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Rédigé par BUTTET Amélie Institut d’Etudes Politiques de Lyon Université Lyon 2 4ème année Affaires Publiques Vers une gestion environnementale des entreprises ? La norme ISO 14 001 Séminaire « Entreprises et Société : les grands débats contemporains » Sous la direction de Monsieur Bernard BAUDRY, Maître de Conférences en Sciences Economiques, Université Lyon 2. Mémoire soutenu en septembre 2009

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Page 1: Vers une gestion environnementale des entreprises ?

Rédigé par BUTTET AmélieInstitut d’Etudes Politiques de Lyon

Université Lyon 24ème année Affaires Publiques

Vers une gestion environnementale desentreprises ?La norme ISO 14 001

Séminaire « Entreprises et Société : les grands débats contemporains »Sous la direction de Monsieur Bernard BAUDRY, Maître deConférences en Sciences Economiques, Université Lyon 2.

Mémoire soutenu en septembre 2009

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Table des matièresRemerciements . . 5Introduction . . 6Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale,garant de l’organisation responsable . . 14

I. Du management environnemental aux systèmes de management environnemental . . 14A. Le management environnemental : la genèse d’un concept . . 14B. Le système de management environnemental et ses référentiels . . 17

II. Le fonctionnement par étapes de la mise en place d’un Système de ManagementEnvironnemental . . 20

Etape 1 : Analyse environnementale initiale . . 20Etape 2 : L’élaboration de la politique environnementale . . 21Etape 3 : Mise en œuvre du programme environnemental . . 22Etape 4 : Mise en œuvre et fonctionnement du SME . . 23Etape 5 : Contrôles et mesures correctives . . 25Etape 6 : La revue de Direction . . 25

III. Logiques des systèmes de management : Amélioration continue et intégration . . 26A. Le cycle PDCA : Un principe d’amélioration continue déployé et actif . . 26B. Une évolution nécessaire vers le système de management intégré . . 29

Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique . . 32I. Les enjeux du système de management environnemental . . 32

A. ISO 14 001 ou l’émergence d’une nouvelle convention . . 32B. Instruments volontaires de régulation de l’environnement et opportunismestratégique . . 35

II. L’environnement à quel prix ? . . 39A. Coûts de mise en place et exclusion par les prix . . 39B. L’évaluation incertaine des coûts liés au fonctionnement du Système deManagement Environnemental . . 42

III. Performance environnementale vs performance globale de l’entreprise . . 44A. Performances et Entreprises . . 45B. Le mythe de la performance environnementale ? . . 47

Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et deperformance pour l’entreprise. . . 51

I. La maîtrise des coûts liée à une meilleure gestion de l’environnement . . 51A. De nouvelles méthodes d’organisation comme source de réduction des coûtspour l’entreprise . . 51B. La maîtrise des coûts environnementaux pour l’entreprise et ses partiesprenantes . . 55

II. Le SME : un projet fédérateur . . 58A. La réaction des autorités à la mise en place d’un système de managementenvironnemental . . 58B. Le système de management environnemental comme facteur d’intégration dupersonnel . . 61

III. La responsabilité environnementale comme source d’avantage concurrentiel . . 65

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A. Valorisation de l’image de l’entreprise et de ses produits . . 65B. Des relations pérennes construites avec les activités parallèles . . 69

Conclusion . . 72Bibliographie . . 77

Ouvrages . . 77Articles et revues . . 77Sites Internet . . 78Articles et Conférences Internet . . 79

Annexes . . 80Annexe 1 : Liste des actions environnementales mises en place par la SociétéAnonyme des Remontées Mécaniques des Gets. . . 80Annexe 2 : Journal interne « Pistes Noires » de la Société des RemontéesMécaniques d’Avoriaz. . . 80Résumé . . 80Mots clés . . 80

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Remerciements

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RemerciementsJe tiens tout particulièrement à adresser mes remerciements aux personnes et aux entreprises quiont accepté de me recevoir et de contribuer à l’élaboration de ce mémoire :

Madame LHERMITE Emmanuelle, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société desRemontées Mécaniques des Gets.

Monsieur MUFFAT Bruno, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société desRemontées Mécaniques d’Avoriaz.

Monsieur RASE Jean-Michel, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Les Papeteriesdu Léman, Groupe Bolloré.

Madame MICLOT Isabelle, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société des EauxMinérales d’Evian, Groupe Danone.

Monsieur QUIBLIER Pierre, Programme Officer, Chemicals Branch, Division of Technology,Industry and Economics, United Nations Environnement Programme.

Je tiens également à remercier mon Directeur de Mémoire, Monsieur BAUDRY Bernard,Maître de Conférences en Sciences Economiques à l’Université Lyon 2, pour m’avoir suivie etconseillée dans mes démarches de recherches et de composition de ce mémoire ; ainsi que MadameREVEST Valérie et Monsieur DUBRION Benjamin, pour les enseignements dispensés dans lecadre du séminaire « Entreprises et Société : les grands débats contemporains ».

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Introduction

Vers une gestion environnementale des entreprises ?Dans un contexte de concurrence accrue, les entreprises sont confrontées à

l’émergence de nouveaux défis auxquels elles doivent être en mesure d’apporter uneréponse pertinente. L’une des problématiques actuelles et majeures est celle de laprise en compte de l’impact des activités de l’entreprise sur l’environnement naturel ; laprotection de l’environnement faisant l’objet de préoccupations croissantes dans les paysoccidentaux. Après de nombreuses années de croissance irraisonnée, où l’environnementest perçu comme un simple facteur de production aux ressources inépuisables, lesgouvernements nationaux, influencés par les travaux des Conférences Internationales1,prennent progressivement conscience de la nécessité de se comporter de manièreresponsable envers l’environnement. La dégradation des ressources naturelles associéeaux activités économiques est un phénomène très ancien, mais qui a pris une ampleurconsidérable à partir de la Révolution Industrielle2. Les entreprises souffrent d’une imagenégative auprès du public, elles sont perçues comme les véritables responsables descatastrophes écologiques de plus en plus régulières dans les pays industrialisés, l’activitéde production de biens ou de services comportant de larges conséquences destructricessur le milieu naturel. Cependant, l’entreprise est soumise à d’autres pressions que cellesqui œuvrent uniquement pour la protection de l’environnement, parmi elles, le besoin derépondre aux exigences des clients ou des consommateurs, la nécessité de réduire sescoûts de production, le devoir de s’assurer un développement durable sur le long terme…Afin de concilier ces différents enjeux, parfois antagonistes, les entreprises établissent unestratégie, c'est-à-dire des choix d’allocation de ressources, mise en œuvre et déclinéepar des techniques de management. Le concept de management en entreprise est unetechnique récente qui constitue l’ensemble des méthodes d’organisation nécessaires aupilotage d’une entité afin d’atteindre les objectifs fixés préalablement lors de la phased’élaboration de la stratégie. Le management permet à l’entreprise de pouvoir agir et nonpas réagir, être acteur de son développement présent et futur dans une perspective decréation de valeur à long terme. Historiquement, les méthodes de gestion en entreprisebasées sur l’autoritarisme hiérarchique ont cédé la place à des techniques davantageaxées sur la participation et la collaboration de l’ensemble du personnel autour d’un projetfédérateur. Henry Fayol, qui, par ses travaux précurseurs, a largement contribué à enrichirla littérature sur le concept moderne de « gestion » ou de « management », distingue 6catégories ou fonctions principales dans l’entreprise : la fonction de production, la fonctioncommerciale, la fonction financière, la fonction de sécurité, la fonction comptable et lafonction administrative. Cette dernière fonction, aujourd’hui appelée fonction de direction,intéresse tout particulièrement Fayol puisque, c’est à elle de mettre en œuvre les techniquesde management. Selon lui, les dirigeants ne doivent pas se préoccuper uniquement de« commander » et de « contrôler » mais doivent également être en mesure de « prévoir,organiser, coordonner » c’est-à-dire mettre en œuvre des techniques de management.

1 Sommet de la Terre de Rio de Janeiro 1992 et Sommet de la Terre de Johannesburg de 2002.2 La Révolution Industrielle prend place entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, elle désigne le passage d’une

société à dominante agraire, à une société industrielle.

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Introduction

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L’administration d’une entité, aujourd’hui appelée « management », est un outil nécessaireà la réussite des entreprises. La stratégie vise à résoudre durablement les problématiquesauxquelles les entreprises sont confrontées, la déclinaison de la stratégie en actionsconcrètes ainsi que la surveillance de leur déroulement incombe aux techniques de gestion.

Le management s’applique à de nombreux domaines en entreprise, notamment àla gestion de l’environnement, par la mise en place des systèmes de managementenvironnemental ou SME. En matière environnementale, le management est primordial caril existe un certain nombre de normes, de référentiels et d’obligations que les entreprisesdoivent respecter, ce qui nécessite de disposer d’outils de gestion adaptés. L’environnementapparaît depuis quelques années comme un facteur de production semblable aux autresque l’entreprise doit être en mesure de gérer rationnellement. De la même manière qu’ilest conseillé pour une entreprise, d’organiser rationnellement sa production ; l’entreprise enquête de développement, se doit d’organiser et de gérer les impacts de ses activités surl’environnement. Sur le même principe que l’entreprise établie un système de gestion de laproduction, il est possible de mettre en place un système de management ou de gestion del’environnement. Afin d’aider les sociétés à mettre en place ces systèmes de managementenvironnemental, l’Organisation Internationale de Normalisation3, en partenariat avec lesreprésentants des secteurs industriels, du monde politique, des gouvernements et desassociations environnementales, a élaboré un référentiel de reconnaissance mondiale,la norme « ISO 14 001 relative aux Systèmes de Management Environnemental »,qui précise la démarche à suivre et les exigences à remplir pour être reconnu. Lespropositions de la norme reproduisent les fondements du management traditionnel énoncésau début du siècle par Fayol : planifier, organiser, diriger, contrôler. La mise en placed’un système de management environnemental ou SME, impose à l’entreprise d’êtreen mesure d’intégrer l’environnement dans son mode de fonctionnement quotidien etde réduire progressivement les conséquences de ses activités sur l’environnement. La« gestion » constitue une alternative douce à la lutte pour la protection de l’environnement ;le principe au cœur de la démarche ISO étant de maximiser l’utilité des consommateursactuels et futurs de ressources naturelles, en les préservant contre les modifications non-souhaitées. Les systèmes de management environnemental offrent une vision ordonnéeet mécaniste de l’organisation, capable de trouver une solution adéquate aux problèmesenvironnementaux auxquels elle est confrontée. Ils s’inscrivent d’ailleurs dans le processusde bureaucratisation et de rationalisation de l’entreprise. Les systèmes de managementtels qu’ils sont présentés par la norme ISO 14001, contribuent à une meilleure lisibilitédes actions environnementales entreprises. Ces approches de régulation environnementalesont basées sur le principe du volontariat, elles se substituent aux exigences réglementairesvues comme contraignantes car obligatoires.

L’intégration de l’environnement dans les pratiques quotidiennes des entreprises estune démarche relativement nouvelle, conséquence directe de la récente vulgarisation et dela démocratisation du concept de Développement Durable. Le Développement Durable estun modèle de croissance élaboré en 1987 grâce aux travaux de la Commission Mondialesur l’Environnement et le Développement, il est défini par le Rapport Bruntland4 comme « undéveloppement qui répond au besoin des générations du présent sans compromettre lacapacité des générations futures à répondre aux leurs ». Le modèle de développement basé

3 ISO : Organisation Internationale de Normalisation, International Organization for Standardization en anglais, composée dereprésentants d’organisations nationales de normalisation de 158 pays.

4 Publié en 1987 par la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, il défini la politique nécessaire pourparvenir à un développement durable.

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sur une croissance durable s’impose et se généralise dans l’ensemble des pays développésdepuis 10 ans environ, il constitue la dernière phase du modèle de développement de WalterRostow5, selon lequel l’ensemble des pays suivent des étapes de développement similaires :« toutes les sociétés ont suivi ou vont suivre les mêmes étapes de développement ». Lapremière de ces étapes identifiée par le théoricien Walter Rostow est celle de la « sociététraditionnelle », dans laquelle l’agriculture est l’activité principale ; elle cède ensuite laplace à une seconde étape, celle dite de « pré take-off », qui constitue les conditionspréalables et nécessaires au développement économique (découvertes géographiques ettechniques). Une fois cette étape achevée, la société est prête pour entrer dans une phasedécisive, celle du « décollage » ou « take off » en anglais, dans laquelle l’industrie et lesinnovations technologiques sont les véritables moteurs de la croissance économique. Ladernière étape du modèle de développement de Rostow est celle de la « maturité », leniveau de vie augmentant considérablement, la consommation de masse se généralise ; ils’agit d’une société dans laquelle les besoins essentiels étant satisfaits, la population est à larecherche d’une amélioration qualitative de son mode de vie. Les pressions qui ont pousséà l’élaboration du concept de Développement Durable sont celles d’une société à maturité,sensible à l’environnement ; elles s’inscrivent dans cette dernière phase du modèle dedéveloppement. L’exigence de Développement Durable permet aux entreprises de s’inscriredans une dynamique de création de valeur à long terme, il s’agit pour elles d’être en mesurede s’assurer une croissance de court terme suffisante pour garantir la survie de l’entreprise,tout en intégrant de nouvelles contraintes à son mode de fonctionnement traditionnelbasé sur la rentabilité de court terme. Les nouvelles contraintes de DéveloppementDurable sont constituées de trois préoccupations : l’économie, l’écologie et le social. Leréférentiel ISO 14001 et plus généralement les systèmes de management environnementals’inscrivent dans cette démarche et servent principalement l’objectif environnemental ; entant qu’approches systémiques, elles sont un outil permettant de répondre à l’exigence« agir local, penser global 6». Les SME permettent aux entreprises volontaires de contribuer,à leur manière, à la protection de l’environnement. Aujourd’hui la préoccupation deDéveloppement Durable est moteur de la stratégie d’entreprise ; cette exigence est priseen compte au même titre que le sont les exigences d’ordre marketing, commercialeet financière. La contrainte environnementale induite par le concept de DéveloppementDurable est particulièrement déterminante pour les entreprises qui ont progressivement prisconscience de la nécessité de réconcilier l’économie avec l’environnement, les entreprisesayant absolument besoin de l’environnement pour poursuivre leurs activités. Le concept deDéveloppement Durable, principalement sa dimension environnementale, a été largementrelayé par les pouvoirs publics des pays industrialisés qui ont favorisé la mise en placedes approches réglementaires afin de familiariser la société avec cette nouvelle exigence.Le développement de la réglementation et des exigences environnementales en France,témoigne de l’effort des gouvernements successifs sur les questions environnementales.Cependant, les approches réglementaires de régulation environnementale comportent deslimites intrinsèques, basées sur le principe de la contrainte : les exigences demeurentvolontairement souples afin de susciter au maximum l’adhésion et la participation desentreprises. En ce sens, les approches réglementaires sont peu pertinentes à analyser ;les entreprises sont tenues de les appliquer strictement et les spécificités propres à leurmise en œuvre ne sont ni reconnues, ni valorisées. En outre, elles constituent une finen soi, l’entreprise en conformité par rapport à la législation en vigueur a atteint ses

5 Walter Rostow est théoricien et économiste américain, il a été Conseillé Spécial du président Johnson dans les années 1960.6 Formule de René DUBOS au Sommet de la Terre de Stockholm en 1972, extraite du Rapport de la première Conférence des

Nations Unies sur l’Environnement, Nous n’avons qu’une terre, René Duvos et Barbara Ward.

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Introduction

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objectifs et cesse d’agir. En revanche, les approches volontaires sont davantage attrayantescar elles ne reposent sur aucune contrainte et sont mises en œuvre librement par lesentreprises, en tenant compte de leurs spécificités. Pourtant, les instruments fondéssur le volontariat suscitent également la polémique puisque, n’étant pas obligatoires, ilsreposent sur la bonne volonté des entreprises ; leur succès amène donc à s’interrogersur les raisons d’un tel engouement pour les standards volontaires, et notamment pourla norme ISO 14 001, alors même que l’environnement était encore considéré commeune contrainte il y a 10 ans. Les approches volontaires telles que la norme ISO 14 001,ont l’avantage de laisser une large marge de manœuvre aux entreprises dans leur miseen place et dans la fixation des objectifs à atteindre ; du reste, elles bénéficient d’unevaste reconnaissance internationale, puisqu’elles sont le fruit du travail de l’OrganisationInternationale de Normalisation (ISO), organisme légitimement reconnu par l’ensemble dela communauté internationale. Afin d’obtenir des résultats autres que ceux escomptés parla mise en place des instruments réglementaires, et ainsi aller plus loin en matière deprotection des ressources naturelles, les approches basées sur le volontariat fournissentde nouveaux moyens d’actions, complémentaires aux premiers. Ces nouveaux instrumentsaccompagnent le changement de mentalité des entreprises : l’environnement commecontrainte cède la place à une conception dans laquelle l’environnement constitue unenouvelle opportunité de développement, source de création de valeur à long terme. Lessystèmes de management environnemental sont des instruments de management parl’anticipation et seule l’entreprise qui est en mesure de mettre en place un système degestion prévisionnelle est certaine de s’assurer un développement futur viable.

L’environnement est qualifié de « bien collectif », d’ailleurs, comme tout bien collectif, ilest caractérisé par deux spécificités, la « non-rivalité » et la « non-exclusion ». L’exigence denon-rivalité nécessite que toute personne doit pouvoir y avoir accès, sans que l’utilisation del’environnement par l’un ne soit une entrave à son utilisation par un autre ; la non-exclusion,quant à elle, exige que toute personne soit libre d’utiliser ce bien, sans devoir payer pouren disposer. L’assimilation de l’environnement à un bien collectif, encourage de manièreexplicite à utiliser ses ressources de manière raisonnée afin que chacun puisse en disposerégalement et dans les mêmes conditions. Les bénéfices induits par les politiques derégulation environnementale ont un caractère collectif, ils ne servent pas un groupe d’intérêtparticulier. En ce sens, l’environnement est un champ d’action privilégié de la « théoriedes parties prenantes », dans le cadre de laquelle, l’entreprise est perçue comme unsystème ouvert de relations avec de multiples parties prenantes, dont la prise en compte desintérêts est une clé de la réussite et envers lesquelles elle a une responsabilité. Cette visions’oppose à une approche centrée sur le seul intérêt des actionnaires de l’entreprise (lesstockholders), et insiste sur le rôle de l’ensemble des parties prenantes (les stakeholders7).Le concept de stakeholders ou porteurs d’intérêts, est défini par Freeman et Reed8, ilenglobe « tout groupe ou individu identifié, qui peut affecter ou être affecté par la réalisationdes objectifs de l’organisation » ; aux actionnaires, il faut donc ajouter les salariés, lesconcurrents, les fournisseurs, les clients, les organisations consuméristes, les médias, lesassociations écologistes, l’Etat, les Collectivités Territoriales et les autres groupes d’intérêts.Les systèmes de management environnemental, tels qu’ils sont décrits par le référentiel ISO14 001, permettent de prendre en compte l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise

7 « Stockholders » peut être traduit par « porteurs d’enjeux » ou « porteurs d’intérêts », par analogie à « porteur de part »,pour faire référence au jeu de mots de la langue anglaise.

8 Freeman R.E, Reed D.L, Stockholders and Stakeholders: a New Perspective on Corporate Governance, CaliforniaManagement Review, 1983, 25 (3), spring, p.88-106.

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par la mise en place de méthodes de gestion particulières de l’environnement. La mise enplace de ces instruments environnementaux sont le résultat d’une approche concertée del’entreprise avec l’ensemble des partenaires qui l’entoure. Implicitement, le managementenvironnemental reconnaît la capacité et la légitimité d’acteurs autres que la puissancepublique, à gérer les problèmes environnementaux. L’objectif inhérent aux systèmes demanagement environnemental est de transformer « l’économie linéaire », basée sur lalogique de production de déchets massifs : « je vends, j’achète et je jette », en une« économie circulaire » dans laquelle les ressources sont réutilisées au maximum en évitant,dans la mesure du possible, la création de déchets non recyclables. Ce principe accepteque les entreprises puisent des ressources sur l’environnement naturel mais leur demandeen contre-partie, de limiter les gaspillages au profit d’une réutilisation totale ou partielle deces ressources naturelles.

La certification ISO 14 001 ne constitue qu’une des nombreuses solutions à dispositiondes entreprises qui souhaitent agir pour l’environnement, cependant, les systèmes demanagement environnemental semblent être un moyen adapté pour analyser le degréde responsabilité environnementale des entités économiques puisqu’ils sont basés sur levolontariat ; du reste, ils constituent l’instrument le plus répandu et le plus utilisé à l’heureactuelle. Toutefois, les conclusions apportées dans le cadre de cette analyse seront valablesuniquement pour la norme ISO 14 001, car il existe d’autres instruments en mesure detémoigner sur le degré de responsabilité, non étudiés ici. Les entreprises perçoivent laprotection de l’environnement d’une manière élastique, l’interprétation qu’elles en font, varieen fonction des enjeux et des pratiques auxquels elles accordent de l’importance.

La mise en œuvre d’un système de gestion de l’environnement de type ISO 14 001 nerépond pas seulement à des besoins internes liés au développement systématique d’unepolitique verte, elle s’inscrit dans une démarche stratégique dont les objectifs ne sauraientse réduire à des préoccupations strictement écologiques. Un des facteurs ayant largementcontribué au développement et à la diffusion des normes ISO 14 001 est la recherche par lesentreprises, de reconnaissance externe concernant leur responsabilité environnementale.Le succès de la norme ISO 14001 s’explique par le fait que l’environnement estdevenu une opportunité puisqu’il permet de répondre aux problématiques auxquelles lesentreprises sont confrontées actuellement, c'est-à-dire être capable de concilier la rentabilitééconomique de court terme avec une perspective de création de valeur à long terme,assurant l’avenir de l’organisation. Par la mise en place des systèmes de management,l’entreprise découvre une stratégie lui permettant d’être pro-active en matière de gestionenvironnementale, domaine d’action dans lequel elle fut longtemps seulement passive, enappliquant rigoureusement et de manière contrainte les réglementations en vigueur. Parla plus grande intégration des contraintes environnementales dans son fonctionnementquotidien, l’entreprise s’engage sur une nouvelle voie jusqu’ici inexplorée ; la mutation desvaleurs de l’entreprise est une caractéristique actuelle au sein du monde économique. Lessuccès du référentiel ISO 14 001 témoignent de la prise de conscience de l’opportunité queconstitue les enjeux environnementaux, nouveau grand défi auquel toutes les entreprises,quels que soit leur secteur d’activité ou leur taille, sont confrontées. L’entreprise estdevenue un acteur incontournable du Développement Durable, le seul qui a les ressourcesfinancières, technologiques et motivationnelles nécessaires pour le mettre en œuvre. Lamondialisation et le développement des échanges favorisent d’ailleurs la diffusion despratiques de gestion environnementale entre les pays.

L’analyse théorique de la portée et de l’efficacité des instruments volontaires derégulation environnementale, principalement de la mise en place de la norme ISO 14 001,

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Introduction

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doit être enrichie par des observations empiriques d’entreprises certifiées au référentiel afinde confronter les hypothèses théoriques à la réalité du terrain. La sélection des entreprisesamenées à collaborer à ce mémoire s’est faite sur la base de leur secteur d’activité ainsi quesur la spécificité de leur production. Elles sont au nombre de quatre, apportant chacune uneapproche complémentaire sur le thème des systèmes de management environnemental.La première entreprise ayant accepté de se livrer à l’investigation, est la « SociétéAnonyme des Eaux Minérales d’Evian ». L’entreprise apporte une contribution importante àl’analyse, puisqu’il s’agit d’une société très engagée dans le Développement Durable, plusparticulièrement dans les actions environnementales ; du reste, elle appartient au groupeDanone, lui-même parmi les entreprises leaders en matière de gestion environnementaleraisonnée. La seconde entreprise analysée est la société « Papeteries du Léman »,appartenant au groupe Bolloré, l’activité papetière étant très polluante par nature, l’étude deses motivations ainsi que de ses modes d’action constitue un vaste domaine de réflexionquant à la gestion quotidienne du SME dans une activité où la prévention environnementaleest un élément nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise. Ces deux sociétés sontreprésentatives des actions potentiellement mises en œuvre dans le secteur industriel ;néanmoins, la norme ISO 14 001 a pour principale caractéristique d’être applicable àtoutes les organisations, quelles soient publiques ou privées, agricoles, industrielles outertiaires. Dès lors, la réalisation de ce mémoire a nécessité le témoignage d’entreprisesappartenant à un secteur autre qu’industriel. Pour rendre compte des motivations quipeuvent encourager une entreprise de services à se certifier au standard ISO 14001, laprésente analyse s’appuie également sur le témoignage de deux Stations de ski de Haute-Savoie, le domaine skiable des Gets et celui d’Avoriaz. L’étude de ces deux entreprisesatypiques et particulières permet de rendre compte des motivations hétéroclites qui peuventfavoriser la mise en place d’un SME. Enfin, l’analyse est nourrie par les propos de MonsieurQuiblier, Chargé de Mission au sein de la Maison de l’Environnement, organisme rattachéà l’Organisation des Nations Unies (ONU), ses propos ont permis d’enrichir le dossier parun état des lieux global de la relation entre « économie » et « environnement », ainsi quepar une analyse critique sur la portée du référentiel ISO 14 001.

Le sujet de ce mémoire est multidisciplinaire puisqu’il mobilise à la fois les conceptsde l’économie traditionnelle et générale, ceux de l’économie de l’environnement ainsique de l’économie industrielle. Le management environnemental s’inscrit dans un cadreglobal que constitue la science économique traditionnelle, définie par Raymond Barrecomme : « La science de l’administration des ressources rares, qui étudie les formes queprend le comportement humain dans l’aménagement de ces ressources. Elle analyse etexplique les modalités selon lesquelles un individu ou une société affecte les moyenslimités à la satisfaction de besoins nombreux et illimités »9. L’environnement en tant quefacteur de production nécessaire à toute activité fait l’objet d’études afin d’en déduire lecomportement des agents économiques et principalement celui des entreprises dans lecadre de ce mémoire, dans l’utilisation des ressources naturelles. Depuis la fin du XXèmesiècle, l’économie revêt aussi un enjeu environnemental, qui est plus précisément étudiédans le cadre d’une discipline autonome, l’Economie de l’Environnement. Le managementenvironnemental et la norme ISO 14 001 s’inscrivent entièrement dans celle-ci qui peut êtredéfinie comme la branche de l’économie traitant d’un point de vue théorique des relationsentre les sociétés humaines et l’environnement. Enfin, le sujet mobilise également denombreux concepts élaborés par l’Economie Industrielle, autre branche de l’économie quiétudie le fonctionnement des marchés et les comportement stratégiques des entreprises surces marchés. L’économie industrielle constitue une discipline riche en apports théoriques

9 BARRE Raymond, TEULON F, Economie Politique Tome 1, Paris, PUF, 1969, 723 p.

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dans le cadre de l’analyse du comportement des entreprises dans leur mise en place d’unSME, puisqu’elle est en mesure de fournir des explications cohérentes sur les motivationsdes entreprises engagées pour l’environnement dans un contexte de concurrence. Du reste,les témoignages des entreprises qui ont contribué à la réalisation de cette étude, viennentconfirmer ces théories.

