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1 p. 1 p. 8 p. 14 Tendances 21 des religions - Université pontificale de Comillas Madrid - : - Nous fêtons le centenaire de l’éveil du génie de Teilhard de Chardin Son essai « La Vie cosmique » ouvre un espace à de nouvelles tendances religieuses Leandro Sequeiros Académie des Sciences Exactes, Physiques et Naturelles de l’Université de Saragosse. En 1916, le jésuite, scientifique et mystique français Pierre Teilhard de Chardin, travaillait depuis plus d’un an comme brancardier sur le front de la guerre. C’est à c e moment-là qu’émerge « le génie teilhardien ». Son premier ouvrage spirituel, philosophique et mystique, est « La Vie cosmique », et nous fêtons le centenaire de sa création, en cette année 2016. Nous vous présentons le contexte de cette œuvre, ses idées les plus saillantes ainsi que son importance pour l’avenir des traditions religieuses. En cette année 2016, nous allons célébrer l’écriture de plusieurs textes de Teilhard qui sont nés dans un contexte terrible, celui des avant-postes français qui, pendant la Première Guerre Mondiale, faisaient face aux Allemands. Teilhard fut mobilisé pendant cette guerre, et en tant que prêtre, fut affecté à une unité sanitaire comme brancardier. Pendant ces années pétries de mitraille, de haine, de douleur et de violence, Teilhard se transforme intérieurement, et donne naissance à ce qu’on a décidé d’appeler « le génie teilhardien ». Sous sa plume, naissent essais, pensées, vers, poèmes, qui sont des récits passionnés. Quelques auteurs, comme le professeur Alfonso Pérez de Laborda, ont cherché les causes, les sources de ce « réveil » volcanique. Teilhard fut un écrivain prolifique. Beaucoup de ses écrits sont perdus, mais sa cousine Marguerite Teillard-Chambon nous a permis de prendre connaissance de quatre essais publiés dans son œuvre de l’édition française qui ont été traduits en castillan, sous le nom : « Escritos del tiempo de guerra » (Taurus, Madrid). Il s’agit de La Vie cosmique, signée le 24 avril, que l’on trouve dans le volume 12 des Œuvres de Teilhard, pp.19-81, de la Note sur la Vie cosmique, du 17 mai, vol.12, pp. 81-82, de La Maîtrise du monde et le règne de Dieu, du 20 septembre, vol.12, pp. 87-105) et de Le Christ dans la Matière, Trois histoires comme Benson, du 14 octobre vol.12, pp. 113- 127. Pendant cette année nous étudierons ces essais. L’Association des Amis de Teilhard de Chardin, section espagnole, adhère à cet hommage avec ces articles publiés dans « Tendances 21 des religions. » Le premier est « La Vie Cosmique » qui vient d’être traduit de nouveau en espagnol. Teilhard et la Vie Cosmique. En avril 1916, pendant que sur le front de la guerre française, Teilhard travaille comme brancardier, il écrit à la main sur un bloc-notes des pages qu’il envoie à sa cousine Marguerite : c’est le premier coup d’essai du « génie teilhardien » qui est d’une expression baroque, mystique et enthousiaste. On dirait que « le baptême du réel » comme il l’a écrit, fait surgir en lui des énergies capables de révolutionner sa pensée. Et il eut la faculté de transmettre dans un français éblouissant, les émotions les plus profondes de l’âme du poète mystique et du scientifique qu’il était.

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p. 14

Tendances 21 des religions - Université pontificale de Comillas – Madrid

- : - Nous fêtons le centenaire de l’éveil du génie de Teilhard de Chardin

Son essai « La Vie cosmique » ouvre un espace

à de nouvelles tendances religieuses

Leandro Sequeiros Académie des Sciences Exactes, Physiques et Naturelles de l’Université de Saragosse.

En 1916, le jésuite, scientifique et mystique français Pierre Teilhard de Chardin, travaillait

depuis plus d’un an comme brancardier sur le front de la guerre. C’est à ce moment-là

qu’émerge « le génie teilhardien ». Son premier ouvrage spirituel, philosophique et mystique,

est « La Vie cosmique », et nous fêtons le centenaire de sa création, en cette année 2016.

Nous vous présentons le contexte de cette œuvre, ses idées les plus saillantes ainsi que son

importance pour l’avenir des traditions religieuses.

En cette année 2016, nous allons célébrer l’écriture de plusieurs textes de Teilhard qui sont

nés dans un contexte terrible, celui des avant-postes français qui, pendant la Première Guerre

Mondiale, faisaient face aux Allemands. Teilhard fut mobilisé pendant cette guerre, et en tant

que prêtre, fut affecté à une unité sanitaire comme brancardier.

Pendant ces années pétries de mitraille, de haine, de douleur et de violence, Teilhard se

transforme intérieurement, et donne naissance à ce qu’on a décidé d’appeler « le génie

teilhardien ». Sous sa plume, naissent essais, pensées, vers, poèmes, qui sont des récits

passionnés. Quelques auteurs, comme le professeur Alfonso Pérez de Laborda, ont cherché les

causes, les sources de ce « réveil » volcanique. Teilhard fut un écrivain prolifique. Beaucoup

de ses écrits sont perdus, mais sa cousine Marguerite Teillard-Chambon nous a permis de

prendre connaissance de quatre essais publiés dans son œuvre de l’édition française qui ont

été traduits en castillan, sous le nom : « Escritos del tiempo de guerra » (Taurus, Madrid). Il

s’agit de La Vie cosmique, signée le 24 avril, que l’on trouve dans le volume 12 des Œuvres

de Teilhard, pp.19-81, de la Note sur la Vie cosmique, du 17 mai, vol.12, pp. 81-82, de La

Maîtrise du monde et le règne de Dieu, du 20 septembre, vol.12, pp. 87-105) et de Le Christ

dans la Matière, Trois histoires comme Benson, du 14 octobre vol.12, pp. 113- 127.

Pendant cette année nous étudierons ces essais. L’Association des Amis de Teilhard de

Chardin, section espagnole, adhère à cet hommage avec ces articles publiés dans « Tendances

21 des religions. »

Le premier est « La Vie Cosmique » qui vient d’être traduit de nouveau en espagnol.

Teilhard et la Vie Cosmique.

En avril 1916, pendant que sur le front de la guerre française, Teilhard travaille comme

brancardier, il écrit à la main sur un bloc-notes des pages qu’il envoie à sa cousine Marguerite : c’est le premier coup d’essai du « génie teilhardien » qui est d’une expression

baroque, mystique et enthousiaste.

On dirait que « le baptême du réel » comme il l’a écrit, fait surgir en lui des énergies capables

de révolutionner sa pensée. Et il eut la faculté de transmettre dans un français éblouissant, les

émotions les plus profondes de l’âme du poète mystique et du scientifique qu’il était.

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Dans l’introduction d’un essai postérieur, signé du 20 septembre 1916, il dit que, « En

écrivant la Vie cosmique, j’ai essayé, déjà, de rappeler qu’une saine réconciliation est

possible, du Christianisme et du Monde, sur le terrain de la poursuite loyale et convaincue du

Progrès, avec la communion sincère à une certaine Foi en la Vie et la valeur de l’Evolution ».

Dans cet article, nous situons « La Vie cosmique » dans le contexte de l’œuvre de Teilhard, et

dans le cadre de son expérience personnelle de la guerre européenne (1914-1919).

Rappelons quelques traits de sa biographie : Marie-Joseph Pierre Teilhard de Chardin naît le

1er mai 1881, dans la maison de campagne familiale de Sarcenat, près d’Orcines (Puy de

Dôme). Il était le quatrième fils d’Emmanuel Teilhard de Chardin et de Berthe Adèle de

Dompierre d’Hornoy. Il s’agit d’une famille très religieuse et bien établie. Une sélection des

données sur son parcours nous permet de mieux cerner sa personnalité.

Il a 18 ans, en 1899, lorsqu’il entre au séminaire de la Compagnie de Jésus à Aix- en-

Provence. Quelques années après, il étudie la philosophie à Jersey, et entre 1905 et 1908 il

travaille comme professeur de chimie au Collège de la Sainte Famille, au Caire. Plus tard,

entre 1908 et 1912 il poursuit des études de Théologie à Ore Pace (Hastings, Sussex). En

1911 il est ordonné prêtre, et ses supérieurs le destinent à étudier les sciences à Paris.

Nous pouvons dire que, entre 1912 et 1923 commence l’étape de formation scientifique de

Teilhard en même temps que la publication des premiers travaux géologiques et

paléontologiques en Europe. En 1912 a lieu son premier contact avec Marcellin Boule,

professeur de Paléontologie au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris. Il est assistant de

Géologie et de Paléontologie, sous sa direction.

Lorsque la Première Guerre Mondiale est déclarée, Teilhard est mobilisé. A partir de 1915, il

est brancardier au 21ème régiment mixte de zouaves et tirailleurs, en première ligne de feu. Il

est sur ce front de guerre jusqu’à ce qu’il soit démobilisé, en 1919.

La guerre finie, il entre à l’Université de la Sorbonne et il est licencié en Sciences Naturelles.

Dès 1920, il prépare son doctorat, et en 1922 il obtient ce doctorat qui porte sur « Les

Mammifères de l’Eocène inférieur français et leurs gisements ». Ensuite, il est nommé chargé

de cours de Paléontologie et Géologie à L’Institut Catholique de Paris, mais ce poste ne sera

pas longtemps le sien puisqu’il est envoyé par ses supérieurs en Chine en 1923 dans la ville de

Tientsin où il reste jusqu’en 1931. Plus tard il demeure à Pékin, jusqu’à la fin de la Deuxième

Guerre Mondiale, et en 1946 il est rapatrié en France. Pendant presque 25 ans il réalise un

immense travail scientifique, philosophique, mystique et poétique.

Il passe les dix dernières années de sa vie entre les Etats-Unis et la France, et il effectue

quelques voyages à des fins scientifiques dans d’autres pays. En 1955, il meurt d’un infarctus

à New York, le 10 Avril, jour de Pâques.

