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TD droit processuel n°2 La mise en œuvre du principe de l’accès au juge. Il ne doit pas s’agir d’un droit abstrait mais d’un droit concret et efectf à un tribunal. Il ne suft donc pas qu’il existe formellement un droit au juge, il faut aussi qu’il soit efectvement possible d’accéder au juge. Il existe aussi des limites au droit d’accès au juge. L’accès efectf au tribunal. La cour européenne des droits de l’homme a afrmé à de nombreuse reprises que le droit d’accès devait être efectf et que ce caractère se vérifait au cas par cas, cete soluton renvoie de nouveau une casuistque. Il semble émerger un critère : il n’y a pas d’accès efectf lorsque l’accès qui existe en apparence n’est pas clair (Bellet c/ France, 4 décembre 1995). Cete efectvité du droit au juge a trois conséquences : la nécessité de prévoir une aide à l’accès au juge pour les partes les plus démunies, la nécessité de respecter un délai raisonnable pour juger et le droit à l’exécuton du jugement. L’aide juridictonnelle. Un Etat doit prévoir une aide juridictonnelle pour les partes qui en ont besoin, ce principe a aussi pour fondement l’égalité des justciables (CEDH, Airey c/ Irlande, 9 octobre 1979). L’Etat peut adapter cete aide en foncton de ses ressources mais un refus d’aide arbitraire est condamné par la Cour européenne des droits de l’homme. En droit français la justce, en partculier les avocats, sont payants. Pour maintenir l’égalité entre les justciables et le droit au juge, un mécanisme d’aide juridictonnelle a été mis en place par une loi du 10 juillet 1991. Cete loi s’applique à toutes les juridictons civiles, administratves, répressives et disciplinaires. La demande doit être déposée auprès du bureau d’aide juridictonnelle qui se trouve ataché aux TGI. Il existe un recours individuel. En revanche l’aide ne peut être demandée en matère d’arbitrage, cete justce n’est donc pas gratuite, mais les partes ont le choix de recourir ou non à ce mode de résoluton des confits. L’égalité des armes On peut dégager deux grands principes fonctonnels communs à toutes les procédures : le principe de l’égalité concerne les rapports entre les partes, et un principe que l’on peut appeler le principe de l’équilibre des rôles, qui concerne les rapports entre les partes et le juge. Le premier est un principe dégagé par la CEDH qui comprend les droits de la défense et le contradictoire, tandis que le second est un principe directeur du procès contenu implicitement dans toutes les procédures. Le principe de l’égalité des armes. Cete noton a été dégagée par la CEDH et a été défnie comme « l’obligaton d’ofrir à chaque parte une possibilité raisonnable de présenter sa cause…dans des conditons qui ne la placent pas dans une situaton de net désavantage par rapport à son adversaire » Elle est fondée sur la noton de cause entendue équitablement prévue à l’artcle 6-1 CESDH. Ce principe englobe le principe du contradictoire qui est le fait de pouvoir présenter sa cause et le

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Page 1: TD droit processuel n°2 droit processuel n 2 La mise en œuvre du principe de l’accès au juge. Il ne doit pas s’agir d’un droit abstrait mais d’un droit concret et efectf

TD droit processuel n°2

La mise en œuvre du principe de l’accès au juge.

Il ne doit pas s’agir d’un droit abstrait mais d’un droit concret et efectf à un tribunal. Il ne suft doncpas qu’il existe formellement un droit au juge, il faut aussi qu’il soit efectvement possible d’accéderau juge. Il existe aussi des limites au droit d’accès au juge.

L’accès efectf au tribunal.

La cour européenne des droits de l’homme a afrmé à de nombreuse reprises que le droit d’accèsdevait être efectf et que ce caractère se vérifait au cas par cas, cete soluton renvoie de nouveauune casuistque. Il semble émerger un critère : il n’y a pas d’accès efectf lorsque l’accès qui existe enapparence n’est pas clair (Bellet c/ France, 4 décembre 1995). Cete efectvité du droit au juge a troisconséquences : la nécessité de prévoir une aide à l’accès au juge pour les partes les plus démunies, lanécessité de respecter un délai raisonnable pour juger et le droit à l’exécuton du jugement.

L’aide juridictonnelle.

