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TEXTE PUBLIÉ POUR PROMOUVOIR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE LA DÉCLARATION ET DU PROGRAMME D’ACTION DE BEIJING Edwina Sandys Juin 2003 Femmes, nationalité et citoyenneté asdf NATIONS UNIES Division de la promotion de la femme Département des affaires économiques et sociales

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TEXTE PUBLIÉ POUR PROMOUVOIR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE LA DÉCLARATION ET DU PROGRAMME D’ACTION DE BEIJING

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Juin 2003

Femmes,nationalité

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NATIONS UNIES

Division de la promotion de la femmeDépartement des affaires économiques et sociales

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Introduction

La présente publication de Femmes enl’an 2000 et au-delà est consacrée à ladiscrimination à l’égard des femmesdans les lois sur la nationalité. Elle étudieles lois qui établissent une distinctionentre les femmes et les hommes en cequi concerne l’acquisition et la conserva-tion de leur propre nationalité et la na-tionalité de leurs enfants, mettant en lu-mière les handicaps juridiques et pratiquesrésultant desdites lois.

Ainsi que l’explique le chapitre relatifaux « Ressortissants, citoyens, apatrideset réfugiés », les Etats disposent du droitsouverain d’élaborer leurs propres loissur la nationalité et de définir leurs condi-tions d’immigration. Cette partie fait étatdes différents statuts juridiques que les-dites lois attribuent aux personnes pré-sentes à l’intérieur d’un même Etat. Lesindividus peuvent être des ressortissants(citoyens), des étrangers en situation ré-gulière (installés légalement dans l’Etaten vertu de ses lois sur l’immigration),des étrangers en situation irrégulière, desapatrides (n’ayant aucun Etat de nationa-lité), des demandeurs d’asile et des réfu-giés. Certains d’entre eux appartenant àces catégories possèdent plus d’une na-tionalité. Tous les bénéfices de la citoyen-neté, dont le droit absolu d’entrée et deséjour dans l’Etat, ainsi que l’accès àl’ensemble des prestations et servicessociaux sont d’ordinaire octroyés auxseuls ressortissants/citoyens.

Le chapitre suivant, « Nationalité dela femme mariée », décrit la manièrespécifique dont la discrimination fondéesur le sexe intervient dans les lois sur lanationalité. Lorsqu’un couple possèdedes nationalités différentes avant le ma-riage, il se peut que la nationalité du mari

soit imposée ipso facto à son épouse parle mariage. Les lois sur la nationalité peu-vent refuser la nationalité d’une épouse àson mari, ou la nationalité d’un mari à sonépouse, sauf satisfaction des conditionsprescrites. Lorsque les parents sont denationalités différentes, il arrive que leslois accordent la nationalité du père àl’enfant mais lui refusent la nationalité desa mère.

Le chapitre intitulé « Solutions aux loisdiscriminatoires sur la nationalité » traitedes procédés permettant d’invoquer ledroit international pour faire face aux con-séquences de l’application des lois discri-minatoires sur la nationalité. On y passerapidement en revue les dispositions per-tinentes des instruments internationaux,y compris les dispositions qui se rappor-tent précisément à la nationalité desfemmes mariées et celles des traitésrelatifs aux droits de l’homme, l’accentétant mis en particulier sur la Conventionsur l’élimination de toutes les formes dediscrimination à l’égard des femmes(CEDAW) de 1979.

Ce chapitre propose également untour d’horizon de la jurisprudence natio-nale et internationale sur la discriminationdans les lois sur la nationalité. Il s’inté-resse à la manière dont les normes rela-tives aux droits de l’homme concernantla liberté de circulation, la liberté d’infor-mation, les droits de la famille et autresdroits sont de plus en plus appliquéespour garantir aux membres d’une famillele droit de résider et de travailler dans lemême Etat, indépendamment de leursdifférentes nationalités. On pourrait s’ins-pirer de cette jurisprudence à l’occasiond’actions engagées dans d’autres juridic-tions à l’appui d’arguments juridiques avan-cés contre la discrimination dans les loissur la nationalité.

Le chapitre intitulé « Autres perspec-tives » présente des méthodes adoptéespar des Etats pour empêcher la discrimi-nation fondée sur le sexe au regard de lanationalité. L’une d’elles vise à prévenirles problèmes soulevés lorsque lesmembres d’une famille sont de nationa-lités différentes, en facilitant l’acquisitionde la double nationalité. Sur ce sujet, ilconvient de signaler l’approche nouvellesuivie par l’Union européenne.

Le dernier chapitre expose brièvementquelques-unes des entraves à l’applica-tion effective du droit international relatifaux droits de l’homme aux questions denationalité. On y recommande à l’inten-tion des Etats et des organisations nongouvernementales des mesures tendantà garantir le respect des normes relativesaux droits de l’homme, de sorte que lesindividus ne soient pas lésés par des loissur la nationalité établissant une discrimi-nation entre les femmes et les hommes.

Ressortissants,citoyens, apatrides

et réfugiés

Le terme « nationalité » désigne la rela-tion juridique existant entre un individu etun Etat. Elle ne se borne pas à procu-rer aux individus un sentiment d’appar-tenance et de sécurité mais crée égale-ment un lien juridique entre l’individu etson Etat. Les ressortissants ont droit à laprotection de leur Etat — dont la portéeest croissante, étant donné la mondiali-sation et son cortège de vastes mouve-ments de populations. Le droit interna-tional précise qu’un Etat peut offrir saprotection à un ressortissant qui aura subiun préjudice d’ordre international à l’étran-ger. Ainsi, l’Etat a le droit d’offrir uneassistance consulaire à ses ressortis-sants à l’étranger et de déposer uneplainte diplomatique pour le préjudicecausé à ses ressortissants, qui constitueune violation du droit international. Endroit international, un Etat a le devoir delaisser entrer ses ressortissants et de lesautoriser à résider sur son territoire. Ledroit absolu de détenir le passeport d’unEtat est un attribut de la nationalité.

Dans bon nombre de cas, la nationa-lité est le fondement juridique de l’exer-

Femmes,nationalitéet citoyenneté

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cice de la citoyenneté. Bien que les deuxtermes soient souvent utilisés l’un pourl’autre, la citoyenneté possède une signi-fication plus large, désignant un statutoctroyé aux membres à part entièred’une communauté1. Dans de nombreuxpays, l’exercice intégral des droits civils,politiques, économiques, sociaux et cul-turels est fondé sur la nationalité. Celle-ciconditionne souvent le droit des individusde participer pleinement à la vie politique,entre autres par le vote, et d’exercer leurdroit au travail, à l’éducation ou à la santé.Le droit de posséder un bien foncier peutégalement être subordonné à la nationa-lité. Celle-ci conditionne parfois le droit del’individu à occuper une fonction publiqueou d’avoir accès aux tribunaux ou aux ser-vices de l’Etat tels que l’aide judiciaire.Ainsi que le faisait observer le Comité surl’élimination de la discrimination à l’égarddes femmes dans sa Recommandationgénérale 21 relative à l’égalité dans lemariage et les relations familiales « la na-tionalité est capitale pour une complèteinsertion dans la société2. »

Les individus qui ne possèdent pas lanationalité de l’Etat dans lequel ils rési-dent sont considérés comme des étran-gers. Les étrangers s’exposent a touteune série de conséquences juridiques dufait de leur statut qui se traduisent pardes désagréments pratiques et person-nels. Le droit des non-ressortissants derésider dans l’Etat où ils vivent n’est pasabsolu, mais relatif. Il arrive que les non-ressortissants aient un accès limité àl’ensemble des droits liés à la citoyen-neté. On peut leur refuser le droit de voteet l’exercice d’autres aspects du droit departicipation à la vie politique. L’accès à lafonction publique ou à l’aide judiciaire leurest parfois restreint. Le bénéfice du droitau travail, à la liberté de circulation et àl’ensemble des droits à l’éducation, à lasanté, au logement et à la sécurité so-ciale ainsi qu’aux prestations sociales estquelquefois moindre que celui desressortissants3.

L’octroi de la nationalité est un attributde la souveraineté de l’Etat et, sous cer-taines contraintes imposées par le droitinternational, chaque Etat a le droit deréglementer l’attribution de sa nationalité,la Cour internationale de Justice ayant

déclaré en 1955 que « le droit interna-tional laisse à chaque Etat le soin derégler l’attribution de sa propre natio-nalité4. » Les lois sur la nationalité sontrarement simples ou complètes, et leurnature technique les rend inaccessibles àbien des gens. En outre, les mouve-ments de population aux frontières inter-nationales rendent souvent applicablesles lois de plus d’un Etat lors de la déter-mination de la nationalité d’une per-sonne. Du fait des contradictions entreles lois sur la nationalité et de leur défautde coordination entre Etats et à l’intérieurdes Etats, la nationalité peut être aléa-toire ou contestée, créant des difficultésaux individus concernés.

La définition des ressortissants parti-cipe de l’identification propre de l’Etat,par exemple comme une entité politiquehomogène ou comme un Etat engagédans la voie du multiculturalisme. Les con-flits ethniques de ces dernières décenniesont démontré la violence, l’instabilité ré-gionale et l’insécurité personnelle qui peu-vent naître des revendications d’indépen-dance étatique fondées sur la nationalitédans quelques entités infra-étatiques.

Les Etats souverains surveillent deprès leur droit au regard du droit interna-tional de déterminer la composition deleur population par leurs lois sur la natio-nalité, la législation et les politiques d’im-migration qui sont connexes aux lois surla nationalité. Dès lors qu’il n’existeaucune uniformité dans les lois sur lanationalité, les principes sur lesquels lesEtats fondent leurs critères d’immigrationsont également divers. Les régimes denationalité exclusive associés à des loiset politiques d’immigration restrictives,qui sont le fait de nombreux Etats, ren-dent les questions de nationalité particu-lièrement pertinentes au XXIe siècle.

Dans un Etat, les individus sont clas-sés en ressortissants et non-ressortis-sants. Les non-ressortissants sont répar-tis dans des sous-catégories, à savoir lesétrangers en situation régulière ou irré-gulière, les apatrides, les demandeursd’asile et les réfugiés. Des incidencesimportantes, sociales et juridiques, décou-lent de l’appartenance d’une personneà l’une ou l’autre de ces catégoriesdécrites ci-après.

Ressortissants

Le droit international exige uniquementqu’il y ait un « lien authentique » entre lapersonne et l’Etat pour l’octroi de lanationalité. Bien que les critères dudit« lien authentique » diffèrent d’un pays àl’autre, les plus communément admissont la naissance sur le territoire de l’Etat,indépendamment de la nationalité desparents ( jus soli), ou la filiation en étantné d’un ressortissant de l’Etat ou parle biais d’ascendance ( jus sanguinis).Quelques Etats retiennent l’une de cescritères; la majorité adopte une combi-naison des deux.

La nationalité d’un Etat peut aussis’acquérir par naturalisation. Cette pré-tention est généralement fondée sur unlien créé après la naissance, tel qu’unséjour dans l’Etat pendant une périodedonnée, ou l’établissement d’un domicilepermanent dans l’Etat. Dans son Avisconsultatif sur les modifications des dis-positions relatives à la naturalisation de laConstitution du Costa Rica, la Cour inter-américaine des droits de l’homme adéclaré que la naturalisation était fondéesur un « acte volontaire visant à établirune relation avec une société politiquedonnée, sa culture, son mode de vie etses valeurs5. » La possibilité d’acquérir lanationalité par naturalisation met enlumière la relation étroite qui existe entreles lois sur la nationalité et les lois surl’immigration, tout en sachant que lesrègles régissant le droit d’entrée dans unEtat conditionnant d’ordinaire le droit dedemander et, en définitive d’obtenir lanationalité de l’Etat.

Nationalité multiple

Un individu peut avoir une double natio-nalité et même plusieurs nationalités. Ilpeut être ressortissant par la naissanced’un Etat qui accorde la nationalité auxenfants nés sur son territoire et, paral-lèlement, posséder la nationalité de l’Etatou des Etats de ses parents par filiation.Il arrive que des individus demandentvolontairement la double nationalité,cherchant à satisfaire aux critères de

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résidence et autres en vue d’être natu-ralisés dans un Etat, tout en conservantla nationalité acquise par naissance oufiliation. La double ou multiple nationalitéest traditionnellement réputée probléma-tique par les Etats qui présument qu’ellepeut créer des allégeances politiquescontradictoires.

Etrangers/Non-ressortissants

L’étranger est une personne qui résidedans un Etat autre que celui de sa natio-nalité. L’étranger en situation régulières’est conformé à toutes les conditionsd’immigration et possède les papiers re-quis tandis que l’étranger en situation ir-régulière ne les a pas.

Apatrides

Malgré le vide juridique auquel se heurteune personne sans nationalité, il est pos-sible de naître apatride. C’est le cas del’enfant qui naît de parents apatrides,demandeurs d’asile ou réfugiés. Une per-sonne peut être apatride si elle est néehors de l’Etat ou des Etats de la natio-nalité de ses parents lorsque ces Etatsconfèrent la nationalité sur la base de lanaissance sur leur territoire, ou dans unEtat qui octroie la nationalité uniquementpar filiation. Une personne peut devenirapatride en renonçant à sa propre natio-nalité par erreur, ou même délibérément,parfois dans l’espoir de favoriser son pro-jet de trouver asile ou peut-être de sesoustraire à une inculpation.

Il arrive aussi qu’un grand nombre depersonnes se retrouvent apatrides à lasuite de l’acte délibéré d’un gouverne-ment annulant la nationalité d’une partiede la population. C’est parfois le résultatd’une politique visant à se débarrasser degroupes présumés indésirables. Danscertains cas, des Etats ont annulé lanationalité d’un groupe ethnique entier.Les personnes dénationalisées peuventêtre contraintes à partir, parfois sousl’empire de la violence. Ainsi, le retrait dela nationalité zaïroise à l’ethnie des Tutsisdu Zaïre (appelé maintenant la Républi-

que démocratique du Congo) en 1996 aprovoqué un conflit international et uneguerre générale dans la région africainedes Grands Lacs.

L’apatridie peut aussi résulter de lacréation d’un nouvel Etat ou de la dis-solution d’un autre. Ainsi, la création del’Etat d’Israël en 1948 a fait de trèsnombreux Palestiniens des apatrides.Ainsi, en 1998, le Haut Commissaire desNations Unies aux réfugiés a estimé quetrois millions de Palestiniens ne possé-daient pas de nationalité effective6. Ladissolution de l’Union soviétique a anéantila citoyenneté soviétique et laissé quel-que 287 millions d’individus porteurs ouen quête de nouvelle nationalité7. Unedes premières missions des 15 Etatssuccesseurs de l’Union soviétique a étéde préciser la définition de leurs ressor-tissants et de se donner de nouvellesrègles d’octroi de la nationalité.

Toutes les personnes vivant sur leterritoire d’un Etat nouvellement créé nese voient pas accorder le droit de sanationalité en vertu de sa nouvelle légis-lation. C’est notamment le cas lorsque lenationalisme a été le facteur d’éclate-ment de l’Etat prédécesseur. Des conflitsethniques et des violences communau-taires récents résultant de la reconnais-sance de nouveaux Etats ont été à l’ori-gine de situations d’apatridie ou decontestations de citoyenneté pour ungrand nombre de personnes.