A ces quelques disciplines traditionnelles dans lesquelles le managementenvironnemental s’inscrit, il est également nécessaire d’évoquer un autre domaine d’étude,nouveau et moins connu, celui de l’écologie industrielle. Il convient d’interpréter le qualificatif« industrielle » comme représentant l’ensemble des activités économiques d’un territoire.L’écologie industrielle propose de considérer le système industriel comme une formeparticulière d’écosystème. La démarche offre une vision nouvelle des modes de productionet de consommation puisque qu’elle met en évidence le fort potentiel de diminutiondes impacts environnementaux que peut potentiellement induire une restructuration del’ensemble des activités économiques. Les pratiques d’écologie industrielle se traduisentpar la recherche d’optimisation dans l’usage des ressources, ainsi, les enjeux et lesdébouchés ne sont pas uniquement environnementaux. La coopération des acteurs prônéepar l’écologie industrielle est source de compétitivité et de dialogue.

La norme ISO 14 001 a déjà fait l’objet de nombreuses publications, notammenten Amérique du Nord, cependant, les études actuelles demeurent surtout descriptiveset manquent le plus souvent de recul critique. Peu de recherches se sont attachéesà comprendre les perceptions réelles de la norme par les dirigeants, la façon dont lesrecommandations peuvent être appliquées, et les effets pervers pouvant en découler. Danscette perspective, l’objectif de ce mémoire est de présenter une lecture prudente voirecritique du référentiel ISO 14 001 et plus généralement des systèmes de managementenvironnemental, afin d’analyser dans quelle mesure la certification ISO 14 001 témoigned’un engagement crédible et sincère de l’entreprise vis-à-vis de son environnement. Lespréoccupations croissantes du monde économique pour les questions environnementalestémoignent de la prise de conscience progressive de l’opportunité de développement queconstitue la prise en compte de l’environnement dans la stratégie de l’entreprise.

L’étude du concept de management environnemental soulève un certain nombre dequestions sur le lien entre « entreprises » et « environnement », à savoir : la normeISO 14 001 reflète-t-elle une réelle transformation de la stratégie et des pratiques del’entreprise ?, l’engagement environnemental est-il sincère et désintéressé ou résulte-t-il d’un comportement stratégique de la part d’entreprises opportunistes ?, qu’est ce quiexplique un tel engouement pour la certification ISO 14 001 ?… Afin d’intégrer l’ensemblede ces interrogations dans un questionnement central et global, l’analyse se propose detraiter la problématique suivante : « Dans quelle mesure la mise en place d’un système demanagement environnemental, par le biais de la norme ISO 14 001, est-elle un levier decompétitivité et de performance pour l’entreprise ? ».

Afin de répondre au questionnement ci-dessus, l’analyse se subdivise en troisparties principales. La première partie de l’étude tentera, en présentant la norme ISO14 001, de montrer dans quelle mesure le système de management environnementalconstitue un dispositif novateur témoignant d’un engagement responsable des entreprisesface à l’environnement. La seconde partie de l’analyse traitera de la relation qui unit« environnement » et « économie » et quels sont les facteurs d’opportunité que l’unreprésente pour l’autre. Enfin, la dernière partie, en s’appuyant principalement sur lestémoignages des entreprises qui ont collaboré à ce mémoire, se proposera de démontrer

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Introduction

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comment les systèmes de management environnemental contribuent-ils à accroître lacompétitivité ainsi que la performance des entreprises engagées.

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Partie I : La norme ISO 14 001, uninstrument volontaire de régulationenvironnementale, garant del’organisation responsable

La norme ISO 14 001 est un instrument destiné aux entreprises qui souhaitent maîtriserles conséquences de leurs activités quotidiennes sur l’environnement. Le référentiel est unmoyen d’action dont la méthode et les principes sont précisés dans le contenu de la normeISO 14001 relative à la mise en place des systèmes de management environnemental. Laméthode est spécifique au standard ISO, elle constitue une démarche rationnelle permettantd’obtenir des résultats environnementaux appropriés à l’entreprise engagée, les principessont les règles et les lois structurant l’action ; ils sont au fondement des systèmes demanagement environnemental.

I. Du management environnemental aux systèmes demanagement environnemental

A. Le management environnemental : la genèse d’un conceptLe terme « management environnemental » correspond à la mise en place, par uneentreprise ou une collectivité, d’une organisation permettant d’identifier et de maîtriserles risques d’impacts d’une activité sur l’environnement. Il s’inscrit dans une perspectivede Développement Durable qui ambitionne de placer la dimension environnementale aucœur du fonctionnement de l’entreprise, qu’elle soit industrielle, agricole ou tertiaire. Lavulgarisation du concept de Développement Durable auprès des entreprises, dans les paysdéveloppés, nécessite, pour être mis en œuvre, de pouvoir disposer d’instruments adaptésà la spécificité de leur mode de fonctionnement.

Les entreprises qui s’engagent dans une démarche de management environnementalsont animées d’ambitions variées. Les principales motivations résident dans le souci derespecter la réglementation en vigueur, d’améliorer l’image de l’entreprise ainsi que sesrelations avec les riverains, de réaliser des économies ou encore d’accéder à de nouveauxmarchés.

Dès la décennie 1980, les Organisations Non Gouvernementales (ONG) font appelaux universités et aux centres de recherches afin d’élaborer de nouveaux outils permettantd’identifier le niveau de responsabilité des entreprises. Les recherches se concrétisent par

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Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant del’organisation responsable

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l’élaboration de référentiels internationaux, de codes de bonne conduite des entreprises, decertifications, de normes et de labels.

Plusieurs indicateurs permettent d’évaluer la responsabilité environnementale del’entreprise, parmi eux, deux sont fondamentaux, car les plus utilisées . Le premier est lanorme ISO 14 001 de 2004 , traduite au niveau national par la norme NF : ISO 14001 :2004, le second est le Règlement Européen Eco-Audit dit EMAS. L’Institut de normalisationISO définit les indicateurs environnementaux, que sont les deux référentiels, comme « unegrandeur établie à partir de quantités observables ou calculables reflétant de diversesfaçons possibles, l'impact sur l'environnement occasionné par une activité donnée ». Ilpermettent d’évaluer l’état initial de l’environnement sur lequel l’entreprise agit, les pressionsqui sont exercées sur lui et les réponses qui y sont apportées.

Les origines du management environnemental sont récentes, elles débutent au coursde la décennie 1990, et plus particulièrement en 1993, lorsque la Communauté Européenneadopte un Règlement reconnaissant la « participation volontaire des entreprises du secteurindustriel à un système communautaire de management environnemental et d’audit 10».Trois ans plus tard, une norme internationale est publiée sous la référence « ISO 14001 ». Les deux référentiels fixent les principes du management environnemental auxquelsles entreprises sont libres d’adhérer ; la démarche est identique dans les deux cas,l’entreprise qui s’engage à réduire les conséquences environnementales de son activité,obtient une certification délivrée par un organisme agréé, attestant de sa bonne gestiondes enjeux environnementaux. Depuis la création des deux référentiels, un nombrecroissant d’entreprises sont certifiées chaque année en management environnemental.Cette démarche est atypique et novatrice à plusieurs égards, elle repose sur le volontariatdes entreprises, ce qui constitue une nouvelle façon de procéder en matière de respectdes exigences environnementales, posant les bases d’une nouvelle action publiqueni réglementaire, ni financière, mais incitative. Ce nouvel instrument de régulationenvironnementale inaugure une nouvelle forme de coopération entre les acteurs publics etprivés et offre une réponse adaptée aux exigences évolutives des entreprises.

L’avènement du management environnemental témoigne de la préoccupationcroissante pour les questions environnementales dans les pays développés. Après denombreuses années d’indifférence en matière de protection de l’environnement, lesgouvernements élaborent des politiques restrictives afin de contraindre les entreprisesà limiter et réduire leurs activités polluantes. Ces dernières se voient dans l’obligationd’entreprendre de larges investissements afin de limiter les nuisances engendrées entermes de pollution, sans pour autant, réussir à restaurer une image valorisante d’elles-mêmes auprès du public. La réhabilitation de l’image de l’entreprise nécessite d’œuvrer demanière différente et d’entreprendre des démarches volontaires, garantes d’un engagementplus profond et d’une responsabilité plus assumée car ne reposant ni sur la contrainte, nisur l’obligation.

Dans un premier temps, les entreprises développent des pratiques de managementen interne afin d’améliorer leur performances environnementales et limiter les risquesaccidents. Pour aider les entreprises dans cette démarche, la Chambre de CommerceInternationale rédige et diffuse un « Guide d’audit Environnemental », préconisantla réalisation d’audits internes pour permettre le contrôle, par la hiérarchie, de labonne application de la politique environnementale de l’entreprise. Un grand nombred’organisations internationales, parmi elles, la Commission Européenne, recommandent la

10 Règlement CEE/ 1836/93 du Conseil, 29 juin 1993

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lecture du Guide et plaident pour une limitation des réglementations au profit d’une plusgrande autorégulation par les industriels, de leur politique environnementale.

Les travaux successifs de la Commission Européenne et de l’OrganisationInternationale de normalisation (ISO), débouchent sur l’élaboration de règles demanagement plus systématisées, remplaçant peu à peu, une pluralité de « bonnespratiques » auparavant menées dans les entreprises (usage de technologies propres,recyclage, limitation du transport de marchandises, prévention des risques). L’Organisationde normalisation ISO bénéficie d’un large prestige auprès des industriels, puisque qu’ilassure, depuis le début du siècle, la charge de « définir les standards techniques », c'est-à-dire les documents de référence que les entreprises pourront utiliser librement dans lecadre de leur gestion interne ou dans leurs rapports avec leurs partenaires économiques.

L'élaboration d'une norme ISO se base sur plusieurs principes. Elle fait appel auconsensus, le point de vue de tous les intéressés sont pris en compte (fabricants, vendeurset utilisateurs, consommateurs, laboratoires d’essais, gouvernements, professionnels del’ingénierie et organismes de recherche), la normalisation internationale est mue par lemarché, elle s'appuie sur la participation volontaire de tous les protagonistes. Parmi lesdeux référentiels relatifs aux systèmes de management environnemental, celui qui connaîtun véritable succès est la norme ISO 14 001, c’est pourquoi l’analyse portera principalementsur elle. En règle générale, la demande de normalisation émane du secteur industriel ; lecomité national des membres de l’ISO enregistrant la requête, soumet ensuite le projet àl’organisation internationale dans son ensemble. Par la suite, le processus d'élaboration desnormes ISO comporte trois phases fondamentales. La première phase consiste à définirl'objet technique de la future norme, au travers des groupes de travail constitués d'expertsprovenant des pays intéressés par la question. Lorsqu'un accord est obtenu sur les aspectstechniques, une deuxième phase commence, celle au cours de laquelle les pays négocientles détails des spécifications qui devront figurer dans la norme. Il s'agit de la phase derecherche de consensus entre tous les membres participants. La dernière phase comprendl'approbation formelle du projet de Norme Internationale (le document doit être approuvé parles deux tiers des membres de l'ISO qui ont participé activement au processus d'élaborationde la norme et par 75% de l'ensemble des membres votants), à la suite de quoi, le texte estpublié en tant que Norme Internationale ISO.

La plupart des normes sont revues périodiquement, l'ISO se fixe pour règle généraleque tous les référentiels doivent être révisés dans un intervalle n'excédant pas cinqans ; néanmoins, il est parfois nécessaire de réviser une norme à plus brève échéance,principalement durant ses premières années d’existence.

Le standard ISO 14 001, relatif au management environnemental, transpose à lagestion de l’environnement, les règles déjà existantes de la gestion de la qualité contenuesdans le standard ISO 9000 : Système de management de la qualité. L’ISO donne auxsystèmes de management environnemental, une reconnaissance internationale qui séduitles industriels en quête de globalisation. De même, ces référentiels constituent le pointde départ de nouvelles relations entre les entreprises et les administrations. Par le passé,l’administration édictait des normes perçues comme contraignantes pour les entreprises : larelation et la concertation entre le personnel administratif et les industriels était inexistanteou limitée à quelques seules grandes entreprises. Les normes ISO et le RèglementEuropéen Eco-Audit, transforment l’action publique en action incitative et encouragent levolontariat plutôt que l’action contrainte.

Progressivement, avec l’apparition de ces nouveaux standards, les entreprisesles plus responsables, conscientes de l’opportunité de croissance offerte par le

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développement durable, abandonnent leurs initiatives individuelles en matière de protectionde l’environnement au profit de l’adoption volontaire de référentiels internationalementreconnus. Des actions de diverses envergures peuvent être engagées par les entreprisesqui entreprennent une démarche de management environnemental : les entreprisesles plus volontaires s’engagent dans la mise en place un « Système de managementEnvironnemental » (SME), un processus long et contraignant mais qui offre néanmoins uneréponse adaptée aux nouvelles préoccupations environnementales de la société civile etdu monde économique. Le nouveau référentiel s’impose progressivement car il est un outiladapté au mode de fonctionnement des entreprises, le laissant une large liberté dans lamanière de le mettre en œuvre.

B. Le système de management environnemental et ses référentielsComme mentionné ci-dessus, il existe deux référentiels de Systèmes de managementenvironnemental, actuellement reconnus : la Norme ISO 14 001 et le Règlement EuropéenEco-Audit dit « EMAS ». Le Règlement Eco-Audit étant antérieur à la norme ISO 14 001,cette dernière s’en inspire largement, même si les deux standards restent spécifiques etdistincts.

Les référentiels sont proches par leur exigences mais diffèrent du point de vue de leurapplication. L’un est reconnu au niveau international, l’autre est limité à la CommunautéEuropéenne, d’ailleurs, l’ISO 14001 s’adresse à « tout organisme » alors que l’Eco-Audit concerne les seules entreprises industrielles. Il existe de nombreuses différences devocabulaire, certification pour l’un, enregistrement pour l’autre, cependant, la distinctionprincipale réside dans l’exigence de publication d’une « Déclaration des PerformancesEnvironnementales » par le Règlement Eco-Audit, ce qui n’est pas nécessaire aux partiesprenantes, comprenant une description de l’organisation ainsi que de ces activités, lapolitique environnementale engagée et la description du SME, la présentation de sesimpacts environnementaux ainsi que les objectifs fixés et les résultats escomptés.

Les deux référentiels se sont progressivement démarqués l’un de l’autre, pourtant, lesdispositifs demeurent concurrentiels. En France et de manière générale pour l’ensembledes pays de l’Union Européenne, la certification ISO est largement préférée au Règlement« Eco- Audit ». La diffusion de la norme fut rapide et aujourd’hui, la certification ISO 14001 représente un point de passage obligé pour les grandes entreprises industrielles, parcequ’elle témoigne de leurs compétences managériales ainsi que de leur stabilité économique.Le présent travail sur les systèmes de management environnemental analysera leur mise

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en œuvre principalement du point de vue de la méthodologie de la norme ISO 14 001, carcette dernière est la plus utilisée des deux référentiels existant.

Dans un contexte où la concurrence est importante, il est nécessaire pour uneentreprise de gérer au mieux son environnement tout en réduisant ses coûts au minimum.Un système de management environnemental permet de prendre en compte ces deuxcontraintes, la mise en place d’un SME permet à l’entreprise d’améliorer ses performancesenvironnementales, tout en contribuant à l’amélioration de ses performances économiques.

La norme ISO 9000 relative au management de la qualité, dans sa version réviséede 2005, définit un Système de Management comme « un ensemble d’éléments corrélés,interactifs ». Il s’agit d’une combinaison d’éléments réunis de manière à former un ensemble,orienté vers la recherche de résultats. La notion de « système de management » renvoieà une analyse systémique de l’entreprise, c'est-à-dire à l’analyse des éléments de façonglobale, en tant que parties intégrantes d’un ensemble. Trois notions sont fondamentales :l’interaction entre les éléments qui composent le système, l’organisation et les objectifs dusystème. Le système a des caractéristiques propres qui ne dépendent pas des élémentsqui le compose ; il existe une qualité émergente au système, la totalité ; le tout est supérieurà la somme des parties.

Cette analyse est pertinente pour l’étude du fonctionnement global de l’entreprise. Unsystème comprend nécessairement une finalité et est composé d’une pluralité d’éléments,entrants, sortants, de moyens et de méthodes. Tous ces composants sont présents dansle système de management environnemental. Le texte du standard ISO 9000 de 2005 précise : « un système de management doit permettre d’établir une politique ainsi que desobjectifs à atteindre ».

La norme ISO 14 05011, chargée de définir de manière précise le système demanagement environnemental, le caractérise comme « la composante du système demanagement global qui inclut la structure organisationnelle, les activités de planification,les responsabilités, les pratiques, les procédures et les ressources pour établir, mettre enœuvre, réaliser, passer en revue et maintenir la politique environnementale ». En d’autrestermes, il s’agit d’une démarche structurée, mise en œuvre par une entreprise, afin deréduire les impacts environnementaux de son activité, c'est-à-dire un mode d’organisationpermettant de mener une démarche d’amélioration permanente des ses résultats vis-à-visde l’environnement.

Aucune stratégie n’a de sens si elle n’est pas adaptée au terrain ; en ce sens, le systèmede management environnemental oblige le manager à dresser une carte du terrain où sedéroule son action. A partir d’un diagnostic détaillé de chaque secteur ou branche quecomprend l’entreprise, il est possible d’en dégager une stratégie globale et cohérente degestion de l’environnement.

Un système de management s’oriente et se contrôle, la coordination est un élémentindispensable au fonctionnement du système. Pour ce faire, l’organisme se voit dansl’obligation de mettre en place des procédures particulières de communication interne afinque l’ensemble du processus soit intégré et efficace.

La démarche offre à l’entreprise un ensemble d’outils pour améliorer, établir et maintenirà long terme des relations fructueuses avec les parties intéressées par l’activité del’entreprise. Elle contribue au développement d’une organisation harmonieuse et durable.Afin que l’engagement de l’entreprise soit reconnu, il doit être certifié par un organisme agréeet indépendant. Il existe de nombreux organismes en mesure de délivrer la certification ISO

11 Norme ISO 14 050 : Management Environnemental - Vocabulaire

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14001 répartis partout dans le monde ; on en compte aujourd’hui plus de 573 et leur nombrene cesse de s’accroître, ce qui témoigne du dynamisme des référentiels ISO. La certificationdonne l’assurance écrite qu’une organisation, un processus, un service ou un produit estconforme aux exigences spécifiées dans le référentiel. En France, plusieurs organismessont chargés de la certification ISO 14 001, parmi eux, l’AFAQ, Moody Certification France,Bureau Veritas, DNV, Ecopass, etc. L’ensemble de ces organismes accréditeurs sont euxmême agréés par le Comité Français d’Accréditation (COFRAC), association indépendante,conventionnée par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable etde l’Aménagement du Territoire, qui veille à l’impartialité des organismes certificateurs ; ilse situe au sommet de la pyramide de confiance pour les pouvoirs publics.

La normalisation internationale se présente comme une solution adaptée au mode defonctionnement des entreprises parce qu’elle lui permet de répondre aux problématiquesenvironnementales actuelles auxquelles elles sont confrontées. La norme ISO 14 001apporte une réponse appropriée à l’évolution de l’environnement et en particulier àl’évolution de l’organisation des entreprises. Du reste, un système de normalisation estamené à évoluer et à se transformer pour suivre les mouvements de réorganisation interneet de ce fait, accompagner les changements organisationnels.

En s’interrogeant sur les facteurs de motivations incitant les entreprises à s’engagerdans une démarche de certification ISO 14 001, Olivier Boiral12, démontre qu’aucunedemande très explicite en faveur de son adoption n’émane de la population puisque le publicignore généralement ce que signifie ISO 14 001. Selon lui, la souscription au référentielest motivée par le souci d’acquérir la «légitimité institutionnelle », c'est-à-dire, une sorte de« mythe rationnel » dont la fonction est d’adapter les structures formelles des organisationsaux attentes des acteurs institutionnels. Les entreprises sont mues par la volonté d’offrirune image rationnelle et légitime de leur gestion environnementale, à ce titre, un systèmede management formalisé est implicitement considéré comme « la bonne façon de faire ».La norme ISO 14 001 participe au processus de rationalisation de la gestion de l’entreprisegrâce aux prescriptions techniques destinées à faciliter l’intégration des préoccupationsenvironnementales dans la gestion quotidienne.

L’analyse d’Olivier Boiral rompt avec le modèle économique classique dans lequell’environnement est perçu comme une contrainte économique et sociétale et proposeune lecture novatrice, basée sur l’hypothèse de Porter dans lequel l’environnementserait au service de la compétitivité. Selon Porter13, le développement des exigencesenvironnementales appelle des dépenses et des transformations susceptibles d’alourdirles coûts, cependant, la réponse à ces contraintes entraîne des efforts d’innovation afind’améliorer les procédés. De fait, le renforcement des exigences en matière de protectionde l’environnement, loin de freiner la compétitivité des entreprises par rapport à desconcurrents, stimule cette dernière et tend à améliorer la position concurrentielle des firmesles moins polluantes sur le marché. La promotion de cette logique dite « éco-efficiente »se base sur les avantages potentiels découlant des initiatives environnementales ; lesenjeux environnementaux apparaissent la plupart du temps comme un moyen d’améliorerla performance globale et la compétitivité de l’entreprise.

12 Olivier BOIRAL, Professeur agrégé, Université Laval, Québec, spécialiste universitaire du management environnemental,

au cours de la 13ème Conférence de l’Association Internationale du Management Stratégique, Juin 2004 : « Mettre en œuvre ISO14 001 : De la quête de légitimité à l’émergence d’un mythe rationnel ».

13 Mickael Porter, Professeur à l’Université d’Harvard, spécialiste de l’économie du développement, dans le cadre de sestravaux sur l’avantage concurrentiel.

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La norme ISO 14 001 est largement reconnue en tant que standard international. Lesmodalités de mise en œuvre de la certification garantissent la transparence de la démarche,car elle est réalisée par un organisme tiers, lui-même agréé et indépendant de toutespressions.

La mise en œuvre concrète d’un système de management environnemental est définiepar le référentiel ISO 14 001, qui précise les différentes étapes qu’il comporte. Toutes lesentreprises s’engageant dans une telle démarche sont tenues d’appliquer scrupuleusementla méthode et les critères de mise en place du SME.

II. Le fonctionnement par étapes de la mise en placed’un Système de Management Environnemental

La norme ISO 14 0001 fixe de nombreuses exigences, parmi elles : l’identificationsystématique des impacts environnementaux des activités de l’organisation, la définitiond’une politique environnementale, l’élaboration d’objectifs et d’un programme d’actioncohérent, la définition des rôles, responsabilités et autorités, la sensibilisation du personnel,la mise en œuvre de procédures de communication internes et externes, l’existence et latenue à jour d’une documentation décrivant les différents aspects du S.M.E, la planificationdes activités, la mise en œuvre d’actions correctives ou préventives, la revue régulière del’efficacité et de la pertinence du SME.

L’ensemble de ces exigences sont formalisées dans les différents stades de la miseen place du SME ; les 6 étapes proposées par le standard ISO 14 0001 constituent uneméthode que toute entreprise doit suivre rigoureusement. Avant de procéder à l’analysedes différentes étapes, il est utile de préciser que la clé de la réussite d’un tel projet est unengagement sans faille de la Direction, à son plus haut niveau, puisque c’est elle qui metà disposition les moyens humains et financiers et qui crée les conditions d’une mobilisationde l’entreprise, garante la pérennité du projet.

Etape 1 : Analyse environnementale initialeLa première étape consiste à faire un état des lieux de la politique environnementalede l’entreprise, c'est-à-dire effectuer une collecte d’informations sur la situation del’organisation face à l’environnement avant son engagement dans la démarche demanagement environnemental. L’analyse environnementale initiale n’est pas une exigenceexplicite de la norme ISO 14001, cependant, afin de définir clairement le chemin à parcourir,il est utile de faire un diagnostic qui permette d’appréhender quelle est la situation del’entreprise avant de s’engager dans la démarche. Cette étape est en revanche exigée dansle Règlement Eco Audit.

La collecte d’informations est fondamentale pour la suite du processus, notamment,pour définir de la nouvelle politique environnementale de l’entreprise.

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L’entreprise constitue une « Revue Environnementale » destinée à informer sur lasituation de l’entreprise, elle doit comprendre plusieurs éléments :

∙ Les aspects environnementaux : c'est-à-dire, les activités, produits ou servicesde l’entreprise susceptibles d’avoir une influence (en général négative) surl’environnement : utilisation des matières premières, d’eau, d’énergie, ou de produitschimiques, rejets dans l’eau ou dans l’air, bruits, production de déchets… L’entrepriseeffectue une analyse d’impact sur l’environnement de l’ensemble de ses activités encondition normale de fonctionnement et en cas d’accident.

∙ Les impacts environnementaux : sont les modifications négatives ou bénéfiques,qu’entraînent les aspects précédemment cités sur l’environnement : épuisement de lanappe phréatique, pollution de l’eau, de l’air ou du sol, destruction de la faune et de laflore, nuisances sonores, impacts visuels…

∙ La réglementation : l’entreprise doit réaliser un inventaire exhaustif des exigenceslégislatives et réglementaires applicables. Il permet de détecter les non conformitésde l’entreprise par rapport à la législation et d’y apporter des modifications.

∙ Les pratiques environnementales, sont les initiatives déjà en place dans l’organisationavant même l’engagement dans une démarche de SME, qu’elles soient formaliséesou non dans des procédures ou des modes opératoires : traitement des eaux usées,la collecte sélective des déchets… Il s’agit des politiques environnementales déjà enplace dans l’entreprise.

∙ Les incidents et accidents survenus par le passé.

La Revue Environnementale se doit d’être exhaustive, cependant, pour un fonctionnementoptimal, elle est périodiquement mise à jour pour tenir compte des évolutions de l’entreprisedans l’environnement et dans la réglementation. Cette analyse environnementale initialeest une « photographie objective » de l’entreprise dans son environnement avant sonengagement dans la démarche. Elle permet de mesurer quelle est l’influence exacte del’organisation sur son milieu.

Cette première étape est relativement longue puisqu’il s’agit de collecter desinformations et des résultats quantitatifs dans de nombreux domaines. Pour être efficace,l’ensemble du personnel doit y participer : chaque individu est la personne la plus enmesure de décrire et analyser sa propre activité. Une fois l’analyse environnementaleinitiale effectuée, l’entreprise passe à l’étape suivante, celle de l’élaboration de la politiqueenvironnementale.

Etape 2 : L’élaboration de la politique environnementaleLa politique environnementale est au cœur du processus puisque c’est grâce à elle que laDirection, à son plus haut niveau, peut impulser la démarche de mise en place d’un systèmede management environnemental. Généralement elle prend la forme d’une lettre rédigéeet signée par la Direction. Le document expose les axes prioritaires d’actions en indiquantquels sont les objectifs et les cibles environnementaux. Cette politique doit être réaliste etappropriée à l’entreprise ; elle retient uniquement ce que l’organisme est capable de réaliser.Le document, compréhensible par tous, est diffusé à l’ensemble du personnel ainsi qu’aupublic.

Pour que le document définissant la politique environnementale soit conforme auxexigences de la norme ISO 14 001, il doit absolument reprendre trois principes :l’amélioration continue, la prévention de la pollution et la conformité réglementaire.

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L’amélioration continue est un principe stipulant que l’entreprise doit s’engager à faireprogresser continuellement sa performance environnementale globale. Elle implique dese fixer des cibles et des objectifs réalistes à atteindre, de mettre en œuvre les moyensnécessaires (humains, financiers et techniques) pour atteindre ces objectifs. L’évaluationest menée à travers la réalisation d’audits dont les résultats permettent à la Direction defixer de nouveaux objectifs et de modifier, le cas échéant, sa politique environnementale.

La prévention de la pollution doit être prise en compte au travers de moyenstels que l’utilisation de procédés, de pratiques, de matériaux ou de produits quiempêchent, réduisent ou contrôlent la pollution (technologie propre, recyclage des déchets,valorisation énergétique, valorisation des matières premières et de l’énergie, modificationdes procédés).