Un Etat doit prévoir une aide juridictonnelle pour les partes qui en ont besoin, ce principe a aussipour fondement l’égalité des justciables (CEDH, Airey c/ Irlande, 9 octobre 1979). L’Etat peut adaptercete aide en foncton de ses ressources mais un refus d’aide arbitraire est condamné par la Coureuropéenne des droits de l’homme. En droit français la justce, en partculier les avocats, sontpayants. Pour maintenir l’égalité entre les justciables et le droit au juge, un mécanisme d’aidejuridictonnelle a été mis en place par une loi du 10 juillet 1991. Cete loi s’applique à toutes lesjuridictons civiles, administratves, répressives et disciplinaires. La demande doit être déposéeauprès du bureau d’aide juridictonnelle qui se trouve ataché aux TGI. Il existe un recours individuel.En revanche l’aide ne peut être demandée en matère d’arbitrage, cete justce n’est donc pasgratuite, mais les partes ont le choix de recourir ou non à ce mode de résoluton des confits.

L’égalité des armes

On peut dégager deux grands principes fonctonnels communs à toutes les procédures : le principe del’égalité concerne les rapports entre les partes, et un principe que l’on peut appeler le principe del’équilibre des rôles, qui concerne les rapports entre les partes et le juge. Le premier est un principedégagé par la CEDH qui comprend les droits de la défense et le contradictoire, tandis que le secondest un principe directeur du procès contenu implicitement dans toutes les procédures.

Le principe de l’égalité des armes.

Cete noton a été dégagée par la CEDH et a été défnie comme « l’obligaton d’ofrir à chaque parteune possibilité raisonnable de présenter sa cause…dans des conditons qui ne la placent pas dans unesituaton de net désavantage par rapport à son adversaire »

Elle est fondée sur la noton de cause entendue équitablement prévue à l’artcle 6-1 CESDH. Ceprincipe englobe le principe du contradictoire qui est le fait de pouvoir présenter sa cause et le

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principe des droits de la défense qui met l’accent sur la possibilité de se défendre et d’avoir undéfenseur.

Les droits de la défense.

Le terme de droit et de la défense est une expression issue de la procédure pénale qui s’est étendue àtoutes les procédures. Les droits de la défense d’un individu doivent être respectés de manièreconcrète et efectve. Ils peuvent être défnis en procédure pénale comme les prérogatves accordéesà une parte pour protéger ses intérêts tout au long du procès. Cete défniton implique, toutd’abord, le droit d’avoir un avocat. Celui-ci apparaît en procédure pénale dès le début de la garde àvue depuis la loi du 15 juin 2000, puis tout au long de la procédure. Ce principe implique aussi lamotvaton des décisions car celle-ci permet de préparer sa défense. Les droits de la défensecomprennent enfn l’accès à un interprète et l’oralité des débats.

Le principe de l’oralité n’est pas commun à toutes les procédures. En procédure administratve, leprincipe est celui de la procédure écrite. Il existe une audience mais le rôle de l’oral est très limité. Lesdroits de la défense impliquent aussi le droit de connaître le contenu des poursuites et du dossier, cequi a mis du temps à être admis en matère de procédure de la concurrence.

Le principe du contradictoire.

C’est le cœur des principes de l’égalité des armes et des droits de la défense, il existe dans toutes lesprocédures mais est aténué devant le Conseil consttutonnel. Il est partculièrement net en matèrede procédure civile artcle 14 à 17 du Code de procédure civile. Il ne signife pas que toute personnedoit être efectvement entendue, il signife au minimum que toute personne doit avoir été appellée,c'est-à-dire mise en mesure de se défendre. Chacune des partes doit pouvoir connaître les pièces dudossier et les discutons du litge. En procédure administratve, le juge doit communiquer toutes lespièces aux partes. En matère de procédure pénale, la présence des partes est nécessaire lors de larecherche des preuves. Si un détenu refuse de comparaître, le procès verbal concernant la recherchedes preuves lui sera lu, le contradictoire est ainsi réintroduit. Dans certains cas, il n’est pas possible derespecter le contradictoire, c’est ainsi lorsqu’une parte ne comparaît pas, ou qu’il est nécessairequ’une mesure soit prise sans en informer l’autre parte. Il faut que cete violaton du principe ducontradictoire soit temporaire. En procédure civile, si une parte ne comparaît pas, il existe un recourspour pouvoir réintroduire le contradictoire : l’oppositon. En matère de procédure administratve, lejuge peut demander à l’administraton d’efectuer des vérifcatons, et elle le fait sans que lecontradictoire ne soit respectée.