Teilhard pendant la Première Guerre Mondiale

Il nous a semblé qu’il serait intéressant pour nos lecteurs, de situer Teilhard dans le cadre

habituel de sa vie pour comprendre pourquoi « La Vie cosmique » fut à l’origine de toute sa

grande aventure intellectuelle.

« La Vie Cosmique » est née d’une double expérience intérieure : d’un côté, le vécu terrible de

la mort au quotidien, la violence irrationnelle, et le mépris de l’homme, vécus en son poste de

brancardier dans les tranchées. D’un autre côté, les longs moments pleins de densité, remplis

de la présence de Dieu, qui révèlent en lui le mystique.

Teilhard, sur le front de guerre, fut un témoin exceptionnel du plus grand conflit armé du

XXème siècle. Cette guerre mobilisa 70 millions de soldats de cinq continents, y moururent

près de dix millions de soldats et il y eut 20 millions de blessés, mais aussi, plusieurs millions

de morts dans la population civile. Elle fit tomber les empires russe, austro-hongrois, ottoman,

et allemand.

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La Première Guerre Mondiale, appelée aussi La Guerre Européenne ou La Grande Guerre, fut

un conflit armé qui se répandit en Europe et qui commença le 28 juillet 1914 et finit le 11

novembre 1918, lorsque l’Allemagne demanda l’armistice. Quelque temps après, le 28 Juin

1919, les pays qui avaient participé à la guerre signèrent le Traité de Versailles.

Pierre Teilhard de Chardin est resté entre 1914 et 1919 mobilisé sur le front comme

brancardier, et à la fin du conflit, il reçut la Médaille Militaire ainsi que La Légion d’Honneur.

C’est justement entre les années 1916 et 1919 qu’il rédigea ses dix-huit premiers essais ; c’est

une synthèse lumineuse qui laisse transparaître ce qui sera le fond de sa pensée plus tard.

Le 20 janvier 1915, il est brancardier de deuxième classe dans le 8ème bataillon de choc de

tirailleurs marocains. Ce régiment devient, le 22 juin 1915, le 4ème

régiment de zouaves et

tirailleurs. Les premiers mois de 1915, il est sur le front de l’Oise et de la Somme, juste sur

l’angle qui formait la ligne du front, venant de l’Est et qui allait vers le Nord de la France, en

avril, mai et août, il est sur Ypres, mais en septembre il participe à la grande offensive de

Champagne, spécialement brutale et mortifère comme nous venons de le dire. De 8uin à

décembre 1916, il est à Verdun où des actes héroïques sur le front le couvrent de gloire. En

1917, il est de nouveau en Champagne, sur le Chemin des Dames près de l’Aisne, et ensuite il

vient à l’ouest de Soissons et participe directement à la deuxième bataille de la Marne. Plus

tard, il prendra part à la contre-offensive.

En octobre 1918, il profite d’une sorte de vacances très près du Nord de l’Alsace et de la

frontière suisse. Au moment de l’armistice, le Régiment entre en Alsace et une délégation du

4ème

Régiment mixte de zouaves et de tirailleurs entre à Strasbourg le 25 novembre 1918. Le

30 janvier, le régiment entre en Allemagne, à Baden, par le pont de Kehl. Pour Teilhard, la

guerre est finie.

On pourrait dire qu’une guerre est incompatible avec la vie intellectuelle, mais Teilhard

pendant les heures de répit, disent ses biographes ainsi que ses lettres, a rempli avec une

écriture petite et rapide, énergique et distinguée des cahiers entiers auxquels il confie sa

pensée, qui était déjà riche et complexe.

Lire, réfléchir, prier et écrire.

Le front de bataille n’est pas toujours un lieu de confrontation directe. Il y a des semaines

d’attente qui se passent dans une tension intense. Et Teilhard en profite pour lire, prier et

écrire. Son biographe Claude Cuénot nous dit (p. 68) que Teilhard s’approprie la phrase de

Baudelaire qui dit « tu m’as donné ta boue, et j’en ai fait de l’or ». Il fit de l’or avec la boue

des tranchées, parce qu’il avait le don surnaturel d’extraire des événements et des êtres la sève

nourrissante avec laquelle il s’élevait vers Dieu.

Mais aussi, on pense que c’est la lecture de « L’Evolution créatrice » de Bergson qu’il fit en

1910, lors de ses études de Théologie, qui déclencha d’une façon radicale sa vision du

cosmos. « La lecture de « l’Evolution créatrice » de Bergson fut plutôt l’occasion d’une prise

de conscience personnelle, rencontre d’une évidence intérieure et du simple besoin de

comprendre les données de la science, - que l’évolutionnisme rend intelligibles ». « A ses

yeux, dorénavant, l’unité du monde est de nature dynamique ou évolutive, l’univers n’est plus

un cosmos immobile, mais une cosmogénèse et tout se déploie dans un ‘’espace-temps’’

biologique ». Mais Claude Cuénot écrit « Nous ne saurions entreprendre un parallèle entre les

concepts bergsonien et teilhardien d’évolution ».

Teilhard lui-même, dans « Le Cœur de la Matière » nous dit que pendant ses études de

Théologie à Hastings, (1909-1912) la lecture de Bergson lui fit découvrir « la conscience

d’une Dérive profonde, ontologique, totale de l’Univers ». Teilhard s’éveille au « réveil

cosmique » et il expérimente « la valeur béatifiante de la Sainte Evolution ». C’est ce qu’il dit

dans « La Vie Cosmique ». Tout en lui, dit Claude Cuénot, « est l’expression heureuse du

sentiment de l’omniprésence de Dieu, l’abandon total du mystique à la volonté divine et

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l’effort pour communier avec l’invisible à travers le monde visible, réconciliant ainsi, le

Royaume de Dieu, avec l’amour cosmique »

La Vie Cosmique (1916) de Pierre Teilhard de Chardin Claude Cuénot dit : « Tout d’abord, la vie dans les tranchées semble agir comme un

catalyseur sur l’esprit du jeune Jésuite, et la première synthèse, c’est « La Vie cosmique » (24

mars 1916), composée sans doute dans les environs de Nieuport. Le P.Teilhard veut laisser

s’exhaler son amour de la matière et de la vie, et l’harmoniser avec l’adoration de la seule,

absolue et définitive Divinité. Il part de ce fait initial, fondamental, que chacun de nous tient,

par toutes ses fibres matérielles, organiques, psychiques à tout ce qui l’entoure. La monade

humaine, comme toute monade, est essentiellement cosmique ».

Cette intuition intellectuelle, poétique, spirituelle et mystique l’accompagnera toute sa vie, de

telle façon que, quelques années plus tard, c’est ce qu’il dit expressément dans « Comment je

crois » (octobre 1934). « L’originalité de ma croyance est qu’elle a ses racines en deux

domaines de vie habituellement considérés comme antagonistes. Par éducation et par

formation intellectuelle, j’appartiens aux ‘’enfants du Ciel’’. […] Or, au terme de cette

opération, après trente ans consacrés à la poursuite de l’unité intérieure, j’ai l’impression

qu’une synthèse s’est opérée naturellement entre les deux courants qui me sollicitent. Ceci

n’a pas tué mais renforcé cela. Aujourd’hui, je crois probablement mieux que jamais en Dieu

- et certainement plus que jamais au Monde ».

Cette double impulsion vers Dieu et vers les hommes, vers la matière et vers l’esprit, vers le

transcendant et vers l’immanent, vers le physique et vers ce qui est métaphysique,

l’accompagnera toujours. Et sa synthèse est une tentative d’harmonisation de ces deux

tendances. D’une certaine façon, tout ce qui est matière, humain, immanent, tout ce qui est de

la terre est en train de pointer, de grandir, d’évoluer vers le spirituel, l’ultra humain, le

surnaturel, le métaphysique, le théologique, le divin… Celle-ci fut une de ses premières

intuitions.

Le texte de « La Vie Cosmique »

Il commence par une dédicace très significative : « A la Terra Mater et par elle, surtout au

Christ Jésus ». Ce titre est un résumé condensé de son texte. C’est la déclaration de l’intention

de Teilhard, et de son désir le plus profond au moment de son écriture, celui que le goût des

choses terrestres puisse l’amener à expérimenter la densité de la profondeur de Dieu qui

s’exprime à travers les choses.

On a beaucoup parlé du « possible panthéisme » de Teilhard (comme nous le dirons plus

tard), mais sa position est très loin de « toutes les choses sont Dieu », c’est ce que disent les

panthéistes. Comme Saint Ignace dans son Livre des Exercices Spirituels, il dit que Dieu est

et qu’il se manifeste en toutes choses. Les choses ne sont pas Dieu, mais Dieu est dans les

choses. La structure du texte est simple : après l’introduction, il divise son exposé en quatre

chapitres sous-titrés.

Chapitre I - L’éveil Cosmique : A. La vision, B. La sensation, C. L’appel

Chapitre II - La communion avec la Terre : A. La tentation de la Matière, B. Vers le

surhomme

Chapitre III - La communion avec Dieu : A. Le monde des âmes, B. Le corps du Christ. C. Le

scandale du Royaume de Dieu

Chapitre IV - La Communion avec Dieu par la Terre : A. Le Christ Cosmique, B. La Sainte

Evolution

Introduction

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On peut dire que l’introduction, à cause de son style plus élaboré, a dû être écrite quelque

temps après le reste du texte. C’est une synthèse des principales idées développées et elle veut

être une introduction aux objectifs de sa réflexion :

Il dit : « j’écris ces lignes par exubérance de vie et par besoin de vivre ; - pour exprimer une

vision passionnée de la Terre, et pour chercher une solution aux doutes de mon action- ;

parce que j’aime l’Univers, ses énergies, ses secrets, ses espérances, et parce que, en même

temps, je me suis voué à Dieu, seule Origine, seule Issue, seul Terme. Je veux laisser

s’exhaler ici mon amour de la matière et de la vie, et l’harmoniser, si possible, avec

l’adoration unique de la seule absolue et définitive Divinité. » (Ecrits du temps de la guerre,

p.5, Les cahiers Rouges -Grasset, et p.19, Le Seuil).