La conformité réglementaire se traduit par l’exigence posée par la norme ISO 14 001 àce que l’organisme s’engage, par sa politique, à respecter la législation, la réglementationenvironnementale, ou toutes autres exigences auxquelles l’entreprise a souscrit (Chartesenvironnementales, Codes de bonnes pratiques…). Ce principe impose donc de connaîtreles textes applicables mais aussi de veiller à leur application.

La politique environnementale permet de fixer des objectifs concrets en fonction decibles précises afin de diminuer les nuisances causées sur l’environnement. Les objectifssur lesquels l’entreprise s’est engagée sont assortis d’un calendrier précisant les délaisde mise en œuvre et d’atteinte des objectifs. Ils sont évalués par des critères internesde performances environnementales. Le politique environnementale comprend la listede l’ensemble des objectifs, le calendrier de réalisation, l’organisation des ressourceshumaines et financières ainsi que la définition des responsabilités. L’élaboration dela politique environnementale dans une entreprise constitue l’occasion d’officialiser lanomination d’un responsable du SME.

Après la formalisation de la politique environnementale, l’étape suivante est celle de lamise en oeuvre des actions.

Etape 3 : Mise en œuvre du programme environnementalL’étape de mise en œuvre du programme environnemental consiste en la déclinaisonconcrète des objectifs et des cibles cohérents avec la politique ainsi qu’en l’élaboration desplans d’actions. Les éléments de l’analyse environnementale initiale trouvent leur place icipuisque après l’inventaire exhaustif des aspects et impacts environnementaux, l’entreprisecherche à identifier les aspects de ses activités, produits ou services, qui sont maîtrisableset sur lesquels elle peut avoir une influence. L’entreprise isole les activités qui ont un impactsignificatif sur l’environnement, elle classe ensuite chacun des aspects maîtrisables, enfonction de leur impact, à l’aide de différents critères tels que la gravité, la fréquence,la persistance, les parties intéressées, etc. Il s’agit de leur affecter différents niveauxd’importance et de conséquences sur l’environnement.

Les objectifs doivent être cohérents avec la politique environnementale et prendre encompte les exigences légales pour ne pas fixer des seuils inférieurs à la réglementation.Ils doivent également prendre en considération les choix technologiques, les donnéesfinancières et commerciales de l’entreprise ainsi que le point de vue des parties intéressées.A ce stade, il s’agit de formaliser le programme de réalisation des objectifs et cibles.

Pour chaque action définie, il faut déterminer : qui fait quoi, dans quels délais, avecquels moyens. Pour être performants, les objectifs doivent être réalisables sur le court terme

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et impliquer au maximum, le personnel. Le programme de management environnementalainsi établi, permet d’atteindre les objectifs et cibles qui ont été librement déterminés parl’entreprise.

Afin de mieux saisir l’étape de mise en œuvre de la politique environnementale etillustrer le contenu et les exigences de la politique environnementale, Monsieur Rase14 ,Responsable Qualité, Sécurité, Environnement de l’entreprise « Papeteries du Léman »donne un exemple concret: l’objectif de diminution des pertes d’eau sur le réseau. La miseen œuvre concrète de la politique environnementale peut être présentée par le tableau ci-dessous :

Responsable Date del’engagement

Objectif Détail del’Action

Délais Indicateur deperformance

Monsieur X Mars 2009 Diminuer lespertes d’eausur le réseau

- Réaliser descampagnesde détectionet de suivides pertes -Colmater lesfuites

Janvier 2010 Diminutionde 10% duvolume d’eauconsommé surle réseau pourune année

Monsieur Rase explique qu’il faut procéder ainsi pour chaque objectif que l’entreprises’est fixée, ce qui contribue à diluer les responsabilités au sein de l’entreprise.

Une fois réalisé l’ensemble de ces trois étapes dites « préalables » à la mise enplace concrète du système de management environnemental, l’entreprise est en mesured’aborder celles de la mise en œuvre effective.

Etape 4 : Mise en œuvre et fonctionnement du SMELa quatrième étape permet à l’entreprise d’aborder le concret de la démarche puisqu’elleconsiste à mettre en œuvre le ou les programmes de management environnemental. Ellerequiert l’élaboration d’une structure organisationnelle, la répartition des responsabilités,la formation et la sensibilisation du personnel, la communication interne et externe, ladocumentation du SME, la maîtrise documentaire et la prévention des situations d’urgence.

14 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009 avec M. Jean-Michel RASE, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement,Société Les Papeteries du Léman, groupe Bolloré.

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La Direction nomme un ou des responsables chargés de veiller à ce que le SME soitmis en œuvre conformément à la norme ISO 14 001, ainsi que de rendre compte de laperformance du système à l’ensemble du personnel de l’entreprise. La mise en place d’unetelle démarche nécessite en amont un fort travail de sensibilisation voire de formation àdestination de l’ensemble du personnel. L’entreprise crée des circuits de communication luipermettant d’informer l’ensemble des salariés à tous les niveaux sur les actions menées etles résultats obtenus. En matière de communication interne, trois aspects sont concernés :la communication interne ascendante, transverse et descendante. Selon la norme ISO,ces trois formes de communication doivent faire l’objet d’une procédure spécifique afind’assurer la communication « entre les différents niveaux et les différentes fonctions del’organisme15 ». Les différents vecteurs de la communication peuvent prendre la forme degroupes de travail associés au SME, de séances de communication collectives, d’utilisationde supports, etc.

En matière externe, l’entreprise est également tenue de se doter de circuits decommunication destinés à faire connaître sa politique, ses objectifs, ses résultats, ainsi quede répondre à toutes les demandes de renseignements pertinents adressées par les partiesintéressées. Il s’agit de maîtriser à la fois la communication externe sortante et entrante.

Enfin, le système de management nécessite la création par l’entreprise d’un« Système de Documentation» comprenant l’ensemble de données, des documents et desenregistrements qui composent son système de management environnemental. Il doit êtreaccessible aussi bien au personnel qu’à l’ensemble des personnes intéressées par lesactivités de l’entreprise. L’intérêt est de conserver une trace formalisée et organisée de sonpropre système, ainsi que de présenter et prouver son existence à des tiers. Le systèmede documentation comprend essentiellement la Politique Environnementale, les objectifs etles cibles, la description du domaine d’application du système ainsi que la description desprincipaux éléments du SME.

Le référentiel ISO 14 001, insiste néanmoins sur la nécessaire « maîtrise de ladocumentation » afin que ne soient conservés uniquement les documents utiles àl’entreprise et à ses partenaires.

A ce stade, le système de management environnemental est concrètement mis enœuvre au sein de l’entreprise, cependant afin de s’assurer de sa performance effective, le

15 Norme ISO 14 001 de 2004, paragraphe 4.3, les exigences du système de management environnemental en matière decommunication interne.

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système fait l’objet de vérifications et éventuellement de mesures correctives s’il est jugéinefficace.

Etape 5 : Contrôles et mesures correctivesDans la phase de mise en œuvre du SME, l’entreprise élabore des procédures décrivantles mesures et les indicateurs qui permettent d’évaluer le degré d’atteinte des objectifs.Dans l’hypothèse où les instruments de mesures et les indicateurs soulignent des nonconformités, l’entreprise doit immédiatement réagir afin de supprimer les causes de cesdysfonctionnements. L’entreprise se soumet à des audits de contrôle dont les conclusionssont transmises à la Direction. L’audit permet de vérifier que le SME répond correctementaux exigences de la norme ISO 14001 et de s’assurer que tous les engagements internesprécédemment énoncés sont mis en œuvre et compris.

Les entreprises ont recours à deux types d’audits . L’audit interne est celui qui est réalisépar le personnel de l’entreprise ou par un auditeur extérieur pour le compte de l’organisme.Il a pour finalité de déterminer si le SME est conforme ou non aux dispositions prévueset si il a été correctement mis à jour. Ces informations sont transmises à la Direction afinqu’elle ait connaissance des progrès réalisés ou à réaliser. Les audits internes doivent êtremenés à intervalles réguliers pour garantir l’efficacité du système ; ils constituent un outild’information à disposition de l’entreprise lui permettant de faire le point sur les réalisationsengagées et leurs résultats.

En revanche, les audits externes sont destinés à des tiers, notamment aux organismesde certification et sont nécessairement réalisés par une équipe d’audit extérieure àl’organisme. Ils permettent l’obtention de la certification ISO 14 001 témoignant del’engagement de l’entreprise dans une démarche de management environnemental. Suiteà l’obtention du certificat, un audit externe a lieu tous les trois ans, au cours duquel lacertification peut être prolongée, suspendue ou retirée en fonction des efforts accomplis parl’organisme.

Une fois l’entreprise certifiée ISO 14 001 et afin que l’ensemble de la démarche soitaccomplie et respectée conformément au texte du standard, elle doit programmer des« Revues de Direction », réunions qui permettent de passer en revue le SME pour s’assurerqu’il est toujours approprié, suffisant et efficace.

Etape 6 : La revue de DirectionCette étape, qui est la dernière de la démarche, est fortement liée à la précédente. Elledemande à la Direction de vérifier régulièrement, au cours de réunions, l’efficacité deson SME, grâce aux résultats des audits. Les efforts constatés doivent être appropriés etsuffisants par rapport à l’engagement initial d’amélioration continue. La Direction évaluedans quelle mesure les objectifs sont atteints et si il est nécessaire de revoir la stratégie. Sicela est nécessaire, la Direction peut décider de modifier la politique environnementale.

L’ensemble des étapes de la mise en œuvre d’un système de managementenvironnemental correspond à une progression logique et circulaire. Les six étapesprésentées ci-dessus doivent être suivies rigoureusement car elles constituent la méthodemême de mise en œuvre des systèmes de management environnemental. La démarcheest longue et contraignante mais seule son application pointilleuse garantie l’obtention dela certification.

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Deux logiques sont sous-jacentes aux 6 étapes de mise en œuvre du SME,l’amélioration continue et l’intégration. Ces deux notions constituent la raison d’être dessystèmes de management environnemental et orientent leur fonctionnement ; ils contribuentà rendre crédible l’engagement des entreprises.

III. Logiques des systèmes de management :Amélioration continue et intégration

A. Le cycle PDCA : Un principe d’amélioration continue déployé etactif

Le cycle PDCA est un modèle théorique visant à l’amélioration continue d’une démarcheou d’un processus. Il s’applique aux différents systèmes de management en vigueur(qualité, sécurité, environnement), d’ailleurs, la norme ISO 9000 de 2000 y fait explicitementréférence au travers de son principe n°6 : « Il convient que l'amélioration continue de laperformance globale d'un organisme soit un objectif permanent».

Les objectifs « zéro défaut », « zéro déchet », « zéro écart »…. sont utopiques et jamaisatteignables ; cependant, ils constituent des idéaux nécessaires puisqu’ils encouragent denombreuses entreprises à s’engager dans une démarche de recherche de progrès continus.C’est un projet sans fin, d’ailleurs la norme ISO 14 001 insiste sur l’aspect évolutif dudémarche.

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Le développement durable n’est pas un aboutissement, mais un mode de managementpar lequel l’entreprise cherche à élaborer le mode de gestion de l’environnement leplus efficace et le plus raisonné possible. Il ne s’agit pas d’atteindre une situationenvironnementale idéale et utopique. L’objectif est d’avancer, progressivement, le plusloin possible, dans la concrétisation de la responsabilité environnementale. Le systèmecommunautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) ainsi que la norme ISO14 001, visent à promouvoir une amélioration continue des résultats environnementaux detoutes les organisations. Les deux certifications n’imposent aucun niveau de performance,le principe étant que l’amélioration continue !

Le cycle PDCA de l’amélioration continue, comporte plusieurs étapes :

1. Le « P », Plan en anglais, renvoie à l’étape de la préparation : cadrage du projet,identification des objectifs, étude des conditions de réussite, de l’environnement, desrisques et des opportunités….. Il s’agit d’un plan d’action c'est-à-dire la planificationdes activités pour atteindre les objectifs associés à la politique. Cette premièrephase doit être placée sous la responsabilité d’une personne qui en organiserarégulièrement le suivi.

2. Le « D » , Do (faire), correspond à la deuxième étape du processus, celle de laréalisation effective. Il s’agit de réaliser les activités planifiées, de résoudre lesproblèmes, et de coordonner l’ensemble des actions. L’entreprise doit mettre enœuvre le processus et les activités, et articuler l’ensemble autour d’un systèmecohérent.

3. Le « C », (Check), constitue la troisième partie du processus, le contrôle et le suivi.Il faut vérifier et évaluer les résultats et les progrès obtenus en mesurant les écartsde réalisation, de dépenses, de calendrier, et contrôler les activités. Cela se fait parle biais des audits d’évaluation, internes ou externes, qui permettent de souligner lespoints forts ainsi que les points faibles du fonctionnement par rapport au référentiel.

4. Enfin le « A », (Act), correspond à la dernière étape, celle de l’élaboration denouvelles décisions pour réagir aux éventuelles dérives. Il s’agit de revoir le systèmepour l’améliorer constamment.

Au terme de cette logique, celle de l’élaboration de nouvelles décisions pour corriger lesdysfonctionnements de la démarche, l’entreprise est renvoyée à la première étape duprocessus, celle de la planification des objectifs en vue d’atteindre les nouveaux buts fixés,et ainsi de suite.

Le principe est représenté par un schéma communément appelé la « Roue deDeming », du nom du statisticien, qui n’a pas inventé le modèle, mais qui l’a popularisédans les années 1950. Deming est un théoricien animé par la volonté de transformer lefonctionnement du management en proposant aux entreprises de mettre l’accent sur ledéveloppement de la connaissance, dans un climat de coopération et rompre ainsi avec lemodèle de management privilégiant la concurrence et le pouvoir de l'argent. Selon lui, lemanagement consiste à maîtriser les processus, à coordonner les opérations et à préparerl'avenir. Les propos du théoricien, "Commençons par améliorer ce que nous savons faire,mais pas encore assez bien ; ensuite nous innoverons ; mais pas l’inverse", résument assezclairement le sens qu’il donne à sa fameuse « roue ».

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Source : actu-environnement.comLa processus PDCA est un chemin pour l’amélioration continue d’un système et donc

de l’entreprise. Les systèmes de management environnemental obéissent à cette logique,d’ailleurs, les étapes du fonctionnement théorique du SME précédemment présentées, secalquent sur celles du schéma PDCA (prévoir, faire, prouver et contrôler, corriger et réagir).

Dans cette perspective, l’entreprise, après avoir obtenu sa certification, doit êtresuivie annuellement, afin de vérifier si elle continue à s’inscrire dans une démarched’amélioration continue, puisque c’est une des exigences majeures de la certification. M.Muffat, Responsable QSE des remontées mécaniques d’Avoriaz16, affirme : « il faut montrerqu’on progresse tout le temps ». Il explique que lorsque les organismes de certificationsne constatent pas de progrès continus, ils sont en mesure de retirer la certification oude la suspendre pour un temps. Selon lui, il faut mettre en œuvre un travail quotidiend’amélioration sur le long terme puisque rien n’est jamais acquis.

Le paragraphe 3.2 de la norme ISO 14 001 définie l’amélioration continue comme« un processus récurrent d’enrichissement du système de management environnementalafin d’obtenir des améliorations de la performance globale, en cohérence avec la politiqueenvironnementale de l’organisme ». Cette définition est complétée par plusieurs notes quiprécisent que le processus « ne nécessite pas d’être appliqué dans tous les domainessimultanément ». De même, « le rythme, la portée, et le calendrier de ce processusd’amélioration continue sont déterminés par l’organisme à la lumière des circonstanceséconomiques et d’autres circonstances ».

16 Extrait de l’entretien du Mardi 17 février 2009, M. Bruno MUFFAT, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Sociétédes Remontées Mécaniques des Gets.

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Au final, la norme affirme que l’entreprise a toute possibilité et toute liberté pour définiren permanence le degré de son amélioration continue ; il est inutile voire impossible desouhaiter régler tous les problèmes environnementaux dès la première année de mise enplace d’un SME ! Cette souplesse dans l’application du principe d’amélioration continueexplique le succès de la norme ISO 14 001 puisque chaque entreprise engagée dans unedémarche de système de management environnementale, progresse, à son rythme et entenant compte des spécificités de son activité.

Même si l’exigence d’amélioration continue est donc une notion contraignante pourl’entreprise qui s’engage dans une démarche de certification environnementale, lesmodalités de mise en œuvre du principe sont relativement souples. Ainsi, une entreprisepréfèrera se fixer peu d’objectifs en même temps afin de pouvoir les atteindre et de se laisserune marge de progression pour le futur. La définition et la portée du principe d’améliorationcontinue dépendent de la nature de l’entreprise en question, de son secteur d’activité, deses ressources financières et de ses valeurs, mais offre toutefois la garantie d’obtenir unminimum de résultats environnementaux. A la différence des instruments réglementairesqui se contentent d’exiger l’atteinte d’un certain niveau d’objectifs donnés, la norme ISO14001 et les systèmes de management environnemental demandent à l’entreprise de fairedes efforts de manière constante, ce qui produit des conséquences potentiellement pluspositives sur l’environnement.

D’ailleurs, certaines entreprises déploient le principe d’amélioration continue à sonparoxysme et mettent en place des Systèmes de Management Intégré.

B. Une évolution nécessaire vers le système de management intégré Le système de management intégré renvoie au processus d’intégration des différentssystèmes de management existants. Il existe des systèmes de management dans plusieursdomaines : Qualité, Environnement, Sécurité qui peuvent être corrélés entre eux. Unsystème de management intégré est défini comme un système de management permettantde gérer de façon globale les parties communes aux référentiels Qualité, Sécurité,Environnement.

La mise en place d’un système de management de la qualité produit des retombéesen terme de sécurité et d’environnement, de même, une entreprise qui dispose d’unsystème de management environnemental, peut bénéficier de conséquences positivesen terme de sécurité et de qualité. Les sphères ne sont pas hermétiques, ainsi il peutêtre pertinent pour une entreprise de s’engager volontairement dans une démarche desystème de management intégré (SMI), puisqu’il existe une synergie entre les systèmes.Les conséquences positives dégagées d’un système de management environnementalont également des répercutions positives sur le système de management de la qualitéou de la sécurité. Jean Michel Rase17, souligne que, lorsque l’entreprise investit afinde pouvoir stocker d’une manière plus sûre, les produits chimiques et dangereux, celaentraîne également des conséquences sur les systèmes de sécurité et de qualité puisquela manutention devient potentiellement moins dangereuse pour le personnel. En économie,ce sont des « externalités positives », c’est-à-dire, une situation par laquelle une personneou une activité est favorisée par l’action d’un tiers, sans qu’il ait à en supporter directement

17 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, M. RASE, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société Les Papeteriesdu Léman, Groupe Bolloré.

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les frais. Cet aspect renforce le caractère vertueux des systèmes de managementenvironnemental.

Ce mode de fonctionnement favorise la gestion homogène et combine les exigencesde différentes normes (ISO 9000 pour la Qualité, ISO 14001 pour l’environnement, OHSASpour la santé et la sécurité du travail) afin que l’entreprise gagne en efficacité. Un système demanagement intégré est également appelé « système QES », en référence à la combinaisondes trois référentiels.

Les trois systèmes de management obéissent aux mêmes logiques et sont élaborésselon la même architecture organisationnelle. Les similitudes conceptuelles et structurellesrésident dans l’élaboration d’un programme ou d’une politique, la formation et lasensibilisation du personnel, les exigences de communication interne et externe, la définitiond’objectifs et d’actions correctives et préventives. Les bénéfices inhérents à la mise enœuvre d’un système intégré de management sont multiples : obtenir une certification plutôtque trois, réduction des coûts de certification, gain d’efficacité, anticipation des risques,réflexion globale et systémique de l’entreprise, avantage commercial et concurrentiel pourla conquête de nouveaux marchés, optimiser la consommation des ressources, atteindrela qualité totale.

Dans son ouvrage, Le manuel pratique de système de management QES- Méthodepour un système de management intégré, Gabriel Ullmann18, regroupe et synthétisel’ensemble de ces avantages des systèmes de management intégré. Il en recenseessentiellement six :

∙ Un SMI supprime les redondances et évite les fréquentes contradictions ouincohérences entre les différents systèmes.

∙ Il permet de fixer des objectifs, de définir et de mettre en œuvre des moyens, desactions, des méthodes, selon une démarche d’ensemble cohérente.

∙ Il offre une vue globale assurant une meilleure compréhension et donc une meilleureefficacité.

∙ Un SMI rend plus efficace la formation et la maîtrise des activités de chacun.∙ Il représente la démarche la plus appropriée pour l’intégration successive de toutes

les exigences qualité, sécurité, environnement.∙ Il constitue une opportunité nouvelle afin de donner un nouvel élan et un nouveau

motif de mobilisation interne.

Les quatre témoignages recueillis auprès des entreprises soulignent unanimement laproximité entre la certification ISO 9001 et l’ISO 14001. Les quatre entreprises étaientpréalablement certifiées « système de management de la qualité » (ISO 9000) avant des’engager dans la mise en place d’un système de management environnemental ; ellestémoignent de ce fait, de leur plus grande facilité à mettre en œuvre la norme ISO 14001car « la construction est identique, on ne découvre pas les audits, ni la documentation… »,explique Emmanuelle Lhermite19, Responsable QSE, de la station les Gets .

Les systèmes de management intégré offrent une vision globale de l’entreprise.L’objectif final d’un système de management intégré est de garantir l’intégration

18 Gabriel Ullmann, spécialiste et conseiller dans la mise en œuvre du management environnemental en entreprise, Le manuelpratique de système de management QES- Méthode pour un système de management intégré, 2002, Société Alpine de Publication,120p19 Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, Mme Emmanuelle Lhermite, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, Sociétédes Remontées Mécaniques des Gets.

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harmonieuse et durable des différentes thématiques choisies par l’organisation afin dedévelopper sa stratégie et son management. Il s’agit d’un outil à disposition des entreprisesqui souhaitent évaluer convenablement l’ensemble des risques auxquels elles sontconfrontées permettant du reste, de contribuer à la construction verticale de l’organisation,structurée autour de processus transversaux. L’intégration QSE représente le véritable défiactuel auquel les entreprises doivent se confronter. Elle est considérée comme une étapevers les réponses aux enjeux futurs. Le développement durable implique une vision globaleet systémique de l’entreprise auquel le SMI intégrateur offre une réponse adaptée puisqu’ilmêle les enjeux économiques aux enjeux sociaux et environnementaux. Les systèmes demanagement intégré constituent une étape significative de la gestion des entreprises etrépond aux exigences du Développement Durable. Les entreprises, après avoir mis en placeun système de gestion dans un domaine précis, envisagent de s’engager dans d’autressystèmes de management. Généralement, le contexte économique et institutionnel pousseles entreprises à s’engager d’abord dans un système de management de la qualité, ensuitedans un système de management de l’environnement et de plus en plus généralement, dansun système de management de la sécurité. L’intégration des trois systèmes de managementparticipe à rationaliser le fonctionnement de l’organisation car c’est seulement si le principed’amélioration continue est appliquer à tous les domaines, que l’entreprise peut espéreren tirer des bénéfices et faire de cet instrument un jeu à somme positive. D’ailleurs onpeut envisager que progressivement, lorsque les systèmes de management intégré seseront généralisés, la logique d’amélioration continue demandera aux entreprises de mettreen place des systèmes de management formalisés dans d’autres domaines, et que lesOrganisations Internationales élaboreront de nouveaux référentiels.

La norme ISO 14 001 et les systèmes de management environnemental constituentun engagement crédible, attestant de la responsabilité croissante des entreprises pourl’environnement, très séduisant car ils contrastent avec les instruments proposés jusqu’ici.Ce nouvel outil basé sur le volontariat est très novateur car il s’adapte au mode defonctionnement de chaque entreprises ; l’intégration des contraintes environnementalesdans le fonctionnement quotidien de l’organisation se révèle être parfaitement satisfaisantpour l’entreprise, puisque la norme ISO 14 001, qui , à première vue est un instrumentdestiné à la régulation environnementale, est également utilisé pour servir les objectifsstratégiques des entreprises.

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Partie II : Environnement et Economie :anatomie d’une relation stratégique

Les systèmes de management environnemental tels qu’ils sont décrits dans la normeISO 14001, ont pour principal objectif d’aider les entreprises à contribuer, à leur manière,à la protection de l’environnement et des ressources naturelles. Or, le but premier decet instrument, basé sur le volontariat, se trouve dénaturé par le fonctionnement dusystème économique, cherchant à transformer la contrainte que représente l’environnementen une opportunité stratégique à destination des entreprises. La seconde partie del’analyse se propose d’étudier plus en détail le lien stratégique qui unit « économie » et« environnement » au travers des enjeux, des coûts et des répercutions concrètes dessystèmes de management environnemental sur l’entreprise.

I. Les enjeux du système de managementenvironnemental

Les systèmes de management environnemental définis par la norme internationale ISO14001, bénéficient d’une véritable reconnaissance auprès des entreprises, du reste, ilscontribuent à faire de la lutte pour la protection de l’environnement le nouveau paradigmelégitime auquel les entreprises sont tenues d’adhérer. Cependant, l’engouement desentités économiques pour l’environnement laisse entrevoir une comportement stratégiqueet opportuniste de la part de ces dernières, ce qui amène à reconsidérer la légitimité desinstruments volontaires de régulation environnementale.

A. ISO 14 001 ou l’émergence d’une nouvelle conventionDepuis environ 15 ans, les entreprises se développent dans une perspectivede création de valeur à long terme, ce qui implique la prise en compte desconséquences environnementales de ses activités. L’environnement apparaît dès lorscomme facteur d’opportunité et de création de richesses sur le long terme. Lemanagement environnemental, en tant qu’outil destiné à la prise en compte des effetsenvironnementaux des activités de l’entreprise, est une technique de gestion utiliséedepuis de nombreuses années, ré-élaborée au fil du temps ; la première manifestation dumanagement environnemental en entreprise se caractérise par la dilution ou dispersiondes pollutions dans l’environnement. Face au manque d’exigence en matière de protectionenvironnementale, les entreprises tentent de camoufler au mieux les rejets qu’ellesengendrent quotidiennement, par l’enfouissement dans les sols ou la dispersions dans lesairs des pollutions dont elles sont à l’origine. Ces pratiques constituent bien une premièreforme de management environnemental puisque les entreprises prennent conscience,pour la première fois, de la nécessité de mettre en place des dispositifs, afin d’atténuer

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l’impact directement visible des activités de l’entreprise sur l’environnement. Cependant,les pouvoirs publics, s’appuyant sur des études d’impacts, soulignent les limites deces pratiques ; la dilution/ dispersion cède la place à l’engagement des entreprisesdans une approche modernisée du management environnemental : la mise en œuvred’actions palliatives pour compenser les effets néfastes des activités de l’entreprise surl’environnement. Les approches palliatives nécessitent de lourds investissements afinde pouvoir engager des actions de dépollution en aval du processus de production.Les investissements réalisés sont onéreux pour des résultats très modestes en termed’action sur l’environnement, c’est pourquoi, la décennie 1990 instaure une nouvelleforme de management environnemental, celui qui consiste à maîtriser les risquesenvironnementaux et intégrer les préoccupations environnementales dans la gestionquotidienne de l’entreprise. Cette troisième étape constitue une alternative adaptée auxspécificités de l’entreprise, elle préconise l’action à la source, en amont du processusde production. La formule moderne du management environnemental s’institue comme lemodèle dominant, mis en place par les entreprises, afin de maîtriser au mieux les contraintesenvironnementales, quelque soit leur secteur d’activité. La croissante prise en compte despréoccupations environnementales encourage les entreprises à intégrer l’environnementdans leur gestion quotidienne et ainsi à remettre en cause les fondements même de sastratégie ; l’entreprise substitue aux préoccupations de court terme dictées par les intérêtsdirects des actionnaires, une stratégie de développement sur le long terme intégrant laprise en compte des impacts de l’activité de l’entreprise sur l’environnement. Selon DenyseRémillard et Dominique Wolff20, « on assiste à la manifestation d’un nouveau consensusquant à la manière convenable de diriger les entreprises ». Le développement durable, etplus précisément, la prise en compte de l’environnement constitue la nouvelle conventionà laquelle les entreprises adhèrent, et rend obsolète la convention actionnariale, érigéesur des impératifs marchands et industriels ayant pour principal objectif la création derichesses à court terme afin de satisfaire les actionnaires. Denyse Rémillard et DomiqueWolff définissent une convention comme : « une solution à un problème de coordinationrépétitif qui, ayant réussi à concentrer l’attention d’un certain nombre de parties prenantes,tend à se reproduire régulièrement ». Il s’agit en d’autres termes, d’une référence normativeindiquant la bonne manière de se comporter en situation d’incertitude stratégique ; uneconvention est une croyance partagée, au fort pouvoir régulateur. La progressive institutionde la prise en compte de l’environnement au rang de convention, permet aux entreprisesde concilier les différents intérêts dans une perspective de création de valeur sur le longterme. Denyse Rémillard et Dominique Wolff montrent que le changement de paradigmeentraîne deux types de comportements : des réactions de coopération ou des réactionsd’affrontement ; pour le cas de l’environnement, les entreprises adhèrent majoritairementà la nouvelle convention, comme en témoigne le succès de la norme ISO 14001. La miseen place des systèmes de management environnemental, par le biais du standard ISO, estun moyen de concrétiser l’adhésion au nouveau paradigme. Pour que le changement dementalité des entreprises soit effectif, il doit être accompagné d’une évolution similaire del’appareil normatif. Néanmoins, il convient de savoir si, en ce qui concerne le managementenvironnemental, c’est l’évolution normative qui encourage les entreprises à modifier sesvaleurs ou si c’est le changement de mentalité des entreprises qui conduit à l’élaborationd’un outil normatif. Dans le cadre de l’émergence de la convention environnementale, c’estl’évolution des mentalités en entreprise qui a contribué à l’élaboration d’un outil normatif,principalement de la norme ISO 14 001.

