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1 SALLE I LE PÈLERINAGE, UN CHEMIN RITUEL DE PURIFICATION ET CONNAISSANCE A PEREGRINACIÓN. UN CAMIÑO RITUAL DE PURIFICACIÓN E COÑECEMENTO Aller en pèlerinage est devenu, de nos jours, une évocation sentimentale des lieux qui ont marqué notre vie et notre mémoire. Mais ce pèlerinage est appelé ainsi par analogie à un phénomène qui est, par excellence, religieux. Presque toutes les formes de culte ont créé cette figure de conciliation avec ce qui est sacré. Des indices de pèlerinages préhistoriques apparaissent déjà dans les cultures mésopotamienne, égyptienne et grecque. Au Moyen Âge chrétien et musulman, ils connaissent un essor qui se prolonge jusqu’à nos jours, de même que les voyages vers les lieux sacrés de l’Inde ou la Chine. Le pèlerinage est un chemin rituel entrepris à titre individuel ou collectif dans le but de rechercher la purification, la perfection ou le salut. Une série de liens se nouent pendant cette expérience religieuse : entre un lieu profane et un monde supérieur, entre un marcheur solitaire et une communauté, et entre le pèlerin en chair et en os et celui qui renait purifié après avoir atteint son but. Ces liens font la différence entre le pèlerinage et n’importe quel autre type de déplacement ou voyage. Pour qu’il y ait pèlerinage, il faut donc absolument avoir un lieu, un parcours qui suppose un sacrifice et un effort physique et un objectif sacré. Le lieu saint peut adopter différentes formes: arbre, fontaine, montagne ou toute ville ou temple où des reliques sont vénérées; un signe visible du contact entre le caractère humain et divin. Mais, sur le chemin, métaphore de la vie sur terre, on assiste déjà à une transformation personnelle visible au travers d’une série de rites dont le point culminant est le moment de l’arrivée. Là, après avoir franchi la ligne d’arrivée, le pèlerin renait transformé en homme nouveau. Cette carte est le fruit d’un travail de recherche continu débuté en 2003 par le Musée des Pèlerinages. Son but est de situer les différents pèlerinages du monde : leurs emplacements et objets de cultes, leurs fêtes, leurs rituels, leur histoire et tout ce qui permet de connaître chaque pèlerinage, ainsi que la culture dont il provient. De cette manière, nous allons inclure progressivement sur la carte les noms des lieux de pèlerinage qui seront découvert. Nous vous invitons à participer à ce projet en apportant des données sur les pèlerinages qui n’apparaissent pas actuellement sur cette carte. À cet effet, vous trouverez des formulaires à la sortie du musée. D’avance merci de votre collaboration.

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SALLE I

LE PÈLERINAGE, UN CHEMIN RITUEL DE PURIFICATION ET CONNAISSANCE A PEREGRINACIÓN. UN CAMIÑO RITUAL DE PURIFICACIÓN E

COÑECEMENTO

Aller en pèlerinage est devenu, de nos jours, une évocation sentimentale des lieux qui ont marqué notre vie et notre mémoire. Mais ce pèlerinage est appelé ainsi par analogie à un phénomène qui est, par excellence, religieux.

Presque toutes les formes de culte ont créé cette figure de conciliation avec ce qui est sacré. Des indices de pèlerinages préhistoriques apparaissent déjà dans les cultures mésopotamienne, égyptienne et grecque. Au Moyen Âge chrétien et musulman, ils connaissent un essor qui se prolonge jusqu’à nos jours, de même que les voyages vers les lieux sacrés de l’Inde ou la Chine.

Le pèlerinage est un chemin rituel entrepris à titre individuel ou collectif dans le but de rechercher la purification, la perfection ou le salut.

Une série de liens se nouent pendant cette expérience religieuse : entre un lieu profane et un monde supérieur, entre un marcheur solitaire et une communauté, et entre le pèlerin en chair et en os et celui qui renait purifié après avoir atteint son but. Ces liens font la différence entre le pèlerinage et n’importe quel autre type de déplacement ou voyage. Pour qu’il y ait pèlerinage, il faut donc absolument avoir un lieu, un parcours qui suppose un sacrifice et un effort physique et un objectif sacré.

Le lieu saint peut adopter différentes formes: arbre, fontaine, montagne ou toute ville ou temple où des reliques sont vénérées; un signe visible du contact entre le caractère humain et divin. Mais, sur le chemin, métaphore de la vie sur terre, on assiste déjà à une transformation personnelle visible au travers d’une série de rites dont le point culminant est le moment de l’arrivée. Là, après avoir franchi la ligne d’arrivée, le pèlerin renait transformé en homme nouveau.

Cette carte est le fruit d’un travail de recherche continu débuté en

2003 par le Musée des Pèlerinages.

Son but est de situer les différents pèlerinages du monde : leurs emplacements et objets de cultes, leurs fêtes, leurs rituels, leur

histoire et tout ce qui permet de connaître chaque pèlerinage, ainsi que la culture dont il provient.

De cette manière, nous allons inclure progressivement sur la carte les noms des lieux de pèlerinage qui seront découvert.

Nous vous invitons à participer à ce projet en apportant des données sur les pèlerinages qui n’apparaissent pas actuellement sur cette

carte. À cet effet, vous trouverez des formulaires à la sortie du musée.

D’avance merci de votre collaboration.

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No soy capaz de caminar: 500 pares de zapatos de vidrio en dirección a Nidaros (sélection) Borgny Svalastog Norvège, 2006 Verre soufflé dans un moule Don de l’auteure

Les chaussures en verre symbolisent l’arrivée du Chemin, au travers de sept couleurs utilisées d’une manière symbolique en lien avec l’Universalité du Pèlerinage. Cette sélection faisait partie d’une installation intitulée : Je ne suis pas capable de marcher : 500 paires de chaussures en verre en direction de Nidaros, faisant partie de l’exposition : 14+1 Saisons. Expériences de con:tact.

Pèlerinage à Grabarka. « La montagne aux

6.000 croix » Cristina García Rodero

1997-1998 Positifs en NB sur papier

Don de l’auteure

Grabarka, «la montagne aux 6.000 croix», est actuellement le centre de pèlerinage le plus important pour l’Église Orthodoxe Polonaise, même si, depuis quelques années, certains croyants du culte catholique y participent aussi.

Deux traditions sont à l’origine de la sacralisation de cette montagne et de la création du sanctuaire. La plus ancienne remonte au XIIIe siècle, lorsque que les gens de la région, terrorisés par les invasions tartares, y cachèrent une icône de la Transfiguration du Christ qui n’a jamais été retrouvée. L’autre tradition est née en 1710, pendant l’épidémie de choléra qui a frappé la zone. C’est à cette époque qu’un paysan a eu un rêve, considéré

comme une révélation divine, où il portait une croix jusqu’au sommet de la montagne pour être épargner. Depuis, aussi bien les orthodoxes que les catholiques vont en pèlerinage jusqu’à Grabarka pour y clouer leurs croix dans la forêt et boire l’eau de la fontaine miraculeuse. La taille de la croix dépendra de l’intensité de l’offrande et de la pénitence.

Comme beaucoup d’autres endroits de culte et de pèlerinage, Grabarka est une élévation du terrain (lieu de révélation) liée à l’élément naturel qu’est l’eau (symbole de la purification des pêchés) et à la croix (symbole chrétien de la Passion de Jésus).

Pèlerins à Ajmer (Inde) Nacho Castellanos

1995-1997 Positifs en NB

Don de l’auteur

Ajmer, ville du nord de l’Inde de la région de Rajasthan, a été fondée au XIIe siècle. C’est un lieu saint pour 90 millions de musulmans soufis du sous-continent asiatique.

Plus de 150.000 fidèles provenant de l’Inde, du Bengladesh, du Pakistan et de l’Afghanistan se rendent tous les ans à Ajmer, ce qui représente le pèlerinage musulman le plus important de cette zone géographique.

Ils commémorent l’Urs, l’anniversaire de la mort de Khawaja Moinuddin Chisti (1139-1236), saint soufi précurseur de l’Islam en Inde. À leur arrivée, les pèlerins posent leurs mains, leur front et leurs lèvres sur un des arcs de l’entrée au tombeau. Après, pendant toute la journée, ils écoutent la musique mystique des Qawwali, pendant que des rations de riz et de thé sont distribuées aux participants, quelque soit leur religion.

Le soufisme est le courant le plus ouvert et tolérant de l’islamisme.

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Pèlerinage à Lalibela. Éthiopie Fernando Moleres 2001 Positifs en NB Don de l’auteur

Lalibela, petite ville perdue au cœur de l’Éthiopie, a été construite à l’instar de Jérusalem: avec un petit ruisseau appelé Yordanos (Jourdain) et une colline appelée Tabor. Elle accueille un merveilleux ensemble de onze églises et un monastère creusés dans le roc au XIIe siècle.

La mort par empoisonnement du roi Lalibela est à l’origine de cet ensemble. Après sa mort, un ange emmena son âme au ciel où il put observer des constructions merveilleuses que Dieu lui demanda d’imiter sur terre. Une fois son âme de retour sur la terre, des hommes et des anges ont construit Lalibela.

Près de 50.000 chrétiens (de culte monophysite et copte) s’y rendent pour célébrer Noël, l’Épiphanie et Pâques. De même qu’il y a huit siècles, tous les ans, les célébrations commencent avec différentes processions de fidèles provenant de chacune des églises ; ils se réunissent tous sur l’esplanade centrale pour, ensuite, renouveler leur baptême dans les piscines remplies d’eau du Jourdain. La tradition révèle aussi que l’Arche de l’Alliance serait conservée à Lalibela.

Devant le sanctuaire de Qoyllur Rit’i. Pérou

Christoph Lingg Mai 2002

Photographie en NB

Le pèlerinage vers le sanctuaire du Seigneur de Qoyllur Rit’i au Pérou est la fête indigène qui réunit le plus de personnes en Amérique et c’est l’une des manifestations les plus profondes de la religiosité andine. Le rituel se compose d’un pèlerinage de plusieurs jours pendant lequel les pèlerins se dirigent vers les limites des neiges éternelles pour atteindre le cœur du sanctuaire.

Une foule de fidèles arrive à la vallée de Sinakara trois jours avant la célébration du Corpus Christi. Les actes liturgiques se succèdent accompagnés du son des cloches, de feux d’artifices, de fusées, de danses et de chants populaires, le soir en récitant son rosaire et pendant le jour en célébrant des messes. Pendant le « Jour Principal », il se peut que près de 70.000 pèlerins s’y rendent pour assister à des actes religieux et festifs : la procession, le défilé folklorique et, enfin, la Bénédiction et les Adieux.

Le Chemin de Kumano. Japon 1999

Positifs en couleur sur papier Don du Gouvernement de la

Préfecture de Wakayama. Japon

À l’origine, Kumano était une terre sacrée où habitaient les dieux shintoïstes de la primitive religion Shinto. Grâce à la propagation du Bouddhisme, ces dieux étaient aussi considérés comme l’incarnation de Bouddha. Le chemin de Kumano est ainsi devenu un exemple du syncrétisme religieux et de la cohabitation de deux religions.

L’itinéraire du Chemin Kumano part depuis la ville de Kyoto et son parcours s’étend sur 370 km parsemés de petits sanctuaires et de grands temples. Il a atteint son apogée entre les Xe et XIIe siècles, puisque des gens de toutes les classes sociales, y compris la famille impériale, participaient à ce

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pèlerinage. Depuis le XVIIe siècle, il a vécu un petit déclin qui tend à disparaître actuellement grâce à une revitalisation. Quatre fêtes, se déroulant pendant les quatre saisons et dont deux sont liées au feu comme élément purificateur, sont associées à ce chemin.

Les ressemblances et parallélismes de beaucoup de caractéristiques historiques entre le Chemin de Kumano et le Chemin de Saint-Jacques ont contribué à la signature de la Déclaration Officielle d’Amitié entre la Communauté Autonome de la Galice et la Préfecture de Wakayama.

Pèlerins dans un ghât à

Bénarès. (Inde)

Luís Baylón 2001

Positifs en NB sur papier

Don de l’auteur

Bénarès ou Vanarasi, est une des villes de pèlerinage les plus emblématiques du monde. L’hindouisme étant la religion majoritaire en Inde, la force de son vécu religieux devient totalement flagrant dans cette ville baignée par le sacro-saint Ganges. Le caractère sacré de ce fleuve lui vient déjà depuis sa source dans l’Himalaya, mais c’est à Bénarès où sa vénération atteint son sens le plus profond. Même si en Inde toutes les rivières sont sacrées, parce qu’elles sont assimilées avec la divinité et qu’elles octroient une fertilité physique et spirituelle – en arrosant les champs et en purifiant l’âme –, le Ganges se distingue parmi tous puisqu’il est considéré comme leur origine. C’est Ganga, déesse de l’eau, qui offre la vie et, aussi, celle qui reçoit les cendres des morts, pour conduire l’âme du défunt jusqu’à Shiva (dieu de la mort) et permettre, en même temps, sa renaissance. Les récits sur le pèlerinage de Bénarès semblent remonter au

VIIe siècle. Depuis lors, des milliers d’hindous sont allés en pèlerinage vers cette ville pour se purifier dans les eaux du fleuve grâce à de larges escaliers, appelés ghâts, et y réaliser leur offrandes, écouter les guides spirituels, sâdhus et gourous, et même pour y mourir.

Lustres Ier siècle ap. J.-C. Argile modelée

Provenant éventuellement des catacombes de Saint Sébastien

(Rome)

Les lustres étaient utilisés, entre autre, pour l’éclairage des lieux funéraires. Dans les catacombes près des niches d’enterrement, il y avait des petits creux ou des tablettes où ils étaient posés. Ils possédaient un allumoir (bico-rostrum) pour la mèche (ellychnium) qui était normalement en étoupe, chanvre ou fibres de ricin, papyrus ou d’autres matériels et un réservoir pour le combustible, en général de l’huile.

Croix reliquaires. Encolpia XIIe et XIIIe siècle Bronze et argent

Leur véritable nom en grec encolpion («sur la poitrine») nous suggère comment s’utilisaient ces croix. Elles servaient à introduire des reliques, que les pèlerins apportaient souvent des centres chrétiens les plus importants de pèlerinage de la Méditerranée Orientale (Syrie, Palestine, Égypte…) au Moyen Âge ; elles furent fréquemment utilisées su IVe au XIIIe siècle. Elles étaient formées de deux pièces articulées grâce à une

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charnière, ce qui permettait d’y garder à l’intérieur la relique correspondante. Grâce à un anneau, les fidèles pouvaient la suspendre à une chaînette ou à une cordelette sur la poitrine. Leur décoration montrait presque toujours le Christ Crucifié, la Vierge et même les évangélistes. L’encolpion était, en même temps, un signe distinctif du croyant chrétien et un objet de dévotion. De nos jours, la croix que portent les évêques de l’Église catholique reçoit ce nom.

Moulin à prières. Khorten Tibet, XIXe siècle Bois, ivoire, turquoises et corail.

