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Septembre • 2006 • ISSN 1993-8616 SPORT GAGNER à TOUT PRIX

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Septembre • 2006 • ISSN 1993-8616

Sport gagner à tout prix

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septembre - 2006 Sommaire

Enfants s’entrainant avant un match de basketball.

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Chronologie – l’UneSCo et le Sport 14 Quelques dates clés concernant les activités de l’UNESCO dans le domaine de l’éducation physique et du sport.

le CoUrrier remonte le tempS 15 Le Courrier de l’UNESCO a consacré plusieurs articles ou numéros au sport.

Sport : gagner à tout prixLe tour de France cycliste 2006 devait être exemplaire. il a été entaché par les soupçons de dopage qui pèsent sur le vainqueur de la compétition. Le sport ne se résume pourtant pas aux faits divers et histoires de dopage qui défraient régulièrement la chronique. il peut être aussi l’occasion de se dépasser ou de faire l’apprentissage de la solidarité.

gagner à tout prixDiverses raisons peuvent pousser les athlètes à utiliser des produits

et techniques permettant d’améliorer leurs performances, peut-être attribuées à la surenchère compétitive régnant dans le sport et à une érosion de l’éthique sportive. Et ceci détermine la façon dont certaines personnes abordent la compétition. Malheureusement, cela peut avoir un effet pervers qui incite les gens à tricher ». 3

Le cycLiSme : Sport maudit ?ainqueur du Tour de France 2006, Floyd Landis a été contrôlé positif

à la testostérone. Une nouvelle fois, le cyclisme est montré du doigt. 4

a paSo deL rey, Le FootbaLL autrementLoin des contrats mirobolants, des jeux truqués, du dopage, des coups de têtes et

des cartons rouges, la Fondation des Defensores del Chaco, en Argentine, défend une autre vision du sport. Le foot des rues est régi par d’autres règles où le respect de l’adversaire et la solidarité comptent autant que le score du match. 6

LeS jeuneS priS au piège deS StéroïdeSDes milliers d’adolescents rêvent de se faire un nom grâce au sport. Pour améliorer leurs

chances, de plus en plus recourent aux stéroïdes anabolisants. À 17 ans, Taylor Hooton y a laissé la vie. 8

pour La gLoire de L’aLLemagne de L’eStLors des Jeux olympiques de 1972, l’Allemagne de l’Est devient tout à coup une véritable

usine à champions. Elle continuera à dominer la scène sportive internationale pendant près de vint ans. Le secret de son succès ? Un programme de dopage orchestré par l’Etat. 10

maria mutoLa : une athLète à toute épreuve

Maria Mutola voulait devenir une star du football. Son rêve a été brisé parce qu’elle

était une femme. Comme elle n’était pas du genre à renoncer, elle a changé de discipline et fini par obtenir la médaille d’or olympique en athlétisme. 12

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3Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

Dou publié à la une des journaux du monde entier. » Les champions exercent aujourd’hui

une véritable fascination. Des na-tions entières restent collées à leurs postes de télévision pendant les Jeux olympiques ou les matches de coupe du monde. Des millions de jeunes rêvent d’imiter un jour leurs héros sportifs. Leur déception est d’autant plus grande le jour lorsqu’ils décou-vrent que les exploits de leurs idoles, telles que le joueur de base-ball Jason Giambi ou le sprinter Justin Gatlin, étaient le fruit du dopage.

Gagner coûte que coûteGagner à tout prix peut signifier franchir des obstacles presque insur-montables comme l’a fait Maria Mu-tola. Un autre exemple pourrait être celui du club argentin Defensores del Chaco, issu des bidonvilles de la ban-lieue de Buenos Aires (Argentine), qui a participé à la première Coupe du Monde de football de rue, organ-isée l’été dernier en Allemagne, en

eux enfants vivant en deux points opposés de la planète ont eu à sur-monter des obstacles comparables. Elevée dans un quartier pauvre de la banlieue de Maputo (Mozambique), Maria Mutola n’a pu continuer à jouer au football parce qu’elle était une fille. A Houston, au Texas (Etats-Unis), l’entraîneur de base-ball de Taylor Houton lui a annoncé qu’il n’était pas assez fort pour jouer dans l’équipe de son lycée. Face à ces défis, les deux enfants ont réagi différemment. Maria Mutola a changé son fusil d’épaule et est devenue une coureuse médaillée d’or aux Jeux olympiques. Taylor a eu recours aux stéroïdes anabolisants pour augmenter sa masse musculai-re et est décédé brutalement à l’âge de 17 ans. L’UNESCO soutient l’éducation

physique et le sport dans le contexte de l’éducation et s’attache à pro-mouvoir la Convention internationale contre le dopage dans le sport. Ce numéro du Courrier de l’UNESCO se penche d’un peu plus près sur le monde du sport et sur ce que signifie œuvrer en faveur d’une plus grande éthique dans le sport.

Un reflet de la société« Nous devrions regarder le sport comme un microcosme à l’image de la société, affirme Paul Marriott-Lloyd, spécialiste du programme Antidopage / Section Éducation physique et sport à l’UNESCO. Comme dans la société, de bonnes et de mauvaises choses se passent dans le sport. La seule différence est que le moindre petit évènement est diffusé sur nos écrans de télévision

Le tour de France cycliste 2006 devait être exemplaire. il a été entaché par les soupçons de dopage qui pèsent sur le vainqueur de la compétition. Le sport ne se résume pourtant pas aux faits divers et histoires de dopage qui défraient régulièrement la chronique. il peut être aussi l’occasion de se dépasser ou de faire l’apprentissage de la solidarité.

GaGner à tout prix

Taylor Houton est mort à 17 ans après avoir pris des stéroïdes anabolisants.

