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323 URGENCES 2007 co-fondateurs SPÉCIFICITÉS DE LA PRISE EN CHARGE DES URGENCES MÉDICALES PÉDIATRIQUES PAR UNE ÉQUIPE DE SMUR OU DES URGENCES « ADULTES » 1. IADE, SAMU 93. 2. PH, Hôpital Robert-Debré, Paris. Correspondance : Philippe Domingues, SAMU 93, Hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny, France. E-mail : [email protected] 1. Introduction En France, la prise en charge des enfants malades par un SMUR adulte ou un service polyvalent d’urgences pour adultes et enfants n’est pas rare et risque de devenir de plus en plus fréquente avec la raréfaction des pédiatres. Souvent, les équipes s’occupant principalement d’adultes se sentent peu à l’aise face à une urgence pédiatrique et s’interrogent sur les moyens à mettre en œuvre. Dans cette communication, les âges des enfants ont été regroupés de façon assez classique : on parle de nouveau-né de J0 à J28, de nourrisson du 1 er au 12 e mois, de petit enfant de 1 à 5 ans, de grand enfant de 5 à 15 ans. Nous n’aborderons pas ici la prise en charge des détresses des nouveau-nés à la naissance, ni les urgences chirurgicales ou traumatologiques de l’enfant. En Seine-Saint-Denis (93), le SAMU prend en charge environ 400 enfants par an en primaire (hors néonatologie) et ce chiffre est relativement stable depuis quelques années. Cela représente 3,5 % du total des interventions primaires des SMUR adultes (1). En 2004, sur 390 enfants, 300 (77 %) ont été médicalisés par un des SMUR polyvalents du département et seulement 90 par le SMUR pédiatrique. Ces chif- fres s’expliquent par plusieurs raisons : il existe seulement 1 SMUR pédiatrique versus 5 SMUR adultes, et le secteur d’intervention du SMUR pédiatrique s’étend Chapitre 39 Spécificités de la prise en charge des urgences médicales pédiatriques par une équipe de SMUR ou des urgences « adultes » P. DOMINGUES 1 , J.-Y. SIRIEZ 2 , Y. DIA 1

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URGENCES2007

co-fondateurs

SPÉCIFICITÉS DE LA PRISE EN CHARGE DES URGENCES MÉDICALES PÉDIATRIQUES PAR UNE ÉQUIPE DE SMUR OU DES URGENCES « ADULTES »

1. IADE, SAMU 93.2. PH, Hôpital Robert-Debré, Paris.Correspondance :

Philippe Domingues, SAMU 93, Hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad,93000 Bobigny, France. E-mail : [email protected]

1. Introduction

En France, la prise en charge des enfants malades par un SMUR adulte ou unservice polyvalent d’urgences pour adultes et enfants n’est pas rare et risque dedevenir de plus en plus fréquente avec la raréfaction des pédiatres. Souvent, leséquipes s’occupant principalement d’adultes se sentent peu à l’aise face à uneurgence pédiatrique et s’interrogent sur les moyens à mettre en œuvre.

Dans cette communication, les âges des enfants ont été regroupés de façonassez classique : on parle de nouveau-né de J0 à J28, de nourrisson du 1

er

au12

e

mois, de petit enfant de 1 à 5 ans, de grand enfant de 5 à 15 ans. Nousn’aborderons pas ici la prise en charge des détresses des nouveau-nés à lanaissance, ni les urgences chirurgicales ou traumatologiques de l’enfant.

En Seine-Saint-Denis (93), le SAMU prend en charge environ 400 enfants par anen primaire (hors néonatologie) et ce chiffre est relativement stable depuisquelques années. Cela représente 3,5 % du total des interventions primaires desSMUR adultes

(1)

.

En 2004, sur 390 enfants, 300 (77 %) ont été médicalisés par un des SMURpolyvalents du département et seulement 90 par le SMUR pédiatrique. Ces chif-fres s’expliquent par plusieurs raisons : il existe seulement 1 SMUR pédiatrique

versus

5 SMUR adultes, et le secteur d’intervention du SMUR pédiatrique s’étend

Chapitre

39

Spécificités de la priseen charge des urgences

médicales pédiatriques par une équipede SMUR ou des urgences « adultes »

P. D

OMINGUES

1

, J.-Y. S

IRIEZ

2

, Y. D

IA

1

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PRISE EN CHARGE PÉDIATRIQUE PAR UNE ÉQUIPE POLYVALENTE

au-delà du département : de ce fait, les délais d’intervention sont plus longs. Enoutre, le SMUR pédiatrique est surtout accaparé par les transports secondairesqui représentent 83 % (néonatologie essentiellement) des transports (

versus

25 % en adulte).

54 % des enfants pris en charge par les SMUR polyvalents avaient moins de5 ans.

Répartition par tranche d’âge des enfants pris en charge en 2004 par le SAMU 93

Nouveau-nés Nourrissons Petits enfants

Grands Enfants Totaux

SMUR adultes 21 72 68 139 300

SMUR pédiatrique 16 54 18 2 90

Totaux 37 126 86 141 390

Répartition par tranche d’âge des enfants pris en charge par les SMUR adulte en 2004

Répartition par pathologie des enfants pris en charge par les SMUR adultes

Accidentologie 35 % (traumatologie, brûlures, noyades, intoxications)

Motifs médicaux 65 % (neurologiques dans 34 % des cas, dont convulsions = 9)

Respiratoires 19 % (dont asthme = 36 %)

Autres 17 % (dont mort subite du nourrisson/malaise grave = 20 %, ORL, digestif, cardiovasculaire, psychiatrie...)

