu 17

enfants, 7 sont morts en bas âge et sa famille dépend des subsides de la Préfecture

pour manger. Maria Pereira n’a pas droit à la Bourse Famille car elle n’a pas de

papiers d’identité.

Son voisin, Heraldo José

dos Santos, 51 ans, en a

une, lui de carte d’identité.

Il touche donc la Bourse

Famille. Cela ne suffit pas

à nourrir les 4 membres de

sa famille, lui-même, son

épouse et 2 enfants.

Heraldo est coupeur de

canne à sucre, mais il n’a

plus d’emploi déclaré

depuis 1982. Il complète

donc le budget domestique grâce à des petits travaux informels et ponctuels. La

plupart du temps, le couple doit se rationner pour nourrir les enfants.

« C’est vrai, l’extrême pauvreté existe encore, même si elle a diminué », reconnaît

Marcelo Neri, de la Fondation Getulio Vargas, qui nuance, cependant, dans un

ouvrage qu’il vient d’achever, « Inégalité et revenus durant la dernière décennie ».

Selon les calculs de ce statisticien, l’indice de Gini de l’inégalité a chuté de0,609 à

0,530 entre 1990 et 2010, – plus cet indice se rapproche de zéro, plus l’inégalité est

faible -, et la proportion des pauvres dans la population brésilienne, qui était de

27,5% en 2001, n’est plus que de 15,3%.

« A la différence de la Chine, de l’Inde, des Etats Unis ou des pays européens où

l’inégalité augmente, au Brésil, elle baisse. Mais il va nous falloir encore 30 ans, au

rythme actuel, pour atteindre le niveau des Etats Unis, 0,42, sur l’indice de Gini de

l’inégalité. »

Eradiquer l’extrême pauvreté ?

La Présidente Dilma Rousseff avait promis, lorsqu’elle a prêté serment le premier

janvier 2011, d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici la fin de son mandat de 4 ans. Elle

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! #*!

se basait alors sur le chiffre officiel de

10 millions de nécessiteux et non de

16 millions comme le révèle le

recensement national. Elle admet

aujourd’hui que l’objectif sera plus

difficile à atteindre que prévu, « mais

il est toujours d’actualité » précise la

Secrétaire d’Etat à l’Eradication de la

Pauvreté, Ana Fonseca.

Joignant la parole aux actes, la

Président vient de présenter le « Plan

Brésil sans Misère ». Il doit servir à définir avec exactitude le public cible visé et les

objectifs à atteindre. Ainsi, la ligne d’extrême pauvreté a été fixée à 70 R$ par mois et

par personne (40 CHF / 30!), proche du chiffre admis comme référence par la

Banque Mondiale, 1,25 US$ par jour et par personne. Ceux qui sont en deçà de cette

ligne de pauvreté seront donc les premiers aidés, à travers notamment le

renforcement du programme de la Bourse Famille en direction des femmes chefs de

famille.

Apprendre à se prendre en main soi-même

Une mesure incontestablement positive, admet dans son blog, Francisco Castro,

professeur d’Economie (http://blogdefranciscocastro.blogspot.com/). « Le respect

de la dignité humaine implique que toutes les personnes puissent vivre sainement, en

sécurité, et avec la

garantie de pouvoir

satisfaire leurs

besoins minimaux. »

Reste que pour ce

spécialiste des

finances publiques,

les politiques menées

ces 16 dernières

années, – la Bourse

Famille et la politique

de stabilisation des

prix à la consommation-, ne représentent que la moitié du chemin vers

l’extermination de l’extrême pauvreté.

! $+!

« Pour améliorer significativement et durablement le niveau de vie des plus pauvres,

il faut que le gouvernement donne aux 13 millions de bénéficiaires de la Bourse

Famille les moyens de se qualifier, d’apprendre un métier afin de leur garantir un

revenu propre. Il faut aussi qu’il stimule les entreprises à engager ces personnes ».