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Les enjeux financiers du tour de France

189 coureurs répartis dans 21 équipes se sont

disputés un total de 3 200 000 euros pour le Tour de France 2006.

Cette somme est répartie entre plusieurs catégories de prix. Le maillot jaune reçoit 450 000 euros.

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4Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

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marge de la Coupe du Monde de la FIFA. Mais l’envie de gagner coûte

que coûte peut aussi conduire au dopage. Taylor Houton a eu recours aux stéroïdes parce qu’il voyait ses

camarades de classe les utiliser et pensait que ces produits augmen-tant les performances étaient la clé de la réussite. Dans de nombreuses disciplines

sportives, les champions succomb-ent à la même tentation. Il suffit de rappeler le cas de Floyd Landis, vain-queur du Tour de France 2006, dont les tests ont révélé un niveau élevé de testostérone, ou de Marion Jones, dont l’échantillon A aurait donné un résultat positif au test d’EPO (éryth-ropoïétine), hormone augmentant le nombre de globules rouges dans le sang. Durant les années 1970 et 1980, l’Allemagne de l’Est a mené un programme de dopage orchestré par

l’Etat qui a impliqué environ 10 000 athlètes. Diverses raisons peuvent pousser

les athlètes à utiliser des produits et techniques permettant d’améliorer leurs performances. Ceci peut être attribué à la surenchère compétitive régnant dans le sport et à une érosion de l’éthique sportive. « Dans le sport de haut niveau, il y a de l’argent, la gloire et la fortune à la clé », explique Paul Marriott-Lloyd. Et ceci détermine la façon dont certaines personnes abordent la compétition. Malheu-reusement, cela peut avoir un effet pervers qui incite les gens à tricher. ».

Edna Yahil.

vainqueur du tour de France 2006, Floyd Landis a été contrôlé positif à la testostérone. une nouvelle fois, le cyclisme est montré du doigt.

Le cycLisme sport maudit ?

a fête a été largement gâchée. Maillot jaune du Tour de France 2006, Floyd Landis a été dépisté avec un taux anormalement élevé de testostérone. Il devra s’expliquer devant un tribunal sur la présence dans son organisme de cette sub-stance d’origine exogène et risque fort d’être interdit de compétition pendant deux ans. Cela n’a pas empêché le champion d’affirmer : « J’étais le meilleur sur le Tour de France, voilà pourquoi j’ai gagné. » Et de poursuivre sur un engage-ment : « J’affronterai ces accusa-tions avec la détermination que je consacre à mon entraînement et à mes courses. J’entends prouver mon innocence et rétablir ce que j’ai obtenu à force d’efforts. » Mises en cause, scandales et

décès liés au dopage empoison-

Un taux élevé de testosterone a été dépisté avec un taux anormal de testosterone à l’issue du Tour de France 2006.

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Match de foot de rue entre l’Argentine et le Brésil.

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5Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

nent le cyclisme depuis longtemps. Pourtant, c’est seulement depuis une dizaine d’années que ces su-jets font les gros titres. L’événement déclencheur a eu lieu lors du Tour de France 1998, lorsqu’un masseur a été arrêté à la frontière franco-bel-ge. Ses bagages contenaient plus de 400 produits dopants destinés

Mancebo. On leur reproche leur participation à un réseau de dopage sanguin. Soucieux de restaurer la crédibilité de l’épreuve reine du cyclisme, le comité d’organisation du Tour de France décidait alors d’écarter ces trois personnalités, ainsi que six autres coureurs accu-sés dans la même affaire. Un coup d’épée dans l’eau après le contrôle positif du vainqueur. Moment fort de cette édition 2006,

le triomphe de Floyd Landis dans la dix-septième étape a tenu en hale-ine le public. Au lendemain d’une contre-performance qui l’avait vu rétrograder à la onzième place, ce coureur a littéralement survolé cette étape de montagne, pour finir

sans parler des suites judiciaires qui s’annoncent. Mais il peut aussi se reprendre, et mettre les choses au clair sur la culture qui règne dans le cyclisme, ainsi que sur les pressions qui pèsent sur les spor-tifs professionnels en général. C’est un coup dur pour le cyclisme,

une nouvelle fois associé à une af-faire de dopage. Pat McQuaid, pré-sident de l’Union cycliste internatio-nale, affirme que des mesures sont prises. « Le cyclisme, dit-il, est en première ligne du combat contre le dopage. » Pour lui, le plus difficile est « d’éradiquer le dopage insti-tutionnalisé. » Et d’ajouter qu’il est trop facile d’incriminer les sportifs sans rien dire du système qui les a créés. C’est à tous les échelons que les changements sont néces-saires : dirigeants, administrateurs, entraîneurs et soigneurs des équi-pes. Il en va de la survie de ce sport.

Pourquoi triche-t-on ?Qu’est-ce qui pousse à se doper ? Pour M. McQuaid, c’est la société. « Attendre des sportifs qu’ils aient des idéaux différents du reste du monde, c’est faire preuve d’un pe-tit peu trop d’optimisme… » Après tout, ne nous vivons nous pas dans un univers où la plupart des indivi-dus aspirent à la célébrité et à la fortune et où les médicaments sont disponibles en abondance ? Les autres sports ne sont d’ailleurs

pas immunisés contre ce mal. En témoigne la récente annonce que Justin Gatlin, co-détenteur du re-cord du monde pour le 100 mètres avait – tout comme Floyd Landis – été contrôlé positif à la testosté-rone. Et le football, le baseball, le tennis ou le triathlon seraient aussi touchés. Seule certitude, le dopage est

une constante dans le sport. Mais vu le niveau récemment atteint, chaque supporter doit aujourd’hui se demander en quoi il peut encore croire et si le sport en général peut demeurer une source d’inspiration pour tout un chacun.

