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 UNIVERSITÉ DE CAEN-BASSE-NORMANDIE INSTITUT D’ADMINISTRATION DES ENTREPRISES Ecole Doctorale Économie Gestion Normandie Thèse présentée par Christophe Trowski Soutenue le 9 février 2009 en vue de l’obtention du DOCTORAT EN SCIENCES DE GESTION Mention Finance Causes et conditions de réalisation des fusions et acquisitions. Une explication comportementale Membres du jury M. Hervé Alexandre, Professeur à l’Universi té Paris-Dauphine (Directeur de thèse) M. Pascal  Grandin, Professeur à l’Université Lille II (rapporteur) M. Jean-Claude Papillon, Professeur émérite à l’Université de Caen/Basse- Norma ndie (Directeur de thèse) M. Patrick  Roger, Professeur à l’Université Strasbourg I - Louis Pasteur (rapporteur)

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UNIVERSIT DE CAEN-BASSE-NORMANDIEINSTITUT DADMINISTRATION DES ENTREPRISESEcole Doctorale conomie Gestion NormandieThse prsente parChristophe TrowskiSoutenue le 9 fvrier 2009 en vue de lobtention duDOCTORAT EN SCIENCES DE GESTIONMention FinanceCauses et conditions de ralisation desfusions et acquisitions.Une explication comportementaleMembres du juryM. Herv Alexandre, Professeur lUniversit Paris-Dauphine (Directeurde thse)M. Pascal Grandin, Professeur lUniversit Lille II (rapporteur)M. Jean-Claude Papillon, Professeur mrite lUniversit de Caen/Basse-Normandie (Directeur de thse)M. Patrick Roger, Professeur lUniversit Strasbourg I - Louis Pasteur(rapporteur)Remerciements 2RemerciementsJe tiens exprimer ma profonde reconnaissance mes directeurs de thse, les Profes-seurs Herv Alexandre et Jean-Claude Papillon pour avoir suivi avec attention montravail doctoral, pour leur disponibilit et leurs prcieux conseils et suggestions.Je remercie les Professeurs Grandin et Roger qui me font lhonneur de participer lvaluation de cette thse.Mes remerciements sadressent galement aux enseignants, chercheurs et personnelsadministratifs du NIMEC et de lIAE de Caen.Enn, je remercie les membres de ma famille pour leur soutien et laection quilsmont tmoigne.Table des matires 3Table des matiresRemerciements 2Table des matires 3Introduction 61 Les explications comportementales des choixdinvestissement et denancement 131.1 Les explications fondes sur le sentiment de linvestisseur . . . . . . . . . 131.1.1 De lecience des marchs dactions . . . . . . . . . . . . . . . . . 141.1.2 Les dterminants des politiques dinvestissement et de nancement 281.1.3 Le cas des fusions et acquisitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . 331.2 Les explications fondes sur la surconance des dirigeants . . . . . . . . . 371.2.1 Les hypothses de lapproche fonde sur la surconance des diri-geants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 371.2.2 Les dterminants des politiques dinvestissement et de nancement 401.2.3 Le cas des fusions et acquisitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422 Acquisitions and Bidder Stock Valuations: Empirical Evidence on theFrench Market 472.1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 472.2 Theoretical literature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 482.2.1 Neoclassical hypotheses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 492.2.2 Behavioral hypotheses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 502.3 Model and empirical predictions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 512.4 Data and mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 542.4.1 Identication and description of merger and acquisition waves . . 542.4.2 Measuring mispricing. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57Table des matires 42.4.3 Measuring managerial overcondence . . . . . . . . . . . . . . . . 582.5 Tests and ndings . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 612.5.1 Industry shocks . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 612.5.2 Market timing and managerial overcondence . . . . . . . . . . . 632.6 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 663 Pourquoilesactionnairesdelacibleacceptent-ilsdtrepaysenac-tions ? 683.1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 683.2 Thories et hypothses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 693.2.1 Asymtries dinformation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 703.2.2 Court-termisme et inertie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 713.2.3 Lintrt personnel du dirigeant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 733.3 Donnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 763.3.1 Variables dpendantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 763.3.2 Structure de proprit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 783.3.3 Caractristiques des dirigeants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 793.4 Rgressions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 803.4.1 La mthode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 803.4.2 Rsultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 813.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 904 Emissionsdactionsetstratgiesdefusions-acquisitionsfacelven-tualit dune prise de contrle 914.1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 914.1.1 Dterminants exognes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 914.1.2 Dterminants stratgiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 924.2 Modle et prdictions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 954.2.1 Hypothses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 954.2.2 Stratgies dfensives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 974.2.3 Stratgies de positionnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 984.2.4 Facteurs dterminants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 994.2.5 Taille des rmes, structure du secteur et formulation des stratgies1004.3 Donnes et rsultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1024.3.1 Caractristiques de lchantillon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1024.3.2 Variables expliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103Table des matires 54.3.3 Variables explicatives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1054.3.4 Rsultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1064.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108Conclusion 112Bibliographie 116Liste des gures 126Liste des tableaux 127Introduction 6IntroductionLexplication en thorie nancire des dcisions dinvestissement et de nancementmergeantdelarelationentrelesdirigeantsetlesinvestisseursreposetradition-nellement sur deux rfrentiels qui dirent singulirement selon quils intgrent ou nonlexistencedasymtriesdinformationetdintrtsdivergents. (1)Lathorienoclas-sique sappuie sur une forme forte decience des marchs nanciers : les investisseurscomptent parmi eux des individus susamment informs et rationnels pour dceler etexploiter leur compte les erreurs dvaluation commises par les autres agents, et suf-samment nombreux pour ainsi faire rapidement converger le prix des actions vers leurvaleur fondamentale.1Les dirigeants qui ne sont pas limins du march sont anims,eux-aussi, par une forte rationalit, cest--dire quils estiment prcisment les ux issusdes investissements ainsi que leur distribution de probabilits, et utilisent correctementle taux de rendement exig par les actionnaires et ret par le prix des actions pourdterminer le cot du capital et valuer la rentabilit des projets dinvestissement. Parailleurs, la structure de nancement rsulte dun compromis entre les avantages et lescots de lendettement, la structure optimale tant celle qui galise le gain marginal deladetteetsoncotmarginal.(2)Lecadreconceptueldelananceorganisationnelleest moins restrictif quant au degr de connaissance des investisseurs. Ils sont moins bieninforms que les dirigeants et supportent de ce fait un risque moral li au comportementopportunistedecesderniers. Toutefois, ilsontconsciencedecerisqueetentiennentcomptedanslvaluationdesactions,sibienquencasdedfaillancedesmcanismesinternes de gouvernance, les dirigeants qui privilgient leur intrt personnel (maximisa-tion de leur consommation, enracinement) au dtriment de la situation des actionnairespuissent tre sanctionns sur le march des prises de contrle.Lanancecomportementaleproposedesbasesdirentespourlacomprhensiondes dcisions managriales. Les tudes relevant de cette approche soulignent les limites1La valeur fondamentale dune action est la somme actualise des ux de trsorerie revenant sonpropritaire : dividendes et prix de revente.Introduction 7cognitives de certains investisseurs, limportance de quelques illusions biaisant leurs ana-lyses et lutilisation dintuitions et de rgles de dcisions simples, sources derreurs danslvaluation des actifs nanciers. Elles mettent aussi en lumire la rticence des investis-seurs mieux informs arbitrer leur portefeuille et corriger les sur et sous-ractions dumarch, rendant possible lexistence dun cart entre le prix des actifs et leur valeur fon-damentale. Ds lors, la question de lecience des marchs nanciers a progressivementfait dbat autour de trois critres dont le caractre de moins en moins restrictif traduitlaremiseencauseduparadigmedelecience:laduredecetcart(Fama,1970),2son amplitude (Jensen, 1978)3et son caractre alatoire ou dterministe (Fama, 1998).4Quelque soit la dnition retenue de lecience des marchs nanciers, la possibilit queleprixdesactionspuissetemporairementscarterdeleurvaleurmodielarelationentre les dirigeants et les investisseurs. Linuence des biais comportementaux aectantlarationalitdecesacteurssurlespolitiquesdinvestissementetdenancementfaitlobjet dun champ dtude dnomm nance dentreprise comportementale (behavioralcorporate nance).LapportdelanancecomportementalelacomprhensiondesdcisionsmanagrialesLintrt de ce courant de recherche est important. Le dbat portant sur leciencedu march des actions naurait eectivement quun intrt limit si le fonctionnement de2La premire dnition, propose par Fama (1970), tablit quun march nancier est ecient silintgresimultanmentetcompltementtouteslesinformationsdisponiblesetpertinentes. Lauteurdistingue alors trois formes decience selon la catgorie dinformations considre : lecience forte serapporte lensemble des informations (dont les informations prives), lecience semi-forte concerne lesinformations publiques et disponibles et lecience faible nest rattache quaux informations apportespar lanalyse des cours passs.3Introduisant dans la dnition de lecience les cots de transaction et dinformation, Jensen consi-dre quun march nancier est ecient si les arbitrages raliss sur la base des informations disponibleset pertinentes ne permettent pas de raliser un prot conomique. Autrement dit, un cart durable entrele prix et la valeur fondamentale des actifs ne remet plus en cause lecience des marchs nanciers silest susamment faible pour quil soit impossible de lexploiter.4Fama (1998) abandonne linterprtation quantitativiste de lecience des marchs nanciers, pourlaquelle la vitesse dajustement des prix est innie, au prot dune conception plus proche de la ralit,conduisantapprcierlecienceauregarddelacapacitdesmarchsnanciersfairesimplementconverger le prix des actifs vers leur valeur fondamentale. Cette