Les expulsions massives de person-nes déplacées n’ayant pas acquis la na-tionalité de leur Etat de résidence sontégalement source d’apatridie. Lesditespersonnes peuvent avoir résidé pendantplusieurs années comme personnesdéplacées sans pour cela acquérir lanationalité de leur Etat de résidence.L’instabilité créée par la présence d’ungrand nombre de résidents sans droitsà la nationalité et à la citoyenneté est quel-quefois source de conflits à l’intérieurd’un Etat. Même si les apatrides nonressortissants sont autorisés à demeurerdans leur pays de résidence, le refus desautres droits de la citoyenneté peutrestreindre leur qualité de vie et susciterdes sentiments d’insécurité. Suivant leslois sur la nationalité et l’immigration desautres Etats, les personnes expulsées

peuvent se trouver privées de droit d’en-trée ou de séjour ailleurs.

Certaines personnes n’ont pas de na-tionalité effective, et malgré le droit à lanationalité d’un Etat en particulier, ellessouffrent des conséquences de l’apatri-die. Des papiers, tels qu’un passeport,un certificat de naissance ou un certificatde nationalité par filiation sont exigéspour prouver sa nationalité. Les gensdont la naissance n’a pas été enregistréepeuvent se trouver dans l’impossibilitéde justifier leur nationalité. De même, lespersonnes dont les papiers ont été per-dus ou détruits pendant une guerre ouun vol sont susceptibles de ne pas pou-voir prouver leur nationalité et d’êtreconsidérées par les autorités de l’Etatcomme des étrangers en situationirrégulière ou des apatrides. Les papierspeuvent être délibérément soustraits oudétruits comme moyen de contrôle. Atitre d’exemple, il est notoire que lesfemmes objets d’un trafic voient leurpasseport et autres papiers confisquéspar des proxénètes ou des employeurssans scrupules. Il arrive aussi que desressortissants mariés à une étrangère luiconfisquent ou détruisent ses papiersafin de la contrôler.

L’apatride sort du régime qui lie unindividu à la protection de l’Etat et neprofite pas de la sécurité issue de lanationalité et de la citoyenneté. Il nepossède pas les papiers requis pour tra-verser des frontières internationales lé-galement8, n’a de permis de séjour ipsofacto dans aucun Etat, et n’a aucun accèsaux services offerts par l’Etat à ses res-sortissants.

Réfugiés

Les personnes qui sont hors de leur Etatde nationalité peuvent demander le statutde réfugié en vertu de la Convention de1951 relative au statut des réfugiés (Con-vention sur les réfugiés) et de son Pro-tocole de 1967.

Un réfugié est une personne qui nepeut pas retourner dans son propre Etat« craignant avec raison d’être persécutéedu fait de sa race, de sa religion, de sanationalité, de son appartenance à un cer-

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tain groupe social ou de ses opinionspolitiques9. » Le statut de réfugié confèreà un individu les droits accordés par laConvention sur les réfugiés mais ne luioctroie pas la nationalité du pays d’ac-cueil. Les réfugiés peuvent vivre pendantde nombreuses années dans leur paysd’accueil sans pour autant en acquérir lanationalité. Etablir juridiquement qu’unindividu répond à la définition légale duréfugié est souvent un processus long etdifficile. Dans l’attente de cette décision,les demandeurs sont relégués dans lacatégorie imprécise des demandeursd’asile.

Nationalitéde la femme mariée

Compte tenu de ses incidences en droitinterne et international, la nationalité estcapitale pour bénéficier pleinement d’unesécurité personnelle. Néanmoins, les loissur la nationalité de bien des pays défa-vorisent les femmes. Ce chapitre estconsacré à trois approches juridiques quiont soulevé des problèmes spécifiques àcet égard.

Dépendance de la femme mariée

en matière de nationalité

Historiquement, beaucoup d’Etats ontadopté le régime patriarcal qui voulaitque la femme acquiert son statutjuridique par sa relation avec un homme— d’abord son père et ensuite son mari.Bien que les lois de la majorité des Etatsprévoient que la nationalité est conféréepar la naissance ou la filiation, ou unecombinaison des deux, un principe large-ment admis du droit de la majorité despays au début du XXe siècle10 était celuide la dépendance de la nationalité oul’unité de nationalité des conjoints. Lerésultat de l’application de ce principeétait que la femme mariée à un étrangeracquérait ipso facto la nationalité de sonmari par le mariage, acquisition qui en-traînait d’ordinaire la perte de sa proprenationalité. Les fondements du principede la dépendance de nationalité repo-

saient sur deux postulats : le premier étantque tous les membres d’une familledevraient avoir la même nationalité, et lesecond que les décisions importantesconcernant la famille devraient êtreprises par le mari.

Le postulat selon lequel tous lesmembres d’une famille devraient avoir lamême nationalité reposait sur l’idée quela nationalité impliquait une loyauté àl’égard de son propre Etat de nationalité.On présumait que la femme mariéeayant une nationalité différente de cellede son mari se sentirait tiraillée et pour-rait se retrouver dans une situation con-flictuelle et difficile à supporter. Ce pos-tulat était également associé au conceptde citoyenneté qui touche à l’identitépublique d’une personne : la relation entrel’individu et l’Etat. La loyauté à l’égardd’un Etat est la contrepartie du devoir deprotection de l’Etat envers ses citoyens.De nombreux pays retiennent le principeselon lequel la place première de lafemme mariée se situe dans la sphèreprivée, au foyer et sous la protectionde son mari. Dès lors, on méconnaîtqu’elle a besoin d’avoir une identitépublique distincte et une relation juridi-que avec l’Etat.

Les Etats où l’une des obligations pre-mières de la citoyenneté est le servicemilitaire, privilégient la définition mascu-line de la citoyenneté. Dans un ordreinternational où les conflits entre Etatsétaient considérés inévitables, permettreaux épouses de conserver des nationa-lités distinctes était jugé inacceptable, carun conflit entre les différents Etats ducouple aurait été source de désaccordsau sein du ménage. L’éventualité de telstroubles familiaux a été résolue en faveurde l’unité familiale, l’épouse étant tenuede prendre la nationalité de son mari. Luipermettre de détenir une double natio-nalité tout en déclarant qu’elle devait êtreloyale envers son Etat de nationalité etcelui de son mari n’était pas considérécomme une option viable. S’agissant dupostulat selon lequel les décisions fami-liales importantes étaient prises par lemari, l’idée maîtresse était que le choixdu lieu de résidence du couple revenaitau mari. Généralement il s’agissait deson Etat de nationalité.

Les conséquences du principe de dé-pendance de la nationalité peuvent allertrès loin. D’après ce principe, la femmemariée à un étranger mais qui choisit dedemeurer dans son propre pays, se verradépossédée de sa nationalité d’origineainsi que de l’accès aux droits civils, poli-tiques, économiques, sociaux et culturelsrattachés à cette nationalité. Elle devientétrangère au lieu où elle aura toujoursvécu et perd tous les privilèges de lacitoyenneté. Là où la citoyenneté estrestreinte pour les ressortissantes (parexemple, absence de la capacité juridiquede posséder ou d’hériter d’un bien fon-cier), le statut de l’épouse non ressortis-sante est totalement dépendante de sonconjoint (étranger). Son identité, le senti-ment d’appartenir à son Etat d’origine etd’être importante pour cet Etat sont com-promis et méconnus en raison de l’af-faiblissement de son statut au lieu qu’ellea toujours appelé « son pays ». De sur-croît, le manque d’intérêt de l’Etat pour lacontribution potentielle de cette femmeà sa prospérité se manifeste par sonempressement à lui faire adopter unenouvelle nationalité.

L’application du principe de dépen-dance de la nationalité signifie égalementque si le mari acquiert une nouvelle na-tionalité, par exemple par naturalisation,décision à l’occasion de laquelle sa femmen’aura été ni consultée ni associée, lanationalité de l’épouse changera aveccelle du mari. De même, si le mari perdsa nationalité, son épouse la perdra aussi.En outre, si la législation de l’Etat de lanationalité du mari stipule qu’une épousene peut posséder cette nationalité quependant le mariage, la dissolution dumariage par décès ou divorce mettra finà son droit à la nationalité du mari et à laprotection pouvant en découler. Dans cescirconstances, la femme ne pourra re-prendre sa nationalité d’origine que si leslois de son Etat l’y autorisent. Dans le cascontraire, elle sera apatride et pourrait nepas pouvoir retourner vivre dans son pro-pre pays. Et même si elle le pouvait, ellepourrait être privée des droits rattachés àla nationalité.

Les lois qui établissent le principe dedépendance de nationalité ôtent toutpouvoir à la femme mariée en la privant

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du choix de sa nationalité. Ainsi, les-dites lois et la nationalité de la femmemariée en général ont longtemps re-tenu l’attention des féministes. Ce sujetcompte parmi les premières questionsque les femmes ont cherché à inscrireà l’ordre du jour juridique international,à côté d’autres questions d’inégalitésociale et politique de la femme, dontle droit de vote. Dans un récent article,« Remembering Chrystal MacMillan :Women’s equality and nationality ininternational law » (A la mémoire deChrystal MacMillan : égalité et nationa-lité des femmes dans le droit interna-tional) Karen Knop et Christine Chinkinévoquent la manière dont ChrystalMacMillan prit la tête d’une manifesta-tion de femmes pour la nationalité desfemmes mariées à La Haye (Pay-Bas) etconduisit une délégation issue de cettemanifestation à la Conférence de codi-fication à La Haye de 193011.

La création de la Société des Nationsau lendemain de la première guerre mon-diale a offert une tribune internationalepour la quête de changements. Comptetenu essentiellement du mécontente-ment des femmes manifesté à la Con-férence de codification à la suite de laConvention de La Haye sur certainesquestions relatives aux conflits de lois surla nationalité, une campagne active s’estorganisée à la Société des Nations enfaveur de l’élaboration d’un traité interna-tional relatif aux lois sur la nationalité, quioctroierait à la femme mariée les mêmesdroits qu’à l’homme de conserver etchanger de nationalité12. La campagne a

donné lieu à des actions coordonnées,dont une campagne mondiale de télé-grammes, et à des propositions soumi-ses à des organes de la Société desNations. Un Comité consultatif sur lanationalité a été institué au sein de laS.D.N, mais aucun traité sur la nationalitéde la femme n’a été adopté.

La Commission interaméricaine desfemmes créée en 1928 a connu un grandsuccès à cet égard. Chargée par la réso-lution qui l’instituait de « la préparationdes renseignements et données juridi-ques de toutes sortes qui peuvent êtrerecommandés pour permettre à la sep-tième Conférence des Etats américainsde prendre en compte la qualité civile etpolitique des femmes » en Amérique, laCommission a présenté à cette con-férence un projet de convention sur lanationalité13. Ce projet a pris corps en1933 sous la forme de la Convention deMontevideo sur la nationalité de lafemme, qui prévoyait qu’il ne devraitexister aucune distinction fondée sur lesexe au regard de la nationalité. Lestravaux de cette Commission ont conduità poser dans la Convention de Mon-tevideo sur la nationalité (1933) le prin-cipe selon lequel ni le mariage ni sadissolution ne devraient affecter la natio-nalité du mari, de l’épouse ou de leursenfants.

La création de l’Organisation des Na-tions Unies a offert une autre instance dediscussion sur la nationalité des femmes.La Commission de la condition de lafemme, instituée en 1946 aux fins de pré-parer des recommandations et des rap-

ports au Conseil économique et socialsur la promotion des droits de la femmedans les domaines politique, économi-que, civil et éducatif, et formuler des re-commandations sur les problèmes ur-gents requérant l’attention immédiatedans le domaine des droits de l’homme14

a retenu cette question comme l’une deses préoccupations prioritaires. Lesréponses au questionnaire annuel sur lestatut et le traitement juridiques desfemmes distribué par la Commission ontmis en évidence le fait que la majoritédes pays avaient des lois fondées sur leprincipe de la dépendance de nationalitéet sur le postulat selon lequel la femmemariée prenait ipso facto la nationalité deson mari. Le secrétariat de la Commis-sion a établi une série de rapports sur labase de ces réponses qui montrent quela discrimination à l’égard des femmesest souvent une conséquence des con-flits de lois sur la nationalité, le mariageet le divorce. S’inspirant de la Déclarationuniverselle des droits de l’homme de1948 qui proclamait à la fois l’idée denon-discrimination et le droit à une na-tionalité, la Commission a élaboré laConvention sur la nationalité de la femmemariée. Adoptée en 1957, cette Con-vention établit l’indépendance de nationa-lité de la femme mariée.

Les activités au sein de la Société desNations ainsi que l’adoption des Conven-tions interaméricaine et des NationsUnies sur la nationalité de la femme ontconduit de nombreux Etats à modifier

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3.1) Chaque Etat contractant convient qu’une étrangère mariée àl’un de ses ressortissants peut, sur sa demande, acquérir la nationa-lité de son mari en bénéficiant d’une procédure privilégiée spécialede naturalisation; l’octroi de ladite nationalité peut être soumis auxrestrictions que peut exiger l’intérêt de la sécurité nationale ou del’ordre public.

3.2) Chaque Etat contractant convient que l’on ne saurait inter-préter la présente Convention comme affectant aucune loi ou règle-ment, ni aucune pratique judiciaire, qui permet à une étrangèremariée à l’un de ses ressortissants d’acquérir de plein droit, sur sademande, la nationalité de son mari.

Convention sur la nationalité de la femme mariée (1957)

Aucune distinction fondée surle sexe n’existera au regard dela nationalité, dans la législa-tion ou la pratique.

Convention de Montevideosur la nationalité

(1933)

Ni le mariage ni sa dissolutionn’affecteront la nationalité dumari, de l’épouse ou de leursenfants.

Convention de Montevideosur la nationalité

des femmes (1933)

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leur législation pour donner aux femmesune certaine autonomie à cet égard.Néanmoins, tous les Etats n’ont pas mo-difié leurs lois, et s’agissant de la con-servation d’une nationalité distincte, quel-ques Etats nouvellement indépendantsont maintenu les restrictions qui avaientexisté sous l’empire des lois coloniales.Lesdites lois avaient été votées à l’ori-gine par des puissances coloniales appar-tenant au système du « common law »(telles que le Royaume-Uni) et à la tradi-tion civiliste (Belgique ou France). Malgréces origines, la modification de ces lois arencontré une certaine opposition, té-moignant ainsi souvent de la subor-dination nationale ou culturelle desfemmes. En effet, les lois d’un certainnombre de pays empêchent toujours lafemme mariée de conserver sa nationa-lité et de posséder une nationalité dif-férente de celle de son mari.

Conservationd’une nationalité distincte

par la femme mariée

Les réformes qui confèrent à la femmemariée le droit de conserver une nationa-lité indépendante ne résolvent pas tousles désavantages auxquels s’expose lafemme mariée à un étranger. Lesditesréformes ne règlent pas les droits d’im-migration et de résidence de l’épouseétrangère, les questions liées à la natio-nalité des enfants, et les restrictionsjuridiques imposées à l’épouse étrangèretelles que restriction du droit au travail,et de l’accès au crédit et à la propriétéfoncière.

Permettre à la femme mariée de con-server sa propre nationalité c’est conce-voir que les différents membres d’unemême famille puissent posséder des na-tionalités distinctes et bénéficier ainsi dedroits d’entrée et de séjour divers dansdes Etats, ainsi que d’accès différents auxservices et prestations publics.