Il expose son hypothèse : « Je pars de ce fait initial, fondamental, que chacun de nous, qu’il

veuille ou non, tient par toutes ses fibres matérielles, organiques, psychiques, à tout ce qui

l’entoure. Non seulement il est lié dans un réseau, mais il est entraîné par un fleuve. Tout

autour de nous, partout, des liaisons et des courants. Mille déterminismes nous enchaînent,

mille hérédités pèsent sur notre présent, mille affinités subies nous disloquent et nous

chassent vers un but ignoré. Au milieu de toutes ces forces qui interfèrent, l’individu ne paraît

plus qu’un centre imperceptible, un point de vue qui voit, un centre d’attraction et de

répulsion qui sent, qui cherche et qui louvoie, qui choisit parmi les innombrables énergies

radiant à travers lui, qui se retourne sur soi et s’oriente pour capter plus ou moins, et dans

des sens divers, l’atmosphère active qui le baigne et dont il est un point singulier et

conscient… » (Ecrits du temps de la guerre, p.5, Les cahiers Rouges -Grasset, et p.19, Le

Seuil).

Il continue en disant : Et ceci est la condition extérieure qui nous est faite ; nous sommes

davantage, pour ainsi dire, hors de nous, dans le temps et dans l’espace, qu’en nous-mêmes à

la seconde que nous vivons : la personne, la monade humaine, comme toute monade, est

essentiellement cosmique. » (Ecrits du temps de la guerre, p.6, Les cahiers Rouges -Grasset,

et p.20, Le Seuil).

Et avec un langage un peu gnostique il dit : « Bien avant que la réflexion, la science,

l’histoire, les besoins sociaux expérimentés, viennent préciser en nous la conscience de cet

immense domaine du « nous qui est hors de nous » et du « nous qui est en nous malgré nous »,

un secret appel, intime, dilatant notre égoïsme, nous avertit que nous sommes, par nos âmes

immortelles, les centres innombrables d’une même sphère, identifiés (identiques) par tout ce

qui n’est pas leur incommunicable psychisme - les éléments liés d’une même courbe qui se

prolonge en avant et en arrière de nous. Par affinité obscure et native, par besoin immanent

de palper le stable et l’absolu, nous sentons le désir couver ou brusquement éclater dans

notre cœur, d’échanger l’isolement qui nous concentre sur nous-mêmes, pour une existence

plus large, pour une unité d’ordre supérieur, qui nous feraient participer à la Totalité de ce

qui nous emmène et de ce qui nous touche. L’aspiration panthéiste pour la fusion de tous en

tout, telle est la face immanente de notre nature cosmique, l’une prouvant l’autre, celle-ci

aussi indéniable à nos volontés que celle-là à nos intelligences… mais pour ceux-là seulement

qui regardent, pour ceux-là qui sentent. » (Ecrits du temps de la guerre, p.6, Les cahiers

Rouges -Grasset, et p.20, Le Seuil).

Il a ici un fonds apologétique, certainement dû au contact avec des hommes athées avec

lesquels il discutait sur le front : « Faire regarder, faire sentir – me venger, par une

profession de foi enflammée en la fécondité et le prix du Monde, de ceux qui sourient et

hochent la tête quand on leur parle de vague nostalgie pour quelque chose de caché en nous

qui nous dépasse et nous achève, triompher de ces hommes, encore, en leur montrant à satiété

que leur suffisante individualité n’est qu’un fétu de paille au sein des énergies qu’ils veulent

ignorer, ou dont ils plaisantent si nous parlons de leur élever un temple : voilà mon premier

but. Il faut, s’il veut s’égaler à lui-même, que l’homme s’éveille à la conscience de ses infinis

6

prolongements, à leurs devoirs, à leur ivresse. Il faut que, rejetant toutes les illusions d’un

individualisme étroit, il élargisse son cœur à la mesure de l’Univers, dût-il, pris de vertige en

face de sa nouvelle grandeur, se croire en possession du divin, Dieu lui-même, ou artisan de

la Divinité ! » (Ecrits du temps de la guerre, p.7, Les cahiers Rouges -Grasset, et p.20, Le

Seuil).

Teilhard expose clairement les objectifs de sa réflexion : « Je ne cherche à faire directement

ni de la science, ni de la philosophie, encore moins de l’apologétique. J’expose avant tout des

vues ardentes. Presque sans condamnation, donc, je verrai, pour commencer, sévir dans la

pensée et les passions humaines la crise, compagne de tous les éveils ; en simple observateur

d’abord, je regarderai naître et se développer dans le secret des âmes ou le tumulte des

foules, la tentation cosmique, se courber les fronts autour du veau d’or et monter l’encens

vers la montagne de l’orgueil humain. Presque sans preuve, aussi, mais fort de ses seules

harmonies avec le Reste et de ses seules correspondances, je laisserai se dresser, en

opposition apparente avec les rêves de la Terre, qu’il vient compléter et corriger, l’ineffable

Cosmos de la Matière et de la Vie nouvelle, le Corps du Christ, réel et mystique, unité et

myriade, monade et pléiade ». (Ecrits du temps de la guerre, p.7, Les cahiers Rouges -Grasset,

et p.21, Le Seuil)

Apparaît sa sensibilité de poète et de mystique : « Et, semblable à celui que bercent des

mélodies successives et diverses, je laisserai, en des sens multiples, vers l’éther initial, vers le

surhomme, jusqu’à l’Homme-Dieu, chanter et crier ma vie… en bas, en haut, au-dessus… ».

(Ecrits du temps de la guerre, p.7, Les cahiers Rouges -Grasset, et p.21, Le Seuil)

A partir de ses sentiments, il exprime ses doutes et le fil de ses réflexions à la recherche d’une

cohérence existentielle. « Mais il n’est pas permis à l’homme épris de vérité et de réalité, de

se laisser aller indéfiniment avec incohérence à tout vent qui gonfle et amplifie son âme. Le

voudrait-il qu’il ne le pourrait pas… De par la logique profonde des objets et des attitudes, le

moment vient tôt ou tard où il nous faut mettre enfin l’unité et l’organisation au fond de nous-

mêmes - éprouver, trier, hiérarchiser nos amours et nos cultes -, briser nos idoles et ne plus

laisser qu’un seul autel dans le sanctuaire. Or, pour personne autant que pour le chrétien,

c’est-à-dire pour celui qui s’agenouille devant une croix et à qui une voix adorée répète

« Quitte tout pour avoir tout », le choix ne se présente plus chargé d’hésitations et

d’angoisses. Car enfin, pour être chrétien, faut-il renoncer à être humain, humain au sens

large et profond du mot, humain âprement et passionnément ? Faut-il, pour suivre Jésus et

avoir part à son corps céleste, renoncer à l’espoir que nous palpons et préparons un peu

d’absolu chaque fois que, sous les coups de notre labeur, un peu plus de déterminisme est

maîtrisé, un peu plus de vérité acquise, un peu plus de Progrès réalisé ? Faut-il, pour être uni

au Christ, se désintéresser de la marche propre à ce Cosmos enivrant et cruel qui nous porte

et qui s’éclaire en chacune de nos consciences ? Et une telle opération ne risque-t-elle pas de

faire, de ceux qui la tenteraient sur eux-mêmes, des mutilés, des tièdes, des débilités ? Voilà

le problème de vie où se heurtent inévitablement, dans un cœur de chrétien, la foi divine qui

soutient ses espérances individuelles et la passion terrestre qui est la sève de tout l’effort

humain. » (Ecrits du temps de la guerre, p.8, Les cahiers Rouges -Grasset, et p.21, Le Seuil).

Il exprime ses convictions : « C’est ma conviction la plus chère qu’un désintéressement

quelconque de tout ce qui fait le charme et l’intérêt les plus nobles de notre vie naturelle n’est

pas la base de nos accroissements surnaturels. Le chrétien, s’il comprend bien l’œuvre

ineffable qui se poursuit autour de lui et par lui dans toute la Nature, doit s’apercevoir que

les élans et les ravissements suscités en lui par « l’éveil cosmique » peuvent être gardés par

lui, non seulement dans leur forme transposée sur un Idéal divin, mais aussi dans la moelle de

leurs objets les plus matériels et les plus terrestres : il lui suffit pour cela de pénétrer la

valeur béatifiante et les espoirs éternels de la sainte Evolution… » (Ecrits du temps de la

guerre, p.8, Les cahiers Rouges -Grasset, et p.22, Le Seuil).

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Il finit en disant : « Et voilà la parole que je désire par-dessus tout faire entendre car c’est

elle qui réconcilie Dieu et le Monde. Ces pages où j’ai voulu faire passer, avec le meilleur de

mon regard sur les choses, la solution loyale par où s’est équilibrée et unifiée ma vie

intérieure, je les tends à ceux qui se défient de Jésus parce qu’ils le soupçonnent de vouloir

déflorer, à leurs yeux, la face irrévocablement aimée de la terre, à ceux-là aussi qui, pour

aimer Jésus, se contraignent à ignorer ce dont leur âme déborde, à ceux enfin, qui n’arrivant

pas à faire coïncider le Dieu de leur foi et le Dieu de leurs plus ennoblissants travaux, se

fatiguent et s’impatientent de leur vie partagée en des efforts obliques. » 24 mars 1916

Nieuport. (Ecrits du temps de la guerre, p.8, Les cahiers Rouges – Grasset, et p.22, Le Seuil).

Nous avons voulu reproduire presque entièrement le texte de l’Introduction à La Vie

cosmique, parce qu’il est un reflet de ses plus intimes préoccupations, celles qui se

dévoileront et deviendront plus précises, et qui finalement seront la réponse, au cours de tout

un demi-siècle de réflexion.

Prions : prière finale de « La Vie Cosmique »

Le texte de Pierre Teilhard de Chardin La Vie cosmique finit (comme dans d’autres occasions)

avec une prière qui exprime et résume toute la densité des sentiments qu’il ressentait dans son

cœur. Voici un fragment qui l’exprime :

« Jésus, centre vers qui tout se meut, daignez nous faire, à tous, si possible, une petite place

parmi les monades choisies et saintes qui, dégagées une à une du chaos actuel par votre

sollicitude, s’agrègent lentement en Vous dans l’unité de la Terre nouvelle…

Vivre de la Vie cosmique, c’est vivre avec la conscience dominante qu’on est un atome du

corps du Christ mystique et cosmique. Celui qui vit ainsi compte pour rien une foule de

préoccupations absorbantes pour les autres ; il vit plus loin et son cœur est toujours au plus

large… » (Ecrits du temps de la guerre, p. 81, Le Seuil).

