séquence pédagogique centrée sur les croyances en orientation · 2018-11-29 · career thoughts...

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1 Séquence pédagogique centrée sur les croyances en orientation 1 Table des matières Eléments de réflexion et apports théoriques ............................................................................... 2 L’orientation, processus de construction de soi tout au long de la vie ............................................... 2 Croyances (et mythes) en orientation : de quoi parle-t-on ?........................................................... 2 Définition ................................................................................................................... 2 Pourquoi les personnes se réfèrent-elles à ces croyances en orientation ? ....................................... 3 Croyances négatives et identité vocationnelle ....................................................................... 3 Croyances négatives et sentiments d’efficacité ...................................................................... 3 Croyances négatives et anxiété ......................................................................................... 4 Croyances négatives et indécision ...................................................................................... 4 Que faire pour contrer les effets des pensées négatives en orientation ? ........................................ 4 Les typologies consacrées aux croyances négatives en orientation ................................................ 5 Evaluer le degré d’adhésion aux croyances dysfonctionnelles en orientation ....................................... 7 L’échelle mythes du Career Decision Difficulties Questionnaire ou CDDQ ....................................... 7 Career Thoughts Inventory ou CTI ...................................................................................... 7 Career Myths Scale ou CMS .............................................................................................. 8 Career Beliefs Inventory ou CBI ......................................................................................... 8 Escala de Pensamentos Negativos de Carreira ou EPNC ............................................................. 9 Dysfunctional Career Decision-Making Beliefs ou DCB .............................................................. 10 Conclusion .................................................................................................................... 10 Références Bibliographiques ............................................................................................... 11 1 Ce document s’adresse aux professionnel.le.s chargé.e.s d’accompagner des personnes dans la construction de leurs trajectoires d’orientation. Il permet de faire le point sur un aspect parfois négligé dans le conseil en orientation : la place des croyances individuelles en orientation. Au-delà de la séquence pédagogique détaillée ici, les lecteur.rice.s trouveront sans doute matière pour alimenter leurs réflexions quant à l’accompagnement de lycéens et lycéennes dans l’élaboration de leurs choix d’avenir. Rodrigue Ozenne, psychologue de l’éducation nationale, novembre 2018

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Séquence pédagogique centrée sur les croyances en orientation1

Table des matières Eléments de réflexion et apports théoriques ............................................................................... 2

L’orientation, processus de construction de soi tout au long de la vie ............................................... 2 Croyances (et mythes) en orientation : de quoi parle-t-on ?........................................................... 2

Définition ................................................................................................................... 2 Pourquoi les personnes se réfèrent-elles à ces croyances en orientation ? ....................................... 3 Croyances négatives et identité vocationnelle ....................................................................... 3 Croyances négatives et sentiments d’efficacité ...................................................................... 3 Croyances négatives et anxiété ......................................................................................... 4 Croyances négatives et indécision ...................................................................................... 4 Que faire pour contrer les effets des pensées négatives en orientation ? ........................................ 4 Les typologies consacrées aux croyances négatives en orientation ................................................ 5

Evaluer le degré d’adhésion aux croyances dysfonctionnelles en orientation ....................................... 7 L’échelle mythes du Career Decision Difficulties Questionnaire ou CDDQ ....................................... 7 Career Thoughts Inventory ou CTI ...................................................................................... 7 Career Myths Scale ou CMS .............................................................................................. 8 Career Beliefs Inventory ou CBI ......................................................................................... 8 Escala de Pensamentos Negativos de Carreira ou EPNC ............................................................. 9 Dysfunctional Career Decision-Making Beliefs ou DCB .............................................................. 10

Conclusion .................................................................................................................... 10 Références Bibliographiques ............................................................................................... 11

1 Ce document s’adresse aux professionnel.le.s chargé.e.s d’accompagner des personnes dans la construction de leurs trajectoires d’orientation. Il permet de faire le point sur un aspect parfois négligé dans le conseil en orientation : la place des croyances individuelles en orientation. Au-delà de la séquence pédagogique détaillée ici, les lecteur.rice.s trouveront sans doute matière pour alimenter leurs réflexions quant à l’accompagnement de lycéens et lycéennes dans l’élaboration de leurs choix d’avenir. Rodrigue Ozenne, psychologue de l’éducation nationale, novembre 2018

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Eléments de réflexion et apports théoriques2

L’orientation, processus de construction de soi tout au long de la vie

Pour construire leur avenir, les adolescent.e.s ont besoin de développer une gamme de compétences qui va leur permettre de s’adapter aux évolutions sociales et techniques du monde du travail et de la formation, il.elle.s doivent se préparer à ajuster régulièrement leurs choix d’orientation à des facteurs prévisibles et parfois imprévisibles, de la sorte il.elles seront en mesure de négocier au mieux les périodes de transitions, choisies ou subies, qui jalonneront leurs vies (Albien & Naidoo, 2017 ; Krumboltz, 2009 ; Savickas, 1997).

