droit processuel

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Introduction : Le droit processuel est une matière assez nouvelle qui se différencie de matières proches comme la procédure civile, pénale ou administrative. Plus précisément, le droit processuel se nourrit des différents contentieux. En général, on est intéressé par cette matière car l'aspect technique et procédurier est laissé de côté contribuant à une image positive du droit processuel. En réalité, ce droit qualifié de science de la procédure n'est ni plus facile, ni plus important que les matières procédurales traditionnelles : - du fait de l'enchevêtrement des sources qui sont à sa base. - il va falloir faire constamment référence à des aspects propres aux matières procédurales classiques. - Il n'est pas plus important que les procédures qui occupent une place centrale dans le système juridique. Les procédures ont toujours permis d'assurer la réalisation concrète des droits substantiels : avoir une procédure claire est une garantie de paix sociale. Historiquement, le droit processuel date des années 1960. Plus précisément, Henri Motulsky (spécialiste de procédure civile) a créé le terme de droit processuel. A l'époque, le droit processuel désignait une synthèse des trois grandes procédures suivies en France devant les 3 ordres de juridiction (civil, pénal, administratif). Le but était de faire une comparaison de ces contentieux pour en identifier un tronc commun. Trois pôles ont été identifiés : la théorie de l'action en justice, la théorie de la juridiction, la théorie l'instance. Depuis Motulsky, la conception a évolué. La matière s'est nourrie de standards juridiques provenant de sources internationales et européennes. L'idée de la matière est de dégager le droit du Procès. L'influence des sources constitutionnelles françaises a permis à cette matière de s'enrichir également. Ainsi, le droit

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Introduction :

Le droit processuel est une matière assez nouvelle qui se différencie de matières proches comme la procédure civile, pénale ou administrative. Plus précisément, le droit processuel se nourrit des différents contentieux. En général, on est intéressé par cette matière car l'aspect technique et procédurier est laissé de côté contribuant à une image positive du droit processuel. En réalité, ce droit qualifié de science de la procédure n'est ni plus facile, ni plus important que les matières procédurales traditionnelles :

- du fait de l'enchevêtrement des sources qui sont à sa base. - il va falloir faire constamment référence à des aspects

propres aux matières procédurales classiques. - Il n'est pas plus important que les procédures qui occupent

une place centrale dans le système juridique.

Les procédures ont toujours permis d'assurer la réalisation concrète des droits substantiels : avoir une procédure claire est une garantie de paix sociale.

Historiquement, le droit processuel date des années 1960. Plus précisément, Henri Motulsky (spécialiste de procédure civile) a créé le terme de droit processuel. A l'époque, le droit processuel désignait une synthèse des trois grandes procédures suivies en France devant les 3 ordres de juridiction (civil, pénal, administratif). Le but était de faire une comparaison de ces contentieux pour en identifier un tronc commun. Trois pôles ont été identifiés : la théorie de l'action en justice, la théorie de la juridiction, la théorie l'instance.

Depuis Motulsky, la conception a évolué. La matière s'est nourrie de standards juridiques provenant de sources internationales et européennes. L'idée de la matière est de dégager le droit du Procès. L'influence des sources constitutionnelles françaises a permis à cette matière de s'enrichir également. Ainsi, le droit

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processuel a une dimension mondiale de nos jours. L'idée ultime étant de dégager une procédure qui s'appliquerait quels que soient les pays ou les contentieux. Il existe le projet ALII uni droit qui vise à mettre en place en matière civile et commerciale une procédure mondialisée.

Sans être allé aussi loin, le droit processuel contribue à la garantie des droits fondamentaux. Le droit processuel devient le droit qui garantit l'accès à la justice, à une juge et qui garantit le droit à une bonne justice.

Le droit processuel comporte une autre originalité (la première concernant la diversité des sources) : la volonté de mettre en place un modèle unique du procès équitable. Ce droit tend à l'universalité. On a alors un contenu tout à fait particulier.

PREMIERE PARTIE – Les sources du droit processuelDEUXIEME PARTIE – Le contenu du droit processuel

PREMIERE PARTIE – LES SOURCES DU DROIT PROCESSUEL

Le droit processuel se construit à partir du droit international essentiellement, notamment le droit européen. La place laissée au législateur national est assez restreinte du fait de la hiérarchie des normes. La particularité des sources du droit processuel : elles sont étroitement liées à la garantie des droits fondamentaux. En effet, on va rencontrer plusieurs instruments de protection des droits de l'homme.

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Certains auteurs ont considéré que ces instruments ont en leur sein des formules suffisamment générales constituant un véritable abrégé de procédure. C'est-à-dire des formules types. L'idée de ces sources est d'apporter au justiciable des garanties indispensables dans le domaine du procès.

On verra aussi que les droits fondamentaux du procès représentent alors un rempart contre les pratiques nationales des juridictions qui seraient non conformes aux standards internationaux. En France nos procédures respectent les principales exigences du procès équitable. Aussi, la présence très forte des sources internationales ne doit pas occulter l'existence d'un droit constitutionnel des libertés. Il y a un nombre assez important de décisions du Conseil constitutionnel qui consacrent des principes de procédures qui ont vocation à être communs à tous les procès.

Outre cette présentation rapide du droit processuel, il ne faut pas imaginer que ce droit est complètement neuf. Dans l'histoire, d'autres sources de cette matière ont existé. La recherche d'un bon procès a toujours été la préoccupation des juristes, quelle que soit l'époque. On peut déceler d'ailleurs des tentatives de mise à l'honneur de grands principes que nous continuons à consacrer dans les sources modernes. Le procès a toujours suscité des questionnements. Quelques exemples : *Le droit d'accès à la justice a déjà été affirmé dans l'Ancien Régime. En effet, le Roi a demandé à ses magistrats à ce que chacun puisse accéder à la justice. Dans une ordonnance de 1302 sur la réformation du royaume, on pouvait lire « Les sénéchaux, baillis jureront qu'ils feront justice aux grands et aux petits et à toute personne de quelque condition qu'elle soit sans condition ».*Dès l'époque capétienne, il existe des mécanismes de récusation des juges. On interdisait aux magistrats des liens de famille dans les lieux où ils officiaient. On interdisait aussi les magistrats de

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refuser tout avantage pécuniaire des parties. Enfin, on leur interdisait de connaître deux fois d'une même affaire.*Dès l'époque romaine, il existe le principe du contradictoire. En droit romain, le demandeur avait l'obligation de donner copie au défendeur des titres, des pièces ou des actes sur lesquels il comptait fonder sa demande. Ce principe a été réaffirmé avec l'Ancien Régime.Seule l’obligation de motiver les décisions de justice date de la période révolutionnaire.Ces différents exemples montrent bien que certains grands principes existent depuis bien longtemps, du moins par leur énoncé théorique.

TITRE I – LES SOURCES INTERNATIONALES

Parmi les droit internationaux, on distingue les sources internationales à vocation mondiale et celles à vocation régionale. La CESDH n'est pas la seule source de droit à protéger les droits fondamentaux au niveau régional.

Chapitre I – Les sources internationales à vocation mondiale

Il peut paraître paradoxal de parler de sources internationales du droit processuel qui est une matière traditionnellement interne. Habituellement, la procédure s'accommode assez mal de règles supra nationales. L'objet principal d'une procédure est de régir la conduite d'un procès devant une juridiction étatique. On ne peut que constater que la souveraineté des États se manifeste fortement à travers l'activité des juges. De tout temps, la justice est un attribut

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essentiel de la souveraineté. Dans l'ancien droit, on rendait la justice au nom du roi. Aujourd'hui, on les rend au nom du peuple français. Pourtant et malgré ce monopole de l'État, il est incontestable que le droit processuel s'est internationalisation sous l'effet complémentaire de deux facteurs :

Le développement des relations internationales avec les sujets de droit. A partir de là se sont multipliés les litiges internationaux. Pour résoudre ces difficultés procédurales, des conventions internationales ont été signées et elles forment des sources internationales de coopération.

Indépendamment de tout litige international, les États ont peu à peu accepté de conclure des conventions internationales multilatérales visant à faire respecter de grands principes fondamentaux de procédure. Ces conventions constituent la véritable source internationale mondiale du droit commun du procès.

Section I – Les sources internationales de coopération

Ces sources internationales de coopération sont quantitativement très nombreuses. En revanche, au niveau qualitatif, elles sont secondaires. Ces conventions ont pour vocation de résoudre des questions liées à l'existence d'un élément d'extranéité dans un litige. Un élément d'extranéité est un élément d'une situation juridique qui met en rapport deux ou plusieurs systèmes juridiques nationaux et qui crée un conflit de lois ou de juridictions. Le litige affecté de cet élément d'extranéité devient alors international. Aussi bien en matière civile ou pénale, on a des conventions qui posent des règles de procédure applicables à ces situations. Ces conventions participent dans une moindre mesure à l'élaboration du droit commun du procès. Ces conventions répondent souvent à deux questions :

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Comment choisir la juridiction compétente pour connaître du litige ?

Dans quelles conditions et par qui seront exécutées les décisions de justice qui seront prises ?

Il s’agit d’éviter les conflits de juridictions et les conflits d’exécution.

Par exemple, il existe des traités bilatéraux et multilatéraux (plus rares) qui visent à résoudre ces questions. Certaines de ces conventions se révèlent être de véritables abrégés de procédure qui s'imposent aux États qui ont ratifiés ces conventions. En matière civile, il faut mentionner l'importance de certaines conventions comme celles de La Haye. Il y a un grand nombre d'États qui y adhèrent.Deux conventions marquantes : Celle du 15 novembre 1965 sur la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale. Celle du 1er février 1971 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale. En matière pénale, on a des conventions internationales qui visent une coopération en matière répressive. On a INTERPOL (plan policier) et des conventions d'extradition (plan judiciaire). La préoccupation de ces conventions en matière répressive est d'assurer le jugement d'un individu qui échappe à l'emprise des juridictions nationales du fait de son éloignement territorial. Elles sont nombreuses et constituent aussi une source du droit processuel. Par exemple, la convention du 10 mars 1975 qui prévoit l'extradition entre pays membres de l'UE.

Section II – Les sources internationales de protection des droits et libertés fondamentaux

Ces sources internationales sont très différentes des précédentes car elles n'ont pas vocation à résoudre un litige international. Ces

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sources existent indépendamment de tout élément d'extranéité. La particularité de ces sources est qu'elles ont pour objet de consacrer des principes fondamentaux visant à conduire les procès dans les pays signataires.

Elles constituent le fondement de l'élaboration d'un droit commun processuel. Plus précisément, ces sources processuelles internationales sont de deux sortes :

Des déclarations/des principes directeurs/des recommandations qui ont pour valeur une déclaration politique. Par exemple, la déclaration universelle des droits de l'homme : elle a été signée le 10 décembre 1948. Il est considéré comme un « texte mère » dont découle tous les instruments de protection des droits de l'homme.

Des textes internationaux qui sont le noyau dur du droit processuel international. Le texte de référence est le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966.

§1 – Le texte d'inspiration commune : la déclaration universelle des droits de l'homme

Ce texte a été proclamé par l'assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948. Cette date n'est pas anodine car elle intervient après la fin de 2GM. L'objectif était de poser des règles de bonne conduite des Etats. Ce n'est pas un traité ou un accord international. Logiquement, c'est une déclaration qui ne vise pas à avoir force de loi.

C'est une déclaration de principe sur les droits et libertés fondamentales de l'homme. Elle a toujours été perçue de la sorte, quel que soit l'État signataire. Une jurisprudence du CE du 18 avril 1951 a confirmé la valeur de simple idéal à atteindre de ce texte. Pour autant, cette déclaration reste le texte de référence pour tous les autres instruments internationaux qui ont suivi. Ce texte va être directement à l'origine du pacte relatif aux droits civils et

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politiques de 1966. Il est surtout à l'origine de la CESDH. Par ailleurs, c'est un texte auquel on se réfère quasi systématiquement au sein des Nations Unies.

L'un des inspirateurs de ce texte est René Cassin. Il a utilisé une métaphore qui montre l'objectif de ce texte : « un portique à 4 colonnes ».

Le premier pilier va supporter le droit à la vie et à la sécurité juridique de la personne.

Le second forme la base des liens entre les individus et les groupes qui peuvent se former. A cet égard, on va protéger certains élément comme le droit de propriété.

Le troisième pilier se rapporte aux libertés publiques et aux droits politiques de l'individu.

Le dernier pilier est celui des droits sociaux, culturels, économiques dans lequel on trouve une protection accrue de l'individu dans son travail ou dans son rapport à la justice.

Ces 4 piliers vont être couronnés par des articles terminaux de la déclaration qui affirme l'interdépendance entre les droits de l'homme et l'ordre social. Ce qui nous intéresse se trouve au cœur du 4ème pilier.

Ce sont les articles 8 à 11 de cette déclaration qui nous intéressent plus précisément.

On y trouve le droit à un recours effectif devant les juridictions.

On trouve aussi l'interdiction des arrestations et des détentions arbitraires.

De même, l'affirmation que tout procès doit être équitable. L'article 11 vise la présomption d'innocence.

Cette déclaration n'a qu'une force symbolique avec une force pratique assez limitée.

§2 – Les textes formant le noyau dur du droit processuel

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internationalOn trouve le pacte relatif aux droits civils et politiques entré en vigueur le 23 mars 1976 et compte environ 160 signataires. La France l'a ratifié le 25 juin 1980. Le principal instrument est une stipulation de ce pacte qui concerne l'article 14. Dans cet article, on retrouve le droit à un procès équitable et toutes les garanties procédurales qui doivent être reconnues à un justiciable. Le Pacte de New York a une force contraignante contrairement à la DUDH.

Ce pacte organise différentes procédures de contrôle. Les états parties doivent présenter périodiquement au Comité

des droits de l'homme un rapport sur les mesures qu'ils ont prises pour donner un effet à ce pacte. Un État doit montrer ses progrès et plaider sa cause. La périodicité est assez brève : les rapports interviennent tous les 5 ans et la première année pour un nouvel état signataire. Le Comité comprend 18 membres élus et indépendants.

Chaque état partie peut reconnaître une compétence au Comité afin de recevoir les plaintes des autres états quant au non respect du pacte. Cette procédure et facultative. L'idée est que chaque état puisse contrôler l'ensemble des états signataires. C'est une procédure de délation. La plupart des états ont signé cette compétence mais cette procédure n'a jamais été utilisée.

Un protocole additif signé le 19 décembre 1966 autorise et organise un droit de recours individuel au profit des particuliers contre les états qui violeraient le contenu du pacte. Ce protocole a été signé par au moins une 100aine d'états. En pratique, le Comité reçoit les plaintes et les traite. La difficulté est que le Comité n'est pas une juridiction. Lorsqu'il constate un manquement, le seul moyen d'action est de s'adresser à l'état fautif et de l'inciter à modifier sa réglementation. Le Comité a la faculté d'accorder une indemnisation à la victime en cas de résistance de l'état en cause.

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A côté du Pacte de New York, il existe d'autres conventions qui peuvent avoir des effets sur le droit processuel international.

°On retrouve notamment la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990 (Convention de New York). Cette convention comporte des articles intéressant le déroulement du procès. L'article 12 vise l'audition et la participation des enfants au procès pour défendre leur cause. Il y a aussi les articles 3-1 et 3-2 qui visent la notion d'intérêt de l'enfant. Cette convention est entrée en vigueur le 2 septembre 1990 et a été signée par plus de 191 états. Deux états avaient refusé de la ratifier : la Somalie et les États-Unis. Les choses ont été débloquées en 1995 avec le Président Clinton qui va même adopter des protocoles facultatifs qui vont plus loin que le texte initial. Ce texte bénéficie d'un organe de contrôle qui est le comité des droits de l'enfant. Le problème est que cet organe n'est pas doté de procédures performantes. : Il peut seulement recevoir périodiquement des rapports des états signataires (tous les 5 ans). Ce comité ne peut que formuler des recommandations ou des suggestions.

°Également, on trouve la convention des Nations Unies sur l'élimination de toute forme de discrimination raciale signée le 21 décembre 1965. L'idée est d'établir une égalité parfaite entre tous les plaignants.

Ces conventions posent une problématique récurrente : quelle est l'étendue de leur force contraignante ? Ces conventions s'imposent normalement aux états qui les ont ratifiées. Jusqu'à quel point concrètement ? En droit international public, on considère que les conventions internationales comportent deux catégories de clauses :

Des clauses d'applicabilité directe : les sujets de droits des états parties peuvent les invoquer directement devant les

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juridictions nationales. Il n'y a pas besoin ici de texte de transposition. On parle de clauses auto exécutoires.

Des clauses qui nécessitent une adaptation des législations nationales internes. Par essence, ces clauses ne peuvent pas être invoquées dans les états signataires à moins d'avoir donné lieu à une modification de la législation nationale.

A partir de cette distinction, il faut déterminer au cas par cas quelles clauses sont d'applicabilité directe et celles qui ne le sont pas. La question est tranchée par les juridictions pour chaque convention. La manière de rédiger la clause n'est souvent pas innocente et influe sur l'opinion du juge.

S'agissant de l'article 14 du pacte relatif aux droits civils et politiques, l'ensemble des tribunaux français a pris une position claire : il est d'applicabilité directe. En pratique, ce n'est que très rarement le cas car l'article fait doublon avec l'article 6§1 de la CESDH.

En revanche, le caractère auto exécutoire de la convention de New York a suscité une controverse importante. L'article 12 de la convention permet à un enfant doué de discernement d'être entendu en justice dans une procédure administrative ou judiciaire qui le concerne. Avant 1993, cette disposition a été à plusieurs reprises invoquées par les justiciables devant les juridictions de fond (en particulier dans les procédures de divorce). Très vite, tous les juges du fond n'ont pas réservé le même sort à ce texte. Certains l'ont appliqué tel quel sans attendre une disposition nationale, d'autres l'ont rejeté dans l'attente d'une disposition nationale. L'affaire est remontée devant la CK qui a rendu plusieurs arrêts (10 mars et 2 juin 1993) : elle a tranché en faveur du caractère non exécutoire de la convention dans son ensemble. Pendant ce temps, le législateur a préparé un texte qui est paru le 8 juillet 1993 visant justement à transposer l'article 12 de la convention en modifiant le Cciv. Il est alors possible d'entendre un enfant dans toutes les procédures qui le concernant s'il est doué de

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discernement. La CK a donc changé son fusil d'épaule par une décision du 14 juin 2005 : elle a considéré que l'article 3-1 de la convention de New York visant l'intérêt supérieur de l'enfant est une disposition primordiale d'application directe devant les juridictions nationales. Cette notion d'intérêt de l'enfant permet d'entendre dorénavant très facilement les enfants en justice. Ce qui n'était pas le cas auparavant.Le juge administratif n'avait pas la même position que la CK en 1993. En particulier, le CE avait une vision beaucoup plus favorable à la convention de New York en estimant que la plupart des textes sont d'applicabilité directe.

Chapitre II – Les sources internationales régionales

Le droit processuel commun ne se construit pas uniquement au plan international mondial. A la suite de la DUDH, il y a des conventions internationales qui ont été conclues sur le plan local entre plusieurs états. Ces conventions internationales ont été passées dans le but de mettre en place progressivement des standards de procès pour une bonne justice (pour de grandes zones géographiques). Ces standards sont proches de la déclaration universelle et du pacte de New York.

Le premier ensemble régional est celui qui est constitué au niveau européen. A côté de ce droit processuel européen, il existe d'autres sources internationales régionales. On a un droit processuel régional américain qui n'est pas encore effectif. Aussi, un droit processuel régional africain qui est activé et commence à être effectif.Le 22 novembre 1969, convention interaméricaine des droits de l'homme ratifiée par 25 pays du Sud et d'Amérique centrale. Les États-Unis n'ont jamais ratifié ce texte. Cette convention est entrée en vigueur le 18 juillet 1978 avec un modèle très similaire au modèle européen (une commission et une cour des droits de

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l'homme). Jusqu'à présent, la convention interaméricaine n'a pas été appliquée en pratique.En revanche, sur le plan régional africain, depuis le 27 juin 1981 existe une charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986. Pendant un certain temps, cette charte n'a pas été appliquée réellement. Un protocole additif du 8 juin 1998 a officialisé la création d'une cour africaine des droits de l'homme. En 1998, la cour pouvait voir le jour qu'à la condition que 15 états ratifient la convention. Il a fallu attendre 2004 pour que 15 pays ratifient cette convention. En 2007, la cour a enfin été constituée et son siège est en Tanzanie. On attend les premières décisions de cette cour.

En l'état actuel, il n'y a pas de droit processuel asiatique ou arabo-musulman. Il faut signaler une charte arabe des droits de l'homme adoptée le 15 septembre 1994 mais qui n'a pas encore été ratifiée.Pour l'instant, c'est le pôle européen qui est le plus important concernant les apports au droit processuel. Il faut entendre le droit européen dans son sens large. Le droit communautaire contribue aussi au droit processuel.

Section I – Les sources du droit processuel en provenance du Conseil de l'Europe

Le Conseil de l'Europe est une organisation internationale de nature politique créée en mai 1949. Lors de sa création, il y avait 10 membres pour 47 membres aujourd'hui. L'idée du Conseil est de mettre en place une enceinte de dialogue de coopération et d'élaboration de normes communes. Notamment dans des domaines très précis comme la politique sociale, l'environnement, la culture... Un des grands objectifs du Conseil en 1949 était de mettre en place une grande Europe des droits de l'homme. Sur ce point, il a réussi avec l'élaboration de la CESDH signée à Rome de

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4 novembre 1950 (ratifiée par la France en 1974).A côté de la CESDH, le Conseil de l'Europe propose également d'autres conventions internationales qui visent à mettre en place des instruments de coopération entre les états membres. Certaines de ces conventions, à une échelle moindre, constituent le droit commun du procès. Par exemple, la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et la convention européenne sur la transmission des procédures répressives du 15 mai 1972. Toutes les conventions citées n'atteignent pas la valeur de la CESDH qui reste l'outil majeur.

