la campagne d’italie – 1943/1944 e s) 1 maurice henry

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1 LA CAMPAGNE d’ITALIE – 1943/1944 par le général de Corps d’Armée (2 e s) 1 Maurice HENRY Brève présentation du général Maurice Henry Le général Maurice Henry est admis à Saint-Cyr en 1938, à l’âge de dix-neuf ans. Il prend part à la campagne de France à la tête du groupe franc du 110 e RI 2 . Blessé en mai 1940, fait prisonnier sur son lit d’hôpital, il s’évade et rejoint, au Maroc, le 4 e RTM 3 . En permission en France lors de l’invasion de la zone libre, il passe en Espagne, est interné et s’évade pour rejoindre l’AFN 4 . Il participe comme chef de section du 4 e RTM aux campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne. Blessé deux fois, titulaire de quatre citations, il est fait chevalier de la Légion d’honneur à titre exceptionnel et promu capitaine en mars 1945. En 1947, il rejoint l’Indochine avec le bataillon « Pothier ». À la tête de sa compagnie de tirailleurs, puis du 2 e BMEO 5 , il est engagé dans les opérations de la zone ouest de Cochinchine. Blessé et quatre fois cité, il est promu officier de la Légion d’honneur. En 1953, jeune chef de bataillon, il est de retour en Indochine à la tête du III/1 er RTM qui opère au Moyen- Laos, blessé et deux fois cité, il est fait commandeur de la Légion d’honneur en 1955. En 1960, il sert en Algérie au 3 e bureau du commandement supérieur puis comme chef d’état-major de la zone ouest-oranais et de la 5 e division blindée. Colonel à quarante-trois ans, il prend le commandement du 1 er GCP 6 , qui va jouer un rôle déterminant dans les expérimentations « Massena ». Chef d’état-major de la 3 e RM 7 , général de brigade le 1 er septembre 1969, il est tour à tour commandant de la 4 e BM 8 , chef de la division emploi de l’EMA et commandant de la 4 e division mécanisée. En mars 1975, il prend le commandement de la 4 e RM et est élevé aux rang et appellation de général de corps d’armée. En octobre 1976, il devient Inspecteur de l’Infanterie. Son rôle dans la campagne d’Italie La nuit de Noël 1943, Maurice Henry quitte Taza à la tête d’un renfort de cinquante français et deux cents tirailleurs avec lesquels il débarque à Naples le 1 er janvier 1944. Il prend, quelques jours plus tard, le commandement d’une section de la 10 e compagnie et participe à l’offensive du Belvédère, lancée le 21 janvier 1944. Plusieurs de ses hommes sont blessés par l’artillerie allemande, et lui-même est grièvement atteint par une grenade le 27 janvier 1944 : le mulet devant le supporter se débat furieusement et ce sont quatre tirailleurs qui vont porter le brancard dans la montagne. Légèrement en avance sur les brancardiers, le mulet est fauché par une rafale, épargnant les hommes ! Le 25 août 1944, le lieutenant Henry embarque pour la Provence. La campagne d’Italie : du débarquement à la conquête du Sud La campagne d’Italie se déroule de décembre 1943 à juillet 1944. Un Corps Expéditionnaire Français commandé par le général Alphonse Juin prend une importante part à cet épisode de la Seconde Guerre mondiale, hélas peu relaté. Cette campagne est en effet passée sous silence en France, alors que l’armée française y retrouve le prestige qu’elle avait perdu en 1940 : cela fait dire au général américain Marshall, qui écrit au général de Gaulle : « Dites au général Juin et à ses hommes qu’ils ont fait revivre l’Armée Française que je connaissais, celle de la Marne et de Verdun. » 1. – 2 e section. 2. – Régiment d’infanterie. 3. – Régiment des tirailleurs marocains. 4. – Afrique française du Nord. 5. – Bataillon de marche Extrème-Orient. 6. – Groupement des commandos parachutistes. 7. – Région militaire. 8. – Brigade mécanisée.

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Page 1: LA CAMPAGNE d’ITALIE – 1943/1944 e s) 1 Maurice HENRY

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LA CAMPAGNE d’ITALIE – 1943/1944par le général de Corps d’Armée (2e s) 1 Maurice HENRY

Brève présentation du général Maurice Henry

Le général Maurice Henry est admis à Saint-Cyr en 1938, à l’âge de dix-neuf ans. Il prend part à la campagne de France à la tête du groupe franc du 110e RI 2. Blessé en mai 1940, fait prisonnier sur son lit d’hôpital, il s’évade et rejoint, au Maroc, le 4e RTM 3.

En permission en France lors de l’invasion de la zone libre, il passe en Espagne, est interné et s’évade pour rejoindre l’AFN 4. Il participe comme chef de section du 4e RTM aux campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne. Blessé deux fois, titulaire de quatre citations, il est fait chevalier de la Légion d’honneur à titre exceptionnel et promu capitaine en mars 1945.

En 1947, il rejoint l’Indochine avec le bataillon « Pothier ». À la tête de sa compagnie de tirailleurs, puis du 2e BMEO 5, il est engagé dans les opérations de la zone ouest de Cochinchine. Blessé et quatre fois cité, il est promu officier de la Légion d’honneur.