Conclusion

L’essai de 1916 La Vie cosmique s’achève avec trois phrases courtes qui en disent beaucoup

sur l’objectif du texte, ainsi que la date et le lieu : « Ceci est mon testament d’intellectuel » 24

avril, 1916, Jeudi de Pâques. Fort Mardik (Dunkerque). Peut-être pensait-il mourir sur le

front ? On ne le sait pas. On sait seulement qu’il écrivit ce qu’il ressentait en ces moments-là,

et qu’il voulait le communiquer, et à cette époque il n’y avait aucune interdiction sur la

publication de ses écrits. Il semble que ce qu’il voulait tout simplement, c’était en faire part à

sa cousine Marguerite pour que, d’une certaine façon, ses sentiments et intuitions puissent être

utiles spirituellement.

Nous savons que sa vie ne se finit pas sur le champ de bataille. Il devait encore suivre une

formation de scientifique à Paris, passer une très grande partie de sa vie en Chine, éprouver

des difficultés pour publier ses écrits, et vivre ses dix dernières années de façon pénible,

intimement convaincu de l’incompréhension et de l’abandon intérieur et extérieur. Mais son

héritage est arrivé jusqu’à nous.

La pensée teilhardienne qui s’exprime dans La Vie cosmique (1916) témoigne d’une grande

souplesse qui peut être utile pour le dialogue interreligieux, et ouvrir de nouvelles possibilités

pour l’avenir des traditions religieuses.

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TENDENCIAS 21 DE LAS RELIGIONES

UNIVERSIDAD PONTIFICIA DE COMILLAS – MADRID

-:-

We are celebrating the 100th anniversary of Teilhard de Chardin’s genius

His essay “Cosmic Life” opens up a space to new religious tendencies

Leandro Sequeiros

Academia de Ciencias Exactas, Físicas y Naturales de la Universidad de

Zaragoza

In 1916, the French Jesuit, scientist and mystic Pierre Teilhard de Chardin, had been working

for more than a year as a stretcher bearer on the frontline of the war. That is when the

“teilhardian genius” emerged. His first spiritual, philosophical and mystical essay is

“Cosmic Life”, and we celebrate the centenary of its creation in this year 2016. We describe

here-under the context of that essay, its most prominent ideas as well as how useful it is for

the future of religious traditions.

During this year 2016 we are going to celebrate the writing of several essays by Teilhard that were born in a terrible context, the one of the French outposts which were facing the Germans during the First World War. During that war, Teilhard was mobilized and, as a priest, was assigned to a sanitary unit as a stretcher bearer. During those years full of bullets, hatred, pain and violence, Teilhard became different inside, and what has been called the “Teilhardian genius” appeared. Under his pen, essays, thoughts, rhymes, poems were born, full of passion. Some authors, such as Professor Alfonso Pérez de Laborda, have looked for the causes, the reasons behind this volcanic “awakening”. Teilhard was a prolific writer. Many things he wrote are lost, but his cousin Marguerite Teillard-Chambon has enabled us to read four essays of his writings in the French edition that have been translated into Spanish, under the name “Escritos del tiempo de Guerra” (Taurus, Madrid). They are Cosmic Life, signed on April 24, followed by a note dated May 17, Mastery of the World and the Kingdom of God, dated September 20 (both were translated by René Hague and published in 1968 par Harper and Row, N.Y.) and Christ in Matter, Three stories in the style of Benson, dated October 14 and partly published in English in Vol. XIII, The Heart of Matter. During the present year, we shall study these essays. The Association of the Friends of Teilhard in Spain participated in this tribute with these articles published in “Tendencias 21 de las Religiones”. The first one is “Cosmic Life”, that has just been translated anew into Spanish. Teilhard and Cosmic Life In April 1916, while Teilhard worked as a stretcher bearer on the frontline, he wrote on a notepad some pages that he sent his cousin Marguerite: it is the first try of the “Teilhardian genius”, and its wording is unusual, mystical and enthusiastic. It seems that this “baptism into the real”, as he wrote, caused energies to emerge in him, and brought about a revolution in his thinking. He then had the faculty to pass on, in a dazzling language, the deepest emotions of the soul of the mystical poet and of the scientist he was. In the introduction of the next essay, signed on September 20, 1916, he says: I have already tried, in writing Cosmic Life, to point out that a legitimate reconciliation can be effected between Christianity and the world, on the basis of an honest pursuit of progress, founded on conviction, and a wholehearted sharing in a certain faith in life and the value of evolution. In the present article, we place “Cosmic Life” within the context of Teilhard’s work and the framework of his personal experience of the European war (1914-1919).

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Let us recall a few traits of his biography: Marie-Joseph Pierre Teilhard de Chardin was born on the 1st of May 1881 in the family country house of Sarcenat near Orcines (Puy de Dôme). He was the fourth son of Emmanuel Teilhard de Chardin and Berthe Adèle de Dompierre d’Hornoy. It was a religious, well-established family. A choice of extracts from his biography helps us perceive his personality. He was 18 years old, in 1899, when he joined the seminary of the Company of Jesus at Aix-en-Provence. A few years later, he studied philosophy at Jersey and from 1905 to 1908 he worked as a teacher of chemistry at the College of the Holy Family in Cairo. Later, between 1908 and 1912, he went on with his studies of theology at Ore Place (near Hastings, Sussex). In 1911 he was ordained a priest and the Company intended to send him to Paris to study science. We can say that the period between 1912 and 1923 was devoted by Teilhard to scientific studies; it is the time when the first geological and paleontological works in Europe were published. In 1912 he met for the first time Marcellin Boule, the professor of Paleontology at the Museum d’Histoire Naturelle in Paris. Under his direction he was an assistant in Geology and Paleontology. Upon the declaration of the First World War, Teilhard was called into the army. Starting from 1915, he was a stretcher bearer in the 21st Moroccan regiment of Light Infantry and Zouaves on the first frontline. He remained on that frontline until he was discharged, in 1919. As the war was over, he entered the Sorbonne University and passed his degree in Natural Science. As early as 1920 he prepared for a doctorate and he got his PhD in 1922. The subject was “Les Mammifères de l’Eocène inférieur français et leurs gisements”. Then he was appointed a lecturer in Paleontology and Geology at the Institut Catholique in Paris, but it will not last long as in 1923 he was sent to China by his superiors, in the town of TienTsin where he stayed until 1931. After that he lived in Beijing until the end of the Second World War and, in 1946, he was sent back to his mother country. During those 25 years in China he carried out an immense work, scientific as well as philosophical, mystical and poetical work. He spent the last ten years of his life in the US and in France, and he went on some scientific journeys in other countries. In 1955, he died of a stroke in New York, on April 10, Easter Sunday. Teilhard during the First World War We think our readers would be interested in placing Teilhard within the usual framework of his life in order to understand why Cosmic Life was at the origin of all his great intellectual adventure. Cosmic Life was born from a twofold inner experience: on the one hand the dreadful life with everyday death, irrational violence and contempt for man, that he lived in his position as a stretcher bearer in the trenches; and on the other hand the long and forceful moments, filled with the presence of God, that reveal the mystic in him. On the frontline, Teilhard was an exceptional witness of the biggest armed conflict in the 20th century. That war involved 70 million soldiers from five continents, nearly 10 million soldiers died and 20 million were hurt, in addition to the several million dead people in the civilian population. It resulted in the end of the Russian, Austro-Hungarian, Ottoman and German empires. The First World War, also called the European War and the Great War, was an armed conflict that involved all of Europe. It started on July 28, 1914 and ended on November 1918 when Germany asked for an armistice. Some time later, on June 28, 1919, the participating countries signed the Treaty of Versailles. Pierre Teilhard de Chardin remained from January 1915 to March 1919 in the army as a stretcher bearer, and at the end of the conflict he was decorated with the Médaille Militaire and the Legion of Honour. It was during that time, between 1916 and 1919, that he wrote his first eighteen essays, an illuminating synthesis of what was to become the core of his thinking later. On January 20, 1915, he was a second-class stretcher bearer in the 8th shock battalion of Moroccan infantry men. On June 22, 1915, that unit became the 4th regiment of Zouaves and Infantry. During the first months of 1915, he was on the Oise and Somme front, just at the angle formed by the frontline, coming from the East and going towards the North of France. In April, May and August he was at Ypres but in September he participated in the particularly brutal and deadly great offensive of Champagne. From June to December 1916 he was at Verdun where heroic actions on the front