Matthew Quigley.

« J’étais le meilleur sur le Tour de France,

voilà pourquoi j’ai gagné. »

Floyd Landis

Floyd Landis au cours du Tour de France 2006.

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aux coureurs de son équipe, Fes-tina. L’enquête qui a suivi a révélé que les sportifs utilisaient systé-matiquement des produits interdits pour améliorer leurs performances. Pire : plusieurs autres écuries se livraient aux mêmes pratiques. Au fi-nal, sept des 21 équipes engagées cette année-là, et au moins 89 cou-reurs sur un total de 189 ont été exclus du Tour.

Coup d’épée dans l’eauL’année 2006 devait être celle du renouveau. Pourtant, quelques semaines à peine avant le départ, une enquête lancée en Espagne – l’Operacion Puerto – mettait en cause 58 cyclistes professionnels, parmi lesquels trois vedettes – Jan Ullrich, Ivan Basso et Francisco

loin devant ses concurrents. On n’avait rien vu de tel depuis des an-nées. La déception est à la hauteur de l’exploit. Déjà, quelques mois plus tôt, Tyler Hamilton, champion olympique du contre la montre, éta-it convaincu de dopage. Résultat : Floyd Landis pourrait

bien rester dans les mémoires com-me le premier lauréat de l’épreuve privé de son titre pour dopage,

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le mot dopage

ne vient pas de l’anglais. L’origine de ce mot

est à chercher du côté de l’Afrique du Sud.

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6Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

a paso deL reyle football autrement

Loin des contrats mirobolants, des jeux truqués, du dopage, des coups de têtes et des cartons rouges, la Fondation des defensores del chaco, en argentine, défend une autre vision du sport. Le foot des rues est régi par d’autres règles où le respect de l’adversaire et la solidarité comptent autant que le score du match.

Paso del Rey, est situé à une heure de bus à l’ouest de la capitale, Bue-nos Aires. D’un côté de la route : les terrains de golf et les « countries », sorte de quartiers protégés où vit une population aisée, de l’autre coté : les bidonvilles et la misère. C’est ici que, au milieu des mai-

sons basses et des rues de terre battue, se trouve le siège de la Fon-dation des « Defensores del Chaco », les Défenseurs du Chaco, où 1500 filles et garçons pratiquent le hand-ball, le volley, le basket et sur-tout le football, mais d’une manière différente. Les « Défenseurs » ont représenté

l’Argentine lors du premier Mondial de foot de rue organisé en Alle-magne, en marge de la coupe du monde de la FIFA. Ce Mondial a ses propres règles, différentes de celles du foot classique. Les jeux se déroulent à l’air libre, sur des ter-rains vagues ou à ciel ouvert et sur-

« L’important à nos yeux, ce n’est pas que ces jeunes

deviennent des stars du sport, ce qui compte c’est qu’ils deviennent des hommes

et des femmes actifs et solidaires au sein

de notre communauté ».

Fabian Ferrero.

tout, sans arbitre ! A la fin du match, les joueurs des deux équipes qui s’opposent, s’asseyent ensemble pour décider qui a véritablement remporté le match en fonction de plusieurs critères : le nombre de buts, bien sûr, mais aussi la qualité du jeu, l’esprit d’équipe et le re-spect des adversaires. Autre caractéristique du foot-

ball de rue : il n’est pas machiste, puisque deux des sept joueurs doi-vent être des femmes. Par ailleurs, il s’est fixé dès sa création un objectif social. « L’important à nos yeux, ce n’est

pas que ces jeunes deviennent des stars du sport, ce qui compte c’est qu’ils deviennent des hommes et des femmes actifs et solidaires au sein de notre communauté », expli-que Fabian Ferrero, un ancien foot-balleur qui a créé la Fondation des Défenseurs du Chaco avec Julio Jimenez en 2004.

Une alternative à la violence« Nous avons lancé cette Fondation parce que nous en avions assez de voir les gamins traîner dans les rues sans rien faire », se souvient Fabian. « Près de 250 000 personnes vi-vent ici, à raison de 5 ou 6 enfants par famille, dans un quartier difficile.

Finale du tournoi latino-américain de foot de rue à Buenos Aires (Argentine).

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7Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

Dans les années 1990, les tanner-ies, principales sources d’emploi de la région, ont fermé. Du coup, le quartier a perdu une partie de son âme. Laissés à l’abandon, ces quartiers ont sombré dans la vio-lence. Nous avons compris qu’il fal-lait agir vite ». A Paso del Rey, comme partout

ou presque en Amérique latine, il suffit de faire rouler un ballon pour voir surgir des gamins prêts

à jouer. C’est aussi un bon support éducatif. Le lancement du tournoi « Football pour la paix » le prouve : l’idée est née en Colombie, après l’assassinat du joueur de foot pro-fessionnel Andrés Escobar, auteur d’un but contre son propre camp, pendant le match Colombie/Etats-Unis, au cours du Mondial de 1994. Dans le même esprit, Fabian et Ju-

lio ont d’abord pris quelques heu-res sur leur temps de travail, pour

entraîner les jeunes. Le change-ment ne s’est pas fait attendre. « Lorsque j’étais adolescent, le héros du quartier était souvent le caïd du village, celui qui volait ou se droguait le plus, raconte Julio Jimenez. Aujourd’hui, on respecte ceux qui jouent au sein de nos équipes, mais aussi les entraîneurs et tous ceux qui se sont engagés à suivre les règles du club ».