Lorsqu’une personne doit formuler un choix d’orientation, se choisir une trajectoire professionnelle, elle a souvent la sensation d’être confrontée à un défi personnel immense (Zunker, 2012). Pour preuve, le niveau de stress associé aux décisions d’orientation est considérable chez les lycéens et lycéennes qui ont à s’engager vers une formation de l’enseignement supérieur car il.elle.s ont l’intuition que ce choix conditionnera pour partie leur trajectoire professionnelle et leur vie adulte (Faurie & Giacometti, 2017; Jo, Ra, Lee & Kim, 2016). Si ce stress lié à la construction des projets d’avenir est normal, il sera d’autant mieux régulé que les personnes concevront leur trajectoire d’orientation comme un processus de réflexion dynamique, un apprentissage en continu ponctué par les multiples décisions nécessaires pour répondre aux événements inattendus. Paradoxalement, par ignorance et par facilité, les personnes développent des croyances très statiques sur l’orientation, adhérent à des mythes, à des idées reçues qui les conduisent à des impasses, à l’immobilisme, à l’indécision... (Hocsons, 2012 ; Lee, Peterson, Sampson & Park, 2015). Puisque ces pensées ont une influence déterminante sur le processus d’orientation, il convient de les identifier, de les mettre en question, de les (re)travailler pour les transformer et s’en affranchir (Albien & Naidoo, 2017 ; Carr, 2004 ; Hechtlinger, Levin & Gati, 2017). Des spécialistes de la prise de décision en orientation estiment qu’il est capital d’aider les personnes à se débarrasser de ces pensées automatiques avant de débuter le processus de prise de décision, c'est-à-dire au moment des premières mises en correspondance entre les aspirations et un domaine de formation (Gati & Asher, 2001).

Croyances (et mythes) en orientation3 : de quoi parle-t-on ?

Définition

Les croyances en orientation peuvent être décrites comme des pensées positives ou négatives que les personnes entretiennent à propos d’elles-mêmes, de leurs choix d’orientation ou de l’évolution du processus d’orientation (Peterson, Sampson, Reardon & Lenz, 1996). Pour Amundson (1997), les « mythes en orientation » sont des hypothèses erronées quant au processus d’orientation, des hypothèses basées sur des informations partielles, fausses ou des généralisations abusives. D’autres vont parler de croyances dysfonctionnelles ou d’attentes irréalistes, c'est-à-dire de de perceptions déformées du processus de prise de décision en matière d’orientation, qui sont susceptibles d’entraver la décision (Gati, Krausz & Osipow, 1996). Concrètement, la personne va reprendre à son compte certains des messages véhiculés par sa famille, ses proches ou les médias4 et les intégrer à ses schémas de pensées (Elliott, 1995). Ces croyances sur le monde de la formation, le monde du travail, sur son efficacité personnelle dans les apprentissages et les démarches liées à l’orientation vont affecter ses aspirations et ses actions et finir par perturber le processus d’orientation dans son entier. Il est possible de repérer ces croyances négatives dans le

2 Cette présentation théorique vient en complément de la fiche action qui présente une « Séquence pédagogique centrée sur les croyances en orientation » et des supports pédagogiques associés. 3 Dans la littérature internationale, ces croyances (négatives) sont désignées de différentes manières qui traduisent bien leur caractère invalidant: Career Misconceptions ; Career Myths ; Croyances dysfonctionnelles ; Croyances erronées ; Dysfunctional Beliefs ; Dysfunctional Career Thoughts ; Dysfunctional Cognitions ; Faulty Generalizations ; Faulty Self-Efficacy Beliefs ; Irrational Expectations ; Negative Career Thoughts And Feelings ; Poor Career Beliefs ; Self-Defeating Assumptions ; Self-Defeating Beliefs… 4 Par exemple, alors que le monde du travail et de la formation est constamment en évolution et suppose que les personnes adaptent régulièrement leurs choix d’orientation, les médias véhiculent l’idée que les personnes devraient identifier leur "véritable vocation" (Galles & Lenz, 2013).

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discours car elles prennent souvent la forme de déclarations absolues (falloir, devoir) ou de généralisations (toujours, jamais) (Carr, 2004).

Pourquoi les personnes se réfèrent-elles à ces croyances en orientation ?

Il n’existe pas de critères clairs et absolus pour formuler un choix d’orientation. Alors que les modalités d’information sur les formations et les professions se multiplient (Ozenne, Terriot, Spirito, Laeuffer, Lhotellier & Bernaud, 2018), les personnes ont la sensation de manquer d’information pour se décider, elles estiment que les informations qu’elles jugent utiles ne sont pas vraiment disponibles et surtout elles se trouvent déstabilisées par l’incohérence entre les différentes sources d’information (Xu & Tracey, 2014). Devant le nombre de paramètres à considérer et la complexité des relations entre ces paramètres, toutes les personnes ne réagissent pas de la même manière. Certaines se montrent capables de gérer l'absence d'information et l'incohérence entre les informations sans avoir besoin de déformer la réalité pour se rassurer avant la prise de décision (Xu & Tracey, 2014). D’autres au contraire, ne vont pas tolérer l’ambiguïté de la situation et, pour faire face au stress, elles vont chercher à se référer à des repères stables, à des règles simples, à des principes préexistants, à des heuristiques de décision. Dans le domaine de l’orientation scolaire et professionnelle comme ailleurs, les décisions ne reposent pas uniquement sur la collecte systématique de l'information disponible et son traitement objectif, sur un choix rationnel, mais font appel à une forme d’intuition qui s’accompagne immanquablement de biais et d’erreurs (Yates, 2015).

