vingt-cinq ans de prÉvision numÉrique du temps...

6
La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995 H I S T O i R E 12< VINGT-CINQ A N S D E PRÉVISION NUMÉRIQUE DU TEMPS À ÉCHELLE FINE (1968-1993) De l'adaptation dynamique à maille fine au modèle Péridot Daniel Rousseau* 1) , Hong Le Pham <2) et Régis Juvanon du Vachat 3 ' (1) Météo-France, École nationale de la météorologie 42, avenue Custave-Coriolis, 31057 Toulouse Cedex (2) Météo-France, Direction générale, Paris (3) Météo-France, Direction interrégionale Île-de-France - Centre, Paris RESUME Cet article fait le bilan des recherches menées en France en vue de déve- lopper un modèle numérique de prévision météorologique à échelle fine (35 km sur la France). Ces efforts ont commencé en 1968 avec des expé- riences préliminaires d'adaptation dynamique. Ils ont débouché sur le modèle AMF utilisé notamment pour l'expérience Alpex 82. Le projet de recherche Péridot a été lancé en 1982 dans le but de bâtir un système plus complet de prévision numérique, qui a été utilisé de façon opérationnelle entre février 1985 et octobre 1993. Après une présentation historique com- mençant en 1968, on résume les principaux résultats obtenus. Entre 1985 et 1993, l'augmentation de la puissance de calcul a permis d'agrandir le domaine géographique couvert par le modèle Péridot et d'utiliser une maille plus fine (10 km pour la recherche et même 3,5 km pour la prévision opéra- tionnelle sur les Alpes pendant les Jeux olympiques d'hiver en 1992). ABSTRACT This paper reviews the continuous efforts by French researchers to deve- lop the numerical simulation and prédiction of atmospheric flows at fine scale (35 km over France). Thèse efforts started since 1968 with the prelimi- nary experiments using dynamical adaptation technique leading to the AMF (AMéthyste France) model used to cover ALPEX 82 (ALPine EXperiments). Then the Péridot research project was launched in 1982, aiming to build a more complète numerical weather prédiction system, ope- rational in February 1985 up to October 1993. After a historical survey beginning in 1968, the main results obtained in thèse particular fields will be highlighted. Also the strategy concerning the use of computer power during the 1985-1993 period will be discussed: extension of the area of the operational model, use of finer mesh (10 km for research experiments and even 3.5 km for operational prédiction model during the 1992 winter Olympic Games).

Upload: buituong

Post on 24-Aug-2018

213 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995

H I S T O i R E

12<

V I N G T - C I N Q A N S D E P R É V I S I O N

N U M É R I Q U E D U T E M P S

À É C H E L L E F I N E ( 1 9 6 8 - 1 9 9 3 )

De l'adaptation dynamique à maille fine au modèle Péridot

Daniel Rousseau*1), Hong Le Pham<2)

et Régis Juvanon du Vachat3' (1) Météo-France, École nationale de la météorologie 42, avenue Custave-Coriolis, 31057 Toulouse Cedex (2) Météo-France, Direction générale, Paris (3) Météo-France, Direction interrégionale Île-de-France - Centre, Paris

RESUME Cet article fait le bi lan des recherches menées en France en vue de déve­lopper un m o d è l e n u m é r i q u e de prév i s ion m é t é o r o l o g i q u e à éche l le fine (35 k m sur la France ) . Ces efforts ont c o m m e n c é en 1968 avec des expé­r i e n c e s p r é l i m i n a i r e s d ' a d a p t a t i o n d y n a m i q u e . I ls ont d é b o u c h é s u r le modè le A M F utilisé n o t a m m e n t pour l 'expérience Alpex 82 . Le projet de recherche Péridot a été lancé en 1982 dans le but de bâtir un système plus comple t de prévis ion numér ique , qui a été util isé de façon opérat ionnel le entre février 1985 et octobre 1993. A p r è s une présentat ion historique com­mençant en 1968, on résume les principaux résultats obtenus . Entre 1985 et 1 9 9 3 , l ' a u g m e n t a t i o n d e la p u i s s a n c e de ca lcu l a p e r m i s d ' a g r a n d i r le domaine géographique couvert par le modèle Péridot et d'uti l iser une maille plus fine (10 km pour la recherche et m ê m e 3,5 km pour la prévis ion opéra­tionnelle sur les Alpes pendant les Jeux o lympiques d'hiver en 1992).