Les Etats limitent de plus en plus l’en-trée des étrangers, par des contrôles àl’immigration et des conditions d’obten-tion de visas sévères. Dans bien des cas,ces restrictions constituent des entravesjuridiques pour la femme mariée à un

étranger qui souhaite vivre avec son maridans son propre Etat de nationalité, etpour la femme mariée à un étranger quisouhaite vivre dans l’Etat du mari. Descomplications supplémentaires peuventsurgir si le couple souhaite vivre dans unEtat dont aucun n’a la nationalité, tel quel’Etat dans lequel les deux ou l’un d’euxsont des travailleurs migrants.

Dans certains Etats, le conjointétranger d’un ressortissant peut acquérirla nationalité de ce dernier uniquementpar naturalisation, habituellement aprèsun séjour d’une durée déterminée.D’autres conditions telles que la maîtrisede la langue et la preuve d’une allégeanceenvers l’Etat sont parfois exigées.

Les femmes qui épousent des étran-gers et n’acquièrent pas la nationalité deleur mari peuvent être particulièrementexposées à des sévices en raison de l’im-puissance inhérente à leur situation. Ainsiune femme a pu entrer dans un Etat àla demande de son mari dans le seulbut du mariage, prévu peut-être « par cor-respondance ». Ce phénomène croissantconduit des centaines de milliers defemmes à quitter leur pays chaque annéepour épouser des hommes avec lesquelselles avaient été mises en contact pardes « agences matrimoniales » interna-tionales, et de plus en plus par Internet15.Il arrive que des femmes entrées commetravailleuses économiquement faibles,migrantes temporaires, employées demaison subordonnées à leur employeurou demandeuses d’asile, sans oubliercelles qui font l’objet d’un trafic, se ma-rient dans leur pays de résidence sanssavoir que le mariage ne confère pas ipsofacto la nationalité ou des droits absolusde résidence dans l’Etat du mari. Desproblèmes peuvent se poser lorsqu’unejeune fille dont la famille a émigré est ren-voyée dans le pays d’origine de sa famillepour se marier. Elle est parfois plus jeuneque l’âge légal du mariage dans le paysoù elle a grandi, n’a aucune informationsur l’époux choisi, sa famille ou son payset ne dispose d’aucun moyen économi-que indépendant.

Ces mariages peuvent être heureux,ou ne pas l’être. Les femmes qui se sontainsi mariées sont généralement privéesde ressources et, dès lors, totalement

dépendantes de leur mari — sur les planséconomique, social et parfois linguis-tique. Il arrive que le mari méprise safemme parce qu’elle est étrangère, ladéteste parce qu’elle dépend de lui etcherche à l’humilier de différentes ma-nières. Il arrive aussi que le mari soitresponsable des démarches juridiques àeffectuer pour le séjour et l’acquisition dela nationalité de son épouse, et qu’il nes’en acquitte pas. Les obstacles qu’ilpeut créer entre sa femme étrangère etle monde extérieur sont susceptibles del’isoler et de la placer sous son contrôle.

Les femmes qui ne disposent pas dudroit absolu de résider dans un pays sielles rompent le mariage avec un nationalavant de satisfaire aux conditions de rési-dence permanente ou de naturalisationsont dépendantes de la relation maritaleet s’exposent à la violence et à l’exploi-tation. Elles hésitent souvent beaucoupà dénoncer une violence conjugale oud’autres sévices aux autorités par crainted’être expulsées. C’est notamment le cassi elles n’ont pas de papiers ou s’ils nesont plus en leur possession. Chercher del’aide expose parfois ces femmes à dessévices ou du mépris de la part desautorités. Les autorités se montrent par-fois réticentes à offrir leur assistance carle lien conjugal est considéré commeprivé et consensuel. Un autre risque ré-side dans la dissolution du mariage par lemari (par exemple, si sa situation écono-mique se dégrade et qu’il considère safemme comme une charge, ou dans lecas d’un mariage par correspondance, s’ilprojette de trouver une nouvelle épousepar les mêmes moyens) avant que lafemme ait obtenu le droit de résidence.

Dans toutes ces situations, le fait quel’Etat de nationalité de la femme luiaccorde une aide juridique ou pratiquedépend de plusieurs facteurs : le faitqu’elle ait conservé ou non cette nationa-lité et possède les papiers attestant cettenationalité, que l’Etat considère ou nonle mariage (même avec un étranger)comme une affaire privée qui ne justifiepas d’intervenir même si cela est néces-saire, et enfin les relations entre les Etatsconcernés.

Des problèmes peuvent également seprésenter lorsqu’un couple marié, de

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nationalités différentes, vit ou cherche àvivre dans l’Etat de nationalité de l’épouse.Les lois d’un certain nombre de pays im-posent des conditions de résidence pluslongues à un mari qui souhaite acquérir lanationalité de sa femme qu’à la femmequi veut acquérir celle de son mari. Eneffet, les lois de certains pays ne permet-tent pas au mari de devenir ressortissantde l’Etat de sa femme. Bon nombred’Etats maintiennent aussi des lois quirendent plus difficiles aux époux oufiancés de ressortissantes qu’auxépouses et fiancées de ressortissantsd’entrer et de résider dans le pays. Dansces cas, bien que ce soit l’étranger quisubisse les conséquences juridiques, lesrestrictions sont fondées sur des attitu-des discriminatoires relevant des sté-réotypes selon lesquels la femme doitsuivre son mari et le couple marié doitvivre ensemble dans l’Etat de nationalitédu mari.

Le couple choisit parfois de vivreensemble dans l’Etat de nationalité dela femme. Néanmoins, si le mari non-ressortissant se trouve par la suiteexpulsé pour une faute quelconque, safemme est confrontée à un dilemme, soitl’accompagner vers un pays dont ellen’est pas ressortissante soit se séparerde lui et dissoudre la famille. Les autoritésde son propre Etat peuvent ne pas fairedroit à sa requête tendant à autoriser sonmari à rester dans le pays, considérantque le devoir de l’épouse est de suivreson mari dans son Etat sans se préoccu-per de savoir si elle y a des liens ou parlela langue et sans tenir compte des boule-versements inévitables entraînés par cedéménagement.

Dans nombre de ces situations, la dis-crimination fondée sur le sexe se recoupeavec d’autres formes de discriminationdont celle qui est fondée sur la race, l’ap-partenance ethnique, la caste et la situa-tion économique, ce qui peut avoir desrépercussions négatives pour les fonc-tionnaires et les relations privées. Uneimmigration contrôlée et des conditionsde résidence sévères reposent souventsur des attitudes de discrimination racialeet des stéréotypes touchant la nature desmigrants et les motifs de leur migration.Les Etats cherchent à sélectionner ceux

qu’ils considèrent comme étrangers« désirables ».

On peut rencontrer des attitudes dis-criminatoires à d’autres égards; ainsi,cette suspicion sous-jacente selon la-quelle les mariages arrangés entre desétrangers et des ressortissantes neseraient pas « authentiques ». On pensesouvent que les immigrants cherchent dutravail parmi la population active rémuné-rée et accentuent ainsi le chômage localen prenant les emplois disponibles ou endevenant une charge pour l’Etat s’ilsrestent sans emploi. En revanche, certainspensent que ce sont les hommes quidevraient déterminer l’organisation de lasphère publique — la population active, lemarché, les assemblées religieuses etles forces de sécurité — et que l’entréed’étrangers venus rejoindre leur épouseva dissoudre l’identité nationale et allercontre l’intérêt du pays. Ces postulatsexpliquent souvent la réticence à auto-riser ces hommes à immigrer ou acquérirla nationalité.

En revanche, l’étrangère qui entre dansun Etat pour épouser un ressortissant serasouvent présumée dépendante de sonfutur mari et ainsi ne représenter aucunecharge potentielle pour l’Etat. Cela expli-que la tolérance vis-à-vis de mariages parcorrespondance. Néanmoins, si elle re-cherche vraiment l’aide de l’Etat (parexemple, si elle cherche la protection del’Etat contre un mari violent), elle risquede constater que la loi pénale réprimant

les sévices n’est pas appliquée à sonmari. Elle rencontrera parfois des entra-ves juridiques à son maintien dans lepays ou à l’accès aux prestations socialesen son nom propre.

Nationalité des enfants

Bien que les lois de la majorité des Etatspermettent désormais à la femme de con-server sa propre nationalité au momentdu mariage, beaucoup de pays appliquenttoujours des lois discriminatoires entreles femmes et les hommes pour ce quiest de la nationalité de leurs enfants,notamment dans le cas de l’acquisitionde la nationalité par filiation. La majoritédes régimes juridiques qui prévoient lanationalité par filiation accordent la natio-nalité du père aux enfants, indépendam-ment de la nationalité de son épouse.Selon lesdits régimes, il est moins habi-tuel de conférer de plein droit la natio-nalité de la femme mariée à un étrangerà ses enfants. Dans de nombreux pays,la nationalité par filiation issue de la mèren’est conférée que si celle-ci est céliba-taire, ou que le père est inconnu ouapatride. Les lois qui désavantagent lesfemmes de cette manière consacrent ledroit préférentiel de l’homme sur lesenfants issus du mariage — sans s’in-téresser à la nature du mariage (est-il faitde violences ou sévices, ou le résultatd’arrangements économiques).

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Le gouvernement de la République algérienne démocratique etpopulaire fait des réserves à l’égard des dispositions du paragraphe2 de l’article 9 qui ne sont pas compatibles avec les dispositions duCode de la nationalité algérienne et du Code algérien de la famille.En effet, le Code algérien de la nationalité ne permet à l’enfantd’avoir la nationalité de sa mère que :

— S’il est né d’un père inconnu ou d’un père apatride;

— S’il est né en Algérie, d’une mère algérienne et d’un pèreétranger lui-même né en Algérie;

— De même, l’enfant né en Algérie d’une mère algérienne et d’unpère étranger né hors du territoire algérien peut acquérir lanationalité de sa mère sauf opposition du Ministre de la justice,conformément à l’article 26 du Code de la nationalité algérienne.

Exemple de réserves à l’article 9 : l’Algérie

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Dans sa réserve à l’article 9 de laConvention sur l’élimination de toutes lesformes de discrimination à l’égard desfemmes, qui accorde aux femmes desdroits égaux à ceux des hommes en cequi concerne la nationalité de leurs en-fants, l’Egypte explique les raisons pourlesquelles la législation égyptienne em-pêche la femme égyptienne mariée à unnon-ressortissant de transmettre sanationalité à ses enfants :

Cela a pour but d’empêcher quel’enfant puisse acquérir deux na-tionalités [si ses parents sont denationalités différentes], ce quipourrait nuire à son avenir. Il estclair que l’acquisition par l’enfantde la nationalité de son père estla procédure la plus avantageusepour l’enfant. Cela ne porte pasatteinte au principe de l’égalitéentre l’homme et la femme, carla coutume est qu’une femmequi épouse un étranger accepteque ses enfants prennent la na-tionalité du père16.

L’explication reflète l’opposition per-sistante à la double nationalité maisn’avance aucune preuve de ses effets« préjudiciables ». On explique nullementpourquoi l’acquisition de la nationalité dupère est « la procédure la plus avanta-geuse » pour l’enfant, notamment si l’ontient compte du fait que le père n’estprobablement pas le principal respon-sable de l’enfant. Dans le cas de l’Egypte,la femme égyptienne mariée à unétranger ne peut pas, en vertu de la loiégyptienne, transmettre sa nationalité àson enfant. Dans des cas extrêmes, dansdes Etats ayant des lois similaires, l’en-fant étranger vivant avec sa mère dansl’Etat de nationalité de celle-ci pourrait ris-quer l’expulsion, mettant la mère devantl’alternative de quitter son pays ou de seséparer de son enfant.

Autre exemple, la mère dont l’enfanta une nationalité différente de la sienneet qui n’a aucun droit absolu de séjourdans l’Etat où se trouve l’enfant peut seheurter à des obstacles juridiques pourconserver la garde ou le droit de visite deson enfant, notamment si son mariageest dissous par le divorce ou décès. Enprésence de violence conjugale, la mère

étrangère peut avoir à choisir entre resteravec le père ou perdre son enfant. Si lamère a la garde de l’enfant après la dis-solution du mariage, le père peut cher-cher à récupérer l’enfant avec le soutiende son Etat — également l’Etat de natio-nalité de l’enfant. Si le père s’en va etemporte (ou même enlève) l’enfant dansun Etat où la mère n’a aucun droit deséjour (par exemple son propre Etat) lesdroits de visite de la mère peuvent s’entrouver fortement affectés. Si les lois del’Etat de la mère n’accordent pas sanationalité à l’enfant, ledit Etat ne peutpas exercer son droit de protection di-plomatique pour récupérer l’enfant et son

aptitude à défendre la requête pour lecompte de la mère s’en trouvera limitée.

Même si la mère et l’enfant vivent dansl’Etat d’origine de la mère, l’enfant estparfois considéré comme un étranger auregard de la loi de cet Etat et il peut se voirrefuser l’accès de plein droit à l’éducationpublique, à la santé et aux droits de pro-priété. Dans l’affaire Unity Dow, par exem-ple, les enfants non botswanais deMme Dow qui vivaient avec elle, ressor-tissante botswanaise, au Botswana, n’a-vaient pas le droit d’accès à l’éducationpublique subventionnée par l’Etat. Il arrivequ’une fratrie vivant sous le même toit aitdifférentes nationalités et ainsi des droits

Algérie (2000)Le Comité est préoccupé par le fait que la mère ne peut transmet-tre sa nationalité à ses enfants dans les mêmes conditions que lepère. La citoyenneté est un droit fondamental dont doivent béné-ficier de façon égalitaire l’homme et la femme.

Le Comité recommande la révision de la loi sur la nationalité afinde la rendre conforme aux dispositions de la Convention.

Iraq (2000)Le Comité est préoccupé du fait que l’Etat partie a explicitementexclu la possibilité de retirer les réserves formulées à l’égard de l’ar-ticle [...] 9. Le Comité est préoccupé par la loi iraquienne sur lanationalité, fondée sur le principe que tous les membres d’unefamille devraient avoir la même nationalité, et qu’aucun ne peutjouir d’une double nationalité ou perdre sa nationalité. Cette loin’accorde pas aux femmes le droit d’acquérir librement, de modifierou de conserver leur nationalité, ni de la transmettre à leurs enfantsde leur seul chef.

Jordanie (2000)Le Comité s’inquiète du fait que la loi jordanienne relative à lanationalité empêche une Jordanienne de transmettre sa nationalitéà ses enfants parce que son conjoint est étranger. C’est là une situa-tion anachronique à une époque où la Jordanie progresse à grandspas dans son développement économique et démocratique et où lesmariages entre personnes de nationalités différentes sont de plus enplus fréquents.

Maroc (1997)En conséquence, le Comité restait préoccupé par les inégalités pro-fondes qui affectaient le statut de la femme au Maroc [...]. Les loisrelatives à la sanction de l’adultère et à la transmission de la natio-nalité continuaient à privilégier le mari au détriment de l’épouse.

Observations finales concernant les lois sur la nationalité du Comité sur l’élimination

de la discrimination à l’égard des femmes

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différents. Toujours dans l’affaire UnityDow, l’aîné de Mme Dow, né hors ma-riage au Botswana, avait droit à la nationa-lité botswanaise et aux avantages endécoulant, tandis que la fratrie née deMme Dow et de son mari américain n’yavait pas droit. D’autres questions com-plexes peuvent résulter des conflits delois : les principes invoqués par les tribu-naux pour déterminer la loi applicable dansdes situations où différents systèmes juri-diques peuvent coexister. Lorsque ces loisdépendent de la nationalité, il se peut queplusieurs systèmes juridiques soient répu-tés applicables à différents membresd’une même cellule familiale17.