Le khorten ou moulin à prières est un des objets les plus utilisés par les croyants bouddhistes. À l’entrée des temples, il y en a de très grands, mais ceux qui tiennent dans la main sont les plus utilisés par les pèlerins qui les emportent lors de leurs voyages. Le corps cylindrique est gravé avec des emblèmes mystiques ou des prières en sanskrit et, à l’intérieur, se trouvent à leur tour de petits papiers qui contiennent des textes ou des invocations sacrées (mantras). Le cylindre tourne sur le manche de sorte que la personne qui le porte le fait tourner, toujours en direction du soleil, pendant qu’elle marche ou médite, de sorte que chaque tour équivaut à une récitation multiple des prières qu’il contient. Ce mouvement continu produit un son doux et cadencé qui est en harmonie avec les pas du marcheur.

Le bouddhisme possède essentiellement quatre lieux de pèlerinage, tous associés avec la vie de Bouddha au Népal et en Inde : Lumbini, son lieu de naissance ; Sarnath, où il a prêché son premier sermon ; Bodh-Gaya, où il a atteint l’Illumination ; et Kushinagara, endroit où il mourut.

[Le Livre du pèlerin à la Mecque] 1830 env. Manuscrit sur papier de fil ciré Couvertures en cuir avec des rivets en or

Le pèlerinage à la Mecque, hayy, est pour tout croyant musulman adulte et sain un des « Cinq piliers de l’Islam », d’après la sourate 3:93 du Coran. Dès lors que sa situation économique le lui permet et que tous ses autres besoins sont couverts, ce pèlerinage est obligatoire au moins une fois dans sa vie. Il représente un grand pardon qui permet au croyant d’atteindre la rémission de tous ses pêchés précédents. Une personne qui va en pèlerinage peut le refaire au nom de quelqu’un qui est malade ou qui ne peut pas le faire lui-même.

La Mecque (Arabie Saoudite) est la première des villes sacrées de pèlerinage de l’Islam. Les deux autres villes les plus importantes sont: Jérusalem (Israël – Palestine) et Médine (Arabie Saoudite), tombe du prophète Mahomet.

Sandales. Waraji Japon, 1999 Fibre végétale Don de José Isorna, OFM

Sandales utilisées couramment par les moines et même par les pèlerins bouddhistes. Ce furent les plus utilisées par les moines Zen, Kakuju Matsubara de Tokyo et Hakuho Hanahoka du Monastère de Saitama-Ken, pour parcourir le Chemin de Saint-Jacques pendant l’Année Sainte 1999.

Ils réalisèrent le pèlerinage en compagnie de deux japonais chrétiens et, ensembles, ils ont mis sur pied cette initiative dans le but de favoriser l’œcuménisme entre les différentes religions et la paix entre tous les êtres humains, comme le prouve un document remis à l’Évêque de Saint-Jacques et au Prieur du Couvent de Saint François.

Au Japon, il y a de nombreux lieu de pèlerinage, aussi bien de la religion bouddhiste que de la shintoïste ; les plus importants sont Ise, Nara ou Kumano.

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Promenade sur les terres de Portomarín.

Chemin de Saint-Jacques

Luisa Rubines 2002-2004

Papier satiné en couleur Don de l’auteure

LES ALLÉGORIES DU PÈLERINAGE AS ALEGORÍAS DA PEREGRINACIÓN

Le concept de pèlerinage est utilisé par toutes les cultures de manière allégorique pour exprimer la ressemblance entre le voyage physique de l’individu pour vénérer un endroit sacré et le voyage spirituel que celui-ci doit suivre dans sa vie. L’allégorie est une manière de communication symbolique, où un fait réel, une image visuelle ou écrite n’est qu’apparente et elle contient un sens avec un caractère différent et caché, parfois compréhensible seulement pour un groupe réduit de personnes.

Le voyage physique du pèlerin représente, en même temps, un voyage interne à caractère spirituel. Le caractère physique de l’effort et des avatars pour atteindre le but que représente le pèlerinage est pris en compte comme une métaphore ou exemple de ce qu’est en réalité le voyage spirituel de l’être humain sur la terre. L’objectif de ce voyage est d’atteindre le plus haut niveau de Connaissances, de Sagesse, la Rénovation Spirituelle, la Gloire, le Paradis ou s’approcher de Dieu.

De cette manière, grâce à des ouvrages artistiques, littéraires et même ludiques, vous trouverez de nombreux exemples de la perspective allégorique du pèlerinage. Dans la tradition chrétienne, le voyage des apôtres afin de diffuser la doctrine de Jésus-Christ était déjà comparé au voyage des pèlerins, des voyageurs des terres inconnues. Même le nom de Jéhovah veut dire Dieu sur le Chemin. Le livre du philosophe chinois Lao Tzé (570 – 490 av. J.-C. env.), Tao Tê-King, qui est à l’origine de la pensée et de la religion taoïstes, compare le Tao à un chemin vers la Perfection.

Bouddha (563 – 486 av. J.-C. env.), en plus d’avoir voyagé dans toute la vallée du Ganges pour prêcher ses enseignements, a aussi fait en même temps un voyage intérieur dans le but d’atteindre le Nirvana ou l’Illumination. Dans sa doctrine, la voie permettant à l’individu de se libérer du monde matériel a reçu le nom de Noble Sentier Octuple ou Noble Voie aux Huit Étapes.

Même l’expérience mystique a été décrite métaphoriquement comme un voyage vers Dieu. Les musulmans du courant mystique soufi ou les penseurs arabes du XIIe siècle comme Avempace (Le régime du solitaire) ou Ibn Tofaïl (Hay ben Yaqdane) le décrivent aussi de cette manière. Le mystique chrétien allemand du XIIIe siècle, Maître Johannes Eckhart l’exprime pareillement: «Le chemin sans chemins, où les fils de Dieux se perdent et, en même temps, se retrouvent».

Paraphrasis in Novum Testamentum. Peregrinatio...Petri et Pauli Érasme de Rotterdam Lugduni [Lyon], Sébastien Gryphius, imprimeur (1542-1544) Papier imprimé, lettre italique, xylographies

À partir de 1522, Érasme s’est lancé dans la difficile tâche de commenter les textes évangéliques, plus concrètement, les Faits des Apôtres, en y incluant des notes critiques qui essaient de démontrer le peu de rigueur de la version latine de la Bible Vulgate. Il a dédié cette publication à différents hommes d’état et monarques de l’époque, parmi eux, à Charles Quint, Henri VIII et François Ier, pour les aider à bien gouverner le monde et à faire cesser les luttes qu’ils maintenaient entre leurs royaumes.

En 1542, il y ajouta le Peregrinatio...Petri et Pauli, exprimé d’une manière analogue aux Écritures Sacrées comme une allégorie du passage de l’être humain tout au long de sa vie, en établissant un parallélisme avec le rôle des Apôtres qui parcouraient alors tous les chemins connus pour diffuser la doctrine de Jésus-Christ.

D’une autre part, alors qu’Érasme continuait à soutenir cette ancienne comparaison évangélique, il n’encourageait pas, comme le faisaient tant d’humanistes de l’époque, les pratiques religieuses de culte aux reliques et le pèlerinage, parce qu’il les considérait comme des rituels remplis de traits caractéristiques superstitieux.

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Mandala Népal, fin du XXe siècle Peinture sur toile en tissu

Dans le bouddhisme tantrique, courant pratiqué essentiellement au Tibet, un des éléments de dévotion les plus utilisés sont les mandalas, des représentations personnalisées des différents aspects de Bouddha et de sa doctrine. Un mandala est un schéma ou diagramme de structures qui permet de méditer en « voyageant » avec la pensée et avec l’esprit jusqu’au centre, c’est-à-dire, jusqu’à Bouddha ou la représentation de l’Illumination. Grâce à des techniques de méditation, des gestes rituels pour méditer et prier (mûdras) et les mandalas, l’initié médite sur les différents aspects de Bouddha jusqu’à atteindre un jour l’union avec lui, c’est-à-dire le nirvâna ou la sagesse maximale, l’Illumination, grâce à la libération de tous les désirs et, par conséquent, de toutes les souffrances.

Jeu de l’Oie Interprétation basée sur des originaux du XVIIe siècle Dessin d'Heliodoro Fernández Vitoria, Pos. Heraclio Fournier, imprimeur 1960-70 Lithographie

Le traditionnel Jeu de l’Oie possède, comme tant d’autres jeux de société communs, une origine ancienne avec un puissant caractère symbolique. On y suit un « itinéraire » en spirale, de l’extérieur vers l’intérieur, sur un parcours séparé généralement en trois fragments par un mur ou une clôture. Sur ce chemin, on rencontre toute sorte de situations adverses (puits, labyrinthe, prison et même la mort) et aussi bénéfiques (les ponts, les dés ou les oies). Il y a un point de départ et une arrivée, qui n’est pas la mort, mais la dernière case où il y a normalement une belle demoiselle et un cygne.

Ses origines seraient grecques et elles sont attribuées au roi Palamède pendant la guerre de Troyes. Aussi bien l’oie que le cygne représentaient, dans le monde classique, un symbolisme en relation avec la Sagesse, avec

l’entraînement de ceux qui s’initiaient à de nouvelles disciplines et, aussi, avec la sécurité des propriétés étant donné qu’ils donnaient l’alerte avec leurs cacardements si des étrangers s’approchaient.

D’autres indices soulignent sa relation avec l’Ordre du Temple et avec la sauvegarde des chemins de pèlerinage chrétiens, ainsi qu’avec d’autres ordres à caractère religieux et militaire. Dans ce sens, le Jeu de l’Oie serait comme une version allégorique et réduite du Chemin de Saint-Jacques avec l’être humain en tant que marcheur. Les treize oies seraient les maisons du Temple, des lieus sûrs qui correspondraient aussi avec les treize étapes signalées par le Codex Calixtinus. La Mort serait donc le sépulcre de l’Apôtre Saint-Jacques, dans la case 58, et la ville une oie (case 59), et non pas la fin du Chemin qui serait plutôt la case du Cygne, c’est-à-dire la véritable fin: physiquement, Finisterre (le Finis Terrae de l’Antiquité); symboliquement, le renouvellement de l’esprit, la Gloire, la Connaissance Suprême, la Résurrection.

L’identification physique des autres cases, en se basant – parmi d’autres preuves – sur les calculs de la symbologie numérique, permet de mettre en rapport, par exemple, le premier pont avec Puente la Reina, le puits avec Castrojeriz ou Carrión de los Condes, le labyrinthe avec la zone de Leon et les oies avec Jaca, Pampelune, Estela, Rabanal del Camino ou Triacastela et Saint-Jacques, entre autres.

Théâtre Moral de la vie humaine en cent tableaux ; avec l’Enchiridion d’Épictète. Cébès, Épictète Gentil, Enchiridion Otto Van Veen (Vaenius), Paulus Pontius, graveur Antwerp (Anvers), veuve d’Henrico Verdussen 1733 Impression sur papier ; reliure en cuir du XIXe siècle

Nous devons le texte contenant le dialogue philosophique et moral connu sous le nom de Tabula Cebetis (Tableau de Cébès) au philosophe Cébès qui l’écrivit au Ier siècle ap. J.-C. La philosophie morale qu’il renferme dérive du Stoïcisme gréco-latin, valeurs qui ont aussi été utilisées par le Christianisme.

Le dialogue présente la vie de l’être humain de manière allégorique dévoilée comme un pèlerinage sur la terre. Pendant la période de l’Humanisme de la

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Renaissance, le texte du dialogue a été complété par une représentation graphique. L’allégorie prend la forme d’un parcours sur un chemin ascendant, divisé en trois secteurs par des murailles, où l’être humain doit faire constamment face, depuis son enfance, à des choix, il jouit ou souffre en fonction des options adoptées et les avatars de sa vie et il vivra toujours la douleur, la purification ou la souffrance. Ceux qui sont capables de parcourir tout le chemin (représentés d’ailleurs par des marcheurs avec les vêtements des pèlerins de l’époque), parviennent à réaliser une construction en forme de temple qui peut symboliser en même temps : la Gloire, la Sagesse et les Connaissances.

Une autre particularité de la représentation graphique du Tableau de Cébès est sa possible relation avec le Jeu de l’Oie, d’origine antique ou médiévale, et aussi de manière symbolique puisqu’il pourrait représenter l’allégorie de la vie humaine comme un pèlerinage, avec un point de départ, un parcours entouré de murailles divisé en trois secteurs, situations favorables et adverses, la mort et une arrivée au Paradis ou à la Connaissance.

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SALLE II

ORIGINES DU CULTE JACQUAIRE. LA TRANSLATION DU CORPS DE SAINT-

JACQUES ORIXES DO CULTO XACOBEO. A TRASLACIÓN DO CORPO DE SANTIAGO

LA LÉGENDE JACQUAIRE A LENDA XACOBEA

Le peu d’informations apportées par les textes canoniques sur Saint-Jacques entraîna l’apparition de nombreuses traditions qui traitaient des aspects méconnus de sa vie. Parmi ces récits figurent la prédication de Saint-Jacques en Occident et les circonstances de son martyr. Condamné à être décapité par Hérode en 44 ap. J.-C. et privé de sépulture, son corps fut recueilli par ses disciples et emmené sur un navire depuis le port de Jaffa, en naviguant miraculeusement pendant sept jours pour atteindre Iria Flavia.

Après leur débarquement, les disciples, se trouvant sur le territoire d’une reine appelée Lupa, se dirigèrent vers son palais de Castro Lupario pour lui demander un endroit où enterrer Saint-Jacques. Elle les envoya au légat romain, qui ordonna de les faire prisonniers ; ce fut un ange qui vint les libérer. La reine essaya à nouveau de les tromper en les envoyant au Mont Ilicino pour aller chercher des bœufs – qui étaient en réalité des taureaux sauvages – pour transporter le corps de l’Apôtre. Miraculeusement, ils se laissent dompter et atteler, les disciples consacrent alors ce mont qui s’appelle, depuis lors, Pico Sacro (Pic Sacré). Lupa se convertit au christianisme et leur cède le terrain de Libredon, au pied d’un

castro (village préhistorique typique de la Galice se trouvant généralement en altitude) pour y enterrer l’apôtre.

Il y a toute une série de facteurs qui associent l’apparition du corps de Saint-Jacques avec cet endroit. D’une part, la croyance de la prédication de Saint-Jacques en Espagne, même si elle s’est formée à la fin du VIe siècle, commence à être diffusée au VIIIe siècle, alors que l’émergeant royaume des Asturies était intéressé par l’idée de mettre en évidence ses liens d’union avec la figure apostolique. Tout cela s’appuyait en outre sur la tradition – illustrée par les textes du Béatus de Liébana – selon laquelle les apôtres étaient enterrés là où ils avaient prêché. D’une autre part, Iria, qui avait déjà été une florissante enclave commerciale à l’époque impériale romaine, était considérée comme un des sièges épiscopaux les plus influents de la monarchie des Asturies.

Le sépulcre apostolique fut donc découvert, pendant la première moitié du IXe siècle et dans ce contexte politico-religieux, par l’ermite Pélage qui, alerté par de miraculeuses lumières, en avertit l’évêque Théodomire d’Iria. Celui-ci associa immédiatement l’endroit avec le sépulcre de Saint-Jacques et en fit part au roi Alphonse II.

L’APÔTRE SAINT-JACQUES O APÓSTOLO SANTIAGO

Saint-Jacques le Majeur, fils de Zébédée et de Salomé et frère de Saint Jean l’Évangéliste, est un des apôtres qui accompagna le Christ lors d’évènements importants de sa mission, comme par exemple lors de la résurrection de la fille de Jaïre, la guérison de la belle-mère de Simon Pierre, la Transfiguration sur le Mont Thabor ou la prière dans le Jardin des Oliviers à

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Gethsémani. À travers les textes bibliques, nous n’obtenons que peu d’informations sur sa vie et ses prédications.