Nouvelles activitésAu fil des ans, et grâce aux suc-cès sportifs et aux financements de plusieurs organisations nationales et internationales, la Fondation a développé de nouvelles activités : d’autres sports mais aussi une troupe de musiciens ambulants et des ateliers de peinture et de percussion. Un centre de santé a même vu le jour ainsi qu’un cen-tre communautaire de conseil ju-ridique. Les jeunes sportifs ont aussi in-

cité les femmes et les retraités à en faire autant. Ce n’est pas tout : la Fondation a réussi à faire construire trois écoles primaires et elle vient d’obtenir un terrain pour en con-struire une quatrième cette année. Et ça marche. Le dernier match

du tournoi latino-américain de foot-ball de rue s’est tenu fin 2005 en pleine avenue 9 de Julio, la princi-pale artère de Buenos Aires sous les auspices de l’UNICEF et du PNUD. Dans les deux cas, il s’agit de football, dans les deux cas, une équipe gagne, l’autre perd. Mais la comparaison s’arrête là. Pour Matias Luna, étudiant en deuxième année de Sciences Economiques, qui portait la tenue verte et noire des Défenseurs lors du Mondial du football de rue. « Dans le foot traditionnel, la compétitivité et les intérêts en jeu pèsent si lourd qu’ils finissent par créer de la violence ». Ceux qui ont assisté aux insultes, au coup de tête et à l’expulsion qui ont gâché la finale Italie-France en Allemagne, ne diront pas le contraire.

Lucía Iglesias Kuntz,à Buenos Aires, (Argentine).

Foot de rue à Buenos Aires (Argentine).

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Foot de rue à Buenos Aires (Argentine)

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8Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

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des milliers d’adolescents rêvent de se faire un nom grâce au sport. pour améliorer leurs chances, de plus en plus recourent aux stéroïdes anabolisants. à 17 ans, taylor hooton y a laissé la vie.

Les jeunes pris au pièGe des stéroïdes

aylor Hooton était un garçon ap-précié de tous. Membre de l’équipe de baseball de son lycée, au Texas (États-Unis), il avait de bons résultats scolaires. Mais il avait le sentiment de devoir faire encore mieux. « Lorsque Taylor avait 16 ans, son

entraîneur lui a dit qu’il lui faudrait grandir pour progresser au sein de l’équipe, se souvient Don Hooton. Il mesurait 1,89 mètre, pour 82 kilos. Il n’a vu qu’un seul moyen. » Taylor a commencé de prendre des

stéroïdes anabolisants début 2003. Son père a immédiatement remar-qué qu’il était sujet à de fortes sautes d’humeur. Il l’a emmené consulter un psychiatre. Taylor admet alors recourir aux stéroïdes. Il promet d’arrêter. Ses parents pensent que l’alerte est pas-sée. Pourtant, l’été suivant, Taylor vole un ordinateur portable. Pour le punir, M. et Mme Hooton reprennent

les clefs de sa voiture et le privent de sorties pendant deux semaines. Le matin suivant, Taylor supplie sa

mère de lever la punition. « Il est venu la voir, avec les yeux humides, dit M. Hooton. Mais elle est restée ferme. Il lui a alors serré la main, il est monté à l’étage et s’est pendu. »

Un monde de gagnantsEntre 500 000 et 600 000 lycéens américains auraient recours à ces produits.

Taylor était seulement un adolescent parmi les centaines de milliers au Etats-Unis qui abusent des stéroïdes. Ces molécules ont notamment pour effet d’inhiber la sécrétion endogène de testostérone. Lorsqu’on cesse d’en prendre, il faut plusieurs mois pour que le système hormonal re-trouve son état normal. De graves dépressions peuvent survenir pen-dant cette période. On ne dispose pas de statis-

tiques précises sur les suicides d’adolescents liés à un tel sevrage. M. Hooton déclare cependant que le phénomène n’est pas rare. « J’ai dû parler à deux ou trois douzaines de parents… Il leur est arrivé exacte-ment la même chose qu’à nous, et cela se termine généralement très brutalement. » « Nous vivons dans un monde qui

privilégie les gagnants et ceux qui

Entre 500 000 et 600 000 lycéens américains

auraient recours à ces produits.

Taylor Hooton jouant au baseball quelques jours avant sa mort.

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9Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

attirent l’attention. Ces médicaments peuvent vous aider sur les deux tab-leaux, » concède le docteur Charles Yesalis, qui enseigne à Penn State Universiy (Pennsylvanie, États-Unis) et fait autorité sur la question. Selon M. Yesalis, entre 500 000

et 600 000 lycéens américains ont recours à ces produits. « Personne ne se contente d’une seule prise. Lorsque je parle d’un demi million de gamins, cela renvoie au nombre d’usagers réguliers, » ajoute-t-il. L’emploi de substances chimiques

pour améliorer ses performances ou son apparence physique touche les adolescents du monde entier. Fré-déric Donzé, de l’Agence mondiale antodopage (AMA) confirme que l’absence de statistiques à l’échelle planétaire ne doit pas masquer la gravité du problème : « Aucun sport, aucun pays ne sont épargnés, » dit-il. La facilité d’accès à cette pharma-

copée est un autre sujet d’inquiétude. Le docteur Lyle Micheli, du Boston’s Children’s Hospital (pédiatrie) a ai-nsi constaté que certains jeunes se fournissaient au marché noir, sur leurs lieux d’entraînements. Et d’ajouter qu’il est encore plus facile de passer par Internet. Beaucoup d’adolescents connais-

sent pourtant les dangers des sté-roïdes. Ils en consomment parce qu’ils ont le sentiment qu’il leur faut absolument exceller en sport ou faire bonne impression. « Les parents et les entraîneurs mettent trop de pres-sion sur les jeunes : impossible de résister », affirme M. Yesalis.Selon un sondage réalisé en 2003

sur les comportements à risque chez les jeunes Américains (National Youth Risk Behaviour Survey), 6,1 % des

lycéens aux États-Unis avaient pris au moins une fois des stéroïdes sans ordonnance. M. Hooton estime que la prévention passe par l’information. « Il faut commencer par sensibiliser les jeunes aux dangers de ces sub-stances, mais aussi s’adresser aux parents comme vous et moi. »

