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LES ACTES

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LES ACTES

Sommaire Ouverture .............................................................................................................................................. 4

Marie-Laure DE GUARDIA ................................................................................................................... 4 Présidente du GEPSo .......................................................................................................................

Claude VEISSE …………………………………………………………………………………………………………………………….5 Président du CNU et parent d’usager

Soutenir la parole des Usagers, un enjeu de la politique qualité des ESMS ............................................ 6 Véronique GHADI ............................................................................................................................... 6

Directrice de l’accompagnement médico-social à l’HAS

L’usager en secteur social et médico-social : du bénéficiaire au co- constructeur du service................ 12 Gaelle COSTIOU ................................................................................................................................ 12

Juriste en droit de la Santé ...............................................................................................................

Et chez nos voisins belges ? .................................................................................................................. 17 Hélène GEURTS ................................................................................................................................ 17

Doctorante Université de Mons ........................................................................................................

Genèse, mise en place et développement des CRU .............................................................................. 23 Jean BRIENS ..................................................................................................................................... 23

Ancien Président du GEPSo .............................................................................................................. Claude VEISSE .................................................................................................................................. 25

Président du CNU .............................................................................................................................

Co-construction dans le champ du handicap ........................................................................................ 26 Daniel COGUIC ................................................................................................................................. 26

Représentant GEPSo au sein du CNCPH ............................................................................................

Les ateliers du croisement des savoirs ................................................................................................. 31 Hervé LEFEUVRE ............................................................................................................................... 31

Responsable des ateliers de croisement des savoirs ......................................................................... Pauline MALLIER .............................................................................................................................. 34

Educatrice spécialisée CDE Henri Fréville clinicienne .........................................................................

Mise en place du RUPP ........................................................................................................................ 36 Christophe HOLDER .......................................................................................................................... 36

Formateur ........................................................................................................................................

OREPA, un outil d’auto-évaluation pour les jeunes de la protection de l’enfance ................................ 38 Véronique ROURE ............................................................................................................................ 38

Médecin psychiatre coordonateur ....................................................................................................

Clôture ................................................................................................................................................. 41 Marie-Laure DE GUARDIA ................................................................................................................. 41

Présidente du GEPSo ........................................................................................................................ Claude Veisse ................................................................................................................................... 41

Président du CNU……………………………………………………………………………………………………………………………..

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LES ACTES

Ouverture

Marie-Laure DE GUARDIA Présidente du GEPSo

Quelques mots pour saluer l’ensemble des participants à cette journée :

En tant que présidente du GEPSO, avec Claude VEISSE, nous souhaitons vous présenter notre association dans cette salle que nous commençons à bien connaitre, c’est maintenant la troisième fois que nous l’utilisons (présentation d’un travail sur les enfants de 0 à 3 ans en protection de l’enfance, journée sur la prise en charge des enfants en situation de handicap et en protection de l’enfance).

Cela traduit la diversité des actions qui sont menées par le GEPSo.

Le GEPSO est un groupe d’établissements publics sociaux et médico-sociaux qui œuvre dans le champ du handicap adulte et jeune, de la protection de l’enfance et des personnes âgées. Le GEPSO, c’est plus de 250 établissements sur l’ensemble du territoire et qui s’est donné comme priorité : se mettre au service des personnes accompagnées et des personnes en situation de vulnérabilité. C’est l’essentiel de notre action et de notre valeur et je crois pour avoir rencontré l’ensemble de nos adhérents et de nos professionnels que c’est ce qui leur donne la motivation au quotidien et c’est pourquoi il était indispensable pour nous d’organiser cette journée et de rendre plus visible ce travail que l’on fait au quotidien dans les établissements pour améliorer la prise en charge.

C’est la raison pour laquelle, je suis très contente d’être avec Claude VEISSE car je pense qu’il a été un moteur au niveau du GEPSo pour nous faire comprendre qu’il

fallait : écouter, se mettre à disposition des personnes que nous accompagnons si nous voulons vraiment avoir des résultats dans le travail que nous faisons au quotidien. Il n’est pas simple de faire une place aux personnes en situation de vulnérabilité ce pourquoi nous avons opté pour une méthode de terrain : présenter des expérimentations, valoriser des innovations mises en place dans chaque service dans chaque établissement de nos adhérents. C’est ainsi que nous pouvons apporter notre plus-value sur la prise en charge des usagers. Toutefois, nous sommes conscients que nous avons encore beaucoup à faire pour rendre réelle la prise en compte de cette place et de cette parole. Nous affirmons que ce sont les personnes en situation de vulnérabilité qui sont les mieux placées pour nous apprendre et nous faire comprendre leurs attentes, leurs besoins et leurs désirs. Cette première journée nationale est un début pour nous, pour montrer que des initiatives originales existent dans les structures et sur les territoires quel que soit le champ social d’intervention. Nous avons la chance d’accueillir aujourd’hui des personnes en situation de vulnérabilité dans les intervenants qui se présenteront mais également dans la salle. Certains diront peut-être qu’ils sont en trop petit nombre mais ils sont là et nous les saluons tout particulièrement. Nous avons également de nombreux professionnels qui s’ils sont présents aujourd’hui, croient que la question de la participation des personnes accompagnées est une priorité pour améliorer et rendre plus efficace notre engagement et notre travail. Merci pour votre présence.

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Je voulais également vous inviter à prendre notre dernier exemplaire « info public » sur les cadres intermédiaires. Vous pourrez également trouver sur le site internet du GEPSo de nombreuses actualités, les

prochains colloques (assises du handicap, assises de la protection de l’enfance…).

N’hésitez pas à faire circuler.

Claude VEISSE, Président du CNU et parent d’usager

Bonjour à toutes et à tous, Merci à Madame la présidente. Je remercie particulièrement le GEPSo et son organisation qui a comme priorité la valorisation et la participation citoyenne des personnes accueillies dans les établissements sociaux et médico-sociaux. On entend par là, les usagers, terme que je n’aime pas. C’est navrant, toutefois, il s’agit du terme National retenu. « L’usager » peut s’apparenter à « a déjà servi » ce qui ne me plait pas du tout. Excusez cette parenthèse. Pourquoi ma présence ? Ce n’est pas un hasard, je suis papa d’un enfant handicapé qui a 42 ans et atteint d’une maladie orpheline. Lorsque le diagnostic a été posé, il y a 15 ans, nous avons appris qu’il était le 7ème dans le monde à avoir cette maladie. Cela fait donc 42 ans que je suis quotidiennement avec un usager. J’aimerais dire aux professionnels qui sont venus avec des usagers, aujourd’hui, qu’ils ont un sacré mérite. Merci et félicitations à vous d’avoir choisi de faire carrière dans le champ handicap, de la personne âgée ou de la protection de l’enfance. Mon objectif est de tirer vers le haut tous les usagers en utilisant tous les moyens notamment leurs paroles, leurs témoignages, la communication. Le GEPSo m’a confié une mission à laquelle je m’attèle depuis maintenant quelques années : démultiplier l’instance du Comité régional des Usagers (CRU) qui a débutée

dans le Grand Est. Dans cette instance, nous avons contribué à ce que l’usager s’exprime le plus possible. Certains considèrent qu’il s’agit d’un grand

CVS, toutefois je tiens à préciser que nous ne faisons pas de concurrence à ce qui est déjà mis en place, nous venons simplement compléter. L’avantage de cette instance est qu’elle est dénuée de hiérarchie et de jugement. C’est ainsi que l’on s’aperçoit que les langues se délient plus facilement sur des sujets très difficiles tels que la vie sexuelle et affective. Je vous remercie d’être nombreux aujourd’hui et j’aimerais qu’un jour le GEPSo puisse réunir les usagers avec les professionnels. Je vous souhaite à toutes et à tous la bienvenue, dans cette première édition et je vous remercie de m’avoir écouté. Au programme de cette journée : A la fois des interventions, qui nous amèneront un regard historique, sociologique et comparatif sur la participation et des expériences concrètes au sein de nos établissements. Un changement sur le programme est à noter, Mme LEROY-HATALA a annulé sa participation. Elle ne sera pas remplacée, cette journée étant consacrée à la participation, le choix a été fait de consacrer plus de temps aux échanges. Tout au long de la journée, nous aurons comme fil rouge quelques extraits du film PATIENTS, réalisé par Grand Corps Malade et Mehdi IDIR. Ce film de 2017, selon nous, questionne sur la place, la parole, la participation de l’usager dans son quotidien dans les établissements.

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Soutenir la parole des Usagers, un enjeu de la politique qualité des ESMS

Véronique GHADI, Directrice de l’accompagnement médico-social à l’HAS

Bonjour à tous. Je vous remercie de cette invitation sur un sujet qui me tient fortement à cœur et sur lequel je travaille depuis à peu près 20 ans : la question de la place dans le système de santé dans sa globalité, de soutenir la parole des usagers comme étant un enjeu de la qualité. Quand on démarre sur un sujet, il faut toujours repartir sur le vocabulaire, le sens des mots et donc de repartir sur « qu’est-ce que c’est la qualité ? » pour comprendre en quoi la parole des usagers est un enjeu. Si l’on revient sur les fondamentaux de la qualité de manière transversale tel que cela a pu être porté par des organisations telles qu’AFNOR, un service de qualité est un service dont les caractéristiques lui permettent de satisfaire les besoins exprimés ou implicites des consommateurs. Nous, on ne parle pas de consommateurs, on parle de personnes accompagnées. Mais ce qui fait le cœur de la qualité, c’est bien de repartir des besoins et des attentes des personnes que l’on accompagne. Et pour connaître ces besoins et ces attentes, il faut déjà commencer par pouvoir leur donner la parole. Ce grand mouvement de l’amélioration continue de la qualité et de management de la qualité est défini par un certain nombre de principes de la qualité : l’orientation sur les personnes en fait partie, c’est même l’un des tous premiers.

Si je continue mon raisonnement : « qu’est-ce que la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux ? ». On n’a pas de définition officielle et pour autant, quand on s’intéresse aux travaux qui sont menés, quand on s’intéresse aux textes législatifs qui ont porté la question de l’évaluation de la qualité, on retrouve un certain nombre de dimensions qui sont partagées sur l’ensemble de ces champs :

• La promotion de l’autonomie et de la qualité de vie, le maintien du lien social

• La protection et la prévention des risques liés aux situations de vulnérabilité

• L’effectivité des droits

• L’accès aux soins et la promotion de la santé

Dans ces dimensions, ne serait-ce que dans la question de la promotion de l’autonomie ou de l’effectivité des droits, d’emblée on voit que cela place l’usager dans une position d’acteur et non pas d’objet d’un accompagnement. Dans les derniers travaux du dernier Conseil du Travail Social sur la définition du travail social, les termes qui reviennent sont les termes d’émancipation, d’accès à l’autonomie, de participation citoyenne, de développement du pouvoir d’agir des personnes. Autrement dit, la question de la participation des usagers c’est finalement l’objectif du travail social, l’objectif des professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux. C’est l’objectif mais c’est aussi le moyen d’atteindre cet objectif. On ne peut pas avoir comme objectif la participation des personnes, sans justement associer les personnes à ce processus.

Deux enjeux qui sous-tendent ce raisonnement :

• Un enjeu éthique. Je vous recite cette phrase qui est aujourd’hui toujours mise en avant mais qui est bien révélatrice du raisonnement « Tout ce qui est fait pour moi est contre moi ». Lorsque l’on accompagne les personnes contre leur volonté, il y a un principe éthique qui n’est pas respecté.

• Un principe éthique ne mobilise pas toujours, il est aussi extrêmement important de rappeler que c’est un principe d’efficacité. C’est vrai dans le champ social, dans le champ médico-social, c’est vrai dans

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le champ sanitaire. C’est vrai partout : c’est vrai dans le champ de la scolarité. Un enfant qui ne veut pas travailler, vous lui proposez un projet éducatif ; s’il n’est pas acteur de son projet éducatif, il ne sera pas en situation d’apprentissage. Ce fondement d’efficacité est vrai dès que l’on est en lien avec l’être humain. On ne peut pas faire le bonheur des gens contre eux-mêmes. Pouvoir recueillir leur participation, leur engagement dans leur propre projet à la fois individuel et collectif, c’est une véritable condition d’efficacité.

Une fois ce cadre-là posé, on en arrive au moment le plus compliqué, celui de la mise en œuvre. Le constat dont on est parti dans les années 90, c’est que la parole des usagers en règle générale et la parole des plus vulnérables en particulier étaient ignorées dans la construction du système et dans le fonctionnement de nos organisations. En ce qui nous concerne, la loi du 2 janvier 2002 est une loi fondatrice sur la question de la participation des usagers. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a eu dans cette même année, d’autres lois qui sont venues porter la participation citoyenne dans les territoires et la participation des usagers dans le champ de la santé. C’était bien un mouvement général qui portait ce sujet-là. Ce qui est intéressant également à noter, c’est que ce soit pour la loi du 2 janvier 2002 comme pour la loi du 4 mars 2002 qui concerne le système de santé, ce sont des lois qui ont à la fois porté la question de la participation des usagers mais également de la qualité et de l’évaluation de la qualité du service rendu. Autrement dit, on voit bien que cela entre en résonnance, cette question de qualité et de participation.

De fait, un certain nombre de droits ont contraint les professionnels à s’engager sur la voie de la collaboration avec les usagers. Cet engagement des professionnels sur le sujet a conduit à un certain nombre

d’expériences qui ont plus ou moins réussi et aujourd’hui, on peut dire que l’on est au milieu du gué parce que cette question de la participation ne se décrète pas, elle se construit dans la temporalité, tout au long des parcours et dans tous les actes ou toutes les actions que l’on est amené à produire. Mais ce n’est pas simple parce que le schéma professionnel n’est pas construit pour recueillir la parole des usagers et pour construire la collaboration. Un certain nombre d’enseignements de ces expériences de participation sont systématiques : le premier c’est que cela prend du temps. Travailler avec les usagers, cela demande de ralentir notre manière de faire, de ralentir la construction des projets pour pouvoir intégrer une logique qui n’est pas la logique des professionnels. Cela, c’est le deuxième enseignement. J’ai beaucoup entendu les professionnels dire « c’est très bien de travailler avec les usagers mais ils nous ont dit des choses et on ne sait pas quoi en faire ». Ils ne savent pas quoi en faire parce que cette contribution est profondément différente de ce que produisent les professionnels. Cela veut dire qu’à un moment, on s’arrête pour être en capacité d’accueillir une parole différente, éventuellement de reconstruire intégralement des projets qu’on avait imaginé comme étant performants mais qui ne laissaient aucune place à une contribution de nature différente. Pour pouvoir avoir cette contribution de nature différente qui prend sa place, il faut légitimer la parole des usagers. Certains la prennent et se battent pour la prendre mais elle n’est pas forcément reconnue par les professionnels. Il y a beaucoup de lieux, beaucoup de contextes, beaucoup de circonstances où la parole des usagers est niée avant même d’exister. Et du coup les usagers se taisent, ne prennent pas la parole. Après on dit « on les a invités mais en fait, ils ne disent rien, ils contribuent peu ». Peut-être mais est-ce que vous avez été en capacité de faire que les circonstances rendent cette parole audible et utilisable

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par tous et que l’usager se sente sécurisé pour prendre la parole. Cette légitimation de la parole passe par un rééquilibrage des forces. On est sur des relations de pouvoir même s’il y a une bonne volonté des professionnels, la relation entre un usager et un professionnel est déséquilibrée à l’origine. Il faut donc rééquilibrer, pas seulement en accueillant un usager dans une réunion de travail où on lui demande son avis, c’est penser l’équilibre des présences. Pour travailler sur un projet, c’est moitié usagers, moitié professionnels. C’est aussi pouvoir, sur certains projets, donner un budget c’est-à-dire donner financièrement aux usagers les moyens d’un projet. La participation et la reconnaissance des usagers passent par des éléments aussi concrets que cela.