Dans certains systèmes juridiques na-tionaux, la nationalité de la mère estaccordée à l’enfant à l’exclusion de celledu père, ou alors il faut que des conditionspréalables rigoureuses soient rempliesavant de conférer la nationalité du père àl’enfant, notamment si l’enfant a été en-gendré à l’étranger avec une mère étran-gère, ou si l’enfant est né hors mariage18.De telles dispositions reconnaissent quela mère est probablement la premièreresponsable mais renforcent par ailleursles stéréotypes fondés sur le sexe con-cernant la différence de responsabilitéparentale entre les hommes et lesfemmes. A cet égard, la femme se heurteparfois à des problèmes majeurs. L’Etatdu père peut rejeter les demandes depension alimentaire déposées par unemère étrangère dont l’enfant ne possèdepas la nationalité du père. La femmerisque de rencontrer des difficultés dansson propre Etat si elle porte l’enfant d’unétranger, notamment si le père est unmilitaire étranger. Par suite, elle peut cher-cher à émigrer vers l’Etat d’origine du père,où ni la mère ni l’enfant n’a de droits deséjour tirés de la nationalité du père. Parailleurs, l’Etat du père peut avoir intérêt àsoustraire ses ressortissants à leurs res-ponsabilités paternelles. C’est notammentle cas si le père est un soldat de l’arméede son pays et que l’enfant a été engen-dré pendant une campagne militaire.

D’autres problèmes peuvent se poseraux enfants nés dans un Etat dont aucundes parents n’est ressortissant. Le cou-ple vit parfois dans l’Etat en qualité detravailleurs migrants, peut-être originaires

d’Etats différents, de réfugiés ou d’apa-trides. Tous les Etats ne confèrent pas lanationalité en fonction du lieu de nais-sance, et les enfants des travailleurs mi-grants, réfugiés ou apatrides nés dansces Etats n’acquièrent pas ipso facto lanationalité par filiation. Certains Etats ac-cordent la nationalité aux enfants nés surleur territoire tout en la refusant à leursparents. En pratique, la nationalité del’enfant perd de sa valeur si les parentsn’ont pas acquis le droit de demeurerdans le pays.

Solutions aux lois discriminatoires

sur la nationalitéLe droit international contemporainaborde la discrimination fondée sur lesexe dans les lois sur la nationalité selonune double démarche. La premièredémarche répond à la situation où les con-joints sont de nationalités différentes enpermettant à la femme mariée de con-server sa nationalité indépendamment decelle de son mari. Elle cherche de mêmeà faciliter aux conjoints l’acquisition de lanationalité de l’autre conjoint à des condi-tions plus souples que celles appliquéesaux autres candidats à la naturalisation. Laseconde démarche cherche à minimiserles conséquences juridiques de l’absencede nationalité en tentant de réduire lescas d’apatridie et en garantissant les ga-ranties des droits de l’homme à toute per-sonne vivant dans la juridiction d’un Etat,indépendamment de sa nationalité.

Comme nous le verrons plus loin,aucune solution n’est complète et aussibien la portée que la mise en œuvre dela protection juridique font problème.

La Convention sur la nationalité

de la femme mariée

Le premier traité international consa-cré aux problèmes que les femmes ren-contrent du fait des lois discriminatoiressur la nationalité a été la Convention surla nationalité de la femme mariée, adop-tée par l’Assemblée générale desNations Unies en 1957. Ce traité s’inspire

de l’article 15 de la Déclaration univer-selle des droits de l’homme qui porte sur« tout individu a droit à une nationalité »et que « nul ne peut être arbitrairementprivé de sa nationalité, ni du droit dechanger de nationalité. » La Conventionoblige les Etats parties à assurer que nila célébration ni la dissolution du mariageentre un ressortissant et un étranger, nile changement de nationalité du maripendant le mariage ne peuvent avoir d’ef-fet ipso facto sur la nationalité de lafemme. Les Etats parties sont aussitenus d’assurer que ni l’acquisition volon-taire de la nationalité d’un autre Etat ni larenonciation à sa nationalité par l’un deses ressortissants n’empêchent l’épousedudit ressortissant de conserver sanationalité. La Convention garantit aussiaux femmes étrangères une « procédureprivilégiée spéciale de naturalisation » quin’est pas accordée aux maris étrangersdes ressortissantes.

Les droits conférés par cette Con-vention sont étroits, se limitant à définirla nationalité indépendante de la femmemariée et à faciliter la naturalisation dansles cas où la femme mariée souhaiteacquérir la nationalité de son mari. Letraité ne règle notamment pas le cas oùl’homme marié souhaite acquérir la na-tionalité de sa femme. Dès lors, ce traitéest de peu d’utilité lorsque le couplesouhaite vivre dans l’Etat de la nationalitéde la femme. En effet, des organes déci-sionnels nationaux et internationaux ontjugé que les dispositions juridiquesinternes, reprenant les obligations impo-sées par cet aspect de la Convention quicréent des procédures privilégiées denaturalisation en faveur de la femmeétrangère mais non pour le mari étranger,violent les garanties de non-discrimi-nation et d’égalité devant la loi19. Le traitéa suscité la controverse. Au moment deson élaboration, l’idée selon laquelle lesintérêts souverains d’un Etat pouvaientêtre supplantés par le principe de non-discrimination n’était pas acceptée partous les Etats Membres des NationsUnies, et lorsque l’Assemblée générale aadopté le traité, 47 Etats ont voté pour,deux contre et 24 se sont abstenus. Finoctobre 2002, seuls 72 Etats étaientparties à la Convention.

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Droits de l’homme, législation et nationalité

Bien que la Convention sur la nationalitéde la femme mariée reste en vigueur, enpratique elle a été largement supplantéepar d’autres instruments internationaux,notamment dans le domaine des droitsde l’homme. Quatre aspects de la légis-lation sur les droits de l’homme ont servià résoudre les difficultés auxquelles seheurte la femme du fait de l’applicationdes lois sur la nationalité. Ce sont :

• La protection contre l’apatridie;• Les garanties générales des droits

de l’homme, dont l’interdiction de ladiscrimination, la protection de la viefamiliale et la liberté de circulation;

• L’interdiction expresse de la discri-mination à l’égard des femmes dansles lois touchant à la nationalité; et

• La protection et la promotion desdroits de l’homme des non-ressortissants.

Protection contre l’apatridieDeux traités internationaux, la Conventionrelative au statut des apatrides de 1954et la Convention sur la réduction des casd’apatridie de 1961, traitent la questionde l’apatridie. La première établit desdroits minimums pour les apatrides, con-cernant par exemple le travail et lesprestations sociales, et contraint les Etatsparties à traiter les apatrides non moinsfavorablement que les étrangers engénéral. La seconde Convention chercheà réduire l’apatridie. Néanmoins, desobservateurs ont souligné la faiblesse deces traités, le petit nombre d’Etats lesayant acceptés (respectivement 54 et26), et l’absence d’un organe de supervi-sion ou de promotion.

Le droit international relatif aux droitsde l’homme traite de l’apatridie de ma-nière plus générale. L’article 15 de la Dé-claration universelle des droits de l’hommeconsacre le droit de tout individu à unenationalité et déclare le droit des individusde ne pas être arbitrairement privés deleur nationalité20. De même, l’article 24.3du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques de 1966 énonce le droitde tout enfant d’acquérir une nationa-

lité21. Néanmoins, l’article 24 n’identifiepas l’Etat qui doit accorder à l’enfant sanationalité. L’article ne précise pas nonplus la nationalité à laquelle il a droit :l’Etat de sa naissance, l’Etat de sa mèreou de son père, ou les deux. L’article 7 dela Convention de 1989 relative aux droitsde l’enfant qui prévoit que l’enfant a ledroit [d’acquérir une nationalité] est à cetégard tout aussi imprécis22.

Le Comité des droits de l’homme,organe institué par le Pacte internationalrelatif aux droits civils et politiques poursurveiller la mise en œuvre du Pacte,a précisé les prescriptions de l’article 24en exhortant les Etats à adopter desmesures appropriées sur le plan interna-tional et en coopération avec les autresEtats pour que tout enfant ait une natio-nalité à sa naissance, fondée sur la non-discrimination23. Le Comité demandeégalement aux Etats parties au Pacte derendre compte de la mise en œuvre decette disposition.

Au niveau régional, l’article 20.2 de laConvention américaine relative auxdroits de l’homme de 196924 et l’article6.4 de la Charte africaine des droits etdu bien-être de l’enfant de 1990 25

prévoient qu’une personne sans droit àune autre nationalité acquiert la nationa-lité de son lieu de naissance. La Con-vention américaine relative aux droits del’homme consacre également des dis-

positions à la privation arbitraire de na-tionalité, phénomène à l’origine de nom-breux cas d’apatridie.

Des préoccupations suscitées par laprivation arbitraire de nationalité et l’apa-tridie ont conduit la Commission desdroits de l’homme à adopter des résolu-tions en 1998 et 1999, appelant tous lesEtats à s’abstenir de mesures et de légis-lations discriminatoires en raison de larace, de la religion ou de l’origine natio-nale ou ethnique qui entravent le droit àla nationalité, en particulier si cela rendune personne apatride et à abroger toutelégislation de ce type si elle existe déjà26.A la demande de la Commission, leSecrétaire général de l’ONU a demandéaux Etats de l’informer sur leurs lois re-latives à l’acquisition et à la privation denationalité et a transmis ces renseigne-ments à la Commission27. La Commis-sion du droit international a égalementadopté un projet d’articles sur la nationa-lité en relation avec la succession d’Etatset recommandé son adoption par l’As-semblée générale sous la forme d’uneDéclaration. L’Assemblée a pris acte duprojet d’articles à sa cinquante-cinquièmesession en l’an 2000 et invité les gou-vernements à présenter leurs commen-taires et observations sur le principe d’untraité à cet égard que l’Assemblée exa-minera en 200428. Les projets d’articlesde la Commission du droit international

8. De même, dans le cadre de la protection à accorder aux enfants,il convient d’accorder une attention particulière au droit de toutenfant à la nationalité, énoncé au paragraphe 3 de l’article 24. Cettedisposition qui a pour but d’éviter qu’un enfant ne soit moins pro-tégé par la société et l’Etat s’il est apatride, n’impose pas pour autantaux Etats parties de donner en toutes circonstances leur nationalitéà tout enfant né sur leur territoire. Cependant, les Etats sont tenusd’adopter toutes les mesures appropriées sur le plan interne et encoopération avec les autres Etats, pour que tout enfant ait unenationalité dès sa naissance. Ils ne devraient tolérer dans la législa-tion interne en matière d’acquisition de la nationalité aucune dis-crimination qui distingue entre enfants légitimes et enfants néshors mariage ou de parents apatrides, ou qui soit motivée par lanationalité des parents ou de l’un d’entre eux. Les rapports présen-tés devraient toujours mentionner les mesure adoptées pour assureraux enfants une nationalité.

Comité des droits de l’homme, observation générale 17 (1989)

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insistent sur le droit à la nationalité, lanon-discrimination et l’objectif de préven-tion de l’apatridie plutôt que sa réduction.Ils prévoient notamment que les rési-dents habituels d’un Etat successeursont présumés acquérir la nationalité decet Etat. Les Etats sont aussi invités àprendre toutes les mesures appropriéespour permettre aux membres d’unemême famille de demeurer ensemble oude se regrouper.

DiscriminationComme les traités relatifs aux droits del’homme n’accordent pas aux individusle droit à la nationalité (et les droits ratta-chés à la nationalité) de tel ou tel Etat,les requêtes en matière de droits del’homme relatives à la nationalité nes’appuient pas sur le droit à la nationa-lité mais sont présentées différemment.Plus couramment, ce sont des disposi-tions relatives aux droits de l’hommeinterdisant la discrimination, l’ingérencedans les droits de la famille et le refusde la liberté de circulation qui sont invo-quées pour faire respecter le droit à lanationalité. D’autres dispositions relati-ves aux droits de l’homme, notammenten relation avec les droits des enfants,sont également invoquées.

La majorité des traités régionaux etinternationaux relatifs aux droits del’homme énoncent l’interdiction de la dis-crimination, y compris celle fondée sur lesexe, au regard des droits garantis par lestraités. Le Pacte international relatif auxdroits civils et politiques et la Conventioninteraméricaine relative aux droits del’homme présentent des interdictionspropres de la discrimination et des garan-ties d’égalité devant la loi, respective-ment aux articles 26 et 24. Le principe dela non-discrimination fondée sur le sexeet la garantie de l’égalité devant la loi sontrepris dans la constitution ou d’autres loisde nombreux Etats. Ces principes ont étéinvoqués dans des affaires interna-tionales, régionales et nationales où ilétait fait état de conséquences négativesde lois discriminatoires sur la nationalité.

Dans une première affaire, l’affaireAumeeruddy-Cziffra c. Ile Maurice 29,20 Mauriciennes ont présenté une péti-tion au Comité des droits de l’homme en

vertu du premier Protocole facultatif serapportant au Pacte international relatifaux droits civils et politiques soutenantque la loi de 1977 modifiant la loi sur l’im-migration et la loi de 1977 modifiant la loisur les expulsions étaient discriminatoi-res parce qu’elles restreignaient lesdroits des maris étrangers, mais non desépouses étrangères, d’obtenir le statutde résident mauricien et allaient à l’en-contre des obligations légales que l’IleMaurice avaient contractées en ratifiantle Pacte. Le Comité a conclu que si l’IleMaurice pouvait justifier la restriction del’accès des étrangers à son territoire etles expulser pour des motifs de sécurité,la législation qui exposait à cette restric-tion les maris étrangers des ressortissan-tes mauriciennes mais non les épousesétrangères des ressortissants était dis-criminatoire et ne pouvait trouver aucunejustification. L’Ile Maurice a été invitée àadapter sa législation afin d’en éliminerles aspects discriminatoires, à la cadreravec les obligations qui lui incombenten vertu du Pacte et à prendre desmesures de réparation en faveur des vic-times des violations.

La législation sur la nationalité poten-tiellement discriminatoire a fait l’objetd’un examen par la Cour interaméricainedes droits de l’homme à la demande dugouvernement du Costa Rica dans sonavis consultatif de 1984 sur les proposi-tions de modifications des dispositionsde la Constitution du Costa Rica relativesà la naturalisation30. Une propositionréservait un traitement préférentiel auxétrangères mariées à des ressortissantsdu Costa Rica, permettant aux ditesfemmes de devenir des citoyennes natu-ralisées en cas de perte de leur nationa-lité par le mariage ou si elles manifes-taient le souhait de prendre la nationalitécosta-ricienne après deux années demariage et deux années de résidencedans ce pays. Les étrangers qui épou-saient des ressortissantes du Costa Ricane bénéficiaient pas de ces privilèges.

La Cour a observé que la propositionde la modification se fondait sur le prin-cipe de l’unité familiale. Elle a considéréque ce principe reposait sur le postulatselon lequel les membres de la familledevraient avoir la même nationalité et la

notion d’autorité paternelle, ce qui privi-légiait juridiquement l’autorité du maripour élire le domicile familial et adminis-trer les biens matrimoniaux. La Cour ena conclu que le traitement préférentielaccordé aux femmes par la propositionde modification était « un dérivé de l’iné-galité conjugale »31 qui violait l’article17.4 de la Convention interaméricaine surles droits de l’homme qui consacre l’éga-lité des droits et des responsabilités pen-dant le mariage, et l’article 24 du traitérequérant une protection égale de la loi.