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covered him with glory. In 1917, he was in Champagne again, on the Chemin des Dames near the Aisne river, and then he came to the west of Soissons and directly participated in the second battle of the Marne. Later, he took part in the counteroffensive. In October 1918, he enjoyed some sort of a holiday near the north of Alsace and the Swiss border. After the armistice, the regiment got into Alsace and a delegation of the 4th mixt regiment of Zouaves and Infantry entered Strasbourg on November 25, 1918. On January 30, 1919 the regiment entered Germany, at Baden, across the bridge of Kehl. For Teilhard, the war was over. One could think that wartime cannot be reconciled with intellectual life, but his biographers as well as his letters testify that during his time off, Teilhard used to fill whole notebooks with a quick, small, energetic and elegant writing, confiding his thoughts, which were already rich and complex. Reading, thinking, praying and writing The front of the war was not always a place for direct clashes. Some weeks go by in intense strain. And Teilhard took advantage of that time to read, pray and write. His biographer Claude Cuénot says that Teilhard makes his Baudelaire’s phrase “you have given me mud and I have made gold with it”. He made gold out of the mud of the trenches, because he enjoyed the supernatural gift of extracting from events and beings the nourishing sap with which he arose towards God. And also, some think that his vision of the cosmos was radically triggered by the reading of “L’Evolution créatrice” by Bergson in 1910 when he was studying theology. Cuénot writes: “The reading of “L’Evolution créatrice” by Bergson rather was the occasion of a personal awareness, the meeting of an inner sense of obviousness and the simple need to understand the facts of science – that are made possible to understand by evolutionism […] From then on, in his view, the unity of the world is of a dynamic or evolutionary nature, the universe is not a motionless cosmos any longer, but it is a cosmogenesis and everything unfolds in a biological ‘time-space’”. But Cuénot writes as well: “We do not wish to draw a parallel line between the evolutionary concepts of Bergson and Teilhard.” Teilhard himself, in “The Heart of Matter” tells us that during his theology studies in Hastings (1909-1912), the reading of Bergson made him able to discover “the consciousness of a deep-running, ontological, total Current embracing the whole Universe”. Teilhard lives a “cosmic awakening” and he experiences “the value of sacred evolution as an instrument of beatification” This is what he says in Cosmic Life. Everything in him, Claude Cuénot says, “is the blissful feeling of the omnipresence of God, the total surrender of the mystic to the divine will and the effort to commune with the invisible through the visible world, thus reconciling the Kingdom of God with cosmic love”. Cosmic Life (1916) by Pierre Teilhard de Chardin Claude Cuénot says: “At first, it seems that life in the trenches acts as a catalyst on the spirit of the young Jesuit, and the first synthesis is “Cosmic Life” (March 24, 1916), presumably written near Nieuport. Father Teilhard wants his love for matter and for life to breathe out and be in keeping with the worshipping of the unique, absolute and final Deity. He starts from the prime and fundamental fact that each one of us holds on to what surrounds him with all his material, organic, psychic fibers. The human monad, as all monads, is essentially cosmic”. This intellectual, poetic, spiritual and mystical intuition will be with him all through his life, so that, a few years later, here is what he says in “How I believe” (October 1934): “The originality of my belief lies in its being rooted in two domains of life which are commonly regarded as antagonistic. By upbringing and intellectual training, I belong to the ‘children of Heaven’ […] And now, at the end of that operation, after thirty years devoted to the pursuit of interior unity, I have the feeling that a synthesis has been effected naturally between the two currents that claim my allegiance. The one has not destroyed, but has reinforced, the other. Today I believe probably more profoundly than ever in God, and certainly more than ever in the world”. This twofold impetus towards God and towards men, towards matter and towards spirit, towards the transcendent and towards the immanent will always be with him. And his synthesis is an attempt to have both tendencies in keeping. In some way, all that is matter, human, immanent, all that is from

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the earth is growing, evolving, pointing towards the spiritual, the ultra-human, the supernatural, the metaphysical, the theological, the divine… This was one of his first intuitions. The text of “Cosmic Life” It starts with a very significant dedication: “To Terra Mater and through her to Christ Jesus, above all things”. This title is a condensed summary of his text. It is the declaration of Teilhard’s intention and of his most profound desire at the time of the writing, i.e. that the taste for earthly things can induce him to experience the density of God’s depth which is expressed through things. Much has been said about Teilhard’s “possible pantheism” (as we shall see later), but his position is very far away from “all things are God” which is what pantheists say. As Saint Ignatius in his book of Spiritual Exercises, he says that God is and is revealed in everything. Things are not God, but God is in them. The structure of the text is simple: after the introduction, his essay is divided into four chapters with sub-titles. Chapter I – Awakening to the Cosmos : A. The Vision, B. Feeling, C. The call, Chapter II – Communion with Earth: A. The temptation of Matter, B. Towards Superman, Chapter III – Communion with God: A. The world of souls, B. The body of Christ, C. The stumbling-block of the Kingdom of Heaven, Chapter IV – Communion with God through Earth: A. The cosmic Christ, B. The holiness of Evolution. Introduction One can say that the introduction, due to its more elaborate style, must have been written some time after the rest of the text. It is a synthesis of the main ideas that are developed and Teilhard wants to introduce the reader to the purpose of his thinking. He says: “What follows springs from an exuberance of life and a yearning to live: it is written to express in impassioned vision of the earth, and in an attempt to find a solution for the doubts that beset my action - because I love the universe, its energies, its secrets, and its hopes, and because at the same time I am dedicated to God, the only Origin, the only Issue and the only Term. I want these pages to be instinct with my love of matter and life and to reconcile it, if possible, with the unique adoration of the only absolute and definitive Godhead.” (Writings in time of war). He develops his hypothesis: “My starting-point is the fundamental initial fact that each one of us is perforce linked by all the material, organic and psychic strands of his being to all that surrounds him. Not only is he caught up in a network, he is carried along, too, by a stream. All around us, in whatever direction we look, there are both links and currents. Countless forces of determination hold us in their grip, a vast heritage from the past weighs down upon our present, the thousand and one affinities we are influenced by pull us away from ourselves and drag us towards an end of which we have no knowledge. Surrounded by all these forces that encroach on him, the individual shrinks to an imperceptible centre; we might say that he is no more than an observation post, a sentient focus-point of repulsions and attractions; he makes his choice from among the countless energies that radiate through him; he seeks, casting to and fro; he turns back upon himself and directs himself so that he may breathe in more or less fully according to the direction he takes, the energizing atmosphere that surrounds him, in which he is one single, conscious point…”(Writings in time of war). He goes on saying: “This is the external condition imposed on us: we are, we may say, more outside ourselves in time and space than we are inside ourselves, every second of our life The person, the human monad, is like every monad, essentially cosmic.” (Writings in time of war). And in a somewhat gnostic language he says: “Reflective thought, science, history and the social needs we experience, all combine to make us aware of the vast domain of the ‘we that has no significance’ and the ‘we that is in us in spite of ourselves’, but long before that we hear a summons, rising from some hidden depth within ourselves, that calls on us to broaden our self-regard, and realize that in virtue of our immortal souls, we are the countless centers of one and the same sphere, made one (identical) by everything in them that is not part of their incommunicable psyches. We are all interconnected elements of one and the same curve that extends ahead of and reaches back behind us. By reason of some obscure innate affinity, some immanent need to put our hands on what

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is stable and absolute, we feel germinating in us, or suddenly bursting out, a yearning to exchange the isolation that concentrates us on ourselves for a wider existence and a unity of a higher order; these, we feel, will allow us to share in the totality of all that draws us along and all that we are in contact with. It is in the pantheist aspiration for fusion of all in all that we see the immanent side of our cosmic nature, each proving the other, the one imposing itself on our will as irresistibly as the other imposes itself on our intelligence: but in each case only for those who can see and feel”. (Writings in time of war). Here he shows an apologetic aspect, certainly due to his being with the atheists he had conversions with on the front: “To make men see and make them feel—that is my first aim: to make an impassioned profession of my faith in the richness and value of the world and so vindicate myself against those who smile and shake their heads when they hear talk of an ill-defined nostalgia for something hidden within us which transcends and fulfils us—to win the day against them by showing them beyond all possible doubt that their self-sufficient individual personality is but a wisp of straw in the grip of forces they seek to shut their eyes to, forces that, when we speak of building up a temple to them, they dismiss as laughable. If man is to come up to his full measure, he must become conscious of his infinite capacity for carrying himself still further; he must realize the duties it involves, and he must feel its intoxicating wonder. He must abandon all the illusions of narrow individualism and extend himself, intellectually and emotionally, to the dimensions of the universe: and this even though, his mind reeling at the prospect of his new greatness, he should think that he is already in possession of the divine, is God himself, or is himself the artisan of Godhead” (Writings in time of war). “I am not directly concerned with science, nor philosophy, nor apologetics. Primarily, I am concerned to express an impassioned vision. I shall limelight—though I shall not go out of my way to condemn—the crisis (always the accompaniment of a new awakening) that is now becoming acute in men's minds and hearts; simply as an observer in the first place. I shall watch the birth and development, in the depths of individual souls or in the turmoil of the masses, of the cosmic temptation; the homage paid to the golden calf, the incense rising up to the peak of human pride. Although, again, I shall offer hardly any proof, and shall rely simply on its coherence with and correspondence with the Rest, I shall allow another picture to emerge—at first in apparent opposition to the dreams of the Earth, but in reality to complete and correct them—that of the inexpressible Cosmos of matter and of the new life, the Body of Christ, real and mystical, unity and multiplicity, monad and pleiad” (Writings in time of war). He then shows himself a sensitive poet and mystic: “And, like a man who surrenders himself to a succession of different melodies, I shall let the song of my life drift now here, now there—sink down to the depths, rise to the heights above us, turn back to the ether from which all things came, reach out to the more-than-man, and culminate in the incarnate God-man” (Writings in time of war). Starting from his feelings he tells about his doubts and the line of his thoughts looking for a coherent consistency. “Nevertheless, a man who is enamored of truth and reality cannot allow himself to drift indefinitely and confusedly with every breeze that fills and swells his soul. However much he might wish to, it would still be impossible: by a logical necessity that is rooted in things and in view of them, the time comes sooner or later when we must at last introduce unity and organization as the fundamental basis of our own selves—we have to test and select and give an order of precedence to what we love and worship—we have to cast down our idols and allow only one altar to stand in the sanctuary. A choice has to be made, and for no man is it so fraught with indecision and anguish as for the Christian, for the man, that is to say, who kneels before a cross and hears a loved voice call on him to abandon all in order that he may possess all. Does it mean, then, that to be a Christian he must renounce being a man, a man in the full extent and depth of the word, avidly and passionately a man? If we are to follow Christ and share in his heavenly body, must we abandon the hope that every time our efforts succeed in mastering a little more determinism, every time a little more truth is won and a little more progress achieved, we make contact with and begin to make available some small portion of the absolute? If we are to be united with Christ, must we dissociate ourselves from the forward drive inseparable from this intoxicating, pitiless cosmos that carries us along and asserts itself in the mind of each one of us? And is there not the danger that such a dissociation will in some