Ratification tardive par la France le 03 Mai 1974. La France avait peur de la CEDH sur le plan politique, mais cette Cour a eu un grand succès. Elle a pour fonction de trancher la difficulté au regard du texte appliqué et permet d’obtenir une indemnisation pour la victime.

Cette CESDH se caractérise par des points procéduraux très forts. Elle met en place un vrai organe de contrôle, un organe

juridictionnel : la CEDH. Le mode de saisine de la CEDH. Il existe 2 modes de

saisine :− elle peut être saisie par une plainte formée d'état à état.

C'est ce qu'on appelle le recours inter étatique. Un état membre reproche à un autre état membre de ne pas avoir respecté la convention européenne. Mode de saisine efficace mais marginal aujourd'hui.

− En second lieu, il y a le recours individuel qui est plus important quantitativement. Toute personne physique, tout groupe de particulier, toute ONG a le droit de se plaindre et de se prétendre victimes des droits reconnus par la CESDH. Cet outil est extrêmement important est reconnu en France le 09 Octobre 1981. L'explosion de cette saisine date de 1998. A partir de cette date, le filtre existant qui

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voulait que tout recours individuel passe devant une commission a été supprimé. En effet, le 1er novembre 1998, un protocole additionnel N°11 a été adopté pour autoriser la saisine directe. Le filtre a été éliminé pour offrir un véritable 3ème ordre de juridiction.

Les citoyens des états membres peuvent invoquer les dispositions de la CESDH directement devant les juges nationaux. Par ailleurs, les juges nationaux peuvent utiliser la Convention comme un pur outil de droit national. Cette applicabilité directe sans transposition est aussi un facteur de succès de la CESDH.

Seul l'article 6§1 sera envisagé dans ce cours. Dans cet article, il y a la notion de procès équitable. Pour comprendre l'importance de cette source du droit processuel général, on s'intéressera d'abord au champ d'application du droit processuel et ensuite sa portée.

§1 – Le champ d'application de la CESDH en matière processuelle

L'article 6§1 est très important qui pose le droit à un procès équitable (les différents aspects seront étudiés dans la 2nde partie du cours). Ce qui nous intéresse dans un premier temps est le champ d'application de cette stipulation. Cet article réserve les garanties du procès équitable aux hypothèses dans lesquelles une personne saisit un tribunal pour qu'il statue soit sur des contestations concernant des droits et obligations de caractère civil soit sur le bien fondé de toute accusation en matière pénale. On a donc une division très nette entre la matière pénale et la matière civile. Cette division ne signifie absolument pas que la matière administrative est exclue de l'application de la CESDH.La CESDH ne connait pas la distinction française classique selon les ordres de juridiction. Les notions de matières civiles et pénales sont des concepts autonomes auxquels on donne un sens européen différent de celui qui est retenu dans les droits internes des états membres.

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Le droit à un procès équitable doit être appliqué de la façon la plus uniforme possible au sein des états partis à la Convention. On dégage en quelque sorte un nouveau droit afin qu'il y ait un traitement égalitaire des individus.

A – La matière civileAu début de l'article 6, on précise que le procès équitable doit s'attacher aux contestations sur les droit et obligations de caractère civil. Il faut dans un premier temps comprendre cette notion de contestation. Dans un second temps, on s'intéressera à l'extension de son champ d'application.

1 – La notion de contestation sur les droits et obligations de caractère civilC'est une notion obscure à la base, il a donc fallu attendre une définition de la CEDH. Elle a essayé de préciser les éléments contenus dans l'expression : la contestation, les droits et obligations de caractère civil.

Qu'est-ce qu'une contestation ? Selon la CEDH, il faut qu'il existe une opposition sur un droit « que l'on peut prétendre au moins de manière défendable reconnue en droit interne ». Arrêt James du 21 février 1986. La définition paraît moins claire encore. Mais petit à petit, la CEDH est venue définir les contours de cette définition obscure.Première précision : la notion de contestation renvoie à l'existence d'une situation contentieuse. Il doit y avoir une contestation sur le contenu, la portée ou l'application d'une norme juridique. A partir de là, la contestation peut exister sur l'étendue ou les modalités d'exercice d'un droit. Elle peut aussi s'attacher à des points de faits ou à des questions juridiques. La contestation est un litige dans son sens large.Deuxième précision : la contestation n'a pas à se développer obligatoirement devant les tribunaux malgré les termes utilisés par l'article 6. La contestation peut être engendrée par la mise en

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œuvre d'un procès mais elle peut aussi exister dans des procédures qui se déroulent en dehors du juge. Par exemple, une procédure de prestation sociale, une procédure de licenciement...Troisième précision : la CEDH exige que la contestation soit réelle et sérieuse. Cela veut dire que les recours ne doivent pas être dépourvus de chance de succès.Quatrième précision : il faut que le droit sur lequel porte la contestation soit reconnu en droit interne de manière défendable. En droit néerlandais, c'est le juge national qui va décider de façon discrétionnaire le remboursement de frais d'avocats en cas d'acquittement. Pour la CEDH, cette faculté laissée au juge ne constitue pas un droit reconnu de manière défendable. La justification est la suivante : pour la CEDH, la demande présentée par le justiciable néerlandais ne concerne pas un droit mais une simple faculté qui appartient au juge. La CEDH a tenu un raisonnement similaire à propos des procédures conservatoires, ce qui est embêtant pour la France. Ces procédures visent à régler des situations temporaires. Il ne s'agit donc pas de mettre en avant des droits défendables. L'article 6 ne s'applique donc pas ici. Décision du 28 juin 2001 Maillard c/ Portugal.

2 – Des droits et obligations de caractère civilApplication large de l'article 6. Première remarque : il n'y a pas une limitation quant au type de procédure visé. La nature de la loi n'a pas d'importance. Il peut s'agir d'une loi civile, commerciale, administrative. La nature de l'autorité compétente pour trancher la contestation est indifférente. Il peut s'agir d'une juridiction civile, administrative, pénale... Seul compte le caractère privé du droit en cause lequel doit avoir une nature personnelle ou patrimoniale.Deuxième remarque : il faut qu'il existe un lien suffisant entre la décision dont on se prétend victime et le droit revendiqué par le requérant. Lorsqu'on a un contentieux modeste, c'est une condition qui ne suscite pas de difficultés. La Cour admet facilement le lien

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entre la décision attaquée et le droit invoqué. Dans les grands contentieux qui mettent en cause la souveraineté d'un état, cette exigence va jouer contre les victimes. Par exemple, le contentieux nucléaire : en Suisse, les particuliers essayent de s'opposer aux autorisations d'exploitation des centrales nucléaires au moment de leur renouvellement par les organes compétents. Les particuliers mettent en avant que ces centrales représentent un danger permanent pour leur sécurité. Pourtant, ils n'ont pas subi de préjudice direct et personnel. La difficulté est qu'il n'existe pas de recours possible contre les décisions qui procèdent aux autorisations d'exploiter les centrales. La CEDH a du déterminer si le procès équitable était applicable à ces situations. Elle s'est interrogée sur ce lien étroit entre la décision attaquée et le droit invoqué par les requérants. Dans deux arrêts du 20 aout 1997 et du 6 avril 2000, Bahmer c/ Suisse, la CEDH a considéré qu'un tel lien était ténu, lointain et ne justifiait pas l'application de l'article 6. La Cour a fondé sa décision sur le fait que les requérants n'avaient pas démontré qu'ils étaient personnellement exposés à un danger imminent.En droit européen, dès lors qu'on touche aux prérogatives régaliennes de l'État, il y a une répugnance de la Cour européenne à appliquer les garanties de la Convention (surtout pour le contentieux fiscal, nucléaire, pénal lié à l'extradition, politique d'expulsion des étrangers).

3 – L'extension du champ d'application de l'article 6§1 en matière civileEn adoptant une définition la plus large possible sur la notion de contestation sur les droits et obligations de caractère civil, la CEDH a procédé à une extension tout azimut du champ d'application de l'article 6. On dit même que ce texte à une vocation « attrape-tout ». Différents contentieux vont alors être concernés par l'article 6.Une des applications les plus célèbres concerne la procédure disciplinaire dans ses aspects civils. L'article 6§1 s'appliquait-il au

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contentieux disciplinaire des professionnels ? Tout à fait logiquement, la question fut posée à la CEDH. Elle a posé les principes de solutions suivants : les poursuites disciplinaires ne constituent pas d'ordinaire une contestation sur des droit et obligations de caractère civil. Néanmoins, il peut en aller autrement dans certaines circonstances où le contentieux disciplinaire entraine une ingérence directe et substantielle dans le droit d'exercer une profession privée. Cette jurisprudence a été initiée par l'arrêt König c/ Allemagne du 28 juin 1978. Ensuite, elle a été confirmée pour les médecins, les avocats, les vétérinaires... tous les contentieux disciplinaires sont visés aujourd'hui. Les juridictions françaises n'ont pas accueilli cette jurisprudence facilement. Ni la CK, ni le CE n’ont voulu appliquer l'article 6 dans un premier temps. La CK a finalement cédé le 10 janvier 1984... Depuis cette date, elle applique l'article 6 aux procédures disciplinaires qui visent les professions libérales. Quand à lui, le Conseil d'État a résisté plus longtemps. C'est dans un arrêt du 14 février 1996 Maubleu que le CE admet que les sanctions administratives disciplinaires portent sur des droits de caractère civil et relèvent donc des garanties de l'article 6§1. Par la suite, le CE a étendu cette solution à de nombreuses professions libérales. Dans d'autres domaines, il y a aussi eu des extensions de l'article 6§1 : le contentieux de la fonction publique dans ses aspects civils. Pendant longtemps, la CEDH a affirmé de façon constante que le contentieux de la fonction publique était exclu du champ d'application de l'article 6 'recrutement, carrière, cessation d'activité d'un fonctionnaire). Cela entrait dans les prérogatives discrétionnaires de l'État, ce qui explique la réticence de la Cour européenne à forcer l'application de l'article 6. La CEDH ne dérogeait à cette règle que si l'objet de litige consistait à la revendication d'un droit patrimonial né d'une activité professionnelle. Cette jurisprudence a engendré des critiques et

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des difficultés d'applications comme d'interprétations. Il était difficile de déterminer ce qui était patrimonial ou pas. C'est la raison pour laquelle la CEDH a opéré un spectaculaire revirement de jurisprudence dans un arrêt Pellegrin c/ France du 8 décembre 1999 : on voit que la CEDH abandonne le critère tiré de la nature patrimoniale du litige. Elle se prononce en faveur d'une interprétation autonome de la notion de fonction publique. Ce qui est important est la participation ou non de l'agent public à l'exercice de la puissance publique. Les litiges qui opposent l'administration aux agents publics (titulaires ou contractuels) relèvent en principe de l'article 6 sauf lorsque les agents occupent des emplois qui comportent une participation directe à l'exercice de la puissance publique.

Conséquence : on a l'impression que la CEDH a changé radicalement sa position. Il est vrai que dorénavant, les litiges en matière de pension relèvent de l'article 6. En réalité et en pratique, on se rend compte que c'est tout le contentieux de la fonction publique qui sort du champ d'application de l'article 6. Concrètement, il est plus fréquent de dire qu'un agent participe à la puissance publique que l'inverse. Très clairement, les premières décisions après l'arrêt Pellegrin ont écarté l'application de l'article 6.

Dans un arrêt du 27 juin 2000 Frydlender c/ France, la CEDH a tenté d'atténuer la jurisprudence Pellegrin : elle précise qu'il faut se livrer à un examen in concreto des fonctions exercées par l'intéressé. La Cour va notamment tenir compte du degré de responsabilité assumée par la personne qui sollicite son intervention. L'idée est que plus le degré de responsabilité n’est fort, plus la participation directe à l'exercice de la puissance publique n’est forte. On écarte alors l'article 6.

Quelques exemples de l'extension du contentieux : l'article 6§1 va avoir vocation à s'appliquer à une partie du contentieux de droit

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public. Ainsi, il s'applique en recours pour indemnité contre l'administration pour faute. Aussi, les mesures de polices administratives sont concernées. CEDH 18 janvier 2000Association Ekin c/ France. Dernier exemple, le contentieux fiscal de l'imposition. Il a toujours suscité une controverse entre la Cour européenne et les juridictions françaises. Cela concerne les litiges fiscaux à l'exclusion des sanctions fiscales qui entrent dans le volet pénal de l'article 6§1. Pour tous les litiges fiscaux, la Cour EDH n'a pas été très claire au début. Elle a notamment rendu deux arrêts contradictoires. CEDH 23 octobre 1997 NTB c/ Royaume-Uni : elle estime que les garanties de l'article 6 sont applicables à une action en restitution de sommes versées indument au Trésor public (trop perçu d'impôt sur le revenu). En revanche, CEDH 20 avril 1999 Vidacar c/ Espagne : elle décide que l'article 6 ne peut être invoqué que dans les contestations relatives aux procédures fiscales. Plus précisément, elle estime que ces contestations n'ont aucun caractère privé et que l'article 6 n'a pas à s'y intéresser. Quelques temps après, elle confirme cette position en Grande chambre le 12 juillet 2001 Ferrazzini c/ Italie.S'agissant des juridictions françaises, le CE adopte une position similaire de celle de la CEDH. CE 26 novembre 1999. En revanche, l'assemblée plénière de la CK estime que les litiges fiscaux entrent dans le champ d'application de l'article 6§1. CK, ass pl 14 juin 1996. Cette position n'a pas évolué depuis.

B – La matière pénaleLa CEDH va devoir se prononcer sur la notion d'accusation en matière pénale. On se rend compte encore qu'il y a une notion à cerner et qu'à partir de cette définition, il y a également une extension.

1 – La notion d'accusation en matière pénaleConcernant le terme accusation, la CEDH en fait une notion autonome. Elle ne s'estime nullement tenue par les qualifications nationales. Le concept d'accusation doit s'entendre de la manière

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suivante : « la base juridique et factuelle des reproches formulés contre l'accusé et dont celui-ci doit être avisé ». Cette définition a été posée par un arrêt Deweer c/ Belgique du 27 février 1980.Deux précisions doivent être faites. D'abord, la CEDH décide que l'accusation commence avec la notification officielle émanant de l'autorité compétente du reproche d'avoir accompli une infraction pénale. Concrètement, l'accusation peut commencer avec l'ouverture d'une enquête préliminaire, une arrestation, une mise en examen... On peut considérer que toute la phase d'instruction doit présenter les garanties du procès équitable. Curieusement, il y a eu en France une résistance à cette vision des choses. On a parfois écarté l'application de l'article 6 pendant la phase d'instruction. Néanmoins, cette jurisprudence a évolué dans un arrêt du 29 avril 1996 : la chambre criminelle estime que l'article 6 s'applique de façon générale à la phase d'instruction sans aucune réserve.Ensuite, la CEDH admet que l'accusation puisse revêtir d'autres formes que les notifications officielles que l'on a vues à l'instant. Toute mesure impliquant au reproché d'avoir accompli une infraction pénale doit être considérée comme une accusation. L'exemple le plus parlant : la CEDH a admis qu'une assignation à comparaitre comme témoin peut suffire à qualifier l'accusation. CEDH 20 octobre 1997 Serves c/ France.

Quant à la manière pénale, la CEDH a adopté une conception autonome beaucoup plus large que la conception nationale. L'arrêt de principe CEDH 8 janvier 1976 Engel c/ Pays-Bas : cet arrêt fixe 3 critères à la matière pénale :

La qualification donnée par le droit interne de l'État en cause. La nature même de l'infraction. La nature et la gravité de la peine encourue.

Les deux derniers critères sont alternatifs et non cumulatifs.

La qualification donnée sur le plan interne : dans la jurisprudence

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de la CEDH, c'est un critère qui n'a pas de valeur décisive pour une raison très simple; la CEDH examine ce que dit l'État en cause. En effet, si les états peuvent à leur guise imposer leurs qualifications à la CEDH, cette dernière serait soumise à la volonté des états et cela n'aurait plus d'intérêt. Cela lui donne une indication pour sa décision, rien de plus. Pour autant, on peut avoir un fait qui n'est pas qualifié de pénal sur le plan interne et qui sera considéré comme pénal par la CEDH. L'inverse est aussi possible. Cette position a été adoptée par une décision du 28 octobre 1999 Escoubet c/ Belgique. : Mesure de retrait immédiat du permis de conduire insérée dans une loi pénale particulière. Pour autant, la CEDH n'avait pas retenu une infraction car le retrait était limité dans le temps (15j) et que ce retrait avait un caractère préventif.

La nature de l'infraction : ce critère n'a pas d'importance première également. Il n'a qu'une autorité relative. En principe, la nature du fait ou du comportement prohibé est apprécié par rapport à l'activité professionnelle de l'intéressé. Si ce fait ou ce comportement se rattache spécifiquement à sa profession, il y a de fortes probabilités qu'il soit intégré par la CEDH dans la matière disciplinaire non pénale. Toutefois, lorsqu'il ne se rattache pas à sa profession, on va l'intégrer à la matière pénale. Néanmoins, si le 3ème critère est présent (gravité de la peine), il peut y avoir requalification dans la matière pénale. Par exemple, les actes d'indisciplines d'un militaire : normalement, ils ne constituent pas une infraction pénale au sens européen et on les classe dans la matière disciplinaire non pénale. Néanmoins, lorsque la peine encourue est privative de liberté assez longue, il y aura bien souvent requalification dans la matière pénale.

La nature et la gravité de la peine encourue : c'est le critère fondamental. C'est essentiellement la sévérité de la sanction qui semble décisive. Ce n'est pas la sanction effectivement prononcée qui importe mais la sanction encourue. A cet égard, une peine

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privative de liberté est plutôt le signe du caractère pénal du comportement incriminé. Même chose pour une amende d'un montant très élevé. Là aussi, ce sont des tendances de la CEDH et non des principes invariables. Néanmoins, il faut préciser que la sévérité est appréciée par rapport au comportement puni et non par rapport à son quantum. On peut avoir une peine encourue qui est modique dans son montant mais très lourde comparée au comportement incriminé (500€ d'amende et 1 an de prison par exemple). Un arrêt CEDH 21 février 1984 Ozturk c/ Allemange : une peine encourue pour une infraction routière sanctionnée par une amende de 60 DM et cette amende pouvait être convertie en contrainte par corps en cas de non paiement. Dans ce cas, la CEDH a vu une peine relevant de la matière pénale.Ce critère est primordial mais pas toujours très lisible.

2 – L'extension du champ d'application de l'article 6§1 en matière pénale

Ces critères ont entrainé une forte extension du champ d'application de l'article 6 du fait de leur souplesse. La CEDH considère par exemple que les poursuites disciplinaires militaires doivent être soumises à l'article 6§1 comme faisant partie de la matière pénale. L'arrêt Engel c/ Pays-Bas est à retenir ici. La CEDH a étendu cette solution à la répression disciplinaire pénitentiaire dans un arrêt Campbell c/ Royauime-Uni du 28 juin 1984. Cela a suscité en France une certaine réticence. Les jurisprudences Campbell et Engel ne sont pas étrangères au revirement du CE concernant les sanctions disciplinaires infligées aux militaires et en matière pénitentiaire. Jusqu'en 1995, la jurisprudence était claire et sévère puisqu'on considérait que ces sanctions étaient des mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Le CE a modifié sa jurisprudence par 2 arrêts d'assemblée du 17 février 1995 en estimant de manière assez large que les sanctions pénitentiaires entrent dans la matière pénale au sens européen du terme. CE 17 février 1995 Marie et Ardouin. Néanmoins, les sanctions les moins contraignantes continuent à

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être considérées comme des mesures d'ordre intérieur. CE 8 décembre 2002 Frérot : refus d'acheminer du courrier d'un détenu à un autre.

Autre contentieux : celui des sanctions administratives. En effet, le juge interne a progressivement cédé à une sorte de mouvement de pénalisation des sanctions administratives. Cela a été initié par le juge européen. Dorénavant, la jurisprudence est unanime pour considérer ces sanctions au sens pénal européen. Le juge constitutionnel va dans le même sens avec CC 30 décembre 1987 et CC 29 décembre 1989 qui estiment clairement que toutes sanctions ont la caractère d'une punition. Les sanctions administratives peuvent présenter un caractère répressif.

Aussi, les majorations fiscales prononcées par l'administration : le CE y voyait une sanction purement administrative n'entrant pas dans la matière pénale. CE 12 avril 1992 Hade et compagnie. La CEDH avait estimé que ces majorations fiscales ont un caractère essentiellement punitif. Dans un arrêt CEDH 24 février 1994 Bendemoun c/ France, elle estime que les garanties de l'article 6 doivent être appliquées à cette matière. Dans cet arrêt, la CEDH a eu le mérite de présenter 4 facteurs de rattachement des sanctions fiscales à la matière pénale :

Les majorations d'impôts ne tendent pas à la réparation d'un préjudice pécuniaire mais à punir et à empêcher la réitération d'agissements semblables.

Ces majorations se fondent sur une norme de caractère général dont le but essentiellement répressif.