conception rejoint celle de Black (1986)qui suggre de qualier un march decient lorsque le prix dun actif est compris entre la moiti et ledouble de sa valeur. Elle repose sur le fait que les sur-ractions aux informations mises en vidence ennance comportementale sont aussi frquentes que les sous-ractions et que les tendances de rendementsanormauxaprs unvnement donnsepoursuivent aussi souvent quelles sinversent (endautrestermes,lamoyennedesrendementsanormauxestnullemaislehasardgnreraitdescartsdanslesdeux directions).Introduction 8celui-ci naectait pas le niveau dinvestissement des entreprises ou lactivit conomiquedans son ensemble. Or, il dtermine la manire dont les dirigeants obtiennent des res-sources nancires (politique de nancement) et les allouent (politique dinvestissement)car le march exerce, au-del dune fonction informative, un rle slectif qui consiste priverdenancementslesdirigeantsnerpondantpasauxattentesdesinvestisseurs,et mme les exposer au risque dune prise de contrle impliquant leur remplacement.Laportedelanancecomportementalestenddoncjusqulacomprhensiondespolitiquesdinvestissementetdenancementdesrmespouraumoinsdeuxraisons.Dune part, le lien entre le cours de bourse et la stratgie nancire des entreprises peutrelever de ce syllogisme mis en avant par Morck etal. (1990) : si le sentiment desinvestisseurs aecte le prix des actions et si ce dernier inuence les dcisions dinvestis-sement et de nancement des dirigeants, alors le sentiment des investisseurs devraitlui-mmeinuencerlespolitiquesdinvestissementetdenancement.Dautrepart,sicertains investisseurs dterminent leurs stratgies au gr de lenthousiasme gnral dumarchoudunexcsdeconance, onpeutenvisagerquelesdirigeantsdentreprisesagissent de la mme faon.Ainsi, Baker et al. (2004) identient deux approches rellement direntes. La pre-mire considre les dcisions managriales comme des rponses adaptes aux sur et sous-valuations des rmes par le march. Celles qui sinscrivent dans le cadre dune stratgiede market timing consistent mettre, dans lintrt des actionnaires existants, de nou-velles actions lorsquelles sont survalues par le march, puis les racheter lorsquellesdeviennent sous-values. Dautres dcisions, visant maximiser le rendement boursiersur le court terme, peuvent conduire les dirigeants surinvestir dans des activits quisuscitent un engouement particulier des investisseurs un instant prcis. Dans la secondeapproche, ce sont les dirigeants qui achent des biais comportementaux aectant leursdcisions. Surconants, ils ont tendance surinvestir sils en ont les moyens nanciers.Mais lorsquils sont dpendants du march, cette tendance est freine par leur rticence mettre de nouvelles actions quils croient sous-values par les investisseurs. Repre-nant cette double approche, Shefrin (2001) eectue la mme distinction entre des biaisdorigine externe la rme, et dautres, dorigine interne. Cette dichotomie est repr-sente par la gure 1 dans laquelle la rationalit des dirigeants est croise avec le degrdecience des marchs dactions.Introduction 9Fig. 1 Typologie des reprsentations des dcisions managriales face au degr de-cience des marchs dactions.Thorie no-classique, finance organisationnelleFinance d'entreprise fonde sur la surconfiance du dirigeantFinance d'entreprise fonde sur le sentiment de l'investisseurMarchs d'actions fortement efficientsMarchs d'actions faiblement efficientsRationalit du dirigeant faibleRationalit du dirigeant forteLe choix des fusions et acquisitionsPour plusieurs raisons, nous avons choisi de faire porter notre analyse sur une formeparticuliredinvestissement: lesfusionsetacquisitions. Avanttout, parlechoixdumode de paiement des actionnaires de la cible (numraire ou actions), les caractristiquesdune acquisition rvlent non seulement une dcision dinvestissement, mais aussi unedcision de nancement, tout aussi importante pour comprendre linuence de la sur ousous-valuation des actions.Par rapport linvestissement interne, linvestissement externe prsente en outre laparticularitdtrepossiblementinuencparunesurousous-valuationrelative.Eneet, cequi importedanslecasdesfusionsetacquisitionsnestpastantlasurousous-valuation des actions de lacqureur par rapport leur valeur fondamentale quela sur ou sous-valuation de ses actions par rapport celles de la cible : le poids de lasous-valuation de la cible dans les dcisions de lacqureur est aussi important que celuide la survaluation de sa propre rme. Puisque deux origines peuvent exister, les erreursdvaluationdesinvestisseursetdesdirigeantsdevraientdavantageinuencerlinves-tissement externe que linvestissement interne. Par ailleurs, cette particularit conduitsintressernonseulementaucomportementdelacqureur, maisaussi celui desIntroduction 10actionnairesdelaciblequi acceptentlepaiementpropos. Ellepermetgalementdecomprendrelerendementdesactionsdelacqureuretdelacibleautourdeladatedannonce.Deplus, lesoprationsdefusionetdacquisitionreprsententunmoyendesanc-tionner par une prise de contrle les dirigeants qui ne rpondent pas aux attentes desinvestisseurs. Ds lors, il devient intressant de se placer aussi du ct du dirigeant duneentreprise quil crot, tort ou raison, sous-value par rapport aux autres rmes desonsecteurcarlasous-valuationduneentrepriseet(ou)lasurvaluationdesrmesconcurrentes accrot la menace dune prise de contrle qui serait prjudiciable pour sondirigeant, maisaussi poursesactionnaires. Elledevraitparconsquententranerdesactions visant limiter ce risque, telles quune fusion ou une mission dactions permet-tant daccrotre la taille de lentreprise, ou lacquisition dun concurrent menaant avantquil se manifeste sur le march des prises de contrle.Enn, les travaux empiriques mettent davantage en lumire linuence de lactivitboursire ou de la surconance des dirigeants sur linvestissement externe. La corrlationentre les priodes de hausse boursire et les vagues de fusions et dacquisitions est eneet un thme rcurrent dans la littrature nancire. Par ailleurs, lhypothse dhubrisproposeparRoll(1986)concerneprincipalementlapartdunexcsdeconancedesdirigeants dans leurs dcisions de procder ou non des fusions et acquisitions.Organisation de la thseCettethseestdiviseenquatreparties. Lapremireprsentelecadrethoriquedelanancedentreprisecomportementale ; lessuivantesconstituenttroisessaissurlinuencedelasurousous-valuationdesrmesparlemarchouparlesdirigeantssur la ralisation de fusions et dacquisitions et sur le choix du mode de paiement despropritaires de la cible.La premire partie revient, dune part, sur les limites, expliques en nance compor-tementale,(1)delarationalitdecertainsinvestisseurset(2)delarbitrage,pouvantprovoquer la formation dun cart durable entre le prix des actions et leur valeur fon-damentale. Puis elle prsente linuence de cet cart sur les dcisions dinvestissementet de nancement des dirigeants, ainsi que les facteurs susceptibles daccentuer cette in-uence : un horizon dinvestissement de court terme, lindpendance des rmes lgarddu capital extrieur et la sur-raction des investisseurs la mise en uvre de certainsprojets dinvestissement. Dautre part, elle se penche sur les biais comportementaux desdirigeants conduisant ces derniers surestimer leurs comptences, survaluer leur rmeIntroduction 11et croire que les investisseurs la sous-valuent. Cela a pour consquence une tendanceausurinvestissementetuneprfrencepourlenancementparressources internesoupar dettes.Le premier essai porte sur la relation entre le cours de bourse, lactivit de fusions-acquisitions et le mode de paiement en tenant compte des explications noclassiques etcomportementales. Les propositions relatives lapparition de changements conomiquesannonciateurs de synergies et linuence de la survaluation des rmes par les investis-seurs et par les dirigeants sur le choix du mode de paiement sont testes sur les fusions etacquisitions ralises par les entreprises franaises cotes sur le march Euronext Parisentre1995et2005.Ilapparatque,silevolumedefusions-acquisitionsestdterminparlexistencedechangementsconomiques, lemoyendepaiementestinuencparla sur ou sous-valuation des actions et, plus particulirement, par la surconance desdirigeants : la probabilit dun paiement en actions augmente avec la survaluation delacqureur par le march et diminue avec la surconance de son dirigeant.Dslors, nousnousplaonsdanslesecondessai ductdespropritairesdelacible et nous interrogeons sur les raisons les conduisant accepter un change dactions.Compte tenu de la survaluation des actions de lacqureur et de la tendance des diri-geants surconants proposer dimportantes primes dacquisition payes en numraire,il leur serait en eet prfrable de rejeter les ores dchange dactions. Ainsi, lanalysedes taux de rendement des cibles autour de la date dannonce selon le moyen de paie-ment propos par lacqureur rvle gnralement une prfrence pour un paiement ennumraire. Pourtant, une part signicative des fusions et acquisitions sont payes en ac-tions. Pour tenter de comprendre ce phnomne, plusieurs propositions sont testes surles oprations de fusion et dacquisition visant les socits franaises cotes sur EuronextParis entre 1999 et 2007. Lappartenance de lacqureur au mme secteur dactivit etlammezonegographiquequelacible, lattributionaudirigeantdelacibledunpostedanslorganisationdelacqureur, lesplus-valuesralisessuitelexercicedeses stock optionset un horizon des actionnaires de la cible de court terme augmententsignicativement la probabilit dun paiement de la cible en actions.Enn, letroisimeessai sappuiesurunereprsentationdynamiquefondesurlaractiondesdirigeantslamenaceoulopportunitduneprisedecontrledansunavenirproche. Lemodleproposmetenlumirelancessitdaccrotrelatailledelarmeenmettantdenouvellesactions. Deuxstratgiesdirentessontabordes.Lesstratgiesdfensivessontmisesenuvrepardesentreprisessous-valuesparlemarch (ou que leur dirigeant croit sous-values) et visent dpasser la taille des rmesIntroduction 12survalues an que ces celles-ci naient plus les moyens de faire une ore. Au contraire,les stratgies de positionnement sont adoptes par des rmes survalues (ou que leurdirigeant croit survalues) et visent attirer lattention dun acqureur potentiel. Cespropositions sont testes sur le march franais.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 13Chapitre 1Les explications comportementales deschoix dinvestissement et denancementLa nance dentreprise comportementale comporte deux branches. Lune delles sap-puiesurlesbiaisdecomportementdesinvestisseurs ;lautresefocalisesurceuxdesdirigeants. Lesdeuxsectionscomposantcettepremirepartieprsententlecadrethorique de chaque approche.1.1 Lesexplicationsfondessurlesentimentdelin-vestisseurLa premire branche de la nance dentreprise comportementale, consistant expli-quer la politique des dirigeants par la sur ou sous-valuation des actions de leur rme, estfonde sur les deux hypothses suivantes. Dune part, les dirigeants valuent correctementleur entreprise car, grce leur fonction, ils sont mieux informs que les investisseurs.Dautre part, le prix des actions peut scarter de la valeur fondamentale pendant unedure leur permettant dajuster leur stratgie nancire. Cette dernire hypothse estfondesurlesrsultatsdesnombreuxtravauxennancecomportementalesoulignantdes biais de comportement chez certains investisseurs, ainsi que les limites de larbitrage.Lobjectif est dexpliquer en particulier les politiques dinvestissement et de nance-ment des dirigeants par la sur ou sous-valuation de leur rme, ainsi que les facteurs quiaugmentent linuence des erreurs du march sur leurs stratgies.