Le dernier point sur la question de la mise en œuvre, c’est qu’il y a une responsabilité des professionnels et des institutions. J’entends souvent du côté des usagers ou des associations dire « on nous donne pas le pouvoir, on le prend ». La responsabilité des institutions est d’offrir le cadre sécurisant pour les usagers et pour les professionnels. J’insiste sur le fait qu’il faut accompagner les professionnels dans cette collaboration parce que cela vient réinterroger l’identité des professionnels et ce n’est pas simple à vivre, à accepter. Il ne s’agit pas seulement de déconstruire une identité sans que l’identité d’après soit elle-même construite. Si on déstabilise les professionnels sans les accompagner, les portes se referment et nous n’aurons pas atteint notre objectif de participation. Sécuriser, cela passe par construire des espaces de réflexivité sur les pratiques. Ces espaces existent beaucoup dans le champ social et médico-social mais pas dans tous les établissements. Plus dans le champ social que médico-social, dans les EHPAD par exemple, il n’y a pas ces espaces où on réfléchit en équipe et avec les personnes elles-mêmes. Et puis, il faut expérimenter. On dit souvent qu’il faut former. La formation ouvre des portes mais ce qui transforme profondément les

pratiques c’est l’expérimentation. Quand on expérimente, que ça marche et que c’est plus utile pour soi, on a plus de chances de pérenniser de nouvelles pratiques et de nouvelles organisations.

Une fois que l’on a fait ce constat, il faut poursuivre l’investissement. En France, il y a eu une première étape basée sur la réaffirmation des droits et aujourd’hui, on entre dans une nouvelle étape sur la question du partenariat. C’est-à-dire construire avec les personnes. Il faut continuer d’agir à un niveau individuel, continuer de construire le projet personnel des usagers avec eux-mêmes mais il faut arriver à renforcer aussi l’action au niveau collectif. Les usagers individuellement pourront être plus en capacité de construire leur propre projet s’il existe une dynamique collective qui porte la parole des usagers et qui autorise de fait des demandes de nature différente. Il faut penser les espaces tiers : ce qui permet la fluidité de la construction c’est de faire rentrer l’extérieur à l’intérieur et de faire sortir l’intérieur à l’extérieur. Les associations des citoyens doivent rentrer dans les établissements parce qu’ils proposent un regard différent et qu’ils aident à décaler les uns et les autres. Bien entendu faire sortir les personnes que l’on accompagne pour les intégrer dans le territoire, c’est toute la politique d’inclusion qui est fondamentale si l’on veut aller vers ce rééquilibrage des positions et penser la médiation. La participation créé aussi des conflits donc il faut des espaces de médiation.

Des outils ont été prévus, le conseil de vie sociale par exemple a été pensé comme un outil de participation collective des usagers dans les établissements mais cela ne suffit pas. Effectivement, M. Veisse, je suis d’accord avec vous : les comités régionaux ou les comités nationaux ne rentrent pas en concurrence avec les conseils de vie sociale. Quel que soit l’endroit où ça se met en place, il n’y a pas de concurrence. Il faut multiplier les portes d’entrée, les niveaux

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de participation et les modalités de participation. Vous avez un conseil de la vie sociale, c’est très bien mais qu’est-ce que vous faites à côté pour des projets ad hoc, comment vous pensez au quotidien la participation ? A ce niveau-là, il y a la piste de la pair-aidance qui se développe de plus en plus et qui est un vrai facteur de transformation culturelle des représentations et des pratiques professionnelles.

La place des usagers ne se joue pas uniquement dans l’accompagnement, elle doit se penser au niveau du système, des politiques publiques mais aussi dans la recherche, l’évaluation de l’action publique et dans la formation de tous les professionnels. Je vous invite, si ce n’est déjà fait, à prendre connaissance d’une démarche qui a été initiée par des acteurs de terrain en se posant la question « c’est quoi finalement la place des usagers dans la formation ? ». C’est une démarche à laquelle j’ai participé, on l’a démarré il y a trois/quatre ans en se disant qu’il faut faire participer les usagers dans la formation des professionnels. C’est une démarche nationale qui est portée par un grand nombre d’institutions y compris par la ministre de la santé et qui est complétement transversale au sanitaire, au social et au médico-social, qui pose cette question de la reconnaissance de l’usager comme formateur des professionnels. Il y a un texte qui circule et sur lequel on demande aux personnes de s’engager mais sur lequel nous continuons nos travaux pour pouvoir outiller la démarche d’intégration des usagers dans la formation.

Je vais conclure sur « Et la Haute Autorité dans tout cela ? ». La Haute Autorité a réalisé qu’il y avait un intérêt à travailler avec les usagers, elle a essayé de formaliser un peu la participation des usagers mais elle n’a pas totalement transformé ses pratiques professionnelles. Elle a vu toutes

les limites qu’il y avait à la collaboration avec les usagers et à un moment donné, elle s’est dit qu’il fallait aller plus loin. Et aujourd’hui la question de l’engagement des usagers dans le champ sanitaire, social et médico-social est un des axes de notre plan stratégique. Très concrètement et à court terme, cela va se traduire par lancer un conseil de l’engagement qui sera constitué pour moitié de représentants d’usagers et pour moitié de professionnels ayant un engagement sur ce sujet-là avec comme mission de porter cette question au sein de l’ensemble des productions de la HAS, de pouvoir être contributif sur nos travaux pour pouvoir bouger le curseur et être force de propositions sur des productions à destination de l’ensemble des usagers et avec un pouvoir d’alerte du collège de la Haute Autorité s’il estime que nos manières de faire ne permettent pas d’atteindre cet objectif d’engagement des personnes.

La deuxième action concrète immédiate repose sur des travaux pour produire une recommandation générale sur l’engagement des usagers avec l’idée de pouvoir repérer non seulement des principes politiques mais plus précisément des principes méthodologiques. Qu’est-ce que cela veut dire de construire le partenariat avec les usagers, pour s’appliquer à nous-mêmes mais aussi à l’ensemble des institutions sanitaires, sociales et médico-sociales pour qu’effectivement elles puissent elles-mêmes s’engager dans cette voie.

Plus précisément pour le champ social et médico-social, et donc pour la direction que j’anime, c’était déjà un sujet qui existait et il y a eu des productions de l’ANESM sur le projet personnalisé donc c’est un sujet qui était déjà très présent et sur lequel nous allons poursuivre la réflexion notamment en veillant à ce que cette question de la personne actrice de son parcours soit bien présente dans l’ensemble de nos productions. Il y a une porte ouverte

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aujourd’hui : avoir des productions destinées directement pour les publics accueillis dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Le chantier qui s’ouvre pour nous est l’évaluation de la qualité avec deux dimensions : la révision du dispositif d’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux sur laquelle nous souhaitons avoir une entière responsabilité, cela nous permettra de porter l’engagement des usagers à la fois dans le référentiel que l’on sera amené à produire pour évaluer les établissements mais aussi dans nos méthodes d’évaluation c’est-à-dire considérer que le point de vue des personnes accompagnées c’est l’un des moyens de porter un regard sur la qualité donc comment est-ce que nous-mêmes allons être en capacité d’organiser le recueil du point de vue des personnes sur leur accompagnement. Une deuxième dimension sur laquelle nous sommes missionnés à la fois par Madame Buzyn et

par Madame Cluzel, c’est la mise en place d’enquêtes de satisfaction d’abord dans les EHPAD et les établissements et services du champ du handicap. Nous sommes en cours de réflexion mais notre enjeu premier est de recueillir le point de vue des personnes directement concernées. Mais il y a un certain nombre de ces publics qui présentent des troubles cognitifs, des troubles de la parole donc ce qui a pu être facilement fait par des questionnaires envoyés par internet dans le champ sanitaire ne va pas être possible dans le champ qui nous préoccupe. Donc nous avons toute une réflexion sur les modalités les plus adaptées pour recueillir ce point de vue, ceci étant dans un cadre financier contraint puisqu’il n’est pas non plus question d’aller puiser sans limite dans le financement public pour faire ces enquêtes. Il faut trouver des modalités respectueuses de l’intérêt collectif et en même temps qui recueillent le point de vue des personnes.

Echanges avec la salle :

Bonjour, Sophie Benoît d’un IME dans les Deux-Sèvres avec un public de jeunes de 5 à 20 ans. Notre préoccupation est celle de la place de ces jeunes et des familles dans les différents dispositifs mais malgré les moyens que nous mettons en place pour intégrer les familles et les jeunes dans leur projet, il est difficile pour la plupart des familles de venir et j’aimerais savoir quels seraient les outils ou les actions que nous pourrions améliorer car nous faisons des enquêtes de satisfaction pour savoir quelles thématiques traiter avec eux et des tables rondes, etc mais c’est très difficile de faire venir les familles vers nous. Nous sommes aussi dans un territoire rural.

Mme GHADI : Je n’ai pas de solution toute faite. Vous avez bien compris, on a cheminé nous-mêmes, on a essayé des choses qui ont marché, qui n’ont pas marché et on en essaye d’autres. Je ne vais pas me mettre donneur de leçons parce que je mesure la difficulté pour avoir travaillé avec des usagers où l’on part sur un chemin et finalement ils nous emmènent sur un chemin complétement différent de ce qu’on avait imaginé. Identifier des projets extrêmement concrets ; la collaboration s’apprend et ne pas se dire que d’emblée on va les impliquer dans tout donc peut-être identifier un projet modeste sur lequel démarrer. Ne pas imaginer que vous embarquerez tous les parents parce que certains n’auront jamais envie de participer et c’est aussi leur liberté mais repérer au sein des parents un ou deux alliés qui ont envie de faire et d’avancer et qui peuvent être un relai plus accessible pour les autres parents. Le côté festif peut-être une première porte d’entrée mais ça vous avez déjà dû l’utiliser. Pour certains parents, ceux qui sont à distance, les réseaux sociaux peuvent permettre de développer leur participation, ce sont des moyens d’engager des discussions. Il faut vraiment essayer d’ouvrir toutes les portes pour

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favoriser cette participation. Il faut penser aux alliés parmi eux, c’est là que la question de la pair-aidance est fondamentale. Pour les usagers ou les proches les plus éloignés, d’avoir un pair qui vient échanger avec eux, cela fait que le système se rapproche et la distance n’est plus aussi grande qu’elle ne paraît au démarrage.

Bonjour, Jeanine Dreina, Directrice du Foyer Départemental de l’Enfance de la Savoie à Chambéry. On parle beaucoup des usagers, du handicap et des EHPAD où on a l’impression que c’est plus facile mais on n’en parle pas

dans la protection de l’enfance. Quand vous avez parlé d’enquêtes de satisfaction, vous avez fait référence au handicap et aux EHPAD et pas du tout au secteur de la protection de l’enfance.

Mme GHADI : Je vais dire pourquoi, simplement parce que pour l’instant ce sont les deux demandes qui nous ont été faites par les ministres et c’est déjà un chantier gigantesque de pouvoir mettre une démarche nationale sur le sujet. Mais ne croyez pas que ce n’est pas un sujet pour nous et d’ailleurs Catherine, responsable de la mission protection de l’enfance, démarre une réflexion sur comment engager les enfants dans les établissements de la protection de l’enfance. Elle vient de terminer une enquête, auprès des établissements de la protection de l’enfance, qui va être publiée début janvier et dont l’un des enseignements c’est que lorsque l’on parle de participation des enfants dans ces établissements les professionnels répondent « participation à la vie quotidienne ». Par contre, la question de la participation à l’organisation même de l’établissement et au choix des activités est beaucoup plus faible. C’est une thématique qu’il va nous falloir aborder. Il est bien prévu dans nos réflexions de poser la question comment engager les parents d’un côté et les enfants de l’autre pour leur participation à nos travaux mais également comment porter cette question dans les établissements de la protection de l’enfance.

Je ne vais pas prendre trop de temps mais c’est un sujet qui est passionnant, qui est déroutant et qui fait toujours un peu mal quand on a longtemps travaillé sur la parole et la participation notamment des enfants. En protection de l’enfance, tout le monde est submergé, on nie déjà leur parole au prétexte qu’ils n’auraient peut-être pas de discernement ou qu’ils vont peut-être un peu trop souffrir. On pense à la place de. Il y a quelque chose qu’il faut travailler, ce n’est pas simple et on peut comprendre aussi la résistance ou les difficultés des professionnels à ne pas vouloir ou à vouloir faire très attention. Pour revenir sur l’observation de la personne qui est en IME, avec les parents qui ne viennent pas, ce sont aussi des parents qui disent que les professionnels ne sont pas accessibles, qui sont trop loin donc il y a des représentations ou des réalités existantes qu’il faudra dans ce numérique qui est aussi aujourd’hui un moyen de communication, qu’on avance sur ces questions-là.

Joëlle Rubera, directrice dans le champ du Handicap aujourd’hui et anciennement dans le champ de la protection de l’enfance. J’ai envie de dire qu’on n’a pas cette question à se poser puisque les jeunes qui sont dans la protection de l’enfance sont aussi souvent dans le champ du handicap et deviennent souvent des usagers de nos établissements du secteur adulte et comme ils avancent en âge deviennent aussi des usagers du secteur des personnes âgées. Donc c’est important que dès le démarrage, on introduise cette question-là qui est plus celle de la minorité et de la majorité qui va être travaillée avec la place des familles et de l’environnement mais il faut garder cette réflexion partagée d’autant que nos établissements publics accueillent beaucoup de situations de vulnérabilité sociale tant du côté des familles que du côté des jeunes.