En 1953, jeune chef de bataillon, il est de retour en Indochine à la tête du III/1er RTM qui opère au Moyen-Laos, blessé et deux fois cité, il est fait commandeur de la Légion d’honneur en 1955.

En 1960, il sert en Algérie au 3e bureau du commandement supérieur puis comme chef d’état-major de la zone ouest-oranais et de la 5e division blindée.

Colonel à quarante-trois ans, il prend le commandement du 1er GCP 6, qui va jouer un rôle déterminant dans les expérimentations « Massena ».

Chef d’état-major de la 3e RM 7, général de brigade le 1er septembre 1969, il est tour à tour commandant de la 4e BM 8, chef de la division emploi de l’EMA et commandant de la 4e division mécanisée. En mars 1975, il prend le commandement de la 4e RM et est élevé aux rang et appellation de général de corps d’armée. En octobre 1976, il devient Inspecteur de l’Infanterie.

Son rôle dans la campagne d’Italie

La nuit de Noël 1943, Maurice Henry quitte Taza à la tête d’un renfort de cinquante français et deux cents tirailleurs avec lesquels il débarque à Naples le 1er janvier 1944. Il prend, quelques jours plus tard, le commandement d’une section de la 10e compagnie et participe à l’offensive du Belvédère, lancée le 21 janvier 1944. Plusieurs de ses hommes sont blessés par l’artillerie allemande, et lui-même est grièvement atteint par une grenade le 27 janvier 1944 : le mulet devant le supporter se débat furieusement et ce sont quatre tirailleurs qui vont porter le brancard dans la montagne. Légèrement en avance sur les brancardiers, le mulet est fauché par une rafale, épargnant les hommes !Le 25 août 1944, le lieutenant Henry embarque pour la Provence.

La campagne d’Italie : du débarquement à la conquête du Sud

La campagne d’Italie se déroule de décembre 1943 à juillet 1944. Un Corps Expéditionnaire Français commandé par le général Alphonse Juin prend une importante part à cet épisode de la Seconde Guerre mondiale, hélas peu relaté. Cette campagne est en effet passée sous silence en France, alors que l’armée française y retrouve le prestige qu’elle avait perdu en 1940 : cela fait dire au général américain Marshall, qui écrit au général de Gaulle : « Dites au général Juin et à ses hommes qu’ils ont fait revivre l’Armée Française que je connaissais, celle de la Marne et de Verdun. »

1. – 2e section. 2. – Régiment d’infanterie.3. – Régiment des tirailleurs marocains.4. – Afrique française du Nord.5. – Bataillon de marche Extrème-Orient.6. – Groupement des commandos parachutistes.7. – Région militaire.8. – Brigade mécanisée.

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Malgré les valeureux combats des Français libres en Erythrée, à Koufra, à Bir-Hakeim, malgré ceux de l’Armée d’Afrique en Tunisie, nous restions les vaincus de 1940 et nous sentions que nous étions méprisés. Pour le commandement allié, nous ne pouvions servir que comme forces supplétives, nous étions incapables de remplir des missions importantes face à la Wehrmacht.

En 1941, quand les Américains entrèrent dans la guerre, les plans qu’ils établirent pour envahir l’Europe ne consistaient pas à l’aborder depuis l’Afrique. Leur seul projet était de débarquer en force dans le Nord de la France pour foncer directement sur Berlin.En revanche les Anglais avaient besoin d’assurer d’abord la protection de la route des Indes. Ils eurent du mal à obtenir des Américains qu’ils s’engagent en Afrique du Nord, puis qu’ils poursuivent l’offensive sur la Sicile et la pointe de l’Italie. La priorité restait au débarquement sur les côtes de la Manche. Après la victoire en Tunisie, l’objectif fut limité à la prise de Rome qui permettrait de réduire les trajets de l’aviation de bombardement. Ce fût le field marshall Sir Alexander of Tunis qui en reçut la mission.

Les formations du XVe Groupe d’Armées anglo-américain qu’il commandait débarquèrent le 10 juillet sur les côtes sud de la Sicile. Ce furent à l’est les quatre divisions britanniques de la XVe Armée du général Montgomery, à l’ouest, quatre divisions américaines de la VIIe Armée du général Patton. L’île était défendue par quatre divisions italiennes et deux divisions allemandes. Le débarquement s’effectua sans opposition de la marine de l’Axe.Dans sa zone d’action, Patton trouva peu de résistance. Il traversa rapidement l’île. Après avoir reçu la reddition de Palerme, il se dirigea sur Messine par la route côtière en employant, pour assurer sa couverture dans les passages montagneux, le 4e Tabor 9 dont il disposait depuis la Tunisie.À l’Est, Montgomery éprouva de grandes difficultés pour faire tomber Catane en contournant l’Etna. Il avait en face de lui deux divisions allemandes venues de l’Afrika Korp de Rommel qu’Hitler avait remplacé par un aviateur, le général Kesselring, pour commander le théâtre d’opération Sud-Europe.Celui-ci prit le 3 août la décision d’évacuer la Sicile où les Italiens restèrent seuls. Les Américains furent les premiers à atteindre Messine, le 17 août. La Sicile était libérée.En raison du retard pris en Angleterre pour la préparation de l’opération « Overlord », Churchill avait obtenu de Roosevelt que l’invasion de l’Italie soit poursuivie dans la foulée.Le 3 septembre, les britanniques de la VIIIe. Armée abordent la Calabre par la pointe de Messine et Tarente.Alors que dans la nuit du 8 au 9, Badoglio annonce la capitulation de l’Italie, la Ve Armée américaine aux ordres du général Clark débarque au matin sur Saverne avec deux corps d’armée, le VIe américain, le XXXe britannique.Les Italiens ont aussitôt cessé tout combat mais les Allemands, qui avaient pris leurs précautions, assurent facilement la relève et à Salerne, ils contre-attaquent si vigoureusement le VIe corps du général Lucas que Clark fait préparer un plan de rembarquement par son état-major. L’avance des Britanniques de Montgomery 10 permet de rétablir la situation.