Ces majorations sont généralement sévères dans leur montant et elles exposent éventuellement le contribuable à la contrainte par corps.

Les dispositions des codes nationaux qui prescrivent ces sanctions concernent en général tous les citoyens en leur qualité de contribuables et non à un groupe précis

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d'individus.

Peu de temps après cet arrêt Bendemoun, Le CE s'est rangé globalement à l'avis de la CEDH. CE 31 mars 1995 et CE 5 avril 1996. La chambre commerciale de la CK a fait de même dans un arrêt du 29 avril 1997 : elle écarte un article du CGI sur le fondement de l'article 6.Cette jurisprudence va également viser de manière générale toutes les sanctions prises par les autorités administratives indépendantes (AAI).

§2 – La portée et l'influence de la CESDH en droit processuel

Il faut déterminer dans quelle mesure les différentes stipulations s'imposent aux particuliers et aux états. Mais on ne peut pas se contenter de cette première approche. Au-delà de la portée directe de la CESDH, elle a une influence bien plus importante notamment par le biais de la jurisprudence de la CEDH.

A – La portée de la CESDH Si on se fonde sur la Convention, les choses sont obscures « La CESDH constitue un instrument constitutionnel de l'ordre public européen ». A l'évidence, rien à voir avec le terme constitutionnel en droit interne. Ici, la CESDH est présenté comme l'outil de base d'une protection des droits et libertés sur le plan européen. La portée de la CESDH doit être définie à l'égard de l'État et des particuliers.

La portée de la Convention à l'égard des états : la CEDH affirme qu'en droit processuel, les états contractants ont une obligation de résultat pour assurer la garantie d'un procès équitable. Dans un arrêt du 10 juillet 1984 Guincho, la CEDH a énoncé la chose suivante : « Il incombe aux états contractants d'agencer leur système judiciaire de manière à leur permettre de répondre aux exigences de l'article 6 ». Dans d'autres domaines, les états ne sont

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tenus que par une obligation de moyens (comme la liberté de manifestation). La CEDH a aussi précisé que les états doivent satisfaire à leurs obligations par des mesures positives. Plusieurs exemples peuvent illustrer cette jurisprudence. CEDH 13 mai 1980 Artico c/ Italie : la Cour a estimé que les états contractants ont l'obligation d'améliorer l'accès à l'assistance gratuite d'un avocat commis d'office (acte positif).

La portée de la Convention à l'égard des particuliers : en principe, la CESDH ne concerne pas les rapports entre les particuliers mais entre particuliers et autorités publiques état. C'est l'effet vertical de la Convention. Par conséquent, on a toujours considéré que la CESDH ne produisait pas d'effet horizontal. Elle n'a pas vocation à régir les relations des particuliers entre eux. D'ailleurs, lorsqu'on se penche sur le texte lui-même, on voit que les clauses sont toutes rédigées dans une perspective d'effet vertical. En particulier, les clauses qui visent les conditions d'accès à la CEDH : ces textes fixent les conditions dans lesquelles un particulier peut agir contre un état partie. Dans ces clauses, il est clairement prévu que le défendeur doit être un état partie à la CESDH.Néanmoins, il semblerait que depuis une 20aine d'années, les choses évoluent. Pour certains auteurs, la CEDH produit un effet horizontal si on s'intéresse à ce qui se passe devant le juge national. Le juge national a pour mission de faire respecter la légalité de la CESDH dans son pays. Ce juge va faire respecter cette légalité aussi bien lorsqu'un conflit oppose un état à un particulier que quand un conflit oppose directement des particuliers entre eux. On a bien lien une relation horizontale sur le plan national. Par exemple, la 1ère ch civ de la CK dans un arrêt du 6 mars 1996 a décidé que les clauses d'un bail d'habitation ne peuvent, en vertu de l'article 8 de la CESDH, avoir pour effet de priver le preneur de la possibilité d'héberger ses proches. L'article 8 de la CESDH est consacré au respect de la vie privée et familiale. Plusieurs décisions vont dans ce sens depuis cet arrêt.Pour l'instant, il n'y a pas de décision notable concernant la

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procédure (article 6§1). Néanmoins, on peut imaginer à terme que des décisions similaires apparaissent. La garantie du procès équitable vise les personnes privées aussi bien que les personnes publiques. D'ailleurs, la jurisprudence de la CEDH semble militer quant à l'applicabilité horizontale de la CESDH. Dans une décision du CEDH 26 mars 1985 X et Y c/ Pays-Bas, la Cour a jugé que les obligations positives des états peuvent impliquer l'adoption de mesures visant le respect de la vie privée jusque dans les relations des individus entre eux. Cette décision n'a pas été reprise depuis mais elle a le mérite d'exister.

B – L'influence de la CESDHLa CESDH exerce une influence certaine en droit processuel par son contenu. Les états sont tenus à faire les efforts nécessaires pour adapter ce contenu à leur droit interne et à respecter les standards dégagés par la CEDH. Dans la seconde partie du cours, on s'intéressera à l'influence sur le contenu du droit interne.Au-delà de cela, la CESDH exerce une influence par l'interprétation qu'elle autorise à la CEDH dans ses arrêts qui a une très grande marge de manœuvre ainsi que par les pouvoirs importants conférés au juge national. La CESDH est un instrument de pouvoir aussi bien pour la CEDH que pour le juge national.1 – La Convention, un instrument de pouvoir pour la CEDHComprendre en quoi la Convention est un instrument de pouvoir revient à analyser 2 choses :

A analyser la force des arrêts qui sont rendus par la CEDH. A s'intéresser à l'autorité réelle de ces arrêts. Il y a un fossé

entre l'effet juridique annoncé et l'effet réel.

a) Les effets juridiques des arrêts de la CEDHComme tous les actes juridictionnels, les arrêts de la CEDH sont revêtus de l'autorité de la chose jugée. Lorsqu'un arrêt est définitif, il n'y a plus de possibilité de réexamen ni de contestation possible. Toutefois, cette autorité de chose jugée est relative. Elle ne vaut

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pas erga omnes. En effet, l'article 46 alinéa 1er de la CESDH prévoit « Les hautes parties contractantes s'engagent à se conformer aux décisions de la CEDH dans les litiges auxquelles elles sont parties ». Cela signifie que les arrêts n'obligent que les parties au litige et pour le seul cas tranché. En droit national, les jugements rendus ont autorité de chose jugée mais opposables au tiers.En outre, les arrêts de la CEDH qui ont constaté une violation de la Convention ne valent pas titre exécutoire sur le territoire des états défaillants. Leur exécution dépend des états eux-mêmes. En droit national, le jugement vaut titre exécutoire pour des raisons évidentes. L'état qui est condamné est en fait tout à fait libre d'agir ou ne pas agir en pratique. Dans la CESDH, il est stipulé que l'état doit prendre es mesures individuelles qui corrigent la situation dans le cas d'espèce. En revanche, il reste libre de prendre ou ne pas prendre des mesures générales qui dépassent ce cas d'espèce.

S'agissant des mesures individuelles, La CESDH prévoit que l'état doit prendre des mesures appropriées afin de remettre les choses en l'état antérieur à la violation. En principe, l'état doit corriger la violation par une restitution dans son intégralité. Souvent, cette remise en état n'est plus possible ou n'est pas possible. L'obligation se matérialise alors par une réparation par équivalent sous la forme d'une indemnité. On a considéré que cette réparation pouvait aussi passer par la mise en œuvre d'une procédure spécifique qui va permettre la réformation de l'acte juridictionnel déclaré non conforme à la CESDH. L'idée est de fournir une réparation par le réexamen de certaines affaires au niveau interne. On s'est rendu compte que la réouverture d'une procédure judiciaire peut être un moyen plus efficace, voire le seul moyen possible pour assurer une réparation effective telle exigée par la CESDH. En France, cette procédure est assez méconnue même si des cas existent. En effet, la loi du 15 juin 2000 renforce la présomption d'innocence en instaurant une procédure de réexamen des procédures pénales définitives et qui sont jugées

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contraires aux standards de la CEDH. Article 626 indice 1 à 626 indice 7 : le condamné, ses ayant droits, le ministère public, le ministre de la justice peuvent demander dans le délai d'un an à compter de la décision rendue par la CEDH, le réexamen de la décision pénale interne. La condition de ce réexamen est que la constatation du juge européen entraine pour le condamné des conséquences dommageables très fortes qui ne pourraient pas être réparées par la satisfaction de l'article 41 CESDH. C'est une commission juridictionnelle composée de 7 magistrats de la CK qui examinent cette demande de réouverture. Si cette commission estime que l'affaire doit être réexaminée, elle dispose de 2 solutions :

Elle va être de nature à remédier à la violation constatée par la CEDH. Dans cette hypothèse, l'affaire est renvoyée à l'assemblée plénière de la CK.

La commission peut estimer que la CK ne peut pas remédier au problème. Dans ce cas, elle renvoie l'affaire devant une juridiction de même ordre et de même degré que celle qui a rendu la décision qui a suscité le litige.

La première application de ce dispositif date du 4 octobre 2000 (assemblée plénière).

S’agissant des mesures générales :L'état visé par une condamnation doit aussi prendre des mesures d'ordre général. Il a obligation de modifier sa législation pour être conforme avec CEDH. Dans un arrêt VERMER c/ Belgique du 29 Novembre 1991 : l'état visé ne devait pas différer trop longtemps cette adaptation législative.

Au final, les effets juridiques des arrêts de la CEDH sont assez limités concrètement. En revanche, l'autorité de ces décisions dépasse largement le cadre restreint de cette stricte portée juridique.

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Il a été prévu un protocole additionnel à la CEDH formalisé en Mai 2004 sur le plan de la procédure. C’est le protocole n° 14 qui devait être signé par tous les Etats membres mais la Russie avait refusé. Toutefois, le 15 Janvier 2010 tous l’ont signé.Ainsi fut mise en place le recours en manquement contre les Etats sanctionnés qui ne font rien par exemple auprès du comité des ministres (organe politique du Conseil des ministres) qui va actionner ce recours pour une bonne exécution des décisions. Après il pourra saisir la CEDH pour sanctionner le manquement mais le défaut de la procédure reste faible quant aux conséquences car il n’y a pas d’astreinte, ni de sanction pécuniaire. Ce protocole 14 est donc du droit prospectif. Les arrêts de la CEDH ont une faible portée car peu contraignants. Au plan politique, ces arrêts ont une certaine autorité.

b) L'autorité des arrêts de la CEDHOn va se demander quelle est la portée réelle des arrêts au-delà des cas tranchés. La question se prolonge à une autre, celle de l'effet d'un arrêt sur un état par rapport aux autres états parties à la CESDH. L'autorité de la chose jugée n'est que relative en principe : elle ne vise que le cas d'espèce uniquement.La CEDH a développé une jurisprudence plus fine CEDH 18 janvier1978 Irlande c/ Royaume-Uni : « plus largement, vise à clarifier, à sauvegarder et à développer les normes de la Convention ». Les arrêts de la Cour contribuent de la sorte au respect par l'ensemble des états des engagements qu'ils ont contracté. Une partie importante de la doctrine a considéré que les décisions de la CEDH avaient une autorité de la chose interprétée. On parle aussi de l'effet immédiat des arrêts de la CEDH.

L'autorité de la chose interprétée sur le législateur national : en opportunité, il est clair que les états n'apprécient pas d'être condamnés par la Cour de Strasbourg. Sur le plan de la

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psychologie, cela peut les inciter à se mettre en conformité. Sur le plan concret, les états signataires sont tenus de respecter le texte. Les états modifient en général rapidement leur législation suite à une condamnation de la Cour. Par exemple, la loi du 3 décembre 2001 faisant suite à la condamnation de la France (arrêt Mazurek 1er février 2000). Autre exemple, la loi du 10 juillet 1991 sur la confidentialité des écoutes téléphoniques suite à la condamnation de la France (arrêts Huvig et Kruslin). On voit à travers ces exemples que la CEDH impose sa volonté aux états parties.Certains auteurs sont allés encore plus loin en estimant qu'en interprétant la CESDH, la CEDH créée le droit en incitant le législateur national à modifier sa législation. Ils ont comparé la CEDH à une sorte de législateur de fait.

L'autorité de la chose interprétée sur les juridictions nationales : si le législateur subit l'influence de la CEDH, il en est de même pour le juge. Les juridictions nationales sont souvent amenées à adapter spontanément leurs pratiques processuelles à la suite d'un arrêt rendu par la CEDH. En particulier lorsque ces arrêts visent la notion de procès équitable. La question est de savoir si les juridictions nationales ont l'obligation de le faire ? Selon la CEDH, la réponse est affirmative. En effet, la CEDH l'a répété dans plusieurs décisions : la Cour considère que la décision donnée dans un cas donné est valable pour toutes les affaires qui montrent des faits similaires. Cette obligation ne s'impose que si la solution dégagée par la CEDH est précise et complète (Cour EDH 29 novembre 1991 Verneire c/ Belgique et Cour EDH 22 février 1994 Vallée).Qu'en est-il de la réception de cette jurisprudence par les juridictions nationales ? Concrètement, on peut dire que la réception de la théorie de la chose interprétée est assez contrastée en France. Il y a effectivement eu certaines juridictions de fond qui n'ont pas hésité à appliquer directement les solutions dégagées par la CEDH. En revanche, il y a une résistance tout à fait nette et compréhensible de la part des juridictions supérieures. Le CE

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estime qu'il faut limiter strictement aux parties la portée de la chose jugée par la CEDH. Quant à la CK, la jurisprudence n'est issue que de la chambre criminelle (3 février 1993 et 4 mai 1994) : la jurisprudence de la CEDH est sans incidence sur la validité des procédures de droit interne à suivre.Par ailleurs, la CK n'hésite pas à entrer en conflit avec la CEDH. Par exemple, CEDH 4 décembre 1995 Bellet c/ France et CEDH 10 octobre 2000 Lagrange c/ France. Il s'agissait de personnes hémophiles transfusées et contaminées par cette occasion par le virus du sida. En France, on proposait l'accès à un fond d'indemnisation. Si une victime obtenait une indemnisation par le biais du fond ne pouvait plus obtenir réparation en allant voir le juge judiciaire. La CEDH a condamné la France pour cette méthode qui concerne l'article 6§1. Comme déjà précisé, le juge du fond est bien plus conciliant car cela accroit ses pouvoirs. Il arrive même qu'il soit plus rapide que le législateur à se conformer aux arrêts de la CEDH. 2 mai 200O TGI de Montpellier : la décision Mazurek tombe et la France est condamnée. Le législateur n'a réagi que le 3 décembre 2001. Sur ce cas, le juge du fond adapte sa décision à l'arrêt Mazurek avant même que le législateur prenne des mesures.

2 – La Convention, un instrument de pouvoir aux mains du juge nationalLa CESDH est un instrument de pouvoir aux mains du juge national car elle est d'application directe. En vertu de l'article 55 de la Constitution, la Convention a une autorité supérieure à celles des lois ordinaires. La Cour de cassation comme le CE admettent suprématie des engagements internationaux de la France sur la loi interne. La CK adopte cette position dans un arrêt de chambre mixte 24 mai 1975 Jacques Vabre. Le CE adopte une position similaire par l'arrêt Nicolo. En revanche, le CC n'assure pas le respect des traités internationaux en général lors du contrôle de constitutionnalité des lois. Il reconnaît que ses traités ont une autorité supérieure à la loi mais ne les intègre pas à son bloc.

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Le contrôle de conventionalité des lois est limité aux normes qui n'ont pas de valeur constitutionnelle. Le CE l'a affirmé dans son arrêt Sarran 30 octobre 1998. La Cour de cassation adopte la même solution, assemblée plénière 2 juin 2000 Fraisse.

La jurisprudence française fait donc échapper les lois constitutionnelles au champ d'application de l'article 55 de la Constitution. Clairement, un juge ne peut pas écarter une disposition constitutionnelle au nom de la primauté de la CESDH. L'explication de cette impossibilité est variable en doctrine. Pour certains, c'est simplement la supériorité de la Constitution sur la CESDH. Pour d'autres, il ne s'agit pas d'une application de la théorie de la hiérarchie des normes mais simplement d'une réflexion en termes de compétences juridictionnelles. Leur position peut simplement d'expliquer par le fait que l'une et l'autre de ces juridictions n'ont pas la compétence nécessaire pour écarter une disposition constitutionnelle face à une norme conventionnelle.

Même si les dispositions constitutionnelles sont soustraites du champ d'application de l'article 55, ce texte offre au juge national la possibilité de remettre en cause un texte législatif interne comme étant non conforme à la CESDH. Malheureusement, ce pouvoir accordé au juge est en pratique très peu utilisé. Pourquoi cette position ? Cela peut s'expliquer par le manque de formation des juges français. Aussi, le problème de l'application de la théorie de la hiérarchie des normes est très fort en France.

§3 – Les relations entre la Convention et le pacte de New York

La CEDH n'hésite jamais à utiliser le droit international qu'il soit coutumier ou écrit. Elle le fait lorsque la CESDH est trop floue. Par exemple, elle l'a fait pour affirmer le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination. Ce droit n'existe pas dans l'article 6§1. Cela fait partie du noyau dur des garanties de l'article

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même s'il n'est pas envisagé par cet article. Pour la CEDH, ce droit particulier est une norme internationale généralement reconnue. C'est un droit issu du droit processuel international coutumier (CEDH 8 février 1996 Murray c/ Royaume-Uni). Tout à fait logiquement, la CEDH peut être amenée à viser ponctuellement des dispositions du pacte de New York.

La question qui se pose est de connaître l'articulation de ces 2 outils ? La France est tenue à la fois par le pacte de 1966 et par la CESDH. On s'est demandé s'il n'y aurait pas des problèmes de conflit entre ces outils. L'idée qui a prévalu est non pas d'opposer les textes mais de les coordonner, de les rendre complémentaires. Dès lors, il n'est pas rare de voir les juge se référer conjointement à l'article 6§1 de la CESDH et à l'article 14 du pacte de New York. L'article 53 de la CESDH incite à cette complémentarité. Il est impossible alors que l'article 6§1 écarte l'article 14 du pacte de New York.

Aussi, on a voulu éviter la confrontation du Comité des droits de l'Homme et la CEDH. On a voulu éviter que le Comité des droits de l'Homme ne devienne pas une cour d'appel des décisions de la CEDH. Pour ce faire, on a proposé aux états signataires des 2 outils d'adhérer à un protocole facultatif qui va faire obstacle à la compétence du Comité lorsqu'une affaire est en cours ou a été examinée devant une autre instance internationale.Pour les états non signataires, rien ne leur interdit d'aller devant le Comité postérieurement à l'examen de la CEDH.La difficulté pour les états signataires était de savoir ce qu'était « une même affaire ». Ce sont des critères habituels en procédure : identité de parties, identité d'objets, identité de causes (triple identités).

Section II – Les sources communautaires du droit processuel

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Le droit communautaire envahit de plus en plus le droit interne. Le droit processuel reste une matière nationale. Par ailleurs, le droit communautaire n'a que peu de chose à faire du droit processuel. On peut donc considérer que le droit du procès n'est pas très touché par le droit communautaire au final.Lorsqu'on se penche sur les traités (CECA, EURATOM, Maastricht), on a des problèmes politiques ou économiques avant tout mais presque rien en matière judiciaire.Le 7 février 1992, dans le traité de Maastricht, il y a effectivement une disposition qui vise à faciliter la coopération judiciaire étroite entre les états membres de ce traité. Cette volonté a été amplifiée avec le traité d'Amsterdam le 2 octobre 1997. On a une volonté avérée de mettre en place un système de coopération judiciaire et de protection des droits fondamentaux sur le plan communautaire.

Parallèlement, la CJCE va commencer à développer une jurisprudence sur les grands principes fondateurs du droit processuel. Tous les apports réels du droit communautaire se concentrent essentiellement en procédure pénale. Cela est moins effectif en matière civile.

§1 – Le droit processuel communautaire des directives et règlements

Selon l'article 249 du traité CEE, le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et applicable dans tous les états membres dès sa publication au journal officiel des communautés.A l'inverse, les directives n'obligent pas les états signataires. Elles fixent un résultat à atteindre et les états sont tenus de transposer la directive en droit interne dans un délai donné. Néanmoins, la CJCE a précisé que même si une directive n'a pas été transposée, elle peut être invoquée directement par un justiciable devant un juge national lorsque ses dispositions sont suffisamment précises et inconditionnelles (effet direct de substitution).

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Reste à savoir si des règlements et directives intéressent directement le droit processuel. A l'heure actuelle, il n'y a aucune directive générale qui concerne la procédure. Cependant, certaines directives comportent des éléments indirects. En vertu de la directive du 5 avril 1993 visant la protection des consommateurs, l'article 5 prévoit que le juge national doit soulever d'office le caractère abusif d'une clause. En revanche, en matière de règlements, il y a eu une très nette évolution. Certains concernent en leur entier la procédure. Par exemple, le règlement du 21 avril 2004 met en place le titre exécutoire européen. Autre exemple, le règlement du 11 juillet 2007 créée une procédure de règlement des petits litiges transfrontaliers.

§2 – Le droit processuel communautaire des instruments de coopération

Distinction entre matière civile et matière pénale.

A – En matière civileIl y a 3 grands textes qui peuvent être pris en compte. :

Le traité d'Amsterdam : entré en vigueur le 1er mai 1999, il vise la mise en place d'une coopération en matière civile et commerciale. Pour favoriser la coopération, on trouve l'idée qu'il faut améliorer et simplifier la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires. Pour autant, il n'y a pas de procédure précise, juste une volonté. Aussi, on trouve le souhait de prévenir les conflits de lois et les conflits de compétences par l'amélioration de la compatibilité des règles. Le traité d'Amsterdam est très important par ses déclarations de principe car il annonce les changements à venir.