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Mme GHADI : Typiquement sur les sujets sur lesquels nous sommes, il faut bien identifier la parole de la personne directement concernée : l’enfant dans la protection de l’enfance ou dans le champ du handicap, la personne âgée en EHPAD, l’adulte en situation de handicap. Mais la question du travail avec les proches, avec les familles est aussi importante. Sur les enquêtes de satisfaction, on envisage immédiatement ou à terme, d’avoir deux enquêtes, une pour les personnes et une pour les proches parce qu’on pense que ce sont deux paroles différentes mais deux paroles fondamentales pour avancer sur ce sujet.

L’usager en secteur social et médico-social : du bénéficiaire au co- constructeur du service

Gaelle COSTIOU

Juriste en Droit de la Santé

Le Introduction : qu’est-ce qu’un usager ?

• Un terme ancien :

L’utilisation du terme usager n’est pas réservée aux secteurs social et médico-social.

Le terme usager est un terme ancien, son usage remonte à des ordonnances royales du 14ème siècle. A cette époque, l’usager est celui qui a le droit d’usage. Il s’agissait donc déjà d’un terme juridique rattaché à l’exercice de droits.

• Un terme rattaché à la notion de service public dès le 19ème siècle

Au 19ème siècle le terme va progressivement se rattacher à la notion de service public qui émerge à cette époque. A cette époque, l’usager est la personne qui a recours à un service, en particulier un service public ou qui emprunte le domaine public. L’usager est donc devenu celui qui fait usage d’un service d’intérêt général assuré ou assumé par la personne publique. Le service public étant alors, la réponse apportée à des besoins individuels auxquels l’intérêt général exigerait d’apporter une réponse collective.

• Construction doctrinale et jurisprudentielle du statut de l’usager

La loi n’a pas donné de définition de cette notion d’usager, pas plus qu’elle n‘a défini ce que voulait dire faire usage du service ce sont donc les juges, la jurisprudence qui ont participé à la construction de cette notion en la rattachant étroitement à la notion de service public.

Dans le cadre du service public, la qualité d’usager impliquait, initialement, l’absence de pouvoir d’action sur les conditions de sa prise en charge par le service. Contrairement au client ou au consommateur, l’usager d’un service public était placé en situation légale et réglementaire, il n’était pas placé dans une situation contractuelle et il ne pouvait pas négocier les conditions de sa prise en charge, ces conditions étant prévues par des textes.

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LES ACTES

En échange de ces contraintes, le droit a reconnu progressivement, plusieurs droits aux usagers :

- droit à un service conforme aux exigences de l’intérêt général qui se traduisait l’obligation de respecter les lois de Roland : l’égalité de tous face aux services ;

- droit de contester les décisions relatives au service public ;

- droit d’engager la responsabilité du service public ;

- droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration (2000).

La notion d’usager a progressivement dépassé le cadre strict du service public administratif, mis en œuvre par une personne publique. En effet, au cours du 20ème siècle, de nombreuses activités d’intérêt général ont été confiées à des personnes privés. Il n’en reste pas moins que celui qui fait usage d’un service public, quelle que soit la personne qui le mette en œuvre (même s’il s’agit d’une personne privée), demeure un usager au sens juridique du terme et se voit reconnaitre, les droits associés à cette qualification.

• Évolution de la conception de l’usager dans les lois relatives à l’action sociale et médico-sociale

L’usage est la rencontre d’un besoin plus ou moins impérieux et d’un service plus ou moins exigible (Michel CHAUVIERE), il ne fait pas de doute que celui qui présente une vulnérabilité particulière fait usage du service qui l’accompagne et qui lui apporte les prestations requises par sa situation. Une véritable évolution de la conception de l’usager dans le secteur social et médico-social.

Dans un premier temps, le secteur médico-social est demeuré hermétique à cette notion. Avant 1975 l’usager est cantonné au rôle de bénéficiaire de l’action sociale. Depuis le début des années 2000, en particulier depuis la loi du 2/01/2002, la conception législative de l’usager des services sociaux et médico-sociaux a fortement évolué vers une conception à la fois plus individualiste mais aussi plus active. Désormais, l’usager est titulaire de droits, il devient acteur de sa prise en charge et de son accompagnement.

1. L’émergence progressive de l’usager, en tant que bénéficiaire d’un service, en secteur social et médico-social

Liée à l’action directe de la puissance publique pour mettre en œuvre, une mission d’intérêt général. Or pendant longtemps, ce fut le cas d’ailleurs en matière sanitaire, l’état s’est peu investit dans l’action sociale et médico-sociale par conséquent ces activités ne relevaient pas du service public mais plutôt des œuvres de bienfaisances d’initiatives privées. La notion d’usager n’avait pas sa place dans la relation entre ces personnes aidées et les institutions qui œuvraient en leurs faveurs. La personne aidée, n’était pas un usager titulaire de droits, il s’agissait d’une personne vulnérable voire d’un indigent parfois à laquelle on assurait la charité. La situation va évoluer au cours du 20ème siècle avec le développement d’une prise en charge plus professionnelle. L’usager va être progressivement assimilé à un administré, un bénéficiaire. L’émergence de la notion d’usager bénéficiaire d’interventions sociales :

o Loi n°75-534 d’orientation en faveur des personnes handicapées (30/06/1975)

o Loi n° 75 -535 relative aux institutions sociales et médico-sociales (30/06/1975)

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LES ACTES

La première de ces lois, fait de la prévention, des dépistages des handicaps, des soins, de l’éducation, de la formation et de l’orientation professionnelle, de l’emploi et de la garantie d’un minimum de ressource, de l’intégration sociale, de l’accès au sport et aux loisirs des personnes handicapées des obligations Nationales.

La mise en œuvre de cette mission au service de l’autonomie des personnes en situation de handicap, repose non seulement sur les familles mais aussi sur l’État, les collectivités locales, les établissements publics, les organismes de sécurité sociale les associations…

Il s’agit bien là, de la reconnaissance d’une mission d’intérêt général qui justifie la mise en œuvre d’un service public. Toutefois, si cette loi organise l’intervention de l’État en faveur des personnes en situation de handicap, ces dernières ne sont considérées dans le texte qu’en qualité de bénéficiaire passif des prestations ou des aides instituées. Lorsqu’il s’agit de reconnaitre un droit au travail, le droit à une garantie minimum de ressources ou le droit à l’intégration scolaire, les dispositions législatives se cantonnent à énoncer des obligations. Le législateur ne raisonne pas encore en termes de droits pour les personnes accompagnées. A ce stade, il s’agit donc de développer une politique de service public au profit d’une catégorie d’usager.

La seconde de ces lois organise la mise en œuvre du service public, en matière sociale et médico-sociale à travers les institutions qui sont chargées de ces missions. Dans ce texte, le législateur évoque la notion de catégorie de bénéficiaires. Cette formule révèle le peu de place qui est donnée par le législateur à l’usager en tant qu’individu. Le texte se place résolument dans une logique collective. Il s’agit d’administrer l’action sociale et médico-sociale à un groupe par le biais d’institutions.

Néanmoins en 1975, on voit apparaitre le terme d’usager dans la loi. La loi mentionne à plusieurs reprises, le terme d’usager (exemple : article 14).

2. Lois 2002-2 et suivantes : l’usager titulaire de droits

• Changement de logique :

Reconnaissance de l’usager en tant que titulaire de droits et mise en place d’outils pour permettre la mise en œuvre de ces droits. L’usager doit être au cœur du projet d’établissement et du service. L’apport principal de la loi du 2 janvier 2002 est de passer d’une approche passive à une relation d’accompagnant dans laquelle l’individu trouve une place active. Il devient un acteur autonome, titulaire de droits et de libertés, il n’est plus l’objet du service mais le sujet actif qui bénéficie du service.

Cette conception active de l’usager se trouve dans d’autres lois : loi de février 2005, loi d’adaptation de la société au vieillissement (2015). Par ailleurs la loi de 2002 ne vise plus à répondre aux besoins des groupes d’usagers mais de répondre aux besoins de chaque usager de manière adaptée. Désormais les lois consacrent la personne accompagnée comme un citoyen acteur de la démocratie sanitaire disposant de droits individuels et collectifs.

Les droits individuels :

La loi de 2002 reconnait la personne accompagnée comme titulaire de droit. Elle affirme l’individualité de l’usager. Cela se traduit par l’affirmation de droits spécifiques des usagers de l’action sociale et médico-sociale qui sont une déclinaison de l’émergence des droits de l’Homme.

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LES ACTES

Droits reconnus :

• Droit au respect de la dignité, de l’intégrité, vie privée, à l’intimité, de la sécurité, droit aux prestations adaptées…

La reconnaissance s’accompagne de la mise en œuvre d’outils afin que les usagers s’approprient ces droits et de les faire valoir. Le CASF prévoit l’adoption de la charte des droits et des libertés des personnes accueillies. Cette charte doit permettre une appropriation des droits, elle doit être affichée et expliquée aux usagers. Les personnes accueillies doivent recevoir un livret d’accueil ainsi qu’un règlement de fonctionnement de l’institution. Les personnes peuvent également faire appel à une personne qualifiée.

La loi du 11/02/05 a également renforcé l’autonomie de la personne notamment par la reconnaissance d’un droit à nommer un aidant naturel.

Les droits collectifs :

La loi 2002 n’a pas inventé la démocratie participative. Dès la loi du 3 janvier 75, les usagers sont déjà présents au conseil d’administration. Toutefois, il faut attendre 2002 pour parler de droits collectifs. Ces droits qui s’inscrivent dans une démarche de démocratie participative.

Les établissements et les services accueillant des personnes de plus de 11 ans doivent organiser la participation collective : CVS ou groupe de participation. Au sein du CVS, les représentants des usagers et des familles sont fortement représentés. Il s’agit d’un lieu de libération de la parole à condition qu’il soit investi par les usagers et l’établissement. Dans les faits, les institutions manquent parfois de moyens de fonctionnement et elles ont parfois des difficultés à recruter des usagers au sein de ces commissions.

3. Lois 2002-2 et suivantes : l’usager co-constructeur du service

C’est ici le principe de la participation visant à adapter les services et les structures aux besoins de l’usager. L’usager participe à la conception et la mise en œuvre de son accompagnement (conception du projet d’accueil et d’accompagnement). L’expression des besoins par l’usager guide la mise en place de l’accompagnement, cela implique de prendre le temps pour que la personne exprime sa volonté.

Cette construction active se traduit par la contractualisation entre la personne accueillie et l’établissement : le contrat de séjour. Le contrat s’accompagne d’un projet personnalisé qui sera régulièrement révisé.

L’usager est également le co-constructeur de l’organisation du service. La représentation se fait également hors des murs de l’établissements dans les instances/institutions : le conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie et la CRSA.

L’usager co-évaluateur du service

Initialement les établissements étaient tenus de réaliser une auto-évaluation sur la base de recommandations de bonnes pratiques. Désormais c’est l’HAS qui en a la charge. Cette démarche doit impliquer les usagers à toutes les étapes de l’évaluation (questionnaire de satisfaction…). Cette évaluation débouche sur un plan d’amélioration continue de la qualité.

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LES ACTES

Conclusions :

Attention à quelques écueils :

• Assimilation de l’usager au consommateur

• La judiciarisation des relations liée à la contractualisation : le contrat n’est pas toujours l’acte de volonté librement consenti

• Limite de la participation : une implication volontaire, il ne peut pas y avoir d’injonction à participer

• Représentation représentative des usagers ? les usagers, les moins vulnérables ?

Echanges avec la salle :

Véronique GHADI, Directrice de l’accompagnement médico-social à l’HAS : On peut limiter les dérives du consumérisme si on rentre dans une vision politique et ne pas être que sur le respect du droit individuel.

Sophie BOLAIR, psychologue dans un centre maternel : En évoquant la loi de février 2005, Dans le centre dans lequel je travaille les personnes sont accompagnées par un référent. Toutefois, parfois les personnes souhaitent changer de référent Vous avez parlé de la loi de février 2005, j’aimerais savoir ce que dit la loi à ce sujet ?

Gaëlle COSTIOU : La loi ne donne pas de réponse à toutes les questions. Les textes garantissent le libre choix mais on peut se demander si un accompagnement est concevable lorsque le bénéficiaire rejette celui qui est censé faire route avec lui ?

Mme GHADI : L’aide sous contrainte : l’usager est au cœur du dispositif. Il faut considérer que la personne elle-même est son premier aidant. Toutefois parfois, nous sommes dans des situations de contraintes. Se pose alors la question de savoir, comment construire un partenariat dans la contrainte ? La question du référent est très souvent posée, il faut alors se demander, cette fonction de référent, qui sert-elle ? la personne ou l’équipe. Il y a très souvent une confusion entre le fait que l’équipe a besoin en son sein d’une personne qui assurera la coordination des soins et le fait de demander à l’usager.

Éducatrice dans une maison de l’enfance en Côte d’Or : Nous accueillons des enfants de 0-18 ans, nous avons à faire à des enfants, petits et grands qui expriment leur refus d’être avec la personne référente. On a un cadre à apporter, la personne référente va être ce cadre. Dans mon secteur, nous avons un cadre à apporter et cela peut se traduire par un référent que l’on ne choisit pas mais qui est disponible pour l’enfant de manière plus individualisée. Petit à petit on voit l’enfant qui a la possibilité de se rapprocher de la personne et à un moment ou un autre, il va s’en saisir. Toutefois, il a le choix d’aller vers les uns ou les autres. L’essentiel est de s’approcher de l’esprit de la loi qui fixe un cadre - accompagnement respectueux des personnes sans tomber dans le versant réglementaire qui impose les choses – difficulté des professionnels pour entrer dans le changement de paradigme.

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LES ACTES

C., éducatrice spécialisée en IME : Rédaction du projet personnalisé, dans le cadre juridique a-t-on une temporalité imposée ?

Réponse : Il se réinterroge constamment. Mme GHADI : Le délai n’a de sens que comme un repère.

Et chez nos voisins belges ?

Hélène GEURTS Doctorante Université́ de Mons

Merci de votre accueil, moi qui vient de ma contrée pas si lointaine qu’est la Belgique. Pour débuter ma présentation, peut-être vous expliquer le sommaire : dans un premier temps, je voudrais revenir sur des constats par rapport à ce changement de paradigme pour ensuite aborder la question de l’auto-détermination. Et enfin, donner des pistes de pratiques et non pas des solutions miracles car il n’y a pas de solution miracle mais penser des pistes de pratiques que l’on a eu l’occasion de développer au sein du service d’orthopédagogie clinique pour penser l’autodétermination, en particulier auprès d’une population qui présente des déficiences intellectuelles bien que ça puisse être généralisable à d’autres populations.

