un an loin des hommes : 5 juin 1943-15 juin 1944

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© Copyright 1995 : • Raymond PETIAU - 54000 Nancy • Editions Gérard LOUIS - 88200 Remiremont (France)

Tous droits de reproduction, d'adaptation ou de traduction réservés pour tous pays. I.S.B.N. : 2.907016.48.2

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Raymond PETIAU

Un An loin des Hommes

5 juin 1943 - 15 juin 1944

R é c i t

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Préface

Lecteur prends la peine de lire cette préface. Veux-tu ?... elle est si courte.

Ce livre n'est pas un roman, Vois-tu ?

C'est un Récit intégralement vécu.

Les personnages ne sont pas fictifs. Certains vivent encore,

D'autres ont été fusillés, abattus ,

D'autres ont disparu dans un charnier.

Tu ne trouveras pas dans ce livre :

Une action progressivement conduite, Un dénouement savamment amené,

Des scènes pittoresques ou forcées, Des effets de style.

N'attends pas un récit épique riche en hauts faits.

Tu trouveras tout simplement la vie,

Partant les souffrances et parfois les joies,

De quelques hommes privés de la Liberté.

Ce récit a été achevé fort longtemps après la guerre.

Les ans ont estompé le souvenir des noms, des dialogues, des détails.

La vérité en paraîtra peut-être malmenée.

Lecteur, si tu es un des survivants, sois indulgent.

L'esprit doit l'emporter sur le geste.

Un certain esprit a soufflé jadis en 1943. Il a voulu revivre tel en ces pages.

Ce livre n'est pas un roman, Vois-tu ?

C'est un récit intégralement vécu.

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En mémoire de ...

J'ai écrit ce livre en me souvenant plus particulièrement de mes amis :

• Roger DELLILLE, fiancé de ma sœur, radio au réseau Alliance, gazé à Struthof le 2 septembre 1944,

• Casimir SALLUSSE, agent du réseau Gallia à Antibes, fusillé à Piego di Teco le 4 avril 1945 à l'âge de 21 ans,

• Simon SANTONI, agent du réseau Gallia à Antibes, fusillé à Piego di Teco le 4 avril 1945 à l'âge de 23 ans,

• Albert PAPO, agent du réseau Gallia à Cannes, fusillé en déportation en Allemagne, en janvier 1945, après un séjour dans le camp d'Auschwitz,

• Paul SZANTO, membre des groupes francs "COMBAT", disparu en déportation en Allemagne,

• MORTIER, officier de l'A.S., abattu lâchement dans un simulacre d'évasion, sous les murs des Baumettes, en juin 1944.

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Un fait divers de la guerre 1939-1945

Le 5 juin 1943, à 17 h, à Cannes, Sur dénonciation du milicien PUTT, agent S.N.C.F. à la Bocca,

Alpes-Maritimes, infiltré dans la résistance, L'O.V.R.A. (Gestapo Italienne) arrêtait les agents de renseigne-

ments du Réseau Gallia de la France-Combattante suivants : GUETTA (U.N.I.-333), KRINSKI (U.N.I.-334), PETIAU (U.N.I.-335), GUARY (U.N.I.-336), HALPHEN (U.N.I.-353), TAXIL (U.N.I.-359), RIGOIR (U.N.I.-360), LEDERMAN (U.N.I.-...), PAPO, COHEN.

26 autres agents connus de Raymond PETIAU (U.N.I.-335), adjoint au chef du Secteur Alpes-Maritimes et Basses-Alpes, auteur du présent récit, étaient encore en liberté.

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De la réalité au rêve

Cannes, le 5 juin 1943 - 17h00

- Haut les mains ! Police italienne !

Pistolet au poing, ils s'engouffrent dans la pièce. Ils sont six. Mes camarades lèvent machinalement les bras.

Le chef italien, brun, frisé, ma taille, 30 ans, chic, pâle ; il tremble. Sa main sèche se crispe sur le pistolet, le trou noir, petit, rond ... noir, qui me guette.

- Haut les mains ! Haut les mains !

Mes bras s'élèvent lentement. Ça y est ! Fichus ! - Face au mur. Les policiers nous fouillent sommairement : pas d'armes ! Deux inspecteurs m'emmènent , l 'un marche devant , son

camarade me suit : leur pistolet, dans leur poche de veste, pointe sous le tissu. Nous voici dans la "rue d'Antibes", quelques mètres sur le trottoir, je suis poussé dans une traction avant ; aucun des passants qui nous frôlent ne s'aperçoit que l'un des trois n'est plus libre.

La voiture démarre. Un policier s'assied près du chauffeur, l'autre à mon côté. Ma main cherche mon calepin, doucement, la portière est ouverte... , mon voisin aperçoit la manœuvre , il arrache mon carnet.

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Ma tête est vide, les images passent devant mes yeux, coupées, floues, renversées, hachées, un film qui se dérègle, l'image n'est plus centrée sur l'écran.

Une heure ? Quatre secondes ? Quatre minutes ? Sais pas ! Les roues crissent sur du gravier, le parc du Grand Hôtel,

deux miliciens aux fines moustaches noires m'entraînent vers la Malmaison.

Les palmiers sombres de la Croisette, leurs troncs poilus, tourmentés, leurs feuilles effilochées, lasses, cachent la plage criarde, gaie, sonore, lumineuse. La jolie fille saine, éclatante, se grille au soleil, les zazous, blonds, ondulés, jouent au volley-ball, le bambin titubant barbote, sa pelle à la main et plus loin, le merveilleux scintillement de la mer à contre-jour. La frange des vagues pétille d'étoiles. La guerre ! ... y en a qui s'en foutent.

Je suis introduit dans le hall de la Malmaison, une nuée de carabiniers s'abat sur moi, m'épluche des pieds à la tête.

Le brigadier se saisit d'une liasse de documents trouvés dans ma veste, y jette un coup d'œil. Ses sourcils se froncent, sa bouche balbutie des mots incohérents, il lève sur moi des gros yeux ronds, ouverts à craquer, l'iris roule, tangue, s'affole sur la petite boule blanche.

Ses camarades mis au courant du texte, me regardent bientôt tous comme s'ils étaient devant l'homme de Néanderthal. C'est le courrier d'un secteur reçu juste au moment de mon arrestation, le premier renseignement fourni commence ainsi : "Le Colonel Alexandrini, Commandant le Parc auto de Saint-Vallier, est prêt à faire du trafic d'or, mais ne veut pas donner de renseignements militaires, etc..."

C'est suffisant pour émouvoir un brigadier de carabiniers du Roi, croyant peut-être fouiller un réfractaire au S.T.O. (1).

Un Italien me met des menottes : une chaîne passée en huit autour des poignets, maintenue par un cadenas. Il me pousse dans une grande pièce, me flanque contre une cheminée de marbre.