20 Rémillard D, Wolff D, Le développement durable. L’émergence d’une nouvelle convention?, Revue Française de Gestion, 2009/4,n°194, p.29-43

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Dans la même idée, Gilles Grolleau et Naoufel Mzoughi21, dans un article de laRevue d’Economie Industrielle, qualifient la norme ISO 14 001 et les systèmes demanagement environnemental de « nouveau dispositif institutionnel ». Ils s’appuient surla définition des institutions donnée Douglas North22, à savoir qu’une institution satisfaità trois caractéristiques : il s’agit d’un ensemble de règles formelles, bénéficiant d’unsystème d’enforcement, c'est-à-dire d’un dispositif veillant à leur application et leur respect,enfin les institutions régissent ou gouvernent des interactions, qui sont d’ordre marchandeou productive dans le cadre de la norme ISO 14 001. Grolleau et Mzoughi analysentle standard comme un dispositif institutionnel car les entreprises lui font confiance etl’interprètent comme un signal de l’engagement environnemental d’une entité ; il s’agit d’unfiltre utilisé pour sélectionner leurs partenaires. Les normes ISO constituent une structurepour l’échange ainsi qu’un bien collectif mobilisable par l’ensemble de la population. ; en cesens il s’agit bien d’un dispositif institutionnel puisqu’elles permettent d’économiser les coûtsde recherche et d’information, communément appelés les coûts de transactions (coûts liésà la réalisation d’un échange). La norme ISO 14 001 est un moyen reconnu pour atteindreune fin, il s’agit d’une règle de conduite acceptée socialement.

Thomas Reverdy23, universitaire spécialiste des normes environnementales enentreprise, explique que la norme ISO 14 001 rend accessible l’utopie selon laquelle« environnement » et « compétitivité » sont compatibles. En outre, il précise qu’avecla norme ISO 14 001, l’utopie devient banale puisque les entreprises font preuve« d’isomorphisme organisationnel », c'est-à-dire les groupes professionnels dirigeantspartagent les mêmes valeurs quant à la protection de l’environnement ; ils contribuentà l’homogénéisation et à la généralisation de la mise en oeuvre des pratiquesenvironnementales, puisqu’ils sont très réceptifs au discours selon lequel l’environnementet la compétitivité économique peuvent être compatibles. La généralisation des pratiquesenvironnementales élaborées par les entreprises, par le biais de la norme ISO 14001,conduit à faire de la protection de l’environnement, le nouveau consensus vers lequell’ensemble de l’économie marchande devrait évoluer unanimement.

Selon Denyse Rémillard et Domique Wolff, le consensus actionnarial inspire encorelargement la stratégie des entreprises, cependant, il tend à disparaître au profit d’uneplus grande préoccupation pour la prise en compte de l’environnement dans la gestionquotidienne de l’entreprise. La succès de la norme ISO 14 001 relatif à la mise en œuvredes systèmes de management environnemental semble être la preuve de l’évolution dela convention dominante, la convention actionnariale, vers d’autres formes tacites decomportements. Néanmoins, plutôt que d’opposer les deux paradigmes, il conviendraitde les associer afin que la perspective de rentabilité à court terme ne soit pas contraireà la recherche de création de valeur sur le long terme. La convention actionnarialese trouve complétée par la convention environnementale, cette dernière n’ayant paspour objectif de se substituer à elle mais de l’enrichir en apportant des réponses auxdysfonctionnements qui lui sont inhérent. L’entreprise conserve comme préoccupationprincipale ce qui compose sa nature même, à savoir la création de richesses par lebiais de ses activités de production, cependant l’entreprise durable est celle qui est

21 Grolleau Gilles et Mzoughi Naoufel, L’élaboration des normes : un nouvel espace de compétition ? Une application à lanorme ISO 14 001, Revue d’Economie Industrielle, 2005/1, n°111, p. 29-56.

22 Douglas North, auteur de nombreux travaux sur le rôle des Institutions dans le développement économique, Institutions,Institutional Change and Economic Performance, 1990.

23 Reverdy T, Les normes environnementales : la trajectoire mouvementée d’une mode managériale, Sociologies Pratiques,2005/1, n°10, p.97-119

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capable de garantir un taux de profit considérable tout en réalisant des investissementsenvironnementaux, lui permettant d’assurer un développement pérenne dans le futur. Lechangement de paradigme suscite l’interrogation quant à savoir si l’économie est au servicede l’environnement ou l’environnement au service de l’économie. Le témoignage desentreprises étudiées reflète un double mouvement : de la même manière que l’économiesemble être mise à disposition de l’environnement, l’environnement constitue égalementune opportunité économique. La relation environnement-économie est réciproque, chacuneest au service de l’autre dans une relation de dépendance.

La progressive reconnaissance de la norme ISO 14 001 en tant que « convention »,signe l’avènement d’une nouvelle étape dans le cycle de vie des entreprises puisque leparadigme environnemental trouve enfin sa place aux cotés de la convention actionnariale,qui fut longtemps leur seule préoccupation. La légitimité de la nécessaire intégration desquestions environnementales au cœur de la stratégie quotidienne des entreprises n’est plusà prouver. L’adhésion au référentiel ISO 14 001 demande à l’entreprise de s’engager dansune démarche de révision complète de son mode de fonctionnement habituel pour faireen sorte que le nouveau dispositif institutionnel que constitue le SME, coexiste avec lesimpératifs économiques des entreprises. Individuellement, par le biais d’un changement dementalité, les entreprises sont à l’origine du processus de normalisation environnementale,cherchant à substituer à un attentisme généralisé, la possibilité d’adopter une stratégie pro-active en matière de protection de l’environnement. Du reste, la recherche d’une stratégiepro-active est parfois exacerbée dans certains cas, au point de manipuler stratégiquementles instruments volontaires de régulation environnementale.

B. Instruments volontaires de régulation de l’environnement etopportunisme stratégique

Dans le cadre d’une réflexion sur la norme ISO 14 001, Grolleau, Mzoughi et Thiébaut24,trois spécialistes des questions environnementales en entreprise, contestent la nature,généralement vertueuse, des caractéristiques prêtées aux instruments dits « volontaires »destinés à la régulation de l’environnement, et présentent ainsi, une analyse critique de cetype de démarche, afin de souligner l’écart entre les arguments théoriques communémentavancés et les réalités du terrain observées. La troisième génération d’intervention surl’environnement exclut la puissance publique de toute régulation et repose sur l’adhésionvolontaire des entreprises aux différentes normes mises à leur disposition. Les auteursmontrent que les approches volontaires en matière de régulation environnementale,peuvent faire l’objet d’une usage abusif ou anti-concurrentiel de la part des entreprises quiles utilisent, ils s’inscrivent dans une lecture critique du référentiel ISO 14 001 objet deleur analyse. Outre les éventuelles motivations relevant de la volonté personnelle et desmotivations citoyennes de l’entreprise, l’adoption d’approches volontaires est souvent liéeà des pressions externes. Parmi elles on recense les pressions de nature réglementaire,qui constituent un important facteur d’incitation au volontariat notamment par crainte dela réglementation à venir, ainsi que les pressions introduites par le marché, qui rendentnécessaire l’adhésion des entreprises aux instruments volontaires afin d’avoir accèsà certains marchés ou de pouvoir travailler avec certains donneurs d’ordre (en 2003,Général Motors demande à l’ensemble de ses fournisseurs d’être certifiés ISO 14 001).Grolleau, Mzoughi et Thiébaut invitent le lecteur à être prudent vis-à-vis des systèmes de

24 Gilles Grolleau, Naoufel Mzoughi, Luc Thiébaut, « Les instruments volontaires, un nouveau mode de régulation del’environnement ? », Revue Internationale de Droit Economique, 2004, pp. 461- 481.

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management environnemental et leur prétention à aller au-delà de ce que la réglementationexige. La norme ISO 14 001 peut faire l’objet d’un usage abusif voire anticoncurrentiel, ce quiconstitue une remise en cause de sa capacité à contribuer à une meilleure prise en comptede l’environnement par l’entreprise. Mme Miclot25, confirme les propos des trois auteurs etexplique qu’une des limites essentielles de la norme ISO 14 001, et d’une manière plusgénérale, de l’ensemble des normes ISO, « est que l’adhésion à ces référentiels est baséesur le volontariat des entreprises, sans qu’il n’y ait de contrôles de la puissance publiquesur les conditions de leur utilisation ». L’entreprise est autonome dans la mise en œuvred’un système de management environnemental, d’où la possible manipulation des objectifsqu’elle se fixe à atteindre. Les objectifs seront plus ou moins ambitieux, plus ou moinsfaciles à atteindre, plus ou moins explicites, plus ou moins déjà atteints avant l’engagementdans la démarche. La question de l’évaluation des objectifs demeure essentielle puisquel’organisme en charge de réaliser les audits n’est pas en mesure d’évaluer la pertinencedes objectifs fixés, mais s’en tient à la vérification des engagements initiaux. La remise encause de la fiabilité des instruments volontaires de régulation environnementale, en premierlieu de la norme ISO 14 001, conduit à s’interroger sur l’efficacité réelle de ces approches.

Les approches volontaires se veulent efficientes du point de vue des entreprises quiles utilisent puisqu’elles constituent un outil adapté à leur souci d’atteindre les objectifsfixés au moindre coût, cependant, les systèmes de management environnementaux sontdes outils utilisés par des entreprises opportunistes puisque, par leur mise en oeuvre,chaque entreprise choisit librement et indépendamment des actions à mener, des moyensengagés et des résultats à planifier. Les administrations publiques s’en trouvent égalementbénéficiaires indirectes puisque qu’elles n’ont plus à assumer les coûts liés à la mise enplace de la réglementation (élaboration, information, négociation, vérification). En revanche,les approches volontaires ne sont pas nécessairement plus efficaces en terme de maîtrisede impacts environnementaux. Grolleau, Mzoughi et Thiébaut montrent que les résultatsenvironnementaux satisfaisants ne sont pas obtenus uniquement grâce à la mise en œuvred’instruments volontaires, tels que la norme ISO 14 001 ; les instruments réglementairessont aussi efficaces et permettent d’atteindre des résultats non négligeables en matière demaîtrise des pollutions. La lecture critique de la norme ISO 14 001 permet de rendre comptede l’éventuelle manipulation du standard par les entreprises soucieuses de témoigner deleur efforts pour l’environnement tout en évitant d’en supporter des coûts trop conséquents.L’analyse de Gilles Grolleau, Naoufel Mzoughi et Luc Thiébaut conclut à une utilisationstratégique des approches volontaires par certaines entreprises afin de se différentier deleurs autres partenaires et d’en retirer un avantage de nature économique. Les approchesvolontaires constituent bien un nouveau mode de régulation de l’environnement mais leurportée doit être relativisée puisque la prétendue « bonne volonté » des entreprises vis-à-visde l’environnement cache un comportement stratégique.

L’intervention des pouvoirs publics se fait d’autant plus nécessaire que les normesvolontaires en matière d’environnement sont manipulées par les entreprises qui les utilisent ;elles présentent la protection de l’environnement comme l’enjeu principal de la démarchealors qu’au fond, elle fait figure d’enjeu secondaire. En outre, le propos des trois spécialistessur les manipulations stratégiques de la norme ISO 14 001 doit être complété et enrichipar l’analyse du processus d’élaboration des référentiels ISO. Parallèlement à l’étude duniveau micro-économique, à savoir, celui de l’application des instruments volontaires dansun secteur d’activités par des jeux de pouvoir et d’éventuelles manipulations stratégiques,

25 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle Miclot, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, SociétéAnonyme des Eaux Minérales d’Evian, Groupe Danone

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il est également utile d’examiner les modalités de construction et d’adoption d’un référentielinternational (de type ISO), cette fois au niveau macro-économique. De la même façonque sont dénoncés les manipulations stratégiques au niveau de l’application des normesISO 14001, la phase d’élaboration de ces instruments volontaires constitue un espacesupplémentaire dans lequel le secteur privé, et principalement les grandes entreprisesindustrielles, cherchent à obtenir un avantage sur leurs concurrents. En effet, les comitéstechniques, travaillant à l’élaboration des grands standards, offrent une sur-représentationaux porte-parole des grandes entreprises industrielles mondiales, contrastant avec laproportion des porte-parole représentant les Etats (les associations environnementales,les ONG ou les consommateurs). La logique sous-jacente à l’élaboration des normesenvironnementales volontaires est exactement identique à celle dénoncée par Grolleau,Mzoughi et Thiébaut au niveau de la mise en œuvre de ces instruments au sein d’un secteurd’activité. Le rapport de force trouve son origine en amont, dans la phase d’élaborationde ces référentiels, dans laquelle les industriels sont animés par la volonté d’obtenir unenorme au moindre coût de mise en place pour leur entreprise, tout en désavantageant aumaximum les autres entreprises qui souhaitent se certifier et qui n’ont pas eu la possibilitéde participer aux travaux d’élaboration. Le manque d’intervention de l’Etat dans la phased’élaboration des normes témoigne d’une manipulation stratégique encore plus forte etconduit à introduire une logique de marché dans laquelle s’exerce une concurrence accrueentre des acteurs, tous soucieux de défendre leurs propres intérêts. Ce comportementstratégique trouve une traduction théorique dans le concept économique appelé « théoriede la capture » ou encore « économie positive de la réglementation ». L’analyse est élaboréepar Georges Stigler, elle montre que dans certains cas, l’autorité réglementaire est soumiseà l’influence des groupes de pression et ne sont plus garantes de l’intérêt général. Lathéorie de la capture de la réglementation stipule que certains groupes d’intérêts utilisentles moyens de la réglementation pour orienter les lois et les règles dans des directions quiles favorisent, c’est ce mécanisme qui est à l’œuvre dans le cadre de l’élaboration de lanorme ISO 14 001, soumise aux intérêts organisés des représentants du secteur industriel.

Aux vues de ces considérations, les instruments volontaires de régulationenvironnementale apparaissent comme un outil de compétition entre les entreprises, tantau niveau de leur élaboration que de leur mise en œuvre concrète. La manipulationstratégique de ces approches prend place aussi bien au niveau micro-économique (celuide la mise en œuvre dans les entreprises) qu’au niveau macro-économique (celui del’élaboration des ces instruments). Les spécialistes des questions environnementales enentreprises, tels que Gilles Grolleau et Naoufel Mzoughi26, dont les travaux sont présentésci-dessus, prônent en faveur de la participation des Etats ainsi que de l’ensemble des partiesintéressées (société civile, petits producteurs…) aux phases d’élaboration et de mise enœuvre des standards, afin de rendre le système plus équitable et plus transparent. Detelles manipulations entraînent des effets pervers sur le bon fonctionnement du systèmede concurrence, c’est pourquoi, afin de faire face à ces dysfonctionnements, mais tout enconservant néanmoins les enrichissements que ces approches peuvent apporter en matièrede protection de l’environnement, les auteurs réfléchissent à une sorte de « troisième voie »associant l’intervention des Etats avec les approches volontaires ; les faire coexister plutôtque de les opposer afin d’en extraire un fonctionnement plus optimal.

Bien que l’analyse critique des normes environnementales basées sur l’adhésionvolontaire des entreprises puisse paraître excessive, les observations empiriques viennent

26 Grolleau G, Mzoughi N , L’élaboration des normes : un nouvel espace de compétition ? Une application à la norme ISO 14001, Revue d’Economie Industrielle, 2005/3, n°111, p. 29-56

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confirmer indirectement les jeux de pouvoir auxquels elles sont soumises. D’une manièregénérale, les entreprises certifiées ISO 14 001 ayant élaboré un SME sont celles qualifiéesde « grandes entreprises » (250 salariés ou plus), ou de « groupe d’entreprises » ( sociétémère et filiales) implantées en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie majoritairement.

Répartition dans le monde des certificats ISO 14 001 par secteurs d’activité en 2005Source : ISO 2005Le secteur industriel est le mieux représenté et possède le plus d’influence lors de

la phase d’élaboration de la norme ISO 14 001 puisqu’il est le groupe le plus cohérentau-delà des frontières nationales, les mieux équipés en termes d’expertise technique ; enrevanche, les petites et moyennes entreprises sont sous représentés. Il semble avoir unecorrespondance entre participation à l’élaboration de la norme ISO 14 001 et certification,les grandes entreprises industrielles ayant davantage participé au processus, constituent lamajorité des entreprises certifiées ; inversement, les PME/PMI27, moins représentées lorsdes travaux de préparation du standard sont par la suite moins nombreuses à être certifiées.La norme ISO 14001 semble confirmer le vieil adage selon lequel, « celui qui rédige ledocument (la norme), remporte la victoire ».

Les enjeux liés à la mise en place d’un SME sont multiples, d’ailleurs, leur succèss’explique par la progressive reconnaissance de la norme ISO 14 001 en tant que nouveaudispositif institutionnel. Cependant, l’enjeu purement environnemental du standard se trouvedénaturé par le comportement opportuniste de certains agents économiques, ce qui conduità remettre en question la prétendue bonne volonté des entreprises à s’engager pourl’environnement grâce à la mise en place d’un système de management. La protection del’environnement se transforme progressivement en un domaine d’action stratégique et unfacteur source d’avantages compétitifs que seules les entités économiques les plus richessont en mesure d’exploiter, étant donné le coût occasionné par la mise en place de mesuresenvironnementales, notamment des systèmes de management environnemental.

27 Petites et Moyennes Entreprises ou Industries

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II. L’environnement à quel prix ?Le coût de la mise en place d’un système de management environnemental, par le biais del’obtention de la certification ISO 14001, n’est pas lié au degré de risque environnementalque le site représente, mais à la complexité de son processus de production. Il est trèsdifficile de parvenir à chiffrer exactement le coût de revient d’un SME ; d’ailleurs lesentreprises qui ont collaboré à la réalisation de cette étude se sont montrées très prudentesvis-à-vis des estimations, ne parvenant elles-mêmes pas toujours à en calculer le montantglobal. La mise en place d’un SME nécessite 3 types d’investissements : les investissementsrelatifs à la mise en conformité par rapport aux lois et aux règlements en vigueur ; lesinvestissements en équipements permettant d’atteindre des objectifs et des cibles fixés ;l’investissement en heures de travail des salariés et en conseils extérieurs au site.

Même s’il s’avère impossible de chiffrer le coût total lié à la mise en place et aufonctionnement d’un système de management environnemental, tant le montant diffère enfonction de la nature de l’entreprise, de son degré d’engagement, des actions mises enœuvre, il est néanmoins intéressant d’analyser quels sont les éléments qui induisent lescoûts. Traditionnellement, pour présenter l’ensemble des dépenses liées à la mise en placed’un SME, les entreprises distinguent entre deux sortes de coûts : les coûts de mise enplace et les coûts de fonctionnement.

A. Coûts de mise en place et exclusion par les prixLa démarche de certification est un processus long dans lequel chaque étape présente uncoût important. Les normes internationales de management environnemental ISO 14001s’inspirent largement des normes ISO 9000, de 10 ans leur aînée, qui concernent lemanagement de la qualité. La similitude entre ces deux types de normes facilite le passagede l’une à l’autre, tout en réduisant les coûts de mise en place.

Cependant, même si les entreprises sont préalablement certifiées en ISO 9001, lescoûts de mise en place d’un SME n’en demeurent pas moins très élevés. Chaque étapedu processus, exige de l’entreprise, la réalisation d’un certain nombre de dépenses :coûts d’intendance liés à la mise en place du système, analyse initiale, réalisation de ladocumentation, formation des personnels et certification par un organisme accrédité. Il estsouvent difficile d’identifier le montant exact des dépenses engagées pour chaque étape,néanmoins, quelques indications peuvent être données sur la répartition des différents coûtssupportés par l’entreprise. Le coût de chacune des étapes varie en fonction de la taille del’entreprise et de la diversité de son activité. Plus la taille de l’entreprise est importanteet plus ses coûts seront élevés, de même, plus son activité est diversifiée et plus sesfrais seront croissants. Par ailleurs, ces deux caractéristiques sont souvent indissociables.Cependant, même dans l’hypothèse ou les entreprises seraient en mesure de chiffrerprécisément les dépenses induites par la mise en place d’un SME, les résultats obtenusne peuvent pas donner lieu à l’élaboration d’un coût moyen représentatif de l’ensemble desdépenses liées à l’engagement d’une entreprise dans une démarche de certification ISO14 001. Le système de management environnemental est spécifique à chaque entreprisequi décide de s’engager sur un certain niveau d’objectifs environnementaux à atteindre, lesbuts fixés ne sont jamais les mêmes entre deux entreprises même si elles appartiennent aumême secteur d’activité. En ce qui concerne les entreprises étudiées dans le cadre de laréalisation de ce travail, la société des Eaux Minérales d’Evian apparaît comme l’entreprisela plus engagée pour l’environnement, elle réalise des investissements colossaux, sans

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comparaison possible avec ses voisins directs. Les coûts de mise en place du SME ontété largement supérieurs à ceux supportés par d’autres entreprises de même envergure,notamment par son concurrent direct Neslté, propriétaire d’entreprises productrices d’eauxminérales. De même, les deux domaines skiables28 qui ont contribué à l’analyse, même s’ilssont fortement similaires dans leurs caractéristiques générales, se différencient largementen terme de mise en oeuvre de leur SME respectif. La confrontation des témoignagesdes deux Responsables Qualité-Sécurité-Environnement, M Muffat et Mme Lhermite,montre que la station d’Avoriaz est davantage engagée dans la démarche de managementenvironnemental et qu’elle a supporté des coûts de mise en place globalement supérieursà ceux engagés par sa voisine, la station des Gets.

La complexité et la technicité de la norme ISO 14 001 incite les entreprises à se faireaider dans leur démarche. Elles ont généralement recours à des consultants extérieurs ouà des laboratoires accrédités (cabinets de conseils en management), qui accompagnentles entreprises tout au long du processus, grâce à une aide spécifique et adaptée. Cesorganismes ont des prestations très onéreuses, cependant l’accompagnement externedemeure conseillé voire indispensable. De surcroît, les dépenses doivent être rattachées àla durée prise par le processus de certification, qui peut varier d’une à deux années, ce quireprésente un coût d’autant plus important, lorsque la durée de la démarche se prolonge .Les entreprises demandent à ces organismes de réaliser des audits dits « à blanc », c'est-à-dire une simulation d’audit qui précède l’audit de certification, qui sont, l’un comme l’autre,relativement coûteux. Afin de corriger les dysfonctionnements existants, les entreprises,conseillées par des organismes d’accompagnement, engagent des investissements lourds,nécessaires à la mise en place du système, ce qui contribue à augmenter le montantdes dépenses supportées par l’entreprise. M. Rase29 explique que, pour la société desPapeteries du Léman, le préalable à l’engagement dans une démarche de SME, était derechercher une technique permettant de recycler les eaux usées utilisées par le processusde production. Le Cabinet de Conseil en management accompagnant la société danssa démarche, préconise la construction d’une station d’épuration à échelle réduite sur lesite de l’entreprise, afin de résoudre le problème de la consommation d’eau ainsi quecelui du traitement des eaux usées. Cette solution, même si très pertinente pour l’activitépapetière, étant très grande consommatrice d’eau et très polluante, constitue une dépense« colossale », selon M. Rase, « dont l’amortissement prendra plusieurs années ». Al’ensemble de ces dépenses, qui concernent uniquement la mise en place des systèmesde management environnemental, il convient d’ajouter, en dernier lieu, les coûts liés à laformation du personnel. Le succès de la démarche réside dans la participation de l’ensembledu personnel, ce qui nécessite un effort de formation de la part de l’entreprise. Les dépensesd’accompagnement en interne, tant de sensibilisation que de formation, augmentent avecle nombre de salariés.

Le coût élevé de mise en place des SME est une des limites de la norme ISO 14001. Monsieur Muffat30, constate que le domaine skiable d’Avoriaz s’est s’engagé dansla démarche compte tenu de sa bonne situation financière, il reconnaît en revanche queles coûts induits par la mise en place d’une certification ISO 14 001, ne peuvent pas être

28 Analyse extraite des entretiens du 16 février 2009 avec Mme Lhermite, Responsable QSE, Société des RemontéesMécaniques des Gets et du 17 février 2009 avec M Muffat Responsable QSE, Société des Remontées Mécaniques d’Avoriaz.

29 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean-Michel RASE, responsable QSE, Société les Papeteries duLéman (groupe Bolloré)

30 Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniquesd’Avoriaz.

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supportés par une station de ski à la taille et à la situation plus modeste. Cet argumentsemble faire consensus ; l’accès à la certification en management environnemental estrestreint pour des entreprises petites et moyennes, tant les coûts de mise en place àsupporter sont lourds.