Pour commencer mes constats, je voudrais revenir sur certains éléments qui sont liés à la déficience intellectuelle. Je ne vais pas faire un exposé sur la déficience intellectuelle mais je vais revenir sur certains éléments que je vais vous demander de garder en mémoire parce qu’on a eu l’occasion de créer des outils pour lesquels on a pensé à l’accessibilité par rapport au public cible. Pour penser cette accessibilité, je vais donc revenir sur

certains éléments pour que vous puissiez voir le fil conducteur qui nous a animés ces dernières années au sein du service d’orthopédagogie clinique. Lorsque l’on parle de déficience intellectuelle, ce sont des difficultés au niveau de certaines fonctions cognitives. Certaines notions sont à garder en tête notamment celles de résolution de problèmes, de planification et de pensée abstraite qui sont autant de caractéristiques que l’on peut rencontrer au quotidien lorsque l’on accompagne une personne avec une déficience intellectuelle. Au-delà de ces difficultés par rapport à des fonctions cognitives, se pose la question du comportement adaptatif. Je voulais revenir sur cette notion, étant donné le lien étroit avec l’environnement. Ce que je vais mobiliser lors de cette présentation c’est ce lien entre la personne et son environnement. Avec le comportement adaptatif, c’est quelque chose qui est observable et qui est amené à se développer au fil du temps. Quand on parle de comportement, on partage des éléments qui sont liés à la motivation et qui sont liés aussi au fait que l’environnement parfois permet certains comportements ou entraver l’expression de certains comportements. La finalité du

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LES ACTES

comportement adaptatif est l’enjeu d’autonomie et d’indépendance au sein de son environnement.

Dans le comportement adaptatif, il y a différentes catégories :

- Les habiletés conceptuelles qui sont les habiletés apprises

- Les interactions, les relations sociales avec les relations interpersonnelles mais aussi le regard que l’on porte sur soi qui est essentiel. Vous pouvez avoir toutes les compétences du monde, si vous ne croyez pas en votre compétence, vous n’allez pas mettre en œuvre les comportements qui permettent de les démontrer.

Mon exposé aspire aussi à réfléchir ensemble à des pistes de soutien en vue de promouvoir l’autodétermination des personnes en situation de handicap. L’AIDD présente le soutien comme cette interface en vue de promouvoir un fonctionnement humain global que l’on veut le plus optimal possible. J’insiste sur le terme de fonctionnement humain global étant donné la volonté de sortir uniquement d’un modèle qui se veut médical et de penser davantage à un modèle que l’on appelle biopsychosocial, modèle que l’on mobilise fortement en orthopédagogie clinique en Belgique. Le fonctionnement humain est caractérisé par différents facteurs :

- Les capacités intellectuelles (planification, résolution de problèmes, pensée abstraite)

- Le comportement adaptatif (volonté de promouvoir l’autonomie en lien étroit avec l’environnement)

- La santé (Définition de l’OMS : la santé ce n’est pas uniquement ne pas être malade, c’est un état de complet bien-être physique, social et psychique)

- La participation, les rôles sociaux

-Les contextes. On évolue dans des contextes différents et à différents niveaux

: le contexte immédiat (moi dans ma famille, moi dans mon couple) ; le contexte organisationnel (en lien avec les services) ; le contexte macro (politiques, valeurs, représentations).

Le soutien c’est donc l’ensemble des ressources et des stratégies visant à promouvoir le développement, l’éducation, le bien-être et la qualité de vie.

Il faut pouvoir réfléchir ensemble à la place des usagers, penser des pistes de soutien à la promotion de l’autodétermination en particulier auprès des personnes présentant une déficience intellectuelle même si le but est de généraliser le débat à d’autres publics.

Je vous ai parlé de la volonté de mettre en lien la personne avec son environnement d’où ce changement de paradigme : passer du patient vers une vision du citoyen et d’acteur avec la notion de pouvoir de dire, pouvoir d’agir. Pouvoir ce n’est pas une domination, pouvoir c’est être capable de. Cette notion de reconnaissance des droits dans une visée de citoyenneté et d’inclusion à différentes échelles, c’est ce vers quoi on tend de plus en plus.

Le préambule de la CDPH vient conclure ma première partie sur les constats avec en premier temps, la notion d’évolution de la situation de handicap et de lien avec l’environnement : « Reconnaissant que la notion de handicap évolue et que le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».

Ensuite la notion de promotion de l’autonomie et d’indépendance, faire ses propres choix. Mais l’autodétermination c’est aller au-delà de la notion de choix. Vient L’importance de la participation sociale et enfin la notion d’être acteur de sa vie, acteur de sa communauté et d’avoir un

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LES ACTES

sentiment d’appartenance pour concourir au bien commun.

Pour faire la transition avec ce qu’est l’autodétermination, je reviens sur le concept de qualité de vie car il est associé à différentes variables. J’ai choisi le modèle de Schalok et Verdugo, très utilisé dans le cadre de la déficience intellectuelle. Au regard des différentes composantes, on remarque l’importance de la notion de droits, d’inclusion et d’autodétermination. Cela été démontré dans la recherche, qu’il y a un lien étroit entre autodétermination et qualité de vie. Quels que soient nos horizons professionnels, on a tous pour ambition de concourir à la qualité de vie des personnes que l’on accompagne au quotidien. Ma définition de la qualité de vie, je peux me permettre de la dire puisqu’on est en décembre : si vous avez un doute c’est tout ce que l’on souhaite au nouvel an, santé, bonheur, amour, épanouissement, richesse. Celle de l’OMS est plus sérieuse que la mienne mais c’est ce à quoi on essaye de concourir tout le reste de l’année, au-delà du 31 décembre.

Concernant le concept d’autodétermination, « autos » cela renvoie à soi ; « determinatio » revient à se fixer sa propre limite. Ce concept a été utilisé initialement en philosophie avec une volonté de lutter contre le déterminisme. Avec Paul Ricoeur et la notion de pouvoir, c’est dire « je peux, je suis capable de faire quelque chose ». Une première citation du Oxford English Dictionary permet d’identifier l’autodétermination de son propre esprit ou de sa volonté vers un objet tout en sachant que ce concept d’autodétermination a beaucoup été utilisé en géopolitique notamment par l’ONU pour parler de l’auto-gouvernance des territoires. Donc « auto » peut renvoyer à une entité, un territoire ou à une personne. Je vais ici mobiliser tout ce qui est « auto » en tant que personne. Pour vous parler d’autodétermination, je vais essentiellement parler des travaux

développés par WEHMEYER car ce sont ces travaux qui ont conditionnés nos outils. Les travaux de Wehmeyer ont été développés dans le champ du handicap et plus particulièrement dans le champ de la déficience intellectuelle avec des modèles qui ont été validés empiriquement, ce qui nous donne une référence importante. La première définition a été introduite en 1992 : l’autodétermination est un « ensemble d’habiletés et d’attitudes permettant d’agir comme l’agent causal de sa propre vie afin de réaliser des choix et de prendre des décisions par rapport à sa qualité de vie » donc avec la notion de qualité de vie comme finalité. Mais plusieurs éléments m’interpellaient dans cette définition : déjà la notion d’agent causal ne va pas de soi en termes de compréhension et il faut la remettre en lien avec cette lutte contre le déterminisme. Agent causal c’est-à-dire que j’agis de manière intentionnelle, je veux provoquer une conséquence, je suis à l’origine. Il manque aussi la notion de lien avec l’environnement. D’où le fait que Wehemeyer soit revenu sur cette définition pour identifier le fait que l’autodétermination c’est être le premier agent causal et pas le seul ; c’est le fait de faire des choix, de prendre des décisions sans influences et interférences extérieures indues. On peut être soutenu car on a tous besoin de soutien à certains moments de sa vie mais le but c’est que ce soutien ne soit pas indu. Je suis le premier agent causal de ma vie, de mes actions, de mes décisions en lien étroit avec mon environnement. Il n’y a pas de contrôle absolu, personne ne peut se targuer d’avoir un contrôle absolu sur sa vie mais il faut pouvoir accueillir la parole pour réfléchir ensemble à comment atteindre ces objectifs avec tout l’enjeu du partenariat déjà énoncé auparavant. Le modèle qui a été développé par Wehmeyer comporte 4 composantes de l’autodétermination :

• L’autonomie qui est la capacité de décider et d’agir. C’est la pointe de l’iceberg parce que c’est ce qui est observable mais il y a d’autres choses en dessous. Il y a tout un

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LES ACTES

processus derrière qu’il ne faut pas oublier et qui doit être accompagné.

• D’où la notion d’autorégulation qui est la résolution de problèmes, la planification donc une pensée plus abstraite. Pour pouvoir faire un choix, il faut que je puisse avoir connaissance des différents possibles, que je puisse les évaluer et que je puisse faire le lien avec mes préférences.

• D’où la notion d’autoréalisation c’est-à-dire apprendre à se connaitre, à savoir quelles sont mes difficultés, quels sont mes défis, quelles sont mes ressources, quelles sont les ressources et les freins de mon environnement car cela conditionne la suite de mon processus.

• Et enfin, l’empowerment psychologique c’est-à-dire percevoir qu’on a un contrôle. Ce que je vous disais c’est que si vous avez toutes les compétences du monde, si vous ne vous sentez pas capable de réaliser quelque chose, vous le ne mettrez pas en place.

Ce processus de l’autodétermination à 4 composantes en fait une autodétermination tout à fait relative avec les capacités (tout ce qui est de l’ordre de l’invididuel) mais aussi le lien étroit avec l’environnement qui peut fournir des occasions de faire valoir son autodétermination. D’où la notion de soutien mais aussi de l’importance des perceptions, des représentations et des croyances.

Ce modèle est un modèle éducatif et fonctionnel ; fonctionnel parce que c’est du comportement et éducatif parce que c’est quelque chose qui s’acquière, se travaille et se développe.

En 2017, Shogren qui travaille avec Wehmeyer actualise le modèle notamment pour faire en sorte qu’il ne s’applique pas uniquement à la déficience intellectuelle avec la notion d’autonomie, d’autorégulation, d’affect causal pour

repenser autoréalisation et empowerment psychologique. Et également l’importance de se fixer des défis qui nous fassent sens. Nous on travaille la notion de micro-défis c’est-à-dire des petits pas, des défis qui nous semblent réalisables et pas trop loin au risque d’entraîner une déperdition d’énergie d’où l’importance aussi de séquencer.

Morale de notre histoire : un comportement n’est jamais absolument auto-déterminé. Le but étant de pouvoir faire mais pas forcément tout seul, on est en lien étroit avec son environnement. Être autodéterminé, c’est avoir des droits et des devoirs comme tout citoyen donc il est important de penser les conséquences et d’avoir accès à l’information pour faire un choix le plus éclairé possible. L’autodétermination est liée à l’habitude, à l’entrainement avec ce modèle éducatif et la plus grande difficulté n’est pas la pointe de l’iceberg qu’est l’autonomie mais c’est de penser tout ce processus et notamment de trouver ensemble les chemins pour atteindre son objectif. Cela demande du temps et le but vers lequel tendre est le soutien.

On en vient à la présentation des outils et des guides et je ne viens pas avec une potion magique mais avec des pistes de solution sur lesquelles réfléchir car tout est à adapter en fonction du contexte. En accord avec l’importance de promouvoir l’autodétermination, le pouvoir de dire et d’agir, l’empowerment ; se pose la question du comment. Nous avons beaucoup de demandes de formations portant sur cette thématique de l’autodétermination et je vous propose de vous présenter certains outils développés pour penser l’autodétermination.

Un petit guide développé par Fontana Lana et son équipe (Suisse) permet de

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LES ACTES

penser les stratégies de soutien à l’autodétermination avec 4 axes :

o J’ai envie : c’est l’importance de pouvoir s’exprimer, quelles sont mes valeurs, mes envies, mes objectifs ce qui veut dire que j’ai le droit de le dire et que j’ai l’espace pour être entendu même si parfois les besoins énoncés peuvent paraître irréalisables. Le but est de creuser ensemble ce qu’il se cache derrière car énoncer des besoins ou des envies c’est en lien étroit avec les émotions d’où l’importance de travailler étroitement cette notion d’émotions. C’est aussi penser le plan d’actions, les étapes à accomplir pour atteindre les objectifs. C’est parfois difficile d’exprimer ses besoins et ses envies, ce pour quoi nous avons développé certains outils et notamment parler des rêves et cauchemars. C’est une manière d’aborder différemment la question du besoin. Dans nos guides, se trouvent des fiches sur des besoins qui sont davantage ou fréquemment rencontrés auprès des populations avec une déficience intellectuelle. Cela permet, par un jeu de questions-réponses, de clarifier les besoins. Par exemple, être curieux : qu’est-ce que tu aimerais apprendre ? qu’est-ce que tu aimerais développer comme compétences ?

Une autre méthodologie que l’on a mis place c’est « j’étais, je suis, je serai » qui met en application une ligne du temps permettant de penser différentes étapes, de montrer qu’à chaque étape de sa vie on a des objectifs, aussi petits soient-ils, qui peuvent avoir des conséquences sur la suite de sa vie. Le but est justement de voir ce parcours de vie : en parlant de ce qui a été fait, on en arrive à où j’en suis aujourd’hui et ce vers quoi j’aimerai tendre plus tard.

o J’explore : quelles sont mes ressources ? Cette partie de l’autorégulation est la partie la plus difficile d’où l’importance de supports concrets, quelques exemples : faire son entourage avec des cercles de

différents niveaux ; ses ressources matérielles, méthode utilisée pour une jeune fille qui avait très peur de circuler toute seule dans la ville et avec les différentes ressources, on a pu voir ce qui était bénéfique pour elle, ce qui l’était moins et elle s’était beaucoup arrêtée sur la question de la formation. Elle voulait apprendre toute seule, sans éducateur. Dans la ville de Mons, la police organise un permis piéton donc on l’a orienté vers cela et elle a passé son permis piéton. Elle était beaucoup plus assurée après de circuler en ville parce qu’elle avait eu un permis accordé par la police, autorité qui lui prouvait qu’elle était capable de circuler en ville.

o Je cherche des chemins : permet de passer en revue les différentes options évaluées par un petit jeu de questions-réponses avec des bonhommes de couleur, lorsqu’il y a beaucoup de rouge c’est que la solution n’est pas forcément bonne mais cela permet de visualiser. On passe aussi par une balance et en fonction des poids dans le pour et dans le contre, cela permet d’analyser la réponse et de voir si c’est la bonne option. Une bonne option ce n’est pas uniquement du plaisir immédiat c’est aussi penser pour plus tard, dans du plus long terme.

o J’agis : lorsqu’un chemin est choisi, il faut se lancer. Cela ne veut pas dire que l’on va atteindre ses objectifs (du fait d’aléas de la vie) mais c’est important d’être accompagné pour pouvoir parler de ses regrets, des émotions associées à la poursuite des objectifs et pour pouvoir également se réajuster. Une jeune fille m’avait dit « plus je me plante, plus je pousse ».