Une glace murale surmonte la tablette. Elle me renvoie à loisir la tête d'un homme qui sera pour le moins fusillé. Au fond, il n'a pas mauvaise mine, la cravate bleue est toujours en place, les cheveux sont encore sagement alignés les uns près des autres,

(1) Service du Travail Obligatoire en Allemagne.

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mais il n'a pas la force ou plutôt l'envie d'ébaucher un sourire. Mon regard fixe mes yeux, pourquoi ces prunelles si sombres, si dures, si tristes ?

Ma partie est jouée. Est-elle perdue ?... Non, si le travail fourni paie ma courte existence. Si la vie m'était rendue, saurais-je de nouveau en faire le sacrifice ? Saurais-je me présenter devant la mort comme maintenant persuadé d'avoir fait le maximum ? Libre... même pas amoureux, que regretter ? Une seule pensée m'attriste : vous pleurerez, chers parents, près de votre feu l'hiver, mais je serai peut-être heureux pour l'éternité.

Mon Dieu que votre volonté soit faite et non la mienne.

Sans que je sois obligé de tourner la tête, la glace m'informe des opérations. Mes camarades arrivent un à un, tous mornes, mais non abattus.

Un carabinier bonasse me conduit dans un salon où le chef de l'équipe de l'arrestation, un commissaire sans doute, interroge. L'Italien est successivement conciliant, affable, hautain, injurieux.

Je n'ai jamais mis les pieds dans un poste de police. Novice en la matière, plutôt que mentir et raconter de grandes histoires p laus ib les : m u t i s m e complet , u n i q u e m e n t mon iden t i t é d'emprunt : "Oliva, né à Cannes, etc...".

Mon a t t i t ude et une r éponse a r rogan t e m e t t e n t m o n interlocuteur hors de lui, gifles et coups-de-poing pleuvent sur ma figure, mes mains sont attachées, il a beau jeu.

- Où habitez-vous ?

- C'est marqué sur ma carte : à "l'Olivette". - Menteur, vous habitez à "l'Orangette" ! Bon Dieu ! Comment savent-ils cela ? Sauvons la face.

- Mais, c'est la même propriété, elle est bordée par deux rues, avec deux noms différents.

Le commissa i re d o n n e des o rdres à un policier , il va perquisitionner chez moi, c'est sûr. Aïe ! Aïe ! Ma chambre est un peu notre secrétariat, la mallette pleine de documents est restée sur ma table.

L'I tal ien me renvoie sur ces mots p rome t t eu r s : "Nous emploierons des moyens qui sauront bien vous faire parler, petit imbécile" .

De nouveau devant la glace. Mes camarades sont également interrogés.

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La porte s'ouvre brusquement. Phénol est projeté dans la pièce par le commissaire, il a dû être arrêté à l'Orangette où il devait m'apporter un courrier.

- Et Oliva ? Le connaissez-vous Oliva ? hurle l'Italien. Phénol est désagréablement surpris de se trouver subitement

en présence de presque tous ses camarades arrêtés et menottes aux mains, il n'en laisse rien voir, son regard vient à moi, il me voit, les yeux passent, ils ne se sont pas arrêtés, il fait quelques pas avec un air absent vraiment trop naturel pour être feint.

Vers 21 heures le commissaire nous dit gentiment, en essayant de prendre l'air d 'un dur :

- Vous allez voyager en camion, si l 'un de vous tente de parler, on lui casse la gueule.

Une camionnette militaire bâchée nous attend dans le parc, nous grimpons dedans avec des carabiniers en nombre égal et la voiture roule vers l'Est.

Tassés sur les dures banquettes, nous obtenons de nos gardes l'autorisation de fumer, nous passant mutuellement du feu nous échangeons quelques mots. La traction avant noire de l'O.V.R.A. (1) nous suit. Notre camion passe sur la promenade des Anglais, les Niçois insouciants flânent et goûtent la douceur de cette belle soirée, les uns assis devant un cocktail, d 'autres accoudés au garde-fou face à la mer. Le soleil a entraîné la chaleur. De bleu intense, l'eau est devenue vert sombre et pourtant, là-bas, le ciel flamboie derrière la pointe de l'Esterel.

Combien, parmi cette foule, auront remarqué notre triste convoi ? Combien auront aperçu derrière les silhouettes de carabiniers ces quelques civils courbés dans l'ombre de la bâche ? Combien auront eu un mouvement de pitié... ? Combien parmi ceux-là auront mesuré l'abîme qui nous sépare... ?

Déjà, je suis un autre homme, plus un homme comme les autres. Un vide immense s'est creusé en moi, supprimant mon passé, me privant d'avenir.

Et voilà Cimiez. Ici, on est riche, insouciant, joyeux, bien au- dessus du vieux Nice qui grouille et pue avec ses ruelles bariolées ; elles se faufilent entre les bouges sous le château. Mais, tous ces

(1) Police politique fasciste, homologue de la GESTAPO allemande

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g u e u x g r i s d e p o u s s i è r e , l u s t r é s d e c rasse , v a u t r é s s u r les q u a i s , v e n t r e a u soleil , s o n t l ibres , eux , l ibres !

U n e p r o p r i é t é h é r i s s é e d e c a c t u s e t d e b a r b e l é s : l a V i l l a L y n w o o d . D a n s le j a rd in , d e s mass i f s , d e s a loès , d e s ch i canes , d e s sen t ine l l e s , u n e m i t r a i l l e u s e e t n o u s e n t r o n s d a n s le hal l .

N o u v e l l e fou i l l e , a d i e u , c r a v a t e , c e i n t u r e , l ace t s , les I t a l i e n s

n o u s d é b a r r a s s e n t d e n o s m e n o t t e s , u n g r a n d d i a b l e d e b r i g a d i e r - c h e f d e c a r a b i n i e r s n o u s i n s c r i t s u r u n r e g i s t r e , u n g a r d e n o u s c o n d u i t ve r s n o t r e n o u v e a u logis.

M o n c i cé rone m ' e n t r a î n e p a r u n esca l i e r e n c o l i m a ç o n r a i d e , é t ro i t . D a n s le s o u s - s o l , u n l a v a b o , u n r o b i n e t . D ' a u t r e s s o l d a t s

s o n t d e fac t ion , l ' u n d ' e u x o u v r e u n e p o r t e à d r o i t e e t m e p o u s s e d a n s u n e cellule.

U n e c h a u d i è r e e s t e n c o r e là, c ' é t a i t la sa l le d u c h a u f f a g e . Sol c i m e n t é , u n e a m p o u l e é l e c t r i q u e a u p l a f o n d , u n s o u p i r a i l e n p a r t i e m u r é d e p u i s p e u . Q u a t r e d é t e n u s é t e n d u s s u r d e s châ l i t s , s i l e n c i e u x , p â l e s , m a l r a s é s , a m o r p h e s , ils m e c o n s i d è r e n t s a n s

d u r e t é m a i s s a n s c o m p a s s i o n . U n d e p l u s q u o i ! C e l u i d u f o n d à g a u c h e , u n e g r a n d e b r u t e a u t y p e i ta l ien , sa le g u e u l e , m o t u s !