Face aux barrières naturelles

Les armées des Alliés, blindées et motorisées, éprouvent les plus grandes difficultés à progresser dans « la botte italienne ». Les Apennins ne sont pas semblables aux Alpes. Entre la mer Tyrrhénienne et l’Adriatique, ils ne forment pas une chaîne, mais un ensemble de massifs surmontés de pitons où les vallées s’entrecroisent, ne laissant que peu de voies de passage. De Messine à Rome, il n’y a que trois pénétrantes utilisables par les chars.

Les Allemands disposent d’unités mieux adaptées à la montagne, Geburgsjägers et parachutistes, qui mènent une action retardatrice très efficace. De plus, en cet hiver 1943-1944, la pluie tombe en abondance et rend les chemins de montagne impraticables. Les chars ne peuvent même pas se déployer en dehors des routes.

La progression est si lente que les services de propagande du docteur Goebbels peuvent diffuser une affiche montrant qu’un escargot serait allé plus vite que les Alliés de Messine à Naples, où ils entrent le 1er novembre.Les pertes subies obligent Clark à suspendre la progression tandis que, sur sa droite, une offensive des Canadiens de Montgomery 11 est stoppée par Kesselring .

Les Alliés sont alors arrêtés face à deux massifs, à l’est les Abruzzes, à l’ouest les Aurunci qui forment comme un rempart devant lequel les vallées de trois cours d’eau font un fossé : le Sangro, le Rapido, le Garigliano.

19. – Tabor : formation de l’armée marocaine équivalente à un bataillon de l’Armée française. 10. – La XVe Armée britannique était commandée par Montgomery. 11. – L’armée britannique était constituée de toutes les forces des pays du Commonwealth : Canada, Indes, Egypte, Nouvelle-Zélande.

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Entre ces deux massifs, la vallée du Liri ouvre le seul passage menant à Rome. L’entrée en est défendue par deux tours de garde : au sommet des Aurunci, le monte Mario et de l’autre côté, le mont Cassin, où l’abbaye de Saint-Benoît, qui a tout d’une forteresse, domine tous les environs.C’est sur cette muraille que Kesselring a choisi de s’appuyer pour arrêter les Alliés. Il a fait réaliser une position fortifiée par son Génie, le service de l’Agence Todt et les habitants italiens réquisitionnés, la ligne Gustav, flanquée de bretelles secondaires, les lignes Barbara, Bernhard et Hitler. C’est le résultat d’un travail considérable.Pour l’attaquer, l’assaillant doit d’abord passer au travers de larges champs de mines anti-personnels, puis de réseaux de barbelés. Quand il a dépassé la crête, il tombe sous les feux croisés de mitrailleuses sous blockhaus, puis il est pris à partie par les contre-attaques de défenseurs sortant d’abris bétonnés. Les fantassins doivent livrer le combat à contre-pente, hors de la vue des observateurs d’artillerie. La ligne Gustav était précédée de quelques pitons qui furent les premiers centres de résistance auxquels les alliés se heurtèrent.

L’appel aux renforts du CEFI et les premiers succès

En Afrique du Nord, le général de Gaulle avait accepté de mettre à la disposition de la Ve Armée américaine du général Clark quatre divisions sous les ordres du général Juin. Il fallut les équiper entièrement avec le matériel venant des États-Unis et leur donner l’entraînement nécessaire. Malgré la mobilisation générale, on éprouva de grandes difficultés pour fournir les nombreux spécialistes que nécessitait la mise en œuvre d’un armement moderne très mécanisé. On eut recours à l’engagement de femmes volontaires dans l’armée. Des unités féminines furent créées dans le Service de santé et les transmissions. Cela prit des délais.