ABSTRACT This paper reviews the cont inuous efforts by French researchers to deve-lop the numer ica l s imulat ion and prédict ion of a tmospher ic f lows at fine scale (35 k m over France) . Thèse efforts started since 1968 with the prelimi-nary e x p e r i m e n t s us ing d y n a m i c a l a d a p t a t i o n t e c h n i q u e l ead ing to the A M F ( A M é t h y s t e F r a n c e ) m o d e l u s e d to c o v e r A L P E X 8 2 ( A L P i n e E X p e r i m e n t s ) . T h e n the Pér idot research project w a s l a u n c h e d in 1982, a iming to build a more complète numerical weather prédict ion system, ope-rational in February 1985 up to October 1993.

After a historical survey beginning in 1968, the main results obtained in thèse part icular fields will be highl ighted. A l so the strategy concerning the use of c o m p u t e r p o w e r d u r i n g the 1 9 8 5 - 1 9 9 3 p e r i o d wil l be d i s c u s s e d : extension of the area of the operational model , use of finer mesh (10 k m for re search e x p e r i m e n t s and even 3.5 k m for operat iona l préd ic t ion mode l during the 1992 winter Olympic Games) .

130 La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995

L'ÉTAT DE L'ART EN 1968

Les participants au symposium de l 'Organisation météorologique mondiale (OMM, W M O en anglais) et de l'International Union of Geodesy and Geophysics (IUGG), qui s'est t enu à Tokyo, au Japon, du 26 novembre au 4 décembre 1968 . Parmi eux, on notera la présence de R. P. Pearce (Royaume-Uni, n° 1), A. Eliassen (Norvège, n° 2), F. G. Shuman (États-Unis, n° 5), B. R. Dôôs (Suède, n° 11), J. G. Charney (États-Unis, n° 17), F. H. Bushby (Royaume-Uni, n° 21), E. H. Sundqvist (Suède, n° 22), C. E. Leith (États-Unis, n° 30), A. C. Wiin-Nielsen (États-Unis, n° 31) , G. J. Haltiner (États-Unis, n° 32), T. N. Krishnamurti (États-Unis, n° 33) , M. M a g a t a (Japon, n° 35) , P. Q u e n e y (France, n° 36) , R. Sadourny (France, n° 37), P. R. Morel (France, n° 38), H. L. Kuo (États-Unis, n° 46), H. Reiser (République fédérale d 'Allemagne, n° 81), G. Dady (France, n° 93), H. Trochu (France, n° 94), A. Kasahara (États-Unis, n° 95), K. Miyakoda (États-Unis, n° 107), A. Arakawa (États-Unis, n° 109) et I. Hirota (Japon, n° 139).

Le modè le de prévis ion Pér idot a assuré de maniè re opéra t ionne l le la p ré ­vision numérique en France de février 1985 à octobre 1993, soit environ huit ans et huit mois. Le projet de développement ayant abouti à son exploitation s'est déroulé de 1979 à 1985. Mais c 'est depuis vingt-cinq ans, en 1968, qu 'on t été entamées, à la section de Prévision numér ique de l 'Etabl issement d ' é tudes et de recherches météoro logiques ( E E R M / P N ) de la Direct ion de la Météoro logie nat ionale , les recherches nécessaires. De cette époque datent en effet les expériences de faisabilité p réa l ab le s et m ê m e ce r t a ines op t ions de modé l i s a t i on qui seront c o n s e r v é e s jusqu 'en 1993. Il est donc intéressant d 'évoquer tout d 'abord cette époque, à bien des égards importante pour le développement de la prévision numérique en France.

Après l 'expérience historique de Charney, Fjortoft et von Neumann, qui réalisè­rent avec succès la première prévision numérique météorologique expérimentale par calculateur électronique en 1949 (Charney et a l , 1950), l 'utilisation opération­nelle des modèles de prévision numérique s'est progressivement imposée aux ser­vices météorologiques. En 1968, les États-Unis avaient une expérience d 'une dou­zaine d 'années et venaient - le 6 juin 1966 - de mettre en exploitation un modèle utilisant les «équations primitives» - le modèle Shuman (Shuman et Hovermale, 1968) - alors que, j u s q u ' à cette date, l ' emplo i des modè les «filtrés» (uti l isant l ' approximat ion quasi géost rophique) était de règle. Cette évolution faisait suite aux récents succès spectaculaires des premiers modèles g lobaux de simulation de la circulation générale de l ' a tmosphère (Smagor insky et al., 1965 ; Leith, 1965 ; Mintz, 1965). Le congrès international de prévision numér ique de Tokyo en 1968 témoigne de toute cette activité.