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 141.1.1 De lecience des marchs dactionsLe dbat sur lecience informationnelle des marchs nanciers sarticule autour desquestions de la rationalit individuelle des investisseurs et des limites de larbitrage.Comportements individuelsPouranalyserlesdiversesformesderationalitqui animentlindividulorsdeseschoix dinvestissement, il est important de prciser la nature de ses dcisions. Trois ca-tgories dactions sont envisages. La diversication du portefeuille consiste minimiserle risque spcique de chaque actif en en acqurant un grand nombre dans des secteursdactivit dirents. Une seconde catgorie daction consiste ajuster le risque de sonportefeuille un niveau considr comme acceptable. Enn, larbitrage a pour principelchangedesesactifscontredenouveauxtitresdontlecouplerendement-risqueestplusavantageux. Alorsquelesdeuxpremiresactionssontabordespardesthoriesessentiellement prescriptives, la possibilit que des arbitrages gnrateurs de prots co-nomiques puissent exister est au cur du dbat sur lecience des marchs nanciers. Silensemble des informations disponibles se rpercute assez rapidement dans le prix desactifs,leurutilisationnepermetpasdeproterdunquelconquearbitrage.Grersonportefeuille autrement quen cherchant le diversier ou adapter son risque au seuilrequis relverait-il alors dun comportement rationnel ?On ne peut sintresser la rationalit de linvestisseur sans apprhender au pra-lable lincertitude qui entoure ses dcisions. Une premire source dincertitude peut trequalie dexogne car elle est constitue de variables qui inuencent les dividendes fu-turs et chappent au contrle et la connaissance des investisseurs. Une seconde formedincertitude est endogne car lie linteraction des autres investisseurs qui, par le jeudeloreetdelademande, aboutitlaformationdesprix. Lathoriedesjeuxrat-tache lincertitude exogne dans les problmes de dcision individuelle lensemble desdirents tats du monde. Puis elle emploie ladjectif stratgique pour qualier lin-certitude inhrente aux situations dans lesquelles la satisfaction de chacun dpend desstratgies choisies par les autres agents, tant entendu que celles-ci sont inconnues aumoment de la dcision. Lincertitude stratgique tient ce que chaque dcideur ignoreles stratgies des autres, ce qui rend incertaines les consquences de ses choix. Ces deuxsources dincertitude sont prsentes dans la littrature nancire. Les principales repr-sentations de linvestisseur dans la thorie nancire, que nous pouvons reporter dans lagure 1.1, divergent essentiellement selon laccent mis sur lune ou lautre dentre elles1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 15Fig. 1.1Typologiedesprincipalesreprsentationsdelinvestisseurdanslathorienancire selon la nature de lincertitudeIncertitude exogneIncertitude stratgiqueL'utilisateur d'heuristiquesLe suiveurL'investisseur sophistiquL'investisseur fondamentalistepour tenter de comprendre son comportement. Laxe vertical reprsente limportance delincertitude exogne et le degr dambigut de la situation de dcision. Laxe horizontaldsignelaccentmissurlincertitudestratgiqueetsurleniveaudecontextualisationdu processus dcisionnel. Ce schma permet didentier les principales reprsentationsde linvestisseur : le fondamentaliste aux anticipations rationnelles, lutilisateur dheu-ristiques, le suiveur et linvestisseur sophistiqu .Linvestisseurfondamentaliste Lavaleurfondamentaledesactifsestleprincipalcritre dinvestissement de larbitragiste fondamentaliste. Sa stratgie dinvestissementse traduit par lacquisition (la cession) de titres lorsque leur prix plus (moins) les cotsdetransactionestinfrieur(suprieur)leurvaleurfondamentale.Lecalculdecettevaleur intrinsque comprend deux tapes.Lapremireestletraitementdesinformationsdisponiblessurlesdirentstatsdu monde an daecter des probabilits aux futurs ux de trsorerie. Pour cela, il estcapabledutilisercorrectementtouteslesinformationspertinentesetdisponibles. Parailleurs, lincertitudestratgiqueapeudeprisesursesdcisionscarilrviselespro-babilitsretenuesenappliquantcorrectementlargledeBayeslorsdelarrivedes1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 16seules informations qui peuvent inuencer la valeur fondamentale des actions : produc-tivit, signature de nouveaux contrats, volution du chire daaires, des attentes desconsommateurs, delendettement, destauxdintrt, etc.Lanalysefondamentaleestindirentelacomposanteendogne(stratgique)delincertitudecarelleignore lesactionsdesautresinvestisseursetleursconsquencesventuellessurlesprixfuturs.Linvestisseur fondamentaliste agit en considrant que tous les autres agents nanciersadoptent la mme dmarche que lui.Lors de la seconde tape, linvestisseur fondamentaliste formule des prfrences entredes revenus risqus et des revenus certains reprsents par un prix de vente ou un prixdachat. Cefaisant, il maximisesafonctiondutilitqui dpenddesonaversionaurisque. Pour construire cette fonction dutilit, le modlisateur a recouru dans un premiertempslathoriedelutilitespre.Or,laprimederisqueinduitedecettethorienetraduitpaslattitudedesindividusfaceauxprobabilitsmaisladcroissancedelutilit marginale de la richesse : les individus rejettent le risque parce que leur fonctiondutilitdelarichesseestconcave. Commesonnomlindique, lathoriedelutilitespre suppose en eet une relation linaire entre lutilit de gains alatoires et leursprobabilits doccurrence. Par consquent, lhypothse quun mme individu puisse danscertains cas tre risquopohobe (par exemple en souscrivant une police dassurance) etrisquophile dans dautres situations (par exemple en participant une loterie) est excluedans la thorie de lutilit espre. La thorie des perspectives de Kahneman et Tversky(1979) et la thorie de lutilit espre dpendante du rang de Quiggin (1982) permettentdsormais dexpliquer certains comportements rationnels qui tendent globalement versune aversion (propension) au risque lorsque les gains sont faibles (levs) mais trs (peu)probablesetlespertesleves(faibles)maispeu(trs)probables.Lamnagementdelathoriedelutilitespresefaitdansdeuxdirections. Dunepart, laformedelafonction dutilit des individus est modie : elle devient concave dans le domaine desgains et convexe dans le domaine des pertes. Dautre part, une fonction de pondrationdes probabilits est introduite pour reprsenter la relation non linaire entre lutilit desgainsetlesprobabilits. Elletraduitunesurpondrationdesprobabilitslorsquellessont faibles ou leves et une sous-pondration lorsquelles sont moyennes.Par opposition aux investisseurs fondamentalistes, ayant une connaissance parfaitedes informations et capables de la rpercuter entirement sur le prix des actifs, dautresacteurs, dnomms bruiteurs, fondent en partie leurs dcisions sur des intuitions et desinformations incompltes ou peu pertinentes. Ils sont guids par une rationalit procdu-rale et adoptent des stratgies imparfaites, mais quils considrent comme adaptes la1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 17recherche dun niveau minimum de satisfaction. Certaines stratgies, analyses traverslestravauxderecherchedeTverskyetKahneman(1974)enconomieexprimentale,reposent sur lutilisation de rgles de dcision simples, appeles heuristiques, permettantaux investisseurs dvaluer les ux futurs et les probabilits qui leurs sont associes. Mais,bien quelles puissent tre ables dans certains cas, ces rgles introduisent dirents biaisdans lvaluation des ux et des probabilits.Lutilisateur dheuristiques Linvestisseurpeut, parexemple, utilisercesheuris-tiques de la faon suivante. Il associe un vnement donn une catgorie dvnementsen utilisant lheuristique de reprsentativit, puis cherche des exemples dans sa mmoireet recourt lheuristique de disponibilit pour estimer les probabilits que cette cat-gorie dvnements gnre des ux quil peut valuer grce lheuristique dancrage etdajustement. Lapplication de la rgle de Bayes permettrait alors dobtenir les probabi-lits que lvnement considr procure les ux estims en sachant quil appartient unecatgorie particulire dvnements. Le raisonnement nest pas si loign de la logiquede linvestisseur fondamentaliste fonde sur les anticipations rationnelles, sinon quil re-pose sur des intuitions et la recherche dinformations prives conduisant la formulationde probabilits subjectives potentiellement biaises. Mais lutilisateur dheuristiques nepeut appliquer correctement la rgle de Bayes pour les mmes raisons que celles lincitant recourir aux heuristiques : ses limites cognitives. En eet, de nombreuses expriences,comme celles ralises par Grether (1980), mettent en lumire la tendance des individus violer la rgle de Bayes en sous-estimant les probabilits a priori.Dans ce cadre, une mauvaise utilisation de la rgle de Bayes pourrait tre loriginedun biais de surconance car linvestisseur utilisant des heuristiques aurait tendance accorder trop dimportance aux probabilits aectes aux ux gnrs par une catgoriedvnements, et pas susamment au risque que lvnement observ nappartienne pas cette catgorie. Autrement dit, il surestimerait les probabilits quil a lui-mme for-mules en faisant appel son intuition et sa mmoire et sous-estimerait le risque quilait considr par erreur lvnement comme reprsentatif dune catgorie spcique. Lemme phnomne pourrait linciter accorder une trop grande importance une infor-mationpriveensous-estimantlerisquequellesoiterrone.Ceraisonnementintuitifconduiraitdonclesindividustreexcessivementconantsdansleursjugementsetinformations personnels. Dautres lments peuvent expliquer le biais de surconance.Broihanne et al. (2004) mettent en avant trois phnomnes illusoires dcrits en nancecomportementale :1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 18lillusion de connaissance conduit les individus devenir excessivement conantsdans la abilit des informations quils utilisent lorsquelles sont nombreuses ;lillusiondecontrleestmiseenlumireparlatendancequontlesindividussurestimerleursproprescapacitsetpenserqueleurimplicationpersonnellerend les vnements favorables ;lillusion dauto-attribution, lie lillusion de contrle, implique que les individusattribuentleursrussitesleurscomptencesetexpliquentleurschecsparlemanque de chance ou la faute dautrui.1Shefrin (2000) voque deux consquences possibles du biais de surconance sur lesmarchsnanciers: unvolumedchangesexcessif etdesstratgiesdinvestissementperdantesdufaitquelesinvestisseurssujetscebiaisnontpasconsciencedtreenposition de dsavantage informationnel. Ds lors quils sont surconants dans leurs ju-gementsetinformations, onpeutaismentimaginerquilsimputentleurschecsaumanque de chance ou laction des autres et souhaitent conserver leurs actifs perdantsjusqu ce que les prix remontent un niveau conrmant leurs prvisions. Au contraire,dsquilssontvendus, lestitresgagnantsleurprocureunsentimentdeertenleurdonnant loccasion de sauto-attribuer les gains raliss. Cette tendance conserver troplongtemps en portefeuille les titres perdants et vendre trop rapidement les titres ga-gnantsestappeleeetdedisposition. Dupointdevuethorique, ellepeutcontenirdautres explications, comme par exemple la croyance en une inversion systmatique destendances de prix. Du point de vue empirique, elle est notamment conrme par Shefrinet Statman (1985) et Odean (1998).Lesuiveur Lapportdelasociologieetdelapsychologiedegroupeconduitdesreprsentations sociales de linvestisseur qui font du comportement et de lopinion dau-trui des sources dinformation, voire dinternalisation inconsciente de valeurs extrieures.Dans un monde incertain, imiter les autres permet de rfrner son aversion au risque ettient de la logique selon laquelle (1) les autres nagissent pas sans une bonne raison et (2)mieux vaut se tromper plusieurs que seul. Ltude du mimtisme sur les marchs nan-ciers se dcline en trois approches se distinguant par les raisons voques pour justier lareproduction du comportement des autres acteurs. Ce que recherchent les suiveurs peuttre une information dans laction dautrui (approche des cascades informationnelles),le conformisme (approche des inuences sociales) ou la conance interpersonnelle (ap-1Les travaux de Svenson (1981), par exemple, conrment ce biais dauto-attribution. En leur sou-mettant la question, il dcouvre que 80 % des individus pensent faire partie des trois premiers dcilescomprenant les meilleurs conducteurs.