La première formation qui fut prête fut la 2e Division d’infanterie marocaine (DIM) du général Dody. Quand le général de Gaulle vint la voir en Oranie avant son départ, il dit dans son allocution : « Nous aurons fort à faire, nous Français, pour retrouver notre place de première armée du monde. Cette place, nous la retrouverons morceau par morceau, piton par piton. »Le général Juin put mesurer à quel point nous en étions arrivés là quand, le 25 novembre 1943, à son arrivée à l’aérodrome de Naples, il ne trouva personne pour l’accueillir. Son aide de camp dut courir sous la pluie rechercher une voiture pour l’emmener loger au consulat de France. Le lendemain, au PC de la Ve Armée, il obtint de Clark que la 2e DIM soit incorporée au Ve Corps d’armée du général Lucas où elle remplacerait la 34e Division américaine qui tenait le secteur voisin de l’Armée britanniqueQuand à lui, bien que Commandant du Corps expéditionnaire français (CEF), il serait seulement une sorte de conseiller à l’état-major de Clark, les quatre divisions françaises devant être réparties entre les corps d’armée pour servir de réserves.Lorsque, le 5 décembre, la 2e DIM assura la relève, la 34e Division était épuisée et exsangue : à trois reprises elle avait tenté sans succès de s’emparer d’une position avancée de la ligne Gustav, un sommet coiffé de quatre pitons, le Pantano, ce qui lui avait coûté de lourdes pertes.

La mission étant reprise par la 2e DIM, dés sa première attaque, le 15 décembre 43, les Marocains du 5e

RTM 12 s’en emparèrent et le conservèrent, ce que les Texans n’avaient pas réussi. Les Américains en furent stupéfaits. La côte des Français remonta aussitôt chez les Alliés. La conséquence en fut quasi immédiate. Sir Alexander accepta que la 3e Division algérienne, commandée par le général de Monsabert, qui venait d’arriver à Naples, forme avec la 2e DIM un Corps d’armée sous les ordres de Juin. Ce fut la naissance du CEFI 13, le 3 janvier 1944.

Malgré un temps épouvantable, un froid rigoureux qui provoque de nombreux pieds gelés, la neige qui cache les mines, les deux divisions sont lancées à l’attaque des pitons dominants la haute vallée du Rapido… Et elles s’en emparent. Les principaux sont à la 3e DIA 14, la Mainarde, à la 2e DIM, la Costa San Pietro. Sur celle-ci, pour repousser les trois contre-attaques des Gebirgsjäger, le 8e RTM en vient à faire tirer son artillerie sur ses positions avancées.

Le 12 janvier, Clark lance une offensive au sud de Cassino pour franchir le Rapido et le Garigliano en vue de faire tomber le mont Cassin et de lancer les blindés sur la route de Rome. Au sud, le XXXe Corps britannique parvient à conquérir une tête de pont sur la rive droite du Garigliano, mais sur le Rapido, que les Allemands ont rendu infranchissable par des destructions en amont, la 36e Division doit se replier sur sa base de départ.

Dans le secteur du CEF, le général Juin aurait voulu poursuivre son avance jusqu'à la petite ville d’Atina, d’où une vallée descendant sur le Liri aurait permis de contourner largement le mont Cassin. Mais pour sir Alexander et pour Clark, seule une puissante attaque frontale pouvait faire tomber Cassino. Pour faire sauter la résistance des Allemands, ils comptent sur un débordement de la ligne Gustav par la mer.

12. – Régiment des tirailleurs marocains, dont la garnison était Oujda.13. – Corps expéditionnaire français d’Italie.14. – Division d’infanterie algérienne.

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Offensive du 12 janvier 1944

Des tentatives infructueuses ou non exploitées

De sorte que le 21 janvier, le VIe Corps d’armée du général Lucas débarque à 30 kilomètres au sud de Rome, sur les plages d’Anzio.Les Allemands de la ligne Gustav l’apprirent en même temps par des tracts lancés d’avion qui disaient à peu près : « Nous débarquons près de Rome, vous êtes cernés, rendez-vous ! »

J’en eus connaissance en les trouvant sur mon objectif du jour, le Colle dell Arena.La surprise joua pleinement mais le général Lucas n’en profita pas. Pour éviter ce qu’il avait connu à Salerne, il attendit trois jours pour que tous ses moyens opérationnels et logistiques soient réunis sur les plages avant de progresser vers Rome. Kesselring eut ainsi le temps de rameuter les moyens lui permettant d’encercler les Alliés sur leur tête de pont où ils furent obligés de pratiquer une guerre de tranchées pour éviter d’avoir à rembarquer sous la protection des canons de la flotte.

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Dans les Abruzzes, où le CEF venait d’atteindre ses premiers objectifs, Clark vint demander à Juin d’arrêter sa poussée vers Atina et de la reporter sur sa gauche afin d’appuyer la 34e Division US sur son flanc pendant qu’elle s’attaquerait frontalement à Cassino.La mission principale incombe à la 3e DIA tandis que commence pour la 2e DIM une période qui a laissé le plus mauvais souvenir de la guerre pour ceux qui l’ont vécue. Ils eurent à mener un combat de proximité fait de patrouilles, d’embuscades, de coups de main, surtout de nuit sur un terrain rocheux truffé de mines et de pièges. Le secteur de la 2e DIM est si étendu que le général Dody doit aligner côte à côte tous ses régiments, y compris le 3e Spahis marocain à pied sans ses blindés.