En France, G. Dady menait et dirigeait des recherches en prévision numérique, notamment dans le domaine de la représentation spectrale des champs météorolo­giques - méthode qui s'est imposée ensuite pour les modèles globaux de prévision -

La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995 131

LA PRÉVISION RÉGIONALE

Parmi les spécialistes en prévision numérique présents au congrès de Tokyo (1968) :

J. G. Charney (États-Unis)

F. G. Shuman (États-Unis)

HISTORIQUE DES MODÈLES

FRANÇAIS

M. Magata (Japon) et P. Queney (France), au premier plan, de gauche à droite

à l 'aide d 'un calculateur expérimental, le K L 901 (Pône, 1993). Une mission aux États-Unis de J. Labrousse et J. Lepas, en 1965, devait contribuer à déterminer les moyens nécessaires à l 'établissement d 'une prévision numérique opérationnelle en France. De plus, une poli t ique de développement de la recherche fut engagée par la Direction de la Météorologie nationale ; dans le cadre de cette poli t ique, une d iza ine de j eu n es ingénieurs bénéf ic ièrent alors de s tages de recherches post d ip lômes dans les laboratoires étrangers les plus en pointe entre 1965 et 1970. C 'es t en 1968 que fut opérationnel le premier centre de calcul assurant l 'exploi­tation et que furent ensuite mis en place les premiers modèles : modèles baro-tropes, puis filtrés à plusieurs niveaux vert icaux pour l 'opérat ionnel , modèles à équat ions primit ives pour la recherche.

En 1968, au niveau international, l 'effort principal portait sur la prévision à grande échelle. Le modèle Shuman utilisé aux États-Unis avait une maille de cal­cul de 381 k m et six n iveaux. Dans le cadre d ' un projet de recherche , furent cependant entreprises en France, dès cette époque , les études de faisabilité d ' une approche de météorologie dynamique pour la prévision à échelle fine. Les études analyt iques et théoriques de P. Queney en France sur les ondes de relief, ainsi que des expériences numér iques utilisant les m ê m e s méthodes que la prévision numér ique de Maga ta (1969) pour s imuler la circulation autour du mont Fuji, par exemple , étaient des encouragements à entamer des études dans ce sens. C 'es t donc à cette époque que furent cons t ru i t s les premiers modè le s pour s imuler l ' influence du relief de la France sur les courants a tmosphér iques (Rousseau et Pham, 1970) , et résolus les p rob lèmes liés à l 'u t i l i sa t ion des modè l e s sur un domaine limité (Rousseau, 1969). La grille alors choisie par commodi té était une décomposi t ion de la grille sur laquelle on disposait de données analysées, et qui était celle du modè le américain du National Meteorological Center , mais avec une définit ion dix fois plus fine. Ceci est l ' expl ica t ion de la gril le de Pér idot (mail le de 38,1 km à 60° N, soit 1/2 pouce sur une projection s téréographique polaire au 1/3 000 000), soit environ 35 km au-dessus de la France, qui a conservé ainsi, j u s q u ' e n 1993, une trace lointaine des premiers modèles de l 'histoire de la prévision numér ique .

L ' é tude prél iminaire avait été faite en 1968 avec un modè le barotrope à équa­tions primitives. La maille choisie était donc égale au dixième de celle du modèle de prév is ion hémisphé r ique qui fournissai t les cond i t ions init iales au modè l e d 'adapta t ion. Cette é tude mit en lumière les possibil i tés ultérieures des modèles à domaine limité en prévision numér ique (Rousseau et Pham, 1970). Par ailleurs, un modèle à trois d imensions comprenant 3 1 x 3 1 points de grille horizontale et d ix n i v e a u x v e r t i c a u x i r r é g u l i è r e m e n t e s p a c é s (p lu s s e r r é s d a n s les b a s s e s couches) avait permis l 'é tude de l 'act ion dynamique sur l ' a tmosphère en utilisant d ' abord un relief fictif, puis le relief adouci de la France. Le pas de temps était égal à 60 secondes. Des situations fictives avec des vents de différentes direc­tions montrèrent que l 'adaptat ion dynamique au relief était possible.