Les autorités doivent aussi, selon Francisco Castro, mettre en place des structures

d’encadrement efficaces et non bureaucratiques pour offrir des crédits à bas taux à

ceux qui désirent monter leur propre affaire.

« Sans ce volet, la Bourse Famille n’est qu’un programme d’assistance sans fin qui

peut lutter contre la grande misère mais pas l’éradiquer ». Certes, on ne vaincra pas

ce défi en un seul mandat de gouvernement, mais celui qui est aujourd’hui en place a

le devoir de tracer des objectifs dans cette direction et d’engager effectivement cette

bataille, conclut Francisco Castro. Il s’agit en somme d’apprendre aux gens à pêcher

au lieu d’attendre que le poisson arrive dans leur assiette. Une recette classique,

certes, mais pas toujours évidente à cuisiner.

!!!

Social en bref, mai 2011

Palier à la pénurie de main d’œuvre qualifiée ; leçon d’anglais dans les

favelas ; expulsions forcées pour la Coupe du Monde 2014 et les J.O. de

2016 ; les Quilombos au Tribunal ; main d’œuvre infantile ; Radios et TV

sous influence.

La pénurie de main d’œuvre qualifiée est aujourd’hui un des principaux

goulets d’étranglement

de la croissance

brésilienne. Les

besoins en maçons,

plombiers, électriciens

pour la construction

civile, en mécaniciens,

électroniciens,

serveurs, cuisiniers

pour les services,

explosent avec les

grands travaux en

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! $"!

cours et les échéances de la Coupe du Monde de 2014 et des J.O. de 2016.

Or les professionnels formés disponibles sur le marché pour répondre à

ces demandes ne sont qu’une poignée car le système de formation au

Brésil ne s’est jamais préoccupé de qualifier ce type de main d’œuvre.

Le gouvernement réagit et lance un vaste « Programme National d’Accès à

l’Enseignement Technique » qui devrait permettre de former 3,5 millions de

professionnels d’ici 2014, 500’000 déjà en 2011. Les ministères de l’Education, du

Travail et de l’Economie, ainsi que les administrations des Etats et les Préfectures

sont mobilisés. 850 nouvelles écoles techniques seront créées dans tout le pays et le

secteur privé est incité à recycler son propre personnel. 2’800 nouveaux professeurs

techniques seront aussi engagés dans cette opération dont le montant n’a pas encore

été chiffré.

Le public cible de cette formation technique sera les élèves ayant terminé l’école

obligatoire, les chômeurs et certains bénéficiaires de la Bourse Famille.

Leçons d’anglais gratuites dans les favelas

Le binôme J.O.2016 et Unités de Police

Pacificatrice dans les favelas a des effets très

positifs à Rio de Janeiro. Parmi eux, l’initiative du

Consulat américain de proposer des cours

d’anglais gratuits aux jeunes de ces quartiers afin

de les aider à entrer dans le monde du travail. Il

est vrai qu’avec l’afflux de visiteurs attendus, la

maîtrise de la langue de Shakespeare devient

indispensable. Les premiers cours sont donnés dans la favela du Morro de Cantagalo

à Ipanema, les suivants seront dispensés aux habitants du Morro da Providencîa à

Gamboa dans le centre, 2 favelas dotées d’UPP, les Unités de Police de Pacification.

Expulsions forcées pour la Coupe du Monde 2014 et les J.O. de 2016 ?

Le « Rapporteur Spécial de l’ONU pour le Droit à un Logement Digne » dénonce des

expulsions forcées d’habitants à Rio de Janeiro, São Paulo, Belo Horizonte, Recife,

Porto Alegre, Curitiba, Natal et Fortaleza, et cela dans le cadre des travaux

préparatoires de la Coupe du Monde 2014 et des Jeux Olympiques 2016. Il ne s’agit

pas, selon le rapporteur d’expulsions collectives « manu militari », mais de manque

de transparence dans les procédures et d’absence de dialogue. Les populations

concernées sont prises de court par des délais trop brefs. La valeur trop basse des

! $#!

indemnisations, obligeant ces

personnes à se reloger à bas coût dans

des zones éloignées de leur lieu de vie,

est aussi dénoncée comme un élément

favorisant la reconstitution et la

multiplication de nouvelles favelas.