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way mutilate those who try to effect it in themselves, cool their ardor and rob them of their strength? That is the problem implicit in life: in any Christian heart there is an inevitable conflict between the divine faith that sustains his hopes as an individual and the earthly passion that is the driving force behind all human effort”. (Writings in time of war). He depicts what his conviction is: “Of all my convictions, none is dearer to me than the conviction that dissociation from everything that makes up the noblest charm and interest of our natural life cannot be the basis of our supernatural growth. If a Christian really understands the inexpressibly wonderful work that is being carried out around him, and by him, in the whole of nature, he cannot fail to see that the excitement and delight aroused in him by 'awakening to the cosmos' can be preserved by him not only in the form they take when transposed to a divine Ideal, but also in the substance of their most material and most earthly objects: to do so, he has only to learn to appreciate the value of sacred evolution as an instrument of beatification, and the eternal hopes it contains”. (Writings in time of war) He ends saying: “That, above all, is the message I wish to communicate: the reconciliation of God and the world. In what follows I have tried to express, with as clear a view of things as I can achieve, the loyal solution that has given balance and unity to my interior life; and I offer it to those who are chary of accepting Christ, because they suspect him of wishing to besmirch the fair face of the earth to which their love is irrevocably pledged; and I offer it to those, too, who, in order to love Christ, force themselves to turn their backs on what fills their souls to overflowing; and to those, finally, who have been unable to bring together as one the God of their faith and the God of their most ennobling labors, and who grow weary and impatient of a life that is dissipated in misdirected effort.” 24 April 1916, Nieuport (Writings in time of war). Let us pray: The prayer at the end of “Cosmic Life” “Cosmic Life” ends, as on other occasions, with a prayer that says and sums up the dense feelings he had in his heart. As an illustration, here is a piece of it: “Lord Jesus, you are the center towards which all things are moving: if it be possible, make a place for us all in the company of those elect and holy ones whom your loving care has liberated one by one from the chaos of our present existence and who now are being slowly incorporated into you in the unity of the new earth. To live the cosmic life is to live dominated by the consciousness that one is an atom in the body of the mystical and cosmic Christ. The man who so lives dismisses as irrelevant a host of preoccupations that absorb the interest of other men: his life is projected further, and his heart more widely receptive”. (Writings in time of war) Conclusion The 1916 essay “Cosmic Life” ends with three short sentences that say a lot about the purpose of the text, as well as the date and place of writing: “This is my intellectual testament”. 24 April 1916. Easter Thursday, Fort-Mardik (Dunkirk). Maybe he thought he was going to die on the frontline? One does not know. We just know that he wrote what he felt at that time and he wanted others to know, and at the time he was not prevented from publishing his writings. It seems that he just wanted to inform his cousin Marguerite so that, in some way, his feelings and intuitions could be useful spiritually. We know his life did not end on the battle field. He was still to follow a training as a scientist in Paris, spend a large part of his life in China, experience difficulties to have his writings published and live in a painful way the last ten years of his life, as he was certain that he was misunderstood and deserted inside and outside. But his inheritance has reached us. The teilhardian thought that is expressed in Cosmic Life (1916) is a witness to a flexibility that may be useful for an inter-religious dialogue and may open up new possibilities for the future of religious traditions.

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Tendencias 21 de las Religiones – Universidad Pontificia de Comillas – Madrid - : -

Se cumplen 100 años del despertar del genio de Teilhard de Chardin Su ‘Vida Cósmica’ abre la puerta

a nuevas tendencias de las religiones

Leandro Sequeiros Academia de Ciencias Exactas, Físicas y Naturales de la Universidad de Zaragoza.

En 1916, el jesuita, científico y místico francés Pierre Teilhard de Chardin llevaba más de un año ejerciendo de camillero en el frente de batalla. Es entonces cuando se despliega el “genio teilhardiano”. Su primer ensayo de tipo espiritual, filosófico y místico es “La Vida Cósmica” del que se cumplen 100 años en 2016. En este trabajo presentamos el contexto en que se escribe este ensayo, sus ideas más sobresalientes, y su importancia para el futuro de las tradiciones religiosas. En este año 2016, recordaremos el centenario de la redacción de diversos escritos de Teilhard

originados en un contexto terrible: el de las trincheras francesas contra los alemanes durante

la llamada Primera Guerra Mundial. Teilhard fue movilizado y debido a su condición de

sacerdote fue destinado a una unidad sanitaria como camillero.

Durante estos años preñados de metralla, odio, dolor y violencia, su interior se transforma.

Emerge lo que se ha dado en llamar el “genio teilhardiano”. De su pluma van brotando

ensayos, pensamientos, versos, relatos apasionados. Muchos autores, como el profesor

Alfonso Pérez de Laborda, han indagado en las razones de este “despertar” volcánico.

Teilhard fue un escritor fecundo. Muchos de sus manuscritos se han perdido. Pero hasta

nosotros han podido llegar –gracias a su prima Margarita Chambon- cuatro ensayos

publicados en sus obras en la edición francesa y posteriormente en castellano en Escritos del

tiempo de guerra (Taurus, Madrid). Son estos: “La Vie Cosmique” (firmado el 24 de abril) en

el volumen 12 de las [Oeuvres de Teilhard , pág. 19-81], “Note à La Vie Cosmique” (17 de

mayo) [12, 81-82], “La Maîtrise du monde et le regne de Dieu” (20 septembre) [12, 87-105],

y “Le Christ dans la Matière. Trois histoires comme Benson” (14 octubre) [12, 113-127].

Durante este curso iremos dando cuenta de estos ensayos. La Asociación de Amigos de

Teilhard de Chardin (sección española) se suma a este homenaje con estos artículos en

Tendencias21 de las religiones. En este primero nos referimos al primero de ellos, “La Vida

cósmica”, del que se ha publicado una nueva traducción.

Teilhard y “La Vida cósmica”

En abril de 1916, mientras en el frente de batalla de Francia actúa heroicamente como

camillero, Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) escribe a mano, en un sencillo cuaderno

que envía a su prima Margarita, el primer ensayo de cierta entidad en el que se expresa

barroco, místico y desbordante el “genio teilhardiano”.

Parece que el “bautismo de lo real” –como él mismo escribe- hizo que en su interior se

desencadenasen unas misteriosas energías capaces de revolucionar su mente. Y tuvo la

capacidad inmensa de intentar plasmar en un brillante francés las vivencias más hondas de su

alma de poeta místico y científico.

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En la introducción a un ensayo posterior, “El dominio del mundo y el reino de Dios” (firmado

el 26 de septiembre de 1916) reconoce que “al escribir La Vida cósmica he pretendido llamar

la atención sobre la posibilidad de una sana reconciliación entre Cristianismo y Mundo, sobre

el terreno de la prosecución leal y convencida del Progreso, en comunión sincera con una fe

en la Vida y en el valor de la Evolución”.

En este artículo situamos el ensayo “La Vida cósmica” dentro del contexto de la obra de

Teilhard y en el marco de la experiencia personal de la guerra europea (1914-1919).

Pero recordemos algunos rasgos de su biografía: Marie-Joseph Pierre Teilhard de Chardin

nace el 1 de mayo 1881 en la casa solariega de la familia en Sarcenat, cerca de Orcines (Puy-

de-Dôme). Era el cuarto de los hijos de Emmanuel Teilhard de Chardin y Berthe-Adèle de

Dompierre d´Hornoy. Una familia muy religiosa y bien establecida. Una selección de datos

nos ayuda a centrar su figura.

En el año 1899, ingresa (con 18 años) en el noviciado de la Compañía de Jesús en Aix-en-

Provence. Posteriormente realiza estudios de filosofía en Jersey y entre 1905-1908 ejerce

como profesor de química en el Colegio de la Sagrada Familia en El Cairo. Más tarde, entre

1908 y 1932 realiza sus estudios de Teología en Ore Place (Hasting, Sussex). En 1911 es

ordenado sacerdote y sus superiores lo destinan a estudiar ciencias en París.

Podemos considerar que, entre 1912 y 1923 se desarrolla la etapa inicial de la formación

científica de Teilhard y de la publicación de los primeros trabajos geológicos y

paleontológicos en Europa. En 1912 tiene lugar la primera entrevista con Marcellin Boule,

profesor de paleontología en el Museo de Historia Natural de París. Bajo su dirección, asiste a

cursos de Geología y Paleontología.

Al estallar la Primera Guerra Mundial Teilhard, a pesar de su condición de sacerdote, fue

movilizado. Desde 1915 actúa como camillero en el 21 regimiento mixto de zuavos y

tiradores, situado en la primera línea de fuego. Está en el frente de batalla hasta 1919 en que

es desmovilizado.

Posteriormente regresa a la Universidad y obtiene en la Sorbona la licenciatura en Ciencias

Naturales. Desde 1920 se dedica intensamente a las tareas de la Tesis Doctoral. Esta Tesis es

defendida en 1922 con el título Los Mamíferos del Eoceno inferior francés y sus yacimientos.

Inicia la docencia universitaria y es nombrado Encargado de curso de paleontología y

geología en el Instituto Católico de París. Pero esta tarea va a durar poco tiempo para el joven

Teilhard: los superiores lo destinan a China. Se inicia la estancia en Tientsin, entre 1923 y

1931. Más tarde, reside en Pekín hasta que es repatriado en 1946 tras la Segunda Guerra

Mundial. Durante estos casi 25 años realiza una ingente labor como científico y escribe la

mayor parte de sus ensayos filosóficos, místicos y poéticos.

Los últimos diez años de la vida de Teilhard discurren entre Estados Unidos y Francia, con

viajes científicos esporádicos a otros países. En el año 1955, Teilhard muere repentinamente

de infarto en Nueva York el día 10 de Abril (día de Resurrección).

Teilhard en la primera Guerra Mundial

Hemos considerado de interés para los lectores situar a Teilhard en el marco global de su vida

para entender cómo, “La Vida cósmica”, su primer ensayo de síntesis, fue el punto de partida

de toda su gran aventura intelectual.

“La Vida cósmica” nace de una doble experiencia interior: por un lado, la vivencia terrible de

la muerte, la violencia irracional y la degradación humana trabajando como camillero en el

frente de batalla; por otra parte, los densos y largos períodos de honda presencia de Dios que

lo muestran como místico.