Les études d 'adapta t ion dynamique remontent donc à 1968, à la Direction de la Météorologie nationale. Ensui te , les activités de recherche se reportèrent vers des échelles plus larges. En effet, un essai peu concluant d 'ut i l isat ion en France du m o d è l e S h u m a n , en 1970 et 1 9 7 1 , inc i ta l ' E E R M / P N à d é v e l o p p e r d e s m o d è l e s e m b o î t é s à équa t i ons p r imi t i ve s : d o m a i n e h é m i s p h é r i q u e à ma i l l e 380 km (modèle A) et domaine Europe à mail le 190 km (modèle B) . Le code dynamique mis au point pour les expériences d 'adaptat ion régionale fut utilisé pour ces déve loppements , qui nécessi tèrent l ' introduct ion des paramétr isa t ions phys iques dans le modè le et la concept ion d ' u n e chaîne complète de prévision numérique, de l ' initialisation à la vérification des prévisions. Ainsi , les premiers modèles français à équations primitives furent disponibles pour les prévisionnistes de Paris (modèle B, de 1972 à 1979 ; modèle A, de 1974 à 1976), en complément des modèles filtrés qui étaient alors les modèles opérat ionnels de base . En 1974, des expériences furent reprises en adaptation dynamique (modèle C, maille 35 km) avec un modèle comportant désormais toutes les paramétr isat ions physiques per­mettant, entre autres, l ' adaptat ion du champ de précipitat ions.

Les nouveaux moyens techniques apportés par le calculateur électronique C D C 6400 permirent alors le développement du système de prévision Améthyste et la réalisation de la prévision régionale. Le modèle C, adapté au système Améthyste ,

132 La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995

Parmi les spécialistes en prévision numérique présents au congrès de Tokyo (1968) :

G. Dady (France) et M.Trochu (France) au premier plan, de gauche à droite

LE PROJET PÉRIDOT ET LES

DÉVELOPPEMENTS

est devenu le modèle A M F (Améthys te France) et a été utilisé c o m m e modèle d 'adaptat ion pour une échéance de 3 heures. Le pas de temps est alors égal à 3 minutes. A M F reste le modèle d 'adaptat ion pour les études dont le domaine est limité à la France ( 3 1 x 3 1 points de grille et dix niveaux verticaux).

En 1982, avec le nouveau calculateur Cyber C D C 175, le modè le Péridot voit le jour . Le domaine est étendu à 51 x 51 points de grille et à quinze niveaux, tou­jours irrégulièrement espacés et plus serrés dans les basses couches . Une série de dix si tuations météoro log iques type a été sélect ionnée, afin de mettre au point Pér idot et de lui adap te r la p h y s i q u e du m o d è l e à g rande mai l l e A m é t h y s t e . Péridot est aussi utilisé pour l ' é tude des s i tuat ions météoro logiques except ion­nelles.

En 1983, la m ê m e version de Péridot est implantée sur le Cray 1 du Centre européen de Reading. Il sert de modè le d ' é tude pour améliorer les paramétr isa-tions physiques et pour l 'analyse des si tuations étant donné sa souplesse d ' adap ­tation à différents doma ines géograph iques (étude de cyc logenèse en Médi ter ­ranée, campagne Alpex en 1982, campagne Vallée du Rhône en 1977, dépressions polaires, Jeux o lympiques en 1992, etc.). En février 1985, Péridot devient opéra­tionnel sur le Cray 1 du Centre de calcul vectoriel à Palaiseau et réalise des prévi­sions d 'adapta t ion à 36 heures.

A v e c le Cray 2, au mois de ju in 1987, le d o ma i n e d ' adap ta t ion de Pér idot passe de 51 x 51 à 95 x 95 et, en février 1991, son domaine est agrandi à 1 1 9 x 1 1 9 points de grille. Péridot a été remplacé le 18 octobre 1993 par Arpège , modèle global à maille variable de définition horizontale équivalente à celle de Péridot sur la France .

