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MESURES 813 - MARS 2009 - www.mesures.com 16 F orum MESURES 813 - MARS 2009 - www.mesures.com 17 SYSTÈMES D’INFORMATION « La convergence entre MES et ERP favorise le partage des indices de performances » Les systèmes MES (Manufacturing Execution Systems) sont étroitement liés aux logiciels de gestion de production. Ils remontent aussi des informations vers les systèmes de gestion d’entreprise (ERP, Enterprise Resource Planning). Mais pour une entreprise étendue à plusieurs sites de production, il peut être utile d’accéder à toutes les données de production depuis un point central, afin d’améliorer la prise de décision. C’est pourquoi aujourd’hui logiciels MES et ERP tendent de plus en plus vers des systèmes unifiés. Nous avons réuni trois spécialistes des technologies de l’information et des logiciels manufacturiers. Ils nous font part de leur vision sur la convergence entre les deux mondes. Mesures. Avant d’évoquer la tendance au rapprochement entre systèmes d’informa- tion et systèmes de gestion de production, peut-être pourriez-vous rappeler leurs principales différences ? Luca Benporath (Atos Origin). Systèmes ERP et logiciels MES ne viennent tout simplement pas du même monde. Historiquement, le champ d’application des systèmes ERP s’ar- rête aux portes de l’ate- lier. En effet, ce qui se passe à l’intérieur des usines a toujours été considéré comme une “boîte noire” par les responsables informa- tiques, qui préfèrent laisser aux responsables de production le soin de gérer leur activité. Cela passait auparavant par la mise en place d’outils spécifiques, et de nombreux éditeurs se sont spécialisés dans la conception de logi- ciels de gestion de pro- duction. Mais avec la publication des normes ISA 88 et ISA 95, l’espace entre ERP et logi- ciels d’ateliers a pu être comblé. Ces normes ont formalisé une séparation des processus de l’entreprise selon plusieurs couches, et ont défini les échanges d’informations entre ces couches. C’est ainsi qu’on a pu voir ap- paraître les premiers systèmes MES, qui effectuent le lien entre l’usine et les ordres en provenance de l’ERP. Patrick Ory (Euriware). Se pose alors le pro- blème de la responsabilité de ce lien entre données d’entreprise et données de produc- tion. Les financiers seront davantage portés vers l’optimisation et la réduction des stocks, tandis que les responsables d’atelier seront plutôt préoccupés par le rendement et la disponibilité des machines. C’est pourquoi on conseille souvent la nomination d’un responsable MES. Celui-ci définit les indica- teurs de performances les plus pertinents, mais il rencontre des difficultés dès lors qu’une information doit traverser toutes les couches de l’entreprise. Il faut remarquer à ce propos que, bien que la norme ISA 95 définisse les interactions entre les couches fonctionnelles d’une en- treprise, il ne s’agit que d’“une” des repré- sentations possibles. Cette norme est une vision américaine de la modélisation d’en- treprise, et il en existe d’autres. Surtout, il s’agit d’une norme récente, et elle reste en constante évolution. Bien que les couches basses aient été modélisées dès les premières versions de la norme (en 1995), ce n’est que l’année dernière que des versions traitant des couches supérieures ont été publiées. Et ces dernières ne sont encore qu’au stade de “drafts” (des versions non définitives). Du coup, sur le marché des logiciels industriels, on trouve des visions plus ou moins inspi- rées de la norme, et qui diffèrent forcément selon les éditeurs. Mesures. Même avec l’arrivée des logiciels MES, la communication entre les mondes de la production et de la gestion d’entre- prise reste donc difficile… Quels sont les principaux moteurs de la convergence entre ces deux mondes ? Patrick Ory (Euriware). Il y a un intérêt évi- dent du point de vue stratégique. De la même manière que les ERP ont été créés pour