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Teilhard, en el frente de batalla, fue testigo de excepción del primer gran conflicto armado del

siglo XX, la Primera Guerra Mundial. Esta movilizó a más de 70 millones de soldados de los

cinco continentes y dejó cerca de diez millones de muertos y 20 millones de soldados heridos.

La guerra también dejó millones de muertos civiles y provocó la caída de los imperios ruso,

austro-húngaro, alemán y otomano.

La Primera Guerra Mundial, también conocida como “Guerra Europea” o la “Gran Guerra”,

fue un conflicto armado desarrollado principalmente en Europa, que dio comienzo el 28 de

julio de 1914 y finalizó el 11 de noviembre de 1918, cuando Alemania pidió el armisticio y

más tarde el 28 de junio de 1919, los países en guerra firmaron el Tratado de Versalles.

Entre 1914 y 1919, Pierre Teilhard de Chardin permanece movilizado en el frente como

camillero recibiendo la Medalla al Mérito Militar y Legión de honor. Precisamente, entre

estos años, 1916 y 1919, Teilhard redacta sus 18 primeros ensayos de síntesis luminosa en

ellos ya se transluce lo que será el núcleo de su pensamiento.

Una vez movilizado, el 20 de enero de 1915 ya es camillero de segunda clase en el 8º

regimiento de choque de tiradores marroquíes. Este regimiento se convierte desde el 22 de

junio de 1915, en el 4º regimiento de zuavos y tiradores. Los primeros meses de 1915 los pasa

Teilhard en los confines de Oise y del Somme, aproximadamente en el ángulo que formaba la

línea del frente que, procedente del este, se remontaba hacia el norte de Francia.

En abril y mayo y en agosto de 1915, el 4º mixto está en el sector de Ypes. Luego, en

septiembre del mismo año participa en la gran ofensiva de Champaña, especialmente brutal y

mortífera, a la que hemos aludido. En junio, en agosto, en octubre, y en diciembre de 1916

nuevos actos heroicos en el frente, le cubre de gloria en Verdún.

En 1917 volvemos a encontrarlo en Champaña, en la región del Chemin-des-Dames, cerca del

Ainse, y después, en las pendientes septentrionales al oeste de Soissons, participa de lleno en

la segunda batalla del Marne y más tarde, participa en la contraofensiva.

En octubre de 1918 goza de una especie de vacaciones muy cerca de la Alta Alsacia y de la

frontera suiza. A la noticia del armisticio, el regimiento se mueve hacia Alsacia y una

delegación del 4º mixto de zuavos y tiradores asiste, el 25 de noviembre de 1918, a la

memorable entrada en Estrasburgo. El 30 de enero de 1919, el regimiento penetra en

Alemania, en Baden, por el puente de Kehl. Para Teilhard, la guerra ha terminado.

Una guerra parece que, en principio, es incompatible con la vida intelectual. Pero durante los

períodos de reposo, Teilhard –según sus biógrafos y sus cartas - llenó, con su letra a la vez

menuda, rápida, enérgica y distinguida, cuadernos enteros en los que confiere a su

pensamiento una formulación ya compleja y rica.

Leer, reflexionar, orar y escribir

El frente de batalla no es siempre un espacio de confrontación directa. Hay semanas de tensa

espera. Y Teilhard las aprovecha para leer, reflexionar, orar y escribir. Como escribe su

biógrafo Claude Cuènot (pág. 68) Teilhard hizo suyo lo que decía Baudelaire, “me has dado

tu cieno y yo lo he convertido en oro”. Hizo oro del cieno de las trincheras, porque poseía el

don sobrenatural de extraer de las cosas y de los seres la savia mediante la cual crecía para

Dios.

Pero eso no es todo. Se cree que fue la lectura de L´évolution créatrice de Henri Bergson

realizada en sus años de estudio de Teología hacia 1910, la que influyó de modo radical sobre

la cosmovisión de Teilhard. “La lectura de La Evolución creadora de Bergson fue más bien la

ocasión de una toma de conciencia personal, encuentro de una evidencia interior y de la

simple necesidad de comprender los datos de la ciencia, que solo el evolucionismo hace

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inteligibles (…) A partir de entonces, la unidad del mundo es a sus ojos de naturaleza

dinámica o evolutiva, el universo no es ya un cosmos inmóvil, sino una cosmogénesis, y todo

se desarrolla en un “espacio-tiempo” biológico. No sabríamos establecer un paralelo entre los

conceptos bergsonianos y teilhardianos de evolución”, escribe Claude Cuènot.

Como reconoce el mismo Teilhard en “El Corazón de la Materia”, en sus años de Teología en

Hasting (1909-1912) la lectura de Bergson le impulsó a “la conciencia de una Deriva

profunda, ontológica, total, del Universo”. En Teilhard se produce el “despertar cósmico” y,

como escribe el “La Vida cósmica”, experimenta “el valor beatificante de la Santa

Evolución”. Todo en él “expresa felizmente el sentimiento de la omnipresencia de Dios, el

abandono total del místico a la voluntad divina, y ese esfuerzo por comulgar con lo Invisible

por intermedio del mundo visible, reconciliando así el Reino de Dios con el amor cósmico”.

La Vida cósmica (1916) de Pierre Teilhard de Chardin

Escribe Cuénot: “En un principio, la vida en las trincheras parece obrar como un catalizador

sobre el espíritu del joven jesuita, y la primera síntesis es La Vida cósmica (24 de marzo de

1916), compuesta sin duda en los alrededores de Nieuport. El Padre Teilhard quiere dejar que

se desborde su amor a la materia y a la vida y armonizarlo con la adoración a la única,

absoluta y definitiva Divinidad. Parte del hecho inicial, fundamental, de que cada uno de

nosotros está ligado, a través de todas sus fibras materiales, orgánicas, psíquicas, a todo lo que

le rodea. La mónada humana, como toda mónada, es esencialmente cósmica” (pág. 69)

Esta intuición intelectual, poética, espiritual y mística inicial le acompañará toda la vida. De

forma que años más tarde, lo expresa. Muy explícita es su confesión en Como yo creo (escrita

en octubre de 1934): "La originalidad de mi creencia consiste en esto: que arraiga en dos

dimensiones de la vida, consideradas habitualmente como antagónicas. Por mi educación y

formación intelectual, pertenezco a los "hijos del cielo", pero por mi carácter y mis estudios

profesionales soy un "hijo de la Tierra"(…) Al término de mi experiencia, después de treinta

años consagrados a la búsqueda de la unidad interior, tengo la impresión de que se ha

realizado de modo natural, una síntesis entre las dos corrientes que tiran de mí: la una no ha

ahogado a la otra. Hoy creo, probablemente, más que nunca en Dios, y al propio tiempo, más

que nunca, en el mundo".

Este doble impulso hacia Dios y hacia los humanos, hacia lo material y hacia lo espiritual,

hacia lo trascendente y lo inmanente, hacia lo físico y lo metafísico le acompañará siempre. Y

su síntesis es un intento de armonización entre ambas tendencias. De alguna manera, todo lo

material, lo humano, lo inmanente, lo terreno está apuntando, creciendo, evolucionando hacia

lo espiritual, lo ultrahumano, lo sobrenatural, lo metafísico, lo teológico, lo divino…Esa fue

una de sus primeras intuiciones.

El texto de La Vida cósmica

El texto de “La Vida cósmica” se inicia con una dedicatoria muy significativa: “LA VIDA

CÓSMICA. A la Terra Mater y por medio de ella sobre todo a Cristo Jesús”. Este título es ya

un resumen apretado de su intento en este ensayo. Es la declaración de intenciones de

Teilhard, su deseo más profundo al redactar este texto: que el gusto por las cosas de la tierra le

lleven a sentir la densidad del Dios profundo que se muestra en las cosas.

Se ha discutido mucho sobre el posible panteísmo de Teilhard. Pero –como más adelante

comentamos- su postura se distancia claramente del “todas las cosas son Dios” de los

filósofos panteístas para percibir –como escribe Sa Ignacio en el Libro de los Ejercicios

Espirituales – que Dios está y se manifiesta en todas las cosas. Las cosas no son Dios; Dios

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está en las cosas.

La estructura del texto es simple: tras una introducción, divide su exposición en cuatro

capítulos, cada uno de ellos con epígrafes:

Capítulo I: El despertar cósmico. Con tres apartados: A. La visión. B. La sensación. C. La

llamada.

Capítulo II: La comunión con la Tierra. Con dos apartados: A. La tentación de la Materia. B.

Hacia el Superhombre.

Capítulo III: La comunión con Dios. Con tres apartados: A. El mundo de las almas. B. El

Cuerpo de Cristo. C. El escándalo del Reino de Dios.

Capítulo IV: La comunión con Dios a través de la Tierra. Con dos apartados: A. El Cristo

Cósmico. B. La Santa Evolución.

La introducción

Muy probablemente, la introducción –por el estilo más maduro y elaborado- pudo ser escrita

con posterioridad al texto completo. Esta Introducción es una síntesis de las ideas principales

desarrolladas más adelante y pretende introducir a lector en los objetivos de su reflexión:

“Escribo estas líneas movido por la exuberancia que muestra la vida y por la necesidad de

vivir; - deseo manifestar una visión apasionada de la Tierra, y para buscar una solución a las

dudas sobre mi acción -; escribo porque amo al Universo, a sus energías, a sus secretos, a sus

esperanzas, y porque, al mismo tiempo, estoy entregado a Dios, el único Origen, la única

Salida, el único Término. Yo quiero dejar libre aquí mis sentimientos de mi amor hacia la

materia y hacia la vida, y armonizar todo esto, si fuera posible, con la adoración hacia la

Divinidad, que es la única absoluta y definitiva”.