Le projet Péridot a pris la suite des déve loppemen t s sur l ' adapta t ion dyna­mique du modè le A M F (adapta t ion à mail le fine). La résolut ion (35 km) qui représente finement le relief français (couloir rhodanien, par exemple) permettait de reproduire la plupart des vents régionaux : mistral , t ramontane , bise, cierzo.. . Une proposit ion de développement d 'un sys tème d 'ana lyse et de prévision fines j u s q u ' à 24 heures d ' é c h é a n c e fut faite au Consei l de la recherche mé téo ro lo ­gique, le 28 novembre 1979. Il s 'agissait alors de développer un projet complet de prévision numér ique avec un modè le à domaine l imité de type A M F , mais avec aussi une analyse à cette échelle. Diverses idées étaient en effet dans l 'air à cette époque :

- analyse incluant des données satel l i tales (la résolut ion nomina le du sondeur T O V S à bord des satellites N O A A est de 35 km) ,

- initialisation par modes normaux (Brièrc, 1982),

- ensemble complet de paramétr isat ions physiques avec no tamment les essais sur la convect ion (Joly, 1984).

Le déve loppement de l ' ensemble peut se mettre en place dès 1981 , avec un groupe dont les tâches sont clairement définies. La possibili té de rester à Paris, dans le cadre de la Prévision numér ique , était assortie d 'une place précise dans l ' o rgan igramme et le transfert de connaissances entre les partants et les restants eut lieu pendant l ' année 1981-1982 1 " .

L ' inclusion des données satellitales dans les modèles était un sujet de discus­sion entre le C R M D (Centre de recherche en météorologie dynamique) et le C M S (Centre de météorologie spatiale de Lannion), sujet repris par A. Villevieille, alors directeur de l 'EERM. Des travaux spécifiques étaient réalisés au C M S sur la varia­bilité du signal A V H R R (Advanced Very High Resolution Radiometer) dans l'ellip­se TOVS, conduisant à des résultats sur l 'analyse de la température de surface de la mer. Y. Durand, à la suite de M. Fisher, fait alors un stage sur le développement d 'une analyse à échelle fine permettant l ' inclusion de données satellitales (Durand, 1985). Un premier résultat sur l 'analyse d 'humidi té de la situation Alpex du 4 mars 1982 fut présenté à la première conférence internationale du T O V S . Cette analyse intégrait des é léments d ' éche l le très fine de la situation météorologique . Par la suite, Y. Durand fut affecté sur ce programme spécifique d 'analyse à échelle fine incluant les données satellitales, pour compléter le p rogramme d 'analyse objective

(1) En 1982, la majeure partie des effectifs de recherche de l 'EERM s'installa à Toulouse pour y créer le CNRM (Ndlr).

La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995 133

LE MODÈLE OPÉRATIONNEL

PÉRIDOT

LES STRATÉGIES D'ÉVOLUTION

DE PÉRIDOT

et faire des études d ' impact . L 'ensemble de ces activités a été soutenu en 1982 par l 'Act ion thématique p rog rammée Recherche a tmosphér ique du C N R S , probable­ment en ra ison de son or ig inal i té , à savoi r l ' a s s imi la t ion des données bru tes ( radiances T O V S ) plutôt que des données inversées (profils de température et d 'humidi té ) . Il s 'agissait aussi d ' examiner l ' impact dans la prévision de l ' ass imi­lation des données satcllitales. C'est ce qui fut réalisé l 'année suivante ; en juin 1984, une campagne systémat ique fut réalisée avec le C M S de Lannion. Un essai quotidien d 'uti l isation des données satellitales fut effectué pendant tout le mois et des essais furent faits sur les si tuations archivées, avec ou sans données satelli­tales. Au total, quatre situations ont été retenues. D ' u n e façon générale , le test démontra la difficulté de mettre en évidence l ' impor tance de l 'analyse fine dans la prévision à courte échéance , compte tenu de l ' influence des condi t ions aux limites. Par ailleurs, il démontra un impact sensible sur la nébulosité et l 'humidi té , dû à la possibi l i té de forcer l ' humid i t é à 100 % dans cer ta ines condi t ions où l 'analyse A V H R R / T O V S de Lannion indiquait un max imum nuageux.

Par la suite, ces travaux trouvèrent audience à la conférence internationale du T O V S . On notera que ces études ont été réalisées avant les Anglais, qui raisonnaient d 'abord en données inversées ; d ' au t re part, la voie d 'ass imi la t ion directe des radiances fut retenue c o m m e la «voie obl igée» à la troisième conférence (1986).

