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JOSEPH DENGERMA

VALLÉE DE SOS

Histoire d'un moulin et

d'une chèvre blanche

IMPRIMERIE GADRAT-DOUMENC - FOIX

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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

La caverne des ours épuisé

Le roman de Frédéric épuisé

Mariosette épuisé

La posada rouge... épuisé

Histoire de Suc et Sentenac . . . . . . . . . . . . . . . . . épuisé

Sabots contre bottes.

Le skieur au clair de lune.

Les Cocoricos.

Le novio de la muerte.

En préparation :

Le castel de Montréalp-de-Sos.

La chapelle de Saint-Antoine-du-Montcalm.

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Lorsque l'on a quitté Vicdessos et que l'on se dirige vers Suc, on arrive à un étranglement large tout au plus d'une centaine de mètres, et encore cet écartement est-il diminué par la raideur de la pente, côté droit, à telle enseigne que pour établir l'assiette de la route il a fallu éventrer la roche qui surplombe pendant une vingtaine de mètres, et la roche étant sujette à infiltrations, l'eau qui suinte forme l'hiver de magnifiques « candélous » de glace.

C'est à cet endroit que commence réellement la vallée de Suc-et-Sentenac, quoique le territoire de la commune s'étende plus en aval.

Par une de ces bizarreries dont la nature a le secret la rivière de Suc qui jusque là coulait en ligne à peu près droite, en suivant fidèlement la base de la montagne, très en pente, côté gauche, s'en écarte brusquement, et formant un coude au revers très accentué, a établi là un « pla », où ont trouvé place un pré, sept à huit champs et quelques constructions ; pré et champs d'une contenance de quelques ares, relativement plats comparés à la dégringolade des pentes qui les enserrent.

Le promeneur à pied... (entre parenthèses, les vrais pro- meneurs ne vont qu'à pied, ceux qui prétendent se pro- mener en voiture enfilent la route à une telle vitesse qu'ils n'ont guère le temps et la possibilité de remarquer le paysage, et tout ce qu'ils en verront ce sera surtout ce qu'ils pourront distinguer lorsqu'ils se trouveront la tête en bas, parmi les gros cailloux entourés d'eau, après une cabirole époustouflante)... les promeneurs à pied, arrivés là, ne manqueront pas de s'arrêter un moment afin de jouir et d'apprécier le charme du site.

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C'est surtout l 'été qu'il se manifeste.

Après la route surchauffée et le rôt issement la tent dans le fond de la cuvette que forme Vicdessos, la vue seule de ce t endroi t est déjà un rafraîchissement . Une aune de rivière sort de l 'ombre. L'eau flue entre les grosses pierres qui encombren t le lit, les contourne, saute pa r dessus, bouillone, s 'é ta le , puis se lassant d 'ê t re au repos se remet t rès vite à jouer à saute-mouton.

La vue de l 'eau est dé jà à elle seule une délicieuse fraîcheur, à laquelle s ' a joute souvent une brise chargée d'humidité.

Erables, saules, f rênes, aulnes, peupliers, noyers, pru- niers, pommiers , mêlent leur verdure, fa i sant de ce bas- fond une sor te de nid.

De là on aperçoi t , en face, au fond de la vallée, au- dessus du mou tonnemen t d e verdure, le clocher de Suc et les premières maisons qui semblent jouer à cache-cache à mesure que l'on parcour t les m é a n d r e s de la route, et, à sa droite, au-dessus de la roche surplombante , haut, bien haut, vers le milieu du pic d'Engral qui domine le tout et vous éc rase d a v a n t a g e par le dénuement de sa masse , et vous donne l ' impression qu'un caillou peut à tout instant vous dégringoler dessus, ce qui, instinctive- ment , vous fai t rentrer la t ê t e d a n s les épaules... vers le milieu, donc, de ce g rand cube de pierre polie pa r les pluies et dorée de soleil, on devine le village de Sentenac, duquel on a dé jà aperçu les maisons d ' a v a n t - g a r d e et le clocher de la vieille chapelle romane, dé sa f f ec t ée et en ruines, qui veille toujours sur les paroissiens défunts.

Des trois constructions, couvertes de tôle ondulée, que l'on aperçoi t en con t re -bas de la route, de l 'autre côté de la rivière, l'une est un moulin. On le reconnaî t ou on le devine à ce que sur l 'é troi te t e r rasse qui domine la rivière une vieille meule est posée à plat.

C'est un moulin comme un autre.

A l'intérieur il y a deux meules : une qui tourne encore p a r intermittence, l 'autre qui dort depuis longtemps. Il y a le sas, un g r a n d t a s « d 'olfes » de sarrazin que le meunier engouf f re dans un trou quand il y en a trop et qui s 'en vont régaler les trustes... il y a divers outils, des poutres saupoudrées d'un blanc qui est devenu gris, des toiles d ' a r a i g n é e s et des souris.