S’adresser aux parentsMais les choses ne sont pas aussi simples : après tout, des joueurs professionnels de baseball, sport le plus apprécié des Américains, com-me Jose Canseco, Jason Giambi ou Raphael Plameiro ont eu recours aux mêmes substances... Réponse de M. Hooton : « Cela pose la question de l’émulation. Peu m’importe ce que fait tel ou tel pro du baseball… sauf si mon fils de 16 ans le prend pour modèle.» Autre source de tentation : l’aide

financière que les collèges et les uni-versités américaines offrent aux spor-tifs les plus prometteurs. Présenta-teur télé reconnu dans la région de New York, Steve Abudato a aussi écrit sur ce sujet : « Plus grand, plus fort, plus rapide : ces caractéristiques apparaissent comme un plus, qui pourra les aider à obtenir une bourse pour continuer dans l’enseignement supérieur – au risque de détruire leur organisme… » Le système d’enseignement com-

mence à réagir. Ainsi, l’État du New Jersey a récemment mis en place des programmes de dépistage des stéroïdes, et de nombreux autres projettent de l’imiter. Don Hooton y voit un signe favor-

able. « On a découvert que tout cela se passait en secret, parmi les en-fants. Nous avons aujourd’hui la cer-titude que cinq des quinze membres de l’équipe de baseball de mon fils prenaient des stéroïdes – et peut-être même y en avait-il jusqu’à neuf. En dehors, personne ne savait ap-paremment ce qu’il en était, ni que c’était aussi dangereux. »

Michelle Won, à Los Angeles.

Taylor Hooton assistant à un match de baseball.

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Stéroïdes : quelques dates clé

s’ils font les gros titres des médias depuis quelques

années, les stéroïdes ne datent pourtant pas d’hier.

en fait, ils sont utilisés par les athlètes depuis plus d’un demi-siècle

1935 – Charles Kochakian, un étudiant de l’Université de Rochester parvient à isoler les stéroïdes anabolisants.

1940s – Les stéroïdes sont utilisés en petites quantités pour favoriser le rétablissement des soldats blessés pendant la seconde Guerre mondiale.

1950s – Les haltérophiles russes commencent à utiliser les stéroïdes pendant les compétitions sportives.

1960s – John Ziegler, un médecin du Maryland (Etats-Unis), expérimente l’utilisation des stéroïdes sur les haltérophiles américains. Les athlètes des autres disciplines ne vont pas tarder de les imiter.

1963 – La France est le premier pays à adopter une loi antidopage.

1968 – Les Jeux olympiques introduisent pour la premières fois des tests au cours des jeux d’hiver de Grenoble et des jeux d’été de Mexico.

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10Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

Championne d’Europe du lancer de poids en 1986, Heidi Krieger a reçu tellement d’hormones mâles qu’elle a fini par ressembler à un homme et changer de sexe.

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« Ils nous ont volé nos âmes et ont traité nos corps

comme de simples objets ».

Ines Geipel

Lors des jeux olympiques de 1972, l’allemagne de l’est devient tout à coup une véritable usine à champions. elle continuera à dominer la scène sportive internationale pendant près de vint ans. Le secret de son succès ? un programme de dopage orchestré par l’etat.

pour La GLoire de L’aLLemaGne de L’est

La « Machine à miracles ». C’est ainsi qu’était surnommé le système spor-tif de l’Allemagne de l’Est. Il faut dire que cette nation communiste de 16 millions d’habitants pouvait rivaliser avec l’Union soviétique et les Etats-Unis, dont les populations étaient 18 fois plus nombreuses. Mais l’élite sportive de ce pays a payé très cher son incroyable succès. « Ils nous ont volé nos âmes et ont

traité nos corps comme de simples objets », déclare Ines Geipel, anci-enne championne de sprint et de saut en longueur. Geipel et quelque 10 000 sportifs ont été victimes d’un programme global de dopage organ-isé par l’Etat. Les stéroïdes qu’on les obligeait à prendre leur permettaient certes de s’entraîner davantage. Mais ils ont eu des effets secondaires dra-matiques.

Durant la seconde moitié de ses 35 ans d’histoire, la République démocratique allemande a sys-tématiquement figuré parmi les trois nations victorieuses aux Jeux olympiques d’été et d’hiver. Bien sûr, cette moisson de médailles éveillaient quelques soupçons. Mais ce n’est qu’après la chute du mur de Berlin en 1989 que les athlètes avouèrent que leurs exploits étaient attribuables à la prise de produits dopants. Beaucoup affirment qu’ils ignoraient

que les médecins leur administraient des stéroïdes anabolisants. On leur disait généralement qu’il s’agissait de vitamines. Les dossiers confiden-tiels publiés après la réunification ont montré que même des enfants de 10 ans recevaient ces traitements.

