secteur ambulatoire : des enjeux majeurs … · la pratique de groupe dans un cadre professionnel...

10
SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURS D'ORGANISATION ET DE RÉGULATION POUR L'AVENIR Yann Bourgueil La Découverte | Regards croisés sur l'économie 2009/1 - n° 5 pages 159 à 167 ISSN 1956-7413 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2009-1-page-159.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bourgueil Yann, « Secteur ambulatoire : des enjeux majeurs d'organisation et de régulation pour l'avenir », Regards croisés sur l'économie, 2009/1 n° 5, p. 159-167. DOI : 10.3917/rce.005.0159 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte. © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. © La Découverte Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. © La Découverte

Upload: others

Post on 15-Jul-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURS … · La pratique de groupe dans un cadre professionnel – en cabinets gérés et animés par des médecins, ou en centres de santé dans

SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURSD'ORGANISATION ET DE RÉGULATION POUR L'AVENIR Yann Bourgueil La Découverte | Regards croisés sur l'économie 2009/1 - n° 5pages 159 à 167

ISSN 1956-7413

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2009-1-page-159.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Bourgueil Yann, « Secteur ambulatoire : des enjeux majeurs d'organisation et de régulation pour l'avenir »,

Regards croisés sur l'économie, 2009/1 n° 5, p. 159-167. DOI : 10.3917/rce.005.0159

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte.

© La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e S

herb

rook

e -

- 1

32.2

10.2

44.2

26 -

26/

03/2

013

11h0

4. ©

La

Déc

ouve

rte

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. ©

La Découverte

Page 2: SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURS … · La pratique de groupe dans un cadre professionnel – en cabinets gérés et animés par des médecins, ou en centres de santé dans

Rega

rds c

roisé

s sur

l’éco

nom

ie n

° 5 –

200

9 ©

La

Déc

ouve

rte

SeCteUR ambUlatoiRe : deS »enJeUx maJeURS d’oRganiSation et de RÉgUlation poUR l’aveniR

Yann Bourgueil, médecin de santé publique, directeur de recherche à l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES).

Une évolution contradictoire des besoins et des ressources

Pression démographique et transformations de la pratique

Les besoins de santé et la demande de soins évoluent sous l’effet de l’aug-mentation et du vieillissement de la population, de l’augmentation importante des maladies au long cours (que la caisse nationale d’assurance maladie mesure par le nombre de patients placés en affections de longue durée), ainsi que sous l’effet de la multi-morbidité (généralement mal appréhendée par le terme de maladie chronique) et de la dépendance. Les évolutions de la demande sociale des patients suscitent également des modifications des pratiques, des rôles pro-fessionnels ainsi que des modes d’articulations entre les acteurs. Ces évolutions se traduisent par un poids croissant des prises en charge au sein des dépenses de santé, et par une évolution de la relation entre le médecin et le malade : ce dernier, mieux informé et plus expérimenté, se trouve désormais en mesure de discuter les orientations proposées par le médecin. Ces transformations constatées en France sont à l’œuvre dans tous les pays développés, et donnent lieu à des réponses variées selon les systèmes de soins.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e S

herb

rook

e -

- 1

32.2

10.2

44.2

26 -

26/

03/2

013

11h0

4. ©

La

Déc

ouve

rte

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. ©

La Découverte

Page 3: SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURS … · La pratique de groupe dans un cadre professionnel – en cabinets gérés et animés par des médecins, ou en centres de santé dans

160 Au chevet de la santé. Quel diagnostic ? Quelles réformes ?

Rega

rds c

roisé

s sur

l’éco

nom

ie n

° 5 –

200

9 ©

La

Déc

ouve

rte

La tendance de l’évolution de la ressource humaine en santé, et principale-ment du nombre de médecins, est quant à elle inverse de celle des besoins. Les dernières projections de la Drees réalisées jusqu’en 2030 envisagent, à compor-tements constants, et en maintenant le nombre de médecins formés par an à 7 100, une diminution de 10 % du nombre de médecins en 2019 et une baisse de 15 % de la densité médicale globale. Cette diminution est la conséquence directe de l’instauration du numerus clausus au début des années 1970 puis de sa réduction progressive jusqu’aux années 2000.

“ On n’a jamais autant encensé le rôle et la mission des médecins de première ligne, tout en faisant le contraire dans la pratique.