centraliser toutes les données des cou- ches supérieures de l’entreprise, on ressent la nécessité d’optimiser la remontée de celles en provenance de l’atelier (les couches basses). Sans compter que les dirigeants d’entreprises veulent accéder à ces données, et qu’ils s’in- téressent de plus en plus à la gestion de pro- duction. Ils savent que des améliorations sont possibles, et qu’elles peuvent générer des économies de temps et d’argent. Luca Benporath (Atos Origin). Autre argu- ment en faveur d’un système d’information centralisé : des coûts de maintenance réduits. Les dirigeants commencent en effet à ralen- tir leurs investissements dans des logiciels spécifiques, propriétaires, car ils sont trop difficiles à maintenir. Surtout lorsque cer- tains collaborateurs clés quittent l’entreprise. Cela est encore plus flagrant dans les grands groupes : lorsque des usines sont issues d’acquisitions successives, arriver à fédérer des données en provenance des différents sites relève du casse-tête. Ces groupes dispo- sent de systèmes unifiés pour la génération des ordres de fabrication, mais ils doivent les envoyer vers des systèmes MES différents pour chacune des usines. Or la mise en com- mun des données est absolument primor- diale. Elle rend possible l’optimisation des stocks et des commandes de matières pre- mières, l’équilibre des charges entre les sites de production, et aussi la comparaison des performances des différents sites. Mesures. Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour aller vers un système d’in- formation unifié ? Patrick Ory (Euriware). Il faut relever le défi de la standardisation des données. Tout d’abord, ERP, MES et logiciels de gestion de production n’ont pas la même précision temporelle. On demande aux ERP une pré- cision de l’ordre de l’heure, voire de la journée, tandis que les systèmes MES sont précis à la minute et que les logiciels de ges- tion de production travaillent plutôt à la seconde (quand ce n’est pas en temps réel). Pour l’instant, les systèmes MES remontent les informations concernant les consomma- tions de matières premières, les bilans de production et les causes d’arrêts. Cela sous- entend qu’aucune information n’est envoyée avant la fin de la production. Or si l’on veut appliquer le concept d’un système unique, il faut que les informations en cours de pro- duction soient accessibles partout, et en par- ticulier depuis l’ERP. Il est également néces- saire d’établir un référentiel pour Le rapprochement entre MES et ERP représente un intérêt stratégique pour l’aide à la prise de décision. L’intégration entre MES et ERP est un sujet d’actualité. Pour les trois professionnels des logiciels d’entreprise interrogés, la remontée des informations de l’atelier vers les couches supérieures de l’entreprise est une des préoccupations de leurs clients. La convergence entre les systèmes de gestion d’entreprise et de gestion de production facilite la prise de décision. Les logiciels MES effectuent déjà la jonction entre les mondes de la finance et de l’atelier, mais ils sont étroitement liés aux logiciels de gestion de production. Des éditeurs de logiciels MES proposent un principe de couches d’abstraction pour réaliser la liaison manquante, afin que toutes les informations puissent remonter jusqu’à l’ERP. L’essentiel Des indicateurs bien peu exploités Seulement 3 % des entreprises interrogées reconnaissent avoir établi de réels liens pour remonter leurs indicateurs de performances vers les logiciels de gestion. A noter également que pour 10 % des entreprises équipées de MES, les indicateurs générés ne sont reliés à aucun autre système informatique. Etude réalisée par l’association MESA (Manufacturing Enterprise Solutions Association) en 2006. Liens peu efficaces Aucun lien Liens non utilisés Liens utilisés pour quelques services Liens à l’efficacité moyenne Liens assez efficaces Liens très efficaces 8 % 13 % 16 % 31 % 19 % 3 % 10 %