Selon une ancienne tradition, plusieurs années après la résurrection du Christ, les apôtres se sont réunis pour se distribuer le monde afin de diffuser le message évangélique. Saint-Jacques se voit attribuer la mission de prêcher en Hispanie, où il organisa un petit groupe de disciples, créa une communauté et où la Vierge lui apparaîtra à maintes reprises pour l’encourager.

Une des premières représentations plastiques de Saint-Jacques en tant qu’apôtre est celle du Béatus de Girona: il porte une tunique et une cape, le livre des évangiles comme tous les autres apôtres et aucun distinctif iconographique spécifique.

Depuis le début du XIVe siècle, nous pouvons observer un Saint-Jacques apôtre assis, en majesté ou en chaire, habillé avec une tunique ou une cape, nu-pieds, avec la crosse dans une main et un parchemin dans l’autre, en divulguant sa mission évangélisatrice : Hic est corpus divi Jacobi apostoli et hispanorum patroni.

Saint-Jacques apôtre au Béatus de Liébana. «Iacobus. Spania» Fac-similé de l’original des archives de la cathédrale de Girona Explanatio in Apocalypsin Attribué au Béatus de Liébana Emeterio (esch.); Eude (ilum.) 970 Manuscrit, parchemin

Saint-Jacques apôtre assis Basé sur les gravures de Melchor de Prado sur la sculpture du Maître-autel de la Cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle Anonyme Fin du XVIIIe siècle Dessin coloré en aquarelle, sur parchemin Don de la famille Blanco-Cicerón

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LA SAINTE PARENTÉ O APÓSTOLO SANTIAGO

Selon la tradition et les écrits apocryphes, l’Apôtre Saint-Jacques (Saint-Jacques le Majeur) serait le petit-fils de Sainte Anne. Ils illustrent la légende des trois mariages d’Anne dont sont issues les trois Maries: la Vierge Marie, Marie Cléophas et Marie Salomé. À son tour, Marie Salomé s’est mariée avec Zébédée et elle a eu deux fils: Saint-Jacques le Majeur et Jean l’Évangéliste.

Cet aspect généalogique de la Sainte Parenté d’Anne donnera lieu à des représentations iconographiques où Sainte Anne apparaît avec ses trois époux et tous ses descendants. Il sera surtout diffusé à partir du xve siècle, grâce à la propagation du culte à Sainte Anne dans les Pays-Bas et en Allemagne. Il disparaîtra après le Concile de Trente, puisque cette tradition du triple mariage de la Sainte fut rejetée par les autorités ecclésiastiques.

Sainte Anne est représentée dans ce groupe de sculptures comme la mère de la Vierge sous un modèle iconographique étroitement lié à l’iconographie de la Sainte Parenté d’Anne, où les trois générations sont présentes: Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus.

Dans le relief de la Visitation, la Vierge Marie embrasse sa cousine Sainte Élisabeth, qui était enceinte de Saint Jean Baptiste, pour lui annoncer la bonne nouvelle de la future naissance du Christ. La troisième figure féminine représentée serait une des deux sœurs de la Vierge: Marie Cléophas ou Marie Salomé, cette dernière étant la mère de Saint-Jacques le Majeur.

SAINTE ANNE ET SES TROIS MARIAGES Selon la tradition et les légendes apocryphes

Sainte Anne-Cléophas

Marie Cléophas -Alphée

Saint-Jacques le Mineur / Joseph le Juste / Simon / Jude

Sainte Anne-Joaquim

Vierge Marie-Joseph

JÉSUS

Sainte Anne-Salomé

Marie Salomé-Zébédée

Saint-Jacques le Majeur / Jean l’Évangéliste

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Sainte Anne avec la Vierge et l’Enfant École flamande Deuxième moitié du XVe siècle – 1ère moitié du XVIe siècle Bois polychromé et doré

Retable avec la Sainte Parenté 1500 env. Nationalmuseum de Copenhague

Relief avec la scène de la Visitation de la Vierge à sa cousine Sainte Élisabeth Anonyme 1ère moitié du XVIIe siècle Bois polychromé, doré et estofado (technique faisant apparaître l’or se trouvant sous la peinture) Dépôt de la Cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle

L’APÔTRE SAINT-JACQUES ET SA PRÉDICATION EN GALLAECIA O APÓSTOLO SANTIAGO E A SUA PREDICACIÓN EN GALLAECIA

Le Bréviaire des Apôtres de la fin du vie siècle définit le territoire de prédication de chacun des apôtres et l’endroit de leur sépulture. C’est ce texte qui situe pour la première fois la prédication de Saint-

Jacques le Majeur dans les régions occidentales d’Hispanie («Hispaniae occidentalia loca») et son enterrement dans un endroit appelé Arca Marmarica.

Cette croyance, basée peut-être sur une longue tradition orale, commence ainsi à se diffuser entièrement. Elle sera consolidée, en premier lieu, par la monarchie des Asturies qui, pour des raisons politiques et religieuses, met en place un rapport de patronage et de recommandation entre l’apôtre Saint-Jacques et les royaumes chrétiens du nord de la Péninsule Ibérique. En deuxième lieu, par la tradition illustrée des Commentaires sur l’Apocalypse attribués au Béatus de Liébana et rédigés en intégralité en 786 sur le territoire des Asturies.

Les manuscrits conservés des Commentaires du Béatus ont ou avaient une mappemonde illustrant les zones de prédication des apôtres, avec des variantes quant à leur exécution, mais avec une coïncidence identique: la présence du nom de Gallaecia associé à l’apôtre Saint-Jacques.

Mappemonde avec la mission apostolique Fac-similé de l’original des archives de la cathédrale de Girona Explanatio in Apocalypsin Attribué au Béatus de Liébana Emeterio (esch.); Eude (ilum.) 970 Manuscrit, parchemin

Mappemonde avec la mission apostolique Fac-similé de l’original des archives de la cathédrale de Burgo de Osma Explanatio in Apocalypsin Attribué au Béatus de Liébana Emeterio (esch.); Eude (ilum.) 1086 Manuscrit, parchemin

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LA TRANSLATION DU CORPS DE L’APÔTRE SAINT-JACQUES DANS LA TRADITION A TRASLACIÓN DO CORPO DO APÓSTOLO SANTIAGO NA TRADICIÓN

Le fait d’identifier la Galice comme lieu d’enterrement de Saint-Jacques a motivé l’apparition de nombreuses traditions pour satisfaire la dévotion populaire et essayer d’expliquer le transfert du corps de l’apôtre Saint-Jacques le Majeur depuis Jérusalem à Gallaecia.

Condamné à être décapité par Hérode en 44 ap. J.-C. et privé de sépulture, le corps de l’apôtre fut recueilli par ses disciples. Ils l’emmenèrent jusqu’en Gallaecia sur un navire depuis le port de Jaffa, en naviguant miraculeusement pendant sept jours pour atteindre l’embouchure des cours d’eau Ulla et Sar.

La monnaie médiévale d’un demi-réal de billon représentant le transfert par mer de l’apôtre et la gravure de l’œuvre du xviie siècle de Castellá Ferrer résument certaines de ces traditions chargées d’éléments magiques.

Après leur débarquement, les disciples se dirigèrent vers le palais de la Reine Lupa de Castro Lupario pour lui demander un endroit où enterrer Saint-Jacques. Elle les envoya au légat romain de la ville de Duio, qui ordonna de les faire prisonniers ; ils furent libérés par un ange. La reine essaya à nouveau de les tromper en les envoyant au Mont Ilicino pour aller chercher des bœufs pour transporter le corps ; c’était en réalité des taureaux sauvages, mais miraculeusement ils se laissent dompter. C’est aussi ici qu’ils tuèrent un dragon et consacrèrent alors ce mont qui s’appelle, depuis lors, Pico Sacro (Pic Sacré). Lupa se convertit et leur cède le terrain au pied d’un castro (village préhistorique typique de la Galice se trouvant généralement en altitude) appelé Libredon pour y enterrer l’apôtre.

Monnaie de Fernand II avec la translation du corps de l’apôtre Saint-Jacques Monnaie d’un demi-billon Hôtel de la Monnaie de Compostelle 1157-1188 Fouilles d’Adro Vello (San Vicente do Grove)

Carte avec les lieux cités par la tradition pour la translation de l’apôtre Histoire de l’Apôtre de Jésus Christ Saint-Jacques Zébédée, Patron et Capitaine Général des Espagnes Mauro Castellá Ferrer Diego de Astor, graveur Madrid, Alonso Martín de Balboa, imprimeur 1610 Imprimé avec un moule sur papier

Apparition de la Vierge du Pilar à l’Apôtre Fondation miraculeuse de la Chapelle Angélique et Apostolique de la mère de Dieu du Pilar et excellences de la ville impériale de Saragosse Fr. Diego Murillo Barcelone, Sebastián Matevad, imprimeur 1616 Impression sur papier, chalcographie Reliure en cuir (XIXe siècle) avec rivets dorés

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Gravure de Notre Dame de la Barca RAPPORT VÉRIDIQUE ET AUTHENTIFIÉ PAR L’AUTORITÉ de l’Ordinaire de la Ville et Archevêché du Seigneur Saint-Jacques seul Patron de l’Espagne. Concernant les merveilles, prodiges et Miracles que Notre Seigneur réalise et a réalisé par l’intermédiaire de la Dévote Image de Notre-Dame DE LA BARCA, située dans sa chapelle qui se trouve au bord de la mer à une distance de deux tirs de mousquet de l’Église Paroissiale de la Ville de Mugia, dans le Royaume de la Galice, Archevêché de Saint-Jacques. Qui met au monde un dévot de la propre Reine de los Angeles, Mère de Dieu et des hommes, Sainte Marie, pour le réconfort de ses dévots et pour une vénération plus importante de cette Souveraine Dame Anonyme José dos Santos Maragato, graveur Madrid, Diego Martínez Abad, imprimeur 1719 Impression typographique sur papier, xylographie

Défense de l’arrivée et prédication de Saint-Jacques Défense de l’arrivée et prédication évangélique, de Saint-Jacques en Espagne Diego del Castillo Saragosse, Lorenzo de Robles, imprimeur 1608 Impression sur papier, gravé au burin, xylograp

Défense de l’arrivée et prédication de Saint-Jacques Histoire du glorieux apôtre Saint-Jacques, Patron d’Espagne : de son arrivée et des grandeurs de son Église et de son Ordre militaire Hernando Oxea Madrid, Luis Sánchez, imprimeur 1615 Parchemin, impression sur papier, xylographie

Marie Salomé demande au Seigneur un endroit privilégié au Paradis pour ses fils Saint-Jacques et Jean l’Évangéliste. Leopoldo di ser Giovanni 1367-1371 Pistoia. Cathédrale, autel de Saint-Jacques

Décapitation de Saint-Jacques et de son disciple Josias Leopoldo di ser Giovanni 1367-1371 Pistoia. Cathédrale, autel de Saint-Jacques

Translation du corps du Saint-Jacques depuis Jérusalem jusqu’en Galice Leopoldo di ser Giovanni 1367-1371 Pistoia. Cathédrale, autel de Saint-Jacques

ORFÈVRERIE CASTREÑA OURIVERÍA CASTREXA

L’or fut un métal très apprécié depuis la Préhistoire au nord-ouest de la Péninsule pour la production de bijoux. L’orfèvrerie de cette zone a vécu un engouement singulier à l’époque préromaine (culture castreña), période à laquelle appartient cet ensemble doré.

Seize boucles d’oreille et quatre lingots plan-convexes en alliage d’or et argent ont été récupérés du trésor du Castro de Recouso, mais il y avait d’autres bijoux qui, malheureusement, ont été distribués et en bonne partie fondus. Il semblerait que cet endroit était la cachette d’un orfèvre. Trois torques auraient été découverts à Castro de Bardaos, mais seuls deux ont été conservés, dont un qui est déposé dans ce musée.

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La richesse aurifère du nord-ouest est une des raisons pour lesquelles Auguste décide de conquérir et annexer ces territoires à l’Empire Romain.

En conséquence de la romanisation, les premiers noyaux christianisés commencent à se former en Gallaecia. La tradition attribue à l’apôtre Saint-Jacques le Majeur la prédiction sur la Péninsule. De toutes manières, c’est le début d’une lente christianisation, dont le syncrétisme des cultures indigènes et les différents crédos apportés par les romains sont le point de départ.

Trésor du castro de Recouso IV-Ier siècles av. J.-C.

Or et alliage d’or et d’argent Castro de Recouso (San Martiño de Marzoa, Oroso, La Corogne)

Trouvaille fortuite en 1921 en effectuant des tâches agricoles

Dépôt de Felipe R. Cordero Carrete

Torques du castro de Bardaos IV-Ier siècles av. J.-C. Or fondu, soudure, incision Castro de Bardaos (Tordoia, La Corogne) Trouvaille fortuite en 2004

IRIA FLAVIA

Iria Flavia connut à l’époque romaine une importance singulière en tant que centre de commerce maritime et nœud de plusieurs voies terrestres. Son propre nom en est la preuve, puisqu’il nous renvoie à sa fondation du temps d’un empereur Flavius, probablement Vespasien, mais aussi de nombreux restes archéologiques retrouvés : des monnaies datant de cette époque républicaine jusqu’au Bas Empire, terra sigillata, des sarcophages paléochrétiens et des restes de pavés ornés de mosaïques.

Cette importance est réaffirmée par la christianisation et son élévation au rang d’évêché. Les noms des évêques de ce siège sont connus depuis le vie siècle. Après l’invasion musulmane, il deviendra un des plus importants sièges du royaume des Asturies. À partir du ixe siècle, après la découverte du sépulcre de Saint-Jacques à Compostelle, au temps de l’évêque Théodomire, les évêques d’Iria ajoutent à leur titre celui de Régents ou Gardiens du Siège Apostolique. C’est ainsi que commence une perte progressive de l’importance du siège d’Iria Flavia qui culmine à la fin du xie siècle alors que l’évêque Dalmacio devient évêque de Saint-Jacques.

CASTRO LUPARIO

Certains des lieux cités dans la tradition jacquaire peuvent être identifiés avec des points géographiques concrets, alors que d’autres présentent une localisation plus confuse. C’est le cas de Castro Lupario ; depuis le xvie siècle, date à laquelle apparaissent les premières référence à ce sujet, les sources traditionnelles assurent qu’il s’agit de Castro de Francos (Rois et Brión, La Corogne). Les restes d’une muraille et de nombreux vestiges archéologiques, qui vont de l’Âge du Fer au Moyen Âge, y ont été découverts.

Pourtant, des théories plus récentes signalent que Castro Lupario pourrait correspondre, par assimilation toponymique, à la forteresse

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de Castro Lobeira, dans la ria d’Arosa, dont des traces ont été recueillies au moins depuis le xe siècle.

Tête masculine castreña Époque galicienne et romaine Ier – IIe siècles ap. J.-C. Granit Fouilles de Castro Lupario/de Francos/del Faramello (Rois et Brión, La Corogne)

RESTES DES FOUILLES DE L’ÉGLISE DE SAINTE MARIE D’IRIA FLAVIA ET DE SES ENVIRONS (PADRÓN, LA COROGNE).