Répartition des grandes catégories diagnostiques

7 %24 %

23 %

46 %

Nouveaux-nés

Nourrissons

Petits enfants

Grands enfants

35 %

32 %

17 %

16 % Accidentologie

Neurologie

Respiratoire

Autres

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Ces chiffres démontrent que les SMUR adultes sont partie prenante dans lessoins urgents dispensés aux enfants quel que soit leur âge.

Enfin, en région parisienne, les services d’urgence dédiés seulement aux adultesvoient en moyenne 3 à 5 enfants par jour réorientés sur les services de pédiatrieet traitent pour certains jusqu’à 10 urgences vitales pédiatriques par an.

2. Rappels physiologiques

S’il est désormais classique de dire que l’enfant n’est pas un adulte en miniature,cet adage est surtout vrai chez le petit enfant, qui présente des spécificitésphysiologiques et des pathologies laissant parfois perplexes les équipes habituéesaux adultes.

De la naissance à 3 ans, la croissance est importante (surtout la première année).Le poids de naissance double à 5 mois, triple à 1 an, quadruple à 2 ans et demi.La taille augmente de 25 cm à 1 an (+ 50 %), de 12 cm à 2 ans, de 8 cm à3 ans. Plus globalement, de la naissance à l’âge adulte, le poids est approxima-tivement multiplié par vingt et la surface corporelle par neuf.

L’adaptation du cœur du nouveau-né à la vie extra-utérine est en règle généralerapide. Si le débit cardiaque passe de 200 ml/kg/mn à la naissance à 100 ml/kg/mnà l’âge adulte, la masse myocardique est adéquate dès l’âge de deux mois et lafonction diastolique dès trois mois. Les résistances pulmonaires diminuent brutale-ment à la naissance et atteignent des valeurs adultes vers 6 à 8 semaines

(2)

. Leventricule gauche, dont la postcharge augmente après le clampage du cordon etl’augmentation des résistances systémiques, travaille au maximum de ses possibili-tés et est sensible à toute augmentation de la postcharge

(3)

. Chez le petit enfant,toute bradycardie – facilement induite par une stimulation vagale ou par unehypoxie – réduit dramatiquement le débit cardiaque. C’est pourquoi, par exemple,un massage cardiaque externe doit être débuté si la fréquence cardiaque est infé-rieure à 60/mn chez le nouveau-né ; l’utilisation d’atropine doit être systématiqueavant l’intubation d’un petit enfant

(2)

.

À ces âges, la connaissance des constantes est essentielle

(tableau 1)

.

La croissance pulmonaire se poursuit pendant les dix premières années. Levolume courant et le volume de l’espace mort rapportés au poids de l’enfantsont relativement constants en fonction de l’âge. Les résistances totales sontélevées car les voies aériennes sont relativement étroites. Les voies aériennessupérieures constituent les deux tiers des résistances totales, les petites voiespériphériques moins de 10 %. La respiration est nasale jusque vers 2-3 mois. Lesvoies nasales représentent 50 % des résistances totales ; la mise en place d’unesonde trachéale court-circuite les résistances des voies aériennes supérieures,mais oppose une résistance propre inversement proportionnelle au diamètreinterne de la sonde.

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Le transport de l’oxygène dépend du débit cardiaque et du contenu artériel enoxygène. L’hémoglobine fœtale, largement présente à la naissance, a une plusforte affinité pour l’oxygène que l’hémoglobine adulte, de sorte qu’un tauxd’hémoglobine de 16 g/dl chez le nouveau-né, de 9 g/dl chez le nourrisson detrois mois et de 11 g/dl chez l’adulte permettent de délivrer la même quantitéd’oxygène aux tissus

(2)

.

Chez le nouveau-né, la fonction tubulaire est moins mature que la fonctionglomérulaire ; le seuil rénal du glucose est abaissé, rendant fréquentes à cet âgeles glycosuries à la moindre hyperglycémie, ainsi que la protéinurie. La capacitéde concentration des urines est égale à la moitié de celle de l’adulte. Enconséquence, chez le nouveau-né, en particulier dans la première semaine devie, les doses de médicaments éliminées par les reins doivent être réduites etl’intervalle entre deux prises doit être augmenté

(2)

.

Tableau 1 –

Constantes pédiatriques

Âge (an) Poids (kg)

Taille (cm)

FC (± 20)

PAS (± 10)

PAD (± 10) FR

Besoins de base (ml/h)

Prématuré < 2,5 36-45 140 50 35 50-60 < 8

Prématuré 2,5 à 3 45-50 140 55 36 50-60 8 à 10

Nouveau-né 3 à 4 52 130 60 40 40-50 7,5 à 10

NRS 4,5 à 8 65 120 80 46 30-40 16 à 28

1 10 73 110 90 55 25-30 40

2 13 85 110 100 55 25-30 44

3 15 93 105 100 55 20-25 46

4 17 102 105 100 55 18-20 54

5 19 110 105 105 60 18-20 58

6 21 115 105 105 60 18-20 61

7 23 118 100 105 60 18-20 63

8 à 10 23 à 30 123-132 95 105 60 16-20 63 à 70

10 à 12 30 à 35 132-142 80 110 60 14-18 70 à 75

14 > 45 > 155 75 120 65 12-16 > 85

Poids (kg)

[âge (an)

×

2] + 9PAS minimale acceptable (mmHg) = 70 + (2

×

âge) pour un enfant > 1 anFR

24 – [0,6

×

âge (an)]Besoins de base (ml/h) = (10 premiers kg

×

4) + (10 kilos suivants

×

2) + (kilos suivants

×

1)

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L’eau totale représente 75 % du poids du corps d’un nourrisson et 60 % à l’âgeadulte, en raison principalement d’une diminution du secteur extracellulaire. Lesapports hydriques de base sont inversement proportionnels à l‘âge de l’enfant.En outre, l’enfant est plus sensible à la déshydratation que l’adulte en raisond’un renouvellement des liquides plus rapide, et de pertes hydriques d’originepulmonaire et transcutanée proportionnellement plus importantes. Une compen-sation rapide des pertes hydriques est nécessaire pour prévenir une hypoperfu-sion tissulaire.