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 19proche conventionnaliste).Alors que lapproche standard des anticipations rationnelles prsente lagent cono-mique comme agissant isolment, Bikhchandani et al. (1992) supposent que lincertitudersultant dun manque dinformations conduit les individus observer le choix des autresacteurs avant de prendre leurs propres dcisions. Les auteurs dsignent alors par le termedecascadeinformationnelleunesituationdanslaquelletouslesacteurs,enobservantles autres, font le mme choix indpendamment des informations quils dtiennent.2Cephnomne de chane mimtique est dcrit par Banerjee (1992). Pouvant apparatre ga-lement sur les marchs nanciers, il dcoule de comportements rationnels ds lors que lesdcideurs croient que les autres acteurs sont aussi bien ou mieux informs queux. Lac-tion dautrui constitue en eet une source dinformation dont la prise en compte dansle processus dcisionnel est adapte la recherche dun seuil dutilit satisfaisant.3Lesinvestisseursquiachtentlorsquelesprixaugmententetvendentlorsquilsdiminuentsont qualis par De Long et al. (1990a) dinvestisseurs rtroaction positive ( positivefeedback investors ). Ils sont souvent tenus pour responsables de la formation de bullesde prix dont lclatement est la consquence de la fragilit des cascades informationnelles.Uneautreapproche, relevantdelasociologieetdelapsychologiedegroupe, estdeconsidrerlimitationcommelexpressionduconformismesocial. Dinspirationve-blenienne, ellemet laccent sur linternalisationdesinstitutions. Dansuneapprochepsychologique des marchs nanciers, Moschetto (1998) explique ce phnomne par lancessit, pour chacun, dadhrer un groupe auquel il dsire sidentier. Cette adhsionfait appel la fonction normative des individus qui les conduit calquer leurs croyancesetcomportementssurlanormedugroupederfrencedontlattractivitdpenddelaforcedeconvictiondesesmeneurs, auxquelspeuventtreassimilsces gourousnanciers bien connus dans le monde de la bourse. Ainsi, de nombreuses recherchesen psychologie portant sur leet autocintique dmontrent que les comportements in-dividuels sont conditionns par la norme du groupe. Le conformisme est lorigine desphnomnes de mode que lon rencontre sans logique apparente dans les univers de lha-billement, de lalimentation ou de la politique. Pour Shiller (1984), linvestissement surles marchs nanciers tant une activit sociale comme les autres, il ny a aucune raisonpour quelle ne soit, elle aussi, inuence par ces dynamiques de groupe. De lengouementde laristocratie hollandaise pour les tulipes au XVIIe sicle jusqu leuphorie suscite2Ce comportement est donc loppos de celui des investisseurs surconants dans la abilit de leursjugements et informations personnels.3Froot et al. (1992) tablissent par ailleurs que le mimtisme des investisseurs sintensie mesureque leur horizon temporel se raccourcit.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 20autour des nouvelles technologie dans les annes 1990, lhistoire de chaque place nan-cireestponctuedevaguesdenthousiasmeetdedsillusions. Lesentimentdentrerdans une nouvelle re conomique concide avec la formation de bulles spculativesau dbut du XXe sicle, dans les annes 1920, les annes 1950-1960 et dans les annes1990. Sa prgnance, dautant plus forte quil est relay par les mdias, conduit Shiller(2000) emprunter au prsident de la Federal Reserve Board, Alan Greenspan, lexpres-sion exubrance irrationnelle pour dcrire le comportement des investisseurs lors deces priodes.Lconomiedesconventionstudielesprocessusparlesquelslesindividuspallientleslimitescognitivesetlincompltudedescontratspourcoordonnerleurscomporte-ments et ainsi matriser lincertitude. Lintrt de ce courant, principalement dveloppen France partir des annes 1980, est souvent illustr par le recours la thorie des jeuxet, plus prcisment, par lutilisation des jeux de pure coordination du type dilemmedu prisonnier . Les conventions sont des rgularits de comportement fondes sur unerfrencecommune(oupointfocal)permettantauxindividusdesurmonterlincerti-tudestratgique. Cestsurcefondementconventionnalistequestconstruitelanalysekeynsienne des marchs nanciers : Dans la pratique, nous supposons, en vertu dune vritable convention,que lvaluation actuelle du march, de quelque faon quelle ait t forme,est la seule correcte, eu gard la connaissance actuelle des faits qui inue-rontsurlerendementdelinvestissement, etqueladitevaluationvarieraseulement dans la mesure o cette connaissance sera modie. Keynes (1936), p. 164.Linvestisseur sophistiqu Quils soient appels smart investors ou sophis-ticatedinvestors , ces acteurs de la smartmoney constituent dans la plupart desmodlesdenancecomportementalelecontrepoidsdesbruiteurs. Ilssontintelligentsdans la mesure o ils ont un avantage informationnel sur les fondamentaux et prennentdes dcisions rationnelles. Mais ce qui les distingue des fondamentalistes est le fait quilsontconsciencedtreconfrontslincertitudestratgique. Ilssontplongsdansuneralit plus complexe et connaissent le risque introduit par les actions des bruiteurs. Ce noisetraderrisk dcritparDeLongetal.(1990a)estlerisquequelesbruiteursdeviennentencoreplusoptimistes(pessimistes)ousurconants(inquiets)quilsnelesontdj, faisantainsi durersurlecourttermeunetendancedeprixlahausse(la baisse). On comprenden eet que le dirigeant dun fonds dinvestissement hsite 1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 21vendre (acheter) des actifs survalus (sous-valus) lorsque :il est probable que laugmentation (la baisse) des prix se poursuive,ses concurrents ne prennent pas de position,ses comptences sont values une date proche relativement aux performancesdes concurrents.Pour Shleifer (2000), larbitrage limit et risqu est, avec le sentiment de linvestisseur,lesecondpilierdelanancecomportementale. Linvestisseur sophistiqu doiteneet choisir entre arbitrer son portefeuille en connaissant le risque que les prix scartentdavantagedelavaleurfondamentaleetnepaslarbitrerenintgrantlerisquequelatendance sinverse. A mesure que son horizon dinvestissement se raccourcit, le premierrisque devient plus important que le second, au point quil peut tre mme avantageuxde parier sur la poursuite dune tendance. En dautres termes, lorsque les prix peuventsloigner durablement des valeurs fondamentales, prendre le train en marche ou nepas le prendre sont deux dcisions rationnelles. Linvestisseur sophistiqu est orientverslunedecesdeuxoptionsparsonhorizondinvestissement. Avecunhorizondelongterme,ilrejettelerisquede prendreletrainenmarche parcequilnestpasrmunrateur. Si son horizon est de court terme, son intrt peut tre de courir le risqueet dentrer dans une logique de spculation. Ce risque et sa rmunration sont prsentsdanslemodledeDeLonget al. (1990a)qui montreque, lorsquelesbruiteurssontsusammentnombreux, linvestisseur sophistiqu peutrationnellementchoisirdeprendre le risque sil est correctement rmunr. Il se comporte alors comme un bruiteuren agissant sur du bruit et en en intgrant davantage dans le prix des actifs, renforantainsi le feedback positif. Mais il se distingue des bruiteurs classiques par le fait que le bruitqui le guide est contraire aux fondamentaux et informations quil dtient. Ses stratgiessont spculatives car fondes sur la prise de risques et lanticipation du comportement desautres investisseurs. De Long et al. (1990b) sintressent ces stratgies dinvestissement rtroaction positive et mettent en lumire la possibilit que laction des investisseurs sophistiqus ait un eet dstabilisateur sur les prix.Lagrgation des comportements individuels et lvolution des prixLhypothse decience informationnelle des marchs nanciers soulve le problmede la formation des prix. Mme si certains intervenants commettent des erreurs, le mar-ch doit tre considr comme ecient si les agents mieux informs corrigent ces erreursetliminentlebruitintroduitdansleprixdesactifsparlesagentsmoinsbieninfor-ms. La transition entre la rationalit individuelle et la formation des prix impose donc1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 22dmettredeshypothsessurlafaondontsagrgentlescomportementsindividuels.Selon lhypothse decience, elle est assure par larbitrage des investisseurs sophisti-qus qui rapprochent le prix des actifs de la valeur fondamentale chaque fois que lunetlautrescartent.4Or,lanancecomportementaleremetencausecettehypothseen suggrant que les investisseurs moins biens informs peuvent demeurer rationnels enrefusant de corriger les erreurs du march, voire en les ampliant. De nombreux travauxse sont alors attachs tester lecience informationnelle des marchs nanciers et ontmis en vidence certaines anomalies qui peuvent laisser penser que les investisseurs sont,collectivement, faiblement rationnels.Lagrgation des comportements La modlisation des mcanismes dvolution desprix des actifs nanciers repose sur les processus dagrgation des comportements indi-viduels des investisseurs. La littrature nancire recense de nombreux travaux visantmodliserlecomportementcollectifdesinvestisseursselonquatrecadresthoriquesdirents :le march est uniquement compos de fondamentalistes parfaitement informs etformulant des anticipations rationnelles et homognes ;certainsagent gnrent et agissent sur dubruit enutilisant, par exemple, desheuristiques qui leurs sont propres et qui rendent leurs actions non corrles ;certainsinvestisseurs, qui gnrentetagissentsurdubruit, oprentparmim-tisme et ont des stratgies corrles. Mais les investisseurs informs (arbitragistes)corrigent leurs erreurs ;les investisseurs sophistiqus ( smart investors ) ne cherchent pas corrigerles erreurs des bruiteurs mais, au contraire, amplient les distorsions introduitesentre le prix et la valeur des actifs nanciers.Ces dirents cadres danalyse introduisent successivement quatre catgories dinves-tisseurs de moins en moins restrictives quant lhypothse decience informationnelledes marchs nanciers. Seule la dernire est susceptible de la remettre en cause.Dans sa forme la plus restrictive, lhypothse decience des marchs nanciers d-coule du fait que tous les agents sont parfaitement informs. Ds lors, il ne peut existerdopportunitsdarbitrageorantunermunrationsuprieurecelledurisquesup-port. Cette proposition provient de ce que, si lanalyse fondamentale tait productive,dautres agents, informs des opportunits de gains, interviendraient leur tour et limi-4Lefaitquelesprixretentainsi lensembledesinformationspertinentesetdisponiblespermetlecience allocationnelle des marchs nanciers, cest dire lorientation des capitaux vers les rmesles plus performantes.