Je vais vous présenter brièvement des guides développés au sein du service d’orthopédagogie clinique, sachant que nous menons des recherches participatives c’est-à-dire pour mais surtout avec les personnes avec une déficience

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LES ACTES

intellectuelle. On a donc validé socialement les guides qui ne sont jamais finalisés car en fonction des retours, on est amené à les remettre en question. Je ne vais pas les expliquer en long, en large et en travers mais juste vous dire que le guide « c’est la vie de qui après tout ? » traite de la transition adolescence / vie adulte et de comment parler du handicap car c’est une thématique difficile à aborder donc c’est davantage de l’autoréalisation. Le guide « c’est ma vie, je la choisis » développe la notion de comment faire un choix et comment élaborer un projet de vie, le tout traduit en méthode facile à lire et à comprendre. Chaque guide est associé à un guide de l’aidant car il est important d’outiller aussi l’aidant. Il n’y a pas de solution magique, il faut penser à d’autres pistes pour adapter l’accompagnement.

Le dernier élément est un site internet, totalement gratuit, qui est un outil de soutien et de support à la réalisation du projet de vie, réalisé en lien étroit avec les

guides. Le but est de permettre de réfléchir avec la personne sur la notion de choix, d’intérêts, sur ce qui est important pour elle dans sa vie et qui peut être mobilisé dans le cadre de son projet de vie.

Pour conclure, je ne conclurai pas car il y a beaucoup de défis et que les travaux sont encore en cours. L’autodétermination est un droit et il faut réfléchir ensemble au comment ce qui est l’intérêt de cette journée d’aujourd’hui. C’est l’importance de la formation initiale et continue car il est important aussi d’accompagner les professionnels sur la promotion de l’autodétermination, à penser ce qu’est le handicap, ce qu’est un choix. Il faut passer du pater-nariat au partenariat, ce qui a été développé dans les conférences antérieures. Cette ouverture à la collaboration qui est l’essence même de cette journée nous conduit à cette même conclusion : « Nothing about us without us ». Je vous remercie.

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LES ACTES

Genèse, mise en place et développement des CRU Jean BRIENS & Claude VEISSE

Ancien Président du GEPSo – Président du CNU

Jean BRIENS :

« J’étais, je suis, je serai ». L’objectif de cette intervention est de resituer la création des comités Nationaux et régionaux des usagers dans le contexte du GEPSo.

Pour cela, il faut se replonger dans l’histoire et tenter de comprendre comment cette question de la représentation des usagers s’est-elle structurée au fil des années ? Tout d’abord, il faut se replonger dans les années 70, au moment où le GEPSo, du moins l’association qui l’a précédé, s’est créée. Les années 70, sont les années de structuration en France du champ social et médico-social. Le GEPSo s’est constitué à la fois pour et à la fois contre.

Pour : Représenter les établissements publics. Il faut rappeler qu’au départ le GEPSo s’occupait plutôt des CAT, du travail protégé avant de s’étendre progressivement à l’ensemble du champ des établissements publics. A cette époque, l’usager n’était pas une préoccupation et encore moins son représentant. Le GEPSo a voulu donner une existence visible aux établissements publics.

Contre : Le GEPSo a voulu faire obstacle au modèle de la FHF, faire reconnaitre les ESMS comme étant différents de l’hôpital dont nous sortions. Il fallait exister dans un modèle différent.

Le fait d’en être sorti ne veut pas pour autant dire, que nous avons quitté tous les attributs de l’hôpital, exemple : les statuts et les organisations de travail calquées sur le sanitaire mais non adaptées au champ social et médico-social.

Ensuite, le GESPo s’est structuré en association malgré une certaine appréhension du monde associatif notamment dans le champ du monde du handicap. Il fallait se prémunir de ce modèle dont personne ne voulait dans le champ public car il fallait faire une séparation très claire : les parents étaient les parents et les établissements représentaient les usagers.

Aujourd’hui cela parait hors de propos de penser ainsi. La représentation que nous avions des parents, c’était une représentation que l’on n’oserait plus afficher aujourd’hui, exemple les représentations faites sur les mères célibataires dans les centres maternels.

Nous étions persuadés que nous représentions les usagers car nous étions établissement public et que le champ public représente le champ des citoyens.

Arrivent ensuite les lois de décentralisation (81, 83, 86) et l’émergence des élus territoriaux qui sont très présents dans le champ public en tant que présidents et membres des CA.

Ces élus vont dire, qu’ils sont représentants légitimes des usagers car ils sont élus, faisant ainsi contre point aux établissements publics et notamment à leurs dirigeants. Ils apportent une parole différenciée sans pour autant être celle des usagers

En 98-99, les états généraux de la santé sous forme de forums citoyens sont l’émergence de la parole du patient à l’hôpital. De façon concomitante cela va émerger dans le

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LES ACTES

champ social et médico-social même si cela a été timide.

En 2001 sont mis en place les bureaux de la démocratie sanitaire. On voit apparaitre un début d’instruments qui amènent à se préoccuper de ce sujet.

Arrive ensuite, la loi de janvier 2002. Elle a dans son contenu apporté une révolution avec l’accès aux droits et beaucoup de questionnements. C’est également une époque où dans les établissements publics nous assistons à un changement de génération des professionnels de l’accompagnement avec des apports de connaissances et compétences nouvelles.

Cela conduit à la naissance dans les structures de débats qui peuvent être parfois très violents.

Le GEPSo, dans les années 2000, structure une réflexion sur la base de ces débats, via des colloques.

L’une des premières réflexions est portée par Michel LEGROS (enseignant à ENSP à l’époque). Lors d’une journée organisée par la DG de l’action sociale, il va prôner le développement d’une culture politique faisant le choix de la participation, tout en regrettant que cette culture ne soit pas déjà sur un modèle participatif.

Deux après, le comité scientifique du GESPo va mener un séminaire dont le thème était : « les usagers évaluateurs et leur place dans l’évaluation des bonnes pratiques professionnelles en travail social».

En 2009, se tient un colloque à Nancy dont le thème était « Comment concilier citoyenneté et sécurité ? » : Henry-Louis GO, qui a conclu ces journées, rappelle que si l’on ne s’engage pas dans la construction d’une société, il existe un risque de dérive vers un professionnalisme fait d’expertise et de bonnes pratiques en raison des sollicitations allant dans ce sens. Les travailleurs sociaux et médico-sociaux

doivent rester critiques et ne jamais oublier la nature tragique de l’existence, la dignité humaine est centrale.

A partir de là, un processus s’engage en s’inspirant d’une expérience en place depuis 2007 dans le Grand Est, le comité régional des usagers.

Après une évaluation menée par le comité scientifique du GEPSo, le Comité National des Usagers est créé en 2011 dont le premier président nommé était Jean Pierre BENOIT puis Claude VIESSE.

Cette reconnaissance des usagers est une reconnaissance des hommes et des femmes. La mise en œuvre progressive d’une représentation territoriale vient confirmer trois grandes évolutions de la représentation sur les usagers :

• les usagers « handicapés » et leurs représentants sont dotés de compétences professionnelles et communicationnelles

• les parents mais aussi les usagers ont commencé à devenir des « sachants » avec des savoirs importants sur leurs situations personnelles.

• dans bon nombre de structures des professionnels ont progressivement pris le risque d’inviter les usagers à s’exprimer dans des endroits non conventionnels. Ces professionnels ont pris le risque d’autoriser des personnes non habilitées jusque-là à s’exprimer en public et à se représenter elles-mêmes.

Aujourd’hui, les comités régionaux sont diversement en place mais ils se structurent, le Comité National existe.

Claude VEISSE :

L’usager est à l’heure actuelle dans les esprits, c’est ce que l’on souhaitait et nous espérons que cela va encore progresser.

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LES ACTES

Il y a une évolution importante et dans le bon sens et c’est un constat partagé.

Les Comités Régionaux des Usagers ont permis à des personnes qui n’en avaient pas l’occasion de dire et de faire savoir ce dont elles ont envie sur des thèmes qu’elles ont elles-mêmes choisis en toute liberté et en toute transparence. Pour ce faire, un climat est à instaurer : une organisation participative entre usagers tous égaux.

Les Comités Régionaux des Usagers démarrent à 09h30, on accueille chaleureusement, les usagers qui ont fait le déplacement (parfois dans des régions très étendues).

En région PACA, le comité fonctionne très bien tout comme en Bretagne. En Bourgogne Franche comté également. Dans les Hauts de France, on a réussi à faire un Comité Régional des Usagers qui

comprenait les personnes âgées dépendantes, les personnes en situation de handicap et l’enfance protégée. Le sujet était : la Liberté dans les établissements publics.

Pour le Comité Régional des Usagers, il faut un épicentre dans la région concernée, il faut une durée de réunion adaptée (de 10h à 13h). Durant la réunion la plus grande part est laissée aux usagers. La réunion se termine généralement par un repas.

La plupart du temps, on extrait des personnes de leur milieu de travail et cela peut poser des problèmes techniques car il faut les remplacer.

Le Comité Régional des Usagers fonctionne grâce à l’absence de hiérarchie et de jugement.

Echanges avec la salle :

Questions : Remarque sur l’intervention au sujet de l’autodétermination. Il est très pertinent d’aider les usagers à exprimer leurs rêves mais je pense que parfois il faut les stopper lorsqu’ils ne sont pas réalisables et réalistes. Une maman dans le centre où je travaille était esthéticienne de formation et a voulu devenir médecin. L’équipe a soutenu la démarche mais soutenir un rêve utopiste n’est pas toujours une bonne chose. J’ajoute que « Le rêve éveillé » est un outil pertinent mais j’invite les utilisateurs à être vigilants.

Hélène GEURTS : Le but est de réfléchir avec la personne au processus et travailler les émotions et ne pas dire non d’emblée. Par exemple, une jeune fille qui voulait être chanteuse comme Calogero. Plutôt que de lui dire, tu ne seras jamais chanteuse comme Calogero, elle est allée voir un concert, puis a pris des cours puis a fait du karaoké et elle s’est épanouie ainsi. On avance par petits pas.

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LES ACTES

Co-construction dans le champ du handicap

Daniel COGUIC Représentant GEPSo au sein du CNCPH

Bonjour à vous toutes et à vous tous. Pour me présenter, je suis le papa de Gwenola qui est une salariée actuellement en ESAT, dans un atelier de conditionnement depuis plus de 20 ans. Je suis également le président de l’association des familles au sein de ce même établissement depuis de nombreuses années. J’ai tenu, de façon très récente, à m’associer à la formidable démarche décrite par Jean BRIENS et Claude VEISSE, à l’initiative du GEPSO qui a souhaité mettre en place ce Comité Régional des Usagers, j’y siège depuis 2013. Grâce notamment à Marie-Laure DE GUARDIA, présidente du GEPSO, on a souhaité que cette voix soit portée à l’extérieur et notamment dans tout ce qui concerne notre territoire, je pense aux mairies et aux communautés de communes car ces organisations font appel aux associations qui représentent le champ du handicap. Au titre du GEPSO, je m’y suis engouffré et vous verrez plus tard que ce n’est pas anodin.

Je voulais aussi, avant de démarrer, dire un grand merci à Claude car c’est lui qui m’a mis dans cette organisation. Nos enfants ont le même âge, sont tous les deux en ESAT et nous avions des similitudes donc je n’ai pas hésité et aujourd’hui, je ne regrette pas. Je suis content d’être là aujourd’hui pour vous dire que les choses bougent, que les lignes sont en train de bouger sur la thématique que je vais développer. Il faut continuer, c’est en cours et en co-construction comme cela a été abordé ce matin. Cela ne peut pas être fait sans l’aval et sans la coopération de notre

établissement et là je tiens à remercier Sébastien HERVOCHON, directeur de l’établissement, présent dans la salle et il est également le coordinateur de notre comité départemental des usagers. Avec lui, deux professionnelles et deux usagers ont fait le déplacement et pour cela, je voudrais qu’on leur fasse une ovation. C’est très bien parce qu’imaginez-vous une journée où on parle de la parole des usagers sans les usagers. Je crois qu’avec Marie-Laure, on avait défini les choses et c’est un plus et je suis très content que l’établissement ait joué le jeu.

Aujourd’hui, cette thématique des personnes handicapées vieillissantes est partie d’un courrier qui date du 6 avril 2017 par la famille d’un de nos travailleurs les plus âgés en ESAT. Tous les mots ont leur importance : « pour nous, le problème principal reste l’anticipation et l’organisation de la suite du parcours de M. X comme pour d’autres adultes, quand il ne pourra plus travailler. Peut-on espérer que l’ESAT s’empare de cette question ». Aujourd’hui, bon nombre de nos établissements sont actuellement préoccupés par la fatigabilité (quand on est dans le champ du handicap, on sait que les médicaments engendrent de la fatigabilité) et bien sûr par l’avancée en âge des travailleurs en ESAT et la suite du parcours de vie après cette activité salariée.

Sur notre territoire de santé, le nombre de travailleurs entre 45 ans et 59 ans a été clairement identifié donc on sait ce qui nous attend : ces travailleurs vont cesser leur

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LES ACTES

activité et on sait qu’à cette activité est liée la notion d’hébergement. On voit bien que nous sommes dans deux mondes, deux mondes avec leur compétence, leur expertise mais qui ne se connaissent pas. « En France, on est handicapé jusqu’à la retraite. Après on est âgé ». Cette phrase émane d’un élu, maire de notre localité. De par ses fonctions électives, il a pris la présidence de notre Conseil d’établissement et il me disait récemment, c’est en vous entendant parler de votre préoccupation en CVS, en Conseil d’administration, qu’au niveau de la commune, il faut absolument qu’on s’empare de ce dossier et on se doit d’être novateur. Deux mondes qui ne se connaissent pas, il faut forcément les rapprocher. Je cite deux exemples :

• 10 décembre 2018, sur une matinée : 2 AMP, 1 éducatrice spécialisée, 1 monitrice éducatrice du champ du handicap sont en détachement sur un EHPAD.

• Une semaine plus tard, sur une matinée : 2 AMP, 1 infirmière de soins et 1 infirmière coordinatrice de ce même EHPAD seront en détachement sur le même établissement du champ du handicap.