En présence d’une hypovolémie importante, fréquence cardiaque et pressionartérielle peuvent longtemps être maintenues à des valeurs normales

(3)

.

Le volume sanguin est de 80-90 ml/kg chez le nouveau-né (soit environ 250 ml),75-80 ml chez le nourrisson de 3 à 12 mois et 70 ml/kg au-delà de 12 mois

(2)

.

3. Matériel spécifique nécessaire

Que ce soit en SMUR ou aux urgences, du matériel dédié à la pédiatrie doit êtredisponible car il n’est pas toujours possible ni licite d’utiliser du matériel pouradulte.

Voici donc un listing non exhaustif du matériel spécifique (hormis celui communpour la prise en charge des adultes)

(4)

.

3.1. Pour la ventilation

• BAVU pédiatrique (300 à 500 ml selon les marques) avec valve de surpressiontarée à 40 cm d’eau maximum et permettant une ventilation à FiO

2

1, utilisablepour un enfant de moins de 5 ans. Au-delà, utiliser le BAVU adulte.

• 1 jeu de masque de la taille 0 à 4.

• Des masques et lunettes à oxygène modèle nourrisson et enfant.

• Des canules de Guédel de taille 0 à 3.

• Des filtres antibactériens avec raccord pour capnographe adaptés au poids del’enfant (modèle néonatal si poids < 5 kg, pédiatrique < 25 kg, adulte > 25 kg)car le filtre augmente l’espace mort et les résistances dans le circuit respiratoire.

• Des sondes d’intubation (SIT) n

os

3,5 à 7 à ballonnet car il n’augmente pasl’incidence des complications respiratoires postintubation, il évite les ré-intubations par diminution des fuites et permet d’utiliser des sondes de petitdiamètre, il diminue le risque d’œdème sous-glottique

(5-6)

: la pression decelui-ci doit être inférieure à 25 cmH

2

O. Le numéro de la sonde peut être choisien utilisant :– pour les sondes sans ballonnet la formule de Khine : taille (DI) = (âge / 4) + 3 ;– pour les sondes avec ballonnet la formule de Hatch-Coté : taille (DI) = (âge / 4)+ 4 (pour âge > 1 an).

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• Pour l’intubation, lames droites de Miller n

os

1 à 2 et lames courbes deMacintosh n

os

1 à 3

(tableau 2)

.• Des sondes d’aspiration 6 à 14 F (n

o

= n

o

SIT

×

2).

Le respirateur devrait idéalement pouvoir faire de la ventilation assistée envolume ou en pression contrôlée ainsi que de la VNI, de plus en plus utilisée lorsdes bronchiolites. Il doit permettre de ventiler des patients de petit poids et déli-vrer des volumes courant faibles (entre 20 et 500 ml) à des fréquences élevées(10 à 60/min)

(7)

. La taille et la compliance des tuyaux doivent être adaptées àl’âge : diamètre 9 mm si poids < 20 kg et 20 mm si poids > 20-30 kg.

3.2. Pour la perfusion

• Des cathéters courts périphériques 24 G à 18 G, des cathéters centraux 4 à6 F ou 2O à 18 G (voie fémorale privilégiée) et 2 dispositifs pour perfusion intra-osseuse (aiguille de Cook, BIG

®

pédiatrique...).

Tableau 2 –

Intubation pédiatrique

Âge (an) Poids (kg) Taille (cm) Guedel Masque

Lames

SIT

Repère

(Miller droite)

Mac Intosh

(courbe)

Narine (cm)

Lèvre (cm)

Prématuré < 2,5 36-45 000 0 0 2,5 8 8

Prématuré 2,5 à 3 45-50 000 0 0 2,5 9-10 9

Nouveau-né 3 à 4 52 000 0 1 3 10-11 10

NRS 4,5 à 8 65 0 0-1 1 3,5 11-15 12

1 10 73 1 1 1 1 4 14

2 13 85 1 1 2 4,5 15

3 15 92 1 1-2 2 4,5 16

4 17 98 1 2 2 5 17

5 19 105 1 2 2 5 17

6 21 112 2 2 2 5,5 18

7 23 118 2 3 2 5,5 18

8 à 10 23 à 30 123-134 2 3 3 6 19-20

10 à 12 30 à 35 134-142 2-3 3 - 4 3 6,5 20

14 > 45 > 155 3 4 3 7 21

Repère de sonde au ras de la narine en cm = poids (kg) + 7 (prématuré + nouveau-né)Repère de sonde au niveau de la narine en cm = (Ø int

×

3) + 2Repère de sonde au niveau de la bouche en cm = (Ø int

×

3) + 1Numéro de la SIT (Ø int) = [âge (an) + 16] ± 0,5 OU poids (kg) + 3

4 10

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• Stéristrips

®

, petits Opsites

®

, désinfectant non iodé, petit garrot.

• Régulateur de débit de perfusion (type métrisette ou Dialaflow

®

).

• Solutés de perfusion type B27 et B55.