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 23neraient la possibilit de raliser des prots, comme sur tout autre march de concurrencepure et parfaite. Ainsi, le fondement de lapproche quantitativiste est que laction col-lective et instantane des fondamentalistes assurerait une galit parfaite entre le prixet la valeur fondamentale.Le problme soulev par Grossman et Stiglitz (1980) est que si lquilibre exige lim-possibilit du prot conomique par arbitrage, il ne sert rien de chercher sinformer.Dslorsquelagestionpassivedunportefeuilledactifsprocureunrendementiden-tique, les investisseurs nont eectivement aucun intrt sengager dans une recherchecoteuse dinformations. Mais si tous les agents adoptent ce raisonnement, les prix nepourront plus reter lensemble des informations et scarteront des valeurs fondamen-tales. Il deviendra alors productif de sinformer... mais si tous les investisseurs cherchentsinformerenmmetemps, aucunnepourraenproter. Ceparadoxervle, selonles auteurs, limpossibilit que lquilibre soit toujours atteint la fois sur les marchsnanciers et sur les marchs dinformations. Il constitue un point de dsaccord entre lesfondamentalistes et les quantitativistes.Black (1986) nonce que la diversication et lajustement du risque ne peuvent expli-quer eux seuls limportant volume dchanges de titres individuels constat quotidien-nement sur les marchs nanciers. Tant dchanges ont lieu parce que les investisseursforment des croyances direntes et ces dirences dopinions ne peuvent provenir quedinformations direntes. Or, le fait que deux informations pertinentes ne peuvent tre la fois vraies et contradictoires implique que lune des parties un change commet uneerreur en agissant sur du bruit. Ds lors que certains agents introduisent du bruit dansle prix des actifs, celui-ci peut scarter de la valeur et crer des opportunits darbitragequi, une fois saisies, le rapprocheront de la valeur fondamentale.On peut envisager le cas o les bruiteurs entreprennent des actions qui ne sont pascorrles entre elles. En eet, lutilisation dheuristiques est propre chaque individu etil se peut quils aient des perceptions et des rfrences direntes. Dans cette situation,leserreursquilscommettentsannulententreellesetlebruitsurlequel ilsagissentne se rpercute pas sur les prix. Ces comportements peuvent expliquer les importantsvolumes dchanges sans remettre en cause linterprtation quantitativiste de leciencedesmarchsnanciers. Cependant, lanancecomportementalesattachemettreenvidence la corrlation positive des stratgies des bruiteurs qui existe, par nature, lorsqueles bruiteurs se comportent comme des suiveurs.Par ailleurs, Barberis et al. (1998) proposent un modle suggrant que les biais g-nrsparlutilisationdesheuristiquesdancrageetdereprsentativitconduisentles1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 24bruiteurssurousous-ragircollectivementlannoncedinformations. Pourlesau-teurs,lheuristiquedancrageconduitauconservatismequiimpliquequelesindividussontlentschangerleurscroyancesfaceunenouvelleobservation. Celasetraduitpar une sous-raction des bruiteurs lannonce dune information. En considrant quelanouvellepeuttrebonneoumauvaise, lasous-ractiondumarchimpliquequelerendement moyen du titre au cours dune priode suivant lannonce dune bonne nou-velleestsuprieursonrendementmoyenaucoursdunepriodesuivantlannoncedune mauvaise nouvelle. Lheuristique de reprsentativit fait apparatre leur tendance percevoir les vnements comme typiques ou reprsentatifs dune classe spcique et ignorer les lois de probabilit dans le processus de dcision, ce qui les conduit percevoirdes tendances dans des squences entirement alatoires. Ce phnomne se traduit parune sur-raction des bruiteurs une srie dinformations qui se conrment. Une srie debonnes (mauvaises) nouvelles les rend optimistes (pessimistes) et xent le prix au-dessus(au-dessous) de la valeur fondamentale. Il est probable que linformation annonce aucours de la priode suivante interrompe cette srie et conduise le march corriger seserreurs. La sur-raction du march implique donc que le rendement moyen du titre aucours dune priode suivant une srie de bonne nouvelles est infrieur son rendementmoyen au cours dune priode qui suit une srie de mauvaises nouvelles.Le modle de Barberis etal. explique un eet momentum de court terme, misen vidence par Jegadeesh et Titman (1993), et un retournement des tendances de prixsurlelongterme, notammentobservparDeBondtetThaler(1985). Lesbruiteursrestent rationnels car lutilisation des heuristiques dancrage et de reprsentativit leurpermetdatteindreleurseuilminimaldesatisfaction.Leurrationalitprocduralein-troduit certains biais dans leurs comportements, gnrant des carts entre le prix et lavaleur fondamentale des actifs.5Les arguments des tenants de lecience information-nellereposentsurlactioncorrectricedesarbitragistes,censerapprocherlesprixdesvaleurs fondamentales.Le modle de Barberis et al. suggre galement que, sil existe des investisseurs so-phistiqus connaissant le comportement des bruiteurs, ils sauraient proter des erreursdumarchenvendantlesactionsperdantessurlannecouleougagnantessurlesquatre dernires annes et en achetant les actions gagnantes sur lanne passe ou per-dantes sur les quatre dernires annes. Ces arbitrages auraient pour eets de supprimerlessuretsous-ractionsdumarchetdebattreetliminerlesbruiteurssurlelong5Dautres modles aboutissent aux mmes conclusions en se basant sur la sur-conance des inves-tisseursduelarationalitlimiteetlutilisationdinformationspersonnelles. Voirnotammentlemodle de Daniel et al. (1998) fond sur le biais dauto-attribution.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 25terme. Mais ces opportunits darbitrage sont beaucoup moins videntes si lon consi-drequelaugmentationduprixdesactionsreprsenteelle-mme une bonnenouvellepour les bruiteurs. Shleifer (2000) suggre en eet que les sous-ractions des investisseursaux annonces ne peuvent expliquer elles seules les phnomnes de bulle au cours des-quels les prix ne cessent daugmenter sans que soient divulgues dinformations sur lesfondamentaux, simplement parce que les bruiteurs suivent une tendance de prix. Ainsi,la capitalisation boursire dAmazon.com a t multiplie par vingt entre 1998 et 1999alors que la compagnie avait peu dactifs, un faible pouvoir de march et enregistrait desdcits. Lorsque les bruiteurs agissent non seulement sur les informations concernant lesfondamentaux, mais sur les rendements passs, il peut tre plus rentable de miser surlapoursuitedunetendancequagirsystmatiquementcontrelemarch.Danscecas,laction des investisseurs sophistiqus ne sinscrit plus dans une logique correctricemais, au contraire, vient amplier les distorsions entre le prix et la valeur fondamentaledes actifs.LemodledeDeLonget al. (1990a)reposesurcesstratgiesdinvestissementrtroaction positive ( positive feedback investment strategies ) et suggre quen prsencede suiveurs, la stratgie des investisseurs sophistiqus nest pas correctrice. Loin de secomporter comme des arbitragistes classiquement reprsents dans la thorie nancire,ilsadoptentaucontraireunestratgiespculativedecourttermequi dstabiliselesprixenrenforantlestendancesetenaugmentantlamplitudedesretournementsdetendances.Cetteconception,conrmepardenombreuxtravauxempiriquesdcelantce type danomalies, remet donc en cause linterprtation quantitativiste de leciencedes marchs nanciers. Elle ouvre la voie vers une interprtation dirente consistant apprcier lecience informationnelle au regard de la vitesse avec laquelle le prix et lavaleur fondamentale des actifs convergent lun vers lautre.Lecienceinformationnelledesmarchsnanciers Denombreuxtravauxennancecomportementalesattachentdmontrerlepouvoirprdictifdesrendementspasss et la lenteur dajustement des prix pour remettre en question le paradigme tra-ditionnel de lecience des marchs nanciers.Laformefaibledelecienceinformationnelledes marchs nanciers reposesurlimpossibilitdeprdirelvolutiondesprixsurlabasedesrendementspasss. Lesprix sont supposs intgrer instantanment lensemble des informations disponibles. Parconsquent, leur volution future ne dpend que dvnements non anticips et suit unemarche au hasard. Or, les modles prsents prcdemment suggrent que des investis-1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 26seurs peuvent sur ou sous-ragir aux informations sans que leurs erreurs soient corrigespar des agents mieux informs. De nombreuses tudes empiriques visent conrmer cesmodles. Malkiel (2003) les regroupe en trois catgories.La premire catgorie danomalies observes concerne la formation de tendances deprix sur le court terme, expliques par la sous-raction des investisseurs aux nouvellesinformations. Ce phnomne, appel eet momentum a souvent t mis en videncepar des corrlations positives entre les variations successives de prix, remettant en causelaprincipaleprdictiondelathoriedelecienceselonlaquelleles prixnont pasdemmoire. Ainsi, JegadeeshetTitmandcouvrentquil estpossibledextrapolerlerendementdesactionsdanslamesureocellesqui sontlesplusrentablessurunancontinuentoriruntauxderentabilitsuprieurcelui dumarchsurtroissixmois. Demme, dansunetudemeneentre1977et1993surlemarchamricain,Chan et al. (1996) montrent, en classant les actions en fonction de leurs rendements sursix mois, que les titres composant le premier dcile continuent sur-performer les titresdu dernier dcile sur les six mois suivants de prs de 9 %. Par ailleurs, Lo et al. (2000)dcouvrent que certaines mthodes danalyse technique visant identier des tendancesde prix permettent eectivement de prdire les rendements futurs.Une seconde catgorie danomalies concerne linversion des tendances de prix sur lelong terme que Kahneman et Riepe (1998) expliquent par les sur-ractions du march.De Bondt et Thaler (1985) observent sur le NYSE quentre les actions les plus rentableset les actions les moins rentables sur trois ans, les premires gnrent un taux de rende-ment signicativement infrieur sur les trois annes suivantes. Ainsi, Lakonishok et al.