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F orum

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F orumSYSTÈMES D’INFORMATION

« La convergence entre MES et ERP favorise le partage des indices de performances »Les systèmes MES (Manufacturing Execution Systems) sont étroitement liés aux logiciels de gestion de production. Ils remontent aussi des informations vers les systèmes de gestion d’entreprise (ERP, Enterprise Resource Planning). Mais pour une entreprise étendue à plusieurs sites de production, il peut être utile d’accéder à toutes les données de production depuis un point central, afin d’améliorer la prise de décision. C’est pourquoi aujourd’hui logiciels MES et ERP tendent de plus en plus vers des systèmes unifiés. Nous avons réuni trois spécialistes des technologies de l’information et des logiciels manufacturiers. Ils nous font part de leur vision sur la convergence entre les deux mondes.

Mesures. Avant d’évoquer la tendance au rapprochement entre systèmes d’informa-tion et systèmes de gestion de production, peut-être pourriez-vous rappeler leurs principales différences ?Luca Benporath (Atos Origin). Systèmes ERP et logiciels MES ne viennent tout simplement pas du même monde. Historiquement, le

champ d’application des systèmes ERP s’ar-rête aux portes de l’ate-lier. En effet, ce qui se passe à l’intérieur des usines a toujours été considéré comme une “boîte noire” par les responsables informa-tiques, qui préfèrent laisser aux responsables de production le soin de gérer leur activité. Cela passait auparavant par la mise en place d’outils spécifiques, et de nombreux éditeurs se sont spécialisés dans la conception de logi-ciels de gestion de pro-

duction. Mais avec la publication des normes ISA 88 et ISA 95, l’espace entre ERP et logi-ciels d’ateliers a pu être comblé. Ces normes ont formalisé une séparation des processus de l’entreprise selon plusieurs couches, et ont défini les échanges d’informations entre ces couches. C’est ainsi qu’on a pu voir ap-paraître les premiers systèmes MES, qui effectuent le lien entre l’usine et les ordres en provenance de l’ERP.Patrick Ory (Euriware). Se pose alors le pro-blème de la responsabilité de ce lien entre données d’entreprise et données de produc-tion. Les financiers seront davantage portés vers l’optimisation et la réduction des stocks, tandis que les responsables d’atelier seront plutôt préoccupés par le rendement et la disponibilité des machines. C’est pourquoi on conseille souvent la nomination d’un responsable MES. Celui-ci définit les indica-teurs de performances les plus pertinents, mais il rencontre des difficultés dès lors qu’une information doit traverser toutes les couches de l’entreprise.Il faut remarquer à ce propos que, bien que la norme ISA 95 définisse les interactions entre les couches fonctionnelles d’une en-treprise, il ne s’agit que d’“une” des repré-

sentations possibles. Cette norme est une vision américaine de la modélisation d’en-treprise, et il en existe d’autres. Surtout, il s’agit d’une norme récente, et elle reste en constante évolution. Bien que les couches basses aient été modélisées dès les premières versions de la norme (en 1995), ce n’est que l’année dernière que des versions traitant des couches supérieures ont été publiées. Et ces dernières ne sont encore qu’au stade de “drafts” (des versions non définitives). Du coup, sur le marché des logiciels industriels, on trouve des visions plus ou moins inspi-rées de la norme, et qui diffèrent forcément selon les éditeurs.

Mesures. Même avec l’arrivée des logiciels MES, la communication entre les mondes de la production et de la gestion d’entre-prise reste donc difficile… Quels sont les principaux moteurs de la convergence entre ces deux mondes ?Patrick Ory (Euriware). Il y a un intérêt évi-dent du point de vue stratégique. De la même manière que les ERP ont été créés pour centraliser toutes les données des cou-ches supérieures de l’entreprise, on ressent la nécessité d’optimiser la remontée de celles en provenance de l’atelier (les couches basses). Sans compter que les dirigeants d’entreprises veulent accéder à ces données, et qu’ils s’in-téressent de plus en plus à la gestion de pro-duction. Ils savent que des améliorations sont possibles, et qu’elles peuvent générer des économies de temps et d’argent.

Luca Benporath (Atos Origin). Autre argu-ment en faveur d’un système d’information centralisé : des coûts de maintenance réduits. Les dirigeants commencent en effet à ralen-tir leurs investissements dans des logiciels spécifiques, propriétaires, car ils sont trop difficiles à maintenir. Surtout lorsque cer-tains collaborateurs clés quittent l’entreprise.