Voix grave et pilositéCertains produits, comme le triste-ment célèbre stéroïde Oral-Turinabol, modifiaient la structure musculaire, rendaient la voix plus grave et provo-quaient une pilosité masculine et des altérations des organes génitaux. Le cas le plus connu est celui d’Heidi Krieger, championne d’Europe du lancer de poids en 1986. On lui administra tellement d’hormones mâles afin de développer sa muscu-lature qu’en 1997, Heidi ressemblait

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11Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

à un homme et se percevait com-me un homme, au point de subir une opération pour changer de sexe. Elle porte aujourd’hui le nom d’Andreas Krieger. D’autres athlètes féminines furent

atteintes de stérilité, et celles qui eurent des enfants donnèrent souvent naissance à des bébés présentant des malformations. Aujourd’hui, certaines de ces an-ciennes sportives souhaitent que leurs records soient effacés. C’est le cas d’Ines Geipel. Elle

faisait partie de l’équipe du 4 x 100 mètres relais du club SC Motor Jena qui enregistra un record na-tional de 42,20 secondes en 1984. Celui-ci n’a jamais été battu, mais le nom de Geipel a été retiré du livre des records. Selon elle, le temps devrait également être effacé. « Ce record est empoisonné par le dopage », dit-elle. Petra Schneider, nageuse qui rem-

porta une médaille d’or et une mé-daille d’argent aux Jeux olympiques de Moscou en 1980, a formulé la même requête car ses performanc-es furent réalisées sous l’emprise de stéroïdes. Elle décrit son record national du 400 mètres nage indivi-duel, demeuré inégalé pendant 24 ans, comme un « vestige du passé ». « Je veux que tout cela disparaisse des registres officiels», déclare-t-elle.

Revirement spectaculaireLe but du programme de dopage était de démontrer la prétendue su-périorité du système communiste par des exploits sportifs. Jusqu’en

1968, les athlètes ouest-allemands réalisaient de meilleures performanc-es que leurs homologues de RDA. Le revirement fut spectaculaire. Le régime est-allemand prépara long-temps à l’avance le fiasco de ce qui aurait dû être la grande entrée en scène de l’Allemagne de l’Ouest :

l’Union soviétique. Onze de ces médailles d’or provenaient de dis-ciplines athlétiques et onze de la natation. A deux exceptions près, tous les champions est-allemands étaient des femmes. Ce fut égale-ment la deuxième nation la plus médaillée aux Jeux olympiques de Moscou en 1980, gâchés par le boycott organisé par les Etats-Unis. Aux Jeux de Séoul en 1988, les Allemands de l’Est raflèrent 37 médailles d’or, en seconde posi-tion derrière l’Union soviétique. Certains hauts fonctionnaires

de l’ancienne RDA minimisent aujourd’hui l’importance du dopage. Ils soulignent que les athlètes du pays ont continué de remporter des médailles après leur intégration à l’équipe allemande réunifiée. Néanmoins, différents procès et enquêtes, en particu-lier celle réalisée par le professeur Werner Franke et Brigitte Beren-donk, ont démontré que le dopage organisé était bien un élément clé du système. En 2000, Manfred Ewald, l’un des

plus anciens responsables sportifs de l’Allemagne de l’Est, et Manfred Höppner, directeur du service de médecine sportive du pays, ont été condamnés respectivement à 22 mois et 18 mois de prison avec sursis pour leur implication dans le programme de dopage. Enfin, en septembre de l’année

dernière, 193 anciens sportifs et sportives est-allemands ont reçu de l’Etat allemand une indemnisa-tion de 10 400 euros chacun pour avoir été contraints de prendre des substances dopantes. L’ancien ministre allemand de

l’intérieur, Otto Schily, a déclaré : « Il est quasiment impossible de compenser les souffrances phy-siques et morales qu’ils ont endu-rées. »

Guy Jackson,à Berlin.

« Il est quasiment impossible de compenser les souffrances

physiques et morales qu’ils ont endurées. »

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Épreuves de natation où « s’illustrèrent » les nageurs est-allemands durant de nombreuses décénnies.

Athlète se préparant au départ d’une course de vitesse.

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les Jeux olympiques de Munich en 1972. L’Allemagne de l’Est rempor-ta 20 médailles d’or au cours de ces jeux, terminant troisième derri-ère l’Union soviétique et les Etats-Unis, avec sept médailles d’or d’avance sur sa rivale de l’Ouest. La RDA se classa seconde au

palmarès des Jeux olympiques de Montréal en 1976, avec 40 médai-lles d’or, devancée uniquement par

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12Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

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maria mutola voulait devenir une star du football. Son rêve a été brisé parce qu’elle était une femme. comme elle n’était pas du genre à renoncer, elle a changé de discipline et fini par obtenir la médaille d’or olympique en athlétisme.

maria mutoLaune athlète à toute épreuve

eune fille, Maria Mutola s’intéres- sait plus au football qu’aux études. Elle séchait souvent les cours pour aller taper le ballon avec les gar-çons de son quartier, dans l’une des banlieues défavorisées de Ma-puto (Mozambique). Maria courait vite et faisait preuve

de talent pour dribbler et marquer des buts. Malgré l’opposition de ses parents, elle rêvait de devenir footballeuse professionnelle. « Un jour, lorsque j’avais 14 ou 15 ans, se souvient-elle, l’entraîneur du Club de football Aguia d’Ouro est passé dans mon quartier. Après m’avoir regardée jouer pendant un moment, il m’a proposé de faire partie de son équipe. »

Bien que la participation de Maria au championnat de football de la ville fût un grand succès, elle fut largement contestée par les autres équipes. « Etre la seule joueuse me posait beaucoup de prob-lèmes, mais j’essayais toujours de me concentrer sur la qualité de mon jeu».