La mise en lumière de l’importance des coûts induits par la mise en œuvre d’un systèmede management environnemental permet de s’interroger sur la légitimité et l’efficacitédes instruments volontaires de régulation de l’environnement. En effet, la mise en placed’un système de management environnemental impose aux entreprises de supporter descoûts de transactions importants, c'est-à-dire, des coûts préalables à la réalisation d’unetransaction. Le concept de coûts de transaction apparaît pour la première fois dans l’articlede Ronald Coase, « The Nature of the Firm », et est repris plus tard par Oliver Williamson ; ilaffirme que toute transaction économique engendre des coûts préalables à leur transaction :des coûts liés à la recherche d’informations, à la négociation, à la prise de décision ou àla prévention de l’opportunisme des autres agents. La mise en place de la norme ISO 14001 engendre différents coûts de transactions, les plus importants étant ceux de rechercheet d’information, comme l’illustre le recours systématique des entreprises aux services descabinets de conseils. L’importance de ces coûts est une des caractéristiques spécifiquesdes instruments volontaires, générés et gérés par des personnes privées se substituant àla légitimité des autorités publiques en matière d’environnement. Dès lors, les standardsvolontaires de régulation environnementale ne peuvent pas se généraliser à l’ensemble del’économie car les frais de mise en place sont trop importants pour pouvoir être exigés parla puissance publique. Le coût lié à la mise en place d’un SME constitue un facteur dedifférentiation entre les entreprises capables de supporter l’ensemble de ces dépenses etcelles qui ne peuvent pas assumer un tel investissement ; les entreprises les plus dotéesfinancièrement bénéficient ainsi des nombreux avantages qu’offrent la mise en place de lanorme ISO 14 001, leurs partenaires non certifiés ne profitant pas des retombées. Le coûtde mise en place du SME résulte d’un réflexion stratégique visant à faire de la norme ISO14001, un dispositif particulièrement reconnu car non généralisé ; lorsqu’un référentiel estmis en place de façon démocratisé et standardisé, il perd de sa légitimité, c’est la raretérelative de la norme ISO 14 001 qui lui confère sa légitimité et son renom. Les entreprisesdisposant de ressources financières modestes sont aussitôt exclues du mécanisme decertification au standard ISO 14 001 puisque la normalisation internationale trouve salégitimité dans un processus d’exclusion par les prix. La norme ISO 14 001 opère unediscrimination entre les entreprises certifiables et celles demeurant à l’écart du processus ;il n’y a pas d’égalité entre les entreprises vis-à-vis de la protection de l’environnement.Les dysfonctionnements des instruments volontaires, liés à une utilisation stratégique etopportuniste des standards, constituent une limite inhérente à ces outils, qui trouvent leurorigine dans le processus d’élaboration des référentiels. L’exclusion de clients potentiels àla recherche de la certification conduit à faire de la norme ISO 14 001, un outil de régulationenvironnementale fiable puisque attribué seulement aux entreprises financièrement stables,en mesure de mener des actions et des investissements durables en matière de protectionde l’environnement.

Les coûts de mise en place du système de management environnemental constituentune source de dépenses non négligeable, dont seules les entreprises les plus richessont capables d’en assumer les conséquences financières ; cependant, le coût globaldes dépenses liées à la certification ISO 14 001 est constitué d’une seconde source dedépenses, celles induites par le fonctionnement quotidien du SME.

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B. L’évaluation incertaine des coûts liés au fonctionnement duSystème de Management Environnemental

Les coûts de fonctionnement du SME sont les coûts que l’entreprise doit supporter aprèsl’obtention de la certification ISO 14 001. Ici encore, il est difficile à évaluer pour lesentreprises certifiées et rares sont celles qui disposent d’un tableau de bord comptablesuffisamment précis. Plusieurs facteurs expliquent le manque de transparence dans cesdépenses. Tout d’abord, la grande majorité des entreprises certifiées manquent de recul,car l’obtention du label est trop récent pour pouvoir mener une étude chiffrée exactedes dépenses induites par le fonctionnement du SME. Ensuite, les fonctions et lesresponsabilités environnementales de l’entreprise sont souvent rattachées à la qualité, lasécurité ou les services généraux ce qui donne aux dépenses un caractère général. Lorsquel’entreprise est de taille importante, il est délicat de distinguer les coûts propres à l’entreprise,de ceux liés aux autres sites ou à l’ensemble du groupe. Ces divers facteurs expliquent qu’ilest quasiment impossible pour une société d’établir une comptabilité analytique « verte »et ainsi de mesurer véritablement le montant des coûts de fonctionnement d’un SME.Généralement, les entreprises ne disposent pas d’un « budget environnement » propre etindépendant du budget global, ce qui ajoute de la confusion dans l’élaboration potentielled’une comptabilité environnementale stricte.

Tout comme pour les coûts de mise en place, les coûts de fonctionnement du SMEsont très variables d’un site à l’autre. Néanmoins, certains investissements ou frais seretrouvent d’une manière récurrente dans l’ensemble des entreprises, à titre d’exemple,le salaire du personnel en charge du pilotage et de la surveillance du système demanagement environnemental, les moyens engagés pour les audits internes, la formationet la communication dans l’entreprise, le coût supplémentaire lié à l’utilisation de produitsdits « biodégradables », etc. Parmi ces quelques exemples présentés, les dépenses enformation du personnel, corollaires à la mise en place d’un SME constituent une bonneillustration de la difficulté d’évaluer le coût de fonctionnement du système de managementenvironnemental. La démarche ISO 14 001 conduit à des résultats visibles, lorsquel’ensemble du personnel de l’entreprise est impliqué, de la Direction jusqu’au opérateurssur le terrain. Cette implication passe par des efforts de sensibilisation et de formationcontinus, ce qui n’est pas sans avoir un coût. La formation sur le SME se décline parla mise en place de groupes de travail, par l’implication quotidienne du personnel dansla rédaction des consignes ou des instructions environnementales, par des séances decommunication collectives, par la formation d’adaptation aux nouveaux outils de travail,par l’utilisation de supports de sensibilisation (vidéos, films, CD-rom…), la création depoints de rencontre, l’organisation de conférences et débats. Les dépenses de formation,qui ne sont qu’un exemple parmi d’autres, sont représentatives puisque très difficilementévaluables quantitativement. Outre le calcul de l’ensemble des heures de travail nécessairesau Responsable Environnement pour mener à bien son rôle de formateur, la frontière estsouvent floue entre ce qui relève de la formation rendue nécessaire par la certificationISO 14 001 et la formation continue inhérente à toutes personnes faisant carrière dansl’entreprise. Les techniques de formation et de sensibilisation n’ont pas directement un coûtmesurable, cependant leur préparation et leur réalisation nécessitent beaucoup de tempsainsi que de disponibilités en terme matériel et humain, le temps et la disponibilité étantdeux indicateurs difficilement mesurables en termes économiques. Du reste, Mme Miclot31

témoigne que dans le cadre de la société Evian, il est impossible de chiffrer le coût de31 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle Miclot, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, Société

Anonyme des Eaux Minérales d’Evian, Groupe Danone

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revient total d’un SME puisque les investissements réalisés obéissent à une double finalité,d’une part, satisfaire les besoins normaux d’investissement de l’entreprise, d’autre part,répondre aux exigences de la certification ISO 14 001. Selon elle, une entreprise qui meten place un SME ne doit pas chercher à calculer son coût de revient ; lorsque l’entrepriseréalise un investissement important dans nouveau procédé de fabrication de bouteilles enplastique, elle engage des dépenses pour répondre à la fois à des exigences marketing(recherche d’une bouteille au design plus vendeur car plus original), à des exigencesproductives (format plus ergonomique et donc plus facilement stockable), à des exigencesenvironnementales (réduction de la quantité de plastique par bouteille), à des exigenceséconomiques (réduction de la consommation de matières premières et d’énergie). MmeMiclot réfléchit sur la meilleure façon possible d’isoler les coûts supplémentaires del’investissement induits par la recherche de procédés moins polluants, dictée par le SME ;elle conclut que l’évaluation est impossible car la décision d’investissement est motivée parun ensemble de facteurs imbriqués entre eux, n’ayant pas pour seule origine le système demanagement environnemental.

Mme Lhermite32 explique : « le montant des dépenses de fonctionnement est largementsupérieur au montant des dépenses de mise en place, étant donné que le SME se basesur un processus d’amélioration continue ». L’entreprise est tenue d’aller toujours au-delàde ce qu’elle se fixe, elle doit sans cesse prouver qu’elle réduit les impacts de ses activitéssur l’environnement, ce qui rend nécessaire la réalisation d’investissements réguliers ;les investissements respectueux de l’environnement étant toujours plus onéreux que lesinvestissements traditionnels. Mme Lhermite ajoute: « pour les coûts liés au fonctionnementquotidien du SME, on est dans la spirale du toujours plus, quoi que l’on fasse, la prochaineétape sera d’aller encore plus loin, ce qui, au final, coûte toujours plus cher à l’entreprise ».

Le coût élevé de la démarche explique qu’il y ait davantage d’entreprises de grandetaille que de PME qui soient certifiées, les PME dotées d’un SME sont généralement desactivités de services à la bonne situation financière, dans un secteur d’activité durable ouen expansion.

Cependant, lorsque les entreprises parlent des dépenses liées à leur système demanagement environnemental, toutes n’insistent pas sur le coût que le dispositif représente.M Rase33, parle d’un possible « retour sur investissement » du système de managementenvironnemental. D’ailleurs, d’une manière générale, les entreprises étudiées dans lacadre de l’analyse, espèrent toutes ce retour sur investissement dégagé de la miseen place d’un SME. Les dépenses engagées sont importantes mais constituent desinvestissements durables pour l’entreprise, qui, a terme, sont bénéfiques. Mme Miclotexplique que l’entreprise impliquée dans une démarche de management environnementalest en mesure de mieux préparer son avenir, puisque l’ensemble des investissementsqu’elle réalise prend en compte les contraintes environnementales. Néanmoins, le coûtglobal lié à la mise en place d’un système de management environnemental constitue l’undes points faibles de la démarche. Le processus est coûteux pour les PME/PMI , il réduit lenombre des entreprises potentiellement certifiables, et explique le retard français en matièrede certification ISO 14001, le tissus d’entreprises en France étant essentiellement constituéde PME/PMI, aux ressources financières non suffisantes.

32 Extrait de l’entretien du 16 février 2009, avec Mme Emmanuelle Lhermite, Responsable Qualité Sécurité Environnement,Société des Remontées Mécaniques des Gets.

33 Extrait de l’entretien du 19 février 2009, avec M Jean-Michel Rase, Responsable Qualité Sécurité Environnement, SociétéAnonyme Les Papeteries du Léman, Groupe Bolloré

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Pour encourager les entreprises à s’engager dans une démarche de managementenvironnemental, de nombreuses institutions et associations aident financièrement lesentreprises, par l’attribution de subventions. Les Chambres de Commerces et d’Industriesdes différents Départements accompagnent et subventionnent certaines entreprises dansleur processus de certification ; de même, que les Conseils Généraux ou Régionaux.L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), organisation quianime, coordonne et réalise des opérations de protection de l’environnement soutientfinancièrement les petites et moyennes entreprises dans leurs initiatives. Depuis 2002, ilexiste un partenariat entre l’ADEME et la Région Rhône-Alpes proposant un programmedans lequel des spécialistes des questions environnementales interviennent directementauprès des artisans et des dirigeants des PME pour les accompagner dans leurs démarchesenvironnementales au quotidien et pour les inciter à intégrer l’environnement dans leurstratégie de développement. Quoi qu’il en soit, M Muffat explique que même si lessubventions proposées par ces organismes sont non négligeables, elles restes néanmoinsmarginales lorsqu’elles sont comparées à l’ensemble des coûts de la démarche quel’entreprise doit supporter, « ce n’est pas le fait de recevoir des subventions qui nous aencouragé à se certifier en ISO 14 001, les subventions restent assez symboliques ».

Dès lors, si les entreprises acceptent de s’engager dans le processus de certificationet ainsi de supporter de tels coûts (de mise en place et de fonctionnement), c’est qu’ellesentrevoient dans la norme ISO 14001, une opportunité de développement ou un facteurcompensatoire permettant de rentabiliser leurs dépenses engagées.

L’ensemble des coûts que l’entreprise doit supporter par la mise en place et lefonctionnement d’un système de management environnemental pose la question de lalégitimité des instruments volontaires de régulation environnementale puisqu’ils contribuentà faire de la protection de l’environnement, un luxe, que seules les entreprises les mieuxdotées financièrement sont capables de s’offrir. En outre, cette pratique s’oppose à laconception qui fait de l’environnement un bien collectif, accessible à tous, sans mécanismed’exclusion par les prix. L’environnement mis à disposition gracieusement par la naturene devrait pas faire l’objet d’un calcul économique et, la mise en place d’actions pour saprotection doit être accessible à tous, quelque soit le niveau de richesses économiquesdes agents. L’inégalité face à la protection de l’environnement, de la même manière qu’elleexiste entre les entreprises, se retrouve au niveau des ménages : les consommateursqui achètent des produits respectueux de l’environnement (alimentation bio, produits bio-dégradables, matériaux recyclables…) sont généralement les ménages les plus aiséspuisque ces produits sont davantage coûteux que ceux de consommation traditionnelle.

Depuis que la lutte pour la protection de l’environnement s’est instituée dans les paysdéveloppés, il y a une vingtaine d’années, les entreprises qui se sont vues contraintesd’agir sous la pression des pouvoirs publics, tentent de tirer partie de cette exigence pouren faire un avantage compétitif, aux répercutions positives sur le niveau de performancede l’organisation. La notion de développement durable en entreprise, et notammentsa composante environnementale ont largement contribué à redéfinir le concept deperformance, aujourd’hui focalisé autour de l’idée de « performance globale ».

III. Performance environnementale vs performanceglobale de l’entreprise

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Les entreprises qui s’engagent dans la mise en place des systèmes de managementenvironnemental sont rarement désintéressées puisqu’elles ont pris la mesure del’opportunité que constitue ce nouveau champ d’action. La vulgarisation du concept deDéveloppement Durable pousse les entreprises à redéfinir les critères d’évaluation de lasituation concurrentielle ; la performance économique dépend directement de la prise encompte des dimensions sociales et environnementales de la performance.

A. Performances et EntreprisesLe concept de performance se définit comme la capacité à obtenir un résultat ou àatteindre un objectif préalablement établi par la stratégie de l’entreprise. L’évaluation dela performance nécessite que l’entreprise se soit, au préalable, fixée des objectifs àatteindre dans un délai précis. Longtemps la mesure de la performance en entreprise s’estréduite à sa dimension économique, c'est-à-dire l’évaluation de sa capacité à produire aumoindre coût en maximisant les bénéfices, pour répondre aux attentes des actionnaires.Cependant, avec la vulgarisation du concept de Développement Durable, la représentationuniquement financière de la performance cède la place à des approches plus globalesincluant les dimensions sociales et environnementales. La pérennité des entreprises nes’apprécie plus sur l’aspect uniquement financier de leurs activités ; l’entreprise durableest celle capable de prendre en compte les attentes de nouveaux acteurs, l’ensemble des« parties prenantes », qui comprend les actionnaires mais également les associations, lesONG, les syndicats, les clients, ou les fournisseurs... Ces nouveaux partenaires souhaitentêtre entendus et la prise en compte de leurs exigences est une nécessité vitale pourla performance et la pérennité des entreprises. Le contenu de la notion de performanceest reconsidéré pour intégrer dans son évaluation, la manière dont les entreprises seconduisent et fournir une image globale de la performance de l’entreprise. L’exigenced’un plus fort degré de responsabilité chez les entreprises donne naissance au conceptde « performance globale ». La performance globale est définie par le CommissariatGénéral du Plan, et notamment par Marcel Lepetit34, en 1997, « comme une visée (ou unbut) multidimensionnelle, économique, sociale et sociétale, financière et environnementale,qui concerne aussi bien les entreprises que les sociétés humaines, autant les salariésque les citoyens ». Cette performance nécessite l’élaboration d’indicateurs multi-critèreset multi-acteurs , puisque les entreprises sont tenues de mesurer l’étendue de leursprogrès non seulement dans la sphère économique, mais également en matière socialeet environnementale. La notion de performance s’élargie, elle devient un instrumentde mesure de la « responsabilité sociétale »35 de l’entreprise vis-à-vis de ses partiesprenantes. Désormais, les rapports que les entreprises entretiennent, non seulement avecleur environnement naturel mais aussi avec leur environnement sociétal, doivent être prisen compte et évalués de la même manière qu’elles évaluent leurs résultats économiques.

La performance globale est mobilisée pour évaluer la mise en œuvre par les entreprises duconcept de Développement Durable ; elle se définit comme « l’agrégation des performanceséconomiques, sociales et environnementales par la réunion de la performance financière, dela performance sociale et de la performance sociétale ». Contrairement à la vision américaine

34 Marcel Lepetit, consultant en organisation et expert de comités d’entreprises au Cabinet Développement social et organisationConsultants, a contribué au groupe de travail du Commissariat Général au Plan (CGP) en 1997 sur la performance globale.35 Responsabilité d’un agent économique par rapport aux conséquences sociales et environnementales de ses activités sur sesparties prenantes.

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de la responsabilité sociétale concrétisée dans des actions philanthropiques étrangères auxactivités économiques de l’entreprise, l’approche européenne considère que les actionsphilanthropiques n’entrent pas dans le champ de la responsabilité sociétale des entreprises(RSE) et que les actions qui en relèvent s’apprécient au regard des activités habituelles del’entreprise. En Europe, il n’y a pas de dissociation entre le métier de l’entreprise et les actionsrelevant de la responsabilité sociétale. Pour définir précisément l’approche européenne dela RSE, il convient de se référer à la définition de la Commission européenne : « La RSEest un concept qui désigne l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupationssociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leursparties prenantes 36». La Commission qualifie les entreprises de « socialement responsables »lorsqu’elles vont au-delà des exigences légales minimales et des obligations imposées parles conventions collectives pour répondre à des besoins sociétaux. La RSE permet auxentreprises, en coopération leurs partenaires, de concilier les ambitions économiques avecles exigences sociales et environnementales. Aujourd’hui, la responsabilité sociétale sereprésente au travers du concept "Triple Bottom Line" : prospérité économique, respect del’environnement, respect et amélioration de la cohésion sociale. ». Ce concept traduit la priseen compte, à l’échelle de l’entreprise, des trois dimensions du Développement Durable etdonc de la performance. Le Développement Durable en entreprises est représenté par unschéma qui permet de mettre en évidence l’intégration des trois objectifs poursuivis : l’unest économique (création de richesses pour tous à travers des modes de production et deconsommation durable), l’autre est écologique (conservation et gestion des ressources)et le troisième est social (équité et participation de tous les groupes sociaux). Le principedu Développement Durable consiste en l’équilibre de ces trois dimensions afin éviter quela poursuite des objectifs économiques se fasse au détriment des deux autres. Lorsquel’entreprise prend une décision, elle veille à l’imbrication simultanée des exigenceséconomiques, écologiques et sociales, enjeux auxquels toute entreprise doit être en mesured’apporter des réponses satisfaisantes.

Schéma du « Triple Bottom Line »Source : Greeninnovation.comAlors que la définition de la performance globale en entreprise est exprimée

simplement, les entreprises éprouvent des nombreuses difficultés à l’évaluer. Lesentreprises sont dotées de dispositifs d’évaluation perfectionnés pour la mesure desdimensions économiques et financières traditionnelles, mais présentent de nombreuseslacunes en ce qui concerne l’évaluation des dimensions environnementales et sociales. Les

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outils existants évaluent les performances de manière séparée ou mesurent au mieux lecroisement de deux performances.

La performance globale rejoint le concept déjà abordé auparavant de système demanagement intégré, dans le sens où l’entreprise cherche à établir une symbiose entredifférentes dimensions, afin d’être plus compétitive. Aujourd’hui, la difficulté réside dans lacomplexité de mesurer les interactions entre les différentes dimensions de la performance,économique, sociale et environnementale. L’évaluation stricte de la performance pardomaine d’application nécessite de disposer d’indicateurs de mesure fiables pour chaquecatégorie d’action. La performance globale telle qu’elle est définie par la CommissionEuropéenne constitue une donnée subjective puisque propre à chaque entreprise, enfonction des objectifs qu’elle s’est fixée. Une entreprise privilégiera telle ou telle dimensionde la performance en fonction de son secteur activité, des pressions qui s’exercentsur elle, du choix des orientations stratégiques… ; la performance globale pose leproblème de la compensation entre les différentes performances : les résultats d’uneentreprise ne réussissant pas à atteindre ses objectifs environnementaux peuvent-ilsêtre compensés par une excellente performance financière, économique et sociale ? ;un bon niveau de protection sociale dans l’entreprise contribue à faire oublier desrésultats environnementaux lacunaires. L’agrégation des performances économiques,environnementales, sociales dans le concept de performance globale de l’entreprisepose problème car seule la performance économique ou financière dispose d’indicateursstandardisés et internationalement reconnus ; parmi eux, les entreprises évaluent le plussouvent leur performance économique grâce à leur taux d’investissement, leur taux de profitou leur taux de productivité. Cependant les comparaisons entre entreprises, même en cequi concerne la dimension économique de la performance, sont délicates à réaliser puisqueles entreprises sont toutes différentes les unes-des autres, chaque indicateur témoignent dela spécificité de chacune d’entre elles. En revanche, les performances environnementaleset sociales ne bénéficient pas d’indicateurs standardisés et reconnus comme l’instrumentde mesure approprié des ces performances. De même, les sphères ne sont pashermétiques entre elles, les niveaux des performances sociales et environnementales ontdes conséquences évidentes sur le niveau de performance économique de l’entreprise, quidemeure le concept central dans la pensée économique. D’ailleurs, l’analyse de la miseen place d’un système de management environnemental, rend visible le lien qui unit laperformance environnementale à la performance économique.

B. Le mythe de la performance environnementale ?La mise en place de méthodes de gestion environnementale par une entreprise n’est jamaisun acte totalement désintéressé, puisque quelles que soient les actions engagées, leurcoût de mise en place et de fonctionnement est largement supérieur à celui nécessaireau fonctionnement traditionnel de l’entreprise, sans la prise en compte des contraintesenvironnementales. L’analyse ici consiste à comprendre pourquoi y a-t-il un tel engouementdes entreprises à s’engager pour l’environnement, par la mise en place des systèmes demanagement environnemental ? Ce comportement semble, à première vue, paradoxal,car les entreprises, en tant qu’acteurs rationnels, cherchent à diminuer leur coûts defonctionnement au maximum afin d’augmenter leurs profits.

L’environnement n’est plus vécu comme une contrainte pour les entreprises soucieusesde s’assurer un développement sur le long terme, il apparaît davantage comme uneopportunité de création de valeur à long terme, témoin de la bonne santé économique et

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financière. Une entreprise qui est en mesure de justifier un certain niveau de performanceenvironnementale, est une entreprise qui n’agit pas par pure philanthropie, mais qui espèreen dégager des résultats visibles sur son niveau de performance économique. La prise encompte de l’environnement dans ses modes de gestion quotidiens résulte d’un ensemblede pressions exercées par la société civile, elle est un mal nécessaire pour l’entreprisepuisqu’elle offre indirectement des opportunités économiques. Cependant, afin de pouvoirbénéficier des avantages induits par la prise en compte de l’environnement grâce à la miseen place d’un système de management environnemental, les entreprises doivent être enmesure d’évaluer leurs résultats environnementaux et ainsi de communiquer sur un certainniveau de performance environnementale atteint.

La notion de performance environnementale demeure un concept flou, de lamême façon que la définition de performance pour une entreprise s’est avérée, ci-dessus, difficile à appréhender et à évaluer. Une entreprise est qualifiée de performanteenvironnementalement si elle réussit à atteindre les objectifs qu’elle s’est préalablementfixée lors de l’élaboration de sa stratégie ; le niveau de performance environnementaledépend ainsi de l’ambition des objectifs initiaux que l’entreprise s’est fixée. D’ailleurs,il est assez aisé pour l’entreprise de se décrire comme performante dans le domaineenvironnemental , dès lors où elle réussit à atteindre les objectifs environnementauxélaborés dans la démarche du système de management environnemental. Les difficultésd’évaluation resurgissent ici puisque à partir du moment où les entreprises respectentleurs engagements, elles s’autoproclament performantes en matière environnementale,néanmoins, il n’existe pas d’organisme dont la mission est d’évaluer le niveau deperformance environnementale, ni même d’indicateurs permettant d’en rendre compte.Les systèmes de management constituent un outil pouvant servir à l’évaluation de cetteperformance puisque la méthodologie de la démarche nécessite la fixation d’objectifs àatteindre assortis d’indicateurs précis permettant d’évaluer dans quelle mesure l’entreprisea respecté ses engagements ; cependant, ce qui est évalué par le SME et ses indicateursce sont surtout le niveau de performance du système mis en place dans l’organisationdavantage que sa performance environnementale réelle. L’entreprise peut être décrite parle SME comme intégralement performante, simplement parce qu’elle réussit à atteindrel’ensemble des objectifs fixés, alors même que ces derniers peuvent avoir été choisis carpeu ambitieux et facilement réalisables. Les systèmes de management environnementalsont davantage des outils subjectifs d’évaluation de la performance environnementale, dureste les mesures sur lesquelles chaque entreprise s’engagent sont toujours différentes,ce qui exclut toutes comparaisons de performance possible entre les entités. La mise enplace d’un système de management requiert l’introduction d’indicateurs environnementauxdans chacun des tableaux de bord des entreprises, l’évaluation est délicate car il n’ya pas d’indicateurs standards valables pour tous les organismes. Des recherches sonten cours afin de trouver une technique de mesure standardisée permettant de rendrecompte du degré de performance environnementale des entreprises, parmi eux le rapportde l’Association Chartered Certified Accountants (ACCA) sur la mesure de la performanceliée à l’environnement, le guide sur les indicateurs environnementaux des compagniesélaboré par l’EPA allemande37, le rapport sur les mesures d’éco-efficience du WorldBusiness Council for Sustainable Development (WBCSD), le papier publié par l’AgenceEuropéenne de l’Environnement (EEA), sur les indicateurs d’éco-efficience, etc. Dansles dernières recherches, l’évaluation de la performance uniquement environnementalesemble oubliée car les indicateurs élaborés élargissent le champ de l’environnement auDéveloppement Durable et incluent également une perspective sociale et économique à

37 Agence Allemande de Protection de l’Environnement

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celle de l’environnement. D’un point de vue normatif, l’ISO travaille toujours sur le sujetde l’évaluation des performances environnementales, dans le cadre de son sous-comitén°4 (groupe de travail), deux normes ont vu le jour : le référentiel ISO 14 031 donnantles lignes directrices de l’Evaluation des Performances Environnementales, le référentiel14 032 présentant une série d’exemples d’évaluation mis au point par divers organismesà travers le monde, de secteurs différents et de tailles variées. A ce jour, aucune deces deux normes n’est imposée à travers un texte légal, le respect et l’application sontlaissés à l’entière appréciation des entreprises. Unilatéralement, chaque entreprise élaboreun système d’évaluation des performances basés sur des indicateurs propres et sur destechniques de mesure particulières. L’évaluation des performances environnementalesest définie par la norme ISO 14 031 comme : « un processus interne de managementfaisant appel à des indicateurs dans le but d’obtenir des informations comparatives surla performance environnementale passée et présente de l’organisme par rapport à sescritères de performance environnementale38 ». Les indicateurs sélectionnés pour faire partiede l’évaluation des performances environnementale varient en fonction des critères deperformance que l’organisme se fixe, des intérêts des parties intéressées qu’il décidede prendre en compte. L’exigence minimal reste accessible puisqu’il s’agit simplementde faire mieux que par le passé. En outre, l’évaluation de l’atteinte des objectifs nepermet pas de mesurer l’impact positif concret sur l’environnement, les conséquences dela démarche de SME restent difficilement évaluables sur l’environnement. M Rase39, pourexpliquer la mesure de sa performance environnementale, prend l’exemple de la mise enplace d’une station d’épuration à échelle réduite sur le site de l’entreprise qui permet deréaliser des économies dans la consommation d’eau de l’ordre de 400 000 m3 de litrespar an, cependant il n’est pas en mesure d’évaluer concrètement quelles conséquencesla diminution de consommation d’eau comporte-t-elle directement sur l’environnement.Indubitablement l’investissement de l’entreprise papetière se traduit en terme positif surl’environnement, cependant elle ne cherche pas à évaluer dans quelle mesure la réductionde la consommation annuelle d’eau de la société contribue à préserver cette ressourcenaturelle. Dans l’exemple, c’est le calcul des conséquences directes de la consommationd’eau qui fait l’objet de critiques, néanmoins, l’imprécision dans l’évaluation se retrouvesimilairement dans l’ensemble des entreprises qui ont contribué à l’analyse, et ce quelle quesoit les ressources concernées (consommation d’électricité, de fournitures…). Cette lacuneest inhérente aux systèmes de management environnemental puisqu’ils ne fournissent pasd’indicateurs suffisamment développés pour pouvoir en rendre compte. Les entreprisesengagées dans une démarche de certification ISO 14001 souhaitent afficher les résultatstémoignant de leur performance environnementale, prouver qu’elles s’inscrivent dansune démarche responsable et pro-active vis-à-vis de l’environnement. Les systèmes demanagement environnemental ne constituent pas une fin en soi, mais plutôt un moyen pourservir une fin, celle de restaurer son image et prouver sa bonne volonté au public en matièrede protection de l’environnement. En ce sens, l’évaluation précise des conséquencespositives des actions mises en œuvre par le SME sur l’environnement n’appartient pas auxexigences de la démarche, davantage centrée sur l’évaluation de l’atteinte des résultats quesur l’évaluation des conséquences.