La Cour a examiné une autre proposi-tion visant tous les étrangers mariés àdes Costa-Riciens et l’a jugée fondée surl’égalité entre les époux et dès lors con-forme à la Convention. Cette partie de ladécision de la Cour met en lumière leslimites d’une approche fondée sur l’éga-lité. Si l’Etat applique ses lois sans dis-crimination, les garanties d’égalité devantla loi n’écartent pas la possibilité de voirles Etats rendre la naturalisation ou lebénéfice de droits tels que l’entrée ou larésidence plus difficiles à l’égard de tousles conjoints étrangers sur la base de lanon-discrimination. En effet, en réponseà une action en discrimination fondée surle sexe réussie, le Gouvernement duRoyaume-Uni a modifié sa réglementa-tion sur l’immigration, les rendant aussidifficiles pour les étrangères rejoignantleur mari installé au Royaume-Uni quepour les maris étrangers qui rejoignaientleur épouse32.

Les décisions prises par les institu-tions créées par la Convention européennede sauvegarde des droits de l’homme etdes libertés fondamentales mettent enévidence plus généralement les limitesqu’il y a à invoquer l’interdiction de la dis-crimination au regard de la Conventioneuropéenne. Dans l’affaire Famille K et Wc. Pays-Bas (1985)33, les requérants, uneNéerlandaise et son mari étranger, sesont plaints d’avoir souffert de discrimi-nation dans la jouissance de leur viefamiliale, en violation des articles 14 et8 de la Convention qui interdisait unetelle discrimination en vertu de son texte,et du droit au respect de la vie familialeau motif qu’une disposition néerlandaisepermettant à l’épouse étrangère d’uncitoyen néerlandais d’obtenir la nationa-

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lité néerlandaise par une déclaration devolonté faite devant le maire local, nes’appliquait pas aux maris étrangers decitoyennes néerlandaises. Si les marisétrangers avaient pu avoir recours à cetteprocédure, le mari aurait obtenu la natio-nalité néerlandaise et les autorités n’au-raient pas pu l’expulser des Pays-Bascomme étranger indésirable. La Commis-sion européenne a conclu que le droit àla nationalité n’étant pas cité dans la Con-vention européenne, l’article 14 ne pou-vait pas être invoqué pour établir un droità l’égalité dans la loi sur la nationalité. LaCommission a déclaré toutefois qu’ex-pulser une personne hors d’un Etat danslequel vivait/vivaient son/ses proche/sparent/s pouvait constituer une ingérencedans les droits à la vie familiale et ainsivioler l’article 8. Ce droit n’était cepen-dant pas absolu mais soumis à l’ingé-rence d’une autorité publique, conformé-ment à la loi lorsque les circonstancesl’exigent dans une société démocratiquepour prévenir le désordre et le crime, pro-téger la santé et la moralité, ou encoreles droits et les libertés des autres. Dansce cas particulier, l’ingérence résultant del’expulsion du mari a été jugée justifiéecar il avait été convaincu de trafic d’hé-roïne et déclaré étranger indésirable con-formément à la Loi sur les étrangers.

Le droit au respect de la vie familiale

L’affaire famille K et W démontre quel’on peut invoquer le bénéfice du droit aurespect de la vie familiale pour réparerles désavantages causés par les dispo-sitions sur la nationalité. Dans l’affaireAbdulaziz, Cabales et Balkandali c.Royaume-Uni 34, la Commission euro-péenne et la Cour européenne des droitsde l’homme ont examiné une dispositionde la réglementation sur l’immigration duRoyaume-Uni prescrivant que les étran-gères installées légalement sur le terri-toire du Royaume-Uni soient citoyennesdu Royaume-Uni, nées au Royaume-Uni,ou aient au moins un parent qui y soit néavant que leur mari ou fiancé étrangerpuisse les rejoindre. Les étrangers instal-lés légalement au Royaume-Uni pou-vaient faire venir leur femme ou fiancéeétrangère et s’y établir sans restriction.

Reconnaissant que les règles étaientdiscriminatoires, le gouvernement duRoyaume-Uni a présenté des donnéesstatistiques et sociales pour justifier lebien-fondé des restrictions à l’entrée desmaris ou fiancés étrangers de femmesayant un titre de séjour au Royaume-Uni,et montrer que les restrictions étaientraisonnables et adaptées aux fins recher-chées, à savoir protéger le marché dutravail interne en période de chômageélevé. Le gouvernement a fondé sonargumentation sur le fait que les hom-mes étant plus susceptibles que lesfemmes de chercher un travail rému-néré, les immigrants masculins influaientplus fortement que les femmes sur lasituation de l’emploi et dès lors lesrestrictions appliquées à l’entrée desétrangers réduiraient les tensions socia-les dues à l’immigration. Jugeant que laprotection du marché du travail intérieurétait légitime, la Cour européenne desdroits de l’homme a toutefois estiméque cette considération ne pouvait pasjustifier la distinction fondée sur le sexefaite dans la législation. La législation aété jugée disproportionnée par rapportau but affiché, et les raisons avancéespour expliquer la différence de traite-ment fondée sur le sexe insuffisantespour justifier son incompatibilité avec laConvention. La Cour a étayé sa conclu-sion en précisant que « la progressionvers l’égalité des sexes constitue aujour-d’hui un objectif important des Etatsmembres du Conseil de l’Europe.Partant, seules des raisons très fortespourraient amener à estimer compatibleavec la Convention une distinction fon-dée sur le sexe35. »

Bien que la discrimination fondée surle sexe affectant le droit au respect à lavie familiale et privée ait été établie dansl’affaire Abdulaziz, la Cour européennedes droits de l’homme a estimé que lesrègles ne constituaient pas une infractionà la vie familiale en soi, parce que lesplaignantes connaissaient ou auraient dûconnaître les incidences des règles. « Enl’espèce elles n’ont pas prouvé l’exis-tence d’obstacles qui les aient empê-chées de mener une vie familiale dans leurpropre pays ou celui de leur mari. » Néan-moins, le droit à la vie familiale énoncé à

l’article 8 de la Convention européenne aété invoqué dans d’autres cas pour garan-tir les droits d’entrée et de résidence, etautres droits connexes, des conjointsétrangers.

Dans l’affaire Berrhab c. Pays-Bas36 letitre de séjour du mari étranger d’uneressortissante néerlandaise n’a pas étérenouvelé après le divorce du couple; lemari arrêté a fait l’objet d’un arrêté d’ex-pulsion. La Cour européenne des droitsde l’homme a décidé que lorsqu’un non-ressortissant avait des liens familiauxréels dans l’Etat d’où il devait être ex-pulsé, et que l’expulsion compromettraitle maintien de ces liens, cette expulsionne serait justifiée que si l’ingérence dansla vie familiale n’était pas démesurée auregard de l’intérêt public à protéger. Ici lemari partageait la garde de sa fille née deson ex-épouse et exerçait régulièrementses droits de visite à sa fille. En outre, iln’avait pas été convaincu de la moindreinfraction. Par suite, l’arrêté d’expulsion aété considéré comme une violation desdroits à la vie familiale énoncés à l’article8 de la Convention.

Par ailleurs, dans l’affaire Beldjoudi c.France37, la Cour européenne des droitsde l’homme a examiné la contestationd’une Française relative à l’expulsion deson époux étranger affirmant qu’il s’agis-sait d’une violation du droit à la vie fami-liale. Bien que le mari ait été convaincud’un certain nombre d’infractions aucours de la décennie écoulée, il était néen France, y avait accompli son servicemilitaire et tous ses parents prochesvivaient en France depuis plusieursdécennies. Ces faits étant établis, la Coura jugé cette expulsion disproportionnéeau regard du but légitime poursuivi et,dès lors, en infraction au droit du mari etde la femme à la vie familiale. Dans cetteaffaire, un juge a évoqué la notiond’« étrangers intégrés » assimilables à desressortissants du fait de leur vie familialeétablie de longue date.

Les droits à la vie familiale offrent lapossibilité de pallier les désavantagesdécoulant des lois discriminatoires sur lanationalité, l’immigration et autres loisconnexes. Néanmoins, lesdits droitsn’établissent pas expressément le droitd’un individu à la nationalité et à la ci-

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toyenneté. Comme l’attestent des déci-sions dans des affaires invoquant cesdroits, les droits à la vie familiale ne sontgénéralement pas absolus et sontsouvent contrebalancés par l’intérêt del’Etat à maintenir l’ordre public ou pré-venir la criminalité38. Ainsi, lorsque l’onestime que la présence de conjointsétrangers porte atteinte à l’ordre public,par exemple s’ils ont été convaincus d’in-fractions, les droits à la vie familiale pas-sent généralement au second plan. L’ap-proche fondée sur les droits à la viefamiliale pousse parfois les femmes àsauvegarder la vie familiale contre leurspropres intérêts.

Liberté de circulationDans certains cas, le droit de circulerlibrement a été invoqué pour pallier lesdésavantages découlant de l’applicationdes lois sur la nationalité. Dans l’affaireRattigan et consorts c. Chef des servicesd’immigration du Zimbabwe et con-sorts39 la Cour suprême du Zimbabwe aconclu que le refus d’accorder des per-mis de séjour et de travail aux marisétrangers de femmes zimbabwéennesviolait pratiquement le droit des femmesde circuler librement au Zimbabwe, derésider n’importe où dans le pays, d’en-trer ou de sortir du Zimbabwe, commesi elles étaient contraintes de choisirentre rester au Zimbabwe sans leur mariou vivre ailleurs avec lui. De même, dansl’affaire Salem c. Chef des services d’im-migration et consorts40, la Cour suprêmedu Zimbabwe a jugé que le droit del’épouse zimbabwéenne de circuler libre-ment impliquait le droit de son épouxétranger d’occuper un emploi ou d’exer-cer une autre forme d’activité rémuné-rée, car si le mari se voyait refuser l’en-trée ou le permis de travail, elle seraitcontrainte de quitter le Zimbabwe pourle rejoindre.

Toujours dans l’affaire Unity Dow, laCour d’appel du Botswana a admis que,outre qu’elle était discriminatoire, la Loisur la citoyenneté restreignait le droit deMme Dow de circuler librement : elle nepouvait entrer au Botswana avec sesenfants non-ressortissants que lors-qu’elle était accompagnée de son mariparce qu’ils possédaient la nationalité du

père (et pouvaient dès lors voyageruniquement au titre de son passeport).En sa qualité de citoyenne du Botswana(et détentrice d’un passeport botswa-nais), elle pouvait entrer au Botswana eten sortir à son gré, mais dans la pratiquesa liberté de circulation était limitée parles restrictions imposées à l’entrée deses enfants non-ressortissants.

Autres droitsD’autres dispositions relatives aux droitsde l’homme invoquées par les tribunauxpour pallier les effets discriminatoires deslois sur la nationalité tiennent compte desdroits de l’enfant. Ainsi qu’il est indiquéplus haut, plusieurs traités relatifs auxdroits de l’homme, dont le Pacte interna-tional relatif aux droits civils et politiqueset la Convention relative aux droits del’enfant ont été à l’origine de telles déci-sions. En 1977, dans l’affaire Benner c.Secrétaire d’Etat du Canada41 la Coursuprême du Canada a jugé que les dis-positions sur la nationalité qui traitaientdifféremment les demandeurs de la na-tionalité se fondant sur la citoyennetécanadienne de leur mère et les deman-deurs invoquant la citoyenneté cana-dienne de leur père allaient à l’encontredes dispositions constitutionnelles surl’égalité. Les dispositions pertinentes surla nationalité examinées par la Courpermettaient aux enfants nés hors duCanada de père canadien de demander lanationalité en se faisant enregistrer sousun certain délai. En l’espèce, le deman-deur était né aux Etats-Unis d’une mèrecanadienne et d’un père possédant lacitoyenneté des Etats-Unis. Les person-nes nées hors du Canada de mère cana-dienne devaient faire la demande de lanationalité canadienne, la procédure pres-crivant au requérant de se soumettre àun contrôle de sécurité et à une vérifica-tion du casier judiciaire et de prêter ser-ment. S’il s’avérait que le requérant avaitété accusé d’infractions criminelles, il nepouvait pas prêter serment et devenircitoyen canadien avant que les accusa-tions aient été tranchées. Si le deman-deur avait été déclaré coupable d’uneinfraction passible d’une peine, la citoyen-neté canadienne lui était interditependant les trois années suivant la con-

damnation, certains délits l’excluant demanière définitive.

Le Gouvernement canadien a soutenuque la discrimination découlant des dis-positions sur la nationalité s’appliquait àla mère du demandeur et non pas audemandeur lui-même et que, dès lors, ilne pouvait contester les dispositions aunom de la garantie constitutionnelle denon-discrimination fondée sur le sexe.Cet argument a été rejeté, la Coursuprême décidant qu’il existait un lienentre les droits du demandeur et la dis-tinction faite entre les hommes et lesfemmes dans les dispositions sur lanationalité. Le droit de M. Benner à lanationalité dépendait du fait que son pa-rent canadien était son père ou sa mère;il était donc visé par les dispositions et,partant, l’individu ayant le plus grandintérêt à contester leur constitutionnalité.En outre, compte tenu du lien uniqueexistant entre le parent et l’enfant, laCour a considéré qu’il était appropriéd’élargir la catégorie de ceux qui pou-vaient dénoncer une discrimination fon-dée sur le sexe dans ces circonstances.La Cour a souligné que lorsque « quelquechose d’aussi intimement lié à un deman-deur et aussi indépendant de sa volontéque le sexe de celui de ses parents quiest Canadien peut restreindre l’accès auxavantages tels que la nationalité, le de-mandeur peut invoquer la garantie cons-titutionnelle de l’égalité42. »

La Constitution de quelques Etatsprévoit des garanties spéciales qui sesont déjà avérées efficaces à cet égard.Ainsi, la Cour constitutionnelle d’Afriquedu sud a conclu que toute décision dis-crétionnaire de refuser un permis deséjour temporaire à un individu marié àun citoyen sud-africain, ou à un résidentpermanent, qui souhaite résider en per-manence en Afrique du sud violerait ledroit constitutionnel à la dignité de cetindividu, affectant négativement sa capa-cité à s’épanouir personnellement parsa relation avec son partenaire et notam-ment sa capacité de donner effet aumariage par la cohabitation43.

Ces affaires montrent la créativitédont font preuve les tribunaux pour réglerles problèmes causés par les lois sur lanationalité, mais peu de décisions judi-

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ciaires affrontent cette discriminationdirectement. D’autres décisions ont rat-taché cette discrimination à d’autresdroits, tels que le droit à la vie familialeou la liberté de circulation. Invoquer ledroit à la vie familiale, c’est renforcer laconception traditionnelle du rôle de lafemme dans la famille ainsi que de lanature de la famille. On méconnaît alorsle droit à la nationalité de la femme céli-bataire ou ayant des relations familialesnon traditionnelles. Dans de nombreusesaffaires (Unity Dow, Aumeeruddy-Cziffra,Abdulaziz, Cabales et Balkandali), la per-sonne qui cherche à entrer ou à demeu-rer sur le territoire de l’Etat a le sentimentd’être la victime, mais le vrai fondementest la discrimination à l’égard des ressor-tissantes. Invoquer le droit à la liberté decirculation peut être plus avantageuxpour la femme. Il place le centre d’intérêthors de la famille et rejette l’argumentsouvent invoqué selon lequel la liberté decirculation de la femme n’est pasentravée dès lors qu’elle demeure libred’aller dans l’Etat où le conjoint a sanationalité — postulat selon lequel lafemme acquiert la nationalité de son mariet accepte son lieu de résidence. Desnationalités différentes au sein d’unemême famille peuvent donner lieu à desdroits de séjour différents — respecter laliberté de circulation c’est autoriser la cir-culation et la résidence dans tous lesEtats concernés.