- D ' o ù v e n e z - v o u s ? - D e C a n n e s .

- P o u r q u o i ê t e s - v o u s a r r ê t é ? - Je n e v o u l a i s p a s a l ler e n A l l e m a g n e . - A h o u i !...

E v i d e m m e n t , ça n e p r e n d p a s ! Mi - s é r i eux , m i - p l a i s a n t i n , je d e m a n d e : - Q u e l g e n r e d e t r a i t e m e n t n o u s fa i t -on s u b i r ici ? O n n e n o u s

c o u p e p a s les p a r t i e s n o n ? L ' I t a l i en m e r é p o n d :

- N o n . Si v o u s n e v o u l e z p a s pa r l e r , v o u s m a r c h e r e z n u i t e t j o u r s a n s m a n g e r n i boire. . . Je su i s p a s s é p a r là... A u b o u t d e six jours , j ' en ava i s assez , a lo r s je m e su i s m i s à table .

J o y e u s e p e r s p e c t i v e ! L ' u n d e s d é t e n u s : 40 ans , t ê t e r o n d e e t

d é p l u m é e , m ' o f f r e u n t r o g n o n d e p a i n , je le d é v o r e . M a s t a t i o n p r o l o n g é e d e v a n t la g l a c e m ' i n c i t e r a i t à m e g l i s s e r d a n s u n l i t m o e l l e u x , ici, m a v e s t e é t e n d u e s u r le c i m e n t m e se r t d e m a t e l a s , le b é t o n s e r a p e u t - ê t r e m o i n s d u r a in s i . U n l i t ! ... s a n s d o u t e j a m a i s p l u s !

D e p u i s q u e l q u e s i n s t a n t s , l e s g a r d e s s o n t a n i m é s , v o n t , v i e n n e n t , s ' i n t e rpe l l en t .

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- Qu'est-ce qu'ils ont ? L'aimable brute me répond : ils cherchent celui qui avait les

papiers. La porte s'ouvre, une noire tête de Calabrais apparaît. A ma

vue, son regard pétille derrière les sourcils broussailleux, il me fait signe de venir.

Ma veste sur le dos. Compris ! En fait de repos, la promenade sentimentale !

Dehors, mes poignets font à nouveau connaissance avec les chaînettes et le cadenas. Les bras sont enchaînés par devant.

Après le petit couloir où aboutit l'escalier, une grande salle d 'environ cinq mètres sur dix. De chaque côté, des portes de cellules, trois à droite, deux à gauche, une au fond. Ces portes sont en bois et à claire-voie, quelques détenus rivés aux barreaux me dévisagent. Celui-là à gauche, avec son nez bizarre, raccommodé, pourquoi me fixe-t-il comme cela ?

- Gira ! Gira !

Gira ? Gira ? c'est de l'italien cela ! D'après les gestes de cet animal cela doit vouloir dire qu'il faut tourner dans la salle en marchant le long des murs.

O ! ciment de la cellule où j'aurais pu m'étendre ! Phénol me rejoint bientôt, au moins je ne serai pas seul, mais

évidemment : interdiction de causer.

Peu à peu la salle se vide, la nuit doit être là ! Un carabinier reste de faction. De temps à autre, il ranime notre courage défaillant d 'un sonore "Gira" ou "Camina".

Nous ne sommes pas seuls à "girer". Dans la salle tourne aussi un homme de 45 ans environ, longs cheveux grisonnants, allure d'artiste, veste à carreaux, depuis quatre jours il marche, nous dit- il. Sagement notre cadence se règle sur la sienne, elle n'est plus très rapide. Qui va lento, va sano !

Dans la deuxième cellule de droite, ils sont deux, sur un châlit, un adolescent poings et pieds enchaînés et un homme qui "gire". Un homme ?... Est-ce encore un homme ? Un bandeau humide autour du front, les joues noires de barbe, les cheveux pointant du bandeau comme une botte de foin mal faite, il se traîne en chancelant, zigzaguant, tête baissée, les yeux clos, sa marche se ralentit, il s'arrête, dodeline de la tête, vacille, va tomber, tombe, se redresse, reste debout.

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Doucement, le carabinier s'approche de la porte, puis, à travers les barreaux, de toutes ses forces, hurle "Gira !".

Comme frappé d'une décharge électrique, l'homme sursaute, ouvre des yeux hagards, vides d'expression.

- Gira ! hurle de nouveau l'Italien. Alors, le malheureux s'ébranle, trottine, sautille presque. Son

regard atone reste fixé sur le garde, il évite de passer trop près de la porte, pourquoi ?

Une chienne courte, replète, lippue, mamelles pendantes vient d'arriver dans la salle. Elle fait claquer de sa langue l'eau d'un "bain de pied" en zinc, à moitié plein. Le carabinier y plonge un quart, le tend au prisonnier :

-Bere ! Bere ! Acqua ! Craintivement, le détenu s'avance près de la porte, fasciné.

Entre deux barreaux, il tend sa bouche entrouverte, fait des efforts désespérés pour approcher ses lèvres tremblantes de l'eau qu'il sait là, tout près, dont il devine déjà la fraîcheur. Mais le quart est à un doigt de lui, inaccessible, figé, lorsque le garde s'est bien amusé à ce petit jeu, a bien ricané, il lance l'eau à la figure du malheureux et crie "Camina".

L'homme passe une langue avide sur ses lèvres, tend son bandeau pour qu'on le lui trempe dans le bac. Alors, furieux, l'Italien ouvre la porte de la cellule, se rue à l'intérieur et à coups de pied, à coups de crosse, force le détenu à reprendre sa pénible marche.

Dans la cellule du fond, environ quatre mètres sur trois, un autre prisonnier tourne aussi. Phénol était resté quelques instants avec lui, il m'apprend que c'est un Autrichien. Il souffre autant de ne pas fumer que de ne pas boire, les Italiens lui donnent de temps à autre une cigarette pour aviver sa soif.

Cet homme paraît 50 ans. Il se déplace en tâtonnant les murs de sa cellule en aveugle, cela semble faciliter sa marche et l'empêcher de tomber, il est cassé en deux comme ces vieilles paysannes qu'on représente ployant sous le faix de leur fagot de bois mort. Quand je passe devant sa porte, il me fixe avec un étrange regard : de l'étonnement, de la détresse, de la haine. Parfois, il s'affaisse dans un coin, une loque, une bannière que le vent cesse brusquement de maintenir en vie, frémissante. Mais le carabinier ne le voyant plus "girer" a tôt fait de lui rappeler sa présence. Ce spectacle de brutalité m'écœure.