3.3. Pour le monitorage

Le moniteur multiparamétrique doit disposer d’un mode néonatal et pédiatriquepermettant d’adapter automatiquement les valeurs d’alarme préréglées en usineainsi que la pression de gonflage du brassard à tension.

Il faut disposer de capteurs de saturation et de brassard à tension (largeur dubrassard = 40 % de la circonférence du bras) adaptés, afin de ne pas sous- ousurestimer les valeurs (sous-estimation de la PA au membre inférieur)

(8)

.

Pour mesurer la pression artérielle en continu, utiliser un cathéter artériel 3 F.

Le défibrillateur (automatique ou manuel) doit avoir des palettes d’un diamètrede 4-5 cm pour les enfants dont le poids est inférieur à 10 kg et d’un diamètrede 8-12 cm pour les enfants de poids supérieur à 10 kg (ou âge > 1 an).

3.4. Pour la traumatologie

Les colliers cervicaux fabriqués par Sober

®

ou Stifneck

®

existent en différentestailles pédiatriques et sont particulièrement bien adaptés aux enfants. Il fautaussi disposer d’attelles : en fonction de la taille du membre à immobiliser,l’attelle de membre supérieur ou d’avant-bras adulte pourra convenir. À noterqu’il existe une attelle de Donway

®

taille pédiatrique pour les jeunes enfants(extension de 30 à 58 cm).

Il existe également des matelas immobilisateurs à dépression dont la taille réduite(100

×

70 cm) permet de maintenir correctement les enfants de moins de 5 ans.

4. Pharmacologie des drogues d’anesthésie

Chez le nourrisson, il y a moins de masses musculaires et graisseuses, ce quilimite les effets de redistribution. L’hypoprotidémie, qui augmente la fractionlibre et des débits sanguins locaux élevés, favorise la diffusion rapide des médi-caments vers les tissus cibles. Le volume plus important en pourcentage des sec-teurs hydriques augmente le volume de distribution des médicaments.L’augmentation du volume de distribution et de la clairance imposera d’augmen-ter les doses de certains des agents anesthésiques par rapport aux posologies uti-lisées chez l’adulte : propofol, kétamine, thiopental, succinylcholine...

Le conditionnement et la concentration des médicaments imposent de les dilueravant utilisation.

Ne pas oublier que certains médicaments n’ont une AMM qu’à partir d’uncertain âge (étomidate > 3 ans).

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PRISE EN CHARGE PÉDIATRIQUE PAR UNE ÉQUIPE POLYVALENTE

5. Psychologie

Il faut établir un climat de confiance avec l’enfant mais également avec sesparents.

Il faut se présenter à lui pour qu’il puisse identifier qui va s’occuper de lui (nom,fonction).

Quel que soit son âge, il faut lui parler, car les mots enveloppent son corps etlui permettent de se rassembler et ne pas négliger le contact physique.

Il faut parler « juste » aux enfants en fonction de leur âge et du contexte, maisle langage n’est pas que verbal : il y a une grande importance dans l’intensitédu regard, les expressions du visage, les postures et le sourire. Il faut toujoursavoir une attitude rassurante et contenante.

La communication doit être vraie, avec des réponses honnêtes aux questionsqu’il peut poser : lui expliquer le soin qu’on va lui faire et pourquoi.

L’enfant doit connaître la vérité même si elle est délicate, car elle est structuranteet confirme les émotions ressenties.

Parler permet de ne pas laisser le petit patient dans l’inconnu, de lui donner desrepères dans le temps et l’espace. Cela contribue aussi à mettre des mots sur cequi lui est arrivé, à le faire parler à ce sujet et de ce dont il a peur.

La compréhension de l’enfant se fait sur 3 registres : le réalisme, l’imaginaire etle symbolisme. Faire attention aux comparaisons et aux métaphores.

Ne pas hésiter à dire quand on ne sait pas ou si l’on pense qu’il vaut mieux quece soit ses parents qui lui répondent.

Il est très important de ne pas tromper l’enfant sur ses sensations et de respecterses émotions.

La séparation enfant-parents lors des soins ou du transport est en général trèsdouloureuse pour l’enfant comme les parents. C’est l’enfant qui reste le moinsapte à comprendre, à intégrer et à vivre cette séparation. Ne pas oublier deprendre le « doudou » s’il existe. Pour les parents, elle renforce les sentimentsd’impuissance, de peur et d’angoisse : interrogation face au devenir de leurenfant. Il faut alors expliquer et justifier cette séparation.

6. Prise en charge de la douleur aiguë

La conférence d’experts

(9)

recommande, chez l’enfant de plus de 4 ans, uneévaluation de la douleur aiguë à l’aide d’échelles d’autoévaluation : échellevisuelle analogique (EVA)

(figure 1)

, échelle numérique (EN), échelle visuellesimple (EVS)

(tableau 3)

ou échelle des visages

(figure 2)

.

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La douleur aiguë est définie pour une EVA

6/10 ou une EVS > 2/4, aveccomme objectif thérapeutique une EVA

3/10 ou une EVS

≤ 2/4 (10). Laréponse thérapeutique doit être stratifiée en fonction du niveau douloureux, le

Figure 1 –

Tableau 3 – EVS

0 pas de douleur

1 douleur faible

2 douleur modérée

3 douleur intense

4 douleur très intense

Figure 2 –

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332 ■ PRISE EN CHARGE PÉDIATRIQUE PAR UNE ÉQUIPE POLYVALENTE

principe reposant essentiellement sur la morphine en injections intraveineusestoutes les 5 à 7 minutes en fonction du résultat de l’évaluation (titration), et surles associations thérapeutiques (9).