En somme, la noton de droits de la défense est partculièrement développée en procédure pénalealors qu’elle existe peu en procédure civile. Inversement, le principe du contradictoire prime enprocédure civile alors qu’il est peu présent en procédure pénale. Quant à la procédure administratve,elle ne fait pas véritablement de diférence entre les deux notons. Il faut donc que les partespuissent discuter de l’afaire mais il faut également répartr les taches entre les partes et le juge.

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La gratuité de la justce

La gratuité de la justce signife que les magistrats ne sont pas rémunérés par les justciables mais parl'Etat. Mais cela ne signife pas que le justciable n'aura rien à débourser dans le cadre d'un procès. Denombreux autres frais doivent en efet être envisagés : frais de procédure, honoraires des "auxiliairesde justce" : avocat, huissier, expert ... La loi prévoit également que le gagnant du procès peut obtenirle remboursement par son adversaire de certains frais qu'il a dû engager. Ce sont les dépens.

Pour permetre aux personnes ayant des ressources modestes d'engager un procès et de faire face àces frais, la loi a créé une aide fnancière, "l'aide juridictonnelle", prise en charge par l'État. Ceteaide, versée directement au professionnel, couvre la totalité ou une parte des frais selon les revenusde l'intéressé.

Dans chaque tribunal de grande instance, à la Cour de cassaton et au Conseil d'État, un bureau del'aide juridictonnelle reçoit, examine les demandes d'admission à l'aide juridictonnelle et vérife quel'intéressé remplit les conditons prévues par la loi pour en bénéfcier.

Les frais du procès doivent être distngués en foncton de chaque matère :

-en matère civile, il faut diférencier les dépens, qui consistent dans les sommes directement liées àla procédure (frais d’huissier, frais de correspondance) et qui sont laissés à la charge du perdant, etles autres frais (essentellement les honoraires d’avocat) que le juge peut répartr entre les partes enfoncton de l’équité ;

-en matère pénale, l’État prend en charge l’ensemble des frais exposés au ttre de la procédure elle-même (convocaton, expertse, indemnités des témoins). Le condamné est cependant tenu aupaiement d’un droit fxe de procédure (90 € devant le tribunal correctonnel) ;

-en matère administratve, les dépens (généralement moins élevés que devant le juge judiciaire civil)sont mis à la charge de la parte perdante, tandis que les honoraires des avocats sont susceptblesd’une répartton entre les partes, qui est laissée à l’appréciaton du juge en foncton de l’équité.

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Portée de l’arrêt Airey c/ Irlande :

Les faits :

Mme Johanna Airey, citoyenne irlandaise est mariée et a quatre enfants dont le plus jeune reste à sacharge. En 1974, elle a obtenu en justce une ordonnance enjoignant à son époux de lui verser unepension alimentaire de 20 £ par semaine, montant porté à 27 £ en 1977 et à 32 £ en 1978.Cependant M. Airey, qui travaillait comme camionneur mais s'est trouvé par la suite en chômage, acessé de payer cete pension en mai 1978. La requérante afrme que son mari est alcoolique. M.Airey a quité le domicile conjugal en juin. Pendant huit années environ jusqu'en 1972, Mme Airey acherché en vain à conclure avec lui un accord de séparaton. En 1971, il a refusé de signer un actepréparé dans ce but par l’avocat de la requérante et les tentatves ultérieures de celle-ci pourl'amener à se montrer coopératf ont échoué elles aussi. Depuis juin 1972, elle s'eforce d'arriver à unjugement de séparaton de corps en invoquant la cruauté physique et mentale de son mari enverselle et leurs enfants. Elle a consulté à ce propos plusieurs avocats, mais n'en a trouvé aucun quiacceptât de la représenter, faute d'aide judiciaire et n'ayant pas elle-même les moyens fnanciersvoulus.

Quel est le problème ici face à la demande de Mme Airey ?

Seule la High Court a compétence pour rendre un jugement de séparaton de corps. Les partespeuvent plaider en personne. Toutefois, les réponses du Gouvernement aux questons de la Courrévèlent que dans chacune des 255 instances en séparaton de corps introduites en Irlande de janvier1972 à décembre 1978, sans excepton, un homme de loi représentait le demandeur.

L'Irlande ne connaît pas à l'heure actuelle d'aide judiciaire pour les afaires de séparaton de corps, nid'ailleurs pour les afaires civiles en général.