À cela s’ajoute la variation du temps de médecin disponible, même si elle est plus difficile à appréhender, en raison d’un manque d’information sur le temps de travail actuel et de fortes incertitudes sur l’impact des changements du corps médical. La féminisation de la profession se poursuit avec désormais plus de 65 % de femmes en deuxième année d’études médicales. Elle ne se tra-duit pas nécessairement par une diminution du temps de travail, mais accom-pagne une évolution du rapport au travail des jeunes médecins des deux sexes. Concilier vie de famille et vie professionnelle aussi bien au quotidien que dans les orientations de carrière constitue une nouvelle exigence des médecins, ce qui les conduit à appréhender différemment leur exercice et leurs modes d’or-ganisation. Une enquête réalisée auprès d’étudiants en médecine générale de la région Rhône-Alpes a ainsi montré l’attrait important de l’exercice mixte (libéral et salarié), du travail en cabinets de groupes, ainsi que l’importance de la qualité de vie dans les choix d’orientation professionnelle, et l’ouverture vers de nouvelles façons de travailler – aussi bien en partenariat qu’en mobili-sant les outils permettant le partage d’information et l’évaluation des pratiques professionnelles.

Les jeunes médecins se projettent dans l’exercice professionnel futur d’une façon radicalement différente de celle des médecins qui se sont formés dans les années 1970 et 1980. Cet écart de représentation est au demeurant particuliè-rement net quand on confronte les revendications des organisations syndicales des étudiants en médecine générale avec celles des organisations syndicales des médecins installés.

L’hôpital est aujourd’hui plus attractif pour la majorité des jeunes médecins que l’exercice libéral traditionnel en cabinet individuel. Les raisons évoquées

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e S

herb

rook

e -

- 1

32.2

10.2

44.2

26 -

26/

03/2

013

11h0

4. ©

La

Déc

ouve

rte

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. ©

La Découverte

Page 4: SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURS … · La pratique de groupe dans un cadre professionnel – en cabinets gérés et animés par des médecins, ou en centres de santé dans

Secteur ambulatoire : des enjeux majeurs d’organisation et de régulation pour l’avenir 161Re

gard

s cro

isés s

ur l’é

cono

mie

n° 5

– 2

009

© L

a D

écou

vert

e

sont un manque de connaissance de l’exercice ambulatoire, un désintérêt pour les conditions de travail en libéral, mais également un décalage entre la forma-tion initiale hospitalière spécialisée et la pratique de ville généraliste, et plus globalement la dévalorisation symbolique et financière de la médecine générale et de la pratique clinique par rapport à la réalisation d’actes techniques.

Cependant, si ces évolutions plus qualitatives – que l’on retrouve égale-ment dans tous les pays développés – peuvent faire craindre une accentuation de la réduction de la ressource humaine médicale disponible dans les années à venir, elles ouvrent également des perspectives en termes de réorganisation des pratiques, des modes d’exercices et vraisemblablement des modalités de rémunération.

Vers le regroupement des professionnels

La pratique de groupe dans un cadre professionnel – en cabinets gérés et animés par des médecins, ou en centres de santé dans un cadre plus admi-nistratif – est majoritaire dans de nombreux systèmes de santé, en général nationaux comme le National Health Service anglais ou le système de santé catalan. On la retrouve également dans certains organismes de type managed care 1 comme Kaiser Permanente aux États-Unis. Ces formes organisées per-mettent de rassembler des professionnels dans un même lieu, de façon à rendre accessible une gamme de services étendue (soins curatifs, préventifs, coordi-nation médico-sociale, parfois soins spécialisés). Cette logique de regroupe-ment sur des « unités de base » se traduit généralement par une moins grande proximité avec la population. Par exemple, on dénombre en Angleterre environ 9 000 practices pour 44 millions d’habitants, alors que la France (qui est aussi un plus grand pays) compte plus de 50 000 médecins généralistes pour 64 mil-lions d’habitants 2.

En revanche, le regroupement des professionnels en structures collectives (groupes, maisons de santé, centres de santé, etc.) semble permettre d’élargir les horaires d’ouverture, grâce au partage des plages de travail entre médecins,

1. Un managed care est une organisation qui regroupe à la fois la fonction d’assureur et la fonction de gestionnaire des soins. Les assurés sont alors incités à utiliser en priorité le réseau de l’assureur, ce dernier étant plus ou moins intégré et géré par l’assureur.