Croyances négatives et identité vocationnelle5

Les croyances négatives en orientation peuvent freiner le développement de l’identité vocationnelle voire interrompre le processus de prise de décision. Plusieurs études (Dipeolu, Sniatecki, Storlie & Hargrave, 2013 ; Galles & Lenz, 2013 ; Lee & Choi, 2006; Yanchak, Lease & Strauser, 2005), ont démontré l’existence d’un lien négatif très important entre ces pensées dysfonctionnelles en orientation et l’identité vocationnelle. Autrement dit, ces croyances empêcheraient les personnes de se former une image claire et stable d’elles-mêmes, de leurs objectifs, de leurs intérêts, valeurs et aptitudes, contraindraient l’exploration à quelques univers professionnels et entraveraient les possibilités de s’y engager (Lewis & Gilhousen, 1981). A elles seules ces croyances négatives liées à l’orientation expliqueraient pour un tiers l’identité vocationnelle alors que les facteurs socio-démographiques (sexe, origine sociale…)6 compteraient pour moins du dixième (Yanchak, Lease, & Strauser, 2005). L’étude de Dipeolu et collaborateurs (2013) a montré également que les pensées dysfonctionnelles se trouvent exacerbées chez des personnes en situation de handicap (ici, TDAH), ce qui expliquerait leur moindre maturité vocationnelle en comparaison d’une population tout venant. Yanchak et ses coauteurs (2005) avaient déjà prouvé que des personnes présentant une déficience cognitive avaient davantage de croyances dysfonctionnelles en orientation. Ces auteurs plaident pour que les professionnels de l’orientation assistent les personnes en situation de handicap dans l’identification de leurs croyances négatives et favorisent ainsi la réussite de leur trajectoire scolaire et professionnelle.

Croyances négatives et sentiments d’efficacité

Les pensées négatives en orientation, sont également associées de manière significative aux sentiments d’efficacité dans les choix d’orientation (Austin et Cilliers, 2011 ; Peterson, Lenz, Reardon, & Saunders, 1998). Les personnes qui présentent des pensées dysfonctionnelles en orientation s’impliquent moins dans les apprentissages, ce qui a pour effet de diminuer leurs sentiments d’efficacité et de manière plus large leur estime de soi.

Il apparait que les personnes les moins bien préparées pour faire face à l’imprévu7 dans leur trajectoire d’orientation sont également celles pour lesquelles les pensées dysfonctionnelles en

5 vocational identity 6 Relevons au passage que la manière dont ces pensées se manifestent chez une personne varie en fonction de son contexte culturel, social, économique et familial (Fouad & Byars-Winston, 2005). 7 En référence à la Planned Happenstance Theory ou « planification du hasard », modèle développé par Krumboltz qui postule l’existence de cinq compétences essentielles -la curiosité, la persévérance, la flexibilité, l’optimisme et la prise de risques- pour tirer profit des événements de

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orientation ont l’effet négatif le plus important sur le sentiment d’efficacité en orientation. A l’inverse, celles qui ont développées des compétences dans « la maitrise anticipée du hasard » - c'est-à-dire à explorer de nouvelles possibilités de formation, prolonger leurs efforts malgré les échecs, changer d’attitude en fonction des circonstances, envisager de nouvelles opportunités et réagir efficacement face à des résultats incertains - sont beaucoup moins affectées par ces croyances dysfonctionnelles en orientation (Kim, Lee, Ha, Lee, & Lee, 2015). Autrement dit, les personnes qui présentent des pensées dysfonctionnelles en orientation ne sont pas capables de transformer des événements inattendus en expériences d'apprentissage profitables.

Croyances négatives et anxiété8

Les pensées négatives en orientation sont aussi génératrices d’anxiété, une anxiété qui limite et paralyse le développement de l’identité vocationnelle, qui freine le processus de décision (Austin, Dahl & Wagner, 2010 ; Carr, 2004 ; Presti, Pace, Cascio & Capuano, 2017 ; Saunders, Peterson, Sampson, & Reardon, 2000). Certains chercheurs vont jusqu’à désigner l’anxiété liée à l’engagement dans un projet d’avenir comme une des composantes essentielles des pensées négatives en orientation (Sampson, Peterson, Lenz, Reardon, & Saunders, 1998). La personne est incapable de s'engager dans un choix spécifique, elle exprime une forte inquiétude, redoute les conséquences d'une telle décision. C’est notamment le cas des personnes qui estiment qu’une décision d’orientation doit être absolument parfaite, qu’elle est unique et irrémédiable, qu’il faut considérer toutes les informations disponibles pour ne pas se tromper... Face à de tels enjeux, il est compréhensible que les personnes soient stressées. L’appréhension et la peur sont d’autant plus exacerbées qu’il s’agit d’une première expérience du choix d’orientation (Bullock-Yowell, McConnell & Schedin, 2014). Une solution consisterait à les aider à supporter un minimum de flou ou d’incertitude dans le processus de décision ou tolérance à l’ambiguïté (Xu & Tracey, 2014). Il est également possible que les croyances quant aux attentes parentales provoquent cette anxiété (Jo, Ra, Lee & Kim, 2016).