Chez l’enfant, la stratégie d’évaluation de la douleur est plus complexe que chezl’adulte. Les méthodes de mesure doivent associer l’évaluation de paramètresphysiologiques et comportementaux à l’autoévaluation de l’enfant, qui est miseen défaut chez l’enfant de moins de 5 ans. On peut utiliser les échellesd’autoévaluation dès lors qu’il existe un degré de compréhension et d’expressionverbale suffisant. Ainsi, l’EVA est utilisable chez l’enfant de plus de 5 ans s’ilpossède les moyens cognitifs adéquats. L’EVS est utilisable dès que l’enfantpossède le langage et un vocabulaire adapté (10).

Les scores comportementaux sont les seules méthodes utilisables chez l’enfantd’âge préscolaire. Chez l’enfant entre 4 et 6 ans, il est recommandé d’associer2 modalités d’autoévaluation différentes (11).

L’évaluation la douleur en extrahospitalier chez l’enfant en âge préscolaire n’aété validée par aucune étude. Toute hétéro-évaluation sous-estime la douleurchez le petit enfant. On peut néanmoins s’aider de l’appréciation des perturba-tions ou non des activités de base de l’enfant comme jouer, bouger, parler, man-ger, dormir (12).

7. Pathologies courantes aux urgences

Chez le petit enfant, il y a une absence de dialogue, il est donc important del’observer.

Un déshabillage systématique s’impose, il permet de visualiser des signes cutanésfréquents chez l’enfant.

7.1. Bronchiolite (13)

Pathologie fréquente du nourrisson, d’étiologie virale, la bronchiolite est unemaladie dont le diagnostic est clinique : toux, dyspnée expiratoire, polypnée,signes de lutte.

Aucun examen complémentaire n’est indispensable à la prise en charge d’unebronchiolite simple. Une NFS-CRP peut être demandée devant une fièvre élevéemal tolérée, ainsi qu’une radiographie pulmonaire, où l’on pourra égalementrechercher un trouble de ventilation. En cas de détresse respiratoire sévère, ungaz du sang est utile, de même qu’un ionogramme sanguin en cas de déshydra-tation clinique.

On hospitalise plus facilement un enfant de moins de 6 semaines, ou de moinsde 3 mois d’âge corrigé, en cas de naissance prématurée, un enfant porteurd’une cardiopathie ou d’une bronchodysplasie, un enfant dont le milieu familialpose des problèmes de prise en charge à domicile, une détresse respiratoire

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importante, un enfant présentant des difficultés alimentaires et, bien sûr, unenfant dont l’état général ou l’hémodynamique s’altèrent.

Le traitement est dans la grande majorité des cas symptomatique : proclive dor-sal, désobstruction rhino-pharyngée, kinésithérapie respiratoire en l’absence debronchospasme, alimentation fractionnée et épaissie, oxygénothérapie si néces-saire, antipyrétiques.

7.2. Asthme (13)

L’asthme est la maladie chronique la plus fréquente de l’enfant et touche envi-ron 10 % des moins de 16 ans. Un facteur déclenchant, variable, est à l’originedu spasme musculaire lisse et d’une réaction inflammatoire des parois des voiesaériennes, avec œdème et hypersécrétion. Les prodromes sont quasi-constants,toujours les mêmes chez le même enfant, permettant de débuter ou de renfor-cer le traitement de façon à minimiser l’impact clinique de la crise.

Aux urgences, devant un enfant qui se présente avec une dyspnée expiratoireavec sibilants, les critères de gravité doivent être évalués en premier : difficultésd’élocution, polypnée, agitation, débit expiratoire de pointe (DEP) après 6-7 ansinférieur à 50 % des valeurs théoriques pour la taille, non réponse aux broncho-dilatateurs, a fortiori cyanose (SaO2 < 90 %), sueurs, abolition du murmure vési-culaire, pauses ou épuisement, troubles de la conscience. On prêtera égalementattention à la durée d’évolution des symptômes, aux antécédents d’hospitalisa-tion en réanimation et à la fiabilité de l’environnement familial.

Le traitement fait appel aux broncho-dilatateurs de courte durée d’action en sus-pension pour aérosol (nébulisations sous 6 l/mn d’oxygène) : terbutaline (Brica-nyl® 1 goutte/kg, minimum 10 gouttes, maximum 1 unidose), ou salbutamol(Ventoline® unidose, 1,25 mg de 0 à 15 kg, 2,5 mg de 16 à 33 kg, 5 mg au-delà). Une crise d’asthme modérée peut répondre à une seule nébulisation, unecrise d’asthme sévère nécessite une série de trois nébulisations à renouveler sinécessaire une fois. Dans les crises d’asthme sévères, on peut renforcer l’actiondes bêta2-mimétiques chez l’enfant de plus de deux ans par du bromure d’ipra-tropium (Atrovent® enfant, 1 dose toutes les deux nébulisations lors des 6 pre-mières, puis maximum 3 par jour. Une corticothérapie par voie orale seraprescrite dans tous les cas. L’oxygénothérapie est très facilement prescrite pourmaintenir la saturation transcutanée en oxygène au-dessus de 95 %. L’hydrata-tion doit être suffisante.

Le retour à domicile ou l’hospitalisation seront décidés en fonction de la réponseclinique au traitement, de la SaO2 et, si l’âge de l’enfant le permet, des valeursdu DEP. Dans ce cas, le traitement de consolidation fait appel aux broncho-dila-tateurs à courte durée d’action en spray ou en poudre inhalée et à une cortico-thérapie orale. En cas d’hospitalisation, le traitement fait appel à des aérosols debroncho-dilatateurs, à la corticothérapie orale ou intraveineuse, à la poursuite del’oxygénothérapie et, si nécessaire, au salbutamol intraveineux ou au sulfate demagnésium, voire à la ventilation assistée.