Un premier modèle devient opérat ionnel en février 1985. Il s 'agit du modèle avec domaine 5 1 x 5 1 , résolution 35 km et une analyse fine avec inclusion auto­mat ique opérat ionnelle des données satellitales ( N O A A 9). Ce modèle fonction­ne sur le réseau de 0 heure à 36 heures d ' échéance , et l ' analyse utilise c o m m e ébauche la prévision à 6 heures Émeraude (modèle de grande échelle) interpolée. Le couplage est effectué toutes les 6 heures avec la prévision à grande échelle Émeraude . Un ensemble de cartes est alors diffusé aux prévisionnistes.

Péridot fait ainsi son entrée dans une chaîne opérationnelle, mais par la petite porte, compte tenu du temps de calcul qui lui est attribué. Des programmes de vérifi­cation sont mis en place à cette époque ; ils deviendront opérationnels en juin 1985. Il s'agit de vérifications avec les observations de surface : température et humidité à 2 m, vent à 10 m, nébulosité partielle et totale, enfin, précipitations comparées sur

cent-cinquante stations, en France, en utilisant le point de grille le plus voisin et des formules de couche l imite pour passer du niveau le plus bas a 10 m ou 2 m. Ces programmes de vérification (Audoin et al., 1987) produiront des statistiques significatives et permettront divers réglages. Ainsi, en novembre 1985, le coeffi­cient d ' iner t ie du sol a pu être réajusté grâce aux statistiques d'évolution diurne de température. Parmi les éléments marquants de ces vérifications, on notera le travail original de l .-P. lavelle et de L. Musson-Genon, qui ont examiné la variabilité des données observées à une échelle inférieure à 35 km, définissant en quelque sorte une limite de prévisibilité à cette échelle. La conclusion était que l 'on était près de la limite inférieure avec Péridot, au moins pour l 'analyse et certains paramètres (Juvanon du Vachat et al., 1987). Concernant l'essai sur des situations sensibles, on retien­dra la situation de juin 1987 (front de rafale) pour laquelle de nombreuses études furent réalisées : domaine, scénarios de fonc­tionnement (Imbart et al., 1987).

Domaines et grilles du modèle Péridot. - 31 x 31 : domaine et grille sur la France, - 51 x 51 : domaine et grille d'étude depuis 1982, domaine et grille de prévision de février 1985 à juin 1987, - 95 x 95 : domaine et grille de prévision de juin 1987 à février 1991 , - 1 1 9 x 119 : domaine et grille de prévision de février 1991 à octobre 1993.

Deux stratégies principales ont été mises en œuvre :

• Agrandissement du domaine grâce à une augmentat ion de la puissance de cal­cul (Cray 2, juin 1987), puis à la suite d ' une demande s imultanée du Maghreb et des pays de l 'Est européen (février 1991).

• T r a v a u x à éche l l e e n c o r e p lus f ine. D e s essa i s à éche l l e de 10 k m , ayant démontré un potentiel de prévisibili té à cette échelle, ont conduit par la suite au d é v e l o p p e m e n t d ' u n modè le opéra t ionnel d ' éche l l e encore plus fine (3,5 km) pendant les l e u x o lympiques d 'h iver de 1992.

134 La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995

CONCLUSION premières s imulat ions numér iques à échelle fine remontent à 1 9 6 8 , avec

une mail le de 3 8 , 1 km dont le modèle Péridot a gardé la trace. Par la suite, ces

é tudes se sont insérées dans le projet de prév is ion n u m é r i q u e opé ra t ionne l l e

A m é t h y s t e qu i c o m p o r t a i t t ro i s é c h e l l e s d i f f é ren tes ( 3 8 1 km, 190 ,5 km et

3 8 , 1 k m ) . Ce t te dern iè re éche l le était ut i l isée dans le cadre d ' u n e adapta t ion

dynamique sur la France, avec le modèle A M F qui a été le précurseur de Péridot.

Péridot a ainsi bénéficié de l ' expér ience réussie de l 'adaptat ion dynamique à

échelle fine au relief, dans le cadre d 'un projet ambit ieux de prévision numérique

avec analyse à cette échelle, allant j u s q u ' à l ' inclusion des données satellitales. Il

a donc couvert des domaines de prévision numér ique très variés : influence du

relief sur l ' écoulement , paramétr isat ions physiques en fonction de l 'échel le , rôle

des données , y compris satellitales, dans l 'analyse à échelle fine.