Cela est encore plus flagrant dans les grands groupes : lorsque des usines sont issues d’acquisitions successives, arriver à fédérer des données en provenance des différents sites relève du casse-tête. Ces groupes dispo-sent de systèmes unifiés pour la génération des ordres de fabrication, mais ils doivent les envoyer vers des systèmes MES différents pour chacune des usines. Or la mise en com-mun des données est absolument primor-diale. Elle rend possible l’optimisation des stocks et des commandes de matières pre-mières, l’équilibre des charges entre les sites de production, et aussi la comparaison des performances des différents sites.

Mesures. Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour aller vers un système d’in-formation unifié ?Patrick Ory (Euriware). Il faut relever le défi de la standardisation des données. Tout d’abord, ERP, MES et logiciels de gestion de production n’ont pas la même précision temporelle. On demande aux ERP une pré-cision de l’ordre de l’heure, voire de la journée, tandis que les systèmes MES sont précis à la minute et que les logiciels de ges-tion de production travaillent plutôt à la seconde (quand ce n’est pas en temps réel). Pour l’instant, les systèmes MES remontent les informations concernant les consomma-tions de matières premières, les bilans de production et les causes d’arrêts. Cela sous-entend qu’aucune information n’est envoyée avant la fin de la production. Or si l’on veut appliquer le concept d’un système unique, il faut que les informations en cours de pro-duction soient accessibles partout, et en par-ticulier depuis l’ERP. Il est également néces-saire d’établir un référentiel pour ➜

“Le rapprochement entre MES et ERP représente un intérêt stratégique pour l’aide à la prise de décision.”

L’intégration entre MES et ERP est un sujet d’actualité. Pour les trois professionnels des logiciels d’entreprise interrogés, la remontée des informations de l’atelier vers les couches supérieures de l’entreprise est une des préoccupations de leurs clients.

La convergence entre les systèmes de gestion d’entreprise et de gestion de production facilite la prise de décision.

Les logiciels MES effectuent déjà la jonction entre les mondes de la finance et de l’atelier, mais ils sont étroitement liés aux logiciels de gestion de production.

Des éditeurs de logiciels MES proposent un principe de couches d’abstraction pour réaliser la liaison manquante, afin que toutes les informations puissent remonter jusqu’à l’ERP.

L’essentiel

Des indicateurs bien peu exploitésSeulement 3 % des entreprises interrogées reconnaissent avoir établi de réels liens pour remonter leurs indicateurs de performances vers les logiciels de gestion. A noter également que pour 10 % des entreprises équipées de MES, les indicateurs générés ne sont reliés à aucun autre système informatique.

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Liens utilisés pour quelques services

Liens àl’efficacitémoyenne

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l’échange des données. En effet, les réfé-rences des pièces ou des recettes diffèrent très souvent d’une usine à l’autre, et aucune convergence n’est possible dans ces condi-tions. Et bien entendu, il faudra équiper d’ordinateurs les usines qui font de la saisie papier et instrumenter leurs process. Tous ces aspects de standardisation conduisent à des changements, qui bouleversent forcément les habitudes des opérateurs. On restreint notamment le champ d’action du responsa-ble de production (qui ne peut plus gérer son usine de manière isolée). Du jour au lendemain, ce dernier ne pourra plus tra-vailler comme il le souhaite, mais qu’il devra appliquer les “bonnes pratiques” établies par

son entreprise. La liberté d’action d’un auto-maticien, pour améliorer un processus par exemple, se trouvera forcément restreinte par des communications plus unidirection-nelles (on parle d’approche descendante, ou “top down”). De même, le comptable ou le responsable des achats seront obligés de s’in-téresser à certaines notions propres au monde de la production.