(1994) soulignent lintrt dune stratgie contraire lvolution du march, consistant acqurir et conserver pendant cinq ans des actions de valeur ( value stocks ) faiblerendement boursier (dont les ratios prot / capitalisation boursire, cash ows/ capi-talisation boursire et valeur comptable des capitaux propres / capitalisation boursiresont levs) et cder des actions de croissance ( glamour stocks ou growth stocks )dont les ratios sont faibles. Campbell et Shiller (1998) obtiennent des rsultats similairesavec le price-earnings-ratio: les socits dont le PER est faible (value stocks) gnrentpar la suite des rendements suprieurs celles dont le PER est lev (glamour stocks).Un troisime groupe danomalies, dcrites par Thaler (1987), rassemble les biais lislasaisonnalitet latailledesentreprises. Denombreuxchercheursont eneetdcouvert une rentabilit anormalement leve en janvier et la n de chaque mois, etune rentabilit anormalement faible le lundi.6Par ailleurs, Banz (1981) fait ressortir une6Voir, entre autres, Roze et Kinney (1976) pour leet janvier, Ariel (1987) pour leet n de mois1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 27rentabilit signicativement plus leve pour les valeurs de petite capitalisation que pourles valeurs de forte capitalisation. Keim (1983) met en lumire une corrlation positiveentre les biais cycliques et leet taille. Ainsi, leet janvier, notamment, serait expliqupar leet taille.La forme semi-forte de lecience informationnelle repose sur limpossibilit de battrelemarchenutilisantlesinformationspubliques.Celui-ciestsupposincorporercor-rectement dans le prix des actifs lensemble des informations disponibles ds lannoncedun vnement ayant une inuence sur les ux futurs. La mthode utilise pour testerlecience semi-forte est donc ltude dvnements. Il sagit didentier un vnementparticulier, de construire une fentre dobservation autour de sa date dannonce et demesurer la raction des investisseurs en calculant le rendement anormal du titre sur la p-riode considre. Ltude dvnements mene par Bernard et Thomas (1989) porte sur laraction des investisseurs aux annonces de rsultats. Il apparat nettement que le marchragit jusquau jour de lannonce en incorporant correctement linformation dans les prixet que les investisseurs continuent ragir aprs lannonce, suggrant une sous-ractionde leur part le jour de lannonce. Lajustement des prix seectue progressivement sur les120 jours qui entourent lannonce. Contrairement lhypothse sous-jacente linterpr-tation quantitativiste de lecience, le march ne ragit pas instantanment. Toutefois,on ne peut le considrer inecient si laugmentation de la rentabilit saccompagne dunaccroissement du risque gnr par lannonce de lvnement.Parailleurs, si lemarchdoitragirlannoncedunvnementpertinentpourtreecient,ildoitdemeurerpassiflorsdvnementsquinontaucuneinuencesurlavaleurfondamentale. Or, onexpliquedicilementlesractionspositivesobservessur les marchs nanciers lors doprations telles que les divisions dactions ou lentredun titre dans la composition dun indice boursier. De mme, il est peu probable quelechangementdunomdunesocitaectesignicativementsavaleurfondamentale.Pourtant, Cooperet al. (2001)dcouvrentsurlemarchamricainen1998et1999des rendements anormaux positifs lorsque certaines rmes annoncent la modication deleurs nom pour ajouter le suxe .com .etFrench(1980)pourleetlundi.VoirgalementHamonetJacquillat(1992)pourlobservationdeces biais cycliques sur le march franais.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 281.1.2 Lesdterminantsdespolitiquesdinvestissementetde-nancementSurunmarchbruitintroduisantdesdistorsionsentreleprixdesactionsetleurvaleur, Baker etal. (2004) identient trois objectifs que tentent de poursuivre des di-rigeantsrationnelsvialeurspolitiquesdinvestissementetdenancement. Lemodlequils proposent se prsente de la faon suivante.Considrant un nouvel investissement, dont le cot est not K, le premier objectif estla maximisation de la valeur fondamentale, scrivantf(K, .) K ofdsigne le mon-tant des ux de trsorerie esprs, reprsent par une fonction concave et croissante dunouvel investissement. La fonctionfcomporte dautres arguments, comme le mode denancement des investissements si lon rejette lhypothse dindpendance des dcisionsdinvestissement et de nancement. Le second objectif est la maximisation du prix desactions sur le court terme. Lactivit consistant satisfaire la demande des investisseursdont lhorizonest decourt terme(catering), notamment enralisant desinvestisse-ments dans des activits suscitant lenthousiasme ambiant du march, peut permettrede latteindre. Mais, ce faisant, les dirigeants peuvent amplier la survaluation de leursocit, reprsente par une fonction note(.) et comprenant des arguments lis lanature du sentiment des investisseurs, mais aussi linvestissement des rmes dans undomaine particulier, la manipulation des comptes par les dirigeants, la politique dedividendes, etc. Le troisime objectif, la maximisation de la valeur de march sur le longterme, est associ une activit consistant exploiter les erreurs du march dans lint-rt de lactionnariat existant et stable (market timing). Les missions (rachats) dactionslorsquelles sont survalues (sous-values) permettent en eet de transfrer de la va-leur des actionnaires nouveaux (partants) vers les actionnaires de long terme (Jung etal., 1996). Cette valeur est notee(.) oe reprsente la part des actions nouvellementmises sur le march dans le nombre total dactions en circulation.Les dcisions dinvestissement et de nancement des dirigeants sont alors dterminespar une fonction objectif scrivant :maxK,e{[f(K, .) K +e(.)] + (1 )(.)}o, compris entre 0 et 1, reprsente lhorizon dinvestissement des dirigeants. Lorsqueestgal un, lesdirigeantsnecherchentqumaximiserunevaleuractionnarialedelongtermeenmaximisantlavaleurfondamentaleetenexploitantleserreursdumarch. Driverfen fonction de K ete permet de dnir respectivement les politiques1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 29optimales dinvestissement et de nancement des dirigeants rationnels agissant sur desmarchs dactions imparfaits :fK(K, .) = 1 _e +1 _K(.) (1.1)fe(K, .) = (.) +_e +1 _e(.) (1.2)ofKest la drive defen fonction deKetfe sa drive en fonction dee. De mme,Kest la drive de en fonction deK ete sa drive en fonction dee. Lquation 1.1signiequeleniveauoptimaldinvestissementestatteintlorsquelemontantdesuxde trsorerie gnrs par un euro dinvestissement supplmentaire est gal son cot,netdesgainsdemarkettimingetdecateringquilprocure.7Lquation1.2concernelapolitiquedenancementetindiquequelaquantitdactionsmisessurlemarchest optimale lorsque la rduction des ux de trsorerie esprs, cause par lloignementdesastructuredenancementparrapportsastructurecibledufaitdelacrationdune action nouvelle,8est gale au gain total de market timingprocur par lmissiondes actions, net de la diminution des gains de market timinget de cateringgnre parlmission dune action supplmentaire.9La thorie nancire voque trois facteurs accentuant linuence de la sur ou sous-valuation des actions, en particulier sur la politique dinvestissement : lhorizon dinves-tissement des dirigeants, la dpendance de leur rme vis--vis du capital apport par lesinvestisseurs et la sur-raction des investisseurs la mise en uvre de certains projetsdinvestissement.Lhorizon dinvestissement des dirigeantsStein (1996) sinterroge sur le taux dactualisation que doit retenir un dirigeant ra-tionnel pour slectionner un projet dinvestissement lorsque les marchs nanciers sontfaiblement ecients. Son modle est bas sur deux priodes et se prsente de la faonsuivante. En priode 0, une rme dispose dactifs qui gnreront en priode 1 un cash7Polk et Sapienza (2004) avancent en eet que la survaluation est elle-mme une fonction de lin-vestissement (K> 0) et que les dirigeants surinvestissent lorsquils sont soucieux de maximiser le prixdes actions sur le court terme.8Si lon suppose que la capacit dendettement des rmes est limite, on suppose implicitement quilexiste une structure optimale dinvestissement (fe = 0).9Lmissionduneactionsupplmentaireinduitunediminutiondesgainsdemarkettimingetdecateringsi lonsuuposequellesignaleauxinvestisseurslasurvaluationdelarmeetentraneunecorrection partielle des erreurs du march (e< 0)1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 30ownotF. Le dirigeant a la possibilit dinvestir dans des actifs identiques gnrantgalementFenpriode1. LavaleurfondamentaledelarmeestnoteP. Elleestcalcule en actualisant le cash ow un taux, notk, retant le risque fondamental :P=F1 +k(1.3)La valeur de march eective, noteP, peut tre dirente en raison des distorsionsintroduites par les bruiteurs. Elle est gale au cash ow espr par les investisseurs, notF(1 +), actualis au taux quils exigent, notk :P=F(1 +)1 +k(1.4)Ds lors, le rendement espr conditionnel des actions scrit :REC=FP 1 =1 +k1 + 1 (1.5)Le taux exigk est dtermin par le modle dvaluation des actifs nanciers :k = r +(RM r) (1.6)avecr le taux sans risque,RMle taux de rendement moyen du march et gale =covF(1+)P, RMvarRM(1.7)Par consquent, nous avonsREC= k = k lorsque= 0,REC< k < k lorsque> 0etk< k < REClorsque< 0.Stein(1996)tablitqueletauxdactualisationdevanttreretenuparledirigeantdpend de la valeur quil cherche maximiser. Sil sagit de la valeur fondamentale dela rme, le taux dactualisation, nothL, est celui qui permet lgalit suivante :F1 +hL= P(1.8)Soit :hL=FP 1 = k(1.9)Lorsque lhorizon du dirigeant est long terme, le taux dactualisation choisi est donccelui qui rmunre le risque caus par la volatilit des fondamentaux.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 31En revanche, si le dirigeant souhaite maximiser le prix des actions en priode 0, dsque la dcision dinvestissement sera annonce, le taux dactualisation, not hC, est celuiqui assure lgalit suivante :F1 +hC= P (1.10)Par consquent,hC=FP 1 = REC (1.11)En dautres termes, lorsque lhorizon dinvestissement des dirigeants est de court terme,leurs stratgies conduisent vers un surinvestissement (sous-investissement) si les actionssont survalues (sous-values) par le march.Cethorizonpeuttredterminpardirentsfacteurscomme, parexemple, leurplandecarrire,leurge,leurparticipationaucapitaldelasocitouleurmodedermunration. Les pressions exerces sur le march des prises de contrle peuvent aussilesconduiremaximiserlavaleurdemarchsurlecourttermeenvuedviteruneprisedecontrlehostile. Laprsencedanslecapital dactionnairesayanteux-mmesun horizon de court terme ne devrait quamplier ces pressions. Ainsi, Polk et Sapienza(2004) montrent que la relation positive entre le taux dinvestissement des rmes et lasurvaluation de leurs actions est dautant plus signicative que le taux de rotation desactions est lev, suggrant que lhorizon dinvestissement des actionnaires est de courtterme.10La dpendance des rmes vis--vis des apports des actionnairesDautres thories prdisent un sous-investissement des rmes sous-values et dontlacapacitnancireest limitecar leur dirigeant, rationnel et dont lhorizondin-vestissementestdelongterme,prfreraitsous-investirpluttqumettredesactionssous-values. Pour illustrer ce raisonnement, Baker etal. (2003) considrent trois casdirents :(i) La rme est survalue : son dirigeant met autant de nouvelles actions que possibleet investit dans tous les projets rentables ; les ressources restantes sont conservesen trsorerie et alimentent des placements nanciers.1110Le taux de rotation des actions dune socit est le rapport moyen entre le volume dactions quoti-diennement changes sur une priode donne et le nombre dactions cotes.11Cette proposition selon laquelle le niveau dinvestissement est optimal lorsque les rmes sont surva-lues est rejete par Shleifer et Vishny (2003). Ils supposent que les ressources leves sur le march desactions ne peuvent rester inutilises et que les dirigeants doivent justier une augmentation de capitalpar des investissements, comme par exemple des acquisitions, mme si cela conduit retenir certains1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 32(ii) La rme est sous-value et dispose des ressources et dune capacit dendettementsusantes pour nancer tous les projets rentables : le niveau dinvestissement estoptimal et son dirigeant vite le recours au march.