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Avouer au commissaire, c'est la fusillade pour moi et pour les autres, continuer à tourner, dans quelques heures c'est la folie comme l'homme au bandeau. Alors, que faire ? Une seule chose nous sauverait : le débarquement allié, nous sommes le 6 juin, la période semble propice... Ah ! qu'ils débarquent Bon Dieu !

Toutes les deux heures vraisemblablement la garde est relevée. L'un des factionnaires a trois flammes mauves au col de sa vareuse, un cavalier ! L'arme à la bretelle, il marche un moment d e v a n t nous. Sa ba ïonne t t e est à por tée de ma main, les baïonnettes des carabiniers sont pliantes et solidaires du fût, celle- là c'est un sabre-baïonnette normal. Où est le poussoir ? Près du pommeau, à gauche... faire vite... ah là là !... le décrocher du fusil, le lui planter dans le cou. Mes deux mains enchaînées !...

Mes chaussures délacées ne me tiennent plus aux pieds, j'aurai des ampoules, mieux vaut les enlever tout de suite.

Le jour va bientôt paraître, ma tête ! Ah ! ma tête ! Ma vue se trouble. Le sommeil risque de me prendre en marchant. Les Italiens m'ont laissé ma pochette de soie, trempée dans le baquet elle s'imbibe d'eau, voyons sur mes tempes pour les rafraîchir. Rien ! Rien ! Ah ! ce cercle qui écrase mes tempes !

Le jour ne pénètre pas dans cette cave, quelle heure peut-il être ?

Un revolver se balance pendu à un baudrier dans le dos des carabiniers, en saisir un en passant près de la sentinelle, la désarmer, tenter une évasion. Phénol m'assure que c'est fou, que nous ne réussirions pas.

Pour tromper sa faim, mon camarade entreprend de manger le cuir de son bracelet de montre, il y parvient.

Mes pieds déchaussés ne me font pas mal, mais je voudrais dormir, où suis-je ? Un rêve ? Ah non ! il faut rester là !

Comme mes camarades sont heureux en cellule ! Ils peuvent s ' é tendre sur leur châlit, sur le ciment même... ils peuvent dormir...

Mes camarades en cellule qui peuvent dormir... Dormir !

Le brigadier des carabiniers vient me chercher, il me conduit dans le bureau du commissaire. Ce dernier paraît plus patient que le premier jour, il a dû en prendre son parti, il doit être sûr de sa méthode.

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- Qui est 334 ?

- C'est vous ? - Je ne sais pas. - Vous ne voulez pas parler ?

- C'est bon, on vous laissera mourir de faim. - Si seulement ! Au moins c'est une mort douce. Ah ! si je pouvais m'endormir dans un coin et ne plus me

réveiller. - Mais, vous souffrirez avant.

- Allons, décidez-vous.

- Bon, eh bien ! puisque vous ne voulez pas parler on vous mettra au régime B. Et si cela ne vous suffit pas, on vous fera les baguettes.

Le commissaire échange quelques mots avec le brigadier, celui-ci me tapote le crâne avec l'index et me ramène au sous-sol.

Dans l'escalier, le carabinier qui sait quelques mots de français dit :

- Parlez. Après nous gentils ! Vous ne voulez pas mourir ! - Bah ! c'est la guerre !... Alors ce sage Italien, valeureux soldat de l 'armée fasciste,

répond en pesant ses mots : - Il ne faut pas faire la guerre jusqu'à la mort ! Que voilà bien une réflexion d'Italien, comme disait Napoléon :

"qu'on les habille en vert ou en rouge, ils foutront toujours le camp" .

Ils ne me laissent pas dans la grande salle. La cellule du fond. L'Autrichien n'y est plus.

Plusieurs carabiniers m'entourent. Qu'attendent-ils ?... Un autre vient, il apporte des chaînes. Que vont-ils bien me faire ? Le soldat s ' a p p r o c h e de moi, il se ba isse et tout s i m p l e m e n t m'enchaîne les deux chevilles en laissant un certain jeu qui me permet t ra de faire des pas d ' u n e quinzaine de centimètres. L'opération terminée, ils me font marcher un peu pour jouir de l'effet produit, puis les Italiens sortent et me laissent avec mon entrave.

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Je suis bien seul dans cette pièce exiguë, sol en ciment gris, mur s blancs de chaux, une ampoule électr ique assez forte d'ailleurs, le commutateur près de la porte, en face, au ras du plafond, un soupirai l gri l lagé ne donne aucun jour, il doit vraisemblablement déboucher sous le perron.

Pas un clou, pas une inscription pour détruire l'uniformité des murs, l'immensité du vide dans l'étroitesse d'une pièce.

Mes chaussures enlevées, dans un coin, mes bas roulés sur mes chevilles, sous les chaînes, la peau sera meurtrie moins vite.

De temps en temps, malgré moi, un pas trop grand, alors, la chaîne se tend brutalement. Quel truc !

Le carabinier a bizarrement bricolé les chaînettes, des bouts de menottes traînent un peu partout et méthodiquement me frappent les pieds, les cadenas qui ballottent me frappent aussi. Ces petits chocs répétés, toujours au même endroit, finissent par me faire souffrir.

Deuxième distribution de soupe aux autres détenus,... il doit être huit ou neuf heures du soir.

Un jour seulement... la grande brute a marché six jours ! Dormir, m'étendre à terre. Ah ! si je pouvais seulement rester tranquille dans un coin, une heure, une petite heure.

Dormir !... me coucher !... Dans un angle, le garde ne voit pas depuis la salle ! Le mur me

soutient un peu. Mes yeux se ferment. Combien de temps ce supplice va-t-il donc durer ? Ah ! vous

qui dormez en ce moment, vous ne connaissez pas votre bonheur. - Gira ! Camina !

Coups de pied dans la porte, quel raffut ! Ah ! c'est vrai, le carabinier !

Marche encore.

Ces chaînes qui me frappent les chevilles, le dessus du pied, ces cadenas !

Mais... le carabinier ne peut pas voir la cachette qui est là, à droite au ras du sol, dans le mur.

Là au moins, je pourrais dormir un peu... Oui, mais si l'Italien ne voit plus personne passer devant la

porte, il va entrer. Pourtant cette cachette est assez grande pour que je m'y

étende, et puis elle a une porte. Cela ressemble à un placard.

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Comment faire pour que le carabinier voit toujours quelqu'un passer ? Si seulement celui qui dort actuellement dans le placard voulait bien me remplacer quelque temps.

- Dites ! Levez-vous ! Marchez à ma place ! L'homme du placard se lève. A mon tour d'être dans le trou.

Oh ! c'est bien étroit ! La porte ne peut pas se refermer. Et cet homme stupide qui reste là sans bouger, plus de bruit de chaînes traînant sur le ciment.