Aguia d’Ouro remporta le cham-pionnat de la ville en 1987, mais l’équipe qui perdit en finale déposa une plainte officielle auprès de la FIFA, dénonçant la participation d’une joueuse à des compétitions officielles. La FIFA permit à l’équipe de Mu-

tola de conserver le trophée. Mais l’adolescente de 15 ans comprit qu’on ne la laisserait jamais pour-suivre une carrière de footballeuse professionnelle. Pourtant, cet épi-sode ne marque pas la fin, mais le début d’un parcours exemplaire dans le monde du sport.Les déboires de Maria firent les

gros titres. Son cas attira l’attention de José Craveirinha, le plus célè-

« Etre la seule joueuse me posait beaucoup

de problèmes, mais j’essayais toujours de me concentrer sur la qualité de mon jeu »

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Maria Mutola.

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13Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

bre poète mozambicain, passionné d’athlétisme. Après l’avoir vue jouer au football, il savait qu’elle avait le potentiel pour devenir une grande coureuse. Il lui offrit une paire de baskets et lui présenta son fils Sté-lio, entraîneur d’athlétisme.

Sur les starting-blocks « Mon premier entraînement avec

Stélio ne s’est pas très bien passé, se souvient Maria. Je n’étais pas habituée à courir autant, et après cette séance, je ne pouvais même plus m’asseoir. Je n’y suis pas re-tournée pendant une semaine ! » Mais José Craveirinha ne s’avoua

pas vaincu. « Le poète est venu chez moi, raconte Maria Mutola. Il a convaincu mes parents que l’athlétisme pouvait m’ouvrir beau-coup de portes. » Il avait raison. A peine quelques

mois après son premier entraîne-ment, Maria Mutola remporta une médaille d’argent du 800 mètres lors du Championnat africain de 1988. Cette même année, elle représenta le Mozambique aux Jeux olympiques de Séoul. En 1990, elle reçut une bourse

du Comité international olympique afin de s’entraîner aux Etats-Unis. « C’est vraiment dommage, regret-

tait à l’époque José Craveirinha, que notre culture ne soutienne pas le sport. J’ai dû l’envoyer en Améri-que car c’est là qu’elle avait le plus de chances de progresser ». Durant les années 1990, Maria

Mutola devint l’une des étoiles de l’athlétisme mondial. Elle obtint sa plus grande victoire aux Jeux olympiques de Sydney en 2000, rentrant alors au pays avec la pre-mière médaille d’or olympique de l’histoire du Mozambique, qu’elle remporta à l’épreuve du 800 mètres. En 2003, elle se vit décerner le

plus grand prix d’athlétisme au monde – un jackpot d’un million de dollars récompensant six victoires consécutives aux compétitions de la Golden League de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme. La même année, Maria fut nommée émissaire pour la jeunesse auprès du PNUD, en reconnaissance de sa carrière ex-ceptionnelle en tant qu’athlète.

La clé du succèsAprès s’être consacrée à l’athlétisme pendant près de 20 ans, Maria estime qu’elle a encore beaucoup à faire pour le sport. C’est pourquoi elle a créé la Fon-dation Maria Mutola, qui finance des cours et des entrainements pour les enfants défavorisés. Depuis 2001, la Fondation a per-

mis à plus de 30 jeunes athlètes mozambicains de participer à des compétitions internationales. Elle encourage également l’intégration du sport dans les programmes scolaires, et prévoit la construction d’un centre d’entraînement profes-sionnel à Maputo. « Tous les enfants du Mozam-

bique devraient avoir un Cravei-rinha dans leur vie, déclare Maria Mutola, quelqu’un qui ait foi en leur talent et soit prêt à les aider. C’est la raison d’être de ma fondation. » Il y a trois ans, la Fondation

a envoyé Carina Pinto étudier et s’entraîner aux Etats-Unis. « Elle suit maintenant des cours à l’Université de New York et sera diplômée dans deux ans, dit Maria avec fierté. Le jour où elle recevra

son diplôme sera une immense victoire pour moi ». A 34 ans, Maria Mutola est une

héroïne nationale. Récemment, on a même donné son nom à l’une des avenues de Maputo. Lorsqu’on lui demande quel héritage elle pense transmettre, elle répond modeste-ment « je suis fière que mon pro-gramme vienne en aide à tous ces jeunes athlètes. Je veux que les gosses comprennent que la com-binaison de l’éducation et du sport peut être la clé du succès. ».

Maria Boavida.

Maria Mutola au milieu d’enfants pendant une compétition.

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« C’est vraiment dommage que notre culture ne soutienne pas le sport. J’ai dû l’envoyer

en Amérique car c’est là qu’elle avait le plus de chances

de progresser ».

José Craveirinha

Les femmes et les Jeux

Les premiers Jeux olympiques modernes qui se sont tenus en 1896 n’étaient pas ouverts

aux femmes. Au cours des Jeux suivants, organisés à Paris

en 1900, 19 d’entre elles partici-pèrent aux épreuves, représentant

à peine 1,6% des participants. Il faut attendre les années 1970 pour que les femmes effectuent

une percée significative.

tokyo, 1964 683 athlètes féminines

(13% du total) 7 sports féminins

Los angeles, 1984 1567 athlètes féminines

(23% du total) 14 sports féminins

(23% du total) athènes, 2004

4306 athlètes féminines (41% du total)

26 sports féminins (28% du total)

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14Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006 14

chronologie - L’uneSco et le sport

1947Une conférence internationale tenue au Bureau international d’éducation de l’UNESCO envisage de conférer davantage d’importance à l’éducation physique dans les établissements d’enseignement secondaire.

1952 La Conférence générale, lors de sa septième session, autorise qu’une étude soit menée auprès des Etats membres et des organisations internationales en vue d’améliorer les sports à des fins éducatives.

1956 – Publication d’une étude com-parative intitulée « La place du sport dans l’éducation ».