Ce rapprochement est donc bien en route. Fin novembre 2018, l’ARS Bretagne vient de valider une formation sur l’accueil et l’accompagnement des personnes handicapées vieillissantes en EHPAD permettant ainsi aux équipes de l’EHPAD de s’associer aux équipes du champ du handicap pour développer leur connaissance du handicap, pour identifier les ressources nécessaires pour ajuster leurs pratiques d’accueil et d’accompagnement auprès des personnes handicapées vieillissantes. Je vais vous détailler les objectifs généraux de cette formation au travers desquels on voit le but de cette formation. La formation proposée a pour objectifs de clarifier la notion de handicap et de parcours ; comprendre le vieillissement des personnes en situation de

handicap et le processus de vieillissement normal et pathologique au quotidien ; intégrer les spécificités du handicap dans les pratiques d’accueil et d’accompagnement ; proposer des actions concrètes d’ajustement de projets d’accompagnement en fonction des situations rencontrées. Pour cette formation, les participants doivent être en capacité d’identifier la dynamique de représentation autour des personnes handicapées et des personnes âgées ; d’ajuster leur intervention individuelle et collective auprès des personnes en situation de handicap ; de penser collectivement la place de la personne handicapée en EHPAD, de ses proches, de sa famille.

Ce rapprochement est nécessaire pour franchir deux obstacles :

• La barrière de l’âge : pour les personnes âgées, l’âge moyen d’admission en EHPAD est de 85 ans et l’âge des personnes handicapées vieillissantes peut être inférieur à 60 ans et/ou tout juste au-dessus des 60 ans.

• La rupture de parcours : en effet, bon nombre de personnes handicapées vieillissantes ont été le plus souvent accompagnées en IME, en ESAT, en foyer, en SAVS.

Ne pas dégager les moyens nécessaires, c’est tout simplement ne pas réussir ce bien vieillir pour les personnes handicapées vieillissantes.

Vous avez écouté l’intervention de Véronique GHADI, qu’a-t-elle dit ? Quels sont les obstacles ? J’en ai retenu deux : une connaissance insuffisante des spécificités de prise en charge et d’accompagnement des personnes en situation de handicap ; défaut de coordination et de continuité des soins et d’information entre les professionnels des différents secteurs pouvant induire des ruptures de parcours de santé.

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LES ACTES

Les établissements du champ du handicap et des personnes âgées travaillent à l’élaboration de leur Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens pour les 5 années à venir. La thématique des personnes handicapées vieillissantes est désormais incluse. Les premières navettes avec les financeurs, ARS et département, s’annoncent laborieuses avec un oui mais à moyens constants.

En parlant du Département, je vous fais lecture d’un courrier récent du 18 octobre adressé au directeur du Département : « la prise en soins des personnes handicapées vieillissantes est une action spécifique de la prise en charge en EHPAD, l’association du handicap au vieillissement implique des réponses individuelles et personnalisées. L’ambition de notre Conseil d’Administration est d’ouvrir l’accueil de notre structure aux personnes handicapées vieillissantes, répondant ainsi à une problématique locale. Ce projet sur LOUDEAC est fédérateur pour notre territoire car déjà l’ EPMS de BELNA, sur la commune de PLEMET, s’inscrit dans la même dynamique. Nous avons rencontré vos services dès le 13 février dernier afin de présenter notre projet. Bien qu’intéressée par notre démarche, la réponse a été d’étudier les possibilités et de renforcer l’équipe à moyens constants. Nous ne pouvons entendre cette proposition ; accompagner une personne âgée de 60-65 ans ayant été durant tout son parcours de vie en institution ne peut se faire dans les mêmes conditions d’accueil d’une personne de 87 ans venant du domicile. Deux générations les séparent. L’accompagnement d’une personne âgée en situation de handicap nécessite des moyens supplémentaires et une adaptation de nos locaux afin d’améliorer le cadre de vie offert. Ce projet est porteur d’espoir pour la filière du handicap et innovant pour notre territoire. Je souhaiterais, Monsieur le

Président, un rendez-vous afin d’échanger sur ce projet ».

L’accompagnement est une chose, l’hébergement en est une autre. Aujourd’hui, on va de l’habitat inclusif à la création d’une unité PHV à l’intérieur d’un EHPAD. Ce chapitre Hébergement est un volet d’une extrême importance pour la réussite de ce parcours de vie. 3 axes :

• La localisation : centre bourg, proximité, maison des enfants (l’enjeu de la mixité), la proximité des commerces, la maison médicale, le centre de rééducation, la proximité de sites de marche et de parcs.

• Les partenariats : le portage des repas, le transport à la demande, les soins infirmiers,

• Le projet de vie sociale: les espaces de rencontre, d’animation, les ateliers de création, les travaux en commun, la mixité pour éviter le « glissement ».

Dans les 5 ans à venir, nous allons devoir faire face à un départ croissant de travailleurs en ESAT, pour cause de départ en retraite. Les CPOM doivent inclure ce dossier des personnes handicapées vieillissantes. Les lignes, à l’évidence, commencent à bouger. Le projet de vie est essentiel pour réussir l’accueil des personnes handicapées vieillissantes. C’est l’association de l’ensemble des acteurs (gestionnaires d’établissements, les professionnels, les partenaires sociaux, les élus et bien sûr les usagers et leurs familles), par le dialogue et la concertation, qui va co-construire sa solidité.

Par la création du comité des usagers (départemental, régional, et bien sûr national), le GEPSO favorise l’émergence de la parole de l’usager et de sa famille au niveau de:

- nos instances en établissement (présence d’un usager au Conseil d’Administration)

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LES ACTES

- notre territoire (dans les CCAS et CIAS des villes et communautés de communes au titre des associations représentant le champ du handicap)

- notre nation (présence au CNCPH – Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées – qui se réunit tous les mois en assemblée plénière et qui va donner un avis, modifier, amender avant que les textes régissant la vie et le confort des personnes en situation de handicap ne partent devant les navettes parlementaires. Nous y sommes présents au même titre que les autres associations).

Cette parole est un atout majeur pour gagner ce défi du bien vieillir des personnes en situation de handicap. Je le dis avec d’autant plus de force qu’à l’assemblée plénière du 19 novembre où nous avions une présentation des travaux de la Caisse Nationale Solidarité et Autonomie, la directrice Anne Burstin et son équipe nous ont dressé le panorama des chantiers menés et les perspectives 2019. Je n’ai pas hésité à saisir la présidente sur cette thématique du bien vieillir des personnes en situation de handicap. Sa réponse a été la suivante : tout sera mis sur la table, cela veut dire que nous sommes dans une étape de construction et tout doit être fait pour bien définir l’accompagnement. Cela va découler des financements mais l’accompagnement doit être bien identifié pour y répondre et y mettre les moyens.

Le GEPSO s’est organisé pour travailler en équipe, avec des commissions et je travaille en réseau avec des pilotes de commissions. Ce travail en réseau permet de s’enrichir et d’être argumenté pour faire face à ces défis.

J’ai souhaité, parce que l’on parle de cette fameuse parole, profiter du dernier CRU pour parler d’un sujet complexe qu’est la vie affective et sexualité. On n’a pas hésité à prendre des précautions pour l’organisation de cette journée avec une intervenante de qualité qui nous a aidés sur

ce sujet complexe et passionnant. Ce qui se passe dans nos établissements, nous devons le faire connaître à l’extérieur. Et là je vais laisser la parole à nos deux usagers et qu’ils puissent exprimer leur satisfaction à la sortie du dernier CRU. Je vais présenter nos deux usagers, Yvan et Rolland ; nos deux professionnelles Vanessa et Nelly et Sébastien Hervochon, directeur de l’établissement. Cette équipe a une volonté de communiquer pour que le bien-être des résidents soit maintenu et développé. Je laisse la parole à Yvan et Rolland qui veulent dire des choses et c’est intéressant qu’on ait leur retour d’expérience.

Yvan : Bonjour tout le monde, merci M. Coguic. Suite à ce CRU comme disait M. Coguic, j’ai trouvé que c’était très important parce que, dans le sens que l’on en parle ou pas, il y a de la sexualité, de l’amour, de l’affection entre les personnes dites normales et les personnes dites handicapées. C’est important de lever le tabou parce que c’est réellement un tabou. Généralement, on dit que les personnes handicapées n’ont pas forcément conscience des choses donc c’était important d’en parler et on a pu évoquer différents sujets, les moyens et les méthodes de contraception. Il y a l’effet de libération de la parole. Malgré que l’on soit des personnes handicapées, c’est sûr on a nos handicaps mais on a quand même des sentiments, de l’affection pour des gens et c’est important de l’exprimer car en tant que personne handicapée, ça nous met au même niveau que les personnes dites normales.

Claude Veisse : S’il n’y avait pas eu le CRU, vous auriez pu le dire ce que vous pensiez ?

Yvan : Nous on suit un peu le mouvement, enfin je parle en tant que personne handicapée. Si on nous donne pas la parole, on ne peut pas forcément la prendre parce qu’on a pas les outils nécessaires pour s’exprimer.

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LES ACTES

Claude Veisse : C’est un sujet sur lequel vous ne débattez pas entre vous ou avec les professionnels ?

Yvan : Non parce que c’est un sujet plus ou moins tabou. Moi je suis quelqu’un d’assez ouvert, j’en parlais avec ironie ou sous-entendus mais j’ai essayé de faire passer les choses pour que la professionnelle en face de moi puisse comprendre ce que je lui disais.

Rolland : Bonjour à tous. Moi par rapport au CRU, j’ai appris beaucoup de choses, je ne pensais pas qu’on pouvait attraper quelques trucs alors qu’on peut les avoir.

Daniel Coguic : Les recommandations de l’intervenante ont été appréciées, ça vous a fait du bien ?

Rolland : Que ce soit une intervenante extérieure c’était mieux que de l’intérieur.

Claude Veisse : C’est la première fois que vous assistiez, participiez à un CRU ?

Rolland : Moi oui parce que ça fait que deux ans que je suis à l’ESAT.

Claude Veisse : C’est le sujet qui vous a fait participer ou on vous a dit que vous pouviez participer, ça s’est passé comment ?

Rolland : On m’a dit que je pouvais aller donc j’ai voulu.

Yvan : J’estime que c’est un devoir pour moi parce que j’ai été élu par mes collègues. Je prends cette tâche très à cœur parce que je fais partie d’un groupe d’entraide mutuelle à Loudéac, j’aurais pu me présenter au poste de président du groupe d’entraide mutuelle mais j’ai préféré me laisser de l’espace libre pour apporter mon savoir-faire au niveau de mes collègues, parce que j’ai plus d’aisance à m’exprimer que certains. Moi je suis élu depuis à peine un an.

Claude Veisse : Avant que Sébastien Hervochon ne prenne la parole, je voudrais

le remercier. Quand je sillonne la France pour promouvoir les CRU, j’essaye de convaincre du bien-fondé de cette instance et je voudrais dire que si on en est là aujourd’hui c’est grâce à M. Hervochon. Il est quand même venu avec deux professionnelles et deux usagers donc je voulais le remercier, c’est un donneur d’exemples ainsi que les deux usagers avec qui il est venu.

Sébastien Hervochon : Je voulais souligner qu’Yvan et Rolland sont membres du Conseil de la Vie Sociale seulement depuis le mois de juin mais ils se sont pleinement investis dans cette mission de représentation qui n’est pas évidente. Ils se sont investis tout naturellement lors de la 4ème manifestation du CRU Bretagne sur un sujet difficile. Mais c’est fait exprès aussi d’avoir des sujets comme ça, la vie affective et la sexualité ou encore la communication avec les familles et comment sur des sujets, qui peuvent être sources de tensions, de pouvoir échanger librement dans un climat de confiance, de respect pour titiller des questions éthiques. Cela va au-delà du Conseil de la Vie Sociale où en tant que directeur on a plein de sujets à mettre pour les valider au Conseil d’Administration donc c’est souvent technique et, même si on essaye de vulgariser, on est pris en tant que professionnel dans notre jargon, dans nos fonctionnements. Donc le CRU permet de prendre du recul sur des questions sensibles. C’est laisser la parole à nos usagers au-delà de nos Conseils de la Vie Sociale qui sont très formalisés. Chaque acteur prend son rôle à cœur et dans un respect mutuel. Je souligne l’engagement des professionnelles et des travailleurs à être là aujourd’hui pour parler de ce CRU, qui a vocation à durer dans le temps et à être renouvelé de façon plus importante chaque année.

Nelly : Je suis aide médico-psychologique et j’ai pu accompagner Yvan et Rolland lors de ce CRU. Ce sont toujours des temps forts, l’année dernière le thème c’était la

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LES ACTES

communication avec les familles. C’était tout autre chose mais c’est toujours intéressant car on a des retours d’autres personnes qui sont en demande d’avoir des informations sur ce thème. C’est intéressant ensuite pour nous pour travailler avec les personnes sur ce thème-là, en tant que professionnel ça nous aiguille sur comment aborder les choses. Le fait que c’était une intervenante extérieure permet aussi de prendre contact avec cette professionnelle.

Daniel Coguic : Le but, à la suite de ce CRU, est de dupliquer et que l’établissement tire des enseignements au niveau des équipes.

Nelly : C’est intéressant que ça se déroule à Plémet car dans le Centre-Bretagne, il se passe parfois peu de choses au niveau des conférences et du coup c’est bien que les personnes puissent se déplacer et qu’il y ait des thèmes comme ceux-là abordés.

Echanges avec la salle :

Un usager: Bonjour, je suis à l’ESAT Louis Philibert. C’est très bien cette assemblée générale, je me suis régalé en apprenant beaucoup de choses mais il y a aussi des thèmes pour les prochaines années. Par exemple, les personnes en situation de handicap avec des parents malades ou un autre thème sur les personnes en situation de handicap dans les médias comme des films : huitième jour avec Daniel Auteuil, film qui a été primé au festival de Cannes ou alors une émission passée ce weekend sur France Télévisions : le téléthon ; les documentaires, les reportages qui montrent aussi comment la personne en situation de handicap s’en sort, comment elle vit avec sa famille et ça serait très intéressant de l’aborder dans les prochaines années. Merci beaucoup.

Les ateliers du croisement des savoirs, ATD Quart Monde

Hervé LEFEUVRE

Responsable des ateliers de croisement des savoirs Pauline MALLIER

Educatrice spécialisée CDE Henri Fréville clinicienne

Hervé Lefeuvre :

Bonjour à toutes et à tous. La première rencontre avec le GEPSO pour ATD, c’était il y a 5 ans à la demande de la directrice et du

directeur adjoint du Centre de l’Enfance à Chantepie en Bretagne. Il y a eu un premier contact, nous étions intervenus à un congrès à la Rochelle et une histoire intéressante a démarré avec Hélène Cario

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LES ACTES

et Eric Delemar qui voulaient monter un comité d’usagers et qui étaient venus nous voir pour cela. On leur a dit que nous avions autre chose à leur proposer, la démarche de croisement des savoirs et des pratiques.