La dénonciation est signée par le

Rapporteur Spécial pour le Brésil,

Raquel Ronik, professeur d’Architecture et d’Urbanisme à l’Université de São Paulo,

qui s’est basée sur des plaintes émanant d’ONG’s ou d’avocats commis à la défense

publique des plaignants, mais n’a pas procédé à des vérifications sur le terrain.

Les Quilombos au Tribunal

Bientôt peut-être, enfin, l’heure de la décision judiciaire pour les Quilombos, ces

territoires revendiqués par les afro-descendants. Un décret, signé par le Président

Lula en 2003, leur accorde au titre de « réparation historique », le droit de s’installer

collectivement sur des terres qui ont été historiquement des lieux de regroupement

des esclaves fugitifs. Le DEM, parti d’opposition de droite a en effet déposé une

plainte devant le Tribunal Suprême Fédéral, il y a quelques années déjà, pour

« inconstitutionnalité » de cette décision. A l’origine, le fait que plusieurs des

territoires revendiqués sont aujourd’hui d’intérêt stratégique pour le pays, telle la

base de lancement de satellites d’Alcantâra, voisine de São Luis dans le Maranhão.

Elle devrait être en partie évacuée si les « Quilombolas » obtiennent gain de cause.

Le DEM met aussi en question les

modalités permettant de définir un

territoire quilombo, des modalités qui

se basent sur l’expertise par des

anthropologues de « récits oraux

justifiant l’identité culturelle et

ethnique des demandeurs » et non sur

des critères de descendance

généalogique. De son côté, la

Fondation Palmeras, chargée de mener ces enquêtes ethnologiques, explique que

jusqu’à présent 1’000 titres de Quilombos ont été attribués, mais que 3’000 autres

sont en attente de formalisation. Parmi eux, beaucoup sont situés en zone urbaine.

Le Tribunal Suprême Fédéral n’a pas encore formellement fixé la date à laquelle il

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! $$!

débattra de cette question, mais ce pourrait être pour bientôt.

Main d’œuvre infantile

Encore beaucoup trop d’enfants au travail au

Brésil ! Cette fois, c’est sur les employés de

maison que les projecteurs se braquent. Les

fillettes oeuvrant à des travaux domestiques

contre rémunération plus particulièrement. Elles

seraient 102’000, entre 10 et 14 ans à laver ainsi

la vaisselle et le linge contre salaire, selon une

évaluation nationale datant de 2009. C’est

30’000 de moins qu’en 2001 certes, mais c’est encore trop, le travail des enfants étant

interdit au Brésil. La grande majorité de ces employées mineures se concentre dans

les régions Nord et Nord-Est du pays.

Radios et TV sous influence

Prise de position publique inédite de

l’UNESCO qui met en question un

article de la Constitution déterminant

que l’octroi de concessions radio et TV

doit être approuvé par le Congrès et le

Sénat. « Mettre entre les mains du

pouvoir législatif l’octroi de telles

concessions est une anomalie qui

menace la démocratie et viole la

garantie des Droits de l’Homme »

justifie l’UNESCO. L’Organisation des Nations Unies pour l’Education la Science et la

Culture suggère la création d’une agence régulatrice des médias, indépendante des

intérêts politiques et économiques du secteur, qui approuveraient ces concessions,

sur le modèle de ce qui existe dans d’autres pays démocratiques.

L’UNESCO questionne aussi la concentration de la propriété des moyens de

communication au Brésil et recommande d’établir « des règles plus solides en la

matière ». Sont notamment montrées du doigt les difficultés que rencontrent les

radios et télévisions communautaires pour obtenir légalement le droit d’émettre, des

médias qui sont proches de leur public local et indépendants des grands groupes de

presse.

! $%!