L’entreprise qui met en place une démarche de management environnementals’engage dans un processus de revalorisation des biens et services offerts gratuitement

38 Extrait de la définition de l’évaluation des performances environnementales par la norme ISO 14 031 de 199939 Extrait de l’entretien du 19 février 2009, avec M Jean-Michel Rase, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société

Anonyme Les Papeteries du Léman, Groupe Bolloré

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par les écosystèmes puisqu’elle prend progressivement conscience de leur caractèrelimité. La gestion environnementale est un instrument de maîtrise de l’utilisation desressources naturelles par l’entreprise, cependant, la démarche engagée avec les systèmesde management environnemental ne constitue que les prémices de la « nouvelle révolutionindustrielle »40 à venir, celle par laquelle les entreprises seront en mesure d’évalueréconomiquement le prix des biens et services fournis par les écosystèmes et de lesutiliser en conséquences. La méthode qui consiste à faire la synthèse des coûts et desbénéfices induits par la mise en place de mesures destinées à protéger l’environnementn’est pas pertinente puisque l’utilisation des ressources naturelles n’est pas payante ou trèspeu pour celui qui les consomme. C’est seulement lorsque les entreprises et l’ensembledes acteurs qui utilisent quotidiennement les ressources offertes par la nature seront enmesure d’évaluer quantitativement ce que la consommation d’une unité de ressource coûtequalitativement à l’environnement naturel, la notion de performance environnementale auraun sens plus précis qu’il ne l’a actuellement et permettra de l’évaluer plus rigoureusement.En attendant, la protection de l’environnement demeure un instruments au nombreuxavantages pour l’entreprise, lui permettant d’améliorer à la fois sa compétitivité et saperformance globale. Le lien qui unit l’environnement à l’économie est d’ordre stratégique,l’environnement reste plus que jamais au service de l’économie qui cherchent à l’exploitertoujours davantage par des moyens détournés.

40 “The Next Industrial Revolution”, concept théorique élaboré par William Mc Dounough and Michael Braungart

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Partie III : Le Système de ManagementEnvironnemental : un levier decompétitivité et de performance pourl’entreprise.

Lorsque, sur la base du volontariat, des entreprises décident d’intégrer la prise en comptede l’environnement dans un système de management, elles élaborent un plan d’actionaux retombées potentiellement positives. Les mesures environnementales adoptées parl’entreprise ne doivent pas compromettent sa situation financière, elles doivent aucontraire lui apporter des opportunités de création de valeur sur le long terme. LeDéveloppement Durable et principalement sa dimension environnementale sont sourcesd’avantages compétitifs pour l’entreprise, ce qui encourage les acteurs à s’engager dansla démarche. Même si le but premier des systèmes de management environnementalconsiste en l’amélioration des performances environnementales de l’entreprise, lesentités qui s’engagent dans ce type de processus espèrent générer d’autres retombéesprincipalement d’ordre économique. L’instrument de management environnemental setransforme progressivement en un outil stratégique pour les entreprises soucieuses de tirerprofit au maximum de la mise en place d’un système de management environnemental.L’entreprise exploite les avantages de nature diverse induits par la mise en place d’un SME ;il constitue un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise.

I. La maîtrise des coûts liée à une meilleure gestion del’environnement

La maîtrise des coûts induits par la mise en place d’un système de managementenvironnemental revêt deux aspects, d’une part, une plus grande rationalisation descoûts économiques globaux de l’entreprise, c'est-à-dire ceux qui sont nécessaires à sonactivité de fonctionnement, d’autre part, une meilleure gestion des coûts environnementaux,c'est-à-dire, les coûts directement liés aux conséquences des activités de l’entreprisesur l’environnement. La réduction des deux catégories de coûts évoqués ici procure àl’entreprise un avantage considérable et contribue à la rendre plus compétitive.

A. De nouvelles méthodes d’organisation comme source de réductiondes coûts pour l’entreprise

La mise en place d’un SME au sein d’une entreprise conduit cette dernière à repenserentièrement ses méthodes d’organisation. La méthodologie de la norme ISO 14 001 exige

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la réalisation d’un inventaire complet des activités de l’entreprise, aussi bien en internequ’en externe, afin de déterminer leurs impacts environnementaux. L’élaboration du schémafonctionnel de l’entreprise constitue la première étape de la norme ISO 14001, appelée« Analyse Environnementale Initiale » ; phase décisive puisqu’elle demande de faire unexamen global de toutes les activités présentes en son sein et de les analyser afin d’endéduire, individuellement, leurs impacts environnementaux41. Cette première étape estl’occasion pour l’entreprise de détecter l’existence d’anomalies, de dépenses inutiles ou deproblèmes de fonctionnement dans le processus de production.

La norme ISO 14 001 est principalement créée pour réduire et maîtriser les effetsdommageables de l’activité de l’entreprise sur l’environnement, cependant, elle constitue desurcroît, un facteur de rationalisation de son mode de fonctionnement. L’analyse exhaustivedes activités de l’organisme est une démarche très lourde à mener, dans laquelle lesentreprises ne s’engagent pas spontanément si elles ne le sont pas contraintes. Lesbénéfices qui en résultent ont de larges conséquences sur les performances de l’entreprise ;la mise en place d’un système de management environnemental constitue un enjeuéconomique pour l’organisation puisqu’à la suite de cet inventaire, les dysfonctionnementsconstatés sont corrigés. Par le biais de la certification en ISO 14 001, l’entreprise s’engagedans un processus de rationalisation et de ré-organisation de ses activités et met en placeun mode de fonctionnement plus optimal, lui permettant de réaliser de larges économies.

Jean-Michel Rase de la société Papeteries du Léman, prend plusieurs exemples pourillustrer les économies réalisées, par le biais de la norme ISO 1400142. L’optimisation desressources en matières premières, notamment de la consommation d’eau, passe par lamise en place de deux outils sources d’économies pour l’organisation : la constructiond’une station d’épuration pour traiter les eaux usées et l’élaboration d’un système derécupération d’eau. Ces nouveaux dispositifs, permettent à l’entreprise de réduire la quantitéd’eau consommée au cours du processus de fabrication. Selon M Rase, elle réaliseune économie de sa consommation d’eau de près de 400 000 m3 par an, soit plus de10% de sa consommation annuelle. La réduction de la consommation d’eau présentedes conséquences évidentes d’ordre environnemental, mais également, selon lui, d’ordreéconomique et financier. Les dépenses liées à la consommation d’eau de la société ontlargement diminué depuis la réalisation des travaux ; M. Rase confirme que « même si lesinvestissements de départ sont lourds, sur le long terme, l’entreprise bénéficiera d’un retoursur investissement ».

L’ensemble des économies cumulées dans différents domaines d’activités, par le biaisde la réalisation de l’analyse exhaustive, ont un impact évident en terme de productivité etdonc de performance pour l’entreprise. En optimisant la consommation des ressources dansle processus de production, la mise en place d’un SME permet d’accroître la performanceenvironnementale, tout en améliorant consécutivement, la performance économique. Demême, Mme Miclot affirme43 : « Chez Evian on ne jette presque rien ! ». L'usine Evian trieet valorise 98% des déchets, de très bons résultats atteints grâce à la mise en place d'uncentre de tri de 10 000 m² (la taille d'une quarantaine de terrains de tennis) sur le site del'usine. Une équipe spéciale se charge du tri, de l'emballage et de l'expédition des déchets

41 Voir Partie 1, II. Le fonctionnement par étapes de la mise en place d’un SME. Etape 1 : Analyse Environnementale Initiale p. 1942 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean-Michel RASE, responsable QSE, Société les Papeteries du

Léman (groupe Bolloré)43 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle MICLOT, responsable QSE, Société Des Eaux Minérales

Evian (groupe Danone)

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vers des centres de recyclage. Mme Miclot explique que les déchets ainsi recyclés ont unedeuxième vie, le plastique est ré-utilisé pour fabriquer des vêtements, des moquettes, etc,le bois est recyclé en palettes ou broyé et utilisé pour alimenter des chaudières. La sociétés’est également engagée à réduire sa consommation d'eau dans ses usines afin d’éviterle gaspillage. A chaque étape de la production (nettoyage, rinçage, refroidissement), l'eauutilisée au cours du processus est recyclée pour le nettoyage. Cette démarche s'inscritdans un engagement plus large : tout le Groupe DANONE lutte pour réduire sa propreconsommation d'eau dans le cadre du programme « Danone Water Footprint 44» qui apermis d'économiser plus de 3, 5 milliards de litres d'eau ces cinq dernières années. Iciencore, ces engagements nécessitent de larges investissements mais demeurent rentablesau cours de quelques années en terme de réduction des quantités d’eau, d’énergie et dematières premières consommées.

Ces deux illustrations présentent quelques exemples de réductions de consommationsliées à la mise en place d’un SME par le biais de la norme ISO 14 001, en outre,si l’on procède par addition de la totalité des économies réalisées par les entreprisesgrâce à la mise en place d’un système de management environnemental utilisant lesressources diverses de manière raisonnée, dans l’ensemble de leurs activités (réduction dela consommation d’énergie, d’eau, recyclage et réutilisation des déchets…), les résultatsobtenus sont encore plus significatifs. La recherche et l’élaboration de nouvelles méthodesd’organisation, induites par les exigences de la phase d’analyse initiale des activités del’entreprise, permet à celle-ci de bénéficier d’un bilan quantitatif largement positif, lesrésultats sont quantifiables économiquement, ce qui se traduit par une réduction desdépenses de fonctionnement quotidiennes. La démarche environnementale encouragel’entreprise à innover dans le mode de fonctionnement de son activité, elle est un importantfacteur d’encouragement pour la refonte des processus de production.

En outre, le système de management environnemental incite l’entreprise à maintenirune activité dite de « veille technologique 45», c'est-à-dire une activité de recherchepermanente qui permet d’anticiper les évolutions à venir et faciliter l’innovation. Ladécision d’investissement est régulièrement motivée par la composante environnementale :l’environnement devient un facteur d’innovation important pour l’entreprise souhaitant restercompétitive. A ce titre, la société Evian fait figure de pionnière puisqu’elle est engagéedans des projets tout autant colossaux qu’originaux. Mme Miclot explique les différentesdémarches sur lesquelles elle travaille actuellement : l’installation « d’éoliennes miniatures »sur le site de production afin de diminuer la consommation d’électricité, la création d’énergieà partir de « dos d’ânes » implantés sur le site et surtout, l’objectif de devenir la premièreusine de cette envergure « carbone neutre 46», d’ici 2011. L’entreprise s’inscrit dans leprocessus de veille technologique mentionné ci-dessus, d’ailleurs Mme Miclot déclare :« l’environnement est le champ privilégié de l’innovation pour le groupe, puisqu’il offre unlarge panel de possibilités, encore inexploitées ».

44 Danone Water Footprint » est un programme dans lequel DANONE d’engage à réduire sa consommation d’eau dans sesdifférents sites de production et à veiller à ne pas rejeter d’eau altérée dans le milieu naturel.

45 La veille technologique est une activité qui met en œuvre des techniques d’acquisition, de stockage et d’analysed’informations, concernant un produit ou un procédé, sur l’état d’art et l’évolution de son environnement scientifique, technique,industriel ou commercial, afin de collecter, organiser puis analyser et diffuser les informations pertinentes qui vont permettrentd’anticiper les évolutions, et qui vont faciliter l’innovation.

46 C'est-à-dire rester en dessous des 500kg éq.C/an /pers, cela correspond à ce que la Terre peut traiter à ce jour, par an etpar personne. Au dessus de ce seuil, l’homme contribue au réchauffement climatique, en dessous c’est l’homme idéal. Un françaismoyen émet environ 500kg éq/ C/an.

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La réorganisation de ses activités grâce à la méthodologie contenue dans lesdispositions de la norme ISO 14 001, est un important déterminant de réduction des coûtspour l’entreprise, ce qui lui confère un dynamisme et une capacité à pouvoir réagir auxévolutions technologiques et commerciales. Les démarches environnementales et plusparticulièrement les systèmes de management environnemental permettent aux entreprisesd’améliorer leur rentabilité sur le long terme, les plus compétitives sont celles ayantréussi à utiliser le champ de la protection de l’environnement pour se différencier d’autresconcurrents. Cette analyse reprend les travaux de Michael Porter, notamment sa fameuse« hypothèse » selon laquelle les contraintes environnementales, loin d’être une entraveà la compétitivité des entreprise par rapport aux concurrents qui ne sont pas soumis auxmêmes exigences, tendent à stimuler et à améliorer la position concurrentielle des firmessur le marché. Dans cette perspective, l’environnement est au service de la compétitivitédes entreprises, puisque les avantages qui découlent des initiatives environnementalescontribuent à réduire les coûts de l’entreprise. Cependant, cette analyse doit être nuancéepour plusieurs raisons. L’objectif de réduction des coûts pour l’entreprise est inhérent auxsystèmes de management environnemental, pourtant, il n’est pas simple d’estimer quelssont exactement les gains réalisés par l’entreprise en terme de maîtrise des coûts grâce àla mise en place d’un SME. L’analyse « coûts-bénéfices » est trop réductrice pour rendrecompte de la contribution réelle de la norme ISO 14 001 à l’amélioration des performanceséconomiques de l’entreprise puisque les retombées concrètes s’envisagent, pour la plupart,sur le long terme. Du reste, l’évaluation exacte de la contribution du SME à la réduction descoûts de production demeure illusoire puisque les entreprises certifiées ne réussissent pas àdifférencier les gains de productivité directement imputables à la mise en place de la normeISO 14 001, des gains de productivité réalisés grâce à d’autres initiatives indépendantes(innovation technologique, nouvelle forme d’organisation du travail…). Cependant, mêmeles systèmes de comptabilité des entreprises ne sont pas suffisamment précis pour leurpermettre de calculer exactement la contribution du SME à l’amélioration de la productivité,il est incontestable, selon Mme Lhermitte47, « que la certification ISO 14 001, contribue,directement ou indirectement, à réduire les coûts de l’entreprise ». Les entreprises certifiéesutilisent la norme ISO 14 001 comme source d’une réduction des coûts de production,puisque les systèmes de management environnemental sont un outil de rationalisation etde réorganisation des ressources consommées dans le processus de production. MmeMiclot48 affirme : « si les entreprises s’intéressent à l’environnement c’est parce que c’estéconomiquement rentable », la mise en œuvre d’une certification ISO 14001 permet àl’entreprise de réduire ces coûts sur le long terme et de devenir plus compétitive puisqu’elleapprend à « produire mieux avec moins de ressources ».

Outre la contribution directe du SME à la maîtrise des coûts liés au processus deproduction, les systèmes de management environnemental constituent un facteur importantpermettant à l’entreprise de maîtriser les risques environnementaux, au bénéfice d’elle-même et de ses parties prenantes. Il s’agit d’ailleurs de la raison d’être principale de la normeISO 14001 et des systèmes de management environnemental, même si cette dimensionest quelque peu occultée par l’avantage stratégique que constitue cet instrument.

47 Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, avec Mme Emmanuelle Lhermitte, Responsable QSE, Société Anonyme desRemontées Mécaniques des Gets.

48 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Des Eaux MinéralesEvian (groupe Danone)

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B. La maîtrise des coûts environnementaux pour l’entreprise et sesparties prenantes

La mise en place d’un SME permet de réduire les risques environnementaux de l’entreprise,cet objectif est la finalité principale des systèmes de management environnemental.L’entreprise intègre l’environnement dans ses paramètres de gestion, qu’il convient dès lors,d’exploiter et de réguler comme tout autre facteur de production.

La maîtrise des risques environnementaux se décline en deux approches, parl’instauration de mesures préventives ou de mesures correctives. Un entreprise privilégierale principe de prévention ou à contrario, de correction, en fonction de sa nature, de sonsecteur d’activités et de ses moyens financiers. Le coût environnemental se définit commel’ensemble des coûts directement liés aux conséquences des activités de l’entreprise surl’environnement (pollution du site ou des environs, utilisation de produits chimiques etpolluants).

Les coûts environnementaux sont semblables à l’ensemble des autres coûts supportéspar l’entreprise, puisque comme eux, ils affectent sa santé et sa performance. L’entrepriseest animée par la volonté de réduire au maximum les coûts environnementaux parceque, outre leurs conséquences relatives à la destruction de l’environnement, ils peuventégalement être à l’origine de sanctions financières, attribuées par les organismesaccrédités, comme la DRIRE49, par exemple, ce qui entraînera des conséquences sur lasituation économique de l’entreprise.

Qu’elles soient industrielles ou tertiaires, les entreprises mettent aujourd’hui l’accentsur l’enjeu fondamental que constitue la réduction des coûts environnementaux dansleurs objectifs. M Muffat50, témoigne des nombreuses initiatives prises par la Société desRemontées Mécaniques qui gère l’exploitation du domaine skiable d’Avoriaz, qu’elles soientd’ordre correctives ou préventives, en soulignant, du reste, la nécessaire complémentaritéentre ces deux types de démarches, afin d’obtenir des résultats visibles. Il explique quele risque principal de pollution auquel la station est confrontée, est celui de « rupture des flexibles sur les engins de damage51 » (qui contiennent une huile polluante si elle sedéverse dans les sols). M Muffat, dans le cadre d’un programme de recherche, a effectuédes études sur les effets de ces déversements sur les sols, et constate l’absence dereconstitution de la flore sur les zones où l’huile s’est répandue. Pour éviter de tellesconséquences sur la nature, la station a décidé d’utiliser des huiles biodégradables qui,selon ses recherches personnelles, ont des conséquences beaucoup moins destructricespour l’environnement. D’autre part, la station a décidé de restaurer son image auprès dugrand public en utilisant des enneigeurs52 moins polluants que ceux utilisés par le passé,qui utilisaient un composant chimique. Depuis quelques années, la station s’est équipéede nouveaux appareils fonctionnant uniquement avec de l’eau et de l’air. L’équipement enmatériels moins polluants et plus respectueux de la nature permet à la station d’éviter et delimiter les risques environnementaux.

49 Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement.50 Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques

d’Avoriaz.51 Engins de Damage : Véhicules sur chenilles spécialement fait pour re-surfacer la neige des pistes de ski.52 Enneigeurs, dispositif permettant de fabriquer de la neige artificielle à partir d’eau, d’air et de basse température.

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D’autres types d’actions sont de nature préventive et visent à agir en amont pour tenterde limiter l’étendue des dégâts en cas d’incidents. L’ensemble des quatre entreprises surlesquelles se base l’analyse disposent de stocks des produits dits plus ou moins chimiques.Toutes quatre sont dotées, et ce, depuis leur engagement dans la démarche de certificationISO 14 001, de « bacs récupérateurs » dans lesquels elles stockent les produits afin delimiter les risques d’éparpillement et d’infiltration en cas fuite : les produits sont récupérésdans les bacs puisqu’ils ne sont plus stockés à même le sol. Les initiatives développées parles quatre entreprises illustrent concrètement à la fois le souci de correction et de préventionqui les guident dans la réalisation quotidienne de leurs activités.

La norme ISO 14 001 revêt un intérêt particulier car il s’agit d’un référentiel audemeurant réaliste, qui reconnaît qu’une entreprise quelle qu’elle soit, reste une activitépolluante et ne requiert pas l’élimination intégrale de toutes traces de pollutions induites parle fonctionnement de l’entreprise. L’Organisation Internationale de Normalisation (ISO) seveut réaliste et non utopiste. Mme l’Hermite53, affirme : « on ne va pas arrêter les remontéesmécaniques sous prétexte qu’on est certifié à l’ISO, il y a des choses sur lesquelles on peutagir, c’est celles qui font l’objet de nos engagement environnementaux, et d’autres pourlesquelles on ne peut quasiment rien faire, il faut bien que la station continue à exister ».

La maîtrise des coûts environnementaux est mesurée par les audits de suivi auxquelsles entreprises doivent se soumettre régulièrement. En fonction du secteur d’activité, ledélai entre deux audits peut varié de 1 à 3 ans. L’organisme d’audit agrée vérifie quel’entreprise certifiée réduit ses coûts et ainsi les impacts environnementaux sur lesquels elles’est engagée initialement. Afin de conserver sa certification ISO 14 001, l’organisation doittémoigner d’efforts continus et visibles entre chaque audit réalisé.

La réduction des risques environnementaux génère également un certain nombre deretombées sur les systèmes de management de la qualité et de la sécurité de l’entreprise,complémentaires du SME. Les différents systèmes de management: qualité, sécurité etenvironnement, ne sont pas indépendants les uns des autres mais complémentaires54.Pour illustrer ces synergies, M Rase explique comment le stockage des produits chimiquesdans les conditions spéciales présentées ci-dessus, diminue considérablement le risque demauvaise manipulation pour le personnel, de fuites, d’inflammations, etc. Il y a donc uneimbrication entre la norme ISO 14001, ISO 9001, et OHSAS 18 00155 ; la plupart des actionsmises en place ont un impact à la fois sur la sécurité, la qualité et sur l’environnement, cequi concourt à une prise en compte plus complète des risques auxquels l’organisation estexposée.

L’ensemble des actions mises en œuvre varie selon le type d’activité de l’entreprise.L’annexe n°1 récapitule la totalité des actions sur lesquelles le domaine skiable des « Gets »s’est engagé. Pour chaque action, le document présente le détail de sa mise en œuvre, ladate à laquelle elle a été traitée ou sera traitée et enfin, s’il s’agit d’une action ponctuelleou d’une action qui perdure.

53 Extrait de l’entretien du 16 février 2009, Mme Emmanuelle LHERMITTE, Responsable QSE, Société des RemontéesMécaniques des Gets.

54 Voir Partie 1, III, chapitre sur les Systèmes de Management Intégrés.55 ISO 9001 relatif aux systèmes management de la Qualité, OHSAS 18 001 relatif aux systèmes de management de la Sécurité.

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Action Détail Quand Action quiperdure

Action ponctuelle

Huilebiodégradable

Utilisation d’huilebiodégradabledans lesdameuses et pourles compresseursde l’usine à neige

2002

Neige de culture Absenced’adjuvant

2004

Le mode de fonctionnement, ici expérimenté dans la station des Gets, en vue d’évaluerles actions mises en œuvre pour la maîtrise des coûts environnementaux, se retrouve d’unemanière assez similaire dans l’ensemble des entreprises certifiées ISO 14 001 puisque cetteméthodologie permet de visualiser clairement l’état d’avancement de la démarche.

La norme ISO 14 001 permet d’obtenir des résultats significatifs en matière de maîtrisedes coûts environnementaux, mais qu’en est-il de son efficacité par rapport à celle desinstruments traditionnels de régulation environnementale, notamment des instrumentsréglementaires ? Sur cette question, les entreprises certifiées ont tendance à opposer d’unepart les instruments de régulation environnementale à caractère volontaire, aux instrumentsréglementaires, d’autre part ; avec une nette préférence pour les premiers. L’atout majeurdes instruments volontaires et plus particulièrement de la norme ISO 14 001, réside danssa souplesse de mise en œuvre, ce qui séduit particulièrement les entreprises qui netarissent pas d’éloges à son sujet. Selon Mme Miclot56, l’efficacité de la norme ISO 14 001par comparaison aux instruments réglementaires n’est pas à prouver puisque le standardimpose le respect de la réglementation comme une exigence minimale. Selon elle, lesentreprises certifiées ISO 14001 « assurent un niveau de protection de l’environnementqui va bien au-delà de ce que l’exige la réglementation, et c’est justement pour cetteraison qu’on ne peut pas douter de son efficacité en matière de réduction des impacts desactivités de l’entreprise sur l’environnement ». M. Muffat, du domaine skiable d’Avoriaz,s’inscrit dans la même lignée en insistant sur une différence qui, selon lui, est fondamentaleentre les deux approches, à savoir, que les instruments réglementaires ne témoignentpas de la préoccupation de l’entreprise pour son environnement, mais constituent uneexigence imposée par les pouvoirs publiques, à laquelle l’ensemble des entreprises doiventse conformer. Il justifie la plus grande efficacité des approches volontaires parce qu’ellesillustrent la bonne volonté des entreprises de s’engager pour l’environnement, non pas parcequ’elles sont contraintes de le faire par les autorités, mais en revanche, car elles sont desentités responsables.

Incontestablement les instruments volontaires de régulation environnementale, bienque relativement récents, suscitent un véritable engouement de la part des entreprises quidécident d’y avoir recours. Ces instruments et plus particulièrement la norme ISO 14 001,sont les témoins d’un engagement croissant des entreprises en faveur de l’environnement etsont sources d’innovations techniques ou organisationnelles, aux conséquences durablessur le milieu naturel, ce qui bénéficie à la fois à l’entreprise elle-même, mais également àl’ensemble de ses parties prenantes.

56 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle MICLOT, responsable QSE, Société Des Eaux MinéralesEvian (groupe Danone)

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L’évaluation des performances environnementales d’une entreprise certifiée ISO 14001 est menée principalement par trois instances ou procédures de contrôle. En premierlieu, la surveillance du système est effectuée par les Responsables Environnement encharge du SME dans l’organisation ; ils veillent quotidiennement au bon déroulementdes actions mises en œuvre. L’audit externe, réalisé par des sociétés auditrices agréés,témoigne du niveau de performance environnementale de l’entreprise, c'est-à-dire del’atteinte ou non des objectifs qu’elle s’est fixée dans son programme d’action. Enfin, unetroisième catégorie d’instances est en charge de surveiller les entreprises dans leur modede fonctionnement, ce sont les organismes publics de réglementation, à l’exemple de laDRIRE57, missionnée pour veiller au respect de la réglementation en vigueur.

Les objectifs environnementaux, contrairement au calcul de la contribution du SME àla réduction des coûts de production, sont rigoureusement analysés, le service en chargedes questions environnementales et plus particulièrement le Responsable Qualité, Sécurité,Environnement de l’entreprise, surveille et mesure précisément le niveau de performanceenvironnementale atteint grâce aux Tableaux de Bord58 élaborés par l’organisation ;l’entreprise qui réussit à atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée maîtrise forcément lesconséquences de ses activités sur l’environnement. La relation directe entre la normeISO 14001 et la réduction des coûts environnementaux est plus évidente que le lienprécédemment établi entre le référentiel et la réduction des coûts de production.

Même si l’évaluation de la contribution exacte du SME à la réduction des coûts del’entreprise demeure imparfaite, notamment pour ce qui concerne le lien entre ISO 14001 et maîtrise des coûts de production, le SME reste néanmoins un outil de maîtrisedes coûts pour l’entreprise ; aussi bien de maîtrise des coûts de production que descoûts environnementaux. La maîtrise des coûts de l’entreprise, qu’il s’agisse des coûts deproduction ou des coûts environnementaux sont les deux facteurs les plus déterminant dansle lien entre SME et compétitivité, cependant, d’autres conséquences directement liées àla mise en place d’un système de management environnemental sont sources d’avantagescompétitifs pour l’entreprise, même s’ils sont moins facilement identifiables.