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminationà l’égard des femmes

Le troisième aspect du droit relatif auxdroits de l’homme est un prolongementde l’approche non discriminatoire. Detous les traités relatifs aux droits del’homme, l’article 9 de la Convention surl’élimination de toutes les formes de dis-crimination à l’égard des femmes énoncel’interdiction la plus expresse de la dis-crimination fondée sur le sexe dans leslois sur la nationalité. L’article 9 demandeaux Etats d’accorder aux femmes desdroits égaux à ceux des hommes en cequi concerne l’acquisition, le changementet la conservation de la nationalité. Il pré-

voit que ni le mariage avec un étranger,ni le changement de nationalité du maripendant le mariage ne change la nationa-lité de la femme ni ne la rend apatride nine l’oblige à prendre la nationalité de sonmari. L’article 9 accorde également auxfemmes des droits égaux à ceux deshommes en ce qui concerne la nationa-lité de leurs enfants.

L’article 9 ne garantit pas à la femmele droit de choisir sa nationalité, ni cellede ses enfants, mais il lui accorde lesmêmes droits qu’à l’homme à cet égard.Dès lors, si un Etat partie à la Conventionrefuse la nationalité par filiation des deuxparents, préférant invoquer le lieu de nais-sance, une femme ressortissante de cetEtat, mariée à un étranger et dont l’en-fant est né hors de son propre Etat denationalité ne peut pas transmettre sanationalité à cet enfant.

La portée de l’article 9 est entravéepar le grand nombre de réserves et dedéclarations interprétatives émises àl’égard de l’article 9.1 ou 9.2 ou les deux.Depuis fin octobre 2002, des réserves àl’article 9 ont été reçues de l’Algérie, desBahamas, du Bahreïn, de Chypre, de laRépublique démocratique de Corée, del’Egypte, de l’Iraq, de la Jordanie, duKoweït, du Liban, de la Malaisie, duMaroc et de la Tunisie. Dans sa réserveà la Convention, Singapour indiquequ’étant l’un des plus petits pays dumonde, à la densité de population la plusforte, elle « se réserve le droit d’appliquerles lois et autres dispositions régissantl’entrée, le séjour et l’emploi sur son ter-ritoire, ainsi que le départ de celui-ci, despersonnes qui n’ont pas le droit en vertu

des lois de Singapour, et l’octroi, l’acqui-sition et la perte de citoyenneté parmariage et des enfants nés hors deSingapour. » Dans une déclaration explica-tive sur la ratification, la Turquie indiqueque ses lois internes ne sont pas incom-patibles avec l’article 9, en ce que les dis-positions internes ont pour objet d’éviterl’apatridie44. Quelques Etats tels que Fiji,l’Irlande, le Liechtenstein, la Républiquede Corée, la Thaïlande et le Royaume-Uniont retiré les réserves qu’ils avaientémises à l’égard de l’article 9 au momentde la ratification.

Outre ces réserves et déclarationsvisant expressément l’article 9, certainsEtats ont présenté des réserves pluslarges de nature à affecter les droits desfemmes à la nationalité, dont celles quisubordonnent la Convention à leur légis-lation ou religion nationale, par exemplela Mauritanie, le Pakistan et l’Arabiesaoudite. De plus, certains Etats ayantaccepté la Convention sans réservemaintiennent des lois discriminatoiressur la nationalité puisque le traité necrée pas d’obligations à la charge deceux qui ne l’ont pas ratifié ou n’y ontpas adhéré.

Plusieurs Etats parties à la Convention,dont l’Autriche, le Danemark, la Finlande,la France, l’Allemagne, l’Irlande, le Mexi-que, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal,l’Espagne, la Suède et le Royaume-Uniont présenté des objections ou des com-munications sur ces réserves et déclara-tions, mais aucun Etat n’est allé jusqu’àindiquer que la Convention ne s’appli-querait pas entre eux et les Etats auteursdes réserves.

Article 9.1 Les Etats parties accordent aux femmes des droits égauxà ceux des hommes en ce qui concerne l’acquisition, le changementet la conservation de la nationalité. Ils garantissent en particulierque ni le mariage avec un étranger, ni le changement de nationalitédu mari pendant le mariage ne change automatiquement la nationa-lité de la femme, ni ne la rend apatride, ni ne l’oblige à prendre lanationalité de son mari.

Article 9.2 Les Etats parties accordent à la femme des droits égauxà ceux de l’homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants.

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979)

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Le Comité pour l’élimination de tou-tes les formes de discrimination à l’égarddes femmes pose systématiquement laquestion des réserves et déclarationsaux Etats parties quand il examine lesrapports de ces Etats. Dans ses obser-vations finales sur les rapports, il a systé-matiquement identifié les lois discrimi-natoires sur la nationalité comme unobstacle empêchant la femme de béné-ficier des droits de tout être humain. Demême, dans sa Recommandation géné-rale 21 sur l’égalité dans le mariage etles rapports familiaux il a expliqué com-ment le refus de la nationalité empêchaità la femme de s’insérer pleinement dansla société. L’entrée en vigueur du Proto-cole facultatif à la Convention du22 décembre 2000, permettant auComité d’examiner les communicationsindividuelles, offrira au Comité l’occasionde dégager une jurisprudence et uneinterprétation de l’article 9 sur la base deplaintes individuelles. Depuis fin octobre2002, 47 Etats ont accepté le Protocolefacultatif, offrant ainsi aux femmes deces Etats la possibilité de saisir le Comitépour violations de l’article 9.

Les droits de l’homme des non-ressortissantsInsister sur les obligations faites à l’Etatde respecter les droits de l’homme desnon-ressortissants et, ainsi, diminuerquelques-uns des effet négatifs de lanon-citoyenneté et de l’apatridie est unautre domaine important où le droit relatifaux droits de l’homme pourrait promou-voir les droits de la femme. Les traitésinternationaux et régionaux relatifs auxdroits de l’homme s’appliquent à tous lesindividus présents sur le territoire del’Etat, et non pas aux seuls ressortissantsde l’Etat partie45.

Les problèmes particuliers auxquelssont confrontés ceux qui travaillentcomme travailleurs migrants hors de leurEtat de nationalité ont conduit à l’élabo-ration de la Convention internationale surla protection des droits de tous les tra-vailleurs migrants et des membres deleur famille adoptée par l’Assemblée gé-nérale en 1990. La Convention qui visetous les travailleurs migrants et leur fa-

mille, consacre la non-discrimination auregard des droits desdits travailleurs, lagarantie des droits de l’homme fonda-mentaux et l’égalité de traitement entreles ressortissants et les travailleurs mi-grants quant à leurs droits liés au travail.La Convention qui compte 19 Etats par-ties depuis fin octobre 2002 a besoind’une ratification supplémentaire pourentrer en vigueur.

Les travailleuses migrantes appartien-nent en règle générale au personneltemporaire que l’on trouve sur le marchédu travail parallèle de la plupart des pays,« elles travaillent comme domestiques,ou dans l’industrie, l’agriculture ou lesecteur des services46. » Dans la majo-rité des cas, ces travailleuses possèdentdes visas spéciaux qui les obligent à tra-vailler pour l’employeur dont elles relè-vent. Si elles quittent l’employeur, indé-pendamment des sévices que celui-cileur infligerait, elles perdent leur emploiet le statut légal d’immigrantes. Beau-coup de femmes qui émigrent sur despromesses d’emploi comme domesti-ques, dans la restauration ou les divertis-sements se retrouvent dans des réseauxde prostitution. Souvent en situation irré-gulière ou sans papiers, ces femmessont exposées à des sévices graves. Lavulnérabilité particulière à la violence destravailleuses migrantes a fait l’objet derésolutions de l’Assemblée générale, de

la Commission de la condition de lafemme, de la Commission pour laprévention du crime et la justice pénaleet de la Commission des droits del’homme. La situation des travailleusesmigrantes et leur exposition à la violencea également été examinée par l’Assem-blée générale à sa vingt-troisième sessionspéciale « Les femmes en l’an 2000 :égalité entre les sexes, développementet paix pour le XXIe siècle » qui s’esttenue à New York du 5 au 9 juin 2000,et la Conférence mondiale contre leracisme, la discrimination raciale, laxénophobie et l’intolérance qui y estassociée, qui s’est tenue à Durban du31 août au 8 septembre 200147.

La protection de la main-d’œuvre mi-grante devrait présenter un intérêt spé-cial pour les Etats d’origine et les Etatsd’accueil, car beaucoup de migrationsliées au travail ne sont pas uniquementaffaire de choix personnel mais souventaussi de politique nationale. Certains Etatsfavorisent l’entrée de travailleurs à courtterme, pour un travail temporaire, parexemple pour pallier la pénurie de main-d’œuvre et encourager l’investissementdes sociétés en fournissant une main-d’œuvre bon marché (souvent féminine).D’autres Etats facilitent l’émigration deleurs ressortissants, comme la politiquede développement économique. Celasert à atténuer le chômage et la pauvreté

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6. La nationalité est capitale pour une complète insertion dans lasociété. Un Etat confère généralement sa nationalité aux personnesnées sur son sol. La nationalité peut aussi être conférée du fait quela personne intéressée s’est établie dans le pays, ou accordée pourdes raisons humanitaires, par exemple à des apatrides. Une femmequi n’a pas la nationalité ou la citoyenneté du pays où elle vit n’estpas admise à voter ou à postuler à des fonctions publiques et peutse voir refuser les prestations sociales et le libre choix de son lieude résidence. La femme adulte devrait pouvoir changer de nationa-lité, qui ne devrait pas lui être arbitrairement retirée en cas cemariage ou de dissolution de mariage ou parce que son mari ou sonpère change lui-même de nationalité.

Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Recommandation 21 : égalité

dans le mariage et les rapports familiaux (Convention sur l’élimination de toutes les formes

de discrimination à l’égard des femmes, treizième session, 1992)

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internes grâce aux envois des travailleurs(notamment en devises).

Les pays d’origine sont souvent réti-cents à prendre des mesures pourréduire la vulnérabilité de leurs travail-leurs migrants, par exemple par l’ensei-gnement des droits et des langues, et àoffrir une protection aux ressortissantsqui souffrent à l’étranger de sévices queles autorités du pays d’accueil se refu-sent à régler. Ils craignent peut-être quel’Etat d’accueil cesse d’accepter la main-d’œuvre migrante ou prenne l’étrangerlésé pour un malfaiteur, impliqué parexemple dans un commerce illicite.

La Convention internationale sur laprotection des droits de tous les tra-vailleurs migrants et des membres deleur famille accorde des droits fonda-mentaux aux travailleurs migrants et,chose plus importante, à leur famille.L’article 29 se fait écho de la Conventionrelative aux droits de l’enfant en dis-posant que tout enfant d’un travailleurmigrant doit avoir le droit à un nom, à uncertificat de naissance et à une nationa-lité, mais il ne règle pas la question desavoir quel Etat devra accorder la natio-nalité (lieu de naissance, Etat de la natio-nalité de la mère ou du père). Les tra-vailleurs migrants dont la situation dansl’Etat d’emploi est régulière ou attestéepar des papiers bénéficient de droits plusprécis. La Convention internationale surla protection des droits de tous les tra-vailleurs migrants et des membres deleur famille n’accorde pas aux dits tra-vailleurs la nationalité ou les droits decitoyenneté, mais tente d’assurer unecertaine continuité de résidence. Ainsi,l’article 44.2 demande que les Etats par-ties prennent les mesures qui relèvent deleur compétence « pour faciliter la ré-union des travailleurs migrants avec leurconjoint ou avec les personnes ayantavec eux des relations qui, en vertu de laloi applicable, produisent des effets équi-valents au mariage, ainsi qu’avec leursenfants à charge mineurs et céliba-taires. » Ils doivent également bénéficierd’un traitement équivalent à celui desressortissants concernant un certainnombre de droits, dont l’accès à l’éduca-tion, à la santé et à quelques servicessociaux. En cas de décès ou de disso-

lution du mariage d’un travailleur migrant,l’Etat d’emploi s’engage à étudier favo-rablement l’autorisation de rester pourles membres de la famille qui résidentdans l’Etat.

Alors que la Convention internationalesur la protection des droits de tous lestravailleurs migrants et des membres deleur famille tente de pallier quelques-unsdes désavantages ci-dessus subis par lesfemmes, elle ne confère aucun droit decitoyenneté proprement dite. De plus,bien que seules 20 ratifications soientrequises pour son entrée en vigueur, finoctobre elle n’avait été ratifiée ou accep-tée que par 19 Etats, essentiellementdes pays d’émigration. La Déclaration del’Assemblée générale sur les droits del’homme des personnes qui ne possè-dent pas la nationalité du pays danslequel elles vivent48 offre un catalogue dedroits fondamentaux pour les étrangers,dont le droit du conjoint d’un étrangerinstallé légalement sur le territoire d’ac-compagner, de rejoindre et de demeureravec ledit étranger. Néanmoins, ceci neconstitue pas une obligation subvention-nelle contraignante.

La violence et les sévices auxquelss’exposent les femmes du fait de leurdouble marginalisation, femmes et mi-grantes, a également fait l’objet de réso-lutions de l’Assemblée générale49, de laCommission des droits de l’homme, dela Commission de la condition de la femmeet de rapports du Secrétaire général,y compris sur la prévention du crime etla justice pénale50. Les préoccupationspersistantes suscitées par le sort des tra-vailleurs migrants ont conduit la Com-mission des droits de l’homme à nom-mer en 1999 un Rapporteur spécial surles droits de l’homme des migrants,chargé « d’examiner les moyens de sur-monter les difficultés existantes qui em-pêchent la protection effective et com-plète des droits de l’homme de cegroupe vulnérable, notamment les entra-ves et les difficultés qui font obstacle auretour des migrants sans papiers ou ensituation irrégulière51. » Le mandat duRapporteur spécial lui demande expres-sément « d’adopter une approche sexo-spécifique dans la demande et l’analysed’informations, et de s’intéresser parti-

culièrement à la discrimination multipleet à la violence qui s’exercent contre lesfemmes migrantes. » Il arrive que la vio-lence sexuelle conduise à la naissanced’enfants, posant la question de la na-tionalité desdits enfants. Dans sonpremier rapport, le Rapporteur spécial,Mme Gabriela Rodriguez Pizarro, a faitobserver que la Convention interna-tionale sur la protection des droits detous les travailleurs migrants et desmembres de leur famille serait un outilde protection capital si elle étaitappliquée. Elle y estimait que les pro-blèmes quotidiens rencontrés par lesfemmes migrantes qui souffrent de vio-lence fondée sur le sexe et ne reçoiventaucune réponse des autorités était unsujet de vive préoccupation et préconi-sait une action efficace.