Fusaïole avec décoration gravée Époque romaine Bronze

Fusaïole Époque romaine Verre

Fragment Terra sigillata Époque romaine

Fragment avec décoration figurée Terra sigillata Époque romaine

Poids de métier à tisser Époque romaine Granit

Perles en verre Époque romaine Verre

Bœuf Apis Niveau romain tardif (IVe-Ve siècles) Bronze

Moyen bronze impérial IIIe-IVe siècles Bronze

Monnaie de l’époque de Marc Aurèle Sesterce Rome, 177-178 ap. J.-C. Bronze

Lustre en forme d’oiseau Époque romaine Terre cuite

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PEDRÓN

Sous l’autel de l’église de Saint-Jacques, à Padrón, une pierre (Pedrón) avec une inscription est conservée; elle est à l’origine du nom de cette ville en raison de son utilisation transcendantale. L’inscription incomplète a permis de penser qu’il pouvait s’agir d’une pierre d’autel consacrée à Neptune. Postérieurement, l’anagramme du Christ (IHS) a été gravée sur l’inscription romaine.

Deux traditions, faisant référence à deux épisodes du séjour de Saint-Jacques en Hispanie, nous apportent des versions différentes de l’origine du «pedrón». L’une veut que ce soit la pierre que Saint-Jacques a utilisé lors de sa mission évangélique pour voyager depuis la Palestine jusqu’en Espagne, assis dessus. L’autre affirme qu’il s’agirait du piédestal qui a servi à amarrer la barque qui transporta les restes de l’Apôtre jusqu’en Galice.

PICO SACRO

La dévotion, éveillée par les monts chez les habitants de la Galice antique et dont de nombreuses légendes populaires se sont fait l’écho, permet d’expliquer pourquoi le Pico Sacro était connu par la tradition jacquaire comme le mont Ilicino (mont des chênes verts). La reine Lupa y envoya les disciples de l’Apôtre à la recherche de bœufs en les trompant.

Au début du ixe siècle et en raison de l’assimilation de ces traditions par l’église de Compostelle, l’évêque Sisnando Ier a construit sur le flanc nord-est un monastère sous l’invocation de Saint Sébastien, dont on ne conserve qu’un ermitage réédifié aux xie et xiie siècles. De l’autre ermitage, consacré à Saint-Jacques et érigé sur le sommet au xie siècle, rien n’est conservé puisqu’il a été démoli en même temps qu’une tour dressée au xve siècle dont on peut à peine voir ses fondations et son puits.

Il y a aussi des indices d’une activité précédente sur ce mont qui a été confirmée par l’existence de fragments de briques et de céramiques de constructions romaines, ainsi que des mines d’exploitation de métaux. Ces derniers étaient transportés par le fleuve Ulla jusqu’au port extérieur d’Iria. D’ailleurs, à cet endroit, tout comme à Castro Lupario, une voie romaine passait à proximité, comme le prouve la découverte d’un milliaire de l’année 40 ap. J.-C. à Aixón-Sergude (Boqueixón, La Corogne).

EMBOUCHURE DE L’ULLA. PORT FLUVIAL ROMAIN DESEMBOCADURA DO ULLA. Porto Fluvial Romano

L’intensification du trafic maritime de l’époque romaine a favorisé le développement des voies de communication naturelles. L’embouchure de l’Ulla, un des principaux accès vers la Galice intérieure, voit naître des établissements permettant d’assurer les fonctions portuaires et d’échange de marchandises, et dont il reste encore des vestiges archéologiques.

Deux sites sont en relation directe avec cette activité portuaire : As Torres de Oeste (Catoira, Pontevedra), où les murs de modestes édifications et des fragments d’amphores romaines ont été retrouvés ; et l’autre aux environs de Porto-Pontecesures, à la confluence du Sar et de l’Ulla. Une de ces enclaves est peut-être celle des Turris Augusti citée par les auteurs classiques.

Le flux généré par ces enclaves, favorisé par le passage non loin de là des voies qui relient Bracara, Brigantium et Lucus, a été propice au développement d’autres établissements humains dans la zone.

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SALLE III

SAINT-JACQUES: CATHÉDRALE ET VILLE. LE SÉPULCRE DE L’APÔTRE PROMOTEUR

DE LA CITÉ DE COMPOSTELLE SANTIAGO: CATEDRAL E CIDADE. O SEPULCRO DO APÓSTOLO ...

LOCUS SANCTI IACOBI (VERS 830– 880)

Plusieurs restes archéologiques confirment l’existence d’un castro (village préhistorique typique de la Galice se trouvant généralement en altitude) à l’endroit même où le sépulcre de Saint-Jacques fut découvert. La nécropole où se trouvait le sépulcre apostolique appartenait à ce castro, situé sur l’axe d’un réseau de routes. On peut affirmer qu’il fut habité depuis l’époque préromaine jusqu’au Haut Moyen Âge. Cependant, au IXe siècle, moment de la découverte du corps de l’Apôtre, cet emplacement était abandonné.

L’évêque d’Iria, Théodomire, et le roi des Asturies, Alphonse II, donnèrent à l’endroit une structure juridique et développèrent une activité constructive qui est à l’origine du locus Sancti Iacobi. Cette enceinte, d’environ trois hectares, est physiquement et spirituellement isolée du monde extérieur grâce à une enceinte défensive. Son intérieur est divisé en deux ensembles d’édifices: le complexe épiscopal et le monacal.

Le premier aurait compris l’église de Saint-Jacques probablement d’une seule nef, adossée à l’édicule sépulcral qui jouait le rôle d’abside, et d’un seul autel, celui de Saint-Jacques. Tout autour, il y avait un cimetière utilisé jusqu’au xie siècle. Il faut s’imaginer cette église comme un ouvrage de maçonnerie rudimentaire, en raison de la remarque incluse dans l’acte de consécration de la basilique postérieure d’Alphonse III, qui la décrit comme ex petra

et luto opere parvo. Au nord de cette construction et près d’elle, s’élevait un baptistère consacré à Saint Jean Baptiste.

Au sud-ouest du locus, on construisit une résidence pour évêques du siège d’Iria qui, après la découverte du mausolée, furent transférés à Compostelle.

Les responsables du culte apostolique étaient les moines d’Antealtares. Le complexe monacal se dressait en direction du levant, presque accolé à l’église de Saint-Jacques, mais peut-être juste séparé par une enceinte. En raison de sa position par rapport aux églises de Saint-Jacques et Saint Jean, le monastère fut appelé Antealtares. Cet ensemble était composé d’une église consacrée au Sauveur – probablement avec trois autels consacrés au Sauveur, à Saint Pierre et à Saint Jean l’Évangéliste – et de dépendances monastiques.

LE SÉPULCRE APOSTOLIQUE O SEPULCRO APOSTÓLICO

Lors de la redécouverte, en 1879, des restes de l’édicule sépulcral, caché depuis le XVIe siècle, on y découvrit une enceinte composée de deux compartiments communiqués entre eux. Le peu de renseignements pouvant être extraits de cette structure (fondations d’un mausolée en pierres de taille romaines ou de tradition romaine) ont soulevé différentes hypothèse sur son aspect original. Les études les plus récentes estiment que l’édicule primitif avait une architecture modeste, composé d’une seule chambre en hauteur, avec un autel sur la tombe de l’apôtre et avec un accès ouest-est. Il se peut que l’intérieur fut voûté et décoré de marbres, facilitant ainsi l’assimilation du mausolée avec les toponymes arce Marmarica et arca marmarica qui désignent, dans les textes les plus anciens, le lieu où gisait le corps de Saint-Jacques.

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Pierre sépulcrale de l’évêque Théodomire d’Iria (+847) Saint-Jacques-de-Compostelle, cathédrale

Alphonse II le Chaste Tumbo A de la cathédrale de Saint-Jacques 1129 à 1255 Saint-Jacques-de-Compostelle, Archives de la cathédrale

Mausolée de l’Apôtre. Reconstruction Juan M. Muñoz Gambero 1976 Bois et plâtre

VILLA SANCTI IACOBI (ANNÉES 900-1040 ENVIRON) VILLA SANCTI IACOBI (ENTORNO ÓS ANOS 900-1040)

Le principal facteur expliquant la transformation urbaine du petit locus en une villa burgensis repose sur sa fonction de centre ecclésiastique.

Ainsi, à l’époque du roi Alphonse III et de l’évêque Sisnando I, un remodelage des édifices du locus fut effectué pour essayer de renforcer son caractère sacré et sa catégorie apostolique. Voilà pourquoi, une nouvelle église de Saint-Jacques, consacrée en 899, fut construite en utilisant des marbres apportés d’Al-Andalus, alors que les églises d’Antealtares et

Saint Jean étaient restaurées. Une nouvelle communauté de moines fut aussi créée ; l’église de Sainte Marie de la Corticela et plusieurs dépendances furent alors construites, pour eux, dans un espace réduit.

La construction de la ville fut la réponse à une expansion qui avait lieu en dehors des remparts de l’enceinte primitive. Avant 915, des noyaux de population commencèrent à s’installer extra-muros en conséquence de la saturation de l’espace intérieur. En suivant les axes d’accès à l’ancien castro, plusieurs faubourgs, qui détermineront la croissance de la ville médiévale, commencèrent à surgir : Pinario, élargissement nécessaire du petit espace intra-muros de la Corticela ; Lovio, où sera installé le premier hôpital pour pèlerins ; Vilar, Preconitorium, Forum et peut-être le Vicus Francorum. Ces toponymes sont tous arrivés jusqu’à nous.

Le deuxième fait marquant de l’évolution du cadre urbain nous emmène aux années 960. Face à la menace d’une attaque normande, Sisnando II reconstruisit le rempart primitif en suivant son ancien tracé et en le consolidant ; il érige un deuxième anneau de protection pour tous les faubourgs environnants, formé par une enceinte et un fossé extérieur. Plus tard en 997 et en raison des conséquences désastreuses de l’expédition militaire d’Almanzor, qui auraient freiné momentanément le développement de la ville, l’évêque Cresconio reconstruisit la muraille de Sisnando II et en érigea une autre afin de renforcer le fossé extérieur.

Alphonse III le Magnifique Tumbo A de la cathédrale de Saint-Jacques 1129 à 1255 Saint-Jacques-de-Compostelle, Archives de la cathédrale

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Revêtement mural de la construction du Mausolée Apostolique. Fragments 2ème moitié du IVe siècle (?) Porphyre vert Intervention au sud du mausolée de l’apôtre Saint-Jacques-de-Compostelle, cathédrale

Matériaux provenant de constructions romaines, probablement importés d’Alexandrie et qui aurait fait partie de l’ensemble de matériaux romains apportés pour les réutiliser dans la Basilique de Compostelle, construite par le monarque Alphonse III.

Basilique préromane d’Alphonse III. Reconstruction Échelle E 1:50 La Corogne, 27 juin 1997 Albâtre

CIVITAS SANCTI IACOBI (env. 1150) CIVITAS SANCTI IACOBI (ca. 1150)

À partir de l’an 1000, les répercussions de l’arrivée en masse de pèlerins peuvent s’observer dans deux domaines. Le premier: la construction de la grande basilique romane. Le deuxième, étroitement lié au précédent: le développement d’une organisation urbaine de Saint-Jacques.

La forme et les dimensions de la nouvelle église, commencée en 1075, avaient déjà été prises en compte par l’évêque Diego Peláez. Il devait installer une basilique sur les terrains occupés par d’autres bâtiments: Corticela, Antealtares (dont les environs ont été urbanisés avec la construction de la Voie Sacrée), le palais épiscopal, le cimetière et les murailles du

locus. Le projet de la nouvelle cathédrale comprenait quatre blocs relativement indépendants: chevet, transept, nef et portail occidental.

Lorsque l’évêque Diego Gelmírez se chargea des travaux, il prévit en plus la construction d’une maison canoniale et un cloître, tout en démolissant la basilique préromane pour agrandir le chevet et la nef de la Cathédrale.

Les destructions provoquées par la révolte de 1117 obligèrent Gelmírez à construire un nouveau palais épiscopal, où le Chemin Français prenait fin; en même temps, les alentours étaient urbanisés avec la construction d’une place, le Paraíso, appelée actuellement Acibechería. Les commerçants et cambistes s’installèrent sur les côtés et, au centre, il y avait une grande fontaine, preuve de la canalisation des eaux de la ville. C’est de là que l’on accédait à l’Hôpital et à la Maison de la Monnaie.

À partir du ixe siècle et jusqu’au début du xiiie, la ville multiplia presque par six sa surface. Ce processus s’est accéléré surtout, pendant la première moitié du xiie siècle, en raison d’une série de privilèges et d’exonérations de type économique, social et juridique qui attirèrent la population rurale des environs.

Les voies de communication de la ville étaient axées sur deux rues: une située dans la zone nord-est, la rue Francígena; et l’autre, dans la zone sud, celle du Vilar. Les activités commerciales et artisanales venaient s’installer en priorité dans ces deux zones. À partir de la fin du xie siècle, le cadre totalement urbain des 30 hectares entourés de murailles était devenu trop petit avec la présence de plusieurs faubourgs tels que San Pedro de Fóra, Santa Susana et Sar.

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Monnaie de Fernand II Billon Hôtel de la Monnaie de Saint-Jacques-de-Compostelle 1157-1188 Recto : buste de l’Apôtre Saint-Jacques avec la légende « IACOBI » Verso : « REX »

Il y a de nombreux symboles distinctifs, tels que la coquille Saint-Jacques, dans la production numismatique variée de l’Hôtel de la Monnaie de Compostelle. Ce dernier frappait, depuis l’époque d’Alphonse VI, les monnaies royales en utilisant les mêmes types que dans le reste du territoire de León. Pourtant, elles étaient caractérisées avec des motifs de décoration purement jacquaires pour la production réservée à la cathédrale, étant donné que ces monnaies étaient un élément de propagande de premier ordre pour diffuser l’importance du culte à l’Apôtre et de la propre ville comme point d’arrivée du pèlerinage.

Monnaie de Fernand II Billon Hôtel de la Monnaie de Saint-Jacques-de-Compostelle 1157-1188 Recto : « REX LEO » Verso : « FERNANDUS »

Il s’agit d’une monnaie rarissime qui présente au recto le buste du monarque Fernand II assis sur un motif longitudinal curieux que certains chercheurs interprètent comme la représentation schématique du Chemin de Saint-Jacques. De cette manière, le fait de reproduire la «civitas Sancti Iacobi» comme arrivée du chemin sous le buste royal aurait permis de présenter Fernand II comme «seigneur du Chemin Jacquaire»; c’est d’ailleurs une intéressante hypothèse de travail. Le lien entre Fernand II, aussi bien avec le Chemin qu’avec la ville de Compostelle, fut très étroit. La production numismatique de l’Hôtel de la Monnaie Saint-Jacques, qui a

commencé à produire à parts égales des monnaies royales et ecclésiastiques en 1100 environ, fut très intéressante sous son mandat.

Monnaie. Billon tournois Hôtel de la Monnaie de l’abbaye de Saint-Martin de Tours XIIe siècle Fouilles archéologiques de la rue du Vilar (Saint-Jacques-de-Compostelle)

La monnaie tournoise (frappée à Tours) est fréquemment citée dans les documents médiévaux de Saint-Jacques-de-Compostelle, ville à laquelle elle arrive par le Chemin de Saint-Jacques en raison du pèlerinage jacquaire. Elle est donc souvent utilisée comme moyen de paiement lors des transactions commerciales réalisées surtout du xiie au xive siècle. L’abondance de monnaie étrangère à Compostelle, à cette époque du Moyen Âge, est un signe révélateur de l’importance acquise par les relations avec l’extérieur dans ce centre de pèlerinage. Des gens du monde connu y viennent mus aussi bien par des raisons religieuses exclusivement que par des affaires de type commercial.