(iii) La rme est sous-value et ne dispose ni des ressources internes, ni dune capacitdendettementsusantespournancertouslesprojetsrentables:sondirigeantlimite les missions dactions et sous-investit.Bakeret al. (2003)formulentalorslhypothsequelasurousous-valuationdesrmesinuencedautantplusleurtauxdinvestissementquellessontnancirementcontraintes. Pour la tester, ils utilisent un modle de rgression dont la variable dpen-dante est le taux dinvestissement des rmes et dont les variables indpendantes com-prennent le ratio Q de Tobin comme indicateur mesurant la survaluation des actions.Les observations sont classes en cinq quintiles en fonction dun indicateur mesurant ledegr de dpendance des rmes vis--vis du march et propos par Kaplan et Zingales(1997) :KZit= 1, 002CFitAit1 39, 368DIVitAit1 1, 315DitAit1+ 3, 139LEVit + 0, 283QitoCFitAit1reprsente les cash owsde la rmei en annet par rapport son actif totalendbutdanne,DIVitAit1lesdividendesdistribusparrapportlactif total,DitAit1lemontant des disponibilits par rapport lactif total, LEVitle ratio dendettement etQitleratioQ. LesrsultatsobtenusparBaker et al. (2003)sontprsentsdansletableau 1.1. Ils mettent en lumire une relation troite entre le degr de dpendance desrmesvis--visducapital extrieuretleetexercparlasurousous-valuationdesactions sur linvestissement. En eet, le coecient associ au ratioQ est de 0,012 dansle premier quintile contre 0,033 dans le dernier. Le niveau dinvestissement des rmes lesplus dpendantes vis--vis des apports des investisseurs est donc presque trois fois plussensible au degr de survaluation des actions que le taux dinvestissement des rmes lesmoins dpendantes.Baker et al. (2003) utilisent le mme modle en remplaant le ratioQ par un autreindicateurdestinmesurerlasurvaluationdesactions: letauxderendementdesactions sur la priode t t +3. Bien que moins signicatifs, les rsultats conrment ceuxobtenus avec le ratio Q. Le niveau dinvestissement des rmes est dautant plus lev queprojetsquinesontpasrentables.Autrementdit,lasurvaluationdesrmesentraneraitlalevedecapitaux qui, pour tre justie, conduirait un surinvestissement, prenant en particulier la forme defusions et dacquisitions.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 33Tab. 1.1 Niveau dinvestissement, ratio Q et dpendance des rmes vis--vis du marchKZitN Coecient de rgression Ecart-type Statistiquetassoci au ratioQQuintile 1 10 427 0,012 0,0013 -Quintile 2 10 415 0,018 0,0015 2,86Quintile 3 10 421 0,024 0,0024 4,45Quintile 4 10 418 0,032 0,0030 6,17Quintile 5 10 420 0,033 0,0042 4,80Source : Baker et al. (2003), p. 987.le rendement des actions sur les trois annes suivantes est ngatif, suggrant la correctionpar le march dune survaluation. Ce lien est ampli par le degr de dpendance desrmes vis--vis du march.La sur-raction des investisseursLa sur-raction des investisseurs la ralisation de certaines formes dinvestissementamplierait galement la relation entre le taux dinvestissement et la survaluation. Undirigeant rationnel cherchant maximiser le prix des actions sur le court terme devraiten eet investir davantage, en particulier dans des activits suscitant lenthousiasme dumarch. Ce raisonnement est celui de Stein (1988) qui tablit que les dirigeants surin-vestissent dans des actifs priss des investisseurs par crainte de perdre le contrle de leurrme. Le niveau dinvestissement et la survaluation des actions sinuenceraient doncmutuellement car si les investisseurs survalorisent les projets dinvestissement comme ilssurvaluent les actifs existants, la politique optimale sur le court terme peut consister investir dans des projets qui ne sont pas rentables. Soulignant le fait que les investisse-ments sont plus souvent nancs par endettement ou autonancement que par augmen-tation de capital, Polk et Sapienza mettent en avant cette conception qui permettraitdexpliquer linuence de la survaluation des actions sur le taux dinvestissement desrmes indpendantes du march.1.1.3 Le cas des fusions et acquisitionsLanalysedesfusionsetacquisitionsoccupeunelargeplacedanscettelittrature.Lechoixdumodedepaiement,peuexpliquparlathorienoclassique,yestparti-culirementtudi. Deuxschmasdistinctsexpliquentlinuencedelasurvaluationdesactionsdelacqureurparrapportcellesdelacible.Lunestfondsurdesdif-frencesdhorizonsdinvestissement ; lautresappuiesuruneasymtriedinformation1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 34Tab. 1.2 Gains gnrs par lacquisition de la rmec par la rmeaGainspourlesaction-naires de labsorbantGains pour les ac-tionnaires de la cibleGain totalGain de court terme (SP)Kc+(SQa)Ka(P Qc)KcS(Ka+Kc)KaQaKcQcGain de longtermePaiementen liquideKc(q P) Kc(P q) 0Paiementen actionsqKc_1 PS_qKc_PS 1_0Source : Shleifer et Vishny (2003).entre lacqureur et la cible.Lhorizon dinvestissement des dirigeants et des investisseursDans le modle de Shleifer et Vishny (2003), les investisseurs survaluent les actionsdelacqureurparrapportcellesdelacible. Ilssurestimentgalementlavaleurdelacombinaisondesdeuxrmes, si bienquilsragissentpositivementlannoncedelacquisition. Deux rmes,a etc, sont supposes avoir pour capitalKa etKc.La valeurattribue par le march chaque unit de capital est gale QaetQcavecQa>Qc.Larmeaabsorbelarmecenpayant Pparunitdecapital Kc. Acourtterme,les investisseurs croient que la fusion gnre des synergies et la valeur de march de lacombinaison des deux rmes est note S(Ka+Kc). Mais sur le long terme, tous les actifsvalentq par unit de capital. La valeur de long terme de la rmea estqKa, celle de larme c est qKc et celle de la combinaison des deux rmes est q(Ka +Kc). Si la cible estpaye en actions, la part du capital de la nouvelle entit dtenue par les actionnaires dela cible scrit :e =PKcS(Ka +Kc)(1.12)Les gains gnrs par le regroupement des deux rmes sont rsums dans le tableau 1.2.Ilressortdecemodlequelesfusionsetacquisitionspayespeuvent,surlecourtterme, bncier aux actionnaires des deux entreprises. Mais, sur le long terme, la valeurde tous les actifs est suppose se rapprocher de leur valeur fondamentale. Par consquent,ce que gagnent sur le long terme les propritaires de la rme absorbante est perdu parles actionnaires de la cible. Shleifer et Vishny (2003) suggrent que des transactions enactions sont acceptes parce que les actionnaires de la cible ont un horizon de court termeou parce que ses dirigeants reoivent un poste plus valorisant ou des stock optionsquiles incitent accepter lore et convaincre leurs actionnaires de lintrt conomique1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 35du rapprochement. Dans la perspective o lhorizon du dirigeant et des actionnaires dela cible est de court terme et o celui de lacqureur est de long terme, les conditionsdune acquisition paye en numraire sont :Qc< P< q (1.13)Ceci implique que, lorsque les fusions et acquisitions sont payes en liquide, les ciblessontsous-valuesetlesacqureursgnrentsurlelongtermeuntauxderendementanormalement lev.12En revanche, les conditions dune acquisition par change dactions sont :Qc< P< S (1.14)Lespriodesdefortesvalorisationsboursires, aucoursdesquelleslessynergiessontsurestimes par les marchs nanciers (S>q), sont donc supposes plus propices auxfusions et acquisitions nances par actions. Eectivement, elles permettent lacqu-reurdoriruneprimeauxactionnairesdelaciblesurlecourttermeetdaugmenterainsi les chances de raliser une acquisition tout en amliorant le rendement sur le longterme. Decepointdevue, lesfusionsetacquisitionsvisentrendrelesrendementsde long terme des acqureurs moins ngatifs quils le seraient sils ne recouraient pas ces investissements. En eet, la variation de la valeur de march de lacqureur sur lelong terme aurait t gale Ka(q Qa) et ngative si ses actions taient survalues etsil navait pas ralis lacquisition. Le gain procur par lacquisition sur le long termeest gal qKc(1 P/S) et positif siP< S. Linquation 1.14 prdit galement que lestransactions en actions sont plus frquentes lorsque lcart entre le ratio Q de lacqureuret celui de la cible est lev (siS0). Sil existe des frictions conduisant rejeter lhypothse dindpendance des dcisions dinvestissement et de nancement,lafonctionf peutgalementdpendredumodedenancementdelinvestissement.16Notons que la maximisation de la valeur actionnariale ne passe pas ncessairement par la rductionde la latitude managriale. Goel et Thakor (2006) montrent en eet que la surconance des dirigeantspeut, jusqu un certain point, se rvler protable en palliant une forte aversion au risque et en limitantle sous-investissement induit.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 41Ellepeutcomprendredautresargumentsexognes. Lesecondobjectif desdirigeantsest la minimisation du cot du capital. Si les investisseurs valorisent la rme sa va-leur fondamentalef(K, .) K, le dirigeant surconant croit quelle est sous-value def(K, .). Par consquent, si linvestissement requiert lmission de nouvelles actions dontla quantit reprsente une fractione du nombre total dactions en circulation, le diri-geant considre que les actionnaires existants et stables perdrontef(K, .). Lors de seschoixdinvestissementetdenancement,lafonctionobjectifdudirigeantsurconantscrit donc :maxK,e[(1 +)f(K, .) K ef(K, .)]Driver f enfonctionde Ket epermet dednir respectivement les politiquesoptimalesdinvestissementetdenancementdesdirigeantssurconantsagissantsurdes marchs dactions ecients :fK(K, .) =11 +(1 e)(1.15)(1 +)fe(K, .) = [f(K, .) +efe(K, .)] (1.16)ofKestladrivedef enfonctiondeKet fesadriveenfonctiondee. fk 0) et ceci limitera le surinvestissement.Ainsi, laformedelafonctionobjectif des dirigeants surconants est similairecelledesdirigeants btisseursdempires proposeparStein(2003), danslaquelle reprsente la propension des dirigeants propritaires maximiser leur utilit vialin-vestissement. Pourdesraisonsdirentes, lesdeuxpeuventgnrerunsurousous-investissement, une sensibilit du niveau dinvestissement aux cash owsou au niveaudendettement et une prfrence pour le nancement par ressources internes ou par dettesnon risques.