Autres perspectives

Double et multiplenationalité

Lorsque des personnes de nationalitésdifférentes se marient ou ont des en-fants, il peut se poser la difficile ques-tion de l’acquisition et de la conservationde la nationalité. Les lois sur la nationa-lité élaborées au début du XXe sièclesupposaient une population sédentaire.Des solutions comme la dépendance denationalité de la femme désavantagentles femmes. Un certain nombre d’Etatsont maintenant adopté des règles plussouples touchant la nationalité de lafemme mariée à un étranger en lui per-mettant de conserver sa propre nationa-lité, mais d’autres Etats ne l’ont toujourspas fait.

Les restrictions pratiques imposées àla liberté de circulation et de choix de larésidence des parents et de leurs enfantsde nationalités différentes ont exigé uneconception nouvelle de la relation entreles individus et les Etats. Ainsi, le droitinternational a tenté de réduire l’apatridieparce qu’un apatride n’a de droit de sé-jour dans aucun pays et aucun pays n’ale droit de lui offrir sa protection en casde préjudice. Les traités relatifs aux droits

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de l’homme tentent de réduire les ris-ques d’apatridie en consacrant le droit detoute personne à une nationalité. Néan-moins, leur utilité est limitée parce qu’ilsne précisent pas comment appliquer cedroit. Aussi, la Commission des droits del’homme de l’ONU a-t-elle déclaré que laprivation arbitraire de nationalité fondéesur la race, la nationalité, l’ethnie et la reli-gion était une violation des droits del’homme.

Jusqu’à la fin du XXe siècle, beaucoupd’Etats ont rejeté l’idée d’offrir aux indivi-dus une double ou multiple nationalité,au motif qu’une personne ne pouvait pasêtre un citoyen loyal envers plus d’unEtat. L’idée de double ou de multiple na-tionalité est de plus en plus acceptée, etun certain nombre d’Etats ont renoncéau concept de nationalité d’une seule en-tité étatique en instituant légalement ladouble nationalité. Permettre aux indivi-dus d’avoir une double (et même multi-ple) nationalité renforce la jouissance desdroits qui découlent de ces nationalitésen vertu du droit interne et international.Les conjoints qui sont de nationalités dif-férentes bénéficient d’une plus grandeliberté de circulation et de choix de leurrésidence conjointe.

La Convention européenne de 1997sur la nationalité a établi un code de ladouble nationalité. Cette Convention en-visage la loi sur la nationalité sous l’anglede deux principes : la prévention del’apatridie et l’égalité, et vise à réalisercette égalité tout en préservant la vie fa-miliale. La Convention définit la manièredont la nationalité doit être octroyée etremédie à sa privation arbitraire. L’article6.1 a prévoit qu’un Etat partie doitaccorder sa nationalité aux enfants nésd’un ressortissant sur son territoire, etl’article 6.4 qu’un Etat partie doit« faciliter dans son droit interne l’acqui-sition de sa nationalité » aux conjoints deses ressortissants et aux enfants de sesressortissants qui ne sont pas déjà res-sortissants de naissance. L’article 14.1demande aux Etats d’autoriser la doublenationalité dans le cas de conjoints etd’enfants ayant acquis de plein droit plusd’une nationalité par le jeu de la loi et l’ar-ticle 15 permet aux Etats d’octroyer ladouble nationalité de manière générale.

Les problèmes apparents posés par ladouble nationalité se réduisent donc àune affaire de coordination. Les mem-bres d’une famille peuvent choisir deconserver la double nationalité, offrant àla famille une unité de nationalité, lasécurité de résidence, la protection con-tre l’expulsion et l’accès aux prestationsoffertes, sans pour autant sacrifier la na-tionalité de l’un ou l’autre conjoint.

Citoyennetésupranationale

Un autre modèle venu d’Europe rattachela citoyenneté à une entité supranatio-nale, ici l’Union européenne. Cette pers-pective est fondée sur l’identificationd’une personne comme Européen, touten étant ressortissant de tel ou tel Etat.Aux termes de l’article 8 du Traité surl’Union européenne (traité de Maastricht)de 1992 les ressortissants de chaqueEtat de l’Union sont citoyens de l’Unioneuropéenne52.

A l’heure actuelle, les attributs de lacitoyenneté européenne se limitent audroit de circuler librement et de séjournerdans n’importe quel Etat de l’Union; àl’extérieur de l’Union, le droit de deman-der la protection diplomatique des auto-rités de n’importe quel Etat membre, ledroit de pétition devant le Parlementeuropéen et de s’adresser au médiateur

européen. Le concept de citoyennetéeuropéenne n’est pas détaché de celuide citoyenneté nationale car ladite citoyen-neté n’est accordée qu’aux ressor-tissants des Etats membres de l’Union.La souveraineté des Etats membres enmatière de lois sur la nationalité n’est dèslors pas affaiblie, et la citoyenneté euro-péenne renforce l’exclusion de ceux à quila nationalité a été refusée dans quelqueEtat de l’Union que ce soit, y compris lestravailleurs migrants et, dans certainscas, leurs enfants.

Conclusions etrecommandations

La présente livraison de Femmes enl’an 2000 et au-delà évoque des scénariosoù l’inégalité dans l’octroi et la conserva-tion de la nationalité crée des difficultésparticulières aux conjoints de nationalitésdifférentes. Les normes internationalesrelatives aux droits de l’homme qui pal-lient ces inégalités se retrouvent dans lestraités relatifs à la matière, notamment àl’article 9 de la Convention de 1979 surl’élimination de toutes les formes de dis-crimination à l’égard des femmes. Desdécisions judiciaires indiquent commentinvoquer ces normes pour effacer les iné-galités existant entre les hommes et lesfemmes. Néanmoins, il existe beaucoupd’entraves à la mise en œuvre effectivedesdites normes.

femmes en l’an 2000 et au-delà Juin 2003

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Article 4.d Ni le mariage ni la dissolution du mariage entre unressortissant d’un Etat partie et un étranger, ni le changement denationalité de l’un des conjoints pendant le mariage ne peuventavoir d’effet de plein droit sur la nationalité de l’autre conjoint.

Article 5 — Non-discrimination

1) Les règles d’un Etat partie relatives à la nationalité ne doiventpas contenir de distinction ou inclure des pratiques constituant unediscrimination fondée sur le sexe, la religion, la race, la couleur oul’origine nationale ou ethnique.

2) Chaque Etat partie doit être guidé par le principe de la non-discrimination entre ses ressortissants, qu’ils soient ressortissantsà la naissance ou aient acquis sa nationalité ultérieurement.

Convention européenne sur la nationalité (1997)

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Juin 2003 femmes en l’an 2000 et au-delà

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Entraves à la mise en œuvre des normesrelatives aux droits

de l’homme

• Le droit international reconnaît auxEtats un pouvoir discrétionnaireétendu dans l’octroi de la nationalitéaux individus;

• Les dispositions générales relativesaux droits de l’homme sur la na-tionalité ne sont pas cohérentes : lesindividus ont droit à une nationalitémais les Etats ne sont pas tenus del’accorder; la responsabilité de l’Etatn’est pas engagée s’il n’accorde pasla nationalité à un apatride;

• La Convention sur l’élimination detoutes les formes de discriminationà l’égard des femmes de 1979 n’apas encore été ratifiée à l’échelleuniverselle. Fin octobre 2002, ellecomptait 170 Etats parties. Par con-tre, la Convention relative aux droitsde l’enfant de 1989 en compte 191;

• L’article 9 de la Convention surl’élimination de toutes les formesde discrimination à l’égard desfemmes prévoit l’égalité entre leshommes et les femmes pour ce quiest de l’octroi et de la conservationde la nationalité et l’attribution de lanationalité aux enfants. Un certainnombre d’Etats ont émis des réser-ves ou des déclarations interpréta-tives touchant à la Convention, indi-quant ainsi qu’ils n’acceptaient pasles obligations créées par l’article;

• La Convention internationale sur laprotection des droits de tous les tra-vailleurs migrants et des membresde leur famille de 1990 n’a pas reçule nombre de ratifications requispour entrer en vigueur;

• Les obligations internationales rela-tives aux droits de l’homme ne sontpas toujours incorporées dans ledroit interne;

• Les tribunaux ne sont pas toujoursdisposés à appliquer les normes denon-discrimination à l’acquisition etaux conséquences de la nationalité;

• L’égalité énoncée dans les lois surla nationalité peut être considérée

comme contraire aux droits et prati-ques traditionnels ou coutumiers;

• Les lois sur la migration, le com-merce illicite, la prostitution, l’immi-gration cadrent mal avec les exigen-ces de droits de l’homme.

Le recoupement des questions juri-diques de nationalité, d’immigration, dediscrimination, de pauvreté, de migrationet de violence à l’égard des femmes et dela famille, au même titre que les stéréo-types fondés sur le sexe concernant lesschémas de migration et les relations per-sonnelles compromettent la jouissancepar les femmes d’un certain nombre dedroits civils, politiques, économiques etsociaux et les privent des bénéfices de lacitoyenneté. Il convient d’engager d’autresactions pour lever ces obstacles tant auniveau international que national.

Actions recommandéesau niveau international

Une action de l’Etat au niveau inter-national suppose la ratification de traitésinternationaux :a. Ratification et mise en œuvre par les

Etats des traités existants, dont laConvention sur la nationalité de lafemme mariée, la Convention surl’élimination de toutes les formes dediscrimination à l’égard des femmeset le Protocole facultatif s’y rappor-tant, et la Convention internationalesur la protection des droits de tousles travailleurs migrants et des mem-bres de leur famille de 1990;

b. Retrait des réserves aux traitésinternationaux, notamment à l’arti-cle 9 de la Convention sur l’élimina-tion de toutes les formes de discri-mination à l’égard des femmes de1979; et

c. Ratification et mise en œuvreinterne des instruments interna-tionaux permettant aux individusd’avoir accès aux droits au niveauinternational, par exemple, au pre-mier Protocole facultatif se rappor-tant au Pacte international relatif auxdroits civils et politiques de 1966 etau Protocole facultatif se rapportantà la Convention sur l’élimination de

toutes les formes de discriminationà l’égard des femmes de 1999.

Actions recommandéesau niveau national

Il convient également d’engager desréformes juridiques et administrativesdans les législations nationales afin d’as-surer la mise en œuvre des normesinternationales. Une action de l’Etat auniveau interne comporterait les mesuressuivantes :a. Modification des lois internes, des

pratiques et réglementations admi-nistratives se rapportant à la natio-nalité et à la citoyenneté, par l’in-corporation de la Convention surl’élimination de toutes les formes dediscrimination à l’égard des femmes,article 9, dans le droit interne;

b. Modification des lois internes pourfaciliter les procédures d’acquisitionde la nationalité par les conjointshommes ou femmes étrangers dansl’Etat de la nationalité;

c. Suppression des entraves juridiquespour les femmes mariées satis-faisant aux conditions de séjour afinqu’elles acquièrent la citoyennetédans les cas de violence conjugaleou de sévices, ou lorsque le mariageest prématurément dissous à la de-mande du mari;

d. Formation du corps judiciaire à la si-gnification de ces dispositions pourles droits de l’homme;

e. Formation sur l’égalité des hommeset des femmes à l’intention desagents d’immigration, de la forcepublique et des fonctionnaires;

f. Suppression des obstacles de droitinterne à la détention d’une doubleou multiple nationalité;

g. Facilitation des procédures d’enre-gistrement des mariages et des nais-sances établissant la preuve docu-mentaire de la nationalité; et

h. Réduction de la vulnérabilité destravailleurs migrants, par exemplepar l’enseignement des droits del’homme et des langues, et garantiede la protection nationale des travail-leurs migrants à l’étranger.

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femmes en l’an 2000 et au-delà Juin 2003

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La présente publication de femmes en l’an 2000 et au-delà a été établie par la Division de la promotion de la femme de l’ONU, en collaboration avec Christine Chinkin, consultante.

Actions recommandéesaux Organisations non

gouvernementales

Les ONG locales et internationales pour-raient inciter comme suit les Etats à pren-dre ces mesures et assurer l’égalité de-vant les lois sur la nationalité :a. Instruire des affaires de principe de-

vant des tribunaux nationaux et dansdes instances régionales et interna-tionales des droits de l’homme pourcontester les lois discriminatoires surla nationalité, en invoquant la juris-prudence internationale et nationaleévoquée plus haut;

b. Diffuser la jurisprudence nationaleet internationale contestant les loisdiscriminatoires sur la nationalité desorte qu’elle puisse être invoquée àl’occasion d’actions similaires intro-duites ailleurs. De telles actions ontété introduites avec succès danscertains Etats pour contester la por-tée des lois sur la nationalité (cf.Unity Dow ) et certains survivent cesanomalies à la suite de la réformejudiciaire (par exemple au Canada).Dans d’autres juridictions, ces con-testations ont été infructueuses(Bangladesh, Pakistan) ou partielle-ment fructueuses (Népal). Cela dit,même les contestations infruc-tueuses peuvent susciter des prisesde conscience et préparer la voieaux réformes;

c. Envisager le recours au Protocolefacultatif à la Convention sur l’élimi-nation de toutes les formes de dis-crimination à l’égard des femmes de1979, et le Pacte international relatifaux droits civils et politiques de1966, premier Protocole facultatif de1966; et

d. Informer les membres des organescréés en vertu d’instruments interna-tionaux relatifs aux droits de l’hommede ces inégalités par des rapportsnon officiels de sorte que les Etatssoient interrogés sur ce sujet dansles présentations de rapport.

Conclusions

L’adoption et la mise en œuvre d’unelégislation au niveau national ne garan-tiront pas ipso facto l’égalité entre leshommes et les femmes pour ce qui estde l’octroi et de la jouissance des droitsde la citoyenneté et la nationalité, maisl’existence de telles lois est essentielle.Les lois discriminatoires sur la nationa-lité rendent les femmes vulnérables.Cette vulnérabilité a une sérieuse inci-dence dans les faits, à une époque où ungrande nombre de femmes quittent leurpropre Etat, délibérément par la migra-tion ou involontairement (le déplacementou le trafic). La femme s’expose davan-tage à la violence, à l’exploitation et à laperte de contact avec les enfants denationalité différente lorsqu’elle se voit

refuser les protections accordées auxcitoyens et aux ressortissants. A la dif-férence de bien d’autres violations desdroits des femmes, le refus d’octroyer lanationalité à la femme ou à ses enfantsau même titre que les hommes est lefait d’un seul acteur : l’Etat. Il appartientaux gouvernements de s’acquitter deleurs obligations, entre autres par lesmoyens suivants :

• Adopter et mettre en œuvre unelégislation appropriée en se confor-mant à l’esprit et aux décisions desorganes de défense des droits del’homme;

• Fournir une formation touchant l’éga-lité des hommes et des femmes auxagents d’immigration;

• Incorporer l’article 9 de la Conven-tion sur l’élimination de toutes lesformes de discrimination à l’égarddes femmes dans le droit interne;

• Devenir parties au Protocole facultatifà la Convention sur les femmes; et

• Donner effet à la double nationalité,procédé juste et équitable pourrégler ces questions.

Les Etats doivent prendre conscienceque refuser aux femmes l’égalité desdroits en matière de nationalité entravela jouissance par la femme d’autresdroits de l’homme en raison du refus desprotections juridiques fondamentales dela citoyenneté, de l’égalité au sein de lafamille, de l’identité et de l’appartenance,de la sécurité personnelle et de la pro-tection contre la violence.