Vase de pharmacie Réalisé probablement à Talavera de la Reina (Tolède) Fin du XVIIIe – début du XIXe siècle Faïence polychromée et émaillée ; modelée au tour

Le blason archiépiscopal du monastère de Saint Martín Pinario dévoile un pin central entouré de deux coquilles Saint-Jacques couronné, à son tour, par un chapeau qui correspond à une dignité épiscopale ou abbatiale. L’origine du monastère date du xe siècle, lorsque l’évêque Sisnando construisit la petite chapelle de Saint Martin près d’un endroit appelé Pignario. Un siècle après, une nouvelle église fut construite et, plus tard, au xvie siècle, l’édifice

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actuel fut érigé. Différentes traditions mettent en relation son nom avec l’existence, dans le passé, d’un grand pin à cet endroit même. D’autres y rajoutent un miracle de Saint Martin; ce saint aurait défendu la foi de Dieu devant cet arbre dédié au diable. Ce toponyme est aussi assimilé à l’existence d’un terrain recouvert de rochers, peñascal en espagnol, et c’est à partir de ce nom que serait née la dénomination Pignario.

Pot de pharmacie Fin XVIIe siècle Faïence polychromée et émaillée ; modelée au tour Talavera de la Reina (Tolède)

Le blason bleu cobalt, composé de deux cercles qui renferment au centre la croix potencée et couronné par un chapeau qui correspond à une dignité épiscopale, permet de déterminer que cette pièce a appartenu à la collection de pots de l’Hôpital Royal de Saint-Jacques. Cette nouvelle institution hospitalière de Saint-Jacques a été fondée en 1492 par les Rois Catholiques, en remerciement pour l’aide que leur prêta Saint-Jacques, en tant que Saint Patron des Espagnes, lors de la conquête de Grenade. L’objectif principal de sa création fut d’améliorer l’attention envers les pèlerins, malades, pauvres et mendiants qui se trouvaient dans la ville, en concentrant ainsi les efforts sanitaires et d’accueil prodigués dans d’autres hôpitaux qui existaient déjà.

Sépulcre avec le blason de Moscoso. Fragments Moitié du XVe siècle Granit polychromé Saint-Jacques-de-Compostelle, église de Santa María del Camino (?)

CATHÉDRALE ET VILLE DEPUIS LE BAS MOYEN ÂGE CATEDRAL E CIDADE DENDE A BAIXA IDADE MEDIA

La cathédrale et la ville ont connu une croissance parallèle entre les xiiie et xvie siècles. La construction de chapelles dans les nefs et le chevet, ainsi que différentes édifications à caractère défensif, ont modifié substantiellement l’aspect de la basilique romane. Au xvie siècle, un nouveau cloître a été érigé sur le précédent.

Dans la ville, en dehors de la muraille à laquelle on avait accès grâce à sept portes, différentes constructions commencent à naître: les couvents mendiants de Saint Domingo de Bonaval et Saint François et les noyaux de population des rues de San Pedro et Huertas.

Les dessins de Vega y Verdugo nous donnent des informations sur l’aspect que présentait la cathédrale avant 1658. Sur l’un d’eux, on aperçoit l’Obradoiro, avec la façade primitive – contemporaine du Portique de la Gloire –, le nouveau perron, la façade classiciste du cloître et la façade du palais de Gelmírez. Les vues depuis la Quintana dévoilent l’aspect irrégulier du chevet en raison de l’addition de chapelles.

Pourtant, c’est entre les xviie et xviiie siècles que la cathédrale et la ville acquièrent leur aspect définitif. Certains des facteurs déterminants de cette transformation radicale furent l’augmentation des revenus de l’église de Compostelle et des grandes institutions monastiques, les offrandes continues et la renaissance de la dévotion à l’Apôtre. Les grandes réformes entreprises depuis la moitié du xviie siècle (Tour de l’Horloge, baldaquin du maître-autel, façade de l’Obradoiro) ont donné à la Cathédrale un aspect baroque qui recouvre presque complètement la structure romane.

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La ville, avec son tracé typiquement médiéval, est organisée autour de deux grands axes. D’un côté, la rue traversant, depuis la Porta do Camiño, la Place do Campo – appelée de nos jours Cervantes – et parallèle à la Cathédrale arrive jusqu’à l’Obradoiro. D’un autre côté, la rue qui, depuis Porta da Mámoa, remonte celle du Preguntoiro, traverse la précédente à la Place do Campo et prend fin à San Roque. Ce schéma a été utilisé par les architectes baroques qui, en jouant avec l’exigüité des rues, ont créé des espaces plus ou moins larges devant les principaux bâtiments, ce qui donne lieu à de spectaculaires effets théâtraux typiques de l’urbanisme baroque.

Pendant les xviiie et xixe siècles, des réformes furent réalisées en détruisant de nombreux éléments médiévaux, tels que les arcades, mais en érigeant aussi une série d’édifices qui donnèrent à la ville son aspect actuel: la Mairie, l’Université, le Marché.

Plan de Saint-Jacques 1595 Archives Générales de Simancas (Valladolid)

Dessin de la façade ouest de la Cathédrale José Vega et Verdugo 1658 env. Saint-Jacques-de-Compostelle, Archives de la cathédrale

Dessin de la façade est de la cathédrale José Vega et Verdugo 1658 env. Saint-Jacques-de-Compostelle, Archives de la cathédrale

Vues sur Saint-Jacques Relazione uffíciale Lorenzo Megalotti Pier María Balde 1669 Florence, Bibliothèque Laurenziana

Vues sur Saint-Jacques Ramón Gil Rey 1832 Saint-Jacques-de-Compostelle, Musée Municipal

Plan de Saint-Jacques Enrique Mayer 1886 Saint-Jacques-de-Compostelle, Institut d’Études Galiciennes Père Sarmiento

AFFICHE: CONSTRUCTION DE LA CATHÉDRALE Panel: así se construiu a catedral

- Vue générale sur la région de Compostelle - Découverte du mausolée romain par Théodomire - Basilique d’Alphonse II - Consécration de la Basilique d’Alphonse III - Destruction de la Basilique d’Alphonse III par Almanzor en

997 - Basilique d’Alphonse III divisée avec vues de l’intérieur - Basilique d’Alphonse III reconstruite et première phase de la

cathédrale romane - Deuxième phase de la construction de la cathédrale romane - Vue sur les travaux de l’évêque Diego Gelmírez - Troisième phase de la construction de la cathédrale romane - Proportions entre la section des nefs, le portique et la rosace - Cathédrale romane conclue

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CHŒUR EN PIERRE CORO PÉTREO

Ce chœur, daté de 1200 environ, est une des œuvres les plus significatives de l’atelier du Maître Mateo. Les avatars du destin ont voulu qu’il fut démonté en 1604 pour en construire un autre en bois plus en consonance avec l’époque. Certaines des pièces de ce chœur primitif ont été réutilisées à différents endroits de la Cathédrale, soit comme éléments décoratifs (les figures des apôtres, évangélistes et prophètes de la Porte Sainte), soit comme éléments de construction, entre autres.

Il y a eu plusieurs tentatives de reconstruction du chœur, les quatre hypothèses existantes jusqu’à maintenant étant les suivantes :

1.- 1953 - José Manuel Pita Andrade 2.- 1961 - Manuel Chamoso Lamas 3.- 1970 - Manuel Chamoso Lamas et José Manuel Pita Andrade 4.- 1985 - Ramón Otero Túñez et Ramón Yzquierdo Perrín

Fragment du chœur en pierre du Maître Mateo XIIe siècle Granit Cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle

Fragment du chœur en pierre du Maître Mateo XIIe siècle Granit Cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle

Maquette du chevet de la cathédrale pendant la première phase de sa construction Juan Manuel Muñoz Gambero, Alphonse Moreno Mora 1976-1981 Plâtre et bois

Maquette avec la section de la nef principale de la cathédrale Juan Manuel Muñoz Gambero, Alphonse Moreno Mora. 1976-1981 Plâtre et bois

Maquette du chevet et transept de la cathédrale Juan Manuel Muñoz Gambero, Alphonse Moreno Mora 1976-1981 Plâtre et bois

CHEVET GOTHIQUE CABECEIRA GÓTICA

Vers la moitié du xiiie siècle, sous l’archevêché de Juan Arias, un agrandissement du chevet de la Cathédrale a été ébauché pour le mettre pleinement en harmonie avec l’ouvrage roman existant.

Cet ouvrage ambitieux a commencé en 1258 en suivant les tendances architecturales qui se développaient alors au nord de la France, même si la cathédrale de Leon semble avoir été la référence la plus directe. Pourtant, ce projet a été abandonné après la mort de son promoteur, survenue en 1266, qui coïncida avec une détérioration des relations entre le roi Alphonse X le Sage et les autorités ecclésiastiques de Compostelle.

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Modillon avec décoration végétale 1200 env. Granit Saint-Jacques-de-Compostelle, cathédrale (?)

Modillon à copeaux Début du xiie siècle Granit Saint-Jacques-de-Compostelle, cathédrale (?)

Chapiteau de coin Atelier du Maître Mateo 1ère moitié du xiiie siècle Granit Saint-Jacques-de-Compostelle, cloître primitif de la cathédrale

Chapiteaux avec décoration végétale 3ème quart du xiiie siècle Granit Saint-Jacques-de-Compostelle, chevet gothique inachevé de la cathédrale

Cimaise. Fragment Atelier du Maître Mateo 1er quart du xiiie siècle Granit Saint-Jacques-de-Compostelle, cloître primitif de la cathédrale

Chapiteau figuré 1er quart du xiiie siècle Granit Saint-Jacques-de-Compostelle, chapelle (?) du cloître primitif de la cathédrale

Chapiteau avec décoration végétale et torsades Premier tiers du xiie siècle Granit Saint-Jacques-de-Compostelle, cathédrale

Couvercle du sépulcre. Fragment Début xiie siècle Granit Fouilles des places de Platerías et Quintana (Saint-Jacques-de-Compostelle)

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« Roue de la fortune ». Fragment XIIIe siècle Granit Fouilles de la rue Acibechería Saint-Jacques-de-Compostelle, cathédrale (?)

Arc. reconstruction 1ère moitié du XIIIe siècle Granit avec des restes de polychromie Saint-Jacques-de-Compostelle, cloître primitif de la cathédrale

Chapiteau à feuillage XIVe siècle (?) Granit Provenant d’une maison-tour ou maison de maître de la zone de l’Algalia (Saint-Jacques-de-Compostelle)

Rôle d’une pierre clef de voûte Función dunha pedra clave de bóveda

La clef est la pièce centrale et la plus élevée où convergent les poussées latérales de la voûte. Elle était utilisée par l’architecture médiévale aussi comme élément décoratif.

Clef 1ère moitié du XIIIe siècle Granit Saint-Jacques-de-Compostelle, cloître primitif de la cathédrale

Clef 1ère moitié du XIIIe siècle Granit Saint-Jacques-de-Compostelle, cloître primitif de la cathédrale

Clef 1ère moitié du XIIIe siècle Granit Saint-Jacques-de-Compostelle, cloître primitif de la cathédrale

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SALLE IV

PÈLERINS VERS SAINT-JACQUES. CHEMINS ET RITES

PEREGRINOS A SANTIAGO. CAMIÑOS E RITOS

Chemins de Saint-Jacques en Europe Basé sur la carte du Conseil de l’Europe

Coquille Saint-Jacques (Pectem maximus) Avant 1120 Saint-Jacques-de-Compostelle

Cette coquille Saint-Jacques a été découverte dans un tombeau creusé dans le terrain qui fut occupé ensuite par la nef latérale nord de la cathédrale romane de Saint-Jacques, par conséquent avant 1120. La coquille Saint-Jacques représente le symbole du pèlerinage jacquaire, portée par les pèlerins de retour chez eux, dans les endroits les plus lointains de l’Europe.

La flèche jaune José Antonio Robés 2001 N/B et couleur. Leica M6 Pellicule Ilford 100 y 400 Don de l’auteur

Pèlerins arrivant à la place de l’Obradoiro

Jacobo Remuñán 2003

Couleur. Nikon S90X. 35-70 mm. F2’8

Pellicule : Fuji Superia 100 Don de l’auteur

Tabernacle 2ème tiers du XVIe siècle Bois sculpté et polychromé Triacastela (Lugo)

Carreaux XVIe siècle (?)

Céramique vernissée Alfares de Triana (Séville)

LE CHEMIN ET LES INFRASTRUCTURES O CAMIÑO E AS INFRAESTRUCTURAS

Suite aux débuts du pèlerinage à Compostelle, une route de voyage commence à se dessiner. Elle souffrira plusieurs modifications pour différentes raisons, comme par exemple des circonstances politiques, apparition de nouveaux noyaux de population, construction de ponts et chaussées, fondations d’hôpitaux et d’auberges. De cette manière, un tracé classique

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se développe et il se maintiendra pendant des siècles. Il s’agit du tracé décrit au XIIe siècle par le Liber Sancti Iacobi dans son livre V, plus connu sous le nom de «Le Guide du Pèlerin», document d’une valeur inestimable permettant de connaître le voyage des pèlerins qui, en partant de Tours, Vézelay et Le Puy, entraient dans la Péninsule Ibérique par Roncevaux et celui de ceux qui partant de Saint Gilles arrivaient au col de Somport, pour ensuite se retrouver tous à Puente de la Reina afin de continuer en ne suivant qu’une seule route jusqu’à Compostelle.

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Le Liber divise le voyage en treize journées inégales, certaines démesurées même si elles étaient parcourues à cheval. Il cite aussi des noms des villes, des grands hôpitaux, des terres, des gens et de leurs us et coutumes. C’est, en somme, un guide descriptif et pratique, plein de conseils utiles pour aider le pèlerin et rendre son voyage plus facile.

Les deux chemins pyrénéens suivent des routes séparées jusqu’à ce qu’ils atteignent la zone d’Óbanos-Puente la Reina où ils se rejoignent pour sortir de cette ville en suivant la route indiquée par le pont roman sur la rivière Arga.

Puente la Reina, Ponte Regina dans les documents de l’époque médiévale, est une des villes créées par une décision royale pour apporter un soutien au pèlerinage jacquaire. Son développement urbanistique, typiquement linéaire, est marqué par une rue centrale, la Calle Mayor ou de los Romeros.

Puente de Puente la Reina (Navarre) -----

Un des chapitres de ce Livre V cite les noms des terres et les qualités des gens croisés sur le Chemin de Saint-Jacques. Après avoir parlé rudement des basques et des navarrais, il décrit les terres de Castille et Galice:

«… après avoir traversé les collines d’Oca, vers Burgos, vient la terre des espagnols, à savoir Castille et Campos. Cette terre est pleine de trésors, il y a abondance d’or et d’argent, de tissus et de chevaux vigoureux. Elle est fertile en pain, vin, viande, poissons, lait et miel. Cependant, elle est dépourvue d’arbres… Après cette terre de León et des cols du mont Irago et du mont Cebreiro, on trouve la terre des galiciens. Ici les forêts sont abondantes; ses rivières, prés et délicieux vergers, ses bons fruits et ses sources limpides la rendent agréable. Il y a peu de villes, de villages et de champs cultivés. Elle manque de blé et de vin, mais on y trouve en abondance du seigle et du cidre, du bétail et des chevaux, du lait et du miel, des poissons de mer grands et petits. Elle est riche en or, argent, tissus, cuirs sauvages et bien d’autres richesses, surtout des trésors sarrasins».