Le règlement de Bruxelles du 27 septembre 1968 : il vise la compétence judiciaire et l'exécution des décisions de justice en matière judiciaire et commerciale. Ici, toute une procédure

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est écrite. C'est un règlement qui va constituer l'essentiel du droit processuel communautaire en matière civile.

Le règlement de Bruxelles II : signée le 28 mai 1998. Suivie du règlement Bruxelles II bis en 2000. Elle étend les mécanismes du règlement de Bruxelles de 1968 au divorce. Le règlement de Bruxelles II a été transformé en règlement le 29 mai 2000, ce qui lui donne une applicabilité très efficace.

B – En matière pénaleProgressivement, l'Europe communautaire a mis en place des systèmes de coopération en matière pénale. Ces instruments ont permis de déboucher sur des actions concrètes par des conventions d'extradition ou des conventions d'entraide. Par exemple, la convention du 10 mars 1995 concernant la procédure simplifiée d'extradition simplifie les règles lorsque la personne consent à son extradition. Le but est de faciliter les procédures.

§3 – Le droit processuel communautaire issu des instruments de protection des droits et libertés fondamentaux

Très tôt, la CJCE a construit une jurisprudence qui fait du droit communautaire issu des traités fondateurs une véritable source du droit processuel (aussi bien au civil qu'au pénal). Par la suite, les traités de Maastricht et Amsterdam ont orienté davantage la tendance de favoriser la protection des droits et libertés fondamentaux.Cette idée a été concrétisée par 2 Conseils européens de Cologne et Tampere en 1999. Ces deux Conseils ont mis en place la création d'une Charte des droits fondamentaux.

A – Le droit processuel communautaire dans l'interprétation des traités fondateurs par la CJCE

La CJCE ne s'est pas contentée d'un simple rôle d'application du droit communautaire. Elle a tiré le prétexte du flou de certains articles des traités fondateurs pour leur donner une portée bien

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précise. Il faut distinguer si cela concerne toute la matière communautaire ou si cela concerne la matière pénale ou civile.

Pour la matière communautaire, la CJCE a très tôt appliqué les traités fondamentaux de la CESDH. Elle le fait au titre des principes généraux du droit communautaire. Elle estime en effet que les principes généraux du droit communautaire trouvent leur consécration dans les articles 6 à 13 de la CESDH. CJCE 12 novembre 1969 Stauder : la CJCE s'approprie en réalité la CESDH et notamment son article 6. Elle va même parfois plus loin en se référant aussi à la jurisprudence de la CEDH.

En matière civile, la CJCE a donné au principe de non discrimination en raison de la nationalité une portée considérable en droit processuel. Exemple, CJCE 26 septembre 1996 : la législation suédoise exigeait des ressortissants non-suédois qu'ils fournissent une sûreté de paiement quand ils étaient engagés dans un procès en Suède. La CJCE estime que cette pratique est contraire au principe de non discrimination dans le libre accès à la justice en se fondant sur l'article 12 du traité CEE.

En matière pénale, le droit communautaire n'intervient pas en principe. La CJCE rappelle ce principe régulièrement comme le 14 décembre 1995 Banchero : elle affirme qu'en principe, la législation pénale et la procédure pénale relèvent de la compétence des états membres. Malgré cela, la CJCE affirme aussi qu'on ne doit pas en déduire que la matière pénale ne peut pas être affectée par le droit communautaire.Effectivement, la CJCE a été amenée à apprécier la validité des règles de procédures pénales internes au regard des principes essentiels contenus dans les traités fondateurs (en particulier au regard de l'article 12 traité CEE déjà évoqué). Autre exemple, dans une décision CJCE 24 novembre 1998, une disposition procédurale du droit italien posait problème. Les ressortissants italiens parlant une autre langue que l'italien pouvaient utiliser leur

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langage lors d'une procédure pénale. En revanche, une possibilité équivalente n'était pas accordée aux ressortissants de la CE. La CJCE sanctionne cette discrimination.

B – Le droit processuel dans la Charte des droits fondamentaux

Les Conseils européens de Cologne et Tampere de 1999 ont débouché sur une décision importante sur l'avenir de la Communauté européenne en matière de droits de l'Homme. Lors de ces Conseils, il a été décidé qu'il était nécessaire d'établir une Charte des droits fondamentaux pour l'ensemble des citoyens de l'UE.Cette Charte voulue en 1999 a été signée à l'occasion du Conseil européen de Nice le 7 décembre 2000. C'est un accord interinstitutionnel qui contraint les états de se lier sur un plan politique. La Charte a connu une évolution surprenante. Initialement, elle a été annexée au projet de Constitution européenne. Le 29 mai 2005, le référendum français a donné une réponse négative. Néanmoins, le traité de Lisbonne a été proposé et signé le 13 décembre 2007. Dans le traité de Lisbonne lui-même, l'article 6 qui reprend l'intégralité de la Charte des droits fondamentaux. En France, on est passés par la voir réglementaire pour avaliser ce traité. Cependant, les irlandais ont répondu non à 54% des voies. C'est la situation actuelle. La Charte n'est toujours pas activée.

TITRE SECOND – LES SOURCES FRANCAISES CONSTITUTIONNELLES

Une grande partie de la doctrine a souligné le phénomène

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croissant de constitutionnalisation du droit en général et du droit processuel en particulier. En effet, la mission du CC a évolué depuis sa création. De simple régulateur de compétence, le CC devient le gardien des droits et libertés contenus dans la Constitution. Le droit constitutionnel moderne n'est plus limité à ce qui concerne les institutions politiques. Il a également pour objet la protection des droits et libertés fondamentaux. C'est en ce sens qu'on peut évoquer un phénomène de constitutionnalisation du droit processuel. Tout procès, quelle que soit sa nature, doit être mené dans le respect des droits fondamentaux protégés par le CC.

Chapitre I – La constitutionnalisation de la matière pénale

La constitutionnalisation de la matière pénale concerne en premier lieu la procédure pénale. C'est logique dans la mesure où les sources de la procédure pénale sont de nature législative et sont donc soumises au contrôle de constitutionnalité. Néanmoins, la procédure pénale n'est pas la seule branche de la matière pénale qui soit concernée. On peut également constater une constitutionnalisation du droit administratif répressif. Cela signifie que toutes les procédures suivies devant les autorités administratives doivent respecter les normes constitutionnelles (droit de la défense, présomption d'innocence par exemple). Le CC s'est expressément exprimé en ce sens dans une décision du 17 janvier 1989 CSA.

Section I – La constitutionnalisation de la procédure pénale

Une partie des règles de la procédure pénale résulte de la loi. Elles peuvent être potentiellement soumises au contrôle du CC. Il ne faut pas imaginer qu'il n'y a pas de règlements en procédure

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pénale. En effet, on constate que 3 des grandes parties du Code de procédure pénale sont constituées de textes réglementaires. L'explication résulte justement d'une interprétation donnée par le CC qui vise la réparation des compétences entre Parlement et pouvoir réglementaire au regard des articles 34 et 37 de la Constitution. En effet, il est prévu dans l'article 34 que la compétence est donnée au Parlement pour fixer les règles de la procédure pénale. Quant à l'article 37, il fixe le pouvoir réglementaire et ne vise pas la procédure pénale comme relevant de cette compétence. Pourtant le CC, dans une solution du 27 novembre 1959, a précisé que quelle que soit la matière concernée, rien n'empêche le pouvoir réglementaire d'exécution d'intervenir pour fixer des règles de détail. Ainsi, cette jurisprudence du CC a été interprétée comme fondant le pouvoir réglementaire en matière de procédure pénale.La réparation de compétences entre Parlement et Gouvernement obéit à une distinction « mise en cause » et « mise en œuvre ». Pour la « mise en cause », la compétence est législative. Pour toutes les dispositions qui mettent en œuvre les règles de procédure pénale, cela concerne le pouvoir réglementaire.

Le CC, en se saisissant de cette répartition, a successivement infirmé la compétence exclusive du législateur dans certains domaines. Par exemple, le CC a affirmé la compétence exclusive du législateur dans l'instauration de la collégialité dans des formations de jugement. Il s'agit d'une matière éminemment législative. Même chose pour déterminer les agents ou les catégories d'agents habilités à constater les infractions pénales.

Aussi, il y a une constitutionnalisation qui va se faire par le dégagement de grands principes processuels ayant une valeur constitutionnelle. Ainsi, le CC a affirmé le caractère constitutionnel du droit de la défense. Également, il en est de même pour la présomption d'innocence. Le CC affirme aussi la valeur constitutionnelle du double degré de juridiction. Enfin, le

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CC donné des décisions extrêmement détaillées qui ont matérialisé une emprise réelle du droit constitutionnel sur la procédure pénale.

Par exemple, suite à la loi du 30 décembre 1996 sur les perquisitions de nuit, le CC avait été saisi pour examiner sa constitutionnalité. Dans une décision du 16 juillet 1996, le CC va rendre une solution très détaillée montrant son rôle directif en matière de procédure pénale. Dans cette décision, le CC détermine les conditions dans lesquelles les perquisitions peuvent être exceptionnellement autorisées.

Le CC procède en 3 temps : Il reconnaît la validité des perquisitions aux yeux de la

Constitution, Il ajoute 3 réserves d'interprétation : La nullité qui sanctionne

le dépassement de l'autorisation de perquisition doit être d'ordre public. Le CC insiste sur le fait que les nécessités de l'enquête doivent être interprétées très restrictives. Les perquisitions et saisies autorisées devront être réalisées sans délai.

Le CC a censuré la loi en ce qu'elle prévoyait que le Parquet pouvait aussi autoriser ces perquisitions.

Cette décision illustre de façon caractéristique la constitutionnalisation de la procédure pénale.

Section II – La constitutionnalisation de la procédure administrative répressive

Le CC a adopté la même conception que la CEDH s'agissant de l'étendue de la matière pénale. Précisément, dans une décision du 30 décembre 1981, elle a procédé à cette assimilation. Le CC l'a fait en matière fiscale en considérant que les sanctions fiscales

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ayant un caractère punitif doivent être envisagées comme des sanctions pénales.

Par la suite, le CC a admis qu'un pouvoir répressif pouvait être confié à des autorités non juridictionnelles. Le CC a adopté une décision marquante du 17 janvier 1989 CSA : « La loi peut, sans qu'il soit porté atteinte au principe de séparation des pouvoirs, doter une autorité indépendante de pouvoirs de sanction. ». Dans cette décision, le CC fixe 4 séries de conditions aux autorités indépendantes :

La sanction ne peut pas être privative de liberté mais doit être pécuniaire.

Le pouvoir de sanction doit s'exercer dans la limite nécessaire à l'accomplissement de la mission de l'autorité. On insiste sur le caractère exceptionnel de ce pouvoir.

Il appartient au législateur d'assortir ce pouvoir de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis (droit de la défense surtout).

Une sanction administrative de nature pécuniaire ne peut jamais se cumuler avec une sanction pénale.

Une chose est sûre : l'influence du droit constitutionnel est indéniable sur la procédure pénale. Il y a-t-il un phénomène équivalent en matière civile ?

Chapitre II – La constitutionnalisation en matière civile

La notion de matière civile relève de la conception européenne. Cette matière civile peut relever aussi bien de la compétence des juridictions judiciaires traditionnelles que des juridictions administratives. Il faut nécessairement 2 éléments : la

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constitutionnalisation de la procédure administrative et la constitutionnalisation de la procédure civile.

Section I – La constitutionnalisation de la procédure administrative

C'est la compétence législative qui va déclencher le contrôle de constitutionnalité. La difficulté ici est qu'il n'y a pas de référence expresse de la Constitution qui réserve au pouvoir législatif le domaine de la procédure administrative. Néanmoins, il résulte du droit positif que la compétence législative dans ce domaine est affirmée à 3 égards :

Seul le législateur peut modifier la répartition de compétence entre les 2 ordres de juridiction. En effet, la séparation des autorités administratives et judiciaires appartient au domaine des garanties fondamentales reconnues aux citoyens pour l'exercice de leurs libertés publiques. CE 30 mars 1962 Association nationale de la meunerie.

La création d'un nouvel ordre de juridiction relève de la seule compétence législative (art 34 de la Constitution). Cette notion de création d'un nouvel ordre de juridiction est entendue de façon très large par la jurisprudence constitutionnelle et administrative. Le législateur peut fixer sa compétence, sa composition et le cadre général de son organisation.

Seul le législateur peut modifier les principes généraux de la procédure qui présentent le caractère de principes généraux du droit. Par exemple, seul le législateur est habilité à intervenir sur le principe du contradictoire ou du respect des

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droits de la défense.

La difficulté à l'heure actuelle est qu'il n'y a aucune décision notable sur la constitutionnalisation de la procédure administrative.

Section II – La constitutionnalisation de la procédure civile

A priori, le CC ne devrait pas s'intéresser à la procédure civile. Les fameux articles 34 et 37 de la Constitution opèrent une répartition qui fait de la procédure civile une matière relevant du pouvoir réglementaire. Pas de contrôle de constitutionnalité en théorie donc. C'est le raisonnement de certains auteurs qui sont souvent des civilistes et non des processualistes. Il semble que cette analyse est superficielle, se fondant uniquement sur les textes sans chercher quelconque interprétation.

Néanmoins la procédure civile fait l'objet d'une constitutionnalisation qui est à la fois directe et indirecte.

En premier lieu, la constitutionnalisation directe de la procédure civile. Elle s'est opérée par l'intervention du CC qui va réintégrer volontairement toute une partie de la procédure civile dans le champ d'application de l'article 34 de la Constitution. Ainsi, le législateur a donc compétence en procédure civile. D'abord, le CC procède de la sorte pour des règles relatives à certains domaines qu'il estime relever de la compétence du législateur. Par exemple, le législateur est le seul compétent pour fixer les règles du recours en cassation. Ensuite, le CC réintègre dans le champ de l'article 34, toutes les règles de procédures civiles qui mettent en cause les droits de la défense.Enfin, dans une décision du CC 30 juillet 1982, le CC considère

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que l'extension du domaine législatif en matière de procédure est potentiellement illimitée. Dans cette décision, le CC précise que le non respect des règles de répartition ne constitue pas une cause d'inconstitutionnalité de la loi. Le CC autorise donc le législateur à intervenir dans le domaine réglementaire sans être sanctionné. Cette décision est évidemment très critiquée. Le législateur use donc de ce possibilité à plusieurs reprises sans être sanctionné par le CC. Par exemple, la loi du 8 février 1995 sur la médiation judiciaire.

En second lieu, la constitutionnalisation indirecte de la procédure civile. Elle est liée à l'autorité des décisions du CC, qui selon l'article 62 de la Constitution, s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Normalement, lorsqu'un juge applique un texte de loi intéressant la procédure civile à propos duquel on a des décisions rendues par le CC, la chose jugée et interprétée par le CC s'impose à lui. Il en est de même lorsque le CC a apporté une réserve d'interprétation à la loi soumise à son contrôle. Tout juge peut se saisir de l'interprétation faite par le CC.De nombreux principes du droit processuels se sont vus reconnaître une valeur constitutionnelle. Par exemple, le principe du respect du droit et la défense, le principe de l'indépendance des juridictions, le droit à un recours juridictionnel ou le principe de l'égalité de tous devant la justice. Le fait que le CC ait conféré valeur constitutionnelle à ces règles signifie qu'elles s'imposent au législateur mais aussi à toutes les autorités chargées de générer des actes juridictionnels. C'est là encore une conséquence de l'article 62 de la Constitution.

DROIT PROSPECTIF :

DEUXIEME PARTIE – LE CONTENU DU DROIT PROCESSUEL : LES GARANTIES DU PROCES EQUITABLE

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Le droit à un procès équitable est un des principaux critères de l'état de droit. Cette notion est contenue dans 2 textes : l'article 14 du pacte de New York et l'article 6§1 de la CESDH. L'idée de ces textes est de mettre en place une forme de modèle universelle de procès. Cette idée était déjà contenue en germe et de façon diffuse dans la DUDH.

Il y a une sorte de fond procédural commun qui s'est mis en place et qui va s'appliquer à tous les états signataires de ces différents outils. Certains auteurs ont parlé d'une modélisation de la procédure et du procès.

Cette notion de procès équitable n'existait pas dans notre ordonnancement juridique. Néanmoins, la notion est incluse en germe dans l'article préliminaire du Code pénal. Pour retrouver des traces du procès équitable, il faut remonter à l'époque royale. Les grandes ordonnances royales avec Colbert font référence à un devoir d'équité des parlements. C'est grâce aux outils européens et internationaux que les choses évoluent. A l'heure actuelle, c'est par leur biais que se développe la notion de procès équitable.

Que faut-il entendre par procès équitable ? La difficulté est que le langage courant comprend 2 sens à équité. Un premier sens qui signifie égalité, équilibre moral. Ensuite, un sens dérivé qui veut que l'équité soit le fait de traiter de manière impartiale. En droit, l'équité a toujours été l'atténuation de la règle de droit par des considérations spécifiques et supérieures. Le but est d'aller vers une solution Juste. L'équité a longtemps été perçue comme quelque chose de dangereux dont on devait se méfier. Si un juge est amené à statuer en équité, il prend en considération des éléments subjectifs pour son jugement.Le but européen n'est pas du tout de mettre en place un outil qui

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permettrait au juge de juger de façon partiale. En réalité, il y a dans cette notion de procès équitable la volonté d'offrir au justiciable un procès équilibré et loyal.

Le procès équitable est donc un procès équilibré pour toutes les parties en vue d'atteindre une forme de justice idéale.

On doit alors impérativement respecter un certain nombre de passages obligés. Cela implique d'abord le respect du droit d'accès à un tribunal, au droit à un juge. C'est ce qu'à dégagé la CEDH dans son arrêt Golder du 21 février 1975. Le droit à un procès équitable suppose ensuite qu'un certain nombre de garanties procédurales soient respectées (publicité, règle de la célérité...). Enfin, le droit à un procès équitable implique la garantie de l'exécution de la décision rendue. Ceci a été confirmé par la CEDH le 19 mars 1997 Hornsby c/ Grèce.

TITRE PREMIER – LA GARANTIE D'ACCES A UN TRIBUNAL

Elle est l'expression d'un droit plus général à un recours qui peut ne pas être juridictionnel. Ce droit à un juge implique d'abord une garantie juridictionnelle (droit à un juge au sens strict), d'autre part une garantie institutionnelle qui permet de s'assurer que le juge saisi est indépendant et impartial.

Chapitre I – La garantie juridictionnelle : le droit à un juge

Le droit à un juge connait plusieurs vocables : droit d'agir en justice, droit à un recours juridictionnel par exemple. Ce droit peut être défini comme un droit pour toute personne physique ou

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morale, française ou étrangère d'accéder à la justice pour y faire valoir ses droits. Ce droit à un juge se distingue au droit à un recours. Ce droit à un recours est plus large : un droit pour toute personne de pouvoir contester une mesure prise à son encontre devant une instance investie d'un pouvoir de réformation ou/et de réparation. Le droit à un juge n'est qu'un des aspects de ce droit au recours.

Ainsi, dans le pacte de New York de 1966, on retrouve une distinction très nette entre droit à un recours utile (article 2) et le droit à un juge (article 14). Cette distinction se retrouve aussi dans la CESDH. On a en effet droit au recours juridictionnel (article 6§1) et le droit à un recours en général (article 13). Dans cet article 13, il est précisé que les états parties ont obligation d'offrir aux individus en droit interne le moyen de redresser toute situation contraire à la CESDH quelle que soit l'auteur de cette violation. CEDH 18 décembre 1996 Valsamis c/ Grèce. : le droit à un recours utile peut être porté devant n'importe quel organe non judiciaire pourvu que cette instance nationale soit indépendante et impartiale.La CEDH, lorsqu'elle apprécie l'utilité réelle de ce recours, considère que l'article 13 ne requiert qu'un recours aussi effectif qu'il peut l'être. Cette solution fut retenue dans une décision du 6 septembre 1978 Klass c/RFA. Cette formule semble restrictive : les états membres doivent simplement faire leur maximum. Cette formule restrictive ne joue pas lorsqu'un droit fortement protégé par la CESDH est en cause (par exemple, le droit à la vie). Dans ce cas, la CEDH vérifie l'effectivité concrète du recours accordé en droit interne.

Malgré l'existence de cet article 13 et son application, le droit à un juge est bien davantage invoqué en raison du domaine de plus en plus important assigné à l'article 6§1.

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Section I – La valeur processuelle du droit à un juge : un droit fondamental

Le droit à un juge est la garantie essentielle à la mise en œuvre des autres composantes du procès droit à un procès équitable. C'est en quelque sorte un préalable indispensable. L'idée est la suivante : si le droit à un juge n'est pas correctement garanti, rien ne sert de prévoir ensuite que les droits de la défense doivent être respectés. Le droit à un juge est un des rouages essentiel du procès équitable. La reconnaissance du droit à un juge est commune à toutes les matières. Néanmoins, il y a des spécificités comme en matière pénale où ce droit est renforcé.

§1 – La reconnaissance générale du caractère fondamental du droit à un juge

Ce droit à un juge existe aussi bien en droit processuel international et européen qu'en droit processuel interne. En effet, quelle que soit la procédure visée, on a la reconnaissance de ce droit à un juge.