Pour me présenter, je suis volontaire permanent ATD quart-monde engagé à temps plein aux côtés des personnes en très grande pauvreté et en responsabilité de l’animation de cette démarche de croisement des savoirs.

Pauline Mallier : Je ne suis pas membre d’ATD, je suis éducatrice au Centre de l’Enfance Henri Fréville à Chantepie sur le service du FARU – familles d’accueil relais d’urgence – et il y a trois ans, j’ai participé à une formation sur le croisement des savoirs.

Hervé Lefeuvre : Il faut d’abord savoir ce qu’est cette démarche de croisement des savoirs, quels sont les fondements, les principes et se reposer des questions sur la place de chacun dans la société. Il y a également des éléments de méthodologie parce que lorsque l’on parle de participation, cela ne s’improvise pas.

Tout d’abord, ATD quart-monde c’est la lutte contre la grande pauvreté, la défense des droits des personnes pour qui l’exercice des droits fondamentaux est compliqué. On a inventé cette démarche de croisement des savoirs autour d’un enjeu démocratique et politique : La lutte contre la grande pauvreté et les progrès démocratiques ne sont possibles qu’avec le partenariat effectif des personnes en situation de pauvreté. On ne s’attaque pas à un tel fléau si on ne prend pas en compte l’expérience des personnes qui vivent la grande pauvreté et ce que cette expérience les amène à dire. Si ce partenariat des personnes est indispensable, c’est parce qu’elles détiennent du savoir, du vécu qui aide à comprendre ce qu’est la pauvreté et ce qu’il faut engager pour enrayer les mécanismes d’exclusion. Le terme « savoirs du vécu » est

important car on n’est pas au niveau du témoignage, on fait appel à des connaissances. Le fondateur d’ATD Joseph Resinsky a connu la misère et c’est le premier à avoir introduit cette notion d’acteur chez les personnes en grande pauvreté et la notion de savoirs chez ces personnes. Nous ne sommes pas dans le champ du handicap mais des parentés vont se faire.

Il y a un premier principe de cette démarche participative, c’est un principe éthique qu’on ne peut pas remettre en question socialement : toute personne est potentiellement capable d’interpréter sa situation et le rapport qu’elle entretient avec son environnement. Dans la mesure où il y a une capacité de prendre la parole, de réfléchir, on considère que toute personne est à même de dire ce qu’elle ressent, ce qu’elle veut pour son projet de vie. Si l’on remet ça en question, on met en péril toute la démocratie. C’est un principe fondamental. Cela suppose qu’on considère que chacun est détenteur d’une part de vérité, qu’il a des clés de compréhension. Cela nous fait rencontrer les personnes sur un plan humain mais aussi sur le plan de la réflexion. De cette manière, on va chercher chez ces personnes quelque chose de très noble qui est de l’ordre de « je suis capable de penser quelque chose qui m’appartient à moi et qui est important que vous entendiez ». Une personne tout à l’heure nous a dit « on nous donne la parole et on peut dire des choses à notre tour ».

Un autre principe est un principe épistémologique. L’épistomologie c’est l’étude des savoirs. Avec le croisement des savoirs, le savoir se construit et s’enrichit par le dialogue, par la réciprocité entre les acteurs qui reconnaissent que le savoir est pluriel et complémentaire. Le savoir n’est pas entre les mains des instruits, des experts, des savants ; du savoir, il y en a en chacun de nous du fait de l’expérience de vie ou de l’expérience professionnelle. On a tous à contribuer à la production d’un

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savoir, d’une réflexion pour savoir ce qu’on peut améliorer ensemble. M Coguic a dit que nous cherchions à se faire rapprocher deux mondes qui ne se connaissent pas, c’est la formule qui nous convient tout à fait car l’atelier de croisement des savoirs amène à rapprocher différents acteurs, des personnes en grande difficulté, des universitaires, des professionnels, des responsables politiques et ce sont des mondes qui se côtoient mais qui se connaissent mal. Les relations sont faites d’incompréhensions, de conflits donc c’est ce rapprochement de mondes différents qu’il faut réussir. Ce qu’on essaye de rapprocher, ce sont ces savoirs du vécu des personnes en situation de pauvreté et on insiste pour que ces savoirs soient collectifs c’est-à-dire que ces personnes ne viennent pas en leur nom individuel mais au nom d’un collectif. Ces personnes se nomment militantes parce qu’il y a un projet politique, un projet de société et qu’elles viennent en tant que citoyens. De ces savoirs du vécu, on rapproche les savoirs théoriques des chercheurs, des universitaires, des scientifiques dont la réflexion est extrêmement importante mais d’un autre ordre. On a aussi besoin de ces savoirs instruits. Et il y a les savoirs pratiques, détenus par des professionnels quel qu’ils soient et aussi indispensables que les deux autres. Ces trois types de savoirs sont complémentaires, se construisent chacun d’une manière différente mais qui ont besoin de se rencontrer.

Il y a enfin un principe opérationnel c’est-à-dire que l’on agit pour des transformations sociales. Les savoirs du vécu des personnes permettent de vérifier la pertinence et l’efficacité des actions entreprises. Lorsque vous sollicitez des personnes privées des moyens d’existence, elles pointent les choses essentielles à prendre en compte. La particularité de cette démarche c’est que l’on place les savoirs du vécu au point de départ. On reconstruit les choses ensemble.

On en vient aux moyens et processus pédagogiques. Avec des universitaires, on a inventé une façon de faire qui est utilisée depuis une vingtaine d’années. Quand il y a un travail de croisement des savoirs, les participants constituent des groupes de pairs et construisent une réflexion personnelle et collective en référence à une expérience ou à des responsabilités propres à leurs milieux (professionnel, de pauvreté, universitaire). On donne la possibilité, aux professionnels, aux personnes en situation de pauvreté et aux universitaires de se retrouver en groupe de pairs, en collectif pour élaborer ce qu’ils ont à se dire entre eux et avec les autres groupes. D’où l’importance de la liberté d’expression pour chacun et de l’autonomie des savoirs : chacun des acteurs a besoin de construire une réflexion avec ses pairs sans être dérangé par les autres groupes. Lorsque les personnes en situation de pauvreté se réunissent ensemble, elles ont une liberté de penser, de dire les choses sans être gêné par les professionnels. Cette liberté de parole est extrêmement importante pour ce travail en groupes séparés. Il s’agit ensuite de confronter les points de vue des groupes de pairs pour élaborer, à partir de ces points de vue différents, des propositions d’actions. Les acteurs sont ensemble pour arriver à un résultat. Ce qui conduit à une co-écriture des résultats du travail. On part d’une réflexion personnelle vers une réflexion collective, une confrontation puis une production écrite pour fixer par écrit ce sur quoi on s’est mis d’accord.

La co-formation est une formation mutuelle entre des personnes en grande pauvreté et des professionnels, le but étant de renforcer et d’acquérir des compétences pour mieux travailler en partenariat. En général, le format c’est 4 jours consécutifs avec 15 ou 16 professionnels et 5 ou 6 personnes en situation de pauvreté. Le premier travail consiste à questionner les représentations mutuelles car il y a beaucoup de malentendus qui naissent de

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représentations faussées. On analyse des expériences qui sont rapportées par les participants. Récemment, on a travaillé avec des cadres de la protection de l’enfance et les parents ont expliqué comment ça se passe pour eux dans les dispositifs. A partir des analyses, on en déduit ce qui peut améliorer le partenariat, par exemple, entre parents et responsables de l’Aide Sociale à l’Enfance.

Pauline Mallier :

J’ai participé à une co-formation avec des professionnels de la protection de l’enfance, éducateurs et chefs de service et avec des personnes membres d’ATD mais parents d’enfants placés. C’est important de préciser que c’est une formation extrêmement bien encadrée avec une méthodologie qui est essentielle parce qu’on confronte des parents et des professionnels sur un sujet douloureux à savoir le placement d’un enfant. Il y a des enjeux forts, relationnels et des situations complexes. L’idée, pendant 4 jours, a été de pouvoir échanger ensemble sur des thématiques, par exemple la responsabilité : ce qu’est la responsabilité pour nous en tant que professionnel et ce qu’est la responsabilité du point de vue des parents. Travailler sur la parentalité me tenait déjà à cœur avant cette formation et ce que ça m’a apporté de plus c’est que ça a enrichi mon regard sur la parentalité et de le rendre plus objectif. Cette co-formation permet à un moment donné de se mettre de l’autre côté du miroir que ce soit les parents qui peuvent voir ce qui se joue pour nous en tant que professionnel dans les actions que l’on met en œuvre et pour nous surtout, de se mettre à la place des parents sur la manière dont ils peuvent recevoir ce qu’on leur propose en termes d’accompagnement. C’est, par exemple, se rendre compte que le vocabulaire n’est pas compris parce que pas adapté avec des termes propres à notre jargon professionnel ou inadaptés comme de dire « le but c’est de maintenir le lien avec votre

enfant » alors que le lien avec l’enfant a été toujours là mais nous, on ne se rend même plus compte dans notre façon de pratiquer à quel point on est en décalage avec ce qui se joue dans le ressenti des parents. En protection de l’enfance, on est très à l’endroit de protéger l’enfant parce que c’est notre mission première mais il est essentiel de remettre la place du parent dans ce schéma-là. Certes la priorité est de mettre à l’abri l’enfant mais si on ne travaille pas avec le parent à une évolution positive, les situations ne vont pas s’améliorer. C’est aussi repenser la place du parent dans le schéma, le remobiliser dans le quotidien et c’est ce qui ressortait aussi de la co-formation, à quel point dans le cadre d’un placement, le parent est complètement désinvesti du quotidien de son enfant notamment dans les services d’internat éducatif où ce sont les éducateurs qui sont à l’endroit du quotidien de l’enfant auquel le parent n’a plus accès. Donc comment continuer à faire d’eux des acteurs, malgré la mesure de placement, dans le quotidien de leur enfant. Dans la co-formation, il y a aussi du théâtre et on peut se retrouver à vivre certaines situations en tant que parents et se rendre compte dans quelle réalité sont les parents.

Pour cette formation, on était trois et une des collègues ne travaille plus au Centre de l’Enfance donc on est plus que deux. Depuis, tous les ans, avec les autres professionnels qui avaient la co-formation avec nous, on se rassemble pour continuer à échanger sur l’évolution de nos pratiques dans nos institutions respectives. Après nous ne sommes que deux dans notre institution, plus il y aura de monde formé et notamment des cadres, plus on pourra échanger sur cette thématique. Je souhaiterais faire un état des lieux de comment travaille-t-on la parentalité dans les différents services de mon institution et comment peut-on faire évoluer ces pratiques. Mais aussi le regard car avant de faire évoluer sa pratique, il faut changer le regard que l’on porte. L’idée c’est aussi que

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les instituts de formation proposent des modules sur cette thématique et comment y faire participer des parents. De manière concrète dans l’institution, il n’y a pas eu de grandes actions. Sur le quotidien, dans ma pratique, ça a changé beaucoup de choses et c’est une parole qu’on essaye d’avoir

auprès des professionnels mais à deux, ça manque d’une dynamique plus globale. Il faudrait qu’il y ait beaucoup plus de gens qui se forment et qui vivent cette formation parce que c’est une expérience qui se vit pour se figurer tout ce qu’elle vient impacter.

Echanges avec la salle :

Questions :Vous avez soulevé quelque chose d’important, dans les programmes de formation des équipes éducatives en protection de l’enfance, l’aspect de la place de l’usager et de sa participation n’est pas du tout abordé donc les jeunes professionnels qui arrivent sur le terrain, c’est difficile pour eux. Si ce n’est pas porté par l’institution d’une manière ou d’une autre, cette place-là sera difficile à prendre. La loi de 2016 met l’accent sur la formation mais il y a aussi peut-être du lobbying de notre part à faire auprès des instituts de formation.

Hervé Lefeuvre : A ce propos, l’Unaforis qui chapeaute la plupart des IRTS en France, vient d’éditer le guide de la participation des personnes dans la formation des futurs intervenants sociaux ; c’est un guide très intéressant, je vous conseille de vous le procurer sur le site de l’Unaforis.

Pour faire une remarque rapide, j’ai la sensation que la co-formation répond à un réel besoin dans les foyers de l’enfance qui sont en charge de l’accueil d’urgence des enfants en situation de danger puisqu’on a l’impression, à la Maison d’Alby en particulier, qu’il y a de plus en plus de placements qui ressemblent à ceux des années 60 c’est-à-dire de la grande misère avec une situation non pas de maltraitance ou de carence éducative mais une situation de mise à la rue des parents qui conduit au placement des enfants d’où la nécessité de travailler en partenariat avec des associations qui sont à même de nous faire comprendre les besoins de ce placement et de ce public en particulier.

Pauline Mallier : C’est aussi la question de la porte d’entrée que l’on a avec les parents, celle du jugement qui va mettre en évidence tous les dysfonctionnements alors qu’il faut partir des connaissances, du potentiel des parents et de la réalité de leur situation. Selon les contextes et les raisons du placement, mais même quand il y a des carences éducatives ou de la maltraitance, il faut repartir des compétences, des potentialités et être dans un soutien plus important de la parentalité. Encore faut-il avoir les moyens pour accompagner davantage les parents dans ces moments-là.

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Mise en place du RUPP* *Représentation des Usagers Par leurs Pairs

Christophe HOLDER Formateur

Françoise HANRIOT Usagère de l’Esat et représentante des usagers PSR du CAPs de Rosières aux Salines

Dorothée KENNEL Usagère à l’ESAT STL du CAPs à Lunéville

José PEREIRA Usager de l’Esat PSR du CAPs de Rosières aux Salines

La formation Rupp est une idée de notre ancien directeur monsieur Jean-Pascal THIEBAUT qui a soumis l’idée de créer une activité commerciale pour former des usagers d’autres ESAT et est animée par les représentants de notre établissement.

En 2012, il a confié ce projet à l’EAP (éducateur d’accompagnement professionnel). Le Caps a mis en place depuis les années 1990, un système de représentation des usagers à plusieurs niveaux. Les représentants des usagers ont l’expérience de la représentation de leurs collègues depuis plusieurs années. La pertinence de la réflexion est la preuve de leur capacité à exercer pleinement leur mandat avec un accompagnement spécifique (conseiller technique EAVS).