L’entrée du chemin en Galice depuis le Cebreiro -----

Le Codex Calixtinus parle déjà des deux entrées possibles dans la Péninsule Ibérique à travers les Pyrénées : Portus Cisere ou Port de Cize relié avec le Roncevaux navarrais et le Summo Portu, ou Somport aragonais. Ces deux endroits possédaient deux hôpitaux importants, celui de Santa María et celui de Santa Cristina, qui accueillaient les pèlerins et leur offraient tout le nécessaire pour se reposer et les soigner après la dure étape du voyage que supposait la traversée des Pyrénées. De nos jours, l’hôpital Santa Cristina a complètement disparu, mais celui de Roncevaux continue à

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aider les voyageurs avec le même dévouement que dans le passé.

Port de Somport dans les Pyrénées (Huesca) -----

Boire était un des besoins primordiaux des pèlerins. Il était essentiel parce que les conditions d’hygiène rendaient très dangereuse la consommation incontrôlée de n’importe quel type d’eau. Le Codex Calixtinus vient confirmer cette importance logique en consacrant un chapitre à l’énumération des bonnes et mauvaises rivières qui se trouvent le long du Chemins de Saint-Jacques. Parmi les courants malsains, il cite la rivière Salado, en Navarre, dont il signale que «là, ne bois surtout pas, ni toi, ni ton cheval, car cette rivière donne la mort». Parmi d’autres courants potables, il cite les rivières Pisuerga, Carrión, Esla, Valcarce, Sil, Miño et Sar.

Pont sur la Rivière Salado à proximité de Lorca (Navarre)

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Ce guide du pèlerin s’achève sur une description détaillée de la qualité de la ville et basilique de Saint-Jacques, Apôtre de la Galice, en citant les portes de la ville et ses églises, en décrivant avec détail la cathédrale – ses mesures, le nombre de fenêtres, les portiques, les tours, l’autel et les lampes –, en apportant des détails sur les tailleurs de pierres qui sont intervenus dans sa construction, ainsi que les dates de commencement et de conclusion des travaux. Ce texte revêt une importance extraordinaire pour connaître la cathédrale et ses environs, sans oublier les aspects qui, au gré du temps, ont changés ou disparus.

Porte de Mazarelos (Saint-Jacques-de-Compostelle)

Bulle du Pape Grégoire XIII qui octroie une indulgence totale in articulo mortis aux malades, pèlerins et autres membres de l’Hôpital du Roi de Burgos fondé par Alphonse VIII Rome, 1574, février, 13 Original avec sceau en plomb accroché Parchemin, manuscrit

Le propre chemin fit surgir le long de son tracé des noyaux de population avec un tracé linéaire caractéristique. La Rue Royale ou la Grand-rue de tant de village et de villes n’est autre que le vieux chemin autour duquel la population a augmenté. Mais, face à ces noyaux qui sont nés et se sont développés plus ou moins spontanément, de nouvelles agglomérations se sont créées, favorisées par les décisions royales, en raison de leur lien direct avec le Chemin Jacquaire. Comme on peut l’observer sur les cartes, la route du pèlerinage a laissé une empreinte profonde sur la toponymie

Les ponts ont acquis une importance extraordinaire à partir du XIe siècle en tant qu’éléments indispensables dans l’infrastructure du chemin. Les pèlerins étaient exonérés du paiement du droit de pontonage, même si l’avarice et les ruses transformaient souvent en théorie ce privilège. L’histoire du pèlerinage cite avec leur propre nom certains «faiseur de ponts», comme: Petrus Peregrini, Santo Domingo de la Calzada, San Juan de Ortega et même le Maître Mateo.

Castrillo de los Polvazares (León) Pont Romain de Leboreiro (La Corogne)

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Les croix et calvaires (cruceiros en galicien) sont des éléments à part entière du Chemin; ils naissent comme instruments pieux, d’accomplissement d’un vœu ou

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d’imploration de grâces. Avec l’évolution du pèlerinage, ils se transforment en bornes marquant la route et, aussi, les points de repos.

Les milladoiros sont des amas de petites pierres constitués à partir d’un rite ancien, christianisé a posteriori, servant à invoquer les divinités protectrices des marcheurs en jetant une pierre à certains endroits. De nos jours, il n’en reste que très peu ayant une relation avec le Chemin: celui de Foncebadón, quelques restes recouverts par la végétation au Monte do Gozo et la trace toponymique qui demeure au lieudit Milladoiro, banlieue de Saint-Jacques.

Calvaire de Lameiros (Lugo) -----

L’architecture religieuse, faisant partie du chemin comme un service supplémentaire d’aide au pèlerin, fut l’aspect le plus soigné et privilégié. En fin de journée, le marcheur avait besoin d’un endroit où se reposer et où amplifier, en même temps, la motivation spirituelle nécessaire pour reprendre la marche. Cela explique aussi que, fréquemment, ils s’éloignaient des routes principales pour visiter d’autres lieux, où des reliques étaient vénérées et où des évènements religieux étaient célébrés.

Les invocations des centres nés sous la protection du pèlerinage sont aussi associées à ce courant. Dans des endroits de cultes consacrés non seulement à Saint-Jacques, mais encore à la Vierge du Chemin ou de la Rue, à la Vierge Pèlerine, à Saint-Roch, Saint Michel et à la Vierge de Rocamadour, culte largement répandu par les pèlerins français.

Église de Saint Michel. Corullón (León) -----

Les origines du culte à Saint-Jacques au Portugal remontent à une époque antérieure à la propre formation de la nation en 1143. Depuis longue date, un flux de pèlerins allant à Saint-Jacques s’est produit. Le réseau de voies utilisé possédait, au moins, sept voies plus une dense trame de chemins intermédiaires qui, dans la direction sud-nord, menaient jusqu’à la frontière galicienne. Les pèlerins se concentraient surtout dans la région d’Entre-Douro et Minho (Ponte da Lima étant alors le principal noyau de communication), et dans les villes portuaires de Viana et Porto, en raison de l’importance de la voie maritime qui commençait à Lisbonne.

L’importance de cette voie maritime est due au miracle qui narre comment, lors de la célébration à Bouças du mariage d’un jeune seigneur de la zone, le bateau transportant vers la Galice le corps de l’Apôtre passa le long de la côte de Portucale. D’une manière inattendue, un cheval emballé se jeta dans la mer avec son cavalier. Alors que tous pensaient déjà qu’ils étaient morts, le cavalier et sa monture jaillirent des eaux avec leurs corps recouverts de coquilles Saint-Jacques, qui sont devenues depuis lors le symbole de Saint-Jacques.

Dessin de P.M. Baldi, du voyage de Cosme de Médicis, Coimbra

Dessin de P.M. Baldi, du voyage de Cosme de Médicis, Lisbonne et Porto

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Plusieurs facteurs influencent le choix d’un chemin: géographiques, lorsque une route plus facile est choisie pour éviter un col de montagne ou le passage d’un cours d’eau, même si cela représente un détour; politiques, tels que des problèmes internes ou des affrontements entre pays, qui

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interrompent le flux des pèlerins dans certaines zones; religieux, comme la visite en chemin d’une église. La densité des centres hospitaliers et la protection juridique et physique proposée au voyageur renforçait l’importance de certaines routes. De toutes manières, le chemin par excellence était celui appelé «Chemin Français». Sa tradition ne s’est jamais perdue, comme cela apparaît dans les voyages plus récents, qui gardent les mêmes étapes signalées pour la première fois par le Liber Sancti Iacobi.

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Les établissements destinés à héberger et aider le pèlerin représentent une infrastructure essentielle du chemin. Dès le départ, l’exercice de l’hospitalité fut assumé par les monastères, mais des hôpitaux furent aussi créés par d’autres institutions ecclésiastiques, laïques ou privées.

Les premiers hôpitaux furent fondés dans des endroits au passage compliqué, comme par exemple les cols de montagne: Somport, Roncevaux et O Cebreiro. Par la suite, la route jacquaire a agrandi et amélioré ses établissements d’hébergement, de sorte qu’un vaste réseau d’hôpitaux, pensions et auberges accueillaient les pèlerins.

La défense et la protection du pèlerin étaient des aspects tout aussi importants. En plus des mesures juridiques adoptées dans ce but, la défense physique qu’offraient les châteaux, tours et forteresses le long du chemin fut d’une importance capitale. Telle fut aussi la finalité principale des Ordres Militaires.

Hôpital de la Reine, Villafranca de Montes de Oca (Burgos)

Porte du Patio de los Romeros. Hôpital du Roi (Burgos)

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ROUTES MARITIMES

RUTAS MARÍTIMAS

Les routes maritimes étaient tout aussi fréquentes que les terrestres, surtout pour les pèlerins qui voyageaient à Compostelle depuis l’Europe du Nord, les Pays-Bas et les Îles Britanniques. Les pèlerinages anglais par la mer sont les mieux documentés. Ils nous ont permis de connaître les détails et circonstances du voyage : l’organisation, les autorisation de fret, les navires et le sauf-conduit collectif qui était délivré au nom de l’armateur du navire, les noms et la condition sociale des pèlerins qui s’embarquaient et aussi les noms de certains navires ayant réalisé le voyage entre les XIVe et XVe siècles, Gracedieu de Bristol, Trinitate de Falmouth. Nous connaissons aussi les principaux ports d’embarquement et de débarquement.

Les pèlerins anglais pouvaient réaliser le voyage directement en profitant de la proximité du port de La Corogne et d’autres villes maritimes de la Galice et du Golfe de Gascogne ou en traversant le Canal de la Manche jusqu’à Bordeaux. Il se peut que cette dernière fut la route la plus fréquente jusqu’à la fin du XIVe siècle, ensuite les avatars politiques empêchèrent de traverser la France.

Caraque transportant des pèlerins du nord de l’Europe. (Hans Burkmair. 1511)

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VOYAGEURS ET LEURS CHRONIQUES VIAXEIROS E AS SUAS CRÓNICAS

NOPAR, SEIGNEUR DE CAUMONT Nopar, seigneur de Caumont, réalisa son pèlerinage à Compostelle en 1417. Son récit n’est autre qu’un itinéraire pendant lequel il ne s’attarde que sur la narration du Miracle du Pendu, situé à Santo Domingo de la Calzada.

En partant des terres étant sous son autorité, il suit en détail le guide du Liber Sancti Iacobi. Il cite de nombreuses villes et la distance en lieues qui les sépare. Il désire nous raconter son voyage à Fisterra (Finisterre) en citant certains des lieux par lesquels il passe. Cela vient confirmer l’importance de cette visite pour les pèlerins qui continuaient leur voyage pour connaître aussi ces contrées rendues célèbres par les légendes en raison de leur relation avec l’Apôtre Saint-Jacques.

Visite au cap Fisterra (La Corogne)

Pierre tombale avec coquille Saint-Jacques et ciseaux. Cimetière de Santa María de Noya (La Corogne)

Chemin et église de Santa María (León) Muraille de Mansilla de las Mulas (León)

HERMAN KÜNIG VON VACH

Herman Künig von Vach, moine des environs de Strasbourg, a rédigé vers la fin du XVe siècle un guide en vers pour les pèlerins allemands, qui dut connaître un franc succès, si l’on en juge par les nombreuses éditions qui ont été publiées.

Au cours de son voyage, il suit différents chemins à l’aller et au retour. Pour l’aller, le chemin appelé Obere Strasse commence dans le sanctuaire suisse d’Einsiedeln, traverse ensuite les Alpes et, par la « voie toulousaine » rentre dans la Péninsule par Roncevaux. À partir de là, il suit les étapes du guide du Liber Sancti Iacobi, en ne citant que peu d’endroits et en ajoutant certaines variantes comme un détour par Lugo pour éviter la dure montée vers le Cebreiro ou d’arriver à Ponferrada par le Col du Manzanal, en évitant le passage difficile du col de Foncebadón. À León, il indique en outre le chemin conduisant à San Salvador de Oviedo.

Il fait son voyage du retour, le Nieder Strasse, en suivant le même itinéraire jusqu’à Burgos, où il change de route en se déviant jusqu’à Irún ; il parcourt l’ouest de la France et les Pays-Bas pour arriver finalement à Aix-la-Chapelle, où son récit prend fin. Sur cette étape il signale aussi de nombreux détours.

Le sens pratique de ce guide est démontré grâce à son souci de citer les distances, les différentes monnaies, les hôpitaux, les auberges et d’autres éléments intéressants pour le voyageur, sans s’attarder sur des descriptions ou des narrations.

Chapelles de Saint-Jacques, Roncevaux (Navarre) Vue générale depuis la montée vers la Laguna de

Castilla, La Faba (León)

COSME III DE MEDICIS Avec la fin du Moyen Âge, les transformations des modes de vie et de pensée se traduisent par un changement de la signification du pèlerinage. Cette grande soif de connaissances

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provoque ce qu’on appelle «pèlerinage chevaleresque», où le principal objectif n’est pas la ligne d’arrivée, mais une étape de plus dans un long voyage, que nous pourrions presque appeler «route touristico-religieuse». Dans ces cas, l’itinéraire suivi n’est pas le traditionnel.

Cosme III de Médicis, motivé par des raisons personnelles et aussi par une grande religiosité, entreprend à la fin de 1668 un long voyage qui l’emmènera, en partant de Florence et en parcourant une grande partie de la Péninsule Ibérique, à Saint-Jacques-de-Compostelle pour finalement embarquer à La Corogne vers les Îles Britanniques. Il est accompagné d’une petite cour d’environ 40 personnes, parmi lesquelles se trouvent Lorenzo Megalotti, chargé de réaliser le récit officiel, et Pier María Baldi, qui l’illustrera avec des aquarelles.

Grâce à ce voyage, nous pouvons reconstruire les us et coutumes, la culture et l’art de l’Espagne du XVIIe siècle, sous la dure critique du chroniqueur officiel qui, en faisant une description de la ville de Saint-Jacques, nous a laissé un témoignage écrit de l’intense pluie de Compostelle.

Dessin de P.M. Baldi, du voyage de Cosme de Médicis. Pontevedra. Padrón.

Dessin de P.M. Baldi, du voyage de Cosme de Médicis. Port de La Corogne.

DOMENICO LAFFI Bien qu’il soit un contemporain de Cosme III de Médicis, le prêtre de Bologne Domenico Laffi a réalisé son voyage à Compostelle avec un but et des moyens très différents. À pied, vêtu de pèlerin et avec l’objectif dévot d’y visiter la tombe de l’Apôtre. Il part, en 1670, de sa ville natale et suit la route des pèlerins italiens en parcourant le Chemin Français traditionnel.

Il continue jusqu’à Fisterra, en citant certains toponymes difficilement identifiables.

D’après son récit, on peut déduire qu’à cette époque-là, les difficultés et les dangers auxquels les pèlerins devaient faire face étaient les mêmes que ceux du Moyen Âge : l’hébergement, la nourriture, les bandits, les maladies et la traversée des rivières. Mais, il insiste aussi sur l’évidente décadence du pèlerinage lorsqu’il raconte que les pèlerins étaient peu nombreux et regardés avec admiration.