Y expone su hipótesis: “Yo parto de este hecho inicial, fundamental: que cada uno de

nosotros, lo quiera o no, se encuentra enlazado a todo lo que le rodea por todas sus fibras

materiales, orgánicas, psíquicas. No sólo se halla atrapado en una red, sino que se ve

arrastrado por la corriente de un río. Por todas partes a nuestro alrededor no hay más que

enlaces y corrientes. Nos encadenan mil determinismos, pesan sobre nuestro presente mil

herencias, mil afinidades padecidas nos dislocan y nos acosan hacia un fin ignorado. En

medio de todas estas fuerzas que interfieren, el individuo no aparece más que como un centro

imperceptible, un punto de vista que ve, un centro de repulsión y de atracción que siente, que

busca y que da bandazos, que escoge entre las innumerables energías que a través de él

irradian, que busca y que confunde, que torna sobre sí y se orienta para captar más o menos, y

en sentidos diversos, la atmósfera activa que le baña y en la que él es un punto singular y

consciente.

Y prosigue: “Y así es la condición exterior que nos ha sido dada. Nos hallamos, por así

decirlo, mucho más fuera de nosotros, en el tiempo y en el espacio, que, dentro de nosotros

mismos, desde el instante en que vivimos: la persona, la mónada humana, como toda mónada

es esencialmente cósmica”.

Y con un lenguaje cercano al de los gnósticos, prosigue: “Mucho antes de que la reflexión, la

ciencia, la historia, las necesidades sociales experimentadas, vengan a precisar en nosotros la

conciencia de ese inmenso dominio del «nosotros que se encuentra fuera de nosotros» y del

«nosotros que se halla en nosotros a pesar de nosotros», una llamada secreta, íntima, que

dilata nuestro egoísmo, nos advierte de que somos, en virtud de nuestras almas inmortales, los

centros innumerables de una misma esfera, identificados [idénticos] mediante todo lo que no

sea su incomunicable psiquismo, - los elementos encadenados de una misma curva que se

prolonga por delante y por detrás de nosotros. Por una innata y oscura afinidad, por una

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necesidad inmanente de palpar lo estable y lo absoluto, sentimos que en nuestro corazón se

incuba o irrumpe bruscamente el deseo de transformar el aislamiento que nos concentra sobre

nosotros mismos en una existencia más amplia, en una unidad de orden superior, haciéndonos

capaces de poder participar en la Totalidad de lo que nos arrastra y nos embarga. La

aspiración panteísta hacia la fusión de todos en todo, tal es el aspecto inmanente de nuestra

naturaleza cósmica, la una como prueba de la otra, tan innegable ésta para nuestras voluntades

como aquélla para nuestras inteligencias,… pero sólo para los que miran, sólo para los que

sienten”.

No deja de haber un ligero deseo apologético, posiblemente fruto de su contacto con hombres

descreídos en el frente de batalla: “Hacer mirar, hacer sentir, - vengarme, mediante una

profesión de fe inflamada en la fecundidad y el valor del Mundo, de los que sonríen y menean

la cabeza cuando se les habla de una nostalgia vaga por algo oculto en nosotros que nos

sobrepasa y nos culmina, triunfar incluso sobre esos hombres mostrándoles hasta la saciedad

que su envanecida individualidad no es más que una brizna de paja en el seno de las energías

que pretenden ignorar, o de las que se burlan si les hablamos de levantar un templo en su

honor: esa es mi primera intención. Es preciso, si el ser Humano quiere alcanzarse a sí mismo,

que despierte a la conciencia de sus infinitas prolongaciones, a sus deberes, a su embriaguez.

¡Es necesario que el ser Humano (dando de lado a todas las ilusiones de un individualismo

estrecho), amplíe su corazón a la medida del Universo, y arrebatado por el vértigo de su nueva

grandeza, no pueda menos de creerse en posesión de lo divino, ¡Dios mismo, o que se crea el

forjador de la Divinidad!”

Teilhard expone con claridad los objetivos de su reflexión: “No pretendo hacer directamente

ni ciencia, ni filosofía, ni, mucho menos, apologética. Expongo ante todo unas

consideraciones ardientes. Casi sin una actitud de condena por mi parte, desde luego, veré,

para comenzar, cómo reina en el pensamiento y en las pasiones humanas la crisis, compañera

de todo despertar; como simple observador, ante todo, contemplaré nacer y desenvolverse en

el secreto de las almas o en medio del tumulto de las multitudes, la tentación cósmica; veré

doblarse las frentes ante el becerro de oro y al incienso ascender hacia la montaña del orgullo

humano. Casi sin pruebas, también, pero fortalecido con sus propias armonías con el Resto y

con sus propias correspondencias, yo dejaré que, en aparente oposición con los sueños de la

Tierra, que él viene a completar y corregir, surja el inefable Cosmos de la materia y de la Vida

nueva, el Cuerpo de Cristo, real y místico, unidad y miríada, mónada y pléyade”.

Se trasluce también su sensibilidad de poeta y místico: “Y, semejante a quienes acunan

melodías sucesivas y diversas, dejaré, en múltiples sentidos, hacia el éter inicial, hacia el

superhombre, hasta el Hombre-Dios, que cante y grite mi vida… hacia abajo, hacia arriba, por

encima...”

Y desde estos sentimientos, expresa sus dudas, el hilo de sus reflexiones en búsqueda de

coherencia existencial: “Porque, en definitiva, ¿es que para ser cristiano hay que renunciar a

ser humano, humano en el sentido amplio y profundo de la palabra, desesperada y

apasionadamente humano? ¿Habrá de ser preciso para seguir a Jesús y tener parte en su

cuerpo celeste, renunciar a la esperanza de que palpamos y preparamos algo de lo absoluto

cada vez que, bajo los golpes de nuestro esfuerzo, llega a ser dominado un poco más de

determinismo, se adquiere un poco más de verdad, se realiza un poco más de progreso? ¿Es

necesario, para hallarse unido a Cristo, desinteresarse de la marcha propia de este Cosmos

embriagador y cruel que nos sostiene y que se alumbra en cada una de nuestras conciencias?

Y una operación como ésa ¿no corre el riesgo de convertir, a quienes la realizaran en sí

mismos, en mutilados, en tibios, en debilitados? He aquí el problema de vida en el que entran

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en conflicto inevitablemente, dentro de un corazón de cristiano, la fe divina que sostiene sus

esperanzas individuales y la pasión terrestre que constituye la savia de todo el esfuerzo

humano”.

Y expone sus convicciones: “Es mi convicción más querida que el desinterés por todo lo que

constituye lo agradable y el interés más noble de nuestra vida natural no puede ser la base de

nuestros crecimientos sobrenaturales. El cristiano, si comprende bien la obra inefable que se

cumple a su alrededor y por medio de él en «toda» la naturaleza, tiene que caer en la cuenta

de que los impulsos y los arrebatos suscitados en él por el «despertar cósmico» pueden ser

considerados por él, no solamente en su forma traspuesta sobre un Ideal divino, sino también

en el tuétano de sus objetos más materiales y más terrestres: para ello le basta con penetrarse

del valor beatificante y de las esperanzas eternas de la santa Evolución…

Para concluir: “Y he aquí la palabra que quiero hacer escuchar por encima de todo: la de la

reconciliación de Dios y del Mundo, porque es ella la que reconcilia a Dios y al mundo. Estas

páginas a las que he querido transmitir, con lo mejor de mi reflexión sobre las cosas, la

solución leal por medio de la cual se ha equilibrado y unificado mi vida interior, se las dedico

a aquellos que desconfían de Jesús, porque sospechan que pretende desflorar, a sus ojos, el

rostro irrevocablemente amado de la tierra, a aquellos también que, por amor a Jesús, se

constriñen a ignorar aquello de que su alma desborda, a aquellos en fin, que, por no haber

logrado hacer coincidir el Dios de su fe y el Dios de sus más ennoblecedores trabajos, se

fatigan y se impacientan en medio de una vida dislocada por esfuerzos oblicuos. 24 de marzo

de 1916. Nieuport”

Hemos querido reproducir casi completo el texto de la Introducción que hace Teilhard a “La

Vida cósmica” porque refleja de modo fehaciente sus preocupaciones más íntimas, Aquellas

que se irán desvelando, precisando y respondiendo a lo largo de casi medio siglo de reflexión.

OREMOS: la oración final de “La Vida cósmica”

El ensayo de Pierre Teilhard de Chardin “La Vida cósmica” se cierra –como en otras

ocasiones- con una oración en la que resume y expresa toda la densidad de sentimientos

acumulados en su corazón. Reproducimos un fragmento que parece ser más expresivo:

“….Jesús, centro hacia el que todo se mueve, dígnate concedernos a todos, si es posible, un

pequeño rincón entre las mónadas escogidas y santas, que una vez desprendidas una a una,

por Tu solicitud, del caos actual, se agregan lentamente en Ti en la unidad de la nueva Tierra

(...) Vivir de la vida cósmica es vivir con la conciencia dominante de que se es un átomo del

cuerpo de Cristo místico y cósmico. Quien vive así tiene en nada una multitud de

preocupaciones, que para otros resultan absorbentes; vive más distante y su corazón está

siempre más abierto”.

Conclusión

El ensayo de 1916 “La Vida cósmica” se cierra con tres frases cortas que suministran mucha

información sobre el objetivo del escrito, la fecha y el lugar: “Este es mi testamento de

intelectual”. 24 de abril de 1916. Jueves de Pascua. Fort-Mardik (Dunkerque)” Tal vez

pensaba Teilhard que iba a perecer en el frente de batalla? No lo sabemos. El caso es que

deseó expresar lo que sentía en esos momentos y poder comunicarlo. En este tiempo, aún no

pesaba sobre él ninguna prohibición para publicar sus escritos. Parece que lo que deseaba era

comunicárselo a su prima Margarita para que, de alguna manera, sus sentimientos e

intuiciones pudieran servir para provecho espiritual.

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Bien sabemos que su vida no se segó en el campo de batalla. Todavía tenía por delante su

formación como científico en Paris, los largos años de permanencia en China, las dificultades

para poder dar a conocer sur escritos y los duros diez últimos años de su vida, con la

sensación intima de la incomprensión y del desierto exterior e interior. Pero el legado ha

podido llegar hasta nosotros.

El pensamiento teilhardiano, que ya se esboza en “La Vida Cósmica” (1916) muestra una

extraordinaria versatilidad para impregnar el diálogo intrereligioso y marcar nuevas

tendencias en el futuro de las tradiciones religiosas.