Croyances négatives et indécision

Les croyances négatives se manifestent principalement au cours du processus de décision. Elles empêchent les personnes d’utiliser correctement les informations sur les professions, les conduisent à formuler des choix d’orientation inappropriés et génèrent de l’indécision (Elliott, 1995 ; Hocsons, 2012). En diminuant la capacité des personnes à s’autoévaluer, en réduisant leur volonté de réfléchir activement à leurs choix d’orientation, les croyances négatives augmentent le niveau d’indécision en matière d’orientation (Saunders, Peterson, Sampson et Reardon, 2000). Souvent la personne confrontée à ces difficultés n’est pas en mesure de surmonter son immobilisme par elle-même et doit bénéficier des conseils dispensés par des professionnels de l’orientation pour sortir de cet état de stagnation.

Que faire pour contrer les effets des pensées négatives en orientation ?

Pour aider les lycéens et lycéennes à se recentrer sur leurs objectifs d’orientation, leur permettre de réduire l’état d’anxiété et de confusion induit par leurs croyances dysfonctionnelles en orientation, les spécialistes suggèrent de concevoir des interventions d’ajustement ou de « recadrage »9 des schémas de pensée (Albien & Naidoo, 2017; Carr, 2004; Galles & Lenz, 2013; Lustig & Strauser, 2008 ; Sampson, Peterson, Lenz, Reardon & Saunders, 1996 ; Strohm, 2009). Cette citation de Bullock-Yowell, McConnell et Schedin (2014, p.30) résume bien les étapes d’un tel travail d’ajustement : « Pour réduire les effets délétères des pensées négatives sur le processus de décision ou de choix d’orientation, les étudiants doivent identifier, contester et modifier les

vie inattendus afin d'élargir les opportunités d’orientation (Krumboltz, 2009 ; Mitchell, Levin, & Krumboltz, 1999). 8 Pour affiner la compréhension des liens entre élaboration du projet d’orientation et stress perçu par les adolescent.e.s, les lecteur.rice.s peuvent se référer à l’article de Faurie et Giacometti (2017). 9 « reframing the dysfunctional beliefs ». Cette terminologie renvoie à une technique d’inspiration cognitivo-comportementale, la restructuration cognitive, qui vise à modifier les croyances à l’origine des difficultés d’une personne. La personne peut envisager de nouvelles façons de penser, de ressentir et de réagir face à des situations problématiques.

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pensées négatives au sujet de leur orientation, puis agir en fonction des pensées plus réalistes développées au cours de ce processus ».

L’ajustement va permettre de développer une identité vocationnelle plus propice à la construction de sa trajectoire personnelle, de modifier des croyances paralysantes pour les rendre plus fonctionnelles. Supposons qu’après plusieurs tentatives, une personne ne sache plus vraiment comment s’y prendre pour surmonter les obstacles qui jalonnent la construction de ses projets d’avenir, il revient alors à la personne qui l’accompagne dans sa réflexion de lui fournir un nouveau cadre, de l’encourager à élaborer un sens nouveau, une alternative à sa situation (Amundson, 1997).

La méthode d’ajustement la plus utilisée est de questionner les croyances en orientation lors d’un débat (Elliott, 1995 ; Hechtlinger, Levin, Gati, 2017), de souligner l’écart entre ses a priori et la réalité du monde du travail, notamment en présentant aux personnes des données contradictoires10, des témoignages ou des récits de trajectoires professionnelles qui mettent en cause la véracité de ces croyances…

Par exemple, pour aider à déconstruire la croyance qui voudrait que ‘s’orienter se résume à une décision ponctuelle, unique et définitive’, l’animateur.rice d’un atelier pourrait présenter les trajectoires professionnelles de personnes qui ont eu à changer plusieurs fois de domaine d’activité, souligner les circonstances qui les ont poussées à opérer ces choix, montrer en quoi ces changements sont le faits d’une évolution personnelle (ambition nouvelle, passion à assouvir, nouvel équilibre de vie, problèmes de santé …) ou d’un bouleversement du contexte (promotion, changement de lieu de vie, transformation de son emploi initial...).

Le manuel qui accompagne le questionnaire CTI (Career Thoughts Inventory) propose un exercice dit de « restructuration cognitive » pour aider les personnes à mettre en question leurs croyances et à les modifier. Les participant.e.s sont invité.e.s à lire plusieurs énoncés qui présentent des pensées négatives en orientation puis à y réagir en rédigeant un court paragraphe précisant en quoi ces croyances entravent leurs capacités à prendre des décisions d’orientation (Sampson, Peterson, Lenz, Reardon & Saunders, 1998).

Les typologies consacrées aux croyances négatives en orientation

Les croyances négatives qui se rapportent aux choix d’orientation scolaire et professionnelle sont bien connues des praticien.ne.s du conseil en orientation qui y sont confronté.e.s régulièrement lors de leurs entretiens avec des bénéficiaires. Ces dernières décennies, ces croyances ont fait l’objet de plusieurs inventaires. Un premier inventaire consacré aux « idées fausses » des bénéficiaires d’une prestation d’orientation scolaire et professionnelle a été proposé par Thompson (1976). Ce praticien recense quatre types de croyances qui sont sources de préoccupations et au sujet desquelles les étudiants souhaitent obtenir des conseils.