Pont sur le Tambre (La Corogne)

GUILLAUME MANIER Au XVIIe siècle, le pèlerinage souffre d’une décadence évidente malgré les tentatives mises en œuvre dans le but d’aider les véritables pèlerins. À cette époque-là, les pèlerins étaient essentiellement des artisans, des paysans et, parfois, la piété se mélangeait avec un désir d’aventure; c’est le cas du tailleur français Guillaume Manier, habitant de Carlepont (France), qui voyagea à Compostelle en 1726. D’une nature curieuse, il raconte tout ce qu’il lui semble intéressant, en décrivant les terres qu’il traverse, les repas, la beauté des femmes et leur manière de s’habiller.

Accompagné de trois amis, il arrive par Irun et suit le Chemin Français depuis Santo Domigo de la Calzada. C’est le premier qui verra la Cathédrale depuis San Marcos et, pour cette raison, ses compagnons l’appelleront «Roi». Il décrit en détail la ville de Saint-Jacques et, surtout, le menu offert par chaque couvent aux pèlerins. Il achète des souvenirs et parcourt les petites auberges. Au retour, il suit une autre route pour pouvoir visiter San Salvador de Oviedo.

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Pont sur l’Hormazuela (Hornillos del Camino, Burgos) Croix en bois de Foncebadón (León)

NICOLA ALBANI Le récit transmit par Nicola Albani, concernant son voyage depuis Naples jusqu’à Compostelle en 1743 et son séjour à Lisbonne jusqu’en 1745, est une preuve de la transformation vécue par le pèlerinage tout au long du temps, avec une forte décadence au XVIIIe siècle. Souvent, l’aventurier et le roublard se confondent avec les véritables pèlerins.

Nicola Albani, après son séjour dans la ville apostolique, voyage jusqu’à Lisbonne où il travaillera avec un marchand de vins, pour revenir à Compostelle pour l’Année Sainte de 1745 et retourner postérieurement à sa ville natale, Melfi.

Dans ses deux tomes, réunissant sa curieuse narration (Verídica Historia ó sia Viaggio da Napoli a San Giacomo…), il recueille une vision très égayée par de profondes conviction personnelles et par ses aventures, parmi lesquelles il faut signaler une bagarre avec un bandit près de Ponte de Lima. Le manuscrit conservé est illustré avec beaucoup de documents graphiques où on apprécie les vues sur de grandes villes, des sanctuaires mariaux et des aquarelles sur ses aventures les plus intéressantes.

Nicola Albani à Naples Aventure de Nicola Albani près de Ponte de Limia

RITUELS DU PÈLERINAGE RITUAIS DE PEREGRINACIÓN

À partir du XVe siècle, les pèlerins qui arrivaient à Saint-Jacques recevaient, en guise de certificat de leur pèlerinage la « Compostela ». Ce document confirmait qu’ils avaient réalisé

le pèlerinage jusqu’au sépulcre de l’Apôtre; il servait aussi de justificatif pour recevoir les aides nécessaires pendant le voyage et éviter, de cette manière, qu’elles ne fussent octroyées à de faux pèlerins.

Les pèlerins qui arrivaient à Saint-Jacques l’année où la fête de la Saint-Jacques (25 juillet) tombait un dimanche obtenaient le «jubilée», c’est-à-dire une indulgence totale pour tous leurs pêchés.

Les pèlerins, en plus de visiter le corps de Saint-Jacques, pouvaient vénérer les reliques d’autres saints. Dans le but de réunir ces reliques et d’améliorer leur exposition, on ordonna la construction d’un retable formé par de nombreuses niches. Il fut réalisé par Bernardo Cabrera, en tant qu’assembleur, et Gregorio Español, en tant que sculpteur, entre les années 1625 et 1630, en transformant le Panthéon Royal en Chapelle pour Reliques. Malheureusement, ce retable fut détruit par un incendie au début du XXe siècle.

La gravure de la procession des pèlerins à Compostelle est une illustration exceptionnelle des rituels de pèlerinage dans la propre ville de Saint-Jacques. Bien qu’elle reçoive le titre de «Procession des Pèlerins», il s’agit plutôt d’une des célébrations liturgiques les plus importantes de l’année, probablement la fête de Saint-Jacques.

« Compostela » Saint-Jacques-de-Compostelle, Melchor de Prado 1820 Papier, gravé au burin Tirage de la plaque originale

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Jubilée Total de la Sainte et Apostolique église de Saint-Jacques de Galice 1666 Tirage de la plaque originale

Liste des Reliques Sacrées vénérées dans la Chapelle de la Sainte Apostolique Métropolitaine Basilique Majeure de Saint-Jacques-de-Compostelle. Saint-Jacques, J. Soto 1898 Lithographie

Procession des pèlerins à Compostelle Les délices de l’Espagne et du Portugal, I Juan Álvarez de Colmenar Leiden, Pierre Boudewyn van der Aa, graveur et éditeur 1707 Imprimé

SOUVENIRS DU PÈLERINAGE RECORDOS DA PEREGRINACIÓN

En plus des bénéfices spirituels qu’apportait le pèlerinage, les pèlerins pouvaient emporter une série de souvenirs qui leur permettraient de se rappeler de leur séjour à Compostelle.

Parmi ces objets, les plus caractéristiques étaient ceux faits en jais, même si d’autres matériaux moins chers étaient aussi utilisés. Pour ce qui est de leur origine, ces objets ne venaient pas toujours de Compostelle, puisque beaucoup de pièces ayant une iconographie jacquaire étaient réalisées ailleurs.

Les motifs les plus fréquent étaient : différentes iconographies de Saint-Jacques, la coquille Saint-Jacques et la représentation des pèlerins. Les objets étaient aussi variés: médailles, insignes, calebasses, clochettes, etc.

Fontaine avec vue sur Saint-Jacques Pickman & Cie. 2ème moitié du xixe siècle Faïence estampée

Assiette avec vue sur Saint-Jacques Usine Royale de Sargadelos 1845-1862 Faïence estampée

Saint-Jacques Pèlerin XXe siècle Jais

Médaillon avec l’image de Saint-Jacques Matamore Réalisé aux Philippines ou en Terre Sainte Fin du XVIIIe – début du XIXe

Nacre

Clochette avec Saint-Jacques Matamore XXe siècle Bronze

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Saint-Jacques XIXe siècle Dent de cachalot

Médailles commémoratives des années saintes XIXe et XXe siècles Argent et bronze

LIVRES DE VOYAGE LIBROS DE VIAXE

Le Codex Calixtinus, conservé dans les archives de la Cathédrale de Saint-Jacques, représente le premier exemplaire du Liber Sancti Jacobi, grande compilation anonyme qui recueille, en cinq livres, différents textes sur l’Apôtre: textes liturgiques, miracles, les exploits de Charlemagne en Espagne, des compositions musicales et, dans le cinquième livre, le Guide du Pèlerin.

La compilation, attribuée au Pape Calixte II, est dédiée à Gelmírez et au patriarche de Jérusalem; il unit, de cette manière symbolique, les trois grands centres de pèlerinage. Comme élément curieux, on peut signaler que, dans un texte inclus dans le Codex au XVe siècle, le botafumeiro (immense encensoir de la cathédrale) est cité pour la première fois.

La copie du Codex de l’Université de Salamanque provient probablement d’un double de l’exemplaire de Compostelle. Il se compose aussi de cinq livres, même s’il ne contient pas l’écriture musicale, ni les appendices de l’original, parmi d’autres différences.

Le livre Die Walfart und Strass zu Sant Jacob d’Hermann Künig von Vach est le seul guide de pèlerinage au sens strict, étant donné que les autres ouvrages allemands, plus ou moins contemporains, sont des récits de voyage. Les rééditions successives de l’ouvrage présentent de petites variantes, en fonction du lieu d’impression, puisque, s’agissant d’un guide éminemment pratique, les intérêts des pèlerins étaient logiquement différents. D’un autre côté, son inspiration à partir d’ouvrages à caractère populaire se confirme par le fait que certains passages font partie de la chanson populaire des pèlerins Wer das elend bauwen Hill, et par le style de ses gravures.

Codex Calixtinus Fac-similé de l’original des archives de la cathédrale de Saint-Jacques Scriptorium de Compostelle 1150-1160 env. Manuscrit en miniature, parchemin

Le Codex Calixtinus réunit dans cinq livres un ensemble singulier de textes sur l’apôtre (textes liturgiques, miracles, translation, exploits de Charlemagne, musique,…). Le livre V, connu sous le nom de «Guide du Pèlerin», est attribué à Aymeric Picaud de Parthenay et il recueille la première description du Chemin de Saint-Jacques. Les informations sur des lieux, les gens, les us et coutumes et les traditions des endroits par où il passe depuis la France sont d’un grand intérêt.

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«Le Chemin de Saint-Jacques en Espagne réalisé en 1983-1984. 1986» Ikeda Munehiro Papier japonais, encre, aquarelle 1983-1986

L’artiste japonais Munehiro Ikeda reproduit, en conservant des traits orientaux, une vision curieuse du parcours du Chemin de Saint-Jacques qui traverse l’Espagne, tout en élaborant un «Guide du Pèlerin» surprenant et exhaustif. Il représente un des derniers témoignages de ce genre, commencé au XIIe siècle avec le Liber Sancti Iacobi (Codex Calixtinus).

AFFICHE écran

LE CHEMIN DE SAINT-JACQUES EN ESPAGNE. 1983-1986 IKEDA MUNEHIRO Mode d’emploi Vous pouvez chercher par villes ou références, églises, monastères, couvents, sculptures, calvaires, sources… du Chemin de Saint-Jacques 1.- Appuyez sur la première lettre de la ville ou référence recherchée sur le panneau de recherche 2.- Choisissez un terme et vous pourrez voir la page du livre qui le contient 3.- Vous pourrez voir les traductions des textes en japonais en appuyant dessus 4.- Si vous désirez revenir à la page d’accueil, appuyez sur «volver» Si vous ne touchez par l’écran pendant une minute, les pages commenceront à se tourner Pour revenir à la recherche, appuyez sur «volver»

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VÊTEMENTS DU PÈLERIN INDUMENTARIA DO PEREGRINO

Les vêtements des pèlerins se composaient d’un chapeau à larges bords, d’une cape, d’une houlette ou d’une crosse, d’une besace et d’une calebasse pour transporter des boissons. Ces vêtements, une fois le pèlerinage terminé, étaient réutilisés par les pèlerins lors de processions ou ils étaient donnés à un monastère. Certains pèlerins se faisaient enterrer ainsi vêtus, en symbolisant leur passage à une autre vie.

Lorsque les pèlerins arrivaient à Saint-Jacques, ils recevaient une coquille Saint-Jacques qu’ils emportaient de retour chez eux. Jusqu’au XIVe siècle, ils les accrochaient presque toujours à leur besace, plus tard sur leur chapeau ou sur leur manteau. C’était comme un certificat d’un pèlerinage achevé et une garantie pour profiter des aides et privilèges. Pendant le Moyen Âge tardif, la coquille Saint-Jacques est devenue un attribut générique du pèlerin et elle demeure un distinctif du pèlerin à Saint-Jacques.

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INDULGENCES POUR LA CONFRÉRIE DE L’HÔPITAL ROYAL DE SAINT-JACQUES INDULXENCIAS Á CONFRARÍA DO HOSPITAL REAL DE SANTIAGO

Les grâces spirituelles accordées par les Souverains Pontifes aux institutions qui réalisaient des œuvres de charité étaient recueillies dans les bulles.

En 1499, le pape Alexandre VI promulgue une bulle pour octroyer licence aux Rois Catholiques pour construire un hôpital qui accueillerait les pèlerins et l’institution de la Confrérie de l’Apôtre Saint-Jacques.

L’ensemble des indulgences et grâces spirituelles octroyées à l’Hôpital Royal de Saint-Jacques sont administrées par sa Confrérie. Ces grâces étaient communiquées aux fidèles par leur prédication et un résumé des bénéfices spirituels était publié.

Indulgence et Confrérie de l’Hôpital du Seigneur Saint-Jacques Valladolid, 1504 Xylographie Tirage de la planche originale

Sommaire et Compilation des Grâces et Indulgences octroyées par différents Souverains Pontifes à la Maison et Hôpital Royal de Saint-Jacques de la Galice et aux Confrères de la Confrérie, en obtenant la bulle de la Sainte Croisade, de la Publication et Prédication de chaque année. École de Compostelle 1755, septembre, 1er Tirage de la planche originale

DOCUMENTS ET LIVRES SUR L’ORDRE DE SAINT-JACQUES DOCUMENTOS E LIBROS RELATIVOS Á ORDE DE SANTIAGO

Règle et établissements de l’Ordre des Chevaliers du Seigneur Saint-Jacques de l’Épée Attribué à Andrés Ruíz de la Vega León, Pedro de Celada, Imprimeur 1555 Impression typographique, xylographie

Une des œuvres les plus importantes sur l’Ordre de Saint-Jacques, destinée à recueillir l’histoire, les règles et les établissements de cet ordre. Elle a été élaborée à la demande de Philippe II dans le but d’y réunir tous les établissements spirituels qui n’étaient pas inclus dans les livres précédents ; c’est-à-dire toutes les normes religieuses anciennes et nouvelles qui concernaient ses moines et chevaliers. Une autre donnée intéressante en relation avec cet ouvrage: à l’instar de beaucoup d’autres documents de l’époque sur l’Ordre de Saint-Jacques, il est écrit en espagnol et non pas en latin, afin que son contenu fusse largement compris par tous les chevaliers et la société cultivée, en général.

Témoignage de comment Monsieur Luís Montilla y Mendoza a été armé Chevalier de l’Ordre de Saint-Jacques et l’avito ynsignias della lui a été donné Madrid 1675 Papier, manuscrit, sceau d’un quart de 10 maravédis

Document manuscrit qui décrit, en détail, le rituel suivit pour armer un chevalier de l’Ordre de Saint-Jacques, en lui remettant les insignes correspondants. On y énumère aussi les personnes présentes lors de cet acte.

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Apologie pour l’habit de Saint Dominique de l’Ordre de Saint-Jacques, et Allégation en bénéfice de l’Ordre de Saint-Jacques, par Saint Dominique de Guzmán, patriarche, fondateur de celle des Frères Prêcheurs José López Agurleta Alcalá de Henares, Manuel de Moya, imprimeur 1725 Impression typographique en papier, parchemin

Ouvrage qui aborde la relation entre l’Ordre de Saint-Jacques et l’Ordre religieuse des Frères Prêcheurs fondée par Saint-Dominique de Guzmán. Il semblerait que ce saint faisait partie de l’Ordre de Saint-Jacques, selon l’histoire, depuis qu’il avait quatorze ou quinze ans, étant donné qu’il y avait un lien de parenté entre lui et le Premier Maître de cet ordre.

Laurea legalis decana salmantina de jure quatuor ordinum militarum Divi Jacobi, Calatravae, Alcantarae et Montesae Bernardino Antonio Franco Valdés Salamanque, Antonio Villarroel y Torres, imprimeur 1740-1744 Impression gravure au burin III vols.

Ouvrage majestueux sur les droits, privilèges, dispenses, juridiction spirituelle et gouvernement provisoire des ordres militaires de Saint-Jacques, Calatrava, Alcántara et Montesa. Cet ouvrage est très utile pour discerner les privilèges de ces ordres et connaître avec habileté leurs causes judiciaires. De cette manière, ses différents chapitres traitent plusieurs thèmes: la fondation et l’organisation interne des ordres religieux à caractère militaire, l’autorité de ses maîtres et les devoirs et droits des différents membres; la juridiction ecclésiastique des ordres dans leurs villages et églises et les exercices qui correspondaient aux moines, prêtres et aux sœurs de Saint-Jacques et Calatrava.