A – En droit processuel international et européen La DUDH de 1948 énonce dans son article 8 que toute personne « a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux reconnus par la Constitution ou par la loi ». Dans ce texte, on a donc la consécration du droit à un juge. Néanmoins, ce texte n'a pas de force contraignante. Il est considéré comme un idéal à atteindre seulement.

En dehors de ce texte, il faut se pencher sur le pacte de New York qui est le premier texte international performant. Le droit à un recours juridictionnel est reconnu dans son article 14 comme un droit fondamental.

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Sur le plan européen, l'outil essentiel en la matière est la CESDH. Le résultat est décevant quant à la reconnaissance d'un droit à un juge. Il y a la reconnaissance d'un droit au recours juridictionnel à l'article 13 comme on l'a vu. Aussi, le droit à un juge est évoqué dans l'article 6§1. En effet, dans cet article 6§1 « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue... par un tribunal ». Cependant, rien n'est dit sur la valeur effective de ce principe et il n'y a pas d’une disposition spécifique ayant une portée générale.

C'est alors la CEDH qui va intervenir par un arrêt de principe du 21 février 1975 Golder c/ Royaume-Uni (arrêt important). Dans cette décision, la CEDH a estimé qu'en matière civile, l'article 6§1 ne garantit pas seulement le droit à un procès équitable dans une instance en cours. Suivant une interprétation faite par la CEDH, ce texte reconnaît aussi et à fortiori l'accès aux tribunaux à toute personne souhaitant introduire un recours. En effet, la CEDH déclare dans un attendu remarquable « on ne comprendrait pas que l'article 6§1 décrive en détail les garanties procédurales accordées aux parties à une action civile en cours et qui ne protège pas d'abord ce qui seul permet d'en bénéficier en réalité. Équité, célérité, publicité du procès n'offre point d'intérêt en l'absence de procès ».

La solution a été étendue à la matière pénale dans un arrêt du 27 février 1980 Deweer c/ Belgique.

La reconnaissance du droit à un juge existe aussi en droit communautaire. La CJCE a en effet affirmé à plusieurs reprises que le droit à un recours juridictionnel figure au nombre des principes généraux du droit communautaire. Par ailleurs, ce droit à un recours juridictionnel est avalisé dans la Charte des droits fondamentaux dans son article 47.

B – Le droit interne français

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Ce droit est reconnu par le CC et consacré par la jurisprudence administrative et judiciaire.

Pour le CC, les normes constitutionnelles étaient décevantes. Rien dans la Constitution de 1958 ne faisait allusion au droit à agir. Rien non plus dans le bloc de constitutionnalité. Le CC s'est toujours refusé à intégrer au bloc constitutionnel les conventions internationales et européennes. Il a fallu développer toute une réflexion sur les supports susceptibles de fonder la valeur constitutionnelle du droit à un recours juridictionnel. C'est la doctrine qui fera ce travail : le premier à s'y intéressé est le professeur Renoux (Le droit au recours juridictionnel, JCP 1993 n° 3675). Il propose de s'appuyer sur certains principes écrits et sur certains principes non écrits.

Concernant les principes écrits, il insiste en particulier sur le principe contenu à l'article 16 de la DDHC, à savoir la séparation des pouvoirs. Ce principe sert à la garantie de plusieurs droits dont celui de la garantie de procédure. On y trouve alors le droit à un juge. Dans le même article, on trouve le droit à l'égalité qui sert aussi à fonder le droit à un juge. On protège effectivement le principe d'égal accès à la justice de cette façon. Cette solution avait déjà été envisagée par des décisions du CC du 27 décembre 1973 et 18 janvier 1985.

Concernant les principes non écrits, il fait mention des PFRLR. En particulier d'un principe spécifique à l'interdiction du déni de justice. Le droit d'action en justice y puiserait alors une valeur fondamentale. Suite à ces écrits, la jurisprudence du CC s'est adaptée. Le 21 janvier 1994, le CC a rattaché le droit à un recours juridictionnel à l'article 16 de la DDHC. Le 9 avril 1996, le CC est encore plus explicite : il énonce « qu'en principe, il ne doit pas être porté atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction »

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Le CE et la CK ont pris la même position. CE 17 février 1950 Dame Lamotte : le droit d'agir en justice est considéré comme une liberté fondamentale. Cours de cassation ass 30 juin 1995 : elle déduit du respect des droits de la défense l'existence du droit à un juge.

§2 – La reconnaissance renforcée du droit à un juge en matière pénaleLe droit à un juge est essentiel (arrêt Deweer). En droit pénal, ce droit est renforcé en amont du jugement pour certaines opérations menées par la police. Puis en aval du jugement pour ce qui est de la fixation et l'application de la peine.

A – Le droit à un juge lors des opérations menées par la police

En raison de la spécificité de la matière pénale qui met en cause l'honneur et la liberté des personnes incriminées, l'accès à un tribunal est fortement encadré alors que la personne n'est pas encore traduite devant le juge. On a donc une garantie plus étendue qui vise les mesures d'arrestation et de détention. Cette extension de garantie existe en droit international / européen / constitutionnel français. En droit international et européen Le pacte de New York et la CESDH consacrent des articles spécifiques pour les personnes arrêtées ou détenues. Il s'agit de l'article 9 du pacte et de l'article 5§4 de la CESDH. Ces stipulations prévoient que toute personne privée de liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin qu'il statue sans délai sur la légalité de sa détention et qu'il ordonne sa libération s'il juge cette détention illégale. S'agissant du domaine de cette garantie, le pacte de New York est assez vague. Il n'énumère pas des cas spécifiques (application large). En revanche, la CESDH énumère un certain nombre de cas : détention d'un mineur dans certaines circonstances, la détention en vue d'une expulsion... La question était de savoir si

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cette liste était exhaustive ou pas. La CEDH a pu préciser qu'il s'agissait d'une liste d'interprétation étroite. La CEDH a eu le mérite d'interpréter l'article 5§4 de la CESDH : cet article joue aussi si la personne incriminée se présente volontairement à l'autorité de police. CEDH 18 juin 1971 De Wilde c/ Belgique.

Contenu de la garantie La Cour a précisé dans l'arrêt De Wilde que ce recours à un tribunal s'applique de manière assez large, néanmoins, il ne concerne pas les privations de liberté d'origine administrative. Dans le cas qui vient d'être visé, ce qui est préconisé par la Cour est la chose suivante : la voie de recours visant la décision administrative soit impérativement une voie juridictionnelle classique. Ainsi, pour les autorités administratives qui pourraient aller prononcer une mise en détention, le droit à un juge n'est pas exigé au premier stade de la décision mais dans la mise en oeuvre d'une voie de recours.

En droit international et européen, on voit que l'existence du droit à un juge est fort mais on peut se demander ce qu'il en est du droit à un tribunal dans l'ordonnancement juridique interne, lorsqu'on se penche sur la jurisprudence, il y a un travail important qui a été notamment mis en oeuvre par la jurisprudence constitutionnelle française. En matière pénale, le droit de n'être ni arrêté, détenu arbitrairement est proclamé par la DDHC dans son article 2, par ailleurs, la constitution confie au législateur l'organisation de cette protection spécifique. La constitution confie au législateur cette mission dans son article 7 de la Constitution.

L'article 66 de la Constitution précise très clairement que nul ne peut être détenu arbitrairement, on retrouve l'idée que l'autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, assure le respect de ce principe. A partir de là, le Conseil constitutionnel a élaboré à partir de plusieurs décisions, une jurisprudence en matière de garde à vue

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qui va justement graduer l'intervention des organes judiciaires en fonction de la durée de la garde à vue, il le fait à travers des réserves d'interprétation sous certains textes.En dessous de 24 heures de garde à vue et sous la réserve de l'information du procureur dans les meilleurs délais, un officier de police judiciaire peut garder à vue une personne. Entre 24 et 48 heures, la décision de prolonger la garde à vue doit passer par le procureur et le Conseil précise que le procureur a pour mission de contrôler la garde à vue. Ces deux éléments résultent d'une décision du Conseil du 11 août 1993. Par rapport à ces exigences, le Conseil constitutionnel se situe en retrait par rapport au droit européen puisque la Cour considère que le magistrat qui doit contrôler les arrestations et les détentions dont les gardes à vue, ne doit en aucune mesure pouvoir être le même qui exerce éventuellement l'action publique à l'encontre de la personne privée de liberté. Au delà de 48 heures, le magistrat du siège est seul habilité à prolonger la garde à vue. Conseil constitutionnel 20 janvier 1981.

B) Droit à un juge lors de la fixation et de l'application de la peine

La CEDH a d'abord développé une jurisprudence s'agissant de la fixation de la peine dans un arrêt de la Cour T et V c/ Royaume-Uni 16 décembre 1999. Lorsqu'une législation nationale prévoit qu'un tribunal peut condamner un individu à une peine qui ne sera déterminée concrètement qu'ultérieurement, c'est le cas en droit anglais, la Cour estime que seul un juge peut fixer la durée de la peine effectivement subie. Dans ce cas, il faudra de nouveau avoir recours à un juge, en fait, d'abord principe de condamnation et ensuite fixation de la peine dans son quantum (cela ne nous intéresse pas en droit français car quantum fixé en même temps que la condamnation).

S'agissant de l'application de la peine, la Cour a estimé que les personnes détenues doivent pouvoir faire examiner régulièrement

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la légalité de leur détention par un organe judiciaire et ce d'ailleurs que ce soit tout au long du temps où elles purgent cette peine. Cette solution résulte également de l'arrêt T et V contre RU. Par rapport à ces exigences, le droit français est tout à fait conforme à ce principe puisque dès 1958 en France, le JAP a été constitué. Jusqu'à 2000 néanmoins, la plupart de ses décisions étaient qualifiées de mesure d'administration judiciaire non susceptibles de recours. Recours n'était alors ouvert à la personne condamnée que lorsque la loi le permettait, par ex, la loi le prévoyait pour les mesures de retrait du bracelet électronique, expressément prévu que par rapport à ces mesures, on pouvait faire appel. En dehors de ces textes précis, les décisions étaient impératives, éventuellement, on avait des possibilités de recours largement offertes au parquet, or, l'ensemble de ce système était contraire aux exigences de la CESDH pour au moins deux raisons :

Rupture de l'égalité des armes entre la personne condamnée et le parquet

Le principe même de l'absence de recours du condamné sauf texte exprès est un mode de fonctionnement qui viole les principes de base du droit au juge.

Plusieurs condamnations pour des faits similaires ont été faites à l'encontre d'autres pays que la France. Loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence : dans cette loi, désormais, il est consacré que les décisions du JAP sont de vraies décisions juridictionnelles, elles doivent être motivées, prises après un débat contradictoire. La voie de l'appel est ouverte et cet appel est ouvert très largement sans distinction au condamné et au parquet dans les dix jours de leur notification. Le CPP a d'ailleurs été modifié : 712-11 et suivants.

Section II – Contenu du droit à un juge

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La garantie d'accès à un tribunal doit selon la jurisprudence européenne être effective et concrète. Cela veut dire que la Cour de Strasbourg ne se contente pas d'une simple déclaration de principe des états, il faut vraiment que par des moyens positifs, ils démontrent la mise en œuvre de ce droit à un juge. Les états doivent garantir un accès effectif à un tribunal.

Par ailleurs, la question de l'existence à un droit à plusieurs juges successifs et successivement dans le temps doit être posée, question du droit à un recours. Le droit à un juge exige-t-il un droit à un recours.

§1 – L'accès effectif à un tribunal

Jurisprudence sur le plan européen assez significative, la CEDH comme la CJCE ont précisé la portée de la reconnaissance du droit à l'accès à un tribunal, elles ont été conduites d'une part à définir la notion de tribunal et d'autre part, elles ont été amené à définir ce qu'elles entendaient par caractère effectif et concret de l'accès à ce tribunal.

A – La notion de tribunalLe recours juridictionnel doit conduire à un contrôle juridictionnel réel.

1 - La notion de tribunal dans la jurisprudence de la CourPour la Cour, le tribunal se caractérise par sa fonction matériellement juridictionnelle qui consiste « à trancher sur la base de normes de droit à l'issue d'une procédure organisée toute question relevant de sa compétence ». Cette définition a été donnée dans un arrêt du 22 octobre 1983 Sramek c/ Autriche. Il ressort de cette définition que le tribunal au sens européen du terme ne s'entend pas d'une juridiction de type classique, intégré

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aux structures judiciaires classiques d'un pays. Ce qui est essentiel pour avoir accès à un tribunal, ce sont les garanties institutionnelles et procédurales mise en place, c'est ce qui va indiquer si on a affaire ou non à un tribunal.

Il faut donc une autorité qui tranche une norme sur le fondement d'une règle de droit, qui se fonde sur une procédure construite, établie qui va répondre à des garanties importantes. Ces garanties sont toujours les mêmes : l'indépendance et l'impartialité de celui qui statue, publicité de la procédure, célérité de la procédure et l'équité de la procédure. Si l'on a l'ensemble de ces garanties, on a bien à faire à ce tribunal. Le tribunal peut donc être la juridiction classique ou l'autorité administrative indépendante.

Néanmoins, il y a eu des questionnements puisqu'au terme même de l'article 6§1 de la CESDH, le tribunal doit être « établi par la loi ». Ici, la question qui s'est posée est le fait de savoir si cette précision implique qu'on puisse considérer un tribunal arbitral comme un tribunal établi par la loi au sens de la CESDH. Ici, l'arbitre est investi du pouvoir de juger par les parties au litige, ce simple fait a conduit certains auteurs à considérer, soutenir qu'il ne s'agissait pas d'un tribunal au sens européen du terme. Pourtant, les règles de constitution et de fonctionnement de ce tribunal ainsi que tout ce qui est voie de recours contre ses sentences sont prévues par des textes, par le CPC, article 1442 et suivants. On peut alors estimer que la loi ne se désintéresse pas de cette forme de juridiction.

Par ailleurs, les conditions dans lesquelles un litige peut être soumis à l'arbitrage sont déterminées par le Code civil. Enfin, par le jeu des voies de recours, le tribunal arbitral est intégré dans le système juridictionnel de l'état. Toutes ces raisons inclinent à penser que le tribunal arbitral est un tribunal au sens de la Convention mais aucune décision concrète, tangible.2 – La notion de tribunal en droit communautaire

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On l'évoque car jurisprudence assez fournie qui s'inscrit dans le sens de celle de la CEDH. C'est dans le cadre de la technique des renvois préjudiciels que la CJCE a eu l'occasion de préciser la notion de tribunal habilité à poser la question au juge du Luxembourg. En effet, la règle est que le renvoi préjudiciel n'est admis que s'il provient d'une juridiction. Il a donc fallu à la CJCE préciser ce que l'on devait entendre par un tribunal. Pour déterminer si elle a à faire à une juridiction, elle a utilisé le critère du faisceau d'indices (présence d'un certain nombre de critères convergents).

Ces indicateurs sont la création de l'autorité par la loi, la permanence et le caractère obligatoire de l'autorité, le caractère contradictoire de la procédure, l'indépendance des membres de l'organe qui est visé, application des normes de droit. Ces critères utilisés par la CJCE ont été considérablement assouplis au fur et à mesure des années, en particulier, celui qui a trait à l'indépendance des membres de l'organe concerné, actuellement, il y a une vision assez large de la CJCE de ce qu'est concrètement un tribunal. Exemple, elle a admis que constitue une juridiction, un organe espagnol dépendant de l'administration fiscale alors même que la procédure suivie devant cet organe ne respectait pas un haut degré de contradiction. CJCE 21 mars 2000.

L'idée est que pour ce qui est de la jurisprudence de la CJCE, le tribunal est assez facilement caractérisé. Finalement, la CJCE a un concept beaucoup plus large du tribunal de la Cour européenne.

B – Caractère effectif et concret de l'accès à un tribunalL'idée est qu'il faut une réelle possibilité pour les parties d'accéder en fait à la justice et donc, il n'est pas suffisant pour les états parties de prévoir une déclaration de principe pour les accès aux tribunaux, il faut pour ces mêmes états parties qu'ils mettent en œuvre des obligations positives. L'idée est que l'état ne doit pas demeurer passif. La Cour est allée plus loin et a précisé que ce

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caractère effectif va supposer pour les états parties l'absence d'obstacle juridique et l'absence d'obstacle financier à l'accès aux tribunaux.

1 – L'absence d'obstacle juridiqueDans différentes affaires, la Cour a condamné les états parties pour ne pas avoir fait le nécessaire pour lever ces fameux obstacles juridiques que pourraient rencontrer les justiciables. Malheureusement, la France fait partie des états condamnés. L'exemple le plus connu est celui tiré d'un arrêt du 4 décembre 1995 Bellet c/ France. Dans cet arrêt, la France a été condamnée car la Cour de cassation avait jugé qu'un hémophile déjà indemnisé par un fond spécial ne pouvait plus poursuivre pour une action en réparation devant les juridictions ordinaires pour défaut d'intérêt à agir. La CEDH a vu dans cette jurisprudence une méconnaissance du droit d'accès concret et effectif à un tribunal, en particulier, elle a estimé que le système français d'indemnisation du préjudice subi ne présentait pas une clarté et des garanties suffisantes pour éviter un malentendu quant aux modalités d'exercice des différents recours offerts.

A la suite de cet arrêt la CK a continué y compris en assemblée plénière de s'opposer à la jurisprudence européenne et ainsi dans une décision ass pl du 6 juin 1997, elle estime que son système est parfaitement clair, une personne ne peut pas prétendre à une double indemnisation. L'indemnisation par le fonds interdit la victime à demander réparation. La France de nouveau condamné à deux reprises dans l'affaire F E contre France du 30 octobre 1998, et dans l'affaire Lagrange c/ France du 10 octobre 2000. Toutefois, dans l'affaire Lagrange, la motivation de la décision de la CEDH a quelque peu changé et peut faire penser que la France devrait éviter à l'avenir de nouvelles condamnations, en effet, dans la motivation de l'arrêt, les termes employés par la Cour sont au passé, « le système français n'était pas suffisamment clairs », cette formulation au passé peut laisser croire que la Cour considère que

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les justiciables indemnisés par le fonds sont avertis de la position française. On peut penser que la Cour estime qu'à l'avenir le système est devenu clair pour le justiciable.Cas particulier des lois de validation : les lois de validation peuvent être considérées dans certains cas comme des obstacles juridiques au droit à un juge. Les lois de validation est une technique législative qui permet au législateur d'intervenir au cours d'une procédure juridictionnelle afin d'en modifier l'issue. En général, elles sont parfois nécessaires car elles permettent d'éviter que l'exécution de certains jugements ne préjudicie pas à des personnes non concernées.

Exemple, en 1947, le concours d'entrée à Centrale avait été annulé à la suite d'une erreur de constitution du jury, un arrêt du CE était intervenu le 28 mars 1949 pour annuler le concours 1947. Le législateur à l'époque était intervenu le 2 août 1949 pour valider l'admission des 225 étudiants du concours de 1947, la loi de validation leur a éviter de se présenter de nouveau au concours d'entrée et de recommencer une nouvelle scolarité. Mais elles peuvent être dangereuses car elles portent atteinte au droit à un juge. C'est pourquoi la CEDH, tout en reconnaissant leur utilité, a posé certaines conditions de validité. Le principe est celui de leur admission, leur intérêt, utilité effective, CEDH 9 décembre 1994 Raffinerie grecque c/ Grèce.

Dans un second temps, décision du 23 octobre 1997 NPBS c/ Royaume-Uni, la Cour prévoit la chose suivante, les lois validation doivent respecter trois conditions pour être conformes à la CESDH : ne pas porter atteinte à une décision définitive, elle doit reposer sur un motif d'intérêt général impérieux, il faut que les atteintes au droit d'accès à un tribunal ne soit pas disproportionnées par rapport à l'objectif à atteindre.

2 – Comment les états doivent lever les obstacles financiers ?Cela renvoie à l'idée que les états ont l'obligation d'organiser un

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système d'aide juridictionnelle pour rendre effectif l'accès à un tribunal. CEDH 9 octobre 1979 Airey c/ Irlande : la CJCE affirme pour la première fois que l'absence de système d'aide judiciaire ne permet pas de considérer que le droit d'agir en justice à été reconnu à l'intéressé.Dans les décisions suivantes, on nous donne des précisions sur ce qu'est l'aide juridictionnelle. Ce qui compte n'est pas nécessairement l'octroi de sommes d'argent par l'état pour agir en justice. Ce qui est important aussi est la forme de l'aide par l'intervention d'un avocat commis d'office par exemple. La CEDH a admis que l'octroi de l'aide financièrement peut être limitée en fonction des ressources du requérant. Il a été admis que certains refus d'aide soient fondés sur le caractère dilatoire de la plainte.Le système français est conforme point par point à ce modèle. L'absence d'obstacle financier est bien réelle.

§2 – L'accès successif à plusieurs tribunaux ?Est-ce que le droit au juge inclut nécessairement un droit au recours en appel (voie de recours) ? La réponse est différente entre la matière pénale et civile.En matière civile, l'article 6§1 de la CESDH semble concerner d'abord les juridictions de premières instances. Cet article ne requiert pas l'existence de juridiction supérieure. CEDH 26 octobre 1984 De Cubber c/ Belgique : l'état est libre d'instituer ou non des juridictions d'appel et de cassation. Si l'état le fait, ces tribunaux doivent respecter les règles du procès équitable.A l'inverse, le double degré de juridiction est garanti en matière pénale. Article 2 du protocole additionnel n°7 de la CESDH.