De son côté, la 3e DIA a reçu pour objectif un contrefort du mont Cassin nommé le Belvédère. C’est un massif couronné de huit pitons cotés de 607 à 802 mètres, équipé des fortifications de la ligne Gustav. Il domine la haute vallée du Rapido du haut de falaises rocheuses.L’attaque est lancée le 25 janvier à 5 heures. C’est le 4e Régiment de tirailleurs tunisiens (RTT) qui a la mission principale. Les compagnies de tête abordent la falaise après avoir fait tomber les postes avancés le long du Rapido. Au 3e Bataillon, le commandant Gandoët fait emprunter une faille étroite qu’il avait remarquée et qui est restée pour l’Histoire sous le nom de « Ravin Gandoët ». Ce fut une escalade acrobatique pour les hommes surchargés d’armes et de munitions. Au fur et à mesure de leur arrivée, les premières sections neutralisèrent les blockhaus de la côte 681 et ouvrirent la voie aux autres. À gauche, le 2e Bataillon est parvenu lui aussi à occuper le sommet. Le 27 janvier à midi, les Tunisiens ont conquis les huit pitons du Belvédère. Ils y sont dominés par un sommet plus élevé, le Colle del Abate. Ils s’en emparent.

Les Allemands ont rameuté des renforts, ils contre-attaquent en force.

Le 3e Bataillon doit abandonner le Colle del Abate. Il se retrouve encerclé sur le Belvédère. Le général de Monsabert engage un régiment de réserve, le 7e RTA 15. Pendant 48 heures, attaques et contre-attaques se succèdent. Les munitions viennent à manquer, les brêles (mulets) n’ont pas pu suivre, les blessés ne peuvent être évacués, nos positions sont défendues au corps à corps. Finalement les Allemands sont obligés de cesser le combat, laissant le Belvédère aux attaquants.

Le 1er février, la 3e DIA avait réussi à percer la ligne Gustav. Il aurait été possible d’exploiter vers la vallée du Liri, mais les Américains s’obstinent sur Cassino et la bataille se poursuit jusqu’au 9 février, jour où le 4e RTT est relevé. Le régiment a perdu la moitié de ses effectifs, dont son chef de corps, le colonel Roux. Pour le général Juin, cette bataille fut celle qui a compté le plus grand nombre d’actes héroïques de toute la guerre.

Le 4 mars, la 4e Division marocaine de montagne (DMM) du général Sevez est intégrée au CEF, ou elle relève la 3e DIA, puis la 2e DIM.Pour relancer les actions offensives, Sir Alexander fait agrandir le secteur de la XXXe Armée britannique où Montgomery a été remplacé par le général Leede, jusqu’à Cassino, où le IIe Corps US est remplacé par le Corps d’armée Néo-Zélandais. Le général Freyberg qui le commande estime nécessaire de faire neutraliser l’abbaye, qui n’est pourtant pas occupée par les Allemands.

Le 15 mars, l’aviation alliée ouvre l’attaque en larguant 480 tonnes de bombes sur Cassino et le mont Cassin.

15. – Régiment de tirailleurs algériens.

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Attaque du Belvédère par la 3e DIA

Le Belvédère : galop d’essai réussi

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Les destructions provoquées dans la ville favorisent la défense par les parachutistes allemands qui repoussent les Néo-Zélandais après de durs combats de rue.Ce nouvel échec n’incite pourtant pas les états-majors alliés à changer de tactique et le 25 mars, l’offensive est relancée. Elle est cette fois précédée par un bombardement aérien de 1000 tonnes de bombes, le double du précédent. La progression du fantassin n’en est pas facilitée et après trois jours d’attaques, sans succès, il faut arrêter les combats. Les lourdes pertes subies et le temps exécrable sur tout le front obligent Sir Alexander à cesser toute activité offensive.

Clark adopte la stratégie Juin

À la fin mars, le CEF a quitté les Abruzzes pour remplacer le Corps britannique face aux monts Aurunci. La 4e DMM a été seule à occuper le nouveau secteur. Division marocaine de montagne, elle est dotée d’équipages de chevaux et de mulets. Les deux autres divisions sont envoyées au repos complet dans les environs de Naples et de Salerne. Pendant une semaine, les tirailleurs et leurs cadres lâchés en pleine liberté s’en donnèrent à cœur joie. Le dernier jour, il ne manque personne à l’appel.

Avant de remonter en première ligne, la 2e DIM et la 3e DIA furent soumises à un entraînement intensif dans le but de les préparer à une attaque de nuit.

En effet, Juin avait enfin réussi à faire accepter par Alexander sa conception stratégique. Il la lui avait proposée dans un document resté célèbre dans les écoles de guerre, « le moratoire du 4 avril » : le but était de contourner Cassino de très loin en faisant percer la ligne Gustav au centre du massif des Aurunci par le CEF qui venait d’être renforcé d’une quatrième Division d’infanterie, la 1ère DFL, celle des Français libres qui s’étaient illustrés en particulier à Bir-Hakeim.