Réaction virulente et outragée de l’ABERT, l’Association Brésilienne des Emetteurs

de Radio et de Télévision qui rejette en bloc l’appel de l’UNESCO. « Le fait d’avoir

donné au Congrès le droit d’approuver les concessions a été une conquête de la

démocratie » affirme Roberto Antonik, Directeur de l’Association.

L’ABERT maintien un lobby très actif auprès des parlementaires

de Brasilia pour défendre ses intérêts.

C’est ainsi que l’ex-ministre des Transports et Communications du

gouvernement Lula, Hélio Costa était l’ancien correspondant à

New York de TV Globo et son collègue de la

Communication Sociale Franklin Martins, journaliste à TV

Bandeirantes. Hélio Costa est maintenant sénateur, Franklin

Martins, lui, déchargé de toute responsabilité politique, envisage

de reprendre son activité de journaliste de télévision.

L’ABERT se montre aussi sceptique vis à vis d’une autre

recommandation de l’UNESCO : introduire des quotas pour

permettre la diffusion de contenus nationaux (50%), locaux (10%) et indépendants

(10%). Elle affirm que les petits émetteurs auraient de la peine à respecter ces

exigences.

!!!

Nouvelles de la planète football, mai 2011

Mai et juin sont

traditionnellement au

Brésil les mois des

finales des différents

championnats de

football régionaux et

nationaux. Alors bien

sûr, au pays du ballon

rond, on ne peut pas

échapper à la chose,

même si on n’est pas

très fan de foot.

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! $&!

D’autant que cette année, la mythique équipe de Flamengo est une fois de

plus champion de Rio de Janeiro et que de nombreuses stars brésiliennes

des clubs européens reviennent au pays où ils retrouvent la gloire et des

salaires très confortables.

Notre confrère du « Petit Journal », Luca Roxo grand connaisseur, a

mené l’enquête, et comme et ne suis pas moi-même un spécialiste en la

matière, c’est avec plaisir que je reproduis ses reportages dans cette

édition de Vision Brésil.

Planète football (1) Flamengo, le triomphe de tout un

peuple ?

Vainqueur aux tirs aux buts de la

Taça Carioca, le club de Ronaldinho

est champion de l’Etat de Rio de

Janeiro pour la 32ème fois de son

histoire après un parcours quasi-

parfait, pour le plus grand bonheur

de ses supporters. Gros plan sur le

club le plus populaire du Brésil.

Dimanche, aux alentours de 17h30,

Rio est envahi par les cris et les

chants des rouges et noirs, les couleurs de Flamengo. Les terrasses des bars se

soulèvent, les voitures klaxonnent à la fin de la séance de tirs aux buts clôturée

victorieusement par Thiago Neves, l’autre star de l’équipe. Ronaldino, le capitaine,

brandit le trophée, Flamengo gagne son 32ème titre de champion de l’Etat de Rio, et

se pose en candidat sérieux au championnat national, qu’il a remporté 6 fois. Ce n’est

pas seulement la ville de Rio, mais tout le pays qui entre en ébullition, et se partage

entre les pros et les antis. Car Flamengo est un club qui ne laisse pas indifférent.

Club le plus populaire du Brésil, il devance les Corinthians de São Paulo, l’ancien club

de Ronaldo. Dans un pays où les championnats fonctionnent par Etat, Flamengo a la

particularité de dépasser les frontières de celui de Rio. Son premier moment de

gloire, au début des années 20 a été parallèle au développement de la radio. Dans les

Etats les plus pauvres, notamment dans le Nord, où les clubs de foot n’avaient pas

encore de structures suffisantes, les gens suivaient les exploits de Flamengo dans le

championnat carioca. Les matchs de Rio étaient les seuls retransmis dans tout le

pays.

! $'!