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Juin 2003 femmes en l’an 2000 et au-delà

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Notes1 T.H Marshall, Class, citizenship

and social development (New York,Doubleday, 1965), p. 92.; NitzaBerkovitch, From Motherhood toCitizenship. Women’s rights andinternational organizations(Baltimore, John Hopkins UniversityPress, 1999), p. 10 à 15.

2 Documents officiels de l’Assembléegénérale, quarante-neuvièmesession (A/49/38), Rapportdu Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes à sa treizièmesession, 1994, p. 2.

3 Le Comité pour l’élimination de ladiscrimination raciale a étudié uncertain nombre de situations oùles droits des non-ressortissantsétaient plus restreints que ceux desressortissants. Dans l’affaire ZaidBen Ahmed Habassi c. Danemarkil a examiné le refus de prêt d’unebanque danoise au seul motif quele plaignant ne possédait pas lanationalité danoise (Doc. ONUCERD/C/54/D/10/1997); Dansl’affaire BMS c. Australie, il aexaminé un système de quotasrestreignant le nombre de licencesde praticiens accordées à desdocteurs en médecine non-ressortissants (Doc. ONUCERD/C/54/D/8/1996). Le rapportpréliminaire du Rapporteur spécial sur les droits des non-ressortissants indique que dans un certain nombre de pays les garanties constitutionnelles desdroits de l’homme ne s’appliquentqu’aux ressortissants :E/CN.4/Sub.2/2001/20/Add.1.

4 Affaire Nottebohm (Liechtensteinc. Guatemala) [1955] CIJ Recueil 4,p. 23.

5 Propositions de modification des dispositions relatives à lanaturalisation de la Constitution du Costa Rica, Cour interaméricainedes droits de l’homme, avisconsultatif, OC-4/84 du 19 janvier1984, Cour interaméricaine desdroits de l’homme, (série A), no 4 [1984], par. 35.

6 Haut Commissariat des NationsUnies pour les réfugiés, The stateof the world’s refugees, (HCR, OUP,1997-98), p. 230 et 248 à 250.

7 Ibid., p. 233.8 Le Rapporteur spécial sur la

violence à l’égard des femmes, ses causes et ses conséquencesévoque la situation difficile desfemmes de Rohingya au nord de l’Etat d’Arakan au Myanmar,auxquelles le Myanmar refuse lacitoyenneté, qui ne peuvent pastraverser la frontière légalementfaute de papiers, et sont ainsiexposées aux trafics. Rapport duRapporteur spécial sur la violence à l’égard des femmes, ses causeset ses conséquences, Doc. ONUE/CN.4/2000/68, 29 février 2000.

9 Convention sur les réfugiés, article 1 A) 2).

10 Nations Unies, Convention sur lanationalité de la femme mariée :Historique et commentaire, Doc. ONU E/CN.6/390, publicationdes Nations Unies, numéro devente 62.IV.3 p. 2.

11 Karen Knop et Christine Chinkin,« Remembering ChrystalMacmillan : Women’s Equality andNationality in International Law »,Michigan Journal of InternationalLaw, no 22 (2001), p. 525.

12 Berkovitch, op.cit., p. 80.13 Knop et Chinkin, loc.cit., p. 570.14 Résolution du Conseil

économique et social, E/RES/2/11instituant la Commission de la condition de la femme.

15 Le Service de l’immigration etde la naturalisation des Etats-Unisa estimé qu’entre 100 000 et150 000 femmes se portaientcandidates chaque année à unmariage par correspondance.L’avènement d’Internet signifieque les services à cet égard sontdisponibles à une plus grandeéchelle. Etats-Unis d’Amérique,Département américain de la Justice« International matchmakingorganizations : a report to Congress,immigration and naturalizationservice » 2/99, (Washington, D.C.,Département américain de la Justice,mars 1999); Robert J. Scholes,« Appendix A : The ‘ mail-order bride ’industry and its impact on U.S.immigration », Ibid.

16 Réserves de l’Egypte, 18 septembre 1981; cf.

http://www.un.org/womanwatch/daw/cedaw/reservations.htm.

17 Des tentatives ont été faitespour simplifier certaines de cesquestions, notamment celle del’enlèvement des enfants et deleur garde, au moyen de traités,ainsi, la Convention de La Hayeconcernant certaines questionsrelatives aux conflits de lois surla nationalité (1930), la Conventionde La Haye sur les aspects civilsde l’enlèvement internationald’enfants (1980) et la Conventionde La Haye sur l’adoptioninternationale (1993).

18 Voir par exemple, la section 309 dela Loi américaine sur l’immigrationet la nationalité qui établit lesconditions préalables à l’octroi de lanationalité américaine à un enfantné hors mariage d’un pèreressortissant américain, qui sontinapplicables dans les cas où unenfant est né hors mariage d’unemère ressortissante américaine.Voir Miller c. Albright 523 US 420(1998) et Nguyen c. INS 121 S Ct.2053 (2001) confirmant la validitéde cette disposition.

19 Propositions de modification desdispositions relatives à lanaturalisation de la Constitution duCosta Rica, 5 Human Rights LawJournal, 161 (1984).

20 Déclaration universelle des droitsde l’homme, Résolution A.G. 217A(III), Doc. ONU A/810, at 71(1948).

21 Pacte international relatif aux droitscivils et politiques, RésolutionA.G. 2200A (XXI), Doc. ONU A63/6(1966).

22 Convention relative aux droits de l’enfant, Résolution A.G. 44/25 (1989), annexe, Doc. ONU A/44/49 (1989).

23 Observation générale 17 du Pacteinternational relatif aux droits civilset politiques sur l’article 24 (1989).

24 Convention américaine relative aux droits de l’homme (1969).

25 Charte africaine des droits et dubien-être de l’enfant, Doc. OUACAB/LEG/24.9/49 (1990).

26 Commission des droits del’homme, Résolutions 1998/48et 1999/28.

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27 Doc. ONU E/CN.4/1999/56 et Add. 1 et 2; Doc. ONUE/CN.4/2000/56 et Add. 1 et 2.

28 Résolution 55/153 de l’Assembléegénérale du 12 décembre 2000.

29 Communication no 35/1978 (1981),Doc. ONU A/36/40 (1981).

30 Propositions de modificationdes dispositions relatives à lanaturalisation de la Constitutiondu Costa Rica, 5 Human RightsLaw Journal, 161 (1984).

31 Ibid., par. 64.32 Abdulaziz, Cabales et Balkandali

c. Royaume-Uni, no 94., Coureuropéenne des droits de l’homme,série A, (1985). Cf. Knop etChinkin, loc.cit., p. 578 et 579.

33 Famille K et W c. Pays-Bas,no 11278/84, 43 DR 216 (1985).

34 Abdulaziz, Cabales et Balkandalic. Royaume-Uni, Cour européennedes droits de l’homme, série A,no 94 (1985).

35 Ibid.36 Cour européenne des droits de

l’homme, 26 juin 1988, série A,no 138.

37 Cour européenne des droits del’homme, 26 mars 1992, série A,no 234-A.

38 Rapport préliminaire duRapporteur spécial sur lesdroits des non-ressortissants,E/CN.4/Sub.2/2001/20/Add.1,par. 119 à 133.

39 [1994] Recueils de jurisprudencedu Commonwealth 343.

40 [1994] Recueils de jurisprudence duCommonwealth 354.

41 [1997] R.C.S. 358.42 Benner [1997] 1 R.C.S. 397 à 401.43 Dawood c. Ministre de l’intérieur,

2000 (8) BCLR 837. Cf. Knop etChinkin, loc.cit., p. 553 et 554où sont cités d’autres affairesdans lesquelles la Cour suprêmed’Afrique du Sud a retenu cettesolution.

44 Convention sur l’élimination detoutes les formes de discriminationà l’égard des femmesCEDAW/SP/2002/2.

45 Rapport préliminaire duRapporteur spécial sur lesdroits des non-ressortissants,E/CN.4/Sub.2/2001/20, par. 29 à 84.

46 Rapport du Rapporteur spécial surles droits de l’homme desmigrants, présenté en applicationde la résolution de la Commissionsur les droits de l’homme 1999/44,Doc. ONU E/CN.4/2000/82,6 janvier 2000. Cf. Rapport duSecrétaire général sur la violencecontre les travailleuses migrantes,ONU par. 56, E/CN.4/200/76,9 décembre 1999, par. 11.

47 Rapport de la Conférence mondialecontre le racisme, la discriminationraciale, la xénophobie etl’intolérance qui y est associée,Durban, 31 août-8 septembre 2001,A/CONF.189/12; résolutionset décisions adoptées parl’Assemblée générale à sa vingt-troisième session, 5-10 juin 2000,A/S-23/13.

48 Résolution A.G. 40/144, Doc. ONUA/RES/40/144, (1985) par. 4.

49 Résolution A.G. 50/168, Doc. ONUA/RES/50/168 (1996); résolutionA.G. 49/165, Doc. ONUA/RES/49/165 (1995).

50 Rapport du Secrétaire général surl’élimination de la violence contreles femmes, Doc. ONU A/54/69-E/1999/8 et Add. 1 (1999); Rapportdu Secrétaire général sur la prévention du crime et la justicepénale, Doc. ONU A/54/289 (1999).

51 Résolution de la Commission desdroits de l’homme 1999/44, Doc.ONU E/CN.4/RES/1999/44 (1999).

52 Traité sur l’Union européenne,article 8.1. Il est institué unecitoyenneté de l’Union.Est citoyen de l’Union toutepersonne ayant la nationalitéd’un Etat membre. Le conceptde citoyenneté européenne a étéélargi par le traité d’Amsterdamentré en vigueur le 1er mai 1999,ajoutant les paragraphes a à e àl’article 8 du Traité de Maastricht.

femmes en l’an 2000 et au-delà Juin 2003

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La couverture est adaptée de « Oops » de Edwina Sandys (1997).

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Femmes, paix et sécuritéEtude présentée au Secrétaire général conformément

à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité

La présente étude sur les femmes, la paix et la sécurité a été demandée par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1325 (2000) etla réalisation en a été coordonnée par la Conseillère spéciale pour la parité des sexes et la promotion de la femme en étroite collabora-tion avec l’Equipe spéciale interorganisations sur les femmes, la paix et la sécurité. Il ressort de cette étude que même si les femmeset les filles partagent certaines expériences que vivent les hommes et les garçons durant les conflits armés, la culture de violence et dediscrimination contre les femmes et les filles qui existe en temps de paix est souvent exacerbée durant les conflits; de ce fait, lesfemmes ne sont guère en mesure de participer aux processus de paix, ce qui nuit à l’objectif d’une paix durable.

L’étude montre comment, au cours des 15 dernières années, le système des Nations Unies, les Etats Membres, les organisationsrégionales et la société civile ont intensifié leurs efforts pour s’attaquer aux conséquences distinctes que les conflits armés ont sur lesfemmes et les filles et reconnu la part prise par les femmes à la prévention et au règlement des conflits. On y recommande que la pers-pective de l’égalité des sexes soit intégrée dans tous les accords de paix, dans les mandats de missions de maintien de la paix et de con-solidation de la paix ainsi que dans la programmation et l’acheminement de l’aide humanitaire; la représentation des femmes doit êtreassurée à toutes les étapes et à tous les niveaux des opérations de paix, des opérations humanitaires et des processus de prise de déci-sions dans la reconstruction après conflit, et les normes internationales en matière d’égalité des sexes doivent être mieux respectées.

L’étude s’inspire de l’expérience collective des organismes des Nations Unies : elle analyse l’impact des conflits armés sur les femmeset les filles, décrit le cadre juridique international applicable et dresse un tableau de la place réservée aux questions d’égalité des sexesdans les processus de paix, les opérations de paix, les opérations humanitaires, la reconstruction et le relèvement, ainsi que dans lesactivités de désarmement, de démobilisation et de réinsertion.

Numéro de vente : E.03.IV.1 • ISBN : 92-1-1302226 • Prix : 25,00 dollars des Etats-Unis

CD-ROM Women Go GlobalL’Organisation des Nations Unies et le mouvement international des femmes, 1945-2000

Un CD-ROM d’utilisation facile, interactive et multimédia sur les événements qui ont marqué l’action internationale pour l’égalité desfemmes depuis la création de l’Organisation des Nations Unies en 1945 jusqu’à l’an 2000. Il présente aux groupes de femmes, auxorganisations non gouvernementales, aux éducateurs, aux journalistes et aux gouvernements l’histoire passionnante de la lutte pourl’égalité des sexes menée par l’Organisation des Nations Unies.

Women Go Global décrit les étapes qui ont marqué les activités de l’Organisation des Nations Unies et des mouvements interna-tionaux de femmes en faveur de l’égalité entre les sexes.

Ce CD-ROM donne de nombreux renseignements sur les quatre Conférences des Nations Unies sur les femmes qui se sont tenuesà Mexico (1975), à Copenhague (1980), à Nairobi (1985) et à Beijing (1995), et sur les forums non gouvernementaux organisés en margede ces conférences. Il examine le rôle important de la Commission de la condition de la femme et fournit des informations à jour surl’application du Programme d’action de Beijing et sur les résultats de Beijing+5.

Ce CD-ROM unique vous permettra :• D’entendre Eleanor Roosevelt lisant une lettre aux femmes du monde lors de la première Assemblée générale des Nations Unies

en 1946;• De faire la connaissance de celles qui sont à l’origine du mouvement en faveur des femmes à l’ONU;• D’apprendre comment l’ONU est devenue un lieu où s’organisent réseaux et groupes de pression;• De faire un voyage virtuel aux quatre conférences mondiales sur les femmes et d’assister aux manifestations parallèles organisées

par les ONG;• De prendre connaissance de l’issue de Beijing+5 et des projets des femmes pour le XXIe siècle.On trouve également dans ce CD-ROM une bibliographie choisie et des liens avec des sites tels que « Womenwatch », les pages

Web de l’ONU sur des questions féminines ainsi qu’une liste d’archives par pays sur l’histoire des femmes et les profils de plus de200 personnalités participant à cet effort mondial.

Numéro de vente : E.01.IV.1 • ISBN : 92-1-1302110 • Prix : 19,95 dollars des Etats-Unis

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et du Pacifique doivent être envoyées à : devraient envoyer leurs commandes à :

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Division de la promotion de la femme de l’Organisation des Nations UniesInformations fournies par Internet

Pour obtenir les informations disponibles sur les bases de données d’Internet de la Division de la promotion de la femme, suivre les instructions ci-après :

Pour accéder au site Web de la Division de la promotion de la femme sur la « position mémoire » de votre balayeur :

http://www.un.org/womenwatch/daw

Vous trouverez là des liens avec :

La Division : http://www.un.org/womenwatch/daw/daw

Beijing+5 : http://www.un.org/womenwatch/daw/followup/beijing+5.htm

Nouvelles : http://www.un.org/womenwatch/daw/news

La Convention sur l’élimination de toutes les formesde discrimination à l’égard des femmes : http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw

La Commission de la condition de la femme : http://www.un.org/womenwatch/daw/csw

Des informations sur les pays : http://www.un.org/womenwatch/daw/country

Des réunions et de la documentation : http://www.un.org/womenwatch/daw/documents

Des publications : http://www.un.org/womenwatch/daw/public

Un calendrier : http://www.un.org/womenwatch/news/calendar

Publié par la Division de la promotion de la femme de l’Organisation des Nations Unies / Département des affaires économiques et sociales

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