2. Si le phénomène de regroupement est peu connu en France, car invisible dans les bases de don-nées de l’assurance maladie qui ne comptabilise que les médecins individuellement, on estime le taux de regroupement entre 40 % et 50 %, ce qui fait un nombre maximum de cabinets médicaux de 37 000 (sous l’hypothèse de deux médecins par cabinet et d’un taux de regroupement à 50 %), soit 4 fois plus qu’en Angleterre.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e S

herb

rook

e -

- 1

32.2

10.2

44.2

26 -

26/

03/2

013

11h0

4. ©

La

Déc

ouve

rte

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. ©

La Découverte

Page 5: SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURS … · La pratique de groupe dans un cadre professionnel – en cabinets gérés et animés par des médecins, ou en centres de santé dans

162 Au chevet de la santé. Quel diagnostic ? Quelles réformes ?

Rega

rds c

roisé

s sur

l’éco

nom

ie n

° 5 –

200

9 ©

La

Déc

ouve

rte

voire même des rôles professionnels. En Ontario et au Québec, des program-mes d’incitation au regroupement ont ainsi été mis en œuvre afin d’élargir les plages de consultations, dans le but de réduire la demande de soins aux urgen-ces hospitalières et de favoriser le recrutement d’infirmières dans les équipes médicales. De plus, le patient peut voir un autre médecin si son médecin habi-tuel n’est pas disponible immédiatement : il a le choix entre une réponse médi-cale rapide, ou une rencontre avec son médecin habituel plus tard.

“ Le système de soins ambulatoires a été – et reste toujours – le lieu de stratégies d’acteurs et d’initiatives centrifuges facilitées par le morcellement institutionnel du pilotage.

Revenant sur la politique des soins primaires depuis 30 ans, l’Organisation mondiale de la santé appelle, dans son rapport de 2008 3, à la mise en œuvre de réformes visant simultanément à 1) orienter l’organisation des soins vers des formes plus collectives, plus intégrées mais également plus personnalisées, 2) mettre en place des formes de gouvernance des soins ambulatoires bien iden-tifiées et plus participatives, 3) développer des politiques de santé publiques en soins primaires, et 4) instaurer une couverture universelle des soins de santé.

En France, l’organisation des soins ambulatoires est en mutation « spon-tanée » sous l’effet des facteurs sociaux, démographiques et épidémiologiques que nous avons décrits précédemment. Ces mutations peinent à s’inscrire dans le système de soins en raison des accords historiques entre les différents acteurs de la protection sociale et du système de santé qui structurent l’offre de soins. Le secteur ambulatoire est ainsi régulé selon les principes de la médecine libé-rale, rémunérée à l’acte ; le pilotage de l’offre de soins est cloisonné : l’assurance maladie pilote l’ambulatoire, et l’État le secteur hospitalier. Ce cloisonnement a été renforcé, du côté professionnel, par la hiérarchisation de l’ordre médical entre médecine spécialisée, hospitalière et académique d’une part, et médecine générale, ambulatoire et libérale de l’autre. Pour simplifier, le système de soins français reste principalement organisé par l’hôpital, ce que l’on résume par le terme d’hospitalo-centrisme, alors que le secteur ambulatoire est porteur d’en-jeux majeurs pour l’avenir.

3. Primary health care : now more than ever.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e S

herb

rook

e -

- 1

32.2

10.2

44.2

26 -

26/

03/2

013

11h0

4. ©

La

Déc

ouve

rte

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. ©

La Découverte

Page 6: SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURS … · La pratique de groupe dans un cadre professionnel – en cabinets gérés et animés par des médecins, ou en centres de santé dans

Secteur ambulatoire : des enjeux majeurs d’organisation et de régulation pour l’avenir 163Re