- Allez ! Marchez donc ! Faites du bruit ! - Camina ! Forza ! Vite devant la porte pour montrer que je suis encore là. Le

carabinier n'a pas vu l'homme, il est retourné se coucher dans la cachette. A moi de marcher encore ! Ah ! mon Dieu ! Mais quand donc cela va-t-il finir ?

La soif, pas faim. Mais boire !... Un quart d'eau, un simple quart d'eau ! Comment faire pour boire ?

Si j'étais dans la grande salle, je tremperais ma pochette dans la bassine et la presserais entre mes dents.

Il faut la donner à Phénol. Devant la porte en même temps que lui, ma main montre ma

pochette à travers les barreaux. Il a compris, il s'en saisit et marchant près du baquet trempe mon mouchoir dans l'eau, il repasse devant ma cellule, le carabinier tourne la tête, vite, mon précieux bout de chiffon. Avidement mes lèvres desséchées aspirent tout le liquide qui veut bien quitter le tissu, c'est trop peu pour calmer ma soif. Phénol recommence plusieurs fois, mais le malheureux doit être plus faible que moi. Il ne marche déjà plus normalement, il se cogne dans les murs, il ne sait plus quand il faut tourner.

Garnier, un des nôtres, "gire" maintenant aussi dans la grande salle, il se met à son côté, pour le soutenir et le guider.

Continuellement il lui répète : "A gauche ! " "A gauche !" ou "Tout droit !". Phénol n'entend plus, il le tire par la manche.

Les Italiens témoins de cette scène versent littéralement des gamelles d'eau sur sa tête. Puis, devant l'insuccès de cet aimable procédé, pour le tirer de sa léthargie, ils se résignent à le maintenir dans le bon chemin à coups de pied.

Bientôt, mon camarade gît dans un coin de la salle, écroulé, complètement amorphe, un paquet de chiffons, ratatiné, plaqué au ciment.

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Le premier qui tombe ! Il n'a rien avoué ! Tomberai-je moi aussi sans avoir parlé ?...

Mes menottes ne sont pas très serrées. En tendant la chaîne autour d 'un poignet j'arriverai peut-être à dégager l'autre. Le pouce à l'intérieur de la paume, la chaîne glisse vers les doigts, elle meurtrit la peau, qu'importe, encore un effort, elle franchit la base du pouce, la base de l'index et tombe mollement le long de mes doigts joints, ma main est libre !

La cha îne doi t res ter sur mon poigne t , le ga rd ien ne s'apercevra de rien.

Il fait chaud, sûrement l'après-midi.

Dans un angle de la pièce, rapidement ma veste glisse à terre. Idiot que je suis ! Le factionnaire s'approche de ma porte, c'est un cavalier rouquin à l'allure campagnarde, il me regarde avec des yeux effarés, ne comprenant pas comment j'ai pu me dévêtir, il appelle le carabinier.

Furtivement mes menottes reprennent leur place. Les deux Italiens pénètrent dans ma cellule, ils constatent que

ma cha îne n ' e s t pas très serrée. Ils ne croient pas à une désintégration de ma veste.

Quelques coups de pied me persuadent de mon imprudence, ma veste est remise, les maillons de la chaînette s ' incrustent maintenant dans la peau.

Assez de cet enfer ! Mes poignets souffrent. Il ne faut pas parler. Ces cadenas qui me frappent inlassablement les pieds... Comment sortir de là ? Ces Italiens qui crient... qui dorment... qui boivent... Sortir de là... Sortir...

Je prendrai le revolver du carabinier quand il sera près de moi, après... après, je verrai bien !

Comment le faire entrer ?... Je vais me coucher, il viendra pour me relever.

A terre, les yeux fermés, je dois avoir l'air endormi de fatigue, le carabinier va entrer, je saisirai son revolver... quand il sortira.

Des pas s'approchent de ma porte, les souliers sont cloutés, ils s'arrêtent, le trousseau cliquette, une clé grince dans la serrure, la porte gémit, deux, trois pas crissent sur le ciment, les yeux clos, les coups de pied vont bientôt pleuvoir.

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Brusquement ma tête et ma poitrine sont saisies de glace, le carabinier m'a lancé une gamelle d'eau.

Tout stupide, vexé, vidé d'énergie, mes jambes me relèvent et machinalement reprennent mon "girage".

La porte, le ciment, les murs,... l'ampoule, les murs... toujours ces murs qui m'obligent à tourner, tous pareils, tous unis, ah mais non ! et le soupirail.

Tiens! mais le soupirail... Je pourrais passer par ce soupirail, il est assez grand... Oui, mais avant il faut faire l'obscurité dans la cellule. Casser l'ampoule comme par inadvertance. Ferme le col de ta veste pour ne pas avoir de morceaux de verre dans le cou, mon vieux ! D'un geste brusque, comme pour me relever les cheveux, mes mains passent sous la lampe, le bout de chaîne qui pend à mes poignets est projeté en l'air.

Aucun résultat... Il faut recommencer. Rien ! Décidément, autant se servir du commutateur, c'est plus

pratique. Clic ! Une bordée d'injures éclate dans la salle. Zut ! Vite la

lumière. Clic ! et mon "girage" reprend pour éloigner les foudres du carabinier.

Peine perdue, l'Italien de garde, justement le plus féroce, une espèce de brute trapue, aux yeux proéminents de grenouille stupide, au crâne rasé (fait remarquable pour un Italien) fonce sur moi en vociférant, il fait irruption dans ma cellule, saisit par le canon son mousqueton qui balaie l'espace comme une aile de moulin à vent, mais sans siffler, la crosse décrit un arc de cercle et vient s'immobiliser contre mes côtes.

Tiens ! Ça ne fait pas trop mal ! Du calme et pas de gesticula- tion pour ne pas exciter son ardeur vengeresse !

Enfin, repu de coups et de cris, il repasse dans la salle.

Des jurons, une cavalcade dans l'escalier et Garnier est projeté comme un colis express incassable à travers le sous-sol, il est poursuivi par une meute de gardes. Les Italiens paraissent furieux contre lui, il a dû faire acte de rébellion devant le commissaire.

Presque tous le frappent dès qu'il marche mal, si bien qu'il perd vite sa raison et finit par marcher complètement de travers. Qu'il essaye de discuter, ses discours font redoubler les rires acerbes et les coups de ses sympathiques compagnons de route.

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- Venez boire avec moi, leur dit-il, demain je serai fusillé, alors ce soir, venez avec moi au café à côté... demain matin vous me fusillerez mais ce soir, venez boire un demi... simplement un demi au café... un demi sans faux col.

Il d ivague complètement et déambule comme un de ces pantins en bois articulés par des ressorts.

Ainsi c'est le deuxième de l'équipe devenu fou. Heureusement, je n'ai pas perdu la boule moi aussi à force de

tourner entre ces quatre murs, toujours les mêmes, tout blancs, sans rien... toujours ce ciment gris où seule mon ombre me suit.