1959 L’UNESCO coopère avec le gouverne-ment finlandais en vue de l’organisation d’une conférence internationale à Helsinki concernant la contribution du sport à l’amélioration des compétences professionnelles et au développement culturel.

1965 Le Directeur général remet le premier trophée international du fair-play Pierre de Coubertin au champion italien de bobsleigh Eugenio Monti.

1976 La Conférence internationale des min-istres et hauts fonctionnaires respon-sables de l’éducation physique et du sport se réunit pour la première fois à Paris (France).

1978 La Conférence générale adopte une Charte internationale de l’éducation physique et du sport. Elle constitue également un comité intergouverne-mental chargé d’orienter et de super- viser les activités de l’UNESCO dans ce domaine, ainsi qu’un fonds international destiné à promouvoir le développement de ces activités.

1983Le Comité intergouvernemental pour l’éducation physique et le sport recom-mande l’adoption de mesures relatives aux problèmes médicaux et au dopage et demande aux autorités compétentes de poursuivre leurs recherches sur la violence dans le sport.

1988 La Conférence internationale des ministres et hauts fonctionnaires responsables de l’éducation physique et du sport se réunit à Moscou (ex URSS) et met l’accent sur la nécessité de faire respecter les valeurs éthiques et morales du sport.

1991La Conférence générale amende la Charte internationale adoptée en 1978 en introduisant un nouvel article relatif aux abus tels que le dopage, la violence lors des rencontres sportives, l’exploitation commerciale excessive du sport et l’entraînement intensif précoce.

1999La Conférence internationale des ministres et hauts fonctionnaires responsables de l’éducation physique et du sport se réunit à Punta del Este (Uruguay) et exprime sa préoccupation face aux comportements contraires à l’éthique tels que le dopage, et exhorte tous les pays à prendre des mesures concertées.

2001David Douillet, judoka français titulaire de trois médailles olympiques, est nommé champion de l’UNESCO pour les sports.

2003 Une table ronde ministérielle émet un communiqué final au nom de 103 Etats membres et 20 organisations soulignant le danger que représente le dopage pour la santé publique et préconisant une réponse concertée.

2004-2005Des représentants de plus de 95 pays entament de longues réunions de consultation dans le but de rédiger un projet de convention contre le dopage.

2005 La Conférence générale adopte la Convention internationale contre le dopage dans le sport.

2005 L’Assemblée générale des Nations Unies proclame 2005 Année internationale du sport et de l’éducation physique.

2006L’UNESCO et l’Agence mondiale antidopage (AMA) signent un mémorandum d’accord renforçant encore davantage leur étroite collaboration.

José Banaag.

voici quelques dates clés concernant les activités de l’uneSco

dans le domaine de l’éducation physique et du sport.

Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

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Le Courrier remonte le tempsdepuis sa création, le Courrier de l’UNESCO

a consacré plusieurs articles ou numéros au sport.

Le Courrier de l’UNESCO - Septembre - 2006

Numéros

Sport et compétition, décembre 1992 Le sport est tient désormais davantage de la compétition de haut-niveau que d’un jeu ou d’un moyen éducatif. Cette compétition s’est traduite par une attention excessive portée à un petit nombre d’événements spectaculaires ; un processus qui expose certains sports aux pressions croissantes des médias et de l’argent.

Le jeu, mai 1991 L’importance attachée au jeu spontané en dit long sur les bases d’une culture. Dans les sociétés industrialisées, les jeux et le sport sont souvent à la merci du profit, mais certaines sociétés ont su davantage préserver l’innocence du jeu.

Fair play, vérité du sport, janvier 1964. Le baron Pierre de Coubertin est à l’origine des Jeux olympiques des temps modernes. Cent ans après sa mort, en 1863, ce numéro retrace sa croisade pour conférer dignité et force au sport, pour assurer son indépendance et l’adapter au monde d’aujourd’hui.

Articles

Tim Crabbe, professeur de sociologie du sport à l’Université britannique de Sheffield Hallam, consacre deux articles au problème du racisme dans les stades.

« Football et racisme : et si les hooligans nous ressemblaient… »novembre 2000

« Le miroir aux alouettes de l’intégration par le foot »novembre 2000

« dossier Sport passion » avril 1999Ce dossier montre comment le sport peut permettre aux femmes, aux handicapés, aux minorités ethniques et aux pauvres d’échapper à la discrimination et servir de soupape entre des communautés qui s’affrontent.

josé banaag

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ContACt

Le Courrier de l’UNESCO est publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. 7, place de Fontenoy 75352 Paris 07 SP, Francehttp://www.unesco.org/fr/courier

renseignements et droits de reproduction [email protected]

Directeur de la publication Saturnino Muñoz Gómez

rédacteurs

anglaisEdna Yahil

arabe Bassam Mansour

chinois Weiny Cauhape

espagnolLucía Iglesias Kuntz

FrançaisAgnès Bardon

russe Vladimir Sergueev

assistant éditorial José Banaag

photosFiona Ryan

maquette et mise en pdFGilbert Franchi

plateforme web Stephen Roberts, Fabienne Kouadio, Chakir Piro

Les articles peuvent être reproduits à condition d’être accompag-nés du nom de l’auteur et de la mention « Reproduit du Courrier de l’UNESCO », en précisant la date et en ajoutant le lien : http://www.unesco.org/fr/courierLes articles expriment l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle de l’UNESCO. Les photos appartenant à l’ UNESCO peuvent être reproduites avec la mention © Unesco suivie du nom du photographe. Pour obtenir les hautes définitions, s’adresser à la photobanque : [email protected] Les frontières sur les cartes n’impliquent pas la reconnaissance officielle par l’UNESCO ou les Nations Unies, de même que les dénominations de pays ou de territoires mentionnés.