gard

s cro

isés s

ur l’é

cono

mie

n° 5

– 2

009

© L

a D

écou

vert

e

les enjeux de la régulation du secteur ambulatoire

Réduire les inégalités de santé

Le rôle des systèmes de soins est aujourd’hui peu considéré dans les recher-ches visant à réduire les inégalités de santé. Ceci s’explique principalement par le fait que les inégalités de santé n’ont pas été réduites dans les pays qui ont développé des systèmes de soins gratuits. Les politiques mises en œuvre pour réduire les inégalités de santé visent en général à intervenir en amont du sec-teur sanitaire (revenu, logement, éducation, travail). Cependant, au côté des inégalités de santé, on constate également des inégalités de consommation de soins. Elles s’expliquent par des barrières à l’accès aux soins – qu’elles soient géographiques, financières ou culturelles –, mais également par les pratiques professionnelles et l’organisation du système de soins lui-même. L’analyse de politiques mises en place dans certains pays d’Europe suggère que des actions passant par le système de soins, et notamment les soins de première ligne, peu-vent contribuer à réduire les inégalités de santé. Ainsi, si l’objectif à atteindre est la réduction des inégalités de santé et non pas simplement la réduction des différences de consommation de soins, l’enjeu pour le système de soins est de conduire l’ensemble des patients à une meilleure gestion et prise en charge de leur santé. Il s’agit, autrement dit, de les inciter à réduire les comportements à risques, à développer des comportements préventifs, et en cas de maladie, à bien utiliser le système de soins (de l’observance des traitements et prescrip-tions des professionnels à l’apprentissage de la vie avec la maladie).

Ces compétences et capacités personnelles s’acquièrent et se transmettent autant par des relations inter-individuelles durables et répétées (entre patients, entre professionnels et profanes) que par une communication de masse (cam-pagnes d’information). Le système ambulatoire ou de soins primaires, parce qu’il permet ces relations inter-individuelles, peut donc contribuer à la réduc-tion des inégalités de santé.

L’une des conditions nécessaires à la réalisation de cet objectif est cepen-dant le maintien d’une offre de soins qui ne soit pas trop différente selon la richesse des territoires, contrairement à ce qui est le cas en France notamment pour les soins spécialisés. Il faut pour cela réguler les honoraires, notamment les dépassements, ainsi que l’activité des assureurs complémentaires dans le financement des soins ambulatoires.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e S

herb

rook

e -

- 1

32.2

10.2

44.2

26 -

26/

03/2

013

11h0

4. ©

La

Déc

ouve

rte

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. ©

La Découverte

Page 7: SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURS … · La pratique de groupe dans un cadre professionnel – en cabinets gérés et animés par des médecins, ou en centres de santé dans

164 Au chevet de la santé. Quel diagnostic ? Quelles réformes ?

Rega

rds c

roisé

s sur

l’éco

nom

ie n

° 5 –

200

9 ©

La

Déc

ouve

rte

Quelle gouvernance du secteur ambulatoire ?

L’offre de soins ambulatoires n’est pas pilotée globalement. Ceci s’explique par la prépondérance des principes de la médecine libérale et du financement par l’assurance maladie. En 1946, la priorité des gestionnaires de l’assurance maladie n’était pas l’organisation des soins et des services de santé sur une base populationnelle et territoriale. Les responsables des caisses d’assurance étaient élus sur une base professionnelle et non pas territoriale. L’État, de son côté, ne disposait pas de véritable levier d’action sur les soins ambulatoires : les élus des collectivités locales n’ont pas de véritables compétences en matière de santé. L’hôpital public, vecteur du progrès biomédical et technique, était perçu à l’époque comme l’acteur central des soins ; il n’était pas organisé sur une base territoriale avant 1991. Néanmoins, les pouvoirs publics, soit à l’échelon national, soit par le biais des collectivités locales, ont complété l’offre du sec-teur ambulatoire en développant des structures orientées vers des populations particulières (femmes et enfants avec la protection maternelle et infantile gérée par les conseils généraux), en complétant des dispositifs manquants (centres de santé municipaux, hôpitaux) et plus récemment en souhaitant développer des dispositifs intermédiaires avec le concept des réseaux de soins et de santé 4.

Le système de soins ambulatoires a donc été – et reste toujours – le lieu de stratégies d’acteurs et d’initiatives centrifuges facilitées par le morcellement institutionnel du pilotage. C’est par exemple, le cas de l’activité d’urgence, qui est particulièrement difficile à réguler : elle constitue aussi bien une source de financement et un « territoire institutionnel » pour de multiples acteurs (les pompiers, le centre 15, le SAMU, la garde libérale) qu’un problème de société.