Premièrement, certaines personnes conçoivent la prise de décision en orientation comme une démarche très précise qui doit conduire à des solutions parfaitement adaptées à leurs besoins.

Thompson identifie aussi des personnes qui pensent qu’une décision d’orientation doit être prise à un instant donné et qu’elle est définitive.

D’autres personnes s’imaginent que les réponses à des outils d’évaluation pourraient leur indiquer ce qu’elles devraient faire.

Enfin, Thompson évoque une relation erronée entre intérêts et aptitudes, relation qui suppose que lorsqu’une personne a soigneusement identifié ses intérêts cela lui garantit de réussir dans le domaine sélectionné.

En s’inspirant des croyances identifiées par Thompson (1976) mais aussi des « mythes » listés par Lewis et Gilhousen (1981), Dorn et Welch (1985) ont mené une enquête sur les attitudes en

10 Plusieurs suggestions sont formulées dans le manuel du CTI (Career Thoughts Inventory) ou dans le support de restitution d’un outil comme le DCB (Dysfunctional Career Decision-Making Beliefs ;

cf. www.cddq.org).

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orientation auprès d’élèves du secondaire. Ils ont constaté que ces adolescent.e.s souscrivaient à neuf des treize « mythes en orientation » qui leur étaient proposés :

1. Une fois qu'une décision d’orientation a été arrêtée elle ne peut plus être changée (mythe de la perfection qui confine à l’obstination, « les gagnants ne renoncent jamais/ceux qui abandonnent ne gagnent jamais »)11 ;

2. Dans le monde du travail il existe des rôles dédiés aux femmes et aux hommes (ou mythe de rôles de sexe déterminés);

3. Etudier au lycée a pour seul objectif de trouver un emploi (ou mythe de l’utilitarisme);

4. Il existe une personne assez experte pour définir quelle est l’orientation appropriée à chaque personne (ou mythe de l'expert.e) ;

5. Il existe une profession qui correspond parfaitement à chaque individu (ou mythe du travail parfait);

6. Il suffit d’attendre pour qu’un choix d’orientation se dessine (ou mythe du temps qui passe) ;

7. Définir son projet rapidement et le plus tôt possible facilite son orientation scolaire et professionnelle (ou mythe l’arrêt précoce de la décision) ;

8. Le travail est central, c’est l'aspect le plus important de sa vie ;

9. Planifier un projet d’orientation s’apparente à une science exacte (ou mythe de la boule de cristal) ;

10. Quelles que soient les circonstances ou ses capacités, n'importe qui peut réaliser ce qu’il veut en travaillant suffisamment (ou mythe de la justice, « le travail fini toujours par payer »);

11. Le bonheur dans la vie dépend uniquement du succès professionnel ;

12. La valeur d’une personne est simplement fonction du domaine professionnel qu’elle a choisi (« mon enfant sera docteur »);

13. Il est possible de réussir dans n’importe quel domaine pour peu qu’on s’y intéresse, même si ses aptitudes sont faibles (ou mythe de la relation de cause à effet entre intérêts et aptitudes).

Dans la ligne des travaux précédents, Nevo (1987) a formulé une série de dix « attentes irrationnelles » susceptibles de venir perturber le processus d’orientation. Ces croyances se structurent en quatre grandes catégories :

1. Les croyances se rapportant au domaine professionnel : par exemple « il n’existe qu’une seule profession pour laquelle je suis fait, qui est bonne pour moi », « tant que je n’aurai pas trouvé la bonne profession pour moi, fait le bon choix je ne serai pas satisfait ».

2. Les croyances associées aux « conseilleurs »12 et à leurs outils (tests…) : par exemple, « un autre que moi ou un test m’indiquera quoi faire de ma vie, déterminera de quoi je suis capable ».

3. Les croyances associées à la valeur de soi : par exemple, « pour réussir dans le domaine qui est le mien je dois en devenir l’expert.»

4. Les croyances concernant la prise de décision : par exemple, « faire un choix d’orientation est un acte unique, ponctuel et définitif ».

Une dernière typologie met en exergue des croyances dysfonctionnelles en orientation associées à la valeur de soi (Corbishley & Yost, 1989) :

1. l’incapacité, « je ne peux pas » : la personne est convaincue qu’elle n’a pas les capacités nécessaires pour poursuivre sa trajectoire d’orientation, qu’il lui est impossible de prendre des décisions d’orientation satisfaisantes ou encore de répondre aux attentes des autres.

11 « Quitters Never Win », p. 138. 12 Nous optons ici pour le terme de « conseilleurs », volontairement flou, qui amalgame toutes les personnes perçues par les bénéficiaires comme pouvant fournir un « bon conseil » ou un conseil prescriptif : conseillers professionnels, professeurs principaux, conseillers en orientation, psychologue du conseil en orientation ou coach.

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2. le refus, « je ne le ferais pas » : la personne se met volontairement en retrait, refuse de s’impliquer, car le processus d’orientation est perçu comme trop compliqué, injuste ou nécessairement insatisfaisant.

3. l’interdit, « je ne devrais pas » : la personne juge qu’elle ne devrait pas trahir sa ligne de conduite, sa vision des choses, ses valeurs ou à celles de son entourage. Elle ne peut déplaire aux membres de son entourage ou aller à l’encontre des rôles sociaux auxquels elle croit, même si ce sont des stéréotypes.