Tous les débuts du mois, il y a une réunion générale, puis les CHSCT, les CCO (commission consultative des ouvriers), les CPF et les COS (commission des œuvres sociales). Le CVS (Conseil de la vie sociale) chapeaute toutes les autres réunions.

Le CVS se réunit trois par an et permet de répondre aux questions non résolues en CPF, en CHSCT ou encore en CCO.

Si elles ne sont toujours pas résolues, elles sont soumises en conseil d’administration.

Si les représentants de nos usagers sont capables d’exercer leur mandat, alors nous faisons le pari que certains d’entre eux seront capables d’expliquer leurs missions à d’autres usagers. Pour ce faire, il faut faire des formations (3h, un jour par semaine avec des jeux de rôles, des explications et apprendre à se présenter).

Pour articuler la formation, il faut des formateurs et nous avons des représentants.

Il faut un support pédagogique adapté au formateur et aux stagiaires.

Il faut des exercices pratiques et un numéro d’agrément afin d’aller vers l’extérieur, il faut des clients et communiquer sur ce projet. Il faut se partager le travail de conception…

La préparation des usagers formateurs :

Nous avons invité les usagers volontaires à suivre des formations pour être formateur. Cette formation a été mise en place par les EAP et a concerné environ 12 personnes sur 8 séances de 3h.

Elle s’est portée sur l’expression orale, l’animation d’un groupe, l’attitude à adopter face à un groupe. Au final 8 personnes sont devenues formateurs,

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certains ont quitté le Rupp d’eux-mêmes, d’autres n’avaient pas les aptitudes nécessaires pour devenir formateur.

Le support pédagogique :

C’est le fil conducteur de la formation et le document d’appui pour le formateur. Il est simple et accessible au plus grand nombre. Il illustre autant que possible les idées théoriques.

L’Agrément :

Le numéro de déclaration d’activité de formation permet de reconnaitre officiellement le dispositif de formation RUPP. Le client peut demander à un organisme de formation de rembourser le coût de la formation. La mise en place de la 1ère RUPP a eu lieu à l’ESAT les Eaux Bleues à Liverdun en juillet 2014. Depuis, 11 sessions ont été mises en place pour 123 stagiaires.

Nous sommes allés dans plusieurs ESAT et entreprises adaptées de la région mais aussi en Normandie.

Les bénéfices pour l’usager formateur :

C’est bien de montrer aux gens que l’on est capable de former d’autres gens malgré notre handicap. Cela permet de connaitre plus de monde et de faire un projet professionnel. Cela nous fait plaisir d’apprendre quelque chose aux autres personnes et avoir des échanges et cela est enrichissant.

La formation RUPP a reçu plusieurs prix :

Droits des usagers de la santé, label 2014 par l’ARS, trophée direction 2015…

Le dispositif RUPP a aussi été présenté au conseil départemental de Meurthe et Moselle et au parlement Européen du Luxembourg. Un article de presse est également paru.

Vous pouvez nous contacter au Carrefour d’accompagnement public social, 4 rue Léon Parisot 54110 Rosières aux Salines. 03 83 48 14 12.

Mail : [email protected]

Ja.lucas@cas-54_51.com

Mr HOLDER : éducateur au CAPs de rosières

J’accompagne ces messieurs, dames dans ce projet et nous avons fait le pari de la compétence des usagers. De ce fait, s’ils sont compétents pour faire la formation ils le sont pour la présentation donc je suis resté en retrait pendant la présentation.

La première fois qu’on m’a présenté le projet, je n’y croyais pas. Plus on y réfléchit, plus on se dit que les usagers ont beaucoup de compétences mais ce sont les professionnels qu’il faut bousculer.

Grâce à l’accompagnement mis en place, les usagers sont aidés à aller plus loin. Est-ce que cela pose un problème à l’établissement de libérer les usagers qui ont désormais le grade de formateur ?

Quand on change une organisation pour une nouvelle, il y a toujours des complications. Toutefois, on veut qu’elle devienne une activité professionnelle de l’ESAT d’où les démarches entreprises.

On tombe très vite dans la difficulté pour que les chefs de services les lâchent pour aller faire ce qu’ils ont appris (la formation).

Si on veut véritablement que les usagers aient la 1ère place il faut accepter de se laisser déranger dans nos organisations.

C’est une activité qui peut devenir professionnelle et on peut aider d’autres à faire la même chose.

Claude VEISSE : C’est ce type d’actions qui sont saisies au CNU afin de les mutualiser.

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MR HOLDER : l’objectif à court terme est que les formateurs aillent à l’IRTS de Lorraine pour présenter le dispositif.

Echanges avec la salle :

Question :Ce travail peut intéresser ailleurs et avez-vous réfléchi à la manière dont vous allez pouvoir vous organiser pour répondre aux sollicitions (déplacements) ?

Réponse : Oui c’est possible, nous sommes allés à Madiran il y a quelques temps.

Question technique : Il y a d’autres associations, fédérations qui seraient très intéressées par votre démarche, êtes-vous ouverts à cela ?

Réponse : On dépend de la FPH mais nous sommes très ouverts. Quand un organisme nous interpelle, on calcule le cout réel du transport de la formation. Nous sommes preneurs de tous les contacts (relais CNFPT…). Les personnes en situation de handicap ont des compétences pour former d’autres personnes en situation de handicap.

Un outil d’auto-évaluation pour les jeunes de la protection de l’enfance

Véronique ROURE Médecin psychiatre coordonnateur

Il s’agit du fruit d’un travail qui a débuté avec la loi de 2002 et la recherche d’outils de recueil de la parole des personnes accompagnées à l’IDEA.

A l’époque j’étais médecin dans un service de réhabilitation psychosociale, personnes en situation de handicap psychique. Ces personnes étaient encore trop longtemps hospitalisées et nous avions une difficulté à mettre en place des projets.

Lors d’un congrès de réhabilitation, j’ai découvert un outil, l’outil ELADEB (échelle Lausannoise d’auto évaluation des difficultés et des besoins).

C’est un outil d’auto évaluation qui a pour but de produire un profil quantitatif des

difficultés et des besoins des personnes assorties d’un profil clinique des besoins de la personne. Cet outil a été développé par des psychologues d’une unité de réhabilitation Lausannoise puis validé.

Quand je suis arrivée à l’IDEA, nous avions beaucoup de jeunes adolescents en rupture de projets, nous avons donc réfléchi avec un groupe de professionnels à comment les remotiver dans leur accompagnement (psychologue, infirmier, éducateur…) ?

On a souhaité l’adapter à la population de l’enfance en commençant par une première expérimentation dans deux services.

On a fini par valider un outil qui permet de recueillir les besoins et les demandes

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d’accompagnement des personnes concernées (enfants, adolescents, parents).

Cet outil est maintenant intégré dans la procédure du projet individuel de l’IDEA.

C’est un jeu de carte, sur chaque carte, un domaine et une illustration. Ces cartes sont réparties en trois grands domaines :

• la sphère du quotidien

• la sphère relationnelle

• la sphère de la santé

Pour les moins de 12 ans, il y a 19 cartes.

On remet à la personne les cartes et elle va les trier en deux paquets :

• besoin d’être accompagné

• pas besoin d’être accompagné

Pour les plus de 12 ans, il y a deux cartes supplémentaires (les tâches administratives et le souhait d’avoir des enfants).

La passation :

L’idée est d’offrir à la personne un temps individuel, un temps calme afin qu’elle exprime ses besoins en toute neutralité.

L’entretien se fait par deux professionnels (un qui manipule et un qui est en interaction) :

• C’est une façon de garder la neutralité. Ce temps est de 30 à 45 min.

Le but de l’outil n’est pas d’aller là où nous voulons aller mais d’aller là où ils veulent aller.

• C’est également l’intérêt et la richesse d’un regard croisé – de la santé et de l’éducatif

Après un premier temps consacré à la présentation des cartes, elles sont distribuées en demandant à la personne de faire le tri.

Le tri peut être suivi d’un second tri pour y ajouter de la temporalité.

L’outil s’accompagne d’une grille de recueil à remplir au fur et à mesure de la passation.

0 : la pers n’a pas identifié de besoin d’accompagnement, 1 puis 2 : besoin d’accompagnement urgent.

On s’appuie sur les besoins de la personne et on lui montre ce qu’elle a choisi.

Une fois ce tri effectué, le dialogue s’engage avec la personne :

Qui peut l’aider ? Comment l’aider ? De quoi a-t-elle besoin ? On cherche à recueillir les besoins de la personne en s’inscrivant dans une co-construction.

C’est une collaboration étroite avec la personne pour co-construire son projet.

Cet outil permet de donner la parole au principal intéressé, le mobiliser comme un acteur et lui donner la possibilité de s’exprimer sur tous les champs.

Ce que l’on a pu observer c’est que les enfants s’en emparent, les adolescents sont intéressés et la connaissance de leurs difficultés est très fine.

On garantit le respect de la parole de l’usager mais aussi son implication.

Exemple : une personne schizophrène me disait moi tout ce qui m’intéresse c’est de pouvoir prendre le bus mais on me regarde de travers quand je prends le bus.

Les professionnels m’expliquaient qu’en prenant une douche tous les 15 jours et qu’en se changeant tous les six mois, il ne faut pas s’étonner des réactions.

On a donc dit, on va vous apprendre à prendre le bus mais pour se faire, il y a des prérequis et progressivement ça s’est fait naturellement.

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Ce qui garantit la pertinence et la validité de l’outil :

• L’architecture, les modalités de passation sont exactement les mêmes que celles de l’outil ELADEB, validé

Quand peut-on le passer ?

• Très tôt, souvent lors du projet individuel.

• Quand on est en panne de projet ou face à un jeune

• Avec les jeunes et avec les parents

Echanges avec la salle :

Questions : Est-ce que vous utilisez cet outil en cours de réévaluation du projet ? Oui, il n’y a pas de temporalité à respecter.

Quelles sont les modalités pour se procurer l’outil ? C’est un outil bricolé, mais il peut être partagé. Il faut toutefois que je mène une réflexion sur comment faire pour le fournir après une remise en forme (à voir également avec la directrice de l’établissement) ? Si plusieurs établissements du champ de l’enfance sont intéressés, on peut faire un groupe de travail au niveau National pour l’exploiter, pour créer un outil. En sachant que cet outil a aussi été développé dans le champ du handicap.

Remarque : J’ai testé l’outil en tant que professionnel (éducateur) et c’est un très bon outil pour accompagner les jeunes

La prise de notes est très importante et le délai est assez court ce qui est une bonne chose. Cela aide également pour la communication non verbale pour les jeunes qui ont du mal à s’exprimer.

Question : Est-ce que cela fonctionne pour tous les types de profils de jeunes ? Oui, je suis sur un accueil de jour de jeunes en insertion et je travaille sur le réajustement du projet individuel. C’est un outil qui peut être utilisé en l’adaptant.

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Clôture

Marie-Laure DE GUARDIA Présidente du GEPSo

Avec Claude, il nous appartient de clore. Beaucoup doivent partir prendre leurs moyens de transport. Deux mots pour finir : Parler très sincèrement de notre satisfaction, je vais parler de la mienne. Je suis très contente de cette journée à plus d’un titre. D’abord remercier toutes les personnes qui étaient là, il y a eu beaucoup de réactivité et de questions, c’est très important pour nous d’avoir ces échanges et de voir votre intérêt à ce qui a été présenté. Mais aussi la diversité des intervenants et des participants, on a une multiplicité de personnes qui s’intéressent à cette question de la participation citoyenne : des chercheurs, des usagers, des parents d’usagers, des travailleurs sociaux. Et cette diversité qui rentre par une porte personnelle - on a eu des outils présentés, du militantisme, de la présentation de politique publique, différentes formes d’espaces d’échanges – elle est intéressante et je l’ai beaucoup apprécié pendant cette journée. Je remercie tous ceux qui sont intervenus. Au final, ce que je retiens c’est que cette façon de travailler différemment amène beaucoup de fierté et beaucoup de dignité autant pour les personnes accompagnées que pour les professionnels. Il y a un sentiment de faire quelque chose de positif qu’on peut tous ressentir lorsqu’on travaille en collaboration et pour une meilleure efficacité de ce qu’on fait ensemble. Merci encore et ce n’est qu’une première journée, il y en aura d’autres.

Claude VEISSE Président du CNU

Il me revient d’amener le mot du Président du CNU et je voudrais remercier vivement l’ensemble des participants que je vais renommer parce qu’ils le méritent. J’ai noté une petite phrase à propos de chaque exposé.

Mme Véronique GHADI, je retiens « agir au niveau individuel et collectif et puis développer la place des usagers dans la recherche et la formation ».

Mme Gaëlle COSTIOU, j’ai noté une émergence progressive de l’usager au niveau juridique. Le terme usager n’est apparu officiellement qu’en 1975 et depuis, l’usager est activé. Je le vois : mon fils a 42 ans et ça a changé en 42 ans et ça continuera à changer.

Mme Hélène GEURTS, j’ai noté la création de fiches pour clarifier l’envie et que l’autodétermination était un droit. Vous avez dit aussi « il n’y a rien pour nous sans nous ».

M. Jean Briens a fait un brillant historique sur le CRU et le CNU, je le remercie vivement car ce n’était pas qu’une chronologie date par date mais cela montrait d’où on est parti et aujourd’hui où nous sommes.

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M. Daniel COGUIC et son équipe : Co-construire dans le champ du handicap ce n’est pas évident mais il l’a fait et surtout il est venu avec son parterre d’usagers qui se sont bien exprimés et ont répondu aux questions. Félicitations car cela a nécessité un gros travail de préparation.

M. Hervé LEFEUVRE et Mme Pauline MALLIER, j’ai noté « Faire se rapprocher des mondes qui ne se connaissent pas » ce qui est primordial et c’est une réalité.

M. HOLDER et son équipe, les formateurs du Grand Est. Vous avez brillé, vous avez fait de la pub. M. HOLDER avait dit que « lorsqu’on m’a demandé de faire ça, je ne pensais pas que c’était possible ». Merci à vous d’avoir participé très vivement.

Mme Véronique ROURE, il y a une caisse à outils et on prend l’outil qui correspond le mieux et j’ai trouvé que votre outil va très bien dans la caisse à outils et beaucoup dans cette salle le réutiliseront.

Je remercie ces personnes qui sont intervenues aujourd’hui mais aussi la salle, les participants et les usagers pour leur participation active. Entre chaque exposé, il y avait un très fort fil conducteur, c’est l’usager. Quel usager ? L’usager, sa vraie place en paroles et sa vraie place en actes, c’est une réalité.

Je remercie les organisateurs qu’on ne voit pas dans les coulisses, Laura et Latifa. Bon retour à toutes et à tous, en toute sécurité.

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