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7.3. Gastro-entérite avec déshydratation (13)

La gastro-entérite est une pathologie très souvent rencontrée en pédiatrie. Sil’enfant se présente avec une perte de poids inférieure à 5 %, confortée parl’absence de signe clinique de déshydratation en dehors d’une soif plus vive qu’àl’accoutumée, les examens complémentaires sont inutiles et la réhydratationpeut se faire à domicile par voie orale dans la très grande majorité des cas. Lefractionnement des quantités de soluté de réhydratation orale est nécessaire.Encore faut-il en convaincre les parents pour éviter qu’un nourrisson assoiffén’avale en quelques minutes 150 ou 200 ml de soluté... pour le vomir quelquesinstants plus tard ! Les médicaments (antiémétiques, racécadotril) ont une placelimitée. La réalimentation doit être précoce.

La déshydratation sévère correspond à une perte de poids supérieure à 10 %.Le pli cutané est persistant, les yeux sont enfoncés dans les orbites, la fontanelle,lorsqu’elle est encore palpable, est déprimée, les muqueuses sont sèches, la soifest importante. Dans les formes sévères, la fréquence cardiaque est très augmen-tée, les pouls sont faibles, la pression artérielle est pincée et diminuée, le tempsde recoloration est allongé au-delà de 4 secondes, l’enfant est marbré, la diurèseest inférieure à 1 ml/kg/h. L’examen neurologique peut révéler une obnubilation,voire un coma.

Après avoir trouvé une voie d’abord et prélevé, si l’état de l’enfant le permet,un ionogramme sanguin (et mis en place une poche urinaire pour affirmer lareprise de la diurèse et obtenir un ionogramme urinaire sur cette première mic-tion), le remplissage est urgent : 20 ml/kg de sérum physiologique à renouvelersi nécessaire. La réhydratation intraveineuse, de l’ordre de 150 ml/kg/24 h avant2 ans, de 100 à 80 ml/kg/24 h de 2 à 6 ans, se fait avec un soluté glucosécontenant des électrolytes (nature et quantité en fonction du ionogramme san-guin). L’arrêt alimentaire est nécessaire pendant les premières heures. La reprisealimentaire se fera prudemment, mais dès que possible, selon l’état clinique del’enfant.

L’antibiothérapie est rarement justifiée : devant une diarrhée glairo-sanglante, unsyndrome infectieux ou une altération de l’état général, une coproculture et uneparasitologie sur selles fraîches sont demandées ainsi qu’une NFS, une CRP, unionogramme sanguin et des hémocultures. La présence de facteurs de risque(enfant drépanocytaire, syndrome infectieux sévère, enfant de moins de 6 mois)peut amener à traiter l’enfant par ceftriaxone sans attendre le résultat de cesexamens. Dans les autres cas, le traitement est adapté à la bactérie retrouvée.

7.4. Dyspnées laryngées (13)

La dyspnée laryngée est une dyspnée obstructive haute. Elle est inspiratoire, avecmise en jeu des muscles respiratoires accessoires et allongement du tempsinspiratoire.

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Devant un tel tableau, il convient d’abord d’apprécier les signes de gravité :durée supérieure à 1 heure, sueurs (hypercapnie), ainsi qu’un cortège de signesinquiétants, précédant de peu la décompensation et l’arrêt respiratoire : pâleur,tachypnée avec disparition des signes de lutte, pauses respiratoires, cyanose(hypoxie) et trouble de la conscience.

Avant 6 mois, une endoscopie s’impose, à la recherche chez le nourrisson d’unhémangiome sous-glottique ou d’une sténose laryngée, chez le nouveau-néd’une laryngomalacie, d’une paralysie laryngée ou d’autres pathologies plusrares.

Après 6 mois, il s’agit le plus souvent d’une laryngite aiguë.

La laryngite sous-glottique, d’étiologie virale, de loin la plus fréquente, est sou-vent précédée d’une rhino-pharyngite. La bradypnée inspiratoire avec stridor oucornage s’installe de façon progressive et bien souvent nocturne, la voix et latoux sont rauques, les signes de lutte sont variables et l’enfant est peu fébrile.La corticothérapie orale suffit dans la majorité des cas, mais n’agit pas immédia-tement. En présence de signes de lutte, un aérosol d’adrénaline aux urgencespermet d’attendre l’effet des corticoïdes. L’amélioration est la règle et, après6 mois, le retour à domicile est autorisé avec une ordonnance de prednisonependant quelques jours. En cas de non amélioration ou d’aggravation, l’hospi-talisation est décidée avec poursuite des aérosols, corticothérapie intraveineuseet, si nécessaire, intubation avec une sonde de petit calibre.

L’épiglottite, devenue très rare depuis la généralisation du vaccin anti-Hæmophilus influenzae b, débute brutalement par une dysphagie avec malaisegénéral, puis rapidement une fièvre supérieure à 39 oC et une dyspnée laryngéeintense avec voix étouffée prenant vite un caractère inquiétant chez un enfantassis, bouche ouverte avec hypersialorrhée et tête projetée en avant. Il ne fautsurtout pas l’allonger ni tenter d’examiner sa gorge. L’enfant doit être transportéà l’hôpital de toute urgence dans la posture qu’il a adoptée et avec douceur, enprévenant le service d’accueil, et être rapidement intubé par un opérateurentraîné avec à disposition le matériel nécessaire à une trachéotomie, parfoisréalisée d’emblée. Une fois rétablie la libre circulation de l’air, des examenscomplémentaires sont prescrits à la recherche d’un Hæmophilus influenzae etune antibiothérapie est instaurée. Au bout de quelques jours, la prothèseventilatoire pourra être enlevée ; la guérison est définitive.