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 42Dupointdevueempirique, MalmendieretTate(2005)qualientnotammentlesdirigeants dexcessivement conants lorsque ces derniers dcident de conserver ou dac-crotre leur exposition au risque spcique leur rme. Dans la mesure o celui quilssupportent est suprieur celui dun investisseur dont le portefeuille est diversi, leurpropension acqurir de nouvelles actions ou conserver des stock optionslorsquellessont dans la monnaie est suppose reter le biais de surconance aectant leurs dci-sions. En utilisant ces indicateurs de mesure, ltude, ralise sur un chantillon de 477socits amricaines, montre que la relation positive entre le taux dinvestissement desentreprises et les ux de trsorerie se renforce lorsque les dirigeants sont surconants etleur rme nancirement contrainte.Ltude mene par Ben-David et al. (2007) repose sur un questionnaire adress chaquetrimestre depuis 2001 des directeurs nanciers (Chief Financial Ocers). Les indica-teurs utiliss par Ben-David et al. pour mesurer lexcs de conance des dirigeants sontbass sur deux questions. La premire est : Au cours de lanne prochaine, je pense que le cours moyen de lindiceS&P500 sera :Il existe une chance sur dix quil soit infrieur %Rendement moyen : %Il existe une chance sur dix quil soit suprieur %. La seconde question est similaire et porte sur le rendement moyen annuel des dix pro-chaines annes. Dans la mesure o chaque rpondant fournit un intervalle de conance de80 %, lexcs de conance des dirigeants est mesur par la taille des fourchettes donnes.LesrsultatsconrmentlesobservationsdeMalmendieretTate(2005)concernantletaux dinvestissement et de Hackbarth (2006) propos de la structure de nancement :les dirigeants les plus conants sur le long terme investissent plus, empruntent davantageet ralisent moins dmissions dactions.1.2.3 Le cas des fusions et acquisitionsLe cas des fusions et acquisitions est trs prsent depuis lorigine de cette approchelorsqueRollavanalhypothsedhubrispourfourniruneexplicationdesacquisitionsdirente des celles qui sappuient sur le rle slectif (donc positif) du march des prisesde contrle (Jensen et Ruback, 1983). Selon Roll, un nombre lev de fusions et dac-quisitions se ralisent chaque anne car les dirigeants acqureurs surestiment leurs com-ptences et survaluent les synergies et la valeur combine des rmes en ngligeant la1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 43 maldiction du gagnant (winners curse). Ceci expliquerait leur tendance surpayerles cibles et le fait que les actions de ces dernires surperforment celles des acqureursautour de la date dannonce.Hietalaetal.(2003)mobilisentcettethoriepourexpliquerlacquisitiondePara-mount Pictures par Viacom qui sest eectue en 1994 au terme denchres et de suren-chres mises par les compagnies Viacom et QVC. La mthode utilise par les auteursconsiste observer les ractions du march lannonce dune ore concurrente pour endduire la juste valeur de la cible. Le principe est le suivant. Lorsquune ore de sur-enchre est annonce, laugmentation du cours des actions de la rme ayant fait loreprcdente signie que cette dernire tait excessive et fournit un indicateur mesurant laprime dacquisition impute la surconance du dirigeant. Hietala et al. estiment ainsique Viacom a surpay Paramount Pictures dun montant de 1,5 milliard de dollars etmettent en avant lhypothse dhubriscar les deux tiers du capital de Viacom taientdtenus par son PDG, Sumner Redstone.17Malmendier et Tate (2008) tudient galement linuence de la surconance des di-rigeants sur le volume de fusions et dacquisitions. Certains indicateurs de mesure sontlis leur propension conserver leurs stockoptionsdans la monnaie ou jusqu leurexpiration ; dautres sont bass sur le recensement dans la presse nancire de mots-clslis leur optimisme et leur conance. Les rsultats font apparatre une corrlationpositive entre la surconance des dirigeants et le nombre de fusions et acquisitions quilsont inities. Conrmant les prdictions de Heaton, ils montrent que cette corrlation estdautant plus forte que les rmes disposent dune trsorerie abondante et dune impor-tante capacit dendettement. Enn, ils mettent en lumire les rendements ngatifs desacqureursautourdeladatedannonceduneore,dautantplussignicatifsquelesdirigeants sont surconants.DoukasetPetmezas(2007)conrmentcesobservationssurlemarchbritanniqueet les relient au biais dauto-attribution. Entre 1980 et 2004, ils identient des priodesdetroisannesaucoursdesquellesunermearalisaumoinscinqacquisitions, etmontrentquelesrendementsanormauxcumulsdesactionsdelacqureurautourdela date dannonce diminuent progressivement de la premire la cinquime acquisition.Cette observation traduit, selon eux, la surconance des dirigeants introduite par le biaisdauto-attribution, qui serait lui-mme gnr par les rendements positifs observs lorsde leurs premires acquisitions.17Hietala et al. prcisent nanmoins que leurs rsultats peuvent aussi corroborer lexplication fournieparMorcketal.(1990b)selonlaquellelesdirigeantspoursuiventleursobjectifsmanagriauxvialesfusions et acquisitions, fut-ce au dtriment de leur position dactionnaire dans la rme quils dirigent.1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 44ConclusionPourtrebiencomprises, lesdcisionsmanagrialesdoiventtreanalysesaure-garddesimperfectionsdumarch. Lathorienancirealongtempsmislaccentsurlexistence dasymtries dinformation et de conits dintrts entre les dirigeants et lesactionnaires crant une slection adverse sur les marchs nanciers et ladoption de com-portements opportunistes qui orientent les dcisions dinvestissement et de nancement.Les limites cognitives des agents conomiques constituent une autre altration du modlenoclassique.Lanancedentreprisecomportementaleestlecourantderecherchequiconsiste tudier leur inuence sur les dcisions managriales. Larticle fondateur de Rollsur lhubrissuggre que lexcs de conance des dirigeants puisse tre lorigine dunsurinvestissement des rmes et du paiement de primes dacquisitions trop leves. Dslors, dautres problmatiques de gouvernance ont t considres, consistant dlimiterlalatitudediscrtionnairedesdirigeants, nonseulementpourlimiterleurscomporte-ments opportunistes, mais aussi pour pallier les eets de leur surconance. Linuencedeslimitesdelarationalitdesinvestisseurssurlespolitiquesdinvestissementetdenancementestlobjetdunchampdtudeplusrcentrattachlanancecompor-tementaleetsappuyantsurleslimitesdelarbitragepoursupposerquelavaleurdemarch dune rme puisse, un instant prcis, scarter de sa valeur fondamentale.La nance dentreprise comportementale se dcline donc en deux approches. Luneinsiste sur la tendance des dirigeants tre surconants, tandis que lautre est fondesur la remise en cause de lhypothse decience des marchs nanciers. Globalement,les biais comportementaux des dirigeants et des investisseurs introduisent des direncesde croyances sur la valeur des rmes. Ainsi, les politiques dinvestissement et de nan-cement dirent selon que les dirigeants peroivent les actions de leur entreprise commesurvalues ou comme sous-values par le march. Le tableau 1.3 rsume les prdictionsfaites en nance dentreprise comportementale sur la stratgie nancire des entreprisesselon deux critres : le degr de survaluation des actions peru par les dirigeants et ledegr de dpendance des rmes vis--vis des capitaux apports par les actionnaires.Dune manire gnrale, les dirigeants sont incits mettre de nouvelles actions surle march lorsquils croient quelles sont survalues par les investisseurs et y renoncentlorsquils les peroivent comme sous-values. Les dcisions dinvestissement sont alorsliesauxdcisionsdenancement. Fautederessourcesnancires, lesdirigeantsquicroientquelesactionsdeleurentreprisesontsous-valuessous-investissentlorsquele recours au march savre ncessaire. Ceux qui peroivent leurs actions comme tant1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 45Tab. 1.3 Reprsentation des politiques dinvestissement et de nancement en nancecomportementaleLes dirigeants peroivent les actions de leur rme comme :sous-values survaluesFirmes nancirementcontraintesFinancement : Rticences mettre de nouvelles ac-tions sur le march, prf-rence pour lutilisation deressources internes et le re-cours lendettement.Investissement : Sous-investissement caus parla pnurie de ressourcesnancires.Financement : Emissiondactions sur le march danslintrt des actionnaires delong terme (market timing).Firmes nancirement in-dpendantesFinancement : Rticences mettre de nouvelles ac-tions sur le march, prf-rence pour lutilisation deressources internes et le re-cours lendettement.Investissement :Surinvestis-sement caus par la ncessitde justier les augmentationsde capital.Investissement :Surinvestis-sementsi lesdirigeantssontsurconants.survalues ont tendance surinvestir pour justier le bien-fond des missions ralises.Ce cadre thorique permet donc de comprendre pourquoi linuence de la survaluationdes actions (Baker et al., 2003) et de la surconance des dirigeants (Malmendier et Tate,2005) est sensible au degr de contrainte nancire des rmes. Il aboutit par ailleurs auxprdictionssurletauxdinvestissementsous-jacenteslapeckingordertheory(sous-investissement des rmes contraintes) et la thorie du free cash ow (surinvestissementdes rmes non contraintes).Il estparticulirementintressantdtudierlinuencedesbiaiscomportementauxsurlespolitiquesdenancementetdinvestissementdanslecadredesstratgiesdefusions et dacquisitions car celles-ci devraient tre dtermines, non seulement par lasur ou sous-valuation perue des actions de lacqureur, mais aussi par celle de la cible.Lasuitedecetravail estrunieentroisessais. Lepremierconcernelesprdictionsdesapprochesnoclassiquesetcomportementalessurlactivitdefusions-acquisitionset sur le mode de paiement des actionnaires de la cible. Le second place le lecteur duct de ces derniers et analyse les raisons pour lesquelles ils acceptent les paiements enactions. Enn, le troisime essai tudie, dans le cadre dune reprsentation dynamique,1 Explications comportementales des choix dinvestissement et de nancement 46les stratgies des dirigeants surconants et (ou) dont la rme est sur ou sous-value parle march.2 Acquisitions and Bidder Stock Valuations 47Chapter 2Acquisitions and Bidder StockValuations: Empirical Evidence on theFrench Market2.1 IntroductionOver the second half of 2006, the average increase in stock price of the ten Frenchcompanies which were subsequently engaged in the most signicant mergers andacquisitions (henceforth M&As) in 2007 was 24%.1Only two of these companies un-derperformed the CAC 40 index, which increased by roughly 12% over the same period.This example highlights an important topic in nancial economics: the time-series linkbetween M&A activity and stock prices,rst studied by Nelson (1959) for the period1895-1920, andthenbyWeston(1953)overtheinter-warperiod. Threeofthemostimportant stylized facts about M&As are the following: (i) they usually come in waves,(ii) these waves occur when securities are highly valued, and (iii) bidders are more highlyvalued than their targets.TherelationshipbetweenstockpricesandM&Aactivityisaccountedformoreorlessdirectly, throughseveraltheoreticalapproaches. Theneoclassicaltheoryisbasedontheclusteringofindustryshocks, forwhichM&Asfacilitateadaptationtoanew1Cf the issue of Jan-Feb 2008 of Fusions & Acquisitions Magazine. In order of the amounts involvedper transaction, the above-mentioned operations are the following: Unibail-Rodamco (14.2 billion eu-ros),Danone-Numico (12.3 billion euros),Crdit Agricole SA-Cariparma (6 billion euros),Schneider-APC(4.8billioneuros), PPR-Puma(3.3billioneuros), FonciredesRgions-Benistabili (2.9billioneuros), CompagnieGnraledeGophysique-Vritas(2.4billioneuros), Eurazeo-Elis(2.3billioneu-ros), Saint-Gobain-Maxit (2.1 billion euros), and Scor-Converium (2 billion euros).2 Acquisitions and Bidder Stock Valuations 48environment. It also emphasizes an increasing degree of overall capital liquidity, allowingrms to organize an ecient reallocation of assets on the market for corporate control.The positive correlation between bidders prices and M&A intensity would mean thatsuch protable restructuring is correctly expected by investors.Behavioral nance provides dierent explanations. A behavioral approach foundedon