A – En matière civileAujourd'hui, en droit conventionnel européen, le principe posé par l'arrêt De Cubber de 1984 n'a pas changé. Aucun droit à un recours en appel ne figure dans la CESDH. La jurisprudence de la CEDH n'a pas non plus évolué sur ce point : les états n'ont pas obligation d'ouvrir un recours contre les décisions rendues au

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civil.Une telle évolution a pu se dessiner à un moment par une recommandation du Conseil des ministres du Conseil de l'Europe du 7 février 1995 dans laquelle il était souhaité que toute décision rendue par un tribunal inférieur soit soumise au contrôle d'un tribunal supérieur (quelle que soit la matière).En France, la difficulté ne se pose pas car les voies d'appel existent. Le droit français sur ce point est plus performant que ce qui est préconisé dans les textes européens.

B – En matière pénaleLe pacte de New York consacre déjà le droit à un deuxième juge (article 14§5). Une garantie similaire peut être trouvée par la CESDH dans l'article 2 du protocole additionnel n°7. Selon ce texte, toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. La France avait signé ce protocole additionnel en l'assortissant d'une réserve selon laquelle l'examen par une juridiction supérieure peut éventuellement se limiter à un contrôle de l'application de la loi tel un recours en cassation.

Chapitre II – La garantie institutionnelle

C'est le droit à un juge indépendant et impartial. Ce droit est exprimé à l'article 10 de la DDHC. Cet idéal à atteindre est repris par le pacte de New York dans son article 14 et par la CESDH article 6§1. Les jurisprudences de la CEDH, CJCE et CC font que le droit à une juge indépendant et impartial est une garantie première d'un procès équitable. L'indépendance s'exprime de façon externe par rapport aux autres

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pouvoirs. L'impartialité est davantage liée à l'organisation internet des juridictions. Il est fréquent de dire que l'indépendance est un préalable à l'impartialité. Donc ces deux notions sont liées mais ne se confondent pas.

Section I – L'indépendance du juge

Un procès ne peut pas être équitable si le juge n'est pas indépendant. Il doit pouvoir exercer sa mission de juger en toute liberté. Cela suppose alors que le juge exerce sa mission sans entrave de la part du pouvoir législatif et exécutif. Aussi, le juge doit être indépendant vis-à-vis des parties. Enfin, il est question de savoir si le juge doit être indépendant face aux pouvoirs de faits comme les médias.

§1 – L'indépendance par rapport au pouvoir législatifL'indépendance de l'autorité judiciaire suppose que le pouvoir législatif ne puisse pas empiéter sur les prérogatives du juge. Le Parlement ne doit pas pouvoir remettre en cause les jugements rendus. Cette indépendance est garantie par l'article 6§1 de la CESDH. En droit interne, l'article 16 de la DDHC institue la séparation des pouvoirs. Le CC a réaffirmé quant à lui la valeur constitutionnelle du principe de l'indépendance du juge par rapport au pouvoir législatif. CC 22 juillet 1980 et CC 26 juin 1987 : il n'appartient pas au législateur de censurer les décisions des juridictions, de leur adresser des injonctions ou de se substituer à elles sous peine de violation de la séparation des pouvoirs.

Pour autant, cette indépendance n'est pas absolue puisqu'on admet certaines pratiques : la technique des lois de validation par exemple. Aussi, les lois d'amnistie ne sont pas remises en cause au nom du principe d'indépendance des juges même pour les affaires en cours (le juge est immédiatement dessaisi et les poursuites sont

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éteintes).Le CC valide ce type de pratiques : il autorise les lois de validation et les lois d'amnistie qui instaurent une présomption d'innocence en faveur des personnes mises en cause.

§2 – L'indépendance par rapport au pouvoir exécutifLe juge doit être indépendant par rapport au pouvoir exécutif. Ce principe est rappelé de façon constante par la CEDH. Dans sa jurisprudence, la CEDH a affirmé que la protection des juges contre l'exécutif relève de la compétence de chaque état. En France, cette garantie existe et se fonde sur l'article 16 de la DDHC. Parallèlement, la CEDH a eu le mérite de proposer des critères permettant d'apprécier si les juges sont bien indépendants vis-à-vis de l'exécutif. Ces critères sont organiques et fonctionnels. On en compte 4. L'arrêt de principe en la matière est l'arrêt CEDH 28 juin 1984 Campbell c/ Royaume-Uni :

L'état doit être vigilant quant au mode de désignation des juges. Cette désignation ne doit pas être laissée à la discrétion de l'exécutif. Si c'est le cas, les juges doivent alors bénéficier d'une garantie d'inamovibilité durant toute la durée de leurs fonctions. Pour ce qui est du cas français, le mode de désignation ne pose pas de problème car il s'agit d'un concours national.

Les états doivent être vigilants quant à la durée des fonctions des juges. La brièveté d'un mandat n'est pas une atteinte à l'indépendance des juges si elle est accompagnée d'autres garanties comme l'inamovibilité. Pas de problème sur ce point en France également.

La CEDH est vigilante quant aux pressions de l'exécutif. Le statut légal des juges doit interdire au pouvoir exécutif d'intervenir dans l'activité juridictionnelle. En France, cela a posé problème : certaines juridictions françaises interrogent le ministre des affaires étrangères sur la consistance d'une disposition internationale. Cette façon de procéder est-elle

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contraire au principe d'indépendance des tribunaux ? La CEDH a été saisie et a répondu par l'affirmative. CEDH 24 novembre 1994 Beaumartin c/ France : le CE comme la CK autorisent les juges du fond à interpréter eux-mêmes les clauses ambiguës des textes internationaux. Toutefois, le juge français continue d'en référer au ministre des affaires étrangères. Récemment, cette pratique vient de nouveau d'être sanctionnée par la CEDH (CEDH 13 février 2003 Chevreul c/ France).

La CEDH s'attache à l'apparence ou non d'indépendance. C'est un concept issu du droit anglo-saxon. La justice ne doit pas être seulement rendue, il faut aussi le sentiment qu'elle ait été bien rendue. La CEDH vérifie que le justiciable n'éprouve pas de doute quant à l'indépendance du tribunal. Ce dernier critère est assez incertain et critiquable en droit français.

§3 – L'indépendance du juge par rapport aux partiesL'indépendance doit être vérifiée par rapport aux parties au litige. Cette question touche à l'impartialité du tribunal : le mode de désignation ainsi que l'autonomie des juges peuvent être remis en cause. On examine le lien entre le juge et l'une des parties au litige. L'organisation française a suscité une réflexion.

Premier exemple. L'indépendance des juridictions s'est fortement posée pour les juridictions prudhommales. Ces juridictions fonctionnent avec des juges élus sur des listes syndicales. Ces juges syndiqués sont-ils indépendants ? Les juridictions de fond ont été confrontées à cette question. Elles ont jugé que l'indépendance et l'impartialité ne sont pas remises en causes car la partialité ou la dépendance potentielle des juges est contrebalancée par la partialité ou la dépendance potentielle de l'autre catégorie (patrons/employés). La CK a récemment confirmé cette position. Cette position est critiquable...

Second exemple. La CEDH a jugé le 20 mai 1998 Gautrin c/

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France que la composition du Conseil régional de l'ordre des médecins d'Ile-de-France ne garantissait pas l'indépendance du juge par rapport aux parties. Certains des membres du Conseil entretenaient es liens troublants avec associations de médecins concurrentes de celles dont mes adhérents étaient poursuivies disciplinairement. La CEDH a estimé que les liens entre ces juges et les associations concurrentes étaient de nature à faire naître un doute chez les requérant quant à l'indépendance et l'impartialité de la juridiction disciplinaire.

§4 – L'indépendance du juge par rapport aux pouvoirs de faitsLa fonction juridictionnelle n'est pas protégée contre les pouvoirs de faits (groupes de pression, médias). La CEDH ne consacre pas cet aspect de l'indépendance des juges. Certains auteurs appellent à une extension de l'article 6§1 à ces domaines.Néanmoins, le comportement des médias est de plus en plus surveillé depuis les années 1990. Ce qui pose problème est le principe de liberté de la presse. Peut-on faire céder ce principe au profit de l'indépendance des juges ? Peut-on alors censurer la liberté de la presse à cette fin. Or, il semble que la liberté de la presse est protégée de façon drastique par la CEDH. La liberté de la presse est quasi absolue. Difficile alors de faire primer l'indépendance des juges.

Toutefois, il a été admis que cette liberté de la presse peut céder si l'article du journaliste peut influencer de façon décisive l'issue d'une procédure. CEDH 29 août 1987 Worn c/ Autriche.

Section II – L'impartialité du juge

Traduction d'une exigence de neutralité qui est le gage de la crédibilité du juge. Cette notion d'impartialité est très floue et

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donne lieu à une jurisprudence abondante de la CEDH.Le point de départ de cette jurisprudence est l'arrêt du 1er octobre 1982 Piersack c/ Belgique : la CEDH énonce que si l'impartialité se définit d'ordinaire par l'absence de préjugé, elle peut toutefois s'apprécier de 2 manières. On peut avoir une démarche subjective, essayant de déterminer ce que pensait le juge au moment de statuer. On peut aussi avoir une démarche objective qui amène à savoir si le juge offrait des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime.

Dans un premier temps, la CEDH a favorisé l'approche objective qui favorise le justiciable.

Dans un second temps, elle s'est orientée vers la conception subjective. L'apparence ne suffit plus à constituer la partialité. Il faut en plus que le juge, dans son for intérieur, favorise ou défavorise tel plaideur. Le problème de ce critère est qu'il est très difficile à rapporter. Cela forçait un examen très détaillé de la cause.

Finalement, la CEDH aboutit à un système hybride en combinant les deux démarches. Elle affirme que pour se prononcer sur l'impartialité d'un tribunal, il faut tenir compte de la conviction / comportement du juge et chercher si ce juge offrait des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime à son égard.Depuis le milieu des années 1990, la terminologie a changé. On parle maintenant d'une impartialité fonctionnelle (pour la démarche objective). L'idée est de chercher la partialité du juge à travers les fonctions qu'il exerce. Pour la démarche subjective, on parle maintenant d'impartialité personnelle. L'idée est de rechercher la neutralité politique et sociale du juge.

§1 – L'impartialité fonctionnelle du jugeElle s'apprécie sans tenir compte ni du comportement du juge, ni de ses convictions. Le seul exercice de ses fonctions suffit parfois

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à le rendre partial. C'est une matière assez difficile. Nous l'aborderons à travers 3 situations.

A - La partialité dans l'exercice successif et cumulatif de fonctions administratives puis juridictionnelles

Dans un certain nombre de cas, un même organe exerce des fonctions consultatives à côté de ses fonctions juridictionnelles. Cet organe peut donc connaître une affaire sur laquelle il a déjà émis un avis. Par exemple, la CEDH, le 28 septembre 1995 Procola c/ Luxembourg a pu connaître de la pratique du CE luxembourgeois sur cette question (CE luxembourgeois fonctionnant comme le CE français). Cette pratique ne remettait-elle pas en cause la structure de l'administration ? La CEDH a répondu que cette organisation remettait en cause l'impartialité du CE luxembourgeois. Suite à cette décision, le Luxembourg a changé sa législation en séparant les fonctions consultatives et juridictionnelles du CE.

En France, le problème pouvait largement être transposé. Le CE français a résisté à la jurisprudence de la CEDH. Néanmoins, la législation a récemment changé. Un décret du 6 mars 2008 relatif à l'organisation et au fonctionnement du CE est intervenu : il consacre la séparation entre fonctions consultatives et attributions juridictionnelles du CE.CE qui posait problème, c'est la participation du CDG aux délibérés suite à une fonction consultative. Le CE considérait que le CDG ne prenait pas réellement partie aux débats malgré sa présence aux délibérés. Cependant, le CDG participait activement aux débats (CEDH 12 avril 2006 Martini c/ France). Le décret du 2 mars 2008 répond à cette question et modifie le Code de justice administrative. L'article R 733 indice 3 prévoit officiellement que le CDG assiste aux délibérés mais n'y prend pas part (devant le CE). L'article R 732 indice 1 prévoit que la décision juridictionnelle est délibérée hors la présence des parties et du CDG (devant les autres juridictions).

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B – La partialité dans l'exercice successif et cumulatif pour la même affaire de fonctions judiciaires distinctes

C'est une hypothèse qui vise principalement les contentieux où le principe de séparation des fonctions n'est pas clairement affirmé. C'est une situation qui va éventuellement poser des difficultés en matière civile. En revanche, en matière pénale, la séparation des fonctions est clairement affirmée par la plupart des textes. Les risques de partialité sont limités dans ce cas. Il faut simplement une atteinte au principe de séparation des fonctions.

1 – En matière pénaleLe principe est simple : le procès pénal est dominé par la règle de séparation des fonctions judiciaires. On a la fonction juridictionnelle qui est distincte de la fonction d'instruire qui est aussi distincte de la fonction de poursuivre. Pour chacune de ces fonctions, on a 3 organes : juger appartient aux juridictions répressives de jugement, la poursuite est accordée au procureur de la République, l'instruction incombe aux juridictions d'instruction. Le Code de procédure pénal (article 31 et suivants) témoigne de cette séparation.Pour garantir cette séparation, la CEDH est venue développer une jurisprudence prônant l'importance de cette autonomie des 3 fonctions (CEDH 1er octobre 1982 Piersack c/ Belgique). Dans cet arrêt, la CEDH développe une conception purement objective fondée sur le strict respect de la séparation des 3 fonctions. Tout magistrat ne peut intervenir à plusieurs stades d'une même affaire. Dans un arrêt De Cubber c/ Belgique, la CEDH confirme sa position.

Néanmoins, à partir de cette conception première, la CEDH évolue. Dans un second temps, elle estime que la violation objective du principe de la séparation des pouvoirs doit également s'accompagner d'une attitude subjectivement partiale du juge. Le critère objectif ne semble plus suffire dans les dernières décisions.

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Pour avoir un grief de partialité, il faut combiner les 2 démarches citées ci-dessus. L'arrêt qui marque ce tournant, CEDH 24 mai 1989 Hauschild c/ Danemark : on a cherché dans la manière de rédiger le jugement des indices sur le comportement du juge. Cour EDH 24 février 1993 Frey C: Autriche : un juge a participé à des investigations et ensuite se retrouve dans la formation de jugement. Si on se base sur la jurisprudence Piersack, cela aurait suffit pour qualifier la partialité. La CEDH retient la violation de la séparation des fonctions mais elle refuse de retenir la violation de l'article 6§1 en l'absence d'autres éléments de partialité.Cette position confirmée ne permet pas de une grande lisibilité... et n'est pas protectrice envers le justiciable (commentaire de la prof).

2 – En matière civileLes choses sont ici plus simples. Les contentieux ne connaissent pas de principe de séparation de fonctions aussi affirmé qu'en matière pénale. C'est une situation qui est réglée au cas par cas.

La question qui s'est posée est la participation du juge commissaire aux délibérés aux formations de jugement du tribunal de commerce. Le juge commissaire ouvrait les procédures collectives à l'encontre des entreprises en difficulté. Cette ouverture de procédure collective était suivie d'une période d'observation de 3 mois. A l'issue de cette période, le juge commissaire rédigeait un rapport. Là se situait la difficulté. Selon la CK la présence au sein de la formation de jugement du tribunal de commerce de ce juge ayant rédigé un rapport ne portait pas atteinte à la règle de l'impartialité.

Cette solution a été entérinée par la CEDH le 6 juin 2000 Morel c/ France. Les propositions proposées par l'arrêt Morel demeurent d'actualité car leur portée dépasse le seul cas du juge commissaire. On peut étendre ces propositions à tout juge statuant en matière

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civile en général.Quelles sont ces propositions ? Elles sont au nombre de 2.La première : le simple fait pour un juge d'avoir pris des décisions similaires avant le procès ne peut justifier en soit des appréhensions relatives à son impartialité. Ce qui compte, c'est l'étendue des mesures adoptées par le juge avant le procès.La seconde : la connaissance approfondie du dossier par le juge n'implique pas un préjugé considérant son jugement comme impartial.

La loi du 26 juillet 2005 est venue réformer la procédure collective dans son ensemble. Dans cette loi, il est prévu dorénavant que le juge commissaire ne peut siéger à la formation de jugement, ni participer aux délibérés. La question de l'impartialité fonctionnelle ne se pose alors plus.Néanmoins, la solution de l'arrêt Morel continue d'être applicable en matière civile.

C – La partialité dans la connaissance par le juge des mêmes faits pour les mêmes parties à des instances différentes

Pour des instances qui se succèdent dans le temps comme pour les voies de recours, le principe est que le même juge ne peut connaître 2 fois de la même affaire pour les mêmes faits et les mêmes parties. Il y aurait pré jugement au fond.

Pour les instances qui se succèdent dans le temps mais sur un autre plan comme pour les décisions provisoires puis une décision au fond, la question s'est aussi posée. De la même manière, en matière pénale, la connaissance par un même juge de la même affaire a suscité un contentieux.

1 – En matière civileLes choses sont claires en matière civile. On a des textes qui interdisent à un juge de siéger pour la même affaire en première

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instance puis en appel pour une même affaire. De la même manière, plusieurs textes interdisent en cas de renvoi après cassation de retrouver en appel les mêmes juges qui ont participé à la décision initialement cassée (L 626 et s du CPC).

En revanche, rien 'est prévu dans le code quant au juge qui a connu précédemment une affaire au provisoire et qui est amené à statuer au fond sur la même affaire. Tout au plus, existait une jurisprudence qui estimait qu'on ne se situait sur le même plan. Il n'y avait donc pas violation du principe d'impartialité pour cause de pré jugement Jusqu'au 6 Nvembre 1998, la jurisprudence était toutefois fluctuante. Deux arrêts d'Assemblée plénière viennent régler la question définitivement : lorsque le magistrat en cause a pris au provisoire une mesure conservatoire, le fait pour lui de statuer au fond par la suite n'implique par une violation du principe d'impartialité. En revanche, lorsque le magistrat a adopté au référé une mesure grave comme une injonction, l'octroi d'une provision importante, ce même juge ne peut pas ensuite statuer sur le fond sans être taxé de partialité. Cette jurisprudence n'a pas été démentie depuis.

2 – En matière pénaleLe vice de partialité va recouvrir des hypothèses diverses. On a 2 hypothèses.

Première hypothèse. Le juge pénal connait des mêmes faits, au même degré de juridiction mais avec des accusés différents. CEDH 6 août 1996 Ferrantelli c/ Italie : il s'agissait d'un président d'une cour d'assises des mineurs qui a connu dans un autre procès de la situation de co-accusés. La CEDH a considéré qu'il y avait une atteinte à l'impartialité objective. En effet, il a jugé une personne alors qu'il a déjà jugé et condamné ses co-accusés dans une affaire disjointe. Par ailleurs, ce juge avait fait des références écrites à des passages des jugements précédents. La

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motivation par référence est absolument proscrite par la CEDH.

Seconde hypothèse. Le juge connait des mêmes faits, au même degré de juridiction et avec les mêmes accusés. CEDH 10 juin 1996 Thomann c/ Suisse : La Cour a décidé qu'il n'y a pas d'atteinte à l'impartialité du juge dans le fait de statuer sur opposition formée par le prévenu jugé précédemment par défaut par les mêmes juges. [Lorsqu'une personne ne comparait pas, il y a un jugement par défaut. L'accusé bénéficie d'une voie de recours qui est la voie de l'opposition qui lui permet de revenir devant les mêmes juges. Ce retour d'un accusé devant des mêmes juges ne porte pas atteinte au principe d'impartialité]. La CEDH est claire : les juges qui statuent sur l'opposition peuvent être les mêmes qui ont rendu un jugement par défaut. Tout simplement parce que le jugement sur opposition a pour objet le débat contradictoire. Le véritable jugement n'intervient que lorsque l'accusé se présente. Le second jugement rétablit la règle du contradictoire qui est essentielle.La chambre criminelle de la Cour de cassation a adopté la même solution que l'arrêt Thomann, le 23 octobre 1996.

§2 – L'impartialité personnelle du jugeC'est lorsque le juge laisse transparaitre ses opinions, ses convictions diverses... En général, c'est un élément supplémentaire qui vient confirmer l'impartialité fonctionnelle. Les cas d'impartialité personnelle du juge sont peu fréquents dans la jurisprudence. La CK eu l'occasion de caractériser certains éléments d'impartialité personnelle du juge. Ainsi, dans une décision de la chambre sociale du 18 novembre 1998, elle a estimé qu'il y avait partialité subjective dans le fait qu'il y avait un lien de parenté entre le juge et le concubin de l'une des parties. Aussi, l'impartialité personnelle est retenue lorsqu'un juge donne un conseil à une partie dans l'affaire qu'il s'apprête à trancher. Encore, la CEDH a jugé dans un arrêt du 16 septembre 1999

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Busceli c/ Italie : le prédisent d'un tribunal pour enfant avait été considéré partial car il avait publié dans la presse plusieurs réponses aux requérants. Cet article était constitutif d'une prise de position personnelle. La CEDH a estimé que la plus grande discrétion des autorités judiciaires.De même, un juge qui fait partie d'un jury de délibération ne peut pas connaître d'une affaire qui conteste une décision de ce même jury de délibération.

TITRE SECOND – LES GARANTIES PROCEDURALES

Le droit du procès doit offrir 3 grandes garanties : le procès doit être public, rapide et équitable. Cette dernière exigence recouvre une notion générale et autonome. Celle de procédure équitable. En effet, la notion de procédure équitable est autonome vis-à-vis de la notion plus générale de procès équitable. Ce sont des garanties qui se retrouvent dans tous les procès. On offre au justiciable une protection sur le plan du fonctionnement même de la justice. Ces 3 garanties sont appelées garanties de procédure.