Mes chevilles sont enflées, mais les chaînes qui traînent sur le sol font toujours le même cliquetis. Ce bruit règle mon allure. Que je m'arrête et tout est silence entre les quatre murs et bientôt résonne le "Gira".

"Gira" ! "Camina" ! Cette chaîne qui se tend à mes chevilles... cette chaîne qui serre les poignets... mais quand donc cela finira-t-il ?

Pourquoi ne pas boire... ne pas dormir... pourquoi souffrir ainsi ?...

Je n'aurais pas dû me faire arrêter. Si je ne m'étais pas fait arrêter, je ne souffrirais pas.

Toujours ces murs... et ma tête qui bourdonne... et l'ampoule qui m'aveugle...

Maintenant, je ne peux plus changer le passé. Je me suis fait arrêter, oui ! mais pourquoi continuer à souffrir ?...

Il faut que les deux carabiniers qui regardent à travers les barreaux s'en aillent. Je n'ai qu'à tourner la tête... fermer les yeux... il faut qu'ils partent. Je ne veux pas qu'ils continuent à me regarder. Je peux bien rêver à autre chose. Maintenant ils sont partis ! Voyons ? Ah ! ils sont toujours là ! Mais je ne veux plus les voir, mes yeux se ferment encore, je ne peux plus supporter leur présence dans mon cauchemar. Ils causent, ils sont toujours là. Mais comme cela est étonnant, j'ai l ' impression qu'ils parlent correctement l'italien. Pourtant, je ne connais pas cette langue...

En effet, ils ont bien l'accent. Comme il est merveilleux de rêver si parfaitement dans une langue inconnue... Et demain, réveillé, je serai incapable de dire un seul mot d'italien.

Leurs pas s'éloignent... Va, ouvre les yeux. Enfin, ils sont partis. Mais, toujours la soif, c'est stupide ce rêve de me faire arrêter, pour cela il faut souffrir bêtement et pour longtemps

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encore peut-être. Quelle heure est-il ? Dans combien de temps fera-t-il jour ? Heureusement demain matin je me retrouverai dans mon lit, un rayon de soleil filtrera par la jalousie. Ces chaînes, ces murs, cette soif, tout ce cauchemar sera dissipé.

En attendant, il faut marcher, marcher à petits pas, marcher méthodiquement sans tendre la chaîne, toujours marcher en traînant ce bruit avec moi.

Si je parle... je boirai, je ne marcherai plus. Mais, je ne peux pas faire arrêter ceux qui restent... Machine,

Sallusse, Le Franc, Chaput, Châtaignier, Field, Neveu et tous les autres, pourvu qu'ils aient pris le vert. Alors je dois marcher toujours. Toujours ?... Marcher, toujours ? Dois-je traîner indéfiniment cette chaîne, ce bruit avec moi dans le sillon ?... Au bout du sillon, je pourrai m'arrêter... Oui, au bout du sillon ! Mais depuis que je marche, je vois toujours le sillon, long, droit, profond, il s'étire jusqu'à l'horizon. La glaise tranchée de frais, soulevée, culbutée, est encore brillante sur les mottes que le socle a lissées, et puis, il y a les autres sillons rangés sur la terre noire, ils passent tous sur la crête,... la crête est là-bas à l'horizon,... toujours marcher vers la crête qui s'éloigne, toujours traîner le bruit dans le sillon. La crête bombée ne vient jamais à moi. Marcher sur une boule noire posée dans la lumière !

Le sillon est infini... Ah mon Dieu ! ai-je mérité de marcher pour l'éternité avec ces chaînes, marcher pour l'éternité... mais c'est terrible ! Je ne pourrai pas mourir... ne pas mourir ?... Mais, c'est l'enfer !

Ce bruit qui me suit, ces sillons à perte de vue, l'horizon qui fuit, la crête de terre noire et nue, pourquoi ? Mais pourquoi souffrir ainsi pour l'éternité ?

Ah ! Dieu, ayez pitié de moi, le sillon est toujours derrière moi, le sillon est toujours devant moi, j'aurai toujours ces chaînes à traîner, leur bruit, j'ai toujours marché dans ce sillon, je marcherai toujours ! Ai-je mérité ce supplice éternel ?

Oh ! que l'horizon est beau ! Il est lumineux comme le jour, léger, doré, tout éblouissant comme un voile tissé de rayons du soleil.

Mes mains s'ouvrent vers lui, ce voile doux et rutilant comme l'or s'approche, me voici tout près maintenant, bras tendus, de mes doigts je vais écarter les rayons jaunes et brillants pour pénétrer dans la lumière.

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... le sillon, long, droit, profond : il s'étire jusqu'à l'horizon.

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Oh ! le voile est dur, il est du r et froid, de la pierre, mes doigts ne peuvent le mouvoir , ni pénétrer dans les fibres, il est r igide et lisse, d u marbre.

Marche le long de ce voile éblouissant et d iaphane, au bout, devant , u n autre voile également tissé de rayons de soleil.

Oh ! il est encore impénétrable et ferme, et pour tan t il paraî t t ransparent lui aussi.

Tout au tour : la lumière. Tout au tour : le soleil. Mais pourquo i les rayons d u soleil ne veulent-ils pas me laisser entrer dans la lumière ?

Pourquoi la lumière est-elle de marbre ? Le m a r b r e b lanc , d u r et f roid t o u t a u t o u r de moi , où m e s

ma ins tâ tonnent . Le marb re gris et froid o ù mes p ieds b rû l en t dans leur entrave.

Mes pieds qui brûlent comme m a gorge sèche. Boire ! Boire ! pour éteindre ce feu qui dévore m a langue ! - Amis, donnez-moi un peu d ' eau ! L ' u n d e m e s c a m a r a d e s q u i t o u r n e n t d a n s la s a l l e m ' a

entendu. Passant devant la porte, il tend une bouteille à travers les barreaux.

Une bouteil le ! Mes mains serrent ne rveusemen t le verre, le contact rond et froid du goulot s ' impr ime sur mes lèvres avides qui aspirent avec bruit , les bulles remontent dans la bouteil le et crèvent la surface de l 'eau, mais le feu racle toujours m o n palais, la f ra îcheur de l ' eau ne coule pas su r m a langue, m a gorge est toujours aussi brûlante.

Le carabinier qui vient ! Il ne faut pas qu'il voie la bouteille. O ù la cacher ? Le soupirail ! Allez, hop, dans le soupirail, heureu- sement cela n 'a fait aucun bruit, p o u r v u que l'Italien ne remarque pas le t rou que la bouteille a fait en t raversant le grillage.