Mesures. Les éditeurs de logiciels ont cer-tainement leur rôle à jouer dans la com-patibilité entre le monde des finances et le monde de la production…Luca Benporath (Atos Origin). Bien sûr. Des analystes ont d’ailleurs proposé une vision d’un système unifié et étendu : ce sont les systèmes MOM (Manufacturing Operations Management), qui visent une gestion globale des opérations de l’entreprise. Les éditeurs d’ERP se sont lancés sur ce marché, mais sans vraiment rencontrer de succès. S’attaquer au monde du contrôle industriel demande des compétences particulières, car il fallait établir les communications avec les automates, et développer des connecteurs pour tous les

systèmes propriétaires déjà implantés dans les machines ou les chaînes de production. De plus il faudra interrompre la production pour réaliser ces modifications logicielles. Si l’on ajoute à cela toutes les contraintes de traçabilité des usines soumises à réglemen-tation (dans l’alimentaire, par exemple), on comprend pourquoi un seul éditeur ne peut prendre en charge seul l’élaboration d’un logiciel unifié. La solution se porterait donc plutôt vers une collaboration entre des édi-teurs issus des différents mondes : ERP, MES et production, voire ERP et MES.

Mesures. Des rapprochements entre édi-teurs ont-ils été effectués dans ce sens ?Jean-Luc Bonnet (Rockwell Automation). Tout à fait. Comme nous l’avons vu, les ef-forts doivent surtout porter sur la remontée des informations vers l’ERP. Car du point de vue de la liaison entre MES et systèmes de gestion de production, la connexion existe (c’est d’ailleurs l’une des fonctions princi-pales des logiciels MES). Mais la liaison vers les couches supérieures est plus délicate, car les systèmes ERP sont beaucoup plus figés et monolithiques que les logiciels MES. Bien sûr, il est possible de réaliser une communi-cation “point-à-point” entre les différents services du MES et la base de données de l’ERP, mais cela implique des développe-ments coûteux et peu réutilisables. Aussi les éditeurs de logiciels ERP et MES ont-ils réfléchi pour trouver un meilleur moyen de communication entre les deux systèmes. L’une des solutions consiste en la mise en place d’une couche d’abstraction, aussi ap-pelée “Middleware”. Bien connus des infor-maticiens, les middlewares sont des couches logicielles utilisées pour mettre à disposition des données hétérogènes. Ils servent d’inter-médiaire de communication. Cela corres-pond exactement à ce dont les industriels ont besoin, car en installant un middleware au-dessus d’un logiciel MES, on peut mettre à disposition l’intégralité des données.

Mesures. Qui de l’éditeur d’ERP ou de l’éditeur de MES doit faire les efforts de développement pour ajouter cette couche d’abstraction ?Patrick Ory (Euriware). Les principaux édi-teurs de logiciels ERP, à la pointe en matière de bases de données et de nouvelles techno-logies informatiques, sont déjà formés à ce mode de fonctionnement par couche d’abs-traction. Ce sont le plus souvent des serveurs d’applications qui sont utilisés en tant que middlewares. Ils ont pour nom Netweaver chez SAP ou Websphere chez IBM, entre autres. Ils autorisent n’importe quel logiciel compatible de se connecter, et ils sont vite devenus des standards du marché.Jean-Luc Bonnet (Rockwell Automation). C’est pourquoi les éditeurs de MES doivent adapter leurs logiciels pour être compatibles à ces standards. On trouve aujourd’hui dans différents logiciels MES des connecteurs vers des middlewares Netweaver ou Websphere. Mais on voit apparaître aujourd’hui les pre-miers systèmes MES entièrement basés sur ce principe de middleware. On pousse plus loin le concept du MES : jusqu’alors système intermédiaire, il devient le système central. Ces logiciels offrent une interface unique pour toutes les bases de données auxquelles ils ont besoin d’être connectés (couches supérieures ou inférieures). En outre, le middleware rend possible un véritable fonc-tionnement modulaire car tous les services MES se connectent ou se déconnectent sim-plement.