Chapitre I – La publicité de la procédure

Le caractère public d'une procédure est nécessaire pour le rendu d'une justice transparente. Cette garantie s'accompagne d'un principe connexe qui est l'oralité des débats. Cette garantie est très ancienne car on la retrouve dans les sociétés antiques. Pour autant, il se faut se méfier de cette garantie car elle peut être limitée. A elle seule, elle ne suffit pas à garantir un bon procès. Par exemple,

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pendant le régime communiste, la règle de publicité était effective mais largement manipulée par les autorités.A l'heure actuelle, cette garantie connait un certain nombre d'atteintes.

Section I – Le principe de publicité de la procédure

C'est une garantie complète au niveau international et interne.

Au niveau international, cela est affirmé à article de la DDHC. Puis dans l'article 14§1 du pacte de New York et article 6§1 de la CESDH. En ce qui concerne la CESDH, une double précision est apportée : on prévoit que toute personne qui fait l'objet d'une accusation en matière civile ou pénale a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement. D'autre part, il est précisé que cette même personne a le droit à ce que le jugement soit rendu publiquement.

La CEDH a souvent rappelé que la nécessité de cette instance publique repose sur les états parties. C'est donc à eux de mettre en place des mesures positives pour assurer cette publicité. Quand il y a une difficulté, la CEDH va apprécier le respect de cette exigence in concreto. Elle tient compte de la nature de l'instance et porte une appréciation sur l'ensemble du procès. Par exemple, elle peut estimer que la publicité à un niveau de la procédure peut éventuellement compenser l'absence de publicité à un autre stade de la procédure. C'est souvent le cas en matière disciplinaire. De la même manière, elle considère que la façon de rendre public un jugement est laissée à l'appréciation des états. Cela leur laisse en pratique une grande marge de manœuvre. Par exemple, CEDH 8 décembre 1983 Pretto c/ Italie : la CEDH a admis qu'un dépôt aux greffes de la décision vaut lecture publique du jugement.

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Sur le plan national, plusieurs codes nationaux consacrent cette exigence de publicité. Par exemple, en matière de procédure civile, l'article 22 du Code couvre l'ensemble des procédures civiles : « les débats sont publics sauf lorsque la loi exige ou permet qu'ils aient lieu en chambre du Conseil ». Le Code de procédure pénal affirme aussi le principe avec les articles 306, 400 et 535. Par ailleurs, en matière administrative, le CE en a fait une règle fondamentale de procédure (CE 4 octobre 1974 Dame David).Que ce soit sur le plan national ou international, nous constatons facilement que ce principe de publicité connait des exceptions nombreuses.

Section II – Les limites au principe de publicité de la procédure

Exceptions textuellesLa CESH comme le pacte de New York autorisent l'interdiction de la presse ou du public à l'audience pour toute ou partie du procès selon plusieurs cas particuliers. On retrouve donc les mêmes exceptions dans l'article 6§1 de la CESDH et l'article 14 du pacte.

Dans tous les cas, cette interdiction est possible lorsque l'intérêt de la moralité, de l'ordre public et de la sécurité nationale le justifient. Ou encore lorsque l'intérêt des parties l'exigent (mineurs ou la protection de la vie privée). Ou encore, certaines circonstances sont spéciales, la publicité peut porter atteinte à l'intérêt de la justice. Ainsi, la CEDH doit appliquer ces exceptions.

L'affaire qui a soulevé des questions : CEDH 16 décembre 1999 T et V contre Royaume-Uni. Deux mineurs de 10 ans ont eu un enfant. Cette affaire a été mise sur la place publique malgré les circonstances. La Cour a estimé que l'affaire aurait dû se dérouler

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à huis clos. En effet, le huis clos permet de favoriser la compréhension et la participation des intéressés en renonçant à la publicité des débats.Dans une autre affaire, la question de l'exposé public d'informations détenues par des médecins au titre du secret professionnel. La CEDH, le 26 septembre 1995 Diennet c/ France a estimé que la vie privée pas plus que la vie professionnelle ne peuvent motiver un huis clos a priori. La Cour ici préconise un huis clos partiel, en cours d'audience afin de préserver le secret professionnel. Par un décret du 5 février 1993 : principe de la publicité sauf si le président en décide autrement ou à la demande de l'intéressé ou à la demande de la personne faisant l'objet des poursuites disciplinaires. Quoiqu'il arrive, l'ordre public doit être protégé pour justifier une mesure de huis clos. La situation de la France est donc encore éloignée des exigences de la CEDH.

Exceptions prétoriennesA côté de ces exceptions textuelles, on a des exceptions prétoriennes. Il faut voir que la CEDH se contente de la publicité des débats à l'un des stades du procès (1er ou 2nd degré). En revanche, la publicité au seul niveau de la CK compense pas les défaillances antérieures. D'autre part, la CEDH admet que l'intéressé peut renoncer à la publicité des débats pourvu que ce soit librement, sans contrainte et de manière équivoque. En droit français, il semble que l'on est en conformité avec cette jurisprudence européenne car l'article 435 du Code de procédural civile prévoit que l'on peut avoir un débat à huis clos si les parties en font la demande.

Chapitre II – La célérité de la procédure

La lenteur a longtemps été considérée comme un gage de sagesse

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(jusqu'à 1950 environ). Cette idée est révolue depuis le milieu des années 1970. Les raisons budgétaires ont voulu qu'on juge plus rapidement. Aussi, l'effectivité de la justice va de paire avec la célérité aujourd'hui.On retrouve cette exigence dans les textes internationaux. La célérité est une exigence commune à toutes les procédures.Au-delà de cette constatation, on peut se demander comment la célérité influence le déroulement des procédures internes.

Section I – La célérité, exigence commune à toutes les procédures

On a une exigence de délai raisonnable du procès dans le le pacte de New York et CESDH. La CEDH fait une application très stricte de cette exigence. Cependant, elle a fixé une durée idéale de procédure de 3 ans. En réalité, elle met entre 5 à 7 ans pour juger une affaire. La CEDH est stricte sur cette garantie, sauf pour elle-même.Néanmoins, le mérite de la Cour a été d'essayer de fixer des critères pour savoir si une procédure se déroule dans un délai raisonnable ou pas. Plus précisément, le caractère raisonnable s'apprécie selon les circonstances de la cause et au regard de 4 critères :

L'enjeu et la nature du litige pour l'intéressé : l'enjeu financier et humain peuvent justifier une procédure plus courte. CEDH 31 mars 1992 Bellet c/ France : un malade du sida contaminé par une transfusion sanguine. Procédure trop longue, le malade est décédé... et les ayant-droits ont dû assister achever la procédure à la place du défunt. Pareil pour l'affaire Lagrange c/ France 10 octobre 2000. De même, un justiciable qui choisit une procédure de référé s'attend à un règlement rapide de la procédure. Or, la CEDH a été confrontée à des

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juges qui ont mis plus de 10 ans pour répondre à ces référés pour au final dire qu'ils étaient incompétents (surtout l'État italien).Par exemple, CEDH 25 janvier 2000 L c/ Italie. Puis entre 1997 et 2007, l'Italie a connu plus de 105 condamnations pour les mêmes raisons.

La complexité de l'affaire : plus l'affaire est complexe, plus elle nécessite de temps pour statuer. C'est un argument constamment utilisé par les états qui se défendent. La CEDH vérifie si la complexité est réelle ou illusoire.

Le comportement des autorités nationales : la CEDH prend en compte la diligence des autorités dans leur ensemble (étatiques et judiciaires). Par exemple, le comportement des juges est capital pour apprécier le délai raisonnable ou non d'une procédure. Il peut tenir des audiences trop nombreuses dans des intervalles courtes. Pour les autorités étatiques, la Cour apprécie le respect de leurs obligations pour accroître les moyens accordés aux juridictions : les effectifs sont-ils suffisants, les moyens financiers sont-ils suffisants... ?

Le comportement des parties : ont-elles été diligentes ? En matière de procédure civile, c'est aux parties de diriger l'instance (article 2 et 3 du Code).

Au-delà de ces 4 critères, la Cour a précisé quelques règles. D'une part, elle a précisé que l'appréciation du délai raisonnable porte sur l'ensemble de la procédure, de la globalité du procès dans toutes ses instances. D'autre part, elle fixe les 2 moments qui permettent de déterminer ce délai. Le point d départ est la date de saisine de la juridiction. Le terme du délai est la date du prononcé de la décision.Enfin, il faut préciser que lorsqu'aucune décision de fond n'a été rendue pendant plusieurs années, la Cour EDH autorise quand même les requêtes pour motif de durée non raisonnable de la

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procédure sans attendre le prononcé d'une décision éventuelle.

La sanction du caractère non raisonnable du délai peut se faire par le biais de la satisfaction équitable prévue par l'article 41 de la CESDH. C'est une forme d'indemnisation mise en place. Cependant, la Cour incite chaque état partie à mettre en place une voie de recours spécifique pour ce non respect de la procédure (sur le plan interne). L'intérêt serait de juger ces affaires en interne sans aller jusqu'à la CEDH. CEDH 26 octobre 2001 Kudla c/ Pologne : elle sollicite dans cet arrêt les états membres à mettre en place un tel système.

En France, cette procédure existe L 141-1 et L 141-2 du Code de l'organisation judiciaire. Elle permet de sanctionner le service public de la justice (l'État) en cas de faute lourde ou en cas de déni de judiciaire. Pour activer cette procédure, la Cour de cassation avait retenu une conception étroite de la faute lourde qui était incompatible avec l'objectif en présence. La CEDH a d'ailleurs sanctionné la France dans un arrêt Vernillo c/ France du 20 février 1991. en disant que les notions de faute lourde et de déni de justice étaient interprétées trop restrictivement pour que le recours soit utile. Depuis l'arrêt Vernillo, la jurisprudence est modifiée et dans un arrêt d'assemblée plénière du 23 février 2001, la CK consacre une définition extensive de la faute lourde.Le CE quant à lui a modifié sa jurisprudence assez récemment dans une affaire qui avait duré plus de 7 ans. CE 28 juin 2002 Magiera : pour la première fois, la responsabilité de l'État a été mise en cause pour fonctionnement défectueux du service public de la justice administrative en raison du délai non raisonnable et ce sur le simple fondement de la faute simple.

Pour finir, CEDH 12 juin 2001 Giumarra c/ France : elle a déclaré irrecevable la recette d'une personne parce qu'elle n'avait pas au préalable utilisé la voie proposée par la voie interne. Pour certains auteurs, il est nécessaire d'agir sur le plan interne avant de

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saisir la CEDH. Les recours internes doivent être un préliminaire à l'action de la CEDH.

Section II – L'influence de l'exigence de célérité en droit interne

Pour mesurer cette influence, on va s'intéresser à la procédure civile, pénale et administrative.

En procédure civile : traditionnellement, en procédure civile, un procès bien mené était un procès qui se déroulait dans le temps. Plus on prenait de temps, plus le juge avait des éléments pour juger. Néanmoins, les choses ont évolué avec le NCPC (dans les années 1970). L'idée de rapidité du procès se fait jour. On la trouve cependant exprimée qu'indirectement. Dans les premiers articles du CPC (1 à 24), on a un certain nombre de dispositions qui font référence à l'exigence du respect d'un délai. Plus précisément, les articles 2 et 3 sont intéressants. L'article 2 s'adresse aux parties et l'article 3 s'adresse au juge.Article 2 : il pose le principe que les parties conduisent l'instance civile et il leur appartient d'accomplir les actes de procédures requis dans les formes et délais.Article 3 : le juge a un rôle de police de l'instance. Il ne l'alimente pas mais veille à son bon déroulement. Le juge a le pouvoir d'impartir des délais.

On peut considérer que le principe de célérité est consacré comme un principe directeur du procès. Ceci a été confirmé de manière assez indirecte par l'ordonnance du 8 juin 2006 qui modifie le COJ.n nouvel article L 111-3 prévoit que les décisions de justice sont rendues dans un délai raisonnable.

Enfin, un certain nombre de réformes a la volonté de rendre plus

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rapide le procès. Par exemple, le décret du 28 décembre 1998 met en place les conclusions récapitulatives. Ces conclusions existent devant le TGI et la cour d'appel. L'idée est que les parties et leurs représentants ont l'obligation de reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et les moyens présentés dans leurs conclusions antérieures. Si l'on ne satisfait pas à cette exigence, les prétentions ou les moyens qui ne sont pas repris dans les dernières conclusions sont considérés comme abandonnés. L'avantage est de permettre au juge d'avoir sous la main toutes les conclusions en un même temps. Concrètement, c'est efficace. Autre exemple, le décret du 28 décembre 2005 instaure la technique des calendriers de procédure. De manière conventionnelle, tous les intéressés au procès déterminent par avance un calendrier prévisionnel de la procédure. On fixe le dépôt des conclusions, la clôture de la mise en état (instruction) et la date pour les débats. Le seul problème de cette procédure est qu'elle est dénuée de sanction en cas de non respect. Cette pratique est assez disparate dans la réalité. Sur Bordeaux, cela fonctionne que très moyennement. En revanche, à Paris, cela est très efficace. A Marseille, c'est inefficace.

En procédure pénale : la procédure pénale a toujours été guidée par l'idée de rapidité afin de permettre une réparation rapide du préjudice pour les victimes. Le problème est d'arriver à combiner l'exigence de rapidité avec le respect du droit de la défense. Pour autant, dans le CPP, la loi du 15 juin 2000 introduit la notion de délai raisonnable pour le jugement en matière pénale. Dorénavant, cette exigence se trouve insérée dans le fameux article préliminaire du CPP.

En procédure administrative : on se retrouve dans une logique particulière. Le juge administratif n'a jamais été habitué à statuer dans l'urgence. Bien au contraire, le procès qui dure est considéré comme un bon procès. Il faudra attendre une loi du 28 novembre 1995 pour qu'une idée de célérité fasse son apparition en

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procédure administrative. Pour la première fois, on introduit la technique du référé. La loi du 30 juin 2000 réforme complètement le référé administratif et créé 2 nouvelles formes de référés. Il s'agit du référé suspension d'abord : suspension de l'exécution d'un acte administratif en cas d'urgence à la condition que le moyen allégué fonde un doute sérieux sur la légalité de la décision. Pour la première fois est remise en cause une grande règle selon laquelle les recours administratifs ne sont pas suspensifs. Ensuite, le référé liberté : il permet au juge de donner des injonctions à l'administration. Le juge va pouvoir prendre toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder les libertés fondamentales menacées par une personne de droit public.

Chapitre III – L'équité de la procédure

Le principe général d'équité apparaît aujourd'hui comme une garantie processuelle autonome dans la jurisprudence de la Cour EDH. Cela permet à cette dernière de sanctionner un État pour procès non équitable même si les autres garanties sont respectées. La Cour EDH estime en effet qu'il faut tenir compte de l'objet et du but de la Convention EDH pour garantir un procès équitable. Le procès équitable passe par une procédure équitable (attention : procès ne se confond pas avec procédure).

La Cour EDH retient 3 grands critères : L'examen de la procédure doit être pris en compte dans son

ensemble. Peu importe que chacune des garanties formelles de l'article 6 de la Convention soient respectées. LA présence des autres éléments ne donne pas « un brevet » d'équité. Ce critère offre une large marge de manœuvre pour la Cour EDH : elle est libre d'apprécier ce qui est équitable ou non malgré le respect des autres principes du procès équitable.

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La prise en compte des apparences est importante dans l'appréciation du respect ou non de la procédure équitable. Dès lors que le justiciable a simplement le sentiment que la procédure suivie est inéquitable, il faut que l'État partie change ses règles de procédure. C'est le sentiment des justiciables qui est pris en compte. Marge de manœuvre de la CEDH énorme encore ici.

L'appréciation est in concreto : elle revêt une importance très importante ici. Tout doit être vérifier concrètement et dans les moindres détails afin de s'assurer de l'équité du procès. Cela constitue un poids supplémentaire sur les épaules du juge national puisque cette tâche lui incombe.

A partir de ces éléments, la CEDH construit une véritable notion autonome de l'équité. Suite à ces 3 grands critères, la CEDH dégage 2 grands principes :

L'obligation de motivation des décisions de justice. Il faut remarquer que l'article 6 ne fait aucune référence à cette exigence.

Le principe d'égalité des armes.

Section I – La motivation des décisions de justice

La motivation est une garantie contre l'arbitraire car elle oblige le juge de prendre conscience de la portée de sa solution. Pour le plaideur, c'est aussi une justification à la décision qu'il va se voir appliquer. Aussi, cela permet à la jurisprudence de se constituer textuellement. Cette motivation est parfois en confrontation avec l'exigence de célérité. Néanmoins, la doctrine a toujours estimé qu'il ne fallait pas sacrifier la motivation au bénéfice de la célérité. Globalement, la jurisprudence confirme cette position.

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§1 – La motivation des décisions de justice en droit conventionnel européen

Rien n'est prévu à l'article 6§1 de la Convention. C'est donc une invention purement jurisprudentielle sur un fondement qui est celui de la procédure équitable. Cette création est par ailleurs assez récente (15 ans environ). Enfin, la valeur de l'obligation de motiver n'est pas très forte en droit conventionnel. C'est une création de la CEDH, CEDH 19 avril 1994 Van De Hurk c/ Pays-Bas : pour la première fois, l'obligation de motivée se fait jour. Elle est mise en place comme une application autonome de la notion de procédure équitable. Dans cette affaire, la CEDH adopte une position modérée puisqu'elle estime « que l'article 6§1 oblige indirectement les tribunaux à motiver leurs décisions mais il ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument ».

Quelques mois plus tard, deux arrêts CEDH du 9 décembre 1994 Ruiz et Hira, la CEDH apporte un nouvel assouplissement de cette obligation de motiver. Elle estime que cette obligation peut varier selon la nature de la décision et doit s'apprécier à la lumière des circonstances de l'affaire.Dans l'arrêt CEDH 19 décembre 1997 Hellé c/ Finlande, la CEDH admet qu'une motivation par incorporation d'une décision émanant d'une juridiction inférieure répond à l'article 6§1.

L'obligation de motiver est largement assouplie par la jurisprudence de la CEDH. Aujourd'hui, les hypothèses de violations sont néanmoins assez rares. Un exemple de condamnation, l'affaire CEDH Higgins c/ France du 19 février 1998 : la Cour reproche à la Cour de cassation une pratique qui consiste à reprendre des motifs types. Pour autant, la Cour de cassation n'a pas modifié ses pratiques. CEDH 21 mars 2000 Dulaurans c/ France : la France est de nouveau sanctionnée pour la même cause. Pour l'instant, la Cour de cassation ne change pas de position.

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§2 – La motivation des décisions de justice en droit français

En droit français, l'obligation de motiver est assez ancienne. Elle est introduite par les lois du 16 et 24 août 1790. Cette obligation a une valeur constitutionnelle et son aménagement est dévolu à la loi. Néanmoins, l'application de ce principe varie selon les contentieux. Notamment, il y a une forte disparité entre la matière civile et la matière pénale.

En matière de procédure civile : l'obligation de motiver a toujours été très forte et générale. Toutes les juridictions civiles et tous les jugements sont concernés (même concernant l'arbitrage par exemple). La CK étend même ces obligations à des simples commissions de conciliation. CK 21 octobre 1997 : elle l'a fait en matière de commissions fiscales.Toutefois, cette obligation n'est pas absolue. Elle ne concerne pas les mesures d'administration judiciaire. On considère que ces mesures ne sont pas des jugements. Aussi, la loi peut ponctuellement dispenser certaines décisions de l'obligation d'être motivées. Par exemple, article 353 Code civil qui évoque le jugement qui prononce l'adoption. Il n'a pas a être motivé.Enfin, il arrive que la jurisprudence elle-même assouplisse cette exigence. La Cour de cassation dispense de motivation la décision qui fixe le point de départ des intérêts moratoires à un autre jour qu'au jour du prononcé initialement prévu.

En matière de procédure pénale : l'obligation de motiver existe de façon moins prononcée. La motivation ne s'impose pas aux jugements de Cour d'assises. Le jury répond positivement ou négativement sans motivation. La doctrine estime que cela n'est pas satisfaisant. L'article 485 du CPP dispose que tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif.Par ailleurs, le principe de motivation est indirectement bafoué par la pratique de nombreux tribunaux correctionnels. Cela consiste à

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ne motiver la décision que lorsque le prévenu fait appel (en raison de la surcharge qui pèse sur les magistrats). Cette pratique est récemment remontée au niveau de la CEDH qui a condamné la France, CEDH 24 juillet 2007 Boucher c/ France.

La loi du 10 août 2007 sur la lutte contre la récidive traduit une volonté du législateur d'arranger la situation en matière pénale. Pour les personnes en état de récidive légale, il est prévu que les tribunaux peuvent prononcer des sanctions inférieures au seuil prévu par la loi s'ils motivent spécialement cette décision. Article 132-18-1 et 132-19-1 Code pénal. Dès lors qu'on déroge au seuil fixé, on doit motiver.

Section II – L'égalité des armes et le principe du contradictoire

Il faut distinguer égalité des armes et contradictoire. La notion d'égalité des armes est une garantie autonome du procès équitable. La notion est intéressante, elle n’existait pas en droit interne. En droit interne, il existe le principe du contradictoire. Il n’est pas toujours évident de distinguer les deux. On verra que la notion d’égalité des armes est une garantie autonome du procès équitable. On verra que cette notion a donné lieu à des applications très diverses et on verra que cette notion, bien qu’elle soit englobée dans le principe du contradictoire ; elle s’en désolidarise sur certains aspects. L’égalité des armes est incluse dans la notion plus générale de contradiction. C’est une composante autonome de la garantie du procès équitables. Elle va voir un champ d’application étendu.