Mais pourquoi n'ai-je pas p u boire ? Il ne m e reste plus qu 'à marcher. Combien de temps dure ra ce

supplice ? C o m m e n t cette triste p romenade pourrait-elle cesser ? Il faut marcher encore. Si je m'arrête , le soldat qui m e regarde,

crie. Il fau t qu ' i l e n t e n d e les cadenas qui t ro t t inen t d a n s m o n ombre. S'il ne les entend plus, il vient et, à travers les barreaux, il se met en colère. Je n ' a ime pas cela.

Mes jambes sont lasses, mes mains sont toujours devan t moi, les soldats ont attaché mes mains devant moi et mes épaules m e font mal. Me redresser , lever la tête en marchan t , r ega rde r les

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étoiles, mais la chaîne serre mes poings, où sont mes doigts ? Mes mains ne sentent plus mes doigts.

Oh ! ma tête est lourde, elle tombe sur mes mains, j'ai du brouillard dans les yeux.

- Gira ! Gira ! Oui ! Oui ! soldat. Je refais du bruit sur la terre, je marche.

Mais je ne peux pas aller bien vite, je fais des petits pas, de tout petits pas et j'ai mal... la terre brûle... mais qu'importe, il faut marcher pour faire tomber la graine.

Les chaînes traînent dans les épis, et l'épi se froisse, et la graine tombe.

Soldat ton visage est noir sous un turban, soldat barbaresque, tu seras content, je marche très vite sur les gerbes que tu as disposées à terre pour les battre, tu seras content, tu as mis les gerbes en rond, je n'aime pas tourner en rond, mais je n'aime pas entendre tes cris, Seigneur ! Et je marche le plus vite que je peux avec mes petits pas, pour libérer le grain jaune qui saute et se cache dans la paille.

Mon maître tourne la tête, s'il n'entend pas mon bruit il croit que je ne travaille plus. Mes mains remuent mes chaînes dans les épis. Mon maître croit que je travaille, il entend toujours mon bruit. Le voilà qui vient vers moi, alors je marche, je cours sur le blé étendu en cercle. Il faut marcher longtemps, car il y a beaucoup d'épis et il faut que mon maître soit content.

Le soleil sur ma tête, le feu dans le ciel, le feu dans ma bouche, je ne peux plus marcher.

Pitié ! Seigneur, Pitié ! Je ne peux plus tourner. Laisse-moi tomber à terre...

Je suis seul sur la terre brûlante, je veux dormir... je veux boire... le soleil... je ne peux pas me lever, je ne peux plus me traîner,... mes mains, mes pieds ne sont plus à moi.

Oh ! cette chaleur étouffante qu'il fait dans cette cour sans ombre, devant, une maison très haute toute blanche de soleil, derrière, une maison toute blanche de soleil aussi, à droite, à gauche encore des murs, les murs sont tout de travers pour laisser venir le ciel, pas d'arbres, pas d'ombre, pas d'herbe, pas de rosée. Les petites rues aux coins des maisons sont pleines de lumière.

Seul sur le pavé près du caniveau, je me traîne vers le caniveau, plus d'eau, il y a encore de la boue dans le caniveau, je

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... je me traîne vers le caniveau...

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me traîne à cette vase, je bois cette boue gluante et granuleuse ; Oh ! cette boue brûlante ! Mon Dieu, vais-je donc mourir de soif ?...

Voilà mon maître, il a un fouet court, c'est un soldat vêtu de vert, c'est un Italien, pourquoi ne me tue-t-il pas ?

Il me frappe parce que je veux boire la boue. Et les autres qui rient aux fenêtres, toutes les fenêtres sont garnies de soldats qui me regardent mourir. Les soldats ont des bouteilles, les soldats boivent et la boue est brûlante.

Mon maître sait que je vais mourir sur le pavé de cette petite place et lui aussi rit, il me frappe de son fouet, je ne sens pas la lanière sur ma chair, mais j'entends le claquement du cuir sur ma peau. J'ai soif !... J'ai soif !...

Et toi, belle créature vaporeuse, transparente sur la maison, que tu es grande, plus grande que la maison, que tu es belle et douce, tes cheveux verts et lustrés se déroulent en longues volutes soyeuses sur tes seins, de l'amphore rouge que tu tiens à l'épaule jaillit la vie, la vie qui ruisselle sur ta hanche et le long des murs, qui rebondit sur le pavé, serpent d'argent, pluie d'étincelles, la vie qui miroite et court sur la pierre.

J'aime ton sourire, belle déesse, mais je ne vois pas la couleur de tes yeux, je ne peux plus ramper vers la vie, avance, viens près de moi... Viens dans cette cour d'enfer... Viens dans cette fournaise

pour rafraîchir mon visage, la fraîcheur qui coule de ton vase est trop loin de moi.

Vois les hommes cruels qui attendent ma mort, et mon maître qui me bat, et la boue que je suce, que je mange, qui m'étouffe, qui me brûle.

Pourquoi l'eau fuit-elle sur le pavé loin de moi ? Là où l'eau coule, la vie naît ! Là où l'eau coule l'herbe pousse ! Mais moi, je meurs prostré au milieu de ce puits de soleil, le soleil partout dans les murs, dans les ruelles, dans le ciel, pas d'étoiles dans le ciel.

Les soldats rient toujours, ils boivent toujours, pourquoi ne puis-je pas boire ?... Pourquoi pas moi ?...

Ah ! je suffoque ! Ma poitrine me fait mal quand elle se soulève, j'entends le vent chaud qui court dans ma gorge, dans ma poitrine, j'entends mon cœur battre contre le pavé brûlant. Et toutes les cloches du village qui sonnent à la volée et s'égosillent parce que je vais mourir, leur carillon assourdissant. Mes cheveux collent au front, aux tempes.

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Il faut fermer les yeux, je ne veux plus voir le soleil, je ne veux plus voir la chaleur. Les yeux fermés, encore la lumière, la lumière est en moi, la lumière et le feu. Oh ! soldat ! tue-moi, je ne veux plus souffrir... je ne peux plus souffrir !...

Ce bruit métallique ? Une serrure s'ouvre, maintenant les gonds d'une porte grincent, des coups de pied me sortent de ma prostration, m'ouvrent les yeux, le soldat est près de moi et me force à marcher.

Péniblement je me traîne le long des murs, mes mains toujours devant moi me courbent les épaules, le dos, mes reins sont moulus comme s'ils avaient été piétinés.

Je ne peux plus avancer, mes jambes tremblent, fléchissent, mes genoux touchent le ciment, mes menottes traînent maintenant aussi sur le sol, mon menton s ' appuie sur ma poitrine, mes cheveux pendent lamentablement devant mon front, mais je n'en peux plus !... mais quand cela finira-t-il ?... Je me laisse aller au sol...

A côté de moi un petit vieux à chapeau melon et une vieille sont assis bien tranquillement devant un guéridon de terrasse de café, ils sirotent doucement une grenadine. Combien donnerais-je pour être à leur place !... En ce moment un seul désir compte pour moi : être assis et boire.