Plus récemment, des chercheur.euse.s en psychologie de l’orientation se sont inspiré.e.s de ces approches intuitives pour développer des outils de mesure et essayer d’objectiver l’exploration des croyances négatives en orientation.

Evaluer le degré d’adhésion aux croyances dysfonctionnelles en orientation

Il existe plusieurs échelles de mesure destinées à identifier chez les personnes la présence des croyances liées au processus d’orientation et estimer leur importance relative. Ces outils sont souvent utilisés par les psychologues spécialisés dans le conseil en orientation pour mettre en place une intervention ou quantifier l’efficacité d’un programme d’éducation à l’orientation (Hechtlinger, Levin & Gati, 2017). Un panorama des dimensions évaluées par ces outils et certains items pris en exemple permet de se représenter concrètement la pluralité des croyances dysfonctionnelles en orientation.

L’échelle mythes du Career Decision Difficulties Questionnaire ou CDDQ

Le CDDQ (Career Decision Difficulties Questionnaire de Gati, Krausz & Osipow, 1996) est le questionnaire le plus utilisé dans le domaine de l’orientation pour explorer les difficultés de prise de décision, autrement dit l’indécision vocationnelle. Il se compose de trois grandes échelles: manque de préparation, manque d’informations et information incohérente. Parmi les sous-échelles qui évaluent le manque de préparation, les concepteurs ont placé une échelle consacrée aux croyances dysfonctionnelles (Dysfunctional Myths)13. Les répondant.e.s doivent estimer s’il.elle.s se reconnaissent dans les propositions suivantes :

« je m’attends à ce qu’une orientation dans un domaine de mon choix résoudra également mes problèmes personnels. » ;

« je crois qu’il n’y a qu’une seule orientation qui me convienne. » ;

« je crois qu’un choix d’orientation se fait une seule fois et pour la vie. » ;

« je m'attends à ce que l’orientation que j'aurais choisie me permette de réaliser toutes mes aspirations. ».

Ces phrases traduisent bien certaines attentes irréalistes que les personnes formulent lors des entretiens de conseil en orientation. Toutefois, ces différentes propositions ne permettent pas à elles seules de rendre compte de toutes les croyances susceptibles de bloquer la prise de décision. Pour cela est pertinent de s’intéresser à des outils dédiés aux croyances négatives en orientation.

Career Thoughts Inventory ou CTI

Parmi ces échelles spécifiques, la plus utilisée reste la CTI (ou Career Thoughts Inventory de Sampson, Peterson, Lenz, Reardon & Saunders, 1996). C’est un outil édité14 aux USA qui a pour objectif d’évaluer certaines pensées dysfonctionnelles :

13 Malgré la faible cohérence interne de cette échelle, les concepteurs avaient décidé de la conserver en raison de sa prévalence et de son influence sur le processus de décision. Hechtlinger, Levin & Gati (2017) y voient un signe du caractère multidimensionnel de ces croyances : il n’existe pas un seul mais plusieurs mythes associés au processus d’orientation, indépendants les uns des autres et pouvant co-exister chez une même personne. 14 https://shop.acer.edu.au/career-thoughts-inventory-cti

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la confusion dans le processus de prise de décision (14 items) : par exemple, « Je ne peux pas choisir un domaine de formation ou ma profession car actuellement je suis totalement embrouillé. »

l’anxiété à l’idée de s’engager (10 items) : par exemple, « Le plus difficile est de ne choisir qu’un seul domaine de formation ou une seule profession parmi un grand nombre de possibilités. »

les conflits externes ou l’influence des personnes significatives dans le choix d’orientation (5 items) : par exemple, « Je sais ce que je veux faire mais quelqu'un perturbe toujours mes choix. »

Le questionnaire total se compose de 48 items qui permettent d’identifier les personnes susceptibles de bénéficier d’un temps de conseil en orientation. Il se fixe pour ambition d’aider les personnes à identifier, mettre en question et moduler les croyances négatives qui interfèrent avec la prise de décision. Il s’accompagne d’un cahier d’exercices qui aide les personnes à comprendre la nature de leurs pensées négatives.

Career Myths Scale ou CMS

La Career Myths Scale ou CMS est une échelle développée par Stead et Watson (1993) dans le contexte sud-africain. Elle est de loin la moins utilisée pour étudier les croyances dysfonctionnelles en orientation. Sur la base des réponses à 27 items, elle explore 4 facteurs qui correspondent à ceux identifiés par Nevo (1987) :

Croyances concernant les tests (Test Myths) : par exemple, « Des tests psychologiques peuvent m’indiquer exactement l’orientation dans laquelle je devrais m’engager. » ;

Croyances en lien avec l’estime de soi (Self-Esteem Myths) : par exemple, « L’opinion que j’ai de moi est largement déterminée par mon orientation. » ;

Croyance sur l’exactitude (Misconceptions of Exactitude) : par exemple, « Je dois tout savoir sur un domaine professionnel avant d'y entrer. » ;

Croyance associée à l’anxiété (Career Anxiety Myths) : par exemple, « Je serai extrêmement troublé si j’échoue dans ce domaine professionnel. ».