De Rio, Flamengo est finalement devenu le club de tout un pays. La popularité des

rouges et noirs s’est construite en plusieurs temps. Créé en 1895, Flamengo est

d’abord un club de régates. C’est en 1911 qu’apparaît l’équipe de football : cette

année-là, un désaccord dans l’équipe de Fluminense entraîne la sortie de la moitié du

groupe, qui décide de quitter le club et de créer une nouvelle équipe, à Flamengo.

C’est à ce moment-là que

naît la fameuse rivalité

entre les deux clubs,

communément appelée le

« Fla- Flu ». Le journaliste

reconnu, Nelson

Rodrigues, les qualifiera de

« Frères Karamazov du

football » : les deux se

détestent, mais ne peuvent

vivre l’un sans l’autre.

Flamengo, le club des plus pauvres

« C’est dans les années 20 que sa réputation de club populaire surgit », explique

Bernardo Buarque de Hollanda, historien spécialisé dans le football. « Sans aucun

terrain pour jouer, les joueurs s’entraînaient sur la plage, ou dans les rues du

quartier Flamengo. » Ainsi, aucune barrière ne les séparait du public, aucun stade ne

les fermait de l’extérieur. De cette manière, des gens s’arrêtaient pour les regarder

jouer, des personnes provenant de classes sociales basses, dont les finances ne

permettaient pas d’aller au stade. A cette époque, au Brésil, le football est un sport

d’élite, et les tribunes sont remplies par l’aristocratie. Pour l’anecdote, le terme

‘torcedores’, synonyme de supporters en portugais du Brésil, tire son origine de cette

période : les jeunes femmes aristocrates emmenaient leurs mouchoirs au stade,

qu’elles passaient le match à ‘torcer’ (tordre).

La construction d’un stade dans le quartier de Gavea, dans les années 30, a contribué

à poursuivre cette réputation de club populaire. Alors qu’aujourd’hui Gavea est

considéré comme un quartier riche, il était à l’époque en pleine industrialisation, et

l’équipe s’entraînait d’ailleurs juste à côté d’une favela (favela do Pinto). D’où

l’imaginaire populaire qui a continué à coller à la peau du club rouge et noir.

Un club de « vautours »

Le second grand moment de gloire du Mengão (surnom de Flamengo) survient donc

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! $(!

au début des années 40, lorsque la bande de Zizinho mène le club vers un triplé

(1942, 1943, 1944) dans le championnat carioca. Dans les années 60, le championnat

est dominé par Botafogo, puis par Fluminense au début des années 70 ; Flamengo ne

peut rivaliser. Son statut de club des plus défavorisés et la réputation violente de ses

supporters amène les

autres clubs à

caractériser les

flamenguistes de

« vautours ». En 1969,

ces derniers retournent

la situation, et lors de la

finale du championnat

carioca, un supporter

lance un vautour dans le

stade du Maracana.

Flamengo l’emporte après une longue période de disette, et adopte l’animal comme

mascotte et symbole.

L’année 1978 marque le début d’une période faste pour l’équipe rouge et noire,

emmenée par le phénomène Zico. 5 championnats de Rio, 2 championnats brésiliens,

et un motif de gloire pour tout le Brésil : la victoire 3-0 contre Liverpool en finale de

la Coupe Intercontinentale. Flamengo, club de vautours, a réussi à unir tout un

peuple. Ce caractère national le suit jusqu’à aujourd’hui, ce qui fait de lui un club si

spécial. « Je ne vois aucun autre club qui cristallise les supporters, non seulement

d’une ville, mais de tout un pays », poursuit Bernardo Buarque de Hollanda. « En

Europe, du moins. En Argentine, c’est peut-être le cas de Boca Junior ».

Flamengo évolue aussi au rythme de ses supporters, considérés comme les plus

violents de Rio. Lors de la toute récente finale contre Vasco, 9 blessés graves ont été

recensés, et 101 arrestations effectuées. C’est probablement l’oeuvre de la ‘Torcida

Jovem’, groupe de supporters ultras créé en 1967 et reconnu pour ses frasques hors

du terrain, mais aussi pour son engouement les jours de match. D’autres groupes de

supporters viennent également animer les parties, comme notamment le groupe

‘Raça rubo-negro’, qui compte (selon ses propres chiffres) plus de 60.000 adhérents.