Mme Airey fait grief à l’Etat irlandais de ne pas lui ofrir en raison des frais prohibitfs à supporter ledroit à l’accès d’un tribunal, ici la Hight court.

Queston de droit :

L’Etat irlandais respecte-il le principe du droit d’accès au tribunal en refusant l’aidejuridictonnelle face à une juridicton ou la représentaton par avocat n’est pas obligatoire ?

Ou

La comparuton devant la Hight Court sans l’assistance d’un conseil est-elle aussi efcace qu’en laprésence de ce dernier

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Soluton :

En matère civile, depuis l’arrêt Airey contre l’Irlande du 9 octobre 1979, la Cour de Strasbourg oblige les États, sous l’angle de l’efectvité du droit d’accès à un tribunal, d’organiser, sous certaines conditons, un système d’aide juridictonnelle qui ne soit pas entravé par des obstacles d’ordre juridique.

Analyse de l’arrêt Slimane-Kaïd c/ France du 25 janvier 2000

Faits :

Slimane Kaïd, requérant, ne s’est pas vu communiquer le rapport du conseiller rapporteur et lesconclusions de l’avocat général, ce dernier estme que cete non communicaton s’analyse en uneméconnaissance du principe d’égalité des armes et de son droit à un procès équitable. Il décide alorsd’invoquer devant la Cour européenne des droits de l’homme l’artcle 6 §1 et 3.

Le gouvernement ne conteste pas cet oublie, néanmoins il considère d’une part que le rapport duconseiller rapporteur est couvert pas le secret du délibéré et que par conséquent il n’a pas à êtrecommuniqué à la parte et d’autre part que ce rapport est soit disant mentonné au rôle difusé àl’Ordre des avocats une semaine avant l’audience que l’avocat de la parte peut donc en avoirconnaissance. Sur les conclusions de l’avocat général, celle-ci ne sont pas destnées à êtreautomatquement rédigées et que par conséquent on ne pourrait les communiquer de plus l’avocatde la parte peut prendre part à l’audience et répliquer à ces conclusions.

Problème posé par l’arrêt : Peut-on considérer que la communicaton du rapport du conseiller àl’avocat général, alors que les partes n’y ont pas accès, est consttutf d’un manquement à la garanted’un procès équitable ?

Plan :

I - les éléments de l’égalité des armes et du procès équitable.

A. Les droits de la défense.B. Le principe du contradictoire.

II - L’inféchissement de la Cour de cassaton.

A. L’indépendance du conseiller rapporteur.B. Le maintent de la positon de la Cour arrêt du 6 mars 2001.

Cours : La France a été condamné dans l’afaire Sliman du 31 mars 1998.

La cour européenne des droits de l’homme a relevé une disparité consttutve d’un manquement à lagarante d’un procès équitable dans le fait que l’avocat général près la cour de cassaton reçoitcommunicaton du rapport du conseiller rapporteur et du projet d’arrêt alors que les partes nereçoivent que le premier volet du rapport. Comprenant l’exposé des faits, la procédure suivie, et lesmoyens de cassaton, et quelques jours avant l’audience le sens de l’avis du rapporteur.

La chambre criminelle, à maintenue sa positon le 6 mars 2001 considérant « qu’aucune dispositonlégale n’impose au conseiller rapporteur de communiquer à quiconque son projet de rapport ni le

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projet d’arrêt qu’il a préparé » ce qui est contraire à l’égalité des armes. Pour metre fn à ceterésistance le premier président de la cour de cassaton a décidé et obtenu qu’à compter du 1er janvier2002 le parquet général non seulement n’assiste plus au délibéré de la chambre mais ne partcipeplus à la conférence préparatoire des audiences et n’a plus accès aux documents privilégiés enprovenance du conseiller rapporteur c'est-à-dire la note du rapporteur et le projet d’arrêt.

Il reçoit comme les partes un rapport enrichie du conseiller rapporteur comprenant l’exposé objectfde la queston de droit, les textes, la jurisprudence et la doctrine de référence en revanche l’avis durapporteur n’est communiquée ni aux partes ni au parquet général, il existe une autre soluton quiest de ne rien communiquer du tout aux partes et au ministère public, admise par la C Euro quivalide la procédure devant la cour de cassaton belge où le juge rapporteur présente son rapport pourla première fois à l’audience.