Career Beliefs Inventory ou CBI15

Le Career Beliefs Inventory ou CBI est un questionnaire de 96 items conçu pour aider les personnes à identifier les facteurs qui entravent la réflexion sur leurs projets d’orientation (Krumboltz, 1994). La version initiale distribuée par l’éditeur se compose de 25 échelles16, elles-mêmes organisées en 5 grandes catégories :

Ma situation actuelle (My Current Career Situation, de 1 à 4)

15 https://www.mindgarden.com/78-career-beliefs-inventory 16 Traduction des intitulés des 25 échelles : 1-Statut d'emploi ; 2-Plans de carrière ; 3-Acceptation de l'incertitude ; 4-Ouverture ; 5-Réussite ; 6-Formation universitaire ; 7-Satisfaction Intrinsèque ; 8-Égalité avec les pairs ; 9-Environnement de travail structuré ; 10-Contrôle ; 11-Responsabilité ; 12-Approbation des autres ; 13-Comparaison entre soi et les autres ; 14-Ecart entre formation et profession ; 15-Flexibilité du parcours professionnel ; 16-Transition post-formation ; 17-Expérimentation de professions ; 18-Déménagement ; 19-Améliorer de soi ; 20-Persistant face à l'incertitude ; 21-Prise de risques ; 22-Apprentissage des compétences professionnelles ; 23-Négociation / Recherche ; 24-Surmonter les obstacles ; 25-Travailler dur. Pour l’intitulé original des échelles : 1-Employment Status ; 2-Career Plans ; 3-Acceptance of Uncertainty ; 4-Openness ; 5-Achievement ; 6-College Education ; 7-Intrinsic Satisfaction ; 8-Peer Equality ; 9-Structured Work Environment ; 10-Control ; 11-Responsibility ; 12-Approval of Others ; 13-Self–Other Comparisons ; 14-Occupation/College Variation ; 15-Career Path Flexibility ; 16-Posttraining Transition ; 17-Job Experimentation ; 18-Relocation ; 19-Improving Self ; 20-Persisting While Uncertain ; 21-Taking Risks ; 22-Learning Job Skills ; 23-Negotiating/Searching ; 24-Overcoming Obstacles ; 25-Working Hard.

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Ce qui semble nécessaire à mon bonheur (What Seems Necessary for My Happiness, de 5 à 9)

Les facteurs qui influencent mes décisions (Factors That Influence My Decisions, de 10 à 15)

Les changements que je suis disposé à faire (Changes I Am Willing to Make, de 16 à 18)

Les efforts que je suis prêt à amorcer (Effort I Am Willing to Initiate, de 19 à 25)

Dans le manuel17 qui accompagne le CBI, Krumboltz résume en quelques lignes tout l’intérêt d’explorer les croyances dysfonctionnelles en orientation : « les gens formulent un certain nombre d'hypothèses et de généralisations sur eux-mêmes et sur le monde du travail en fonction de leurs expériences limitées. Qu'elles soient exactes ou non, ces hypothèses ont une incidence sur le comportement des gens. Si les gens croient que quelque chose est vrai, ils agissent comme si c'était vrai. Ce qui semble être un comportement inapproprié ou auto-destructeur peut devenir compréhensible quand on découvre les hypothèses et les croyances sur lesquelles chaque personne opère. »

Plus récemment, une version réduite à 25 items a été testée auprès d’une population d’étudiants italiens (Hess, Tracey, Nota, Ferrari & Soresi, 2009). Elle s’organise en cinq dimensions:

Confiance (Career Confidence) : par exemple, « Je vise le sommet dans tout ce que je fais même si parfois j'échoue. » ;

Activité (Career Activity) : par exemple, « Quand j'ai un problème d'orientation, j'aime attendre et j'espère que ça va se résoudre tout seul. » ;

Indépendance/Autonomie (Career Independence) : par exemple, « J'accepterais une bonne offre d'emploi même si je devais déménager et commencer une nouvelle vie ailleurs. » ;

Flexibilité (Career Flexibility) : par exemple, « Si je ne peux pas exercer la profession de mon choix, je suis sûr de pouvoir trouver autre chose d’aussi bien. » ;

Positivité (Career Positivity) : par exemple, « Peu importe si je fais un mauvais choix d'orientation maintenant, car je pourrai toujours changer plus tard. »

Escala de Pensamentos Negativos de Carreira ou EPNC

La création d’une échelle de pensées négatives de carrière (EPNC) atteste de l’actualité de ce thème dans le domaine de l’orientation scolaire et professionnelle (Silva & Andrade, 2016). Les chercheurs brésiliens ont structuré leur échelle de mesure selon quatre dimensions :

Anxiété et insécurité liée à la décision d’orientation (9 items): regroupe des pensées négatives quant à l’incertitude entourant la prise de décision, par exemple « J'ai peur de prendre les mauvaises décisions concernant mon orientation ». Cette première dimension expliquerait à elle seule 38,5% de la variance des données ce qui en fait la dimension prépondérante identifiée par les auteurs.