Mesures. Quels avantages apporte la mise en place d’un système à base de couche d’abstraction ?Luca Benporath (Atos Origin). De par son principe même, un middleware placé entre un ERP et un MES simplifie l’architecture informatique globale de l’entreprise. Et une architecture moins complexe est synonyme d’architecture à coût réduit. Bien sûr, ce type

de logiciels utilisent des technologies récen-tes et seront plus onéreux à l’achat. Mais l’industriel y gagne sur le coût total d’inté-gration.Jean-Luc Bonnet (Rockwell Automation). Pour un intégrateur, le fait d’avoir à conce-voir et à installer de nouveaux connecteurs pour chaque nouveau projet revient cher. Il est dans son intérêt d’utiliser au mieux l’évo-lution des technologies, c’est pourquoi dis-poser de composants réutilisables va tout à fait dans son sens. C’est surtout lorsque l’on considère des entreprises étendues que le gain potentiel est le plus élevé. Pour les en-treprises qui disposent de plusieurs sites de production, le retour sur investissement d’un logiciel de ce type est assuré, car tous les systèmes de toutes les filiales peuvent venir s’interfacer auprès d’une application unique sans modification.

Mesures. Et du point de vue des opéra-teurs ? Quel est l’impact sur la manière d’appréhender les données de l’entre-prise ?Luca Benporath (Atos Origin). Un des aspects intéressants est le fait que l’utilisation de middlewares dans l’industrie représente une sorte de “frontière virtuelle” entre les services de l’entreprise. Bien sûr, cette fron-tière laisse passer toutes les données exploi-tées par les différents logiciels, mais chaque service reste responsable des données mises à disposition des autres. Une délimitation des responsabilités est ainsi conservée.Pour les responsables informatiques, enfin, cela n’ajoute pas vraiment de difficultés. Comme nous l’avons évoqué, les technolo-gies de middleware font déjà partie du quo-tidien de ces professionnels de l’informati-que. Ils en maîtrisent déjà le principe et sont donc tout à fait capables d’en effectuer la maintenance.

Propos recueillis par Frédéric Parisot

KEITLEY“Les éditeurs de MES développent des couches d’abstraction pour centraliser les données.”

Les avantages d’un système global de gestion d’entreprise :• Les données de production sont visibles plus facilement depuis le système d’information. Les directeurs d’entreprises réalisent des économies en rationalisant les consommations de matières premières et en optimisant l’utilisation des ressources (humaines et matérielles).• Les responsables informatiques disposent d’une architecture logicielle centralisée et unifiée, donc plus simple à appréhender et à maintenir.• La diffusion des données de production vers d’autres filiales d’un groupe favorise la mise en place de bonnes pratiques opérationnelles.• Une fois maîtrisé, le système de gestion global devient un levier puissant pour l’amélioration continue et l’application de décisions stratégi-ques prises au niveau du groupe.

Les limites de cette convergence :• L’intégration nécessite d’impliquer beaucoup de services dans l’entreprise.• La mise en place d’un système unifié est coûteuse, et l’impact sur les ressources humaines et sur les processus existants est important.• Elle tend vers une approche “100 % descen-dante”, dans laquelle toutes les règles sont dictées par le gestionnaire de l’ERP. On prend le risque que les responsables de production et les automaticiens perdent leur liberté d’action, et ne puissent plus apporter facilement des améliorations au process de fabrication.• Un système unifié demande de modifier à la fois le système MES et le système ERP (tandis que le développement de connecteurs spécifiques n’a d’influence que sur le MES).• Enfin, le retour sur investissement est relative-ment difficile à justifier à court ou moyen terme.

Avantages et limites de la convergence entre ERP et MES

Bien qu’ils ne soient pas spécialisés dans les logiciels industriels, les éditeurs de systèmes ERP ont été les premiers à proposer des architectures à base de middlewares. Ainsi, pour les applications qui nécessitent l’échange de grands volumes de données, SAP propose la technologie xMII (Manufacturing Integration & Intelligence) qui peut diffuser des messages au travers de tous les autres systèmes de l’entreprise.

Luca Benporath est directeur du marché des logiciels de production chez Atos Origin, société de services en technologies de l’information.

Jean-Luc Bonnet a travaillé plusieurs années en tant que directeur marketing Europe pour les logiciels industriels chez Rockwell Automation.

Patrick Ory est ingénieur d’affaires chez Euriware, société de conseil et d’intégration en systèmes informatiques.

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