La manœuvre consistait à utiliser la petite tête de pont sur le Garigliano que les Anglais avaient baptisée Harrogate, comme base de départ pour trois divisions. Au centre, la 2e DIM devait conquérir le monte Mario, le plus haut sommet du massif. À sa droite, la 1ère DFL avait à lancer ses blindés sur la rive droite du Liri. À sa gauche, la 3e DIA devait s’emparer de la cité de Castelforte et ouvrir la voie menant au Liri par Ausonia. En réserve, sous les ordres du général Guillaume, un Corps de montagne, comprenant la 4e DMM et les trois groupes de Tabors, devait s’enfoncer dans le massif des monts Petrello en franchissant une position appelée ligne Hitler destinée à servir de ligne d’arrêt aux défenseurs de la ligne Gustav.

À la gauche du CEF, le 2e Corps US devait progresser en bordure de la mer jusqu'à Anzio. À sa droite, la VIIIe Armée allait attaquer Cassino en tenaille, les Canadiens par le sud, les Polonais par l’est.

C’est cette manœuvre qui fut exécutée. La mise en place débuta fin avril. Elle entraîna des déplacements pour les deux armées et pourtant elle ne fut pas détectée par les Allemands grâce à un camouflage minutieux.

L’heure H fut fixée le 11 mai à 23 h 30, à la demande des Anglais qui avaient besoin d’une heure d’obscurité avant le lever de la lune pour franchir le Rapido. Ceci contraignait à effectuer une attaque par surprise, sans préparation d’artillerie.

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La tentative d’Anzio

Les tirailleurs se heurtèrent à des positions intactes, mitrailleuses sous blockhaus, nombreux champs de mines. Le 8e RTM réussit à atteindre son objectif, le mont Faito, car le premier feldgrau qu’ils capturèrent était un Alsacien qui conduisit les Marocains à travers les obstacles. En revanche, au 4e RTM, le bataillon de tête ne put prendre pied sur le Cerasola qui était le principal piton du secteur. Il fut arrêté au milieu des champs de mines par des lance-flammes dont on ignorait la présence. De ce fait, la 1ère DFL 16 ne put déboucher dans la vallée du Liri.Sur le flanc droit à la 3e DIA, le général de Monsabert, profitant de l’avance des Américains du 2e Corps et d’un terrain moins tourmenté, lança ses chars contre le village de Ponte Corvo, dont les Tunisiens du 4e RTT finirent par s’emparer. Autour de Cassino, les Anglais ne purent franchir le Rapido et les Polonais se firent repousser sur les pentes nord du mont Cassin. Dés le matin du 12 mai, le général Juin se rendit sur les lignes avancées pour se rendre compte de la situation. Au 8e RTM, il monta au Faito, encore soumis à des contre-attaques, pour observer les positions ennemies. Rassuré par l’ambiance qu’il trouva dans ses contacts avec la troupe, il prit la décision de reprendre l’attaque au plus tôt. Au 5e RTM, on l’entendit dire : « Les Allemands sont plus fatigués que nous, vous les battrez et, cette fois, on fait une préparation d’artillerie. »

16. – 1ère Division française libre, formation composée de volontaires et d’unités ayant rallié De Gaulle et combattu depuis 1940 avec les Britanniques.

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La rupture

La nuit suivante, à 3 h 30 du matin, une concentration d’artillerie d’une violence exceptionnelle est déclenchée sur les lignes allemandes. Juin avait obtenu de disposer de batteries lourdes de la Ve Armée en plus des 357 canons du CEF. Un prisonnier allemand dira à un sous-officier du 4e RTM : « Vous êtes des barbares, on ne fait pas un bombardement comme ça. » Un autre dira : « C’est pire qu’à Stalingrad. »Pour pouvoir tirer sur les avant-postes de la ligne Gustav, on avait replié, à 300 mètres des barbelés, les tirailleurs qui en étaient les plus proches, certains s’en trouvaient à 30 mètres. Sur le front du II/4e RTM, un sergent était resté seul pour animer le secteur à coups de grenades et de rafales de PM et pour se replier à toute allure deux minutes avant l’heure H.

Quand, à 4 heures, les voltigeurs partirent à l’assaut, ils firent tomber rapidement les résistances. Un chef de section fit prisonnier 25 Gebirgjägers à lui seul, il était arrivé à l’entrée de l’abri avant que les occupants n’en sortent pour contre-attaquer. C’est la victoire. Le 4e RTM occupe le Cerasola et le 5e RTM atteint le monte Mario où, en exécution des ordres de Juin, il hisse un immense drapeau tricolore visible de la mer Thyrénéenne aux Abruzzes.

La 1ère DFL qui s’engage dans la vallée du Liri se heurte à une forte résistance à San Giorgio du Liri. C’est un escadron du 3e Régiment de Spahis Marocains qui la fait tomber. Le général Brosset a surveillé l’opération, il en admire tellement l’exécution qu’il va féliciter le capitaine de Galbert qui la commande et qu’il l’embrasse. Le général Juin dira que c’est le meilleur souvenir qu’il garde de la campagne parce que ce geste traduisait la fraternité qu’il avait voulu développer entre les Français libres et l’Armée d’Afrique.

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Le 14 mai, la 3e DIA atteint la route d’Ausonia et aborde la ligne Hitler, elle est faiblement occupée car elle devait servir de position de repli aux défenseurs de la ligne Gustav qui ont été pris de vitesse.