La p résence de souris annonce celle de chats, mais pour le momen t les deux Raminagrobis qui p rospéra ien t là on t

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disparu sans que l'on puisse savoir si ce sont des rapaces ou des « mandres » à deux ou quatre pattes qui les ont enlevés.

Il y a aussi une pierre évidée sur laquelle le meunier verse une grosse poignée de grain ou de son pour régaler les ânes et les faire se tenir tranquilles tandis que l'on arrime sur leur échine revêtue de l'embardine les sacs de belle farine, grain ou son, tout leur est bon, sauf les grosses « olfes » de gabach qui leur font faire la « gniffe ». Il n'y a pas plus gourmand que certains ânes et bourriques. Lorsqu'ils ont goûté une ou deux fois au dessert offert par le meunier ils connaissent le chemin de ce lieu de délices, et quand leur destination est celle de Vicdessos, arrivés à l'embranchement du chemin qui mène au moulin, non seulement leur premier réflexe est de quitter la route mais dix ou vingt mètres avant ils précipitent leur allure ; si on les laissait faire, en trois sauts et quatre pétarrades ils seraient devant la porte du moulin, hélas close ! Leur déception se manifeste par l'hésitation avec laquelle ils reprennent la direction initiale, mais ce sont des bêtes philosophes, pour les remettre dans le droit chemin il n'est pas toujours besoin d'employer la trique.

C'est un moulin comme les autres, mais il a tout de même ceci de particulier que c'est le dernier moulin... le dernier moulin de la Vallée de Suc... et le dernier moulin de toute la Vallée de Sos.

Le dernier moulin !

Pour s'y rendre il faut passer sur un pont en dos d'âne. Ce pont est à lui seul une des particularités de la Vallée de Sos, une de ces curiosités qu'il faut voir parce qu'elles deviennent de plus en plus rares et qu'elles sont le témoi- gnage du passé. Il est frère jumeau d'un autre pont qui se trouve en Andorre, au fond des gorges de San-Antoni, entre Las Escaldes et Ordino.

Il est le seul de ce genre dans la Vallée de Sos. Le pont de Capounta ne peut lui être comparé parce que Capounta n'est pas en dos d'âne, mais le pont de Ca- pounta présente cette singulière architecture de n'avoir qu'une pile et une demi-arche appuyée sur la roche opposée surplombant la rivière ; la voûte est formée de dalles posées les unes sur les autres de façon que la dalle supérieure avance de quelques centimètres sur l'inférieure, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'elles se rejoignent pour former l'arc-de-voûte constitué par une dalle plus longue qui relie les deux piles ou arches.

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Dans la même vallée d'Auzat les ponts de Samisou et de Marc présentent les mêmes particularités.

Capounta a été construit sous Henri IV et la forge voisine avait appartenu à Jeanne d'Albret.

Le pont du Martinet n'est pas aussi vieux. Il compte tout au plus environ quatre-vingt ans. Remplaçant un pont en bois il fut bâti moitié aux frais du meunier, moitié aux frais de l'Administration des Eaux et Forêts.

Nous savons qu'il y a eu des moulins de tout temps puisque les hommes en avaient besoin pour changer les grains en farine : moulins à vent, moulins à eau et moulins à main, c'est-à-dire moulins de famille dont les Arabes se servaient. Comme preuve de ceci et de l'occupation arabe on peut voir au chemin de la Coste, encastrée dans la muraille du champ dit de Tony, une pierre ronde, percée d'un trou en son milieu, qui pourrait être l'une de ces meules de moulin de famille.

Il y a cinquante ans on découvrait dans les ruines de ce qui fut le village de Lourdenac, près d'Orus, de ces meules à bras. Et dernièrement on a trouvé à Suc, chez les des- cendants de Richard Ruffié, remisées à la cave, les deux meules qui constituaient un de ces moulins à bras (voir photo).

Lorsque, au treizième siècle, le Comte de Foix accorda aux habitants de la Vallée de Sos les privilèges qui les rendaient en fait maîtres de la Vallée il leur céda aussi la propriété des moulins qui jusque là lui appartenaient et auxquels il faisait faire des manœuvres. Le nombre de ces moulins n'est pas indiqué, il devait être proportionné au chiffre de la population.

En 1351 certains possesseurs de moulins de la Vallée tenaient des ruches qu'on leur ordonna d'ôter, sans doute parce qu'elles gênaient la clientèle.

En 1369 le Sénéchal du Comte de Foix voulut savoir si les habitants de la Vallée étaient en possession de faire des moulins « assis », (à scie), dans la vallée, sans payer aucune redevance au Comte, et, ayant trouvé qu'ils en étaient en possession de temps immémorial l'empêchement qu'il y avait mis fut ôté.

Le Dénombrement de 1385 indique qu'il y a cinq moulins dans la Vallée.

Lo moli de P. Rog à Vicdessos. Lo moli de Arnaut d'Ornac à Auzat.