Aux yeux de nombreux analystes, la régionalisation de l’organisation des soins est apparue dès les années 1980 comme le moyen le plus efficace et le plus acceptable socialement pour rationaliser la gestion des ressources financières allouées à la santé, c’est-à-dire pour restructurer l’offre hospitalière, développer la prévention et organiser l’offre ambulatoire. Dans le scénario du groupe de prospective du Commissariat général du plan de 1993, présidé par Raymond Soubie (aujourd’hui conseiller aux affaires sociales du président de la Républi-que), les agences régionales de santé (ARS) constituent la pièce maîtresse de l’étatisation du système de santé. Dans ce scénario, le directeur de l’ARS est

4. Robelet M., Serre M. et Bourgueil Y. (2005), « La coordination dans les réseaux de santé : entre logiques gestionnaires et dynamiques professionnelles », Revue française des affaires sociales, 2005, n° 1, p. 233-260.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e S

herb

rook

e -

- 1

32.2

10.2

44.2

26 -

26/

03/2

013

11h0

4. ©

La

Déc

ouve

rte

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. ©

La Découverte

Page 8: SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURS … · La pratique de groupe dans un cadre professionnel – en cabinets gérés et animés par des médecins, ou en centres de santé dans

Secteur ambulatoire : des enjeux majeurs d’organisation et de régulation pour l’avenir 165Re

gard

s cro

isés s

ur l’é

cono

mie

n° 5

– 2

009

© L

a D

écou

vert

e

gestionnaire d’un budget global pour la santé et dispose ainsi de leviers finan-ciers puissants pour réallouer les ressources entre établissements, mais égale-ment entre les acteurs du secteur ambulatoire et les acteurs hospitaliers. La loi « Hôpital, patients, santé et territoire » semble achever la régionalisation, avec cependant une inconnue principale portant sur les leviers dont pourra disposer le directeur de l’ARS, notamment sur le secteur ambulatoire. Si la future ARS intègrera bel et bien le secteur médico-social et le secteur hospitalier, le secteur ambulatoire majoritairement libéral continuera à être principalement régulé par la convention nationale et l’assurance maladie. Comment financer dès lors, dans le cadre de la politique régionale et des nouvelles formes d’organisation des soins ambulatoires, les pratiques de prévention et d’éducation à la santé ? Existera-t-il un objectif régional d’assurance maladie afin d’allouer les ressour-ces de façon nouvelle entre ambulatoire et hospitalier ? Autant de questions aujourd’hui sans réponses qui laissent penser que l’ARS poursuivra la réor-ganisation hospitalière engagée par les agences régionales de l’hospitalisation (ARH), sans moyen d’action sur l’offre ambulatoire.

Les médecins libéraux, entre maîtrise des dépenses et redéfinition d’un contrat

Le débat sur la régulation de l’installation des médecins pour éviter la constitution de déserts médicaux occupe la scène politico-médiatique depuis bientôt deux ans. L’annonce d’une possible limitation à la liberté d’installation faite par le président de la République à l’automne 2007 a déclenché un mou-vement de grève des internes 5, qui a conduit le gouvernement à organiser des états généraux de l’organisation des soins dont quelques conclusions ont étés inscrites dans la proposition de loi de 2009. Cette dernière propose des avan-cées majeures, comme la définition des soins de première ligne et des missions des médecins généralistes, mais il reste à la mettre en œuvre de façon concrète. On peut également s’interroger sur le développement universitaire et académi-que de la médecine générale, qui a acquis le rang de spécialité, mais qui semble n’être toujours pas reconnue par ses « maîtres », les professeurs d’université des facultés de médecine. L’évolution des différentes versions de la proposition de loi de 2009, au cours de laquelle l’hôpital a progressivement repris la main,

5. Toute grève des internes en médecine fait en général reculer les politiques, par crainte d’une pos-sible généralisation du mouvement social, les internes ayant généralement une bonne image auprès de la population.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e S

herb

rook

e -

- 1

32.2

10.2

44.2

26 -

26/

03/2

013

11h0

4. ©

La

Déc

ouve

rte

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. ©

La Découverte

Page 9: SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURS … · La pratique de groupe dans un cadre professionnel – en cabinets gérés et animés par des médecins, ou en centres de santé dans

166 Au chevet de la santé. Quel diagnostic ? Quelles réformes ?

Rega

rds c

roisé

s sur

l’éco

nom

ie n

° 5 –

200

9 ©

La

Déc

ouve

rte

a mis en lumière l’affrontement qui semble opposer le monde hospitalier au monde ambulatoire. Cet affrontement est exacerbé par le développement des mécanismes de rémunération comme la tarification à l’activité dans les hôpi-taux, et par la façon dont le débat sur l’organisation du système de soins est posé – principalement en termes d’objectifs de maîtrise des dépenses, le plus souvent à court terme.