L’apparition d’une dyspnée laryngée sans fièvre, brutale et rapidement sévèreaprès piqûre d’hyménoptère ou injection d’iode, accompagnée d’urticaire oud’œdème de Quincke, doit faire évoquer un œdème de la glotte. Le traitement,urgent, fait appel à l’injection d’adrénaline.

L’inhalation de corps étranger, chez un enfant en pleine santé, se traduit par detrès violentes et brutales secousses de toux avec dyspnée sévère, asphyxiante ;l’enfant, aphone, porte la main à son cou et perd connaissance. Devant un telsyndrome asphyxique, mettant en jeu le pronostic vital, une manœuvre de

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Mofenson, chez le petit enfant, ou une manœuvre d’Heimlich doivent êtretentées. En cas d’échec, le médecin du SMUR intubera le petit patient pourrepousser le corps étranger dans une bronche souche et ventiler sur l’autrebronche après avoir remonté la sonde d’intubation dans la trachée. En cas decorps étranger laryngé asphyxiant, une trachéotomie de sauvetage doit êtretentée avec un gros cathlon.

Dans d’autres cas, le syndrome de pénétration est suivi d’une récupérationrapide. Des clichés de thorax en inspiration-expiration et du cou permettentparfois de mettre en évidence un corps étranger radio-opaque. Mais, biensouvent, c’est l’endoscopie qui permettra le diagnostic et le traitement.

7.5. Arrêt cardiorespiratoire (ACR)

L’ACR est peu fréquent chez l’enfant mais reste néanmoins une extrême urgenceà laquelle peut être confronté tout soignant. L’ACR survient surtout après unaccident de la circulation ou un accident domestique, ou bien lors d’unedécompensation rapide d’une pathologie aiguë (état de choc, fibrillation...) (14).La mort subite du nourrisson est en nette régression depuis 1994, date delancement des différentes campagnes de prévention : 1 133 décès en 1993,321 en 2003. Les troubles du rythme « chocables » (fibrillation et tachycardieventriculaires) sont présents dans 3,8 à 19 % des ACR en fonction de l’âge (plusl’enfant est grand, plus le pourcentage augmente) et sont donc à rechercher carsouvent minimisés (15).

L’enfant est dans le coma, hypotonique et aréactif même à la stimulationprofonde, sans aucun mouvement respiratoire. Le thorax ne se soulève pas,l’abdomen est immobile ; il n’y a pas de flux aérien bucco-nasal perçu sur la jouedu sauveteur. La coloration cutanéo-muqueuse est variable, mais jamais rose :cyanose généralisée, pâleur cireuse, teint gris, terreux, marbrures. Il n’y a aucunpouls artériel palpable.

Les signes de l’ACR chez l’enfant sont donc les mêmes que chez l’adulte. Ce quichange, c’est la façon de les rechercher chez le nouveau-né et le nourrisson.Ainsi, pour vérifier l’état de conscience, il faut les stimuler surtout tactilementplutôt que verbalement pour pouvoir faire la différence entre le sommeil etl’inconscience. Le pouls sera lui recherché préférentiellement en huméral(figure 3) ou en fémoral (surtout avant l’âge de 2 ans).

En 2005, l’ERC (European Rescuscitation Council) a recommandé la prise encharge suivante dès la constatation des signes d’ACR (schéma 1) :

• Libération des voies aériennes

Elle commence toujours par la désobstruction des voies aériennes supérieuresavec une aspiration bucco-pharyngée, nasale et gastrique grossière. La dépres-sion de l’aspiration sera modulée en fonction de l’âge (200 à 250 millibars). Onutilisera une sonde bucco-pharyngée de calibre 10 ou 12.

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Figure 3 –

Schéma 1 –

ACR = Enfant inconscient, Ne ventilant pas et sans pouls

Libération des voies aériennes / Aspiration Ventilation artificielle en oxygène pur : 5 insufflations

Débuter RCP sur le rythme 15 MCE pour 2 insufflations jusqu’à la pose d’un DSA ou d’un moniteur cardiaque

Analyse du rythme cardiaque

Rythme chocable Rythme NON chocable

1 Choc 4 J/kg ou DSA

Poursuivre immédiatement la RCP (15/2) pendant2 min

Pendant la RCP: Correction des troubles réversibles * Poser une voie veineuse (périphérique ou intra osseuse) Vérifier perméabilité des voies aériennes supérieures et oxygéner Intuber le patient MCE ininterrompu après l’intubation Injection d’adrénaline toutes les 3 à 5 min Envisager : amiodarone, atropine, magnésium * hypoxie, hypovolémie, hypo ou hyperkaliémie, hypothermie, pneumothorax compressif, tamponnade cardiaque, intoxication, embolie,…

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• Ventilation artificielle (VA)

Cinq insufflations à l’aide d’un ballon auto-remplisseur, en oxygène pur, la têtede l’enfant étant modérément défléchie en arrière.

• Alternance de 15 compressions sternales pour 2 insufflations. Technique dumassage cardiaque externe (MCE) :

– Chez le nouveau-né, il faut privilégier la technique des 2 pouces positionnésau tiers inférieur du sternum avec les 2 mains encerclant le thorax (figure 4).

– Chez les autres enfants, la compression se fera avec le talon d’une ou des2 mains positionnée(s) au tiers inférieur du sternum (figures 5 et 6).