II. Le SME : un projet fédérateurLa mise en place d’un système de management environnemental est une démarcheconsensuelle. Le projet est fédérateur car, basé sur le volontariat, il bénéficie d’unepart d’un accueil largement favorable auprès des différentes autorités publiques quiapprécient l’engagement d’entreprises responsables, d’autre part, il constitue un facteurd’intégration interne, puisqu’il fédère l’ensemble du personnel autour d’un projet commun :l’environnement. La norme ISO 14 001 est outil de consensus créé par l’OrganisationInternationale de Normalisation, organisme légitime dont la mission d’élaboration desnormes est reconnue internationalement depuis 1947.

A. La réaction des autorités à la mise en place d’un système demanagement environnemental

57 Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement.58 Outil de gestion prévisionnelle

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La certification ISO 14001 dépasse le caractère purement contraignant de la protectionde l’environnement, au profit d’une approche basée sur le volontariat et la collaborationentre « anciens ennemis ». Il s’agit d’un mode de régulation dit « doux », dans lequel iln’existe pas de rapport de force entre entreprises et administrations publiques. Dans lecadre de la mise en place de la norme ISO 14 001, le rôle de l’Etat se limite généralementà l’accréditation des organismes certificateurs. Le ministère de l’Ecologie, de l’Energie,du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire encourage les entreprisesà adopter un système de management environnemental, en considérant que la prise encharge, par les entreprises, des problèmes environnementaux qui les concernent, est unprogrès essentiel pour la nécessaire protection de l’environnement. Une entreprise quiformalise sa politique en matière environnementale est un partenaire préoccupé par sesobligations alors même que les pouvoirs publics exercent une forte pression normativeet fiscale, surtout sur les entreprises appartenant au secteur industriel. Le respect dela réglementation constitue un coût important à supporter, même si, depuis quelquesannées, la pression réglementaire n’est plus vécue comme une contrainte mais commeune opportunité de développement économique. La mise en place d’un système demanagement environnemental permet de dégager des avantages d’ordre économique etfinancier, tout en répondant aux exigences des pouvoirs publics.

Les entreprises engagées dans ce type de démarche font preuve de sérieux etde responsabilité. En intégrant le facteur environnemental dans son mode de gestion,l’entreprise certifiée est un interlocuteur privilégié de la puissance publique et de ses diversorganismes s’intéressant au respect et à la protection de l’environnement : l’Etat central,les Collectivités Locales, la DIRE, etc. Une entreprise se certifiant à la norme ISO 14 001affiche son souci de prendre en compte les contraintes environnementales et bénéficieainsi de meilleures relations avec les pouvoirs publics qui la contrôlent. Nombre d’entreelles ont témoigné des avantages qui découlent de ces nouvelles relations harmonieusesavec l’administration : autorisation d’extension de leur site obtenue plus facilement,obtention d’un marché public grâce à la certification ISO, participation à l’élaboration deprojets municipaux… L’administration publique française est satisfaite de pouvoir disposerdésormais d’interlocuteurs compétents, avec lesquels elle s’est parfois trouvée en conflitpar le passé.

La certification à la norme ISO 14 001 exige au minimum le respect des réglementationsen vigueur en matière de protection environnementale ; les textes réglementaires varianten fonction du secteur d’activité de l’entreprise, de sa taille, et des ressources utilisées.L’étape de « l’analyse environnementale initiale » des activités demande à l’entreprise defaire le bilan des normes en vigueur et de détecter, le cas échéant, les non conformitésréglementaires qui subsistent. L’article 4.2 de la norme ISO 14 001, contient pour exigence:« la direction (…) doit définir la politique environnementale de l’organisme et s’assurerqu’elle comporte un engagement de conformité à la réglementation environnementaleapplicable ». Le paragraphe 4.3.2 du référentiels relatif aux exigences légales insiste plusparticulièrement sur la connaissance des exigences réglementaires.

L’industrie chimique est un des secteurs d’activités dans lesquels la réglementationet les contrôles sont les plus stricts. Jean Michel Rase59, souligne le caractère déjà trèscontraignant de la législation qui s’appliquait à l’entreprise : « les normes sont nombreuseset très évolutives, ce qui rend très fastidieux le travail du Service Qualité, Sécurité,Environnement, d’autant plus que les contrôles sont fréquents ». L’entreprise papetière,

59 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean Michel RASE, Responsable QSE, Les Papeteries du Léman,Groupe Bolloré

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pourtant très polluante, entretient de bons rapports avec la DRIRE, institution considéréecomme la « police de l’environnement » auprès des établissements industriels. La sociétérecevant les visites d’un inspecteur en moyenne 3 à 4 fois par an afin de s’assurerde la bonne application des textes réglementaires, M Rase observe un changement decomportement des inspecteurs mandatés depuis que le groupe s’est engagé dans unedémarche de certification ISO 14 001. Il explique que la norme ISO 14 001, tout commeson homologue en management de la qualité, ISO 9001, sont preuves de sérieux etde responsabilité des entreprises. Dans le cadre du groupe Bolloré, auquel la papeterieappartient, le système de management environnemental mis en place encourage à aller au-delà de la réglementation applicable, et ainsi de l’anticiper. Un tel comportement est perçucomme un facteur de confiance par les divers organismes en charge des contrôles.

D’autres entreprises, parmi elles, la Société des Eaux Minérales d’Evian, font figuresd’avant-gardistes aux yeux des organismes publics de réglementation. Mme Miclot60

explique que la DRIRE travaille de concert avec la société Danone puisqu’il est parmi l’undes groupes industriels français les plus préoccupés des questions environnementales ;les expériences, aussi innovantes qu’originales, mises en place au sein de la société fontl’objet d’études complémentaires par ces organismes. Les entreprises certifiées ISO 14 001constituent des modèles en matière de gestion de l’environnement et d’innovation.

Les entreprises qui s’engagent à aller au-delà de ce que la réglementation exige enmatière de protection de l’environnement bénéficient d’une plus grande crédibilité que cellesqui s’en tiennent à son simple respect minimum ; il en découle de meilleures relations avecl’ensemble des pouvoirs publics chargés de veiller au respect de la réglementation qu’ilssoient nationaux ou internationaux. Il s’agit d’une nouvelle étape dans le fonctionnementde l’action publique qui n’est plus réglementaire ou coercitive mais incitative. DoudiaBougherara, Gilles Grolleau et Luc Thiébaut, dans un article publié dans la RevueInnovations61, montre que depuis 20 ans, le libéralisme économique dans de nombreuxdomaines, se substitue à l’interventionnisme étatique ; l’Etat n’est plus le seul agentlégitime pour gérer l’environnement et négocier avec ses homologues, il accepte aujourd’huide partager ce rôle avec d’autres partenaires directement concernés par les questionsenvironnementales, tout spécialement, avec les entreprises, de plus en plus impliquées.Ainsi, les instruments des politiques publiques de l’environnement (réglementation,incitations économiques…) sont de plus en plus complexifiés et perfectionnés, l’innovationmajeure demeure leur combinaison avec les démarches des acteurs privés. Les questionsenvironnementales ne peuvent pas être résolues unilatéralement, les Etats ont prisconscience que seule la participation de toutes les parties prenantes, c'est-à-dire de tousles acteurs, qu’ils soient individuels ou collectifs, est une garantie à l’obtention d’avancéessignificatives en matière de régulation environnementale.

Les approches basées sur le volontariat des entreprises bénéficient d’unereconnaissance supplémentaire car elles témoignent de la prise en compte del’ensemble des partie prenantes, desquelles les pouvoirs publics sont les représentants.L’administration française considère que les systèmes management environnemental sontdes dispositifs permettant de réconcilier les actions volontaires et les actions réglementairesen matière de protection de l’environnement, autrefois antagonistes. Les SME élaborésgrâce à la mise en œuvre de la norme ISO 14 001, assurent le strict respect des règles

60 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Anonyme des EauxMinérales D’Evian, Groupe Danone.

61 Bougherara D, Grolleau G, Thiébaut L, Economie et environnement. Gestion et environnement : anatomie d’une relation,INNOVATIONS, 2004/2, n°20, p. 217-234

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imposées par les instances publiques, tout en fournissant un cadre strict aux entreprisespour poursuivre les efforts accomplis. Du reste, le référentiel ISO 14 001 jouit d’une largelégitimité auprès des Etats puisque ces derniers participent, par le biais de délégations dereprésentants, aux travaux d’élaboration et aux procédures d’adoption des standards.

Les pouvoirs publics accueillent très favorablement la certification ISO 14 001. Ils’agit bien d’une démarche consensuelle et fédératrice reconsidérant les rapports souventconflictuels entre les pouvoirs publics et les entreprises. L’engagement d’une entreprisedans la certification est perçu comme preuve de bonne volonté de cette dernière ;comportement reconnu et valorisé par les pouvoirs publics, dont l’entreprise tire avantagedans son mode de fonctionnement quotidien. L’entreprise certifiée est en harmonie avecson environnement, le déroulement de son activité est facilité puisque le rapport entrel’entreprise et les interlocuteurs représentants des pouvoirs publics, présents dans denombreuses transactions, est plus favorable. L’entreprise économise un certain nombrede coûts de transactions liés à l’échange, notamment ceux qui constituent les coûts denégociation avec les partenaires publics. En ce sens, l’entreprise bénéficie des avantagesliés à la mise en place d’un SME, ce qui contribue ici encore à améliorer sa compétitivitépuisque les relations de l’entreprise avec les organismes publics, , ne viennent pas entraverson activité.

Outre les relations pérennes construites avec les interlocuteurs externes à l’entreprise,la mise en place d’un Système de Management Environnemental constitue également undispositif consensuel et intégrateur interne à l’entreprise.

B. Le système de management environnemental comme facteurd’intégration du personnel

Dans le processus de mise en œuvre d’un SME, la Direction Générale constitue le« carburant » de la démarche ; le texte de la norme ISO 14001 insiste, à plusieurs reprises,sur le rôle clé de la Direction. Plusieurs tâches lui sont attribuées, elle doit « définir la politiqueenvironnementale », « s’assurer de la disponibilité des ressources indispensables »,« fournir des informations sur le résultat des audits »62… Les responsabilités qui lui sontassignées sont importantes, son degré d’implication détermine le succès ou non de ladémarche. La Direction se doit de travailler et de collaborer avec l’ensemble des servicesde l’organisme. L’engagement de l’entreprise dans un processus de SME nécessite uneimplication de tous les salariés, quel que soit le poste qu’ils occupent. La sensibilisation etla formation au fonctionnement du système de management environnemental concerne demanière semblable les services de production, les services commerciaux ou administratifsainsi que les ressources humaines.

L’engagement de l’entreprise dans une démarche de certification en ISO 14 001 faitl’objet d’un accueil très positif de la part des ses salariés puisqu’il s’agit de mettre enplace un projet commun fédérant l’ensemble du personnel. Afin d’impliquer au mieux lessalariés dans la démarche, l’entreprise instaure de nombreux dispositifs de sensibilisationet de formation. A plusieurs reprises, le texte de la norme fait référence à la nécessité dela formation63. Elle exige tout d’abord que les « compétences », doivent s’appliquer « àtoute(s) personne(s) exécutant une tâche pour l’organisme ou pour son compte », tâcheoccasionnant des conséquences environnementales significatives. L’exigence s’applique

62 Extrait de la norme ISO 14 001, paragraphe 4.4.1, alinéa 3 : « Rôles, Responsabilités et Autorité »63 Extrait de la norme ISO 14 001, paragraphe 4.4.2 : « Compétence, Formation et Sensibilisation »

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de manière égale au personnel, aux sous-traitants, aux fournisseurs et aux clients del’organisation. En outre, la norme ISO 14001, dans sa version révisée de 200464, précisele contenu des notions de « sensibilisation » et de « formation ». La sensibilisation toucheau fait de « donner conscience de… » ; le référentiel exige que toutes les personnestravaillant pour l’entreprise ou pour son compte soient sensibilisées à… , la formation exigede l’organisation d’être capable de « prouver la compétence » de toutes les personnesexécutant une tâche ayant un impact sur l’environnement.

Il existe de nombreux vecteurs supports de la formation et de la sensibilisation ; ilsconstituent les processus de communication interne. Les témoignages des entreprisesinterrogées soulignent la récurrence de certains dispositifs, parmi eux, les groupes detravail, l’implication du personnel dans la rédaction des consignes ou des instructionsenvironnementales, les séances de communication collectives, l’utilisation de supportsde sensibilisation (vidéos, films, CD-rom…), la mise en œuvre de jeux ludiques, latransmission d’informations écrites lors de l’embauche, les démarche de « suggestionsenvironnementales », la création de points de rencontre, les conférences et les débats. Cetteliste est une synthèse des moyens de communication internes présents dans les quatresociétés soumises à l’analyse.

L’engagement de l’ensemble du personnel dans le processus de certification créeune dynamique motivante et fédératrice, renforçant la cohésion du groupe. EmmanuelleLhermite65, responsable du service QSE dans la station des Gets, précise que laparticipation de l’ensemble du personnel se concrétise dès le début de la démarche,pendant « l’analyse environnementale initiale ». Cette étape consiste à faire le recensementde l’ensemble des activités de l’entreprise afin de pouvoir en déduire leur impactenvironnemental66. Cette analyse ne peut pas être menée sans le concours de la totalitédes salariés qui sont chargés de d’établir la liste de l’ensemble de leurs activités ainsi quel’impact de celles-ci sur l’environnement. Mme Lhermite souligne que la participation detous est nécessaire puisque « personne dans l’entreprise n’est capable de procéder à uneliste exhaustive de l’ensemble des activités et chaque individu est le mieux placé pourparler de son poste ». Par la suite de la démarche, l’implication du personnel du domaineskiable demeure, puisque chacun dispose d’une fiche de poste « revue et corrigée » àla lumière du SME ; elle contient désormais des points relatifs à l’environnement afin quele personnel s’implique quotidiennement. Les autres entreprises rencontrées ont suivi lamême démarche.

Les services QSE sont en charge du déploiement de la démarche au sein del’entreprise ; l’implication de l’ensemble du personnel dans le processus d’améliorationcontinue est une des conditions qui déterminent la réussite du projet. Le personnel est plusresponsable dans son rapport à l’entreprise, il contribue directement et individuellement aufonctionnement du système de management environnemental.

Dans certaines entreprises, le SME est un déterminant à la création d’une véritableculture d’entreprise, définie comme l’ensemble des règles, des coutumes, des préférenceset des croyances qui lui sont propres. La culture d’entreprise est formée de tout ce quiconstitue l’histoire et le quotidien de l’organisation. Dans cette perspective, le managementenvironnemental et plus particulièrement la protection de l’environnement est perçu comme

64 Extrait de la norme ISO 14 001, paragraphe 4.4.2 : « Compétence, Formation et Sensibilisation », version révisée de 200465 Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, avec Mme Emmanuelle Lhermitte, Responsable QSE, Société des Remontées

Mécaniques des Gets.66 Voir p. Partie 1, chap II, Etape n°1 du SME : l’Analyse Environnementale Initiale p. 19

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un enjeu managérial pour la Direction. Le personnel, ainsi fédéré par un projet commun, faitpreuve d’une plus grande motivation dans son travail s’il reconnaît la portée et l’intérêt de ladémarche. De plus, la réduction des risques environnementaux induits par la mise en placed’un SME, améliore les conditions générales de travail du personnel, qui se sent davantageconsidéré dans une entreprise responsable.

L’ensemble des entreprises qui ont accepté de contribuer à la réalisation de cetteanalyse insistent sur l’accueil favorable que les salariés ont réservé au SME. MonsieurRase67 précise, « chez Bolloré, l’effort de formation du personnel sur le respect del’environnement est constant et quotidien ». Selon lui, les salariés du groupe ne perçoiventpas le SME comme une contrainte dans leur activité mais davantage comme uneopportunité de bénéficier de conditions de travail plus saines. De même, MonsieurMuffat68, lorsqu’il parle du cas de son entreprise, ajoute un élément supplémentaire ;selon lui, le personnel est essentiellement constitué de personnalités locales, fortementattachées à la conservation des richesses du milieu sur lequel s’étend leur activité.Il relève de la responsabilité du service Qualité, Sécurité, Environnement de menerà bien les opérations de sensibilisation et de formation du personnel. Brunot Muffatprécise : « les efforts sont quotidiens », son rôle principal, en tant que responsableQSE, est d’expliquer et de convaincre le personnel sur l’intérêt du SME. Monsieur Muffata choisi de sensibiliser le personnel par les images, les jeux, la plaisanterie ; selonle responsable, ces méthodes « intéressent davantage les salariés que les longs etinterminables discours sur l’environnement». Ci-dessous est présenté un exemple d’outilde sensibilisation à l’environnement contenu dans un livret d’accueil destiné au personnelde la station en début de saison.

Dans les différents locaux dont dispose le domaine skiable, la sensibilisation estomniprésente, elle passe par des affiches humoristiques, des photos, des schémas… Deplus, l’ensemble du personnel de la station reçoit chaque mois un journal : « Pistes Noires »,

67 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean Michel RASE, Responsable QSE, Les Papeteries du Léman,Groupe Bolloré

68 Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques d’Avoriaz

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dans lequel le service Environnement rédige systématiquement une chronique relative àl’environnement intitulée « Du côté de l’environnement »69.

La méthodologie de la norme ISO 14 001, favorise le développement d’une logiqued’apprentissage sur le thème de l’environnement, s’articulant autour d’une redéfinition descompétences clés de l’entreprise. En effet, les salariés sont souvent les mieux placés pourcomprendre les problèmes environnementaux propres à l’entreprise et trouver des solutionsadéquates et adaptées à son fonctionnement. La maîtrise des enjeux environnementauxn’appelle pas la mise en place de solutions universelles ; chaque entité qui s’engage dansla démarche doit pouvoir disposer d’un « noyau de compétences » capable de répondred’une manière appropriée aux enjeux environnementaux spécifiques auxquels elle estconfrontée. Les systèmes de management environnemental expérimentent de nouveauxprocédés peu standardisés, nécessitant une adaptation continuelle et un apprentissagedes pratiques sur mesure par le personnel de l’entreprise ; un effort constant de formationest mené auprès de l’ensemble des opérateurs. Le mode d’organisation de l’ensemble del’entreprise est remis en question par les exigences de la norme ISO, chaque personnevoit son activité directement transformée par le programme d’action mis en œuvre, chacundéveloppe une capacité d’innovation et prend conscience du rôle qu’il joue au sein del’organisation. Thomas Reverdy, maître de Conférences et spécialiste universitaire desquestions management environnemental70, explique que la division du travail crée unedépendance du Service Environnement vis-à-vis des autres métiers de l’entreprise ; leResponsable Environnement a besoin de leurs expériences, de leurs compétences et deleur participation active pour évaluer la situation et rechercher des solutions. Selon lui, leResponsable désigné du SME doit être en mesure de mobiliser l’ensemble des opérateursde l’entreprise puisque c’est la réussite de la démarche qui en dépend. Les responsablesdes entreprises visitées avouent que tout le personnel n’adhère pas spontanément àla mise en place du SME ; M Muffat explique que les entreprises sont confrontés àcertaines résistances de la part des salariés, notamment avec le personnel intérimairenon destiné à rester dans l’organisation ; la rotation du personnel est une entrave à laparticipation volontaire et effective de tous au SME. En outre, le degré d’adhésion estdéterminé par la taille de l’entreprise, plus elle compte de personnel et moins la démarcheest consensuelle. Thomas Reverdy reconnaît que même si l’adhésion et la participation del’ensemble des salariés à la norme ISO 14 001 peut être difficile à obtenir au sein d’uneentreprise, le SME n’en demeure pas moins un facteur d’intégration du personnel à l’originedes phénomènes « d’apprentissages croisés ». Selon lui, le SME donne naissance à unprocessus d’apprentissage réciproque puisque d’une part, le Responsable Environnementpénètre les savoirs techniques par l’étude des activités quotidiennes des opérateurs, d’autrepart, les opérateurs accèdent aux enjeux environnementaux qu’ils les intègrent de manièreindividuelle et autonome dans la réalisation de leurs tâches. Toutes les personnes quicomposent l’entreprise entrent dans une dynamique d’apprentissage ou d’enrichissementde leurs compétences.

Le SME comme outil d’intégration et de participation du personnel produit un impactévident sur la situation économique de l’entreprise : les salariés plus intégrés sont plusfidélisés à leur entreprise et ainsi plus productifs. Nombreux modèles théoriques insistentsur le lien entre satisfaction et performance au travail ; le sentiment de satisfaction étantfonction de la relation perçue entre ce que l’individu veut retirer de son travail et ce que son

69 Voir Annexe 2, Journal « Pistes Noires »70 Reverdy Thomas, Management environnemental et Dynamique d’apprentissage, Revue Française de Gestion, 2005/5, n

° 158, p.187-205

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travail lui offre. La mise en place du SME requiert la participation de l’ensemble des salariés àsa réalisation, l’individu satisfait de contribuer au fonctionnement de l’organisation participeindirectement à l’amélioration de la productivité et donc de la compétitivité de l’entreprise.La mise en place d’un système de management environnemental comporte une dernièrecatégorie d’avantages, destinés à influer sur la performance de l’entreprise : l’opportunitéconcurrentielle que constitue la certification ISO 14 001 grâce aux nouveaux débouchésqu’elle est en mesure d’offrir.

III. La responsabilité environnementale comme sourced’avantage concurrentiel

La mise en œuvre de la certification ISO 14 001 se révèle être un outil marketing efficacepuisque le système de management environnemental permet une valorisation de l’image del’entreprise ainsi que de celle de ces produits. En outre, il garantit à l’entreprise des relationsplus pérennes avec les activités économiques parallèles ainsi que l’accès à de nouveauxmarchés. Le SME est outil de valorisation de l’entreprise auprès de l’ensemble des partiesprenantes, source de nouvelles opportunités.

A. Valorisation de l’image de l’entreprise et de ses produitsL’engagement dans une démarche de management environnemental offre à l’entreprise unedouble valorisation en terme d’image : une valorisation du produit ou du service offert et unevalorisation de l’image de l’entreprise. Si les conséquences positives d’une bonne réputationsemblent évidentes et largement confirmées empiriquement, il demeure la question de laconstruction de la réputation ; dans quelle mesure la communication environnementaled’une entreprise peut-elle avoir un impact sur sa réputation ?

La valorisation du produit ou du service offert par l’entreprise réside dans le fait que leproduit ou le service de l’entreprise est considéré comme de « meilleure qualité » et doncplus fiable. Il suscite davantage l’envie d’être consommé par rapport au produit d’une autreentreprise qui ne bénéficierait pas de la certification.

La valorisation de l’image de l’entreprise signifie que l’ensemble des parties prenantesapprécie son comportement éthique et civique. La retombée en terme d’image n’est pasà négliger car elle constitue un élément explicatif de la compétitivité des entreprises. Lamise en place d’une politique de développement durable aide à promouvoir l’image del’entreprise.

En plus d’être attentive aux évolutions du marché, les sociétés doivent égalementprendre en compte les attentes des consommateurs en matière de développement durable.L’entreprise se doit d’évaluer les contraintes et les opportunités qui découlent d’une tellepolitique et être capable de gérer le risque environnemental, sous peine de subir la sanctionde l’opinion. Cette nouvelle contrainte est appelée « risque éthique » ; l’opinion s’émeutplus facilement et devient plus sensible sur certains sujets car, elle est influencée pardes groupes de pressions disposant d’une forte capacité de mobilisation et de conviction(boycotts, blocages, mobilisations…). L’entreprise moderne qui veut rester compétitive doitapprendre à gérer ce risque. Elle ne peut pas se contenter de satisfaire les seuls besoinsmatériels des individus, elle doit aussi veiller au respect des besoins dits « secondaires ».

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Les différents besoins des individus peuvent s’analyser par a référence à la pyramide desbesoins d’Abraham Maslow71.

Source : www.er.uquam.caA la base de la pyramide, Maslow place les besoins de survie (se nourrir, se vêtir, se

loger…) auxquels le marché répond automatiquement par l’emploi, ensuite et seulementune fois satisfaits ces premiers besoins, émergent d’autres besoins dits secondaires.Maslow identifie 4 niveaux de besoins secondaires. On trouve les besoins de sécurité,les besoins d’appartenance, les besoins d’estime, enfin les besoins d’accomplissementpersonnel. Il s’agit de besoins dits qualitatifs, ressentis essentiellement dans les paysdéveloppés. En règle générale, ces besoins ne sont pas satisfaits par le marché, cependant,l’entreprise se doit de les prendre en compte, sous peine de se voir « sanctionner »symboliquement. La protection de l’environnement ou sensibilité environnementale estprésente chez un nombre croissant de personnes. Ce « besoin environnemental »appartient aux catégories de besoins secondaires définis par Maslow.

L’entreprise qui s’engage dans une démarche environnementale bénéficie d’unavantage considérable en terme d’image, les informations publiées sur son comportementenvironnemental constituent des signaux qui auront un impact sur la réputation del’entreprise ou de ses produits. La communication est un mécanisme institutionnelpermettant à l’organisation d’émettre des signaux de conformité à destination de sesparties prenantes, elle l’utilise pour influencer les perceptions. Le contexte actuel tend àintroduire des valeurs éthiques et sociales dans l’économie ; l’entreprise doit apprendreà gérer son image de marque car elle constitue un élément clé de sa performance. Lesconsommateurs sont de plus en plus soupçonneux vis-à-vis des entreprises et de leursproduits, en dramatisant le risque en matière d’environnement, les réactions sont souventdisproportionnées, c’est le phénomène d’amplification sociale du risque. La mise en œuvre

71 Abraham Maslow, psychologue célèbre connu pour ses travaux sur l’explication de la motivation par la hiérarchie des besoins.

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d’un système de management environnemental permet d’attester de la responsabilité desentreprises et pose les bases d’une réconciliation sociétale.

La gestion stratégique des parties prenantes par des processus de communicationsexternes est un moyen à disposition de l’entreprise lui permettant d’améliorer saperformance. L’entreprise cherche sans cesse à communiquer et à convaincre les acteursclés car elle n’échappe pas à la médiatisation. Paul de Backer72, dans son ouvrage « Lemanagement Vert », affirme que « Communiquer, convaincre, et expliquer est devenu aussiimportant que faire, produire, réaliser ». Les entreprises développent une sensibilité auxmédias grand public toujours plus soupçonneux quant au respect de l’environnement parces dernières ainsi qu’aux groupes de pression qui l’identifient comme l’ennemi public,responsable de l’ensemble des dégâts environnementaux. Avec la mise en place d’unsystème de management environnemental, l’entreprise apprend à gérer sa communicationexterne pour véhiculer un ensemble de symboles positifs à son égard et convaincre ainsiles médias et les groupes de pression de sa responsabilité vis-à-vis des parties prenantesà son activité.