“ Il nous paraît essentiel de définir et d’ancrer un projet global pour la médecine ambulatoire, appréhendant simultanément la reconnaissance des missions, les conditions d’exercice, la production de recherches, la formation et la régulation de l’installation.

Si l’on partage l’idée qu’il est nécessaire de développer de nouvelles prati-ques et organisations des soins afin de répondre aux enjeux de demain, il paraît nécessaire d’investir financièrement et symboliquement dans la constitution de nouvelles formes d’organisation, mais également dans la mise en forme de pratiques et dans leur transmission, le tout dans le cadre d’un projet qui soit à la fois de santé publique et porté par les professionnels de santé – en premier lieu par les médecins. Un tel projet a existé lors de la création des centres hospi-taliers universitaires (CHU) en 1958 – il est vrai en période de forte croissance économique. Ce projet a contribué à la croissance considérable du système de soins et lui a permis de remplir ses missions.

Comment s’étonner de la résistance des jeunes médecins aux mesures visant à contraindre leur choix d’un lieu d’installation, quand elles ne s’accompagnent pas d’une valorisation de leurs fonctions et de leurs missions ? Il ne s’agit pas seulement de rendre possibles des conditions d’exercice et de vie plus conformes à leurs attentes, mais également de leur envoyer un signal fort quant à l’utilité de leur fonction sociale et à la valeur de leur pratique en ambulatoire. On n’a jamais autant encensé le rôle et la mission des médecins de première ligne. Mais dans la pratique, le contraire est fait en privilégiant l’acte technique, en valorisant l’hy-perspécialisation dans les facultés de médecine au travers des postes universitai-res, et finalement, en ne soutenant pas les conditions de production des savoirs et de transmission de la pratique clinique ambulatoire et de première ligne.

Il nous paraît essentiel de définir et d’ancrer un projet global pour la méde-cine ambulatoire, appréhendant simultanément la reconnaissance des mis-sions, les conditions d’exercice, la production de recherches, la formation et la couverture des besoins de la population – donc, naturellement, la régulation de

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e S

herb

rook

e -

- 1

32.2

10.2

44.2

26 -

26/

03/2

013

11h0

4. ©

La

Déc

ouve

rte

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. ©

La Découverte

Page 10: SECTEUR AMBULATOIRE : DES ENJEUX MAJEURS … · La pratique de groupe dans un cadre professionnel – en cabinets gérés et animés par des médecins, ou en centres de santé dans

Secteur ambulatoire : des enjeux majeurs d’organisation et de régulation pour l’avenir 167Re

gard

s cro

isés s

ur l’é

cono

mie

n° 5

– 2

009

© L

a D

écou

vert

e

l’installation. Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, il paraît difficile de régu-ler les soins ambulatoires sans partenariat avec les professionnels de santé, et en premier lieu avec les praticiens de première ligne. L’une des voies possibles – et peut-être la seule qui puisse réellement motiver les médecins – vise à s’appuyer sur les pratiques et leurs effets. Ces pratiques ne se résument pas à la prescrip-tion de médicaments ou d’examens biologiques. La nature de la relation qu’en-tretient le patient avec le praticien, soucieux à la fois de ne pas passer à côté de quelque chose de grave et de ne pas engager d’investigations inutilement lourdes, est essentielle à la mise en œuvre du processus de soin. Il s’agit donc de reconnaître et de mieux connaître ce qui s’opère dans les cabinets, au sein de la relation entre les praticiens (seuls ou regroupés) et leurs patients. La nécessité régulièrement répétée depuis 20 ans de maîtriser les dépenses de santé, qui justifie des mesures de rationalisation prises dans l’urgence, doit pouvoir lais-ser la place au temps nécessairement plus long de la production des savoirs sur l’exercice en ambulatoire. Au-delà des mesures de court terme dont le but est essentiellement politique, il est nécessaire de s’inscrire dans un horizon plus lointain et de se fixer des objectifs clairs et ambitieux. La « crise » démogra-phique des médecins offre un espace qu’il peut être opportun d’utiliser pour définir ces objectifs et poser les conditions de leur réalisation.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e S

herb

rook

e -

- 1

32.2

10.2

44.2

26 -

26/

03/2

013

11h0

4. ©

La

Déc

ouve

rte

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité de Sherbrooke - - 132.210.244.226 - 26/03/2013 11h04. ©

La Découverte