Après un trou entre 1992 et 2007, dû notamment à des difficultés économiques,

Flamengo est de nouveau champion du Brésil en 2009, suite à une remontée

exceptionnelle. Mais l’année 2010 marque une énorme crise médiatique avec

l’arrestation de son gardien star, Bruno, accusé d’avoir tué sa maîtresse à cause de

! $)!

problèmes d’argent. L’arrivée de Ronaldinho est ainsi venue relancer une saison mal

partie, et fait espérer le meilleur pour le championnat brésilien qui arrive.

Lucas ROXO (www.lepetitjournal.com – Rio de Janeiro) vendredi 06 mai

Planète football (2)- Retour au pays pour de nombreux

joueurs

En 2010, le Brésil a été le

pays à rapatrier le plus de

joueurs – 135 au total – et

notamment des stars

comme Deco ou

Ronaldinho. Pré-retraite

ou nouveau départ? Si

certains moquent leurs

envies de carnaval, les

explications semblent

avant tout financières

« A chaque fois que je venais à Rio, on me disait de me faire transférer ici, parce que

mon âme est carioca. Ils avaient raison. Je suis très heureux, je suis né avec la

samba dans le sang et ici c’est le royaume du divertissement. J’aime la musique et

lemélange, je voudrais que ma maison soit toujours remplie de gens », a récemment

déclaré Ronaldinho.

Arrivé l’année dernière à Flamengo, provoquant l’ire de son club formateur, Grêmio,

qui ne lui pardonnera sans doute jamais cet affront, Ronaldinho semble heureux là

où il est. D’autant plus que ses potes Ronaldo et Adriano (ce dernier venant d’arriver

aux Corinthians de São Paulo) ont promis de venir écumer les plages cariocas aux

prochaines vacances. Voilà qui n’est pas sans rappeler de mauvais souvenirs à Carlos

Alberto Parreira, sélectionneur du Brésil lors de la Coupe du Monde 2006, qui avait

bien eu du mal à les empêcher de faire la fête les veilles de match.

Mais cela ne s’arrête pas là : l’année dernière, 135 joueurs sont revenus au pays, dont

10 au seul club de Flamengo. Et pas n’importe lesquels, puisqu’il s’agit de joueurs tels

que Roberto Carlos, Deco, Fred, Robinho, bientôt rejoints par Juninho, l’ancien

lyonnais, qui va s’engager avec Vasco de Gama. Le championnat brésilien regorge

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! $*!

d’anciennes gloires revenues au pays. Ainsi, quand Corinthians et Fluminense

luttaient pour la tête du Brasileirão, les chocs voyaient s’affronter Ronaldo et

Roberto Carlos d’un côté, Deco et Fred de l’autre. Avantage aux seconds.

Pré-retraite?

Ce qui impressionne le

plus, c’est la moyenne

d’âge des revenants : 29

ans. A bientôt 38 ans et

après une pige en

Ouzbékistan, Rivaldo vient

de s’engager avec le Sao

Paulo FC. En France, son

âge aurait fait reculer tout

le monde. Pas au Brésil.

« Rivaldo sera le cerveau

de notre équipe », affirme

joyeusement Paulo César

Carpegiani, coach de son équipe d’accueil.

Pour quels résultats? Si on ne peut pas encore jauger le niveau de Rivaldo, on peut

s’interroger sur le succès de ceux qui ont jadis semé la terreur dans les défenses

européennes. Sur le plan sportif, le bilan est mitigé. Si Fluminense a bel et bien été

champion, Fred a raté une grande partie de la saison à cause de blessures, et Deco, à

court de condition, était cantonné au banc des remplaçants ; pendant ce temps- là,

son concurrent au poste de meneur de jeu, Conca, empochait le titre de joueur de

l’année. Aux Corinthians, Ronaldo a fait parler son sens du but lorsqu’il a joué, ce qui

n’était pas si fréquent, alors que Roberto Carlos, 40 ans, est resté indéboulonnable

dans son couloir gauche. Enfin, Ronaldinho a réussi à gagner le championnat carioca

avec Flamengo, et même si son niveau de jeu est resté plus que moyen, c’est lui qui

fait gagner la finale d’un coup-franc victorieux.