Juin veille à ce que la progression ne marque aucun arrêt. Il engage dans les monts Petrella le Corps de montagne du général Guillaume qui pousse ses goumiers 17 d’un « Ziddou l’Gouddem ! » (« En avant ! ») qui deviendra son surnom. Il doit traverser les arrières de la 3e DIA, ce qui, dit Juin, l’aurait fait recaler à l’École de Guerre.

L’exploitation qui s’ensuit se déroule avec une grande souplesse. Pour faciliter la mobilité, Juin a fait créer par ses divisions trois groupements tactiques et un détachement blindé aux ordres de Guillaume, Bondis, Cherrière, Dodelier, ce qui leur permet d’entretenir l’avance en renforçant les bataillons de tête par n’importe quel pion disponible. La progression est si rapide que, sur la droite, les Britanniques prennent du retard et que Juin doit engager la 2e DIM derrière la 1ère DFL pour la flanc-garder.

Le 17 mai, les Polonais parviennent à s’emparer du mont Cassin qui leur avait coûté de lourdes pertes. Kesselring avait été contraint de donner à ses parachutistes l’ordre de se replier.

Sur la gauche du CEF, le 2e Corps américain réussit à faire sauter les verrous et avance le long de la côte. Il rencontre une résistance plus forte en approchant d’Anzio.

Le 21 mai, le Corps de montagne atteint la rocade Itri-Pico à l’extrémité nord du massif Petrella.Deux jours plus tard, la VIIIe Armée, qui était arrêtée face à la ligne Hitler, reprend l’offensive et le 1er Corps canadien s’empare de Pontecorvo, arrivant à la hauteur de la 1ère DFL.

Cette victoire a été obtenue au prix de rudes batailles de chars dans la vallée du Liri et de combats meurtriers sur les pitons du Petrella. Le retard de la VIIIe Armée permet à Kesselring de faire retraiter ses divisions en utilisant la route n° 6, qu’Alexander n’a pas permis à Juin de traverser, afin que la voie vers Rome reste libre pour les Anglais.

Quand le IIe Corps atteint Anzio, le VIe Corps lance une offensive en tenaille qui leur permet de percer une ligne allemande après de durs combats de rue dans Cisterna. La capitale est à proximité mais ce seront les goumiers de Guillaume qui seront les premiers à apercevoir les toits de la ville éternelle dans leurs jumelles.La mission du CEF fut alors de contourner par l’est la ville que les Allemands avait laissée libre. Juin avait donné son accord, estimant que les Américains méritaient bien l’honneur d’y pénétrer en tête des Alliés.Quand Clark fit son entrée, le 5 juin au matin, avec ses commandants de Corps d’armée, c’est Juin qu’il prit avec lui dans sa jeep en lui disant : « Sans vous, nous ne serions pas ici. »Le lendemain, apprenant le débarquement de Normandie, il comprit que l’annonce de sa victoire serait étouffée dans les médias, ce qui fut le cas.

Pour permettre à la VIIIe Armée de passer à l’est de Rome, la 1ère DFL dut forcer le passage d’un affluent du Liri à Tivoli, ce qui fut difficilement obtenu. Les Anglais purent alors prendre la poursuite en charge et le CEF fut mis au repos.Des permissions de la journée permirent à tous de faire une brève visite de Rome où le Pape recevait chaque jour les militaires des nations alliées. Au Vatican, dans la salle d’audience, les anglophones étaient placés à gauche, les francophones à droite mais on y voyait des turbans des deux côtés, ceux des Sikhs en face de ceux des Marocains.La ville, fléchée par notre circulation routière, comme Paris l’était alors par la Wehrmacht, donnait l’impression d’être une garnison française.Le 15 juin, la 2e DIM eut l’honneur de traverser Rome en défilant devant le général Juin qui se tenait place de Venise sous le balcon d’où Mussolini haranguait les foules. Sur tout le trajet, les Romains acclamèrent leur libérateur chaleureusement.

Après quelques jours de repos autour de Rome, le CEF alla relever le IIe Corps US à droite de la Ve Armée. Sa zone d’action est si étroite que Juin ne va engager en tête que deux divisions regroupées dans un Corps de poursuite sous les ordres du général de Larminat, la 3e DIA à gauche, la 1ère DFL à droite.Les parachutistes allemands et les panzergrenadiers 18 mènent un combat retardateur qui oblige nos unités à monter chaque jour une action de force pour faire sauter un bouchon et pouvoir reprendre le mouvement le lendemain.Le 20 juin, elles sont arrêtées par une position fortement tenue à la hauteur du lac de Trasimène. À gauche, la 3e DIA parvient à la contourner par la montagne, mais à droite, la 1ère DFL a le plus grand mal à repousser plusieurs contre-attaques des parachutistes, avant de s’en emparer.

17. – Les goumiers sont des montagnards, des berbères, des supplétifs de l’armée marocaine, largement dotés de mulets. Le corps de montagne comportait quatre divisions marocaines de montagne et trois groupes de tabors, équivalents à trois régiments d’infanterie de montagne, sans armes lourdes ni véhicules.18. – Le terme Panzergrenadier désigne à partir de 1942, l’infanterie spéciale de la Heer et de la Waffen-SS, chargée d’accompagner les chars de combat.