L’ensemble des entreprises analysées dans cette étude tentent de communiquer surleur certification ISO 14 001. A ce titre, l’entreprise Papeteries du Léman organise des« journées portes ouvertes », rédige des articles de journaux à destination de la presselocale ou des magazines spécialisés… ; les Stations de ski des Gêts et d’Avoriaz mettent enévidence le logo de certification afin qu’il soit visible pour le public. M. Muffat73, responsableQSE de la station d’Avoriaz souligne l’intérêt de rendre la certification visible car c’est undes critères les plus sollicités par les tour-opérateurs. La clientèle étrangère des stationsde sports d’hiver est de plus en plus sensible à l’environnement et privilégie les stationsengagées. Il affirme : « il devenait nécessaire pour Avoriaz de franchir le cap parce que ladémarche environnementale devient un outil marketing pour attirer une certaine clientèledans notre station, plutôt que dans une autre». Le SME offre un avantage commercialaux entreprises certifiées par rapport à leurs autres concurrents qui ne le sont pas. A titred’exemple, le tour-opérateur Pierre & Vacances, bien implanté dans la station, encourage lesséjours à Avoriaz plutôt que dans d’autres stations, du fait de la certification en ISO 14 001.Selon la Direction du groupe, « le tourisme peut avoir de fortes conséquences sur le milieunaturel c’est pourquoi tout opérateur touristique doit inscrire sa stratégie dans une démarchede développement durable et maîtriser l’ensemble de ces transferts de population 74». Leprestataire touristique apprécie la démarche de la station et l’encourage dans sa démarcheen collaborant avec elle sur le mise en place de nouveaux projets.

Déborah Philippe et Rodolphe Durand, deux enseignants à HEC Paris, réalisent uneétude sur le lien entre communication environnementale et réputation de l’organisation75.Ils montrent que dans le cadre de la performance environnementale, la communicationdevient cruciale pour deux raisons : « d’une part, cette performance repose dans une largemesure sur l’habileté d’une organisation à gérer ses interactions avec son environnementinstitutionnel et donc à établir un dialogue avec ses parties prenantes, d’autre part, ilest souvent difficile pour les parties prenantes de l’organisation d’évaluer précisément saperformance environnementale, et celles-ci dépendent donc largement des informations

72 Paul de Backer, Le management vert, Paris, Dunod, 1992, 265 p.73 Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques d’Avoriaz74 Extrait tiré de l’acte d’engagement de Pierre et Vacances aux cotés du WWF, www.pierreetvacances.com75 Philippe D, Durand R, Communication environnementale et réputation de l’organisation, Revue Française de Gestion, 2009/4,

n°194, p.45-63

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publiées par l’organisation pour se former une opinion quant à la qualité intrinsèque de sesactions ». L’entreprise capable d’envoyer des signaux sur ses initiatives environnementalesconstruit, maintient et renforce sa réputation, la communication environnementale en tantque signal indiquant que le comportement de l’organisation est socialement acceptable etapproprié, conduit à l’amélioration de la réputation de l’organisation. L’envoi de signauxpasse par la publicité à destination du public, des campagnes d’affichages, les sitesInternet… Mme Miclot explique que, depuis quelque années, le groupe Danone76 recentreses activité sur des produits sains pour la santé et s’engage considérablement pourl’environnement. Cet engagement fait l’objet de campagnes de publicités à destinationdes consommateurs, à la télévision les spots télévisés témoignent de l’engagement del’entreprise, sur le produit il est rappelé aux consommateurs qu’ils se doivent de trier leursdéchets afin d’accompagner l’entreprise dans sa démarche.

Extrait de l’étiquette d’une bouteille d’Eau Minérale Evian 1,5LL’ensemble des initiatives prises par le groupe semblent porteuses puisque le groupe

Danone dispose d’une bonne réputation environnementale auprès des consommateurs,réputation que l’ensemble des entreprises du groupe s’attachent à surveiller par laréalisation régulière d’enquêtes sur l’image de la société auprès des consommateurs.

Le comportement environnemental revêt un aspect très stratégique pour lesentreprises qui communiquent sur leurs initiatives, la communication environnementaled’une organisation a un impact direct sur sa réputation puisque les parties prenantes sontquasiment exclusivement dépendantes des informations communiquées par l’organisationpour évaluer sa performance environnementale. La communication environnementaleexerce une influence dans la manière dont l’organisation est perçue par ses diverses partiesprenantes, la réputation se construit en fonction de la nature et de la visibilité des messagesémis. Cependant, la réputation est un concept multidimensionnel, dont la composanteenvironnementale ne fait que contribuer à l’image globale de l’entreprise ; il s’agit d’unfacteur de différenciation de l’entreprise par rapport à ses concurrents non engagés dansdes démarches de management environnemental, mais qui ne suffit pas, à elle seule, àdéterminer la réputation d’une organisation.

Du point de vue du monde financier, excellence environnementale et qualité dumanagement sont de plus en plus associées. D'autre part, adopter une démarche pro-active à l'égard de l'environnement réduit considérablement certains risques immédiats oudifférés dont les conséquences financières peuvent être très importantes pour l'entreprise.Le facteur environnemental est de plus en plus pris en considération par les investisseurs ;

76 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Anonyme des EauxMinérales D’Evian, Groupe Danone.

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en témoigne le développement des SICAV investissant dans des titres d'entreprisesparticulièrement performantes du point de vue de l'environnement. La valorisation del’image de l’entreprise ainsi que de ses produits ne s’opère pas uniquement au niveau desconsommateurs mais touche également les activités parallèles.

B. Des relations pérennes construites avec les activités parallèlesL’environnement est considéré comme un bien public, il concerne l’ensemble de lapopulation, particuliers ou professionnels. La mise en place d’un système de managementenvironnemental a nécessairement des répercutions sur les autres entreprises ou activitésqui travaillent de concert avec l’entreprise certifiée, ce sont des externalités positives liéesà la mise en place d’une SME. De nombreux avantages découlent de la certificationd’une entreprise en ISO 14 001, pour ses relations avec ses activités parallèles. Il existeessentiellement deux raisons pour lesquelles une entreprise accepte de mettre en place unsystème de management environnemental afin de maintenir de bonnes relations avec lesactivités parallèles.

La première d’entre elle est celle qui veille à répondre aux pressions exercéespar les partenaires avec lesquels elle travaille. L’entreprise Papeteries du Lémans’est engagée dans la démarche de certification pour plusieurs raisons, parmi elles,une a été déterminante, explique M Rase77, « nos entreprises clientes nous ont faitcomprendre implicitement que sans certification ISO 14 001, elles mettraient un termeà leur collaboration ». L’industrie papetière est une activité hautement polluante et il estcompréhensible que de nombreux efforts soient entrepris afin de revaloriser l’image dusecteur. C’est dans sa globalité que la branche papetière doit agir, par la mise en placedes systèmes de management environnemental, à la fois au sein des papeteries ellesmêmes, chez leurs clients ainsi que chez leurs fournisseurs. Les moyens d’actions doiventêtre globaux et les référentiels identiques entre les différentes entreprises afin de favoriserl’homogénéité entre les entités en relation. En cela, les normes ISO relèvent un intérêtparticulier puisqu’elles sont internationales et transdisciplinaires et peuvent donc s’appliquerà des entreprises de nature diverse. La pression, ici interne à l’industrie papetière poussedonc les entreprises à uniformiser leurs efforts afin que l’ensemble du secteur bénéficiedes retombées en matière d’image et de réputation. Dans le cas précis de la sociétéPapeteries du Léman, la pression n’est pas exercée par les autorités publiques mais pardes entreprises privées, qu’elles soient clientes, fournisseurs, ou donneurs d’ordres, enimposant à une entreprise partenaire de prendre la voie de la certification sous peine d’êtreexclue des transactions futures. L’exemple du secteur papetier n’est pas isolé, déjà en1999, deux grandes multinationales telles que Ford et Général Motors ont annoncé quetous leurs sous-traitants à travers le monde devaient dorénavant être certifiés ISO 14 001,dans un délai de 4 ans. Afin de garder sa place sur le marché, les entreprises concernéespar ces pressions diverses se voient dans l’obligation de mettre en place la certificationISO 14 001. Ces exemples ne remettent pas entièrement en cause l’aspect volontaire del’adoption des systèmes de management environnemental, mais montrent que le volontariatest rarement dénué de pressions, qu’elles soient d’origine étatique ou privée. La gestion del’environnement est un facteur indispensable pour garantir une relation commerciale à longterme et maintenir un certain niveau d’attractivité et donc de compétitivité. La norme ISO 14001 est un outil de dialogue renforçant la confiance entre les partenaires.

77 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean Michel RASE, Responsable QSE, Les Papeteries du Léman,Groupe Bolloré

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L’autre facteur d’incitation à la mise en place d’un SME est la recherche d’accès à denouveaux marchés. Certaines entreprises, bien implantées dans un secteur d’activité, fontde la certification ISO 14 001 un élément indispensable pour pouvoir exercer dans le secteur.Dans ce cas de figure, la norme ISO 14 001 constitue une barrière à l’entrée redoutable, àlaquelle les entreprises sont contraintes d’adhérer si elles souhaitent pénétrer le marché. Latechnique de l’instauration de barrières non tarifaires à l’entrée d’un marché constitue uneentrave aux règles de la libre concurrence, sensées être le principe applicable dans toutsecteur d’activité, puisque le principe des barrières à l’entrée consiste à faire obstacle à uneentreprise qui souhaite s’engager sur un nouveau marché. M Muffat78, et Mme Lhermite79

témoignent tous deux du chantage exercé par les tour-opérateurs scandinaves auprès desStations de ski. Les domaines skiables d’Avoriaz et des Gêts ont été contraints, par laclientèle scandinave, de mettre en place des systèmes de management environnemental,témoignant de leur engagement pour de protection de l’environnement. La peur d’être« boycotté » par cette clientèle a été un argument supplémentaire qui a poussé les deuxStations à s’engager dans une démarche de certification.

La volonté d’obtenir un avantage concurrentiel sur ses rivaux constitue un facteur demotivation important à la mise en place d’un SME. Les entreprises communiquent leursperformances environnementales au marché, pour se différentier de leurs concurrents et/ou pour proposer un produit aux particularités innovantes. Ces comportements stratégiquessont une forme de manipulation des standards, plus particulièrement ici de la norme ISO14 001, avec des intentions sous-jacentes, clairement anti-concurrentielles. L’objectif dela démarche de management environnemental est ainsi dénaturé puisque le SME devientun outil utilisé pour désavantager les concurrents éventuels et tirer profit du standard ; ilconstitue un outil source d’avantages compétitifs. La norme ISO 14 001 est un outil dedifférentiation entre les entreprises, atout considérable pour entrer sur certains marchés.L’exigence d’engagement dans un processus de management environnemental constitueun moyen de sélection non formel mis en place par un groupe d’entreprises afin desélectionner les entités avec lesquelles elle souhaitent travailler ; il s’agit d’une barrière àl’entrée qui entrave la libre concurrence.

Outre cette lecture critique explicative des facteurs déterminant l’adhésion d’uneentreprise à la norme ISO 14 001, Mme Miclot80 précise qu’il est du devoir d’une entreprisecertifiée de faire pression sur ses partenaires pour qu’ils s’engagent à leur tour : « il enva de la cohérence de notre système de management environnemental que nos clientsou nos fournisseurs soient engagés dans une démarche identique à la nôtre ». Selonelle, l’intégration de l’ensemble des partenaires concernés dans la démarche de SMEpermet à l’entreprise d’aller toujours au-delà de ses objectifs et de servir ainsi la logiqued’amélioration continue. Lorsque toute la chaîne de production (fournisseurs, producteurs,sous-traitants, clients) est certifiée par un système de management environnemental,l’ensemble des entités individuellement engagées bénéficient de retombées importantespour son propre SME. Mme Miclot soutient que seule cette intégration des systèmes demanagement environnemental permet de « tirer tout le monde vers le haut » et ainsi deréduire potentiellement les coûts de transaction liés à l’activité de production puisque les

78 Extrait de l’entretien du mardi 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniquesd’Avoriaz

79 Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, Mme Emmanuelle Lhermite, Responsable QSE, Société des Remontéesmécaniques des Gets

80 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Anonyme des EauxMinérales D’Evian, Groupe Danone.

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partenaires, tous dotés de SME, composent avec des méthodes de travail identiques. Loind’être un outil d’entrave à la concurrence, l’exigence de la certification dans un secteurd’activité tend à harmoniser les coûts de production des entreprises et ainsi réduire lesdisparités existantes entre celles engagées dans une démarche coûteuse de SME et cellesqui produisent sans prendre en compte les impacts environnementaux de leurs activités.Lorsque les entreprises appartenant à la même branche ou au même secteur d’activité sontsoumises aux mêmes exigences en matière environnemental, la concurrence est loyale,même si chaque entreprise conserve ses propres spécificités dans l’élaboration et la miseen œuvre de son SME. La difficulté majeure réside dans le fait que, en dehors des pressionsexercées par les entreprises déjà certifiées, aucune autre instance publique ne contraintà l’adoption du référentiel afin d’harmoniser un secteur d’activité. Cette caractéristiqueest propre aux instruments volontaires de régulation environnementale, qui peinent à segénéraliser puisque les pressions inter-firmes se révèlent parfois inefficaces, et que lesautorités publiques ne sont pas en mesure de rendre leur application obligatoire.

La mise en place d’un système de management environnemental, même si elle estmotivée par la volonté de contribuer à la protection de l’environnement, cache des objectifsstratégiques sous-jacents. L’entreprise cherche à tirer partie de ce qui, à première vue,pourrait être ressentie comme une contrainte, et bénéficient directement des nombreuxavantages induits par le SME. L’environnement ne constitue pas un domaine d’actiondans lequel les entreprises agissent de manière désintéressée, un tel opportunisme n’esttoutefois envisageable qu’avec les instruments volontaires de régulation environnementalequi sont soumis au bon vouloir des entités qui les utilisent.

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Conclusion

La norme ISO 14 001, une solution satisfaisante ?L’analyse menée ci-dessus permet de rendre compte de la réelle efficacité de la

norme ISO 14 001 et plus généralement des systèmes de management environnemental.Ils constituent un outil technique à disposition des entreprises qui souhaitent contribuer,à leur manière, à la protection de l’environnement. La mise en place d’un SME estun élément de différentiation entre les entreprises, mais également un signal fort àdestination du consommateur, gage du comportement responsable de l’entité concernée.La compétitivité durable ne se base plus seulement sur le seul aspect financier, maisdoit tenir compte d’autres facteurs d’amélioration tels que le domaine du social et del’environnement. Le développement des approches volontaires en matière de régulationenvironnementale témoigne de la mutation de l’entreprise, désormais soucieuse de l’intérêtde ses parties-prenantes et de l’image qu’elle véhicule auprès de l’opinion publique.Cependant, l’engagement dans une telle démarche est un processus coûteux pourl’entreprise, ce qui nous amené à penser que l’engouement pour la norme ISO 14 001, n’estpas dénué d’explications rationnelles. En effet, au terme de l’analyse, principalement baséesur les théories de l’économie industrielle, l’environnement apparaît comme une opportunitéde développement, le nouveau front sur lequel les entreprises doivent être présentes pourespérer rester compétitives. Dans un contexte de concurrence forte, la certification à lanorme ISO 14 001 grâce à la mise en place d’un SME est un outil stratégique dont l’objectifenvironnemental initial se trouve dénaturé. La logique actionariale persiste et même sielle coexiste avec les préoccupations environnementales grandissantes, elle demeure lastratégie principale sur laquelle les entreprises se fondent. Etant par nature un lieu decréation de valeur, elles sont mues par la volonté de produire de la richesse ; rationnelles, lesentreprises cherchent à transformer les contraintes d’ordre environnementale et avantagesd’ordre économique.

Les solutions mises en place afin de réduire les impacts environnementaux peuventêtre forts diverses et impliquer des coûts et des bénéfices très variables en fonction despolitiques mises en œuvre. Cependant, la lecture critique des systèmes de managementenvironnemental ne doit pas conduire au pessimisme en ce qui concerne le lien entreenvironnement et économie. L’élaboration d’un outil tel que le SME vise à concilier aumieux « environnement » et « économie », sans pour autant y parvenir complètement. Al’heure actuelle, la relation entre les deux disciplines ne résulte pas d’un échange « gagnant-gagnant » car l’environnement semble être encore largement soumis au bon vouloir del’activité économique. Néanmoins, cette asymétrie de pouvoir est le seul moyen par lequelun début de prise de conscience environnementale commence à voir le jour chez lesentreprises. Ces dernières acceptent d’intégrer les contraintes environnementales dansleur mode de fonctionnement quotidien uniquement si elles perçoivent l’opportunité d’enobtenir des contre-parties intéressantes. Cette situation, bien qu’insuffisante, est préférableà une éventuelle passivité des entreprises en matière de protection de l’environnement;du reste, ce n’est pas parce que les entreprises utilisent les systèmes de managementenvironnementaux comme un avantage stratégique que les résultats environnementauxatteints sont nécessairement nuls. Quelle que soit l’utilisation que les entreprises font dela norme ISO 14 001, l’engagement dans une démarche de certification procure, malgré

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tout, un certain nombre de retombées positives sur l’environnement. D’ailleurs, on pourraitégalement penser que les systèmes de management environnementaux ne sont pas unefin en soi mais simplement une étape provisoire et nécessaire vers ce qui constitueraune véritable révolution à venir. L’environnement est actuellement un luxe que seules lesentreprises les plus dotées financièrement sont en mesure de s’offrir ; elles cherchentdonc tout naturellement à exploiter au maximum l’opportunité que l’environnement peutpotentiellement représenter.

Tout comme il existe aujourd’hui un mécanisme de concurrence par les prix entreles entreprises, l’engouement pour la norme ISO 14 001 laisse espérer de voir sedévelopper une concurrence entre les entreprises d’un même secteur dans le domainede la protection de l’environnement. Le mouvement initié actuellement peur servir debase au développement d’une véritable compétitivité environnementale qui remplacerale mécanisme de concurrence actuelle par les prix. L’analyse réalisée permet d’affirmerque les entreprises, en s’engageant sans cesse davantage pour l’environnement, sontaux prémices d’une véritable mutation dans leur mode de production de biens ou deservices. Le point positif des approches volontaires de régulation environnementale dont lanorme ISO 14 001 fait partie, c’est qu’elles sont basées sur le volontariat et donc que lesentreprises qui les utilisent peuvent aller toujours plus loin. D’ailleurs, même si les systèmesde management environnemental s’écartent quelque peu de leur objectif premier, il estimpossible de conclure dores et déjà définitivement sur l’efficacité environnementale decet outil, puisque les effets sur les ressources naturelles, qu’ils soient positifs ou négatifs,ne seront visibles et donc évaluables que sur le long terme. La norme ISO 14 001 est undispositif encore trop récent pour pouvoir conclure précisément de son efficacité dans letemps.

Le système de management environnemental est un instrument particulier en cesens qu’il apparaît comme une solution adaptée pour les personnes inexpérimentées ounovices sur l’environnement effectuant des comparaisons entre les entreprises ; néanmoins,l’analyse plus précise de son mode de fonctionnement et des actions mises en œuvre parles entreprises qui ont collaboré à la réalisation de ce mémoire, souligne ses limites et sesimprécisions. En effet, dans une perspective plus critique, il peut être intéressant d’étudier lacas de la Société des Eaux Minérales d’Evian, qui se classe parmi les entreprises pionnièresles plus engagées en matière de protection de l’environnement. Mme Miclot81, présente lestrès nombreuses actions mises en œuvre par son entreprise, en insistant sur le fait que,pour la société Evian, l’environnement est déterminant ; cependant, son discours soulèveun paradoxe : bien que l’engagement environnemental d’Evian soit réel et colossal, l’actuelmode d’organisation de la production de l’entreprise, basé sur un site de production uniqueet des exportations massives à travers le monde, témoigne d’une incohérence considérablepar rapport à son engagement environnemental. De la même manière, la société Papeteriesdu Léman, est spécialisée dans la fabrication de papier très fin et très précieux, dont lesconditions nécessaires à son stockage demandent beaucoup d’énergie.

Les actions ou mesures mises en place dans le cadre d’un système de managementenvironnemental, qu’elles soient d’ordre corrective ou préventive, demeurent largementinsuffisantes du point de vue de la protection de l’environnement et des ressourcesnaturelles. En terme d’efficacité environnementale, c'est-à-dire la capacité des SMEà réduire considérablement les effets néfastes des activités de l’entreprise surl’environnement, la norme ISO 14 001 n’est pas un outil satisfaisant, car l’évaluation

81 Analyse de l’entretien du 17 avril 2009, avec Mme Isabelle Miclot, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, SociétéAnonyme des Eaux Minérales d’Evian, groupe Danone.

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exacte et concrète de ses effets demeurent flou. En revanche, le système de managementenvironnemental s’avère être un instrument utile économiquement pour les entreprises,puisqu’ils sont source d’avantages compétitifs. M Quiblier82, souligne d’ailleurs les limitesde l’instrument qui, selon lui, envisage de « faire du neuf avec du vieux », c'est-à-dire utiliser les structures déjà existantes et les corriger pour limiter les impacts desactivités de l’entreprise sur l’environnement. Selon lui, une solution serait préférable, cellequi consisterait à repenser l’ensemble des façons de produire, c'est-à-dire remettre enquestion les techniques de production actuelles dans leur globalité et non pas de façonpartielle comme le proposent les systèmes de management environnemental et la normeISO 14 001. M Quiblier explique : « c’est le management qui est environnemental,pas l’organisation , les problèmes environnementaux des entreprises ne sont pas pris àleur source mais en cours de route ». En cela, la prise en compte de l’environnementpar les entreprises dans leur activités quotidiennes, constituera la prochaine « révolutionindustrielle ». Encore peu connus en France, l’architecte designer William Mc Donough etle chimiste allemand Michael Braungart sont deux personnalités de l’écologie industrielle,qui, dans leur ouvrage Cradle to Cradle 83 proposent une approche qui diffère descourants traditionnels de l’écologie. Les deux spécialistes défendent une « consommationintelligente », fondée sur la réutilisation permanente des objets et des matières etpréconisent une empreinte écologique positive qui consiste à penser le produit, dès l’originepour lui donner plusieurs vies, et idéalement, le réutiliser à l’infini, y compris pour d’autresusages que sa fonction initiale. « Cradle to Cradle » signifie « du berceau jusqu’au berceau »,cette approche s’oppose à celle du « Cradle to Grave », traduite par « du berceau jusqu'àla tombe » ; elle signifie que rien ne disparaît et que tout doit pouvoir être réutilisé, sans fin.Selon Mc Donough, cette nouvelle exigence constituera ce qu’il appelle « the New IndustrialRevolution », la prochaine Révolution Industrielle, qui se substituera à l’ancienne basée surl’industrialisation et la mécanisation. L’approche « cradle to cradle » préconise de raisonnerpar rapport au cycle de vie du produit, sans cesse réutilisé.

82 Extrait de l’entretien du 15 juin 2009, avec M Pierre QUIBLIER, Programme Officer, Chemicals Branch Maison del’environnement, Organisation des Nations Unies.

83 William Mc DOHOUGH et Michael BRAUNGART, Cradle to Cradle: Remaking the way we make things, Rodal Press, 2002,208 p.

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Conclusion

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source : www.buycott.euLes entreprises ne sont pas les seules entités qui se doivent d’être responsables

environnementalement, elles ne constituent qu’un élément parmi d’autres devant œuvrerpour la protection de l’environnement. M Quiblier affirme : « ce n’est pas l’environnementqui est au service de l’économie, ni l’économie qui est au service de l’environnement,mais l’économie et l’environnement qui sont au service de l’homme », cela signifie que lesentreprises ne sont pas les seules responsables des dommages environnementaux, unesolution satisfaisante du point de vue de l’environnement verra le jour, lorsque, tous lesacteurs concernés (entreprises, Etats, ménages) seront en mesure de prendre consciencede la responsabilité de chacun dans le processus de dégradation de l’environnement etd’agir en conséquence.

L’analyse menée révèle toutefois que le mouvement environnemental à l’œuvremarque les débuts d’un changement structurel ; l’environnement n’est pas une modemais un défi majeur auquel l’ensemble de l’humanité est confrontée. Les actions queles entreprises vont réussir à mettre en œuvre dans les 50 années à venir serontdécisives pour l’avenir de la planète. Quelle que soit la stratégie adoptée pour la protectionde l’environnement, notamment dans le cadre de la mise en place des systèmes demanagement environnemental, il est important de les utiliser d’abord et avant tout commedes moyens pour réduire les impacts sur le milieu naturel et non comme une fin en soiou comme des outils de promotion commerciale. La question qui demeure à l’issue del’analyse est celle qui cherche à savoir si l’utilisation de la rhétorique environnementale à desfins stratégiques par des entreprises opportunistes, n’est-elle pas le seul et unique moyenpour que la dimension environnementale soit prise en compte dans l’ensemble du mondeéconomique. Cette interrogation sous-tend la thèse en grande partie démontrée dans cetteanalyse, à savoir que l’environnement n’intéresse pas directement les entreprises, maisindirectement, car sous couvert d’un comportement pseudo-responsable, les entreprisesl’utilisent comme un argument stratégique aux effets sur leur compétitivité.

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La norme ISO 14 001 et plus généralement les systèmes de managementenvironnemental sont une solution satisfaisante car ils permettent aux entreprises deconcilier environnement et économie, et ainsi tenter de faire en sorte qu’une activiténe se fasse pas au détriment de l’autre. De nombreux avantages, qu’ils soient d’ordreéconomique ou environnemental, peuvent être dégagés de la certification ISO 14 001,cependant, du point de vue de l’efficacité environnementale, les systèmes de managementenvironnemental présentent de nombreuses limites et ne sont pas entièrement satisfaisantspour la protection de la planète et des êtres vivants, car l’objectif environnemental premierde ces instruments se trouve dénaturé par des entreprises obéissant aux lois du marché.Même si la prise en compte de l’environnement par les entreprises témoignent d’unchangement de comportement de ces dernières, elles continuent malgré tout à tirer profitde l’environnement. La contradiction majeure dans le rapport frontal entre « économie »et « environnement » réside dans les fondements mêmes des deux disciplines : alors quel’économie est soumise à un impératif marchand et financier, l’environnement est un champd’action qui doit être exploité d’une manière totalement désintéressée. La norme ISO 14 001et les systèmes de management environnemental ont le mérite de tenter une réconciliationentre les deux antagonistes, sans toutefois y parvenir, puisque la logique économique, aprèsavoir exploité, sans réserve les ressources naturelles mises à disposition gracieusementpar la nature, s’empare également du domaine de la protection de l’environnement, ettente de transformer cette contrainte en un facteur de compétitivité et de performance pourles entreprises. Les instruments volontaires de régulation environnementale sont porteursd’espoir par rapport aux instruments réglementaires, cependant la plus grande libertéd’action sur laquelle ils se fondent, est détournée, sans qu’aucune instance légitime soiten mesure d’intervenir. L’utilisation opportuniste de la protection de l’environnement par lesentreprises semble être la seule possibilité pour que l’environnement et ses ressourcesnaturelles suscitent l’intérêt des entreprises.

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Bibliographie

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BOIRAL Olivier, Environnement et Economie : une relation équivoque, RevueElectronique Vertigo des Sciences de l’environnement, 2004/2, n°5, vertigorevues.org

MC DONOUGH William, The Next Industrial Revolution, 1998, www.theatlantic.com

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Annexes

Annexe 1 : Liste des actions environnementales misesen place par la Société Anonyme des RemontéesMécaniques des Gets.

/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques deLyon /!\

Annexe 2 : Journal interne « Pistes Noires » de laSociété des Remontées Mécaniques d’Avoriaz.

/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques deLyon /!\

RésuméLa norme ISO 14 001 est un référentiel international attestant de l’engagement d’uneentreprise dans une démarche spécifique de gestion environnementale, communémentappelé « mise en place d’un système de management environnemental » (SME). Bienque la norme soit en premier lieu un nouvel outil destiné à contribuer à la protection del’environnement, dans un contexte de concurrence, sa mise en place cache souvent uneutilisation stratégique du standard ; ainsi dénaturé le SME devient un instrument utilisécomme une source de compétitivité et de performance pour les entreprises.

Mots clés Environnement, Entreprises, Management, Performance, Stratégie, ManagementEnvironnemental, Opportunisme, Concurrence, Développement Durable.