C’est plus sur le plan économique que ces transferts rapportent. Le président des

Corinthians, Andres Sanchez, ne s’y est pas trompé en misant sur le fait que la venue

de Ronaldo remplirait sans doute plus les caisses que les filets adverses. Et à raison :

le chiffre d’affaires a augmenté de 44% avec l’arrivée d’El Fenomeno, tous les

supporters de Corinthians ont son maillot sur les épaules. Le résultat a été

sensiblement le même pour Flamengo, surtout lorsqu’on voit que chaque but de

Ronaldinho est fêté telle une victoire en finale de Coupe du Monde, et qu’un char lui a

! %+!

même été dédié pour le carnaval.

Une explication : la crise économique européenne

Si les raisons sportives ne

manquent pas pour

expliquer leur retour au

bercail (relancer sa

carrière pour Robinho,

reconversion dans

l’encadrement pour

Ronaldo et Juninho), il

faut aller chercher du côté

des finances européennes

pour comprendre

l’ampleur du phénomène. Ces dernières années, avec une situation économique bien

plus favorable aux pays émergents, et l’impact de la crise économique sur les marchés

occidentaux, les clubs européens ont du fermer leur porte-monnaie. D’autant plus

lorsque le real a atteint un taux record, ce qui a permis aux clubs brésiliens, au

contraire, bien plus de folies.

« Il y a aujourd’hui un important flux de joueurs en raison de la crise économique,

qui a obligé les clubs européens à faire des ajustements dans leurs comptes« ,

affirme Luiz Gonzaga Belluzzo, économiste, ex- secrétaire en politique économique

du ministère du Travail et actuel Président du club de Palmeiras. « Les comptes en

banque réduisent la marge attribuée aux recrutements et la vente de joueurs

étrangers, c’est un peu le coup de main des athlètes pour alléger la masse

salariale« , complète-t-il. Le phénomène se fait également ressentir en volley.

Une parfaite illustration de ce phénomène est le cas de Robinho, qui est revenu jouer

pour Santos pendant 6 mois l’année dernière. Acheté 42 millions d’euros par

Manchester City en 2008, le joueur a été prêté sans aucun coût pour le club brésilien.

De cette manière, le club anglais fait quant à lui une économie, pour 6 mois, de 5,25

millions d’euros en salaire. D’autant plus que Robinho n’a pas eu l’effet marketing

d’un Cristiano Ronaldo ou d’un Kaka au Real.

On le voit, le phénomène satisfait des deux côtés. Les clubs font des économies sur

des joueurs qui, avouons-le, avaient des difficultés à continuer à être dominants en

Europe. Quant aux joueurs, ils se refont une santé dans un championnat au niveau

moins soutenu, et dans lequel ils sont de véritables stars. Ainsi, Ronaldinho espère

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! %"!

réintégrer la Seleção en jouant pour Flamengo, tout en bénéficiant d’un salaire

(30.000 euros par jour). « Ronaldinho a ce qu’il mérite, on parle là de quelqu’un qui

a un talent hors du commun », commente son copain Ronaldo, qui est lui devenu

recruteur pour les Corinthians. Qui sait, peut-être suivront-ils ensuite le même

chemin que Bebeto ou Romario, devenus politiciens et élus députés.

Lucas ROXO (www.lepetitjournal.com – São Paulo) jeudi 28 avril 2011

Le onze de départ des rapatriés brésiliens : Ronaldo – Alex Silva, Edmilson e RobertoCarlos;

Corrêa, Juninho e Robinho; Adriano, Vágner Love, Fred e Ronaldinho.

!!!