§1 - L’égalité garantie autonome du procès équitableNotion mise en avant par la CEDH très tôt puisque dès 1959 elle y fait allusion dans plusieurs arrêts. Ce n’est pourtant que

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dans CEDH 17 Janvier 1970 « Delcourt ».Que la CEDH utilise clairement la notion « égalité des armes ». Cette expression en tant que telle n’existe pas dans la CEDH, pas plus que celle de contradiction.

Dès lors la Cour développe cette notion. On comprend que cela suppose l’absence de différence de traitement.

CEDH 27 Octobre 1993 « Dombo Beheer c/ Pays bas». Pour la première fois la CEDH propose une définition. « L’égalité des armes implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ».

Ensuite cette notion va être appliquée tous azimuts. Elle va concerner toutes les procédures y compris devant les autorités administratives investies d’un pouvoir de sanction.Le principe d’égalité concerne le défendeur/le demandeur mais aussi les tiers (par les mécanismes d’intervention). Pour la Cou r aucune des parties ne doit bénéficier d’un statut privilégié, pas même l’état. la Cour étend cette exigence aux relations des parties avec des tiers qui ne sont pas sur le plan procédural des parties au procès. Ex : le parquet de cassation.

Dès lors ces exigences vont entraîner pas mal d’interrogations et de résistances des états signataire. La complète conformité avec ce principe nécessiterait des réformes profondes et la remise en question d’institutions anciennes et prestigieuses (ex : parquet de cassation, CDG auprès du CE).

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§2 – Des applications diversesLe principe d’égalité des armes reçoit des applications diverses aussi bien dans la jurisprudence du Comité des droits de l’Homme des NU (chargé de surveiller l’application de la convention de NY de 1966) mais aussi dans la jurisprudence même de la CEDH.S’agissant de la jurisprudence du comité des de droits l’homme, il faut savoir que le pacte de New York proclame solennellement un principe d’égalité procédurale.

A - Le comité des droits de l’homme à l’ONUIl ne s’agit pas simplement d’affirmer un principe d’égalité des armes, il faut que ce dernier se prolonge par une égalité de moyens effectifs.

L’égalité des armes suppose que chaque partie puisse faire entendre les éléments d’accusation et les éléments de défense. Néanmoins cette égalité des armes doit être prolongée par une égalité de moyens. Chacun doit avoir le temps et les facilités nécessaires pour apporter les éléments soit d’accusation soit de défense.

Un exemple, bien évidemment l’égalité des armes supposent effectivement que chaque partie puisse faire entendre les éléments d’accusations et les éléments de défense. Néanmoins cette théorie de l’égalité des armes, doit être prolongée par une égalité de moyens. C'est-à-dire que chacun doit avoir le temps et les facilités nécessaires pour apporter les éléments nécessaires. Dans une constatation du 31 mars 1993, le comité a pu notamment relever que ce temps n’avait pas été accordé à un détenu parce que l’avocat qui le défendait n’avait disposé que de 4 heures pour examiner le dossier. Or l’accusé en question risquait la peine de mort. Certes chacun avait eu le temps. Dans ce cas particulier, il y avait égalité des armes, mais il y avait rupture de l’égalité des moyens. Le problème est que les constatations n’entraînent pas d’effet, seulement des injonctions.

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Le principe est poussé jusqu’à une logique intéressante. On peut souhaiter que dans l’avenir la Cour EDH ira aussi loin dans l’avenir. Comme il y a des points de connexion, on peut penser que cette jurisprudence sera utilisée.

B - La jurisprudence de la CEDHÉvidemment les applications du principe sont nombreuses. On n’étudiera pas tout. Le jurisprudence ce de la Cour a été intéressante. Elle s’est distinguée dans ce domaine en précisant que le principe avait une incidence importante, notamment dans l’administration de la preuve. Précisément dans l’arrêt de 1993 Dombo Beheer – les parties doivent présenter de manière égale leurs moyens de preuve et faire entendre leurs propres témoins.

Dans l’arrêt de 1993, une définition avait été posée et s’applique aux moyens de preuves. Cette exigence de l’arrêt Dombo Beheer a posé un problème pour le contentieux administratif. Le juge administratif peut refuser d’ordonner une mesure d’expertise, nonobstant la demande de l’une partie. On s’est rendu compte qu’il y avait une rupture d’égalité entre l’administration qui a plus de moyens que l’individu, qui devait demander une expertise et en plus il pouvait se faire refuser cette expertise. La France a été condamnée le CEDH 24 octobre 1999 dans l’affaire H C/France – pourtant la situation qui existait n’a pas été effacée. Ce que vous devez retenir, est que ce principe est intéressant en matière de preuve (preuve, témoins,..) on a une précision importante par la jurisprudence de la CEDH.

§3 - L’égalité des armes dans le respect du principe contradictoire

Vous vous rappelez le principe de l’égalité des armes est inséré dans le principe du contradictoire. Par ailleurs, la CEDH a déclaré que le principe d’égalité des armes représente un élément plus

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large de la notion de procès équitable qui englobe aussi le droit fondamental du caractère contradictoire de l’instance – CEDH 23 juin 1993 RUIZ / Espagne

Ces principes ont un lien très fort. Pour autant, le principe de la contradiction n’est pas visé expressément par le paragraphe 6§1. Toute la construction qui va suivre émane, résulte de la jurisprudence de la CEDH.

Néanmoins pour le principe du contradictoire. Le principe du contradictoire a toujours été doté d’une valeur particulière notamment sur la plan interne. Cela ne concerne pas le principe d’égalité. La notion d’égalité des armes n’est pas retenue dans la jurisprudence civile. Elle a été retenue dans la loi sur la présomption d’innocence.

Par ailleurs, il dispose d’une portée particulière, quelque soit le contentieux envisagé. On vous enseigne que le principe du contradictoire se développe entre les parties. C’est une exigence respectée par le tribunal

A- La valeur du principe du contradictoireLe principe du contradictoire est englobé dans le principe des droits de la défense (c’est une vision circulaire – oignon de Arendt) dont la valeur internationale est affirmé tant en matière civile que pénale, par le pacte de New York et la CEDH.

Plus précisément la CEDH a spécialement énoncé que le contradictoire devait être considéré comme un élément du procès équitable dans un arrêt du CEDH 24 février 1995 Mac Mickael C/ RU – arrêt significatif –

En droit interne, toute une série de décisions du conseil constitutionnel ont d’abord déclaré solennellement la nécessité de

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respecter les droits de la défense, considéré comme des principes fondamentaux reconnu par les lois de la république (PFRLR) – Ces décisions se sont échelonnées dans les années 70, le conseil consacre le respect du droit de la défense comme un droit fondamental à caractère constitutionnel – CC 13 août 1993 -

Dans les textes internes nationaux de procédures, la contradiction est considéré comme un principe de forte valeur – dans le code de procédure civil à l’article 16 – en procédure civile, le siège de la contradiction, c’est l’article 16.

Par la loi du 15 juin 2000, pour le code de procédure pénale, l’article préliminaire associe de façon très significative dans la même phrase les mots équité, contradictoire et équilibres de droits des parties

Le contentieux administratif, avec le rôle autoritaire du juge administratif, l’article L5 du code de justice administrative prévoit que la procédure administrative doit répondre aux exigences de la contradiction. Il y a une spécificité due à l’autorité du juge administratif.

Pour terminer, que ce soit devant le CE ou la CK il y a la consécration du principe du contradictoire comme un principe fondamental de procédure. C’est d’ailleurs, quelque chose qui a retenu assez tôt pas le conseil d’Etat à travers la reconnaissance du principe des droits de la défense. Le conseil d’Etat estime que la contradiction et les droits de la défense sont des règles générales de procédures. Ce sont des règles qui s’imposent. CE 5 mai 1944 - Trompier Gravier – Dans un arrêt de CE 13 décembre 1968 « association syndicale des propriétaires de Champigny sur marne, le CE en fait un PGD. On augmente la valeur du principe. Il s’agit d’un PGD. Le pouvoir réglementaire ne pourra s’en émanciper.

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Pour la CK dans un arrêt du 7 mai 1928, dans cette décision la Cour a estimé « la défense étant de droit naturel, personne ne doit être condamné sans avoir été appelé et mis en demeure de se défendre ». Cela montre bien que le droit de la défense est présent. C’est surtout la décision CK ass20juin1995, qui fait des droits de la défense comme « un principe à caractère constitutionnel ».

B- La portée du principe du contradictoire Le contradictoire correspond

Tout d’abord, au pouvoir de discuter de tout ce qu’avance en droit et en fait l’adversaire et de tout ce qu’il produit comme document et pièces. C’est une relation inter partie.

C’est ensuite le pouvoir de discuter avec le juge suivant le type de contentieux visé.

Ces constations font voir que le principe n’est pas seulement de protéger les personnes dont les intérêts peuvent être affecté par un procès. Mais il sert le procès lui-même en étant un élément de l’élaboration du jugement. Le principe permet au juge de trancher le litige. Il a tous les éléments. Il statut « Juxta petita ». Le jugement s’impose aux parties et aux juges

1 - Le respect du contradictoire devant le tribunal On peut dire que la question du respect du principe l’égalité des armes, envisagé à travers le principe de la contradiction se pose avec une acuité particulière lorsqu’on s’intéresse aux règles concerne la communication des parties, notamment entre les parties, mais aussi avec le ministère public ou encore avec le rapporteur de la république.

Il faut aussi distinguer que les parties se trouvent devant les juridictions du fond, devant la C.Cass ou les juridictions administratives. On pourrait même se poser devant le CC ou la CJCE.

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a) Le principe du contradictoire devant les juridictions judiciaire du fondDans l’arrêt CEDH Werner c/ Autriche 24 novembre 1997 a affirmé de manière générale « que le droit a une procédure contradictoire implique pour une partie de prendre connaissance des observations des pièces produites par l’autre et de les discuter ». La décision précise que cela s’applique de manière équivalente en procès civil ou pénal.

L’application de cette jurisprudence a posé deux types de difficulté :

Les réquisitions du parquet. En matière pénale, il n’est pas d’usage que le parquet transmette ces réquisitions avant de les soutenir à l’audience. Mais il n’est pas normal pendant l’audience en correctionnel, que le parquet assène l’individu d’argument de droit et de fait que l’accusé ne pourra défendre, notamment en l’absence du suspension d’audience.

Ceci a obligé à modifier la pratique, notamment parce que suite à l’arrêt WERNER. Un deuxième arrêt de la CEDH est intervenu CEDH 22 février 1998 BULUT C/ Autriche – est intervenu pour affirmé que la remise au tribunal par un procureur général que la défense ne peut pas discuter méconnait le principe d’égalité des armes.

Suite à ces arrêts, général puis particulier, a conduit la Chambre criminel de la Cour de cassation, le 9 mai 2001 a imposé au représentant du parquet un dépôt des éléments importants à charge – à la veille de l’audience afin que la partie adverse puisse en prendre connaissance, à peine que les éléments non transmis ne seront pas traités.

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La pratique a évolué sous la jurisprudence de la CEDH. Ce sont des éléments visant les juridictions du fond.

La possibilité pour le parquet de fournir à l’audience des pièces nouvelles. La chambre criminelle a décidé 9 mars 1994 - 30 octobre 1996 – le parquet peut produire à l’audience les éléments nouveaux qu’il lui paraisse utiles sauf à respecter le droit des parties de les examiner et de les discuter.

Ce qui s’est posé comme question : la discussion doit se faire sur le vif. La discussion va se faire sur le vif, pas de temps de préparation pour la partie adverse. On risque d’une condamnation de la CEDH.

b) Le principe du contradictoire devant la CKTout ceci part de deux arrêts du CEDH 20 février 1996 VERMEULEN C/ Belgique et LOBO C/ Portugal – Deux grands arrêts qui conduisent la CEDH a jugé que le ministère public devant les juridictions suprêmes ne se comporte pas toujours conformément respectueux au principe d’égalité des armes.

La CEDH considère que les magistrats du ministère public sont impartiaux, objectifs, ce n’est pas la dessus. Mais du fait qu’ils émettent des avis destinés à influencer à la Cour, les parties adverses doivent nécessairement en avoir connaissances. Ainsi que le ministère public ne transmette ces observations aux parties adverses suffisent pour qu’il y ait violation du principe d’égalité des armes. Ce sont des décisions qui remettent en cause l’égalité des armes.

La CEDH dans 4 arrêts postérieurs entre 1997 et 1998, va confirmer cette jurisprudence dans d’autres Etats. Cette position

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était très radicale et on pouvait craindre une condamnation de la France, qui a une conception latine du procès comme la Belgique ou au Portugal.

La France a été condamné dans un arrêt du 31 mars 1998 – CEDH 31 mars 1998 SLIMANE-KAÏD C/ France – elle estime que devant le chambre criminelle il y a déséquilibre entre les crée un avantage à l’avocat général, qui crée un désavantage qui ne s’accorde pas avec les exigences du procès équitable ; Certes la CEDH relève que le ministère public n’intervient en tant que partie jointe à l’action pénale et que donc sa mission n’est pas de soutenir son exécution mais par le travail qu’il fournit peut influer sur la décision définitive, le principe d’équilibre, d’égalité des armes doit être respecter.

Très rapidement, des innovations vont être produites dans la pratique de la CK. C’est celle de La note en délibéré qui permet aux parties de répliquer aux ministères publics alors que ce dernier tient pourtant tient du code de procédure civile de prendre la parole en dernier. Concrètement, le ministère public communiquer à l’avocat des parties l’ensemble des éléments à sur lesquels il va officier au moins 24 heures avant l’audience. L’avocat qui reçoit les éléments va répliquer par le biais de note spécifique lui permettant d’apporter des éléments au délibéré. Cette solution a été introduite véritablement depuis octobre 2001.

La France a continué à être condamnée malgré les efforts de la CK par le biais de la note en délibéré. Cette dernière n'est as suffisante pour assurer l'égalité des armes. CJCE 26 avril 2001 Meftah c/ France et 23 janvier Gaucher c/ France.

c) Le principe du contradictoire devant le CELe CE a voulu prévenir une éventuelle mise en cause par la CJCE du rôle des commissaires du gouvernement. CE 29 juillet 1998 Mme Esclatine : le CDG participe à la fonction de juger et que

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l'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du contradictoire. Par conséquent, les conclusions rendues par le CDG n'ont pas à faire l'objet d'une quelconque communication aux parties. Celles-ci ne sont pas non plus invitées à y répondre. Le CE met ici en avant la différence entre CDG et ministère public.

Cette argumentation n'a toutefois pas convaincu le juge européen qui condamné la France le 7 juin 2001 Kress c/ France. La CJCE reconnaît effectivement la spécificité du CGD par rapport au ministère public. La CJCE insiste sur le caractère indépendant et impartial. Néanmoins, elle condamne la France à deux titres :

Elle estime que les conclusions du CDG doivent quand même être soumises au principe de la contradiction du fait de l'autorité qui s'attache à ces conclusions. La CJCE affirme que l'impossibilité de répliquer à ces observations est une violation du principe d'égalité des armes.

Le CE réagit suite à un décret de mars 2008 entré en mai 2008 : R 731-5. Les parties peuvent dorénavant produire des notes en délibéré. Le CE cède du terrain de la même manière que la Cour de cassation.

La CJCE a également condamné la France car le CDG participe au délibéré. La participation du CDG au délibéré lui donne l'apparence d'une partie. Cela entraine une rupture de l'égalité des armes. Vision anglo-saxonne que la justice n'a pas été rendue correctement (très subjectif).

CJCE 20 juin 2006 Martini. De nouveau, on a une modification décrétale de certains textes du Code de justice administrative. R 732 et suivants du Code de justice administrative. Devant les tribunaux administratifs et cours d'appel administrative, le CDG ne participe plus aux délibérés. En revanche, devant le CE, on a une pratique qui est adaptée : on peut demander la mise à l'écart du CDG de manière effective. Si les plaideurs ne se manifestent pas, le CDG assiste au délibéré mais ne prend pas part à la

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décision définitive. Il faut que la demande de mise à l'écart du CDG soit écrite.Le CE lui-même s'est prononcé sur la légalité de ce type de modification en estimant que cela respecte le droit européen. CE 25 mai 2008 Courty.

2 – Le respect du contradictoire par le tribunalLe juge doit aussi respecter le principe du contradictoire, ce qui implique des obligations à sa charge.

*Le juge doit respecter le principe du contradictoire à la comparution des parties à l'audience. Les parties disposent du droit de comparaitre aux audiences qui les intéressent. D'ailleurs, la CEDH time qu'une procédure n'est pas contradictoire si le président du tribunal n'a pas entendu une partie. CEDH 9 mai 1986 Feldbruge c/ Pays-Bas.

Le droit positif français est en parfaite conformité avec ce principe, notamment sur le plan de la procédure civile (article 16 CPC). Néanmoins, le droit de comparaitre n'implique pas forcément le droit de comparaitre en personne. Lorsque ce n'est pas le cas, la représentation par un avocat est nécessaire. Ce point a nourri un contentieux en matière pénale.La procédure qui a suscité la difficulté est la procédure par contumace : procédure qui aménage la possibilité de juger une personne en son absence devant une cours d'assises. Dans la procédure de contumace, une sanction est prononcée à l'encontre de la personne absente (généralement en fuite). Le jugement par contumace pouvait être rendu sans audition des avocats de l'accusé et sans possibilité d'exercer un recours en justice (forme de mort civile consacrée ici).Évidemment, la CEDH a sanctionné cette pratique en estimant que tout accusé a le droit d'être défendu et entendu par un avocat même s'il est absent aux débats. CEDH 28 mars 2000 Van Pelt c/ France et CEDH 13 février 2001 Krombach c/ France. De

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manière surprenante, la CEDH sanctionne le fait que l'accusé n'a pas été entendu mais n'a rien dit en matière d'absence de recours en justice.La procédure par contumace est supprimée et remplacée aujourd'hui par une procédure par défaut. Désormais, la personne peut accéder à un avocat et surtout elle aura droit à une voie de recours qui est l'opposition.

*Le juge doit aussi respecter le contradictoire dans la requalification des faits. Quand il requalifie les faits, la CEDH exige que la contradiction soit respectée. Il va devoir inviter tous les intéressés à présenter leurs observations par rapport à la requalification qu'il propose. CEDH 25 mars 1999 Sassi c/ France.

TITRE TROISIEME – LA GARANTIE DE L'EXECUTION DE LA DECISION DU JUGE

Le droit à l'exécution des jugements est devenu la troisième grande garantie du procès équitable pour le droit européen puis ensuite pour le droit constitutionnel. C'est une garantie tout aussi fondamentale que les autres dans la mesure où sans l'exécution du jugement, le droit d'accès à un tribunal et le droit une procédure équitable n’aura servi à rien.

L'arrêt de principe en la matière CEDH 19 mars 1997 Hornsby c/ Grèce : La CEDH affirme que « on ne comprendrait pas que l'article 6 décrive en détail les garanties de procédure accordées aux parties et qu'il ne protège pas la mise en œuvre des décisions

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judiciaires... L'exécution d'un jugement ou arrêt de quelque juridiction que ce soit doit donc être considérée comme faisant partie intégrante du procès au sens de l'article 6 ».C'est une interprétation résolument contraire à la lettre même de l'article 6. A aucun moment l'article 6 ne fait la moindre illusion à l'exécution des décisions de justice. La CEDH justifie son audace en se référant à un concept qu'elle a spécialement créé à l'occasion pour amplifier le contenu de la CESH : le concept de prééminence du droit – c'est une élément du patrimoine spirituel commun des membres du Conseil de l'Europe.

Avant l'arrêt Hornsby, la CEDH n'envisageait l'exécution des décisions de justice que sous l'angle de l'appréciation du délai raisonnable. C'est donc une nouvelle conception du procès équitable. Depuis, l'arrêt Hornsby est confirmé par plusieurs décisions de la CEDH : CEDH 11 janvier 2001 Lunari c/ Italie. La Cour EDH a franchi un pas supplémentaire en étendant le droit à l'exécution à propos des procédures d'actes notariés et aux procédures de conciliation. Pour les actes notariés (CEDH 21 avril 1998 Estima c/ Portugal), elle affirme que les exigences procédurales de l'article 6 sont applicables à une procédure d'exécution d'un acte notarié. Ici aussi, la CEDH élude un redoutable obstacle technique : les garanties de l'article 6 sont normalement liées à un procès. Toutefois, ce n'est pas le cas avec un acte notarié car il n'y a aucun procès. La CEDH surmonte la difficulté en dégageant que « l'esprit de la convention commande de ne pas prendre le terme contestation dans une acception trop technique et d'en donner une définition matérielle plutôt que formelle ». Il peut donc y avoir droit à un procès équitable même en l'absence de procès.La même extension a été reprise pour un acte de conciliation le 28 octobre 1998 Perez c/ Espagne.

Le droit à l'exécution des décisions a été reconnu par le CC par une décision du 29 juillet 1998 : le CC a estimé que la règle

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suivant laquelle tout jugement peut donner lieu à exécution est le corollaire de la séparation des pouvoirs. Dans la même décision, le CC précise que cette règle ne peut être écartée que pour des exigences de sauvegarde de l'ordre public.