BIBLIOGRAPHIE Audoin J . -M. , D. R o u s s e a u et R. J u v a n o n du Vacha t , 1987 : É v a l u a t i o n du m o d è l e à

m a i l l e f ine P é r i d o t . c o m p a r a i s o n a v e c le m o d è l e E m e r a u d e . N o t e de t r ava i l E E R M

n° 184, Mé téo -F rance , T o u l o u s e .

Brière S., 1982 : Nonl inear no rma l mode ini t ial izat ion of a l imi ted-area mode l . Mon. Wea.

Rev., 110, 1166-1186.

Charney J. G., R. Fjortoft et J. von N e u m a n n , 1950 : Numer ica l integrat ion of the barotropic vort ici ty equat ion. Tellus, 2, 237 -254 .

D u r a n d Y. , 1 9 8 5 : T h e use of s a t e l l i t e d a t a in the F r e n c h h igh r e s o l u t i o n a n a l y s i s .

P r o c e e d i n g s of E C M W F W o r k s h o p on h i g h r e s o l u t i o n a n a l y s i s . E C M W F , R e a d i n g ,

R o y a u m e - U n i , 89 -127 .

Imbard M. , A. Craple t , P. Degard in , Y . Durand , A. Joly, N. Mar ie et J . -F . Ge leyn , 1987 :

F ine m e s h l imi ted area forecast ing wi th the French opera t ional Pér idot System. E C M W F

1987 Seminar . E C M W F , Read ing , R o y a u m e - U n i , 231-270 .

Joly A., 1984 : Sensibi l i té du modè le Pér idot à cer ta ines paramét r i sa t ions phys iques . No te

de travail E E R M n° 96 , Mé téo -F rance , Tou louse .

Juvanon du Vachat R., J . -M. Audoin , M. Imbard , L. Musson -Genon et J.-P. Javelle , 1987 :

Evaluat ion of a meso-scalc prédiction System with surface weather observat ions and c o m p a -

rison with a large scale prédic t ion sys tem. P roceed ings of the m c s o s c a l e analys is and fore­

cast ing w o r k s h o p , V a n c o u v e r , Canada , 475 -480 .

L e i t h C. E . , 1 9 6 5 : N u m e r i c a l s i m u l a t i o n of t h e e a r t h ' s a t m o s p h è r e . Method in

Computational Physics, 4. A c a d é m i e Press , N e w - Y o r k , É ta t s -Unis , 1-28.

Maga ta M. , 1969 : O n the study of the airflow over moun ta in s by the numer ica l exper i -

m e n t . P r o c e e d i n g s of t h e W M O / I U G G S y m p o s i u m on N W P in T o k y o . J a p a n

Meteoro log ica l A g c n c y , T o k y o , Japan , March 1969, II, 5 1 - 5 3 .

Min tz Y., 1965 : Very long- te rm global in tégrat ion of the pr imi t ive équa t ions of a tmos -

pher ic mot ion . W M O . Tech . No te n° 66 , G e n è v e , Suisse .

Pham H. L., 1989 : His tor ique du m o d è l e d ' adap ta t ion et de prév is ion locale : le modè le

Pér idot . La Météorologie T série, 2 8 , 11 -27 .

Pône R., 1993 : Les débuts de l ' in fo rmat ique à la divis ion «Prévis ion» de la Météoro log ie

na t ionale . La Météorologie 8e série, 3 , 3 6 - 4 3 .

Rousseau D., 1969 : Expé r i ence pré l imina i re à l ' é labora t ion d'un m o d è l e n u m é r i q u e de

prévis ion régionale . La Météorologie 5 e série, 9, 5 -23 .

Rousseau D . et H. L. Pham, 1970 : É tude n u m é r i q u e de l 'act ion du relief sur l ' a t m o s p h è r e .

La Météorologie 5 ' série, 14, 1-41.

S h u m a n F. G. et J. B. H o v e r m a l e , 1968 : A n ope ra t iona l s ix - layer p r i m i t i v e equa t ion

mode l . J . Appl. Meteor., 7, 5 2 5 - 5 4 7 .

Smagor in sky J., S. M a n a b e et J. L. Ho l loway , 1965 : Numer ica l resul ts from a nine level

gene ra l c i rcula t ion mode l of the a tmosphère . Mon. Wea. Rev., 93 , 727-76 .