• Analyse rythme cardiaque (moniteur ou DSA).

La fibrillation ventriculaire reconnue, un choc électrique externe sera délivré avecune énergie de 4 joules/kg. La taille des palettes doit être adaptée auxcaractéristiques du petit enfant. La position recommandée pour les électrodes est

Figure 4 –

Figure 5 –

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antérolatérale : 1 électrode sous la clavicule droite, l’autre au niveau du creuxaxillaire gauche (figure 7). Si les électrodes sont trop grandes et qu’un arcélectrique soit suceptible de se produire, une devra être placée dans le dos sousl’omoplate gauche, la deuxième sur le thorax à gauche du sternum (positionantéropostérieure).

• Reprendre immédiatement après l’alternance MCE/VA selon le rythme 15/2pendant 2 minutes puis à nouveau analyse du rythme cardiaque.

• Pose d’une voie veineuse (périphérique ou intra-osseuse) avec du sérumphysiologique comme soluté et intubation le plus vite possible.

• Injection d’adrénaline : 10 mcg/kg toutes les 3 à 5 min en intraveineux ouintra-osseux ou à défaut 100 mcg/kg en intratrachéal.

Figure 6 –

Figure 7 –

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8. Aspects médico-légaux

Sur un plan médico-légal, il n’existe pas de règles spécifiques concernant la priseen charge des urgences pédiatriques par les soignants ou les structures de soins.Le Code de la santé publique, le Code de déontologie médicale, les règles debonne pratique, les recommandations et consensus des sociétés savantess’appliquent (16).

Le dispositif de protection et de soins de l’enfant instauré par le droit françaisrepose en réalité sur son statut de « mineur » qui traduit la relative incapacitédont celui-ci s’accompagne et son corollaire : les pouvoirs et obligations del’autorité parentale (art. 371-2 et suivants du Code civil) (17).

Il faut se rappeler que, selon l’article R. 4127-42 du Code de la santé publique :« Un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégédoit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leurconsentement. En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, lemédecin doit donner les soins nécessaires. Si l’avis de l’intéressé peut êtrerecueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible ».

D’autre part, la loi du 4 mars 2003 (art. L. 1111-5 du Code de la santé publique)apporte une dérogation à l’article 371-2 du Code civil et autorise le médecin àse dispenser du consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale lorsquela personne mineure a expressément demandé au médecin de garder le secretsur son état de santé vis-à-vis de ses parents et que le traitement ou l’interven-tion s’impose pour sauvegarder sa santé. Le médecin devra s’efforcer d’obtenirle consentement du mineur à la consultation des titulaires de l’autorité paren-tale ; en cas de refus, le mineur sera obligatoirement accompagné d’une per-sonne majeure de son choix.

Le médecin gardera à l’esprit la nécessité d’informer complètement le mineur surla gravité de la décision prise d’écarter les titulaires de l’autorité parentale ets’assurera de l’identité et de la qualité de la personne majeure choisie pouraccompagner le mineur.

Dans la Convention des droits de l’enfant de 1990, l’article 12 rappelle quel’enfant est capable de discernement, qu’il a le droit d’exprimer librement sonopinion sur toutes questions l’intéressant et que son avis doit être pris enconsidération en fonction de son âge et de sa maturité.

L’article R. 4127-43 du Code de la santé publique indique que : « Le médecindoit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé est malcompris ou mal préservé par son entourage ». Le médecin convaincu de lanécessité d’une mesure thérapeutique ou médico-sociale peut se heurter à ladivergence de l’avis des parents, voire à leur refus. Il doit s’efforcer de lesconvaincre, proposer un autre avis médical et les informer du danger couru parl’enfant.

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S’il échoue, il avise le procureur de la République qui saisira le juge des enfantspour que celui-ci prenne une mesure d’« assistance éducative temporaire »permettant au médecin d’agir comme il convient.

De la même manière, l’article R. 4127-44 du Code de la santé publique préciseque : « Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il estappelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyensles plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et decirconspection. S’il s’agit d’un mineur de quinze ans ou d’une personne qui n’estpas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique oupsychique, il doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience,alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives ».

Enfin, rappelons que le secret médical ne fait pas obstacle au signalement dessévices et maltraitances constatés chez un mineur ou une personne vulnérable ;l’article 226-14 du Code pénal est une dérogation légale au secret médical :

« L’article 226-13 (sur le secret médical) n’est pas applicable dans les cas où laloi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :

1o À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives deprivations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles dont il aeu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à unepersonne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou deson état physique ou psychique ;

2o Au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procu-reur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physiqueou psychique, dans l’exercice de sa profession, et qui lui permettent de présumerque des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été com-mises. Lorsque la victime est mineure, son accord n’est pas nécessaire [...] ».

9. Conclusion

Il faut considérer l’enfant comme une personnalité à part entière avec toute saspécificité et non comme un adulte en miniature.

Face à l’urgence pédiatrique, l’équipe doit savoir anticiper, sans improviser, et serappeler qu’un enfant décompensera brutalement car il a peu de réservespulmonaires et circulatoires.

Pour ne plus avoir peur de l’enfant et de ses réactions, ne pas culpabiliser faceà sa détresse et éviter le sentiment d’impuissance, les soignants se doiventd’actualiser et de parfaire leurs connaissances sur l’anatomie, la physiopatholo-gie, les thérapeutiques et la psychologie de l’enfant (et de ses parents !).

Tous les intervenants doivent être formés à l’utilisation du matériel pédiatriqueet à l’adaptation de celui prévu pour les adultes pour maîtriser la technicité afinde pouvoir se concentrer sur la relation malade-soignant.

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