Page 11: LA CAMPAGNE d’ITALIE – 1943/1944 e s) 1 Maurice HENRY

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En prévision du débarquement de Provence, comme de Gaulle l’a exigé, les forces françaises d’Italie doivent être retirées du front. La 1ère DFL est relevée par la 2e DIM le 23 juin.L’opposition à notre avance reste vigoureuse jusqu’aux abords de Sienne. La ville a été déclarée « ville ouverte ». Pour la protéger, Juin avait prescrit à Monsabert d’éviter de bombarder les monuments historiques, ce qui se traduisit par l’ordre que celui-ci donna à son artillerie : « Défense de tirer en dessous du XVIIIe

siècle. »Le 2 juillet, les Allemands se retirent, les portes s’ouvrent à l’ouest devant la 3e DIA et à l’est devant la 2e DIM et, tandis que l’avance reprend, le 14 juillet, une prise d’armes se déroule sur la magnifique Piazza del Campo en présence de Clark et d’Alexander, sous les acclamations des Siennois.Le 16 juillet, l’ordre arrive de cesser les opérations. Le CEFI est relevé par la 1ère Division indienne et va stationner aux environs de Naples où il passe sous les ordres du général de Lattre.Le jour où Juin quitta son PC près de Sienne, c’est le commandant du théâtre d’opération, le field marshall Sir Alexander, qui vint le chercher. Il l’accompagna jusqu’à la porte de son avion puis alla se placer le long de la piste d’envol et au garde à vous, la main à la casquette, il salua pendant tout le décollage.

Ainsi se termina pour la France combattante la Campagne d’Italie. Un historien a pu donner pour titre à l’un de ses chapitres : « la victoire, une habitude pour le CEF. » Il est vrai que malgré le climat, le terrain, la dureté des combats, la grande valeur de l’adversaire, le CEF s’est toujours emparé de ses objectifs.La troupe était à 60 % constituée de Maghrébins, Algériens, Tunisiens, Marocains, parmi lesquels un lieutenant tunisien et un lieutenant algérien sont morts en criant : « Vive la France ! » Les cadres et les techniciens étaient en majorité des Européens, volontaires de la France libre, militaires de l’Armée d’Afrique, pieds noirs et « réfugiés » mobilisés de 18 à 45 ans, plus qu’en 1914/1918, Français de toutes sortes, évadés par l’Espagne.Tous ont gardé pour Juin une grande admiration et une réelle affection. Tous, nous avons laissé des camarades ou des parents morts pour la France sur la terre italienne.Le cimetière de Vena Fro, près de Cassino, rassemble 3 457 tombes, celui de Rome au monte Mario, 1518. Ils n’ont pas beaucoup de visiteurs, mais chaque année, le 11 mai, date de pèlerinage pour les anciens du CEFI, les Italiens sont nombreux à prendre part aux cérémonies qui s’y déroulent.La reconnaissance des Anglais pour le commandant du CEFI s’est manifestée quand le roi Georges VI fit du général Juin son Compagnon dans l’Ordre du Bain.

En France, Alphonse Juin, modeste fils de gendarme de Constantine, major de sa promotion de Saint-Cyr, fut élevé au Maréchalat en 1958. Il fut élu à l’Académie française en 1965.Chaque année, une messe est célébrée en sa mémoire le dernier dimanche de janvier, à Saint-Louis des Invalides, où il est inhumé dans le caveau des gouverneurs. Sur un pilier de la nef, une plaque en son souvenir lui donne le titre de « Vainqueur du Garigliano ».

Pour en savoir plus

Vous pourriez retrouver ces dossiers mis en ligne en 2004 par Jean-Pierre Husson sur le site « Histoire et mémoires » du CRDP de Champagne-Ardenne, à partir des images et des informations fournies par Marcel Weber :

– « Un vétéran du Corps expéditionnaire français en Italie, Marcel Weber »Engagé volontaire dans le 6e Régiment de tirailleurs marocains, intégré à la 4e Division marocaine de mon-tagne, Marcel Weber a participé à la Campagne d’Italie avant d’être engagé dans la libération de la France et la victoire finale contre les nazis en Allemagne et en Autriche.http://www.crdp-reims.fr/memoire/enseigner/memoire_resistance/weber_marcel.htm

– « 1944-2004 - Le 60e anniversaire de la Campagne d’Italie »Le Haut conseil de la mémoire combattante ayant retenu la Campagne d’Italie parmi les événements majeurs à commémorer en 2004, l’Association des anciens combattants du Corps expéditionnaire français en Italie (CEFI) a organisé un voyage pèlerinage en Italie auquel a participé Marcel Weber, vétéran rémois, avec 150 de ses camarades anciens combattants du CEFI. Ce pèlerinage a été marqué en particulier par deux cérémonies commémoratives :- à Rome le 11 mai devant le Monument aux morts de la Campagne d’Italie érigé sur le monte Mario et au palais Farnèse, résidence de l’Ambassadeur de France ;- au cimetière de Venafro, près de Cassino, le 12 mai.http://www.crdp-reims.fr/memoire/enseigner/memoire_resistance/italie.htm