Mais je ne peux même pas rester couché sur le ciment, le carabinier va venir et me battre.

- Mais non cela ne fait rien, me dit le petit monsieur, restez couché, le carabinier ne viendra pas !

Voilà des pas qui se rapprochent . Il faut que je me lève, l'Italien va entrer.

- Mais non, restez par terre ! Si je reste au sol je vais recevoir des coups de crosse. La clé tourne déjà dans la serrure. Je n'ose ouvrir les yeux. - Ne vous levez pas, restez couché, me répè te le vieux

bonhomme.

Oh ! je voudrais bien rester, mais j'ai peur des coups. Le soldat est là tout près de moi, mes yeux s'ouvrent. - Camina !

Encore debout ! Toujours des petits pas. Quand serai-je donc assez fatigué pour ne plus pouvoir me lever et ne plus sentir les coups ?

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Encore du brouillard dans les yeux ? En suivant les murs je ne me perdrai pas.

Mes camarades marchent dans la rue, ils peuvent aller au café se désaltérer eux au moins.

Oh ! que se passe-t-il ? Une explosion vient d'avoir lieu dans la maison, là-bas, à gauche, les Italiens courent, crient, gesticulent, se battent entre eux.

Ah ! par terre, l'homme au bandeau... que fait-il ? Un soldat enlève son casque, le saisit par la jugulaire et en donne de grands coups sur le crâne du Français, comme s'il secouait un panier à salade, ça doit lui faire du mal. Ce n'est pas des choses à faire.

L'explosion a bouleversé la rue, chaviré les maisons, les murs sont bousculés comme un décor de théâtre soufflé par l'ouragan. Je ne comprends plus rien, ma tête aussi chavire. (1)

Je me suis couché, mais un carabinier vient encore me relever. Il faut encore tourner, je tournerai toujours. Ce jeune carabinier a l 'air sympathique , ce n 'est peut-être pas une brute. Je ne le connais pas, je ne lui ai jamais fait de mal, moi ! Pourquoi me bat- il alors ?

Il n'a pas de raison de me battre puisque je ne lui ai pas fait de mal.

Mes jambes ne peuvent plus me porter. Mes chevilles sont gonflées et les chaînes les serrent durement. Je m'arrête dans un coin de la pièce.

Voilà le carabinier, va-t-il me frapper ?... il recommence. - Mais pourquoi me battez-vous ? - Des ter ror is tes français ont fait déra i l ler un train de

permissionnaires, me répond le soldat en italien, mon frère a été tué et moi j'ai eu les pieds coupés. Trouvez-vous que je n'ai pas le droit de me venger ?

Ma marche reprend le long des murs. Evidemment, des terroristes... des soldats... Les Italiens étaient en uniforme... les Français n'avaient pas d'uniforme... les terroristes auraient dû avoir un uniforme, ce n'est pas loyal de se battre sans uniforme. Moi aussi j'étais en civil, le carabinier me bat mais il a le droit de me battre.

(1) En réalité le détenu au bandeau avait brisé une planche de la porte de sa cellule à coups de pied.

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E n c o r e la p o r t e q u i s ' o u v r e . P o u r q u o i l ' I t a l i en n e v e u t - i l p a s m e la i sser d o r m i r ? M o n Dieu , p i t i é !

- F o r z a ! g i o v a n e . F o r z a ! - P a r d o n n e z - m o i c a r a b i n i e r ! Je s a i s q u e j ' a i e u t o r t .

M a i n t e n a n t , l a i s s e z m o i d o r m i r . A y e z p i t i é d e m o i . P a r d o n n e z - m o i !

- C a m i n a ! P r e s t o ! P r e s t o !

A h ! il n e m e r e s t e p l u s q u ' à m a r c h e r . T o u j o u r s t o u r n e r . M a r c h e r j u s q u ' à la fin... la m o r t .

J u s q u ' à la m o r t ?... j u s q u ' à la mor t . . . O u i , c ' e s t j u s t e , l es I t a l i e n s o n t le d r o i t d e m e t u e r , je l ' a i

mé r i t é . M o n so r t es t e n t r e l e u r s m a i n s .

Ils p e u v e n t fa i re d e m o i ce qu ' i l s v e u l e n t . Ils s o n t d e u x p r è s d e la p o r t e , ils m e r e g a r d e n t , je m ' a r r ê t e e n

face d ' e u x . - G i r a !

Tiens ! e n c o r e la b r u t e t o n d u e , a v e c ses g r o s y e u x , q u e l l e sa le

t ê t e ! P o u r q u o i m a r c h e r ? J ' en ai m a r r e . Je n e b o u g e pas . - C a m i n a !

Le c a r a b i n i e r p o i n t e v i o l e m m e n t s o n a r m e à t r a v e r s la p o r t e c o n t r e m a p o i t r i n e . L e s b a r r e a u x ça l e g ê n e . H o p ! u n p a s e n ar r ière . Pa s a s s e z vi te , g r o s l o u r d !

La p o i n t e d e la b a ï o n n e t t e a c c r o c h e m a c h e m i s e . O h ! e l le n e p e u t p l u s avance r , ce n ' e s t p l u s la p e i n e d e reculer .

- G i r a !

Je n e b o u g e pas. Vous p o u v e z faire d e m o i ce q u e v o u s v o u l e z ! L ' I t a l i en m a n œ u v r e sa c u l a s s e , i n t r o d u i t u n e c a r t o u c h e d a n s la c h a m b r e .

- G i r a ! G i r a !

La b a ï o n n e t t e t r e m b l e d e c o l è r e a u b o u t d u fus i l . Q u ' e s t - c e

q u ' i l d o i t ê t r e f u r i b a r d ! L a l a m e e s t p l e i n e d e g r a i s s e , la b a l l e

p a s s e r a à c ô t é d e la p o i n t e , . . . l ' e x p l o s i o n , . . . je l ' e n t e n d r a i j u s t e a v a n t d e m o u r i r .

E h b i e n ?... N o n , le c a r a b i n i e r n e t ire pas . S o n c a m a r a d e o u v r e p r é c i p i t a m m e n t la cu l a s se d u fusi l , ils s ' e n g u e u l e n t , ils s o n t f o u s !

T o u s d e u x e n t r e n t d a n s la ce l lu l e , m e v e r s e n t u n e g a m e l l e d ' e a u s u r le c r â n e e t à c o u p s d e p i e d m ' o b l i g e n t à "g i r e r " .

Q u e t o u t e ce t te e a u es t f r o ide ! D o u c e m e n t m e s c h a î n e s ! Il n e

f a u t p a s qu ' e l l e s se t e n d e n t , j 'a i m a l , t r è s m a l a u x chevi l les .

Bah ! ils p e u v e n t fa i re d e m o i ce q u ' i l s v e u l e n t .

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