Pessimisme relatif à l’orientation (6 items): rassemble des croyances telles que la peur de l’échec ou le manque de sentiments de compétence, par exemple « Je pense que ça ne vaut pas la peine de m’investir dans un domaine professionnel car je ne serai jamais assez doué pour y réussir » ou encore « Je ne pense pas avoir les compétences nécessaires pour réussir dans la profession qui m’intéresse » ;

Pessimisme relatif au marché de l’emploi (8 items): crainte que le marché du travail ne récompense pas les personnes pour les efforts consentis, peur de ne pas obtenir de reconnaissance, par exemple « Compte tenu de la situation actuelle du marché du travail, je crois que je ne trouverai pas de bonnes opportunités de progression de carrière » ou « J'ai bien peur que mon travail ne soit pas assez pas apprécié/valorisé par d'autres professionnels » ;

Coût de la réussite (4 items): correspond aux croyances associées aux sacrifices personnels auxquels la personne doit consentir pour réussir professionnellement, par exemple « De longues journée m’obligeront à beaucoup travailler alors je n'aurai plus de temps à

17 « Exploring your career beliefs: A workbook for the Career Beliefs Inventory »

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consacrer à d'autres intérêts personnels » ou « Si je veux réussir je dois renoncer à consacrer mon temps aux personnes qui comptent pour moi ».

Cette échelle a le mérite de rappeler l’importance de l’anxiété associée aux choix de carrière et du questionnement sur la valeur de soi mais aussi de mettre en exergue deux dimensions originales dans le domaine des croyances négatives en orientation : le besoin fondamental de reconnaissance et la nécessité d’un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

Dysfunctional Career Decision-Making Beliefs ou DCB

Très récemment, Hechtlinger, Levin et Gati (2017) ont conçu et validé un questionnaire pour évaluer les croyances dysfonctionnelles en orientation : le DCB ou Dysfunctional Career Decision-Making Beliefs. L’outil se compose de 15 items répartis en cinq échelles :

Rôle du hasard ou du destin : par exemple, « Ça ne vaut pas la peine d'investir du temps et de faire des efforts pour un choix d'orientation, car de toute façon tout dans la vie est une question de chance » ;

Caractère critique de la décision : par exemple, « Je crois que choisir une orientation est un engagement pour la vie » ;

Rôle des personnes significatives de l’entourage : par exemple, « Les personnes importantes dans ma vie (comme mes parents et mes amis) me connaissent mieux que moi-même et sauront ainsi quelle orientation est la meilleure pour moi » ;

Rôle de l'aide professionnelle : par exemple, « Des tests psychologiques (tels que les tests de compétences ou d'intérêts) peuvent prédire le succès de mon orientation » ;

Sexe de la personne : par exemple, « Je ne considérerais que certains choix d'orientation car je ne peux pas travailler dans des emplois considérés comme ‘masculins’/’féminin’ ».

Cette dernière échelle vient compenser l’absence de réflexion sur le concept de genre dans la littérature scientifique consacrée aux croyances négatives en orientation. La recherche a pourtant montré à maintes reprises que l’adhésion aux normes de sexe est une dimension déterminante dans les choix d’avenir des adolescent.e.s. (Vouillot, 2010 ; Vouillot, 2007). Les stéréotypes associés au sexe organisent l’univers professionnel, certaines professions davantage exercées par des hommes ou des femmes sont faussement perçues comme dédiées à l’autre sexe ou proscrites. De ce fait, les personnes contraignent leurs choix d’orientation pour les mettre en accord avec leur identité sexuée, ce qui réduit considérablement la palette des trajectoires possibles (Gottfredson, 2002). Par ailleurs, une version ultérieure du questionnaire DCB sera complétée par une échelle destiné à évaluer le perfectionnisme associé au choix d’orientation, c'est-à-dire la croyance selon laquelle un choix d’orientation doit correspondre parfaitement à une personne et satisfaire toutes ses attentes.

Conclusion

Le processus d’orientation ne se limite pas à une prise d’information systématique et à la formulation de choix rationnels. Bien au contraire, il fait la part belle à un ensemble de croyances personnelles et de suppositions chargées affectivement. Certaines de ces croyances ont été étiquetées comme négatives ou dysfonctionnelles au sens où elles conduisent à des impasses ou à des biais de jugement. Il a été démontré que ces croyances interviennent négativement dans la construction de l’identité vocationnelle, modulent les sentiments de compétences, génèrent de l’anxiété et conduisent parfois à l’indécision. Les spécialistes de la psychologie de l’orientation invitent à travailler sur ces croyances, à aider les personnes à les identifier et à les réajuster. Différentes typologies ont déjà recensé ces pensées qui pourraient être contreproductives. Plusieurs outils d’évaluation de ces croyances négatives en orientation permettent de s’en faire une représentation assez précise. Pour le moment, ces questionnaires ne sont pas adaptés ou validés dans le contexte français mais leurs structures et les contenus explorés correspondent à des problématiques fréquemment rencontrées et questionnées dans les entretiens d’orientation en France. C’est sur la base de ces éléments théoriques que nous avons conçu la séquence pédagogique présentée dans la première partie de ce document.

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Cette séquence pédagogique considère les résultats de plusieurs recherches internationales en psychologie de l’orientation dont les références sont rassemblées dans cette section bibliographique. Albien, A. J., & Naidoo, A. V. (2017). Deconstructing career myths and cultural stereotypes in a context of low resourced township communities. South African Journal of Education, 37(4).

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