SAINTS PÈLERINS SANTOS PEREGRINOS

Dans le chapitre des saints pèlerins, saint Roch, invoqué surtout contre la peste, a joui d’une grande influence en Galice et, plus particulièrement, à Saint-Jacques. Ainsi, à Compostelle, en raison de la terrible peste de 1517 et sur décision de la Mairie et du Chapitre, la Confrérie de Saint Roch fut fondée; dès ce jour-là, le jour de la Saint Roch devait être considéré comme jour férié.

Le culte à la Vierge Pèlerine est né, à l’origine, comme une invocation à la Vierge du Chemin. On retrouve différents exemples en Allemagne et en France, sans oublier certaines racines à La Rioja et León. En Galice, elle est vénérée surtout à Pontevedra, où c’est la Patronne de la ville.

En raison de la double signification que le mot «pèlerin» avait dans le passé – étranger et marcheur –, le Christ et la Vierge furent représentés comme des pèlerins, au Moyen Âge. Une des images les plus anciennes de cette interprétation se trouve dans le cloître de Santo Domingo de Silos; elle représente, dans l’épisode d’Emmaüs, le Christ et ses disciples habillés en pèlerins.

Saint Roch 2ème moitié du XVIe siècle Bois avec des restes de polychromie originale et repeints Prêt Famille Varela-Villamor

Saint Roch 1er tiers du XVIIIe siècle Bois sculpté Prêt J. Varela Villamor

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«Portrait de la Miraculeuse Image de Saint Roch comme elle est vénérée dans son ancienne Chapelle de la ville de Saint-Jacques par son Illustre congrégation qui la dédie à MM. Comtes de Rivadavia et Amarantes ses bienfaiteurs. M. Sebastián Malbar y Pinto, Archevêque et M. de cette Ville octroie 80 jours d’Indulgence à tous les fidèles qui prieront dévotement un Notre Père devant cette Saint Image en Suppliant à Dieu en exaltant la Sainte Église d’apporter Santé à notre Monarque Catholique et à sa Royale famille et Prospérité à l’État et à l’Évêque de Tanes son auxiliaire pendant 40 jours» Ángel Antonio Piedra, graveur Julio Bernardo del Río, dessinateur 1789 Don de la famille Blanco-Cicerón

Saint Julien l’Hospitalier 1ère moitié du XVIIIe siècle Peinture à l’eau sur cristal

« Véritable portrait de Saint Vincent Ferrer conservé dans le couvent de Santo Domingo de cette ville de Saint-Jacques » Saint-Jacques-de-Compostelle, attribué à Ángel Piedra, graveur (1735-1800)

Parement de l’autel avec des scènes de la vie de Saint Martin École de Lleida Dernier quart du XIIIe siècle Peinture en détrempe sur bois Lleida, Sainte Marie de Palau de Rialb

Sainte Isabelle au Portugal 1er tiers du XVIIIe siècle (?) Bois polychromé et doré Inscription : « Sta YSABEL Ra DE PORTUGAL ARAGONESA » (Sainte Isabelle Reine du Portugal Aragonaise)

La Divine Pèlerine, Notre-Dame du Refuge qui est vénérée dans sa chapelle extra-muros de la ville de Pontevedra, dont la congrégation la dédie avec un sentiment humble à son aimable prélat, M. Sebastián Malvar y Pinto, Chevalier Prélat, Grande Croix de la R. distingué Ordre de Charles III. Évêque et Seigneur de Saint-Jacques. &.ª Saint-Jacques-de-Compostelle, Luís Fernández Piedra Antonio Rodríguez, dessinateur 1778 Tirage de la planche originale

Jésus Pèlerin XVIIIe siècle Tissus polychromé et brodé en or, argent et jais ; bois polychromé

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Portrait de Cosme III de Médicis (1642-1723) École florentine. Anonyme Début du XVIIIe siècle Huile sur toile Don d’Alberto Bruschi (Antiquaire de Florence)

Quelques jours après la naissance à Florence du grand duc de Toscane, Cosme III de Médicis, une œuvre musico-théâtrale, qui se répétera tous les ans à cette heureuse date et intitulée Il Pellegrino, a été représentée dans la chambre de la sa mère, Vittoria Della Róvere. Dans le futur, cette coïncidence entraînera Cosme III à être non seulement le Médicis qui voyagea le plus, mais encore à agir comme un véritable pèlerin en visitant des dizaines de centres de pèlerinage, parmi lesquels Saint-Jacques-de-Compostelle. Dans sa manière de gouverner, il porta ses efforts sur l’amélioration de l’église locale et les systèmes judiciaire et financier. Il est aussi resté fidèle à la tradition familiale en encourageant la créativité, le collectionnisme et le mécénat des arts de l’état florentin. Ce portrait, probablement destiné à un des nombreux offices ducaux de toute la Toscane, est une variante d’une toile attribuée au peintre réputé Giuseppe Maria Crespi. Cosme III, homme peu charmant mais d’une grande dignité sociale et considération sociale, y est représenté dans une ambiance pleine d’effets ténébreux, avec des habits noirs de style indéfini, où une croix rouge de l’Ordre des Chevaliers de Saint-Étienne est mise en évidence.

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SALLE VI

CORPORATIONS ET TRADITIONS ARTISANALES À SAINT-JACQUES

GREMIOS E TRADICIÓNS ARTESÁNS EN COMPOSTELA

LES CORPORATIONS DE COMPOSTELLE OS GREMIOS COMPOSTELÁNS

L’essor des pèlerinages à Compostelle tout au long des siècles a provoqué l’apparition progressive de nombreux et différents métiers répondant aux considérables besoins des pèlerins et des institutions liées aussi bien au culte qu’à prendre soin de ces personnes.

De cette manière, depuis le XIIe siècle, de nombreuses personnes ont travaillé en qualité d’aubergistes ou taverniers, et aussi comme cambistes, s’occupant du change nécessaire de la monnaie de ceux qui arrivaient depuis toute l’Europe. D’autres réalisaient des tâches plus artisanales, comme les cordonniers, chargés d’une fonction tout aussi nécessaire telle que la fabrication et réparation de chaussures, ou les ceinturiers, fabricants d’objets si indispensables pour les pèlerins comme les ceintures, les besaces ou sacs.

Les concheros sont nés pour répondre à la demande croissante d’insignes ou «reallia» qui, illustrées avec le motif de la coquille Saint-Jacques, sont devenues le symbole confirmant la visite au sanctuaire de Compostelle. Il y avait aussi une forte demande d’objets de souvenir du pèlerinage comme des statuettes de l’Apôtre, des saints ou des chapelets, et d’autres à caractère plus somptueux que les pèlerins de la haute société offraient à la basilique. En plus, différents

ustensiles liturgiques étaient nécessaires pour le développement du culte dans les nombreuses églises de Compostelle: calices, croix, ostensoirs,… Un grand nombre de ces objets étaient élaborés, principalement, en jais et en argent et leurs artisans étaient regroupés dans les corporations des tailleurs de jais (azabacheros) et des argenteurs (plateros).

Aussi, la diffusion et promotion du pèlerinage par le chapitre de Compostelle a fait augmenter la production de différents documents le concernant: indulgences, «compostelas», images de dévotion,… L’importance du travail des graveurs de la ville vient de là.

Logiquement, ces objets ont vécu une large diffusion sur tout le territoire européen, en raison de la provenance variée des pèlerins; beaucoup d’entre eux étaient retrouvés dans des pays scandinaves, en Angleterre, en Italie, en Allemagne et en France.

Les artisans et créateurs se regroupent à Saint-Jacques dans des corporations et confréries depuis le XIIIe siècle. L’activité de ces travailleurs se réalise depuis la nuit des temps dans des centaines d’ateliers dispersés dans toute la ville. De nos jours, il reste encore des témoignages de ce type d’ateliers tout autour de la cathédrale, justement, sur la Place de Praterías et Acibechería et, dans le nom des rues aussi, comme celle de Concheiros, située juste à l’entrée du Chemin Français.

Même si certains de ces métiers ont disparu dans le temps ou si leur présence a diminué, d’autres survivent encore en ayant les mêmes origines et en répondant aux mêmes besoins.

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Martyr de Saint Sébastien Atelier du sud de l’Allemagne (?) 1er quart du XVIIIe siècle Sculpture en ivoire et pierre, vraisemblablement, du jaspe

Saint-Sébastien fut nommé patron des tailleurs de jais en 1410, date de la création de sa confrérie à Compostelle. Depuis le Moyen Âge, ce fut un saint reconnu comme intercesseur lors d’épidémies de peste, parce que, malgré de nombreuses blessures provoquées par les flèches reçues pendant son martyr et les douleurs envoyées par Dieu, il n’est pas mort. Pourtant, en tant que protecteur contre la peste, il a été remplacé a posteriori par d’autres saints comme Saint Adrien, Saint Antoine et Saint Roch. La confrérie des tailleurs de jais a précisément été fondée lors de la propagation de l’un des nombreux fléaux de peste qui ravageaient les populations européennes à cette époque-là et qui a provoqué, en Galice, de nombreux épisodes de morbidité et de mortalité. Les célébrations de la confrérie en honneur du saint avaient presque toujours lieu dans la Chapelle du Saint Esprit de la cathédrale de Compostelle.

LA AZABACHERÍA (Ateliers de jais)

Le jais est une substance fossile, un carbone purifié qui est considéré comme une variété du lignite d’une grande dureté mais d’une fragilité extrême. Le nom qu’il porte de nos jours en espagnol (azabache) dérive de celui utilisé par les arabes azabach. La croyance dans les vertus magiques et curatives du jais remonte à la préhistoire et elle subsiste au-delà de différentes cultures (Égypte, Inde, Asie Mineure, Rome

ou Grèce) comme le prouvent, entre autres, les textes d’Aristote, Pline ou Saint Isidore. Au Moyen Âge, la production d’objets faits avec ce matériau a fleuri à l’instar d’une mode imposée par les pèlerins allant à Saint-Jacques-de-Compostelle. La demande de ces pièces a augmenté lorsque ses caractéristiques liées à la dévotion sont venues s’unir aux superstitieuses, qu’il possédait déjà par tradition et qui le considéraient comme un élément efficace contre les mauvais sorts.

Les premiers ouvrages réalisés en jais à Saint-Jacques datent du XIIIe siècle et le matériau utilisé provenait des Asturies, puisque la Galice ne possédait pas de réserves. Les ateliers de jais de Compostelle ont été créés à partir des corporations des concheiros. Ces derniers étaient les seuls pouvant vendre les coquilles naturelles ou «coquilles Saint-Jacques», insigne symbolique du pèlerinage et qui, plus tard, furent élaborées avec des matériaux tels que le jais ou le plomb. Au XIVe siècle, les tailleurs de jais créent leur propre corporation séparée de celle des concheiros et, à partir du XVe siècle, ils deviennent une des confréries les plus importantes et influentes de la ville, sous la protection de Saint Sébastien. Jusqu’au XVIIe siècle, le secteur des tailleurs de jais était le plus actif, en laissant dans la toponymie de la ville de Compostelle des témoignages évidents. Au XVIIIe commence une période de décadence; mais ce métier ne parviendra pas à disparaître totalement. De nos jours, il jouit à nouveau d’un grand prestige et d’une considérable demande.

Dans la production des objets en jais, on peut faire la différence, en général, entre trois types d’utilisations :

A/ Les objets demandés comme souvenirs du pèlerinage, de petite taille, à caractère religieux, essentiellement, et avec une

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finition, parfois, peu soignée: coquilles, images de Saint-Jacques, de la Vierge, des saints, chapelets…

B/ Objets à caractère liturgique et liés à la dévotion, conçus pour le secteur ecclésiastique, fruit d’un travail plus élaboré: patènes, croix ou colliers pour abbesse.

C/ Objets à usage profane et personnel : figues (poing fermé avec le pouce ressortant entre l’index et le majeur), colliers, médaillons, verroteries, parures pour les coiffures féminines, etc.

SOUVENIRS DU PELERINAGE. Panneaux 1 et 2, objets 15 et 16. RECORDOS DA PEREGRINACIÓN. Paneis 1 e 2, pezas 15 e 16.

Depuis le XIVe siècle, l’élaboration de petites sculptures de dévotion, que les pèlerins ramenaient chez eux en souvenir de leur pèlerinage, fut abondante. Les plus demandées, peu importe l’époque, étaient toujours les images de Saint-Jacques dans ses variantes iconographiques: apôtre, pèlerin, «Matamore»… [panneau 1]. Il y avait aussi toute sorte d’images sacrées et d’objets religieux pour satisfaire la dévotion de ceux qui visitaient la ville.

Les plus fréquents étaient : les croix [9], les images de l’Immaculée [10], la Cinquième Douleur [15] et différents saints, un des plus demandés étant Saint Antoine [8].

Le chapelet fut aussi un objet très demandé, surtout ceux appelés «de poche» [1], plus courts, aux grains simples et à peine taillés. Du point de vue thématique, le type de production répond encore, de nos jours, aux mêmes demandes.

OBJETS A USAGE ECCLESIASTIQUE ET LITURGIQUE. Panneau 4, objets 17 et 18. obxectos de uso eclesiástico e litúrxico. Panel 4, pezas 17 e 18.

Des objets destinés au secteur ecclésiastique, à caractère rituel, liturgique ou emblématique, étaient élaborés. Comme par exemple: le bénitier [17] décoré avec des coquilles Saint-Jacques est un des rares exemplaires de ce genre qui a été conservé et le patène [18], ustensile que les fidèles baisaient lors de la Messe et qui, dans ce cas, représente la Vierge du Pilar entourée d’anges, thème de la tradition jacquaire. D’un autre côté, la fabrication de colliers a été abondante entre les XVIIe et XVIIIe siècles. Les colliers dits «d’abbesse» [19 et 20] étaient utilisés exclusivement dans les couvents féminins comme signe de distinction du rang. Des colliers similaires ont été utilisés aussi par les veuves et les villageoises aisées du nord-ouest de l’Espagne [peut-être le 20]. L’utilisation du jais pour des objets superposés aux ornements a considérablement augmenté pendant le XVIe siècle, peut-être parce que les croyances sur son caractère protecteur avaient augmenté.

«MAINS EN JAIS» OU FIGUES. Affiche 3. “mans de acibeche” ou figas. Panel 3.

À partir du XVIe siècle en Espagne, on appelle «figue» un objet en forme de poing fermé avec le pouce ressortant entre l’index et le majeur; c’est un geste considéré comme méprisant, mais aussi une amulette à caractère curatif et protecteur contre les médisances et les maléfices. Des talismans similaires existaient déjà dans l’Égypte Antique et en Phénicie, ils furent très utilisés dans le monde romain. Postérieurement, les arabes de la Péninsule Ibérique utilisaient, depuis le XIe siècle, des amulettes en pendentifs en jais de formes différentes, y compris la main, tous en relation avec la croyance des mauvais sorts, très enracinée dans les traditions arabes. L’habitude de porter des amulettes en jais s’étend sur les territoires chrétiens pendant tout le Moyen Âge. La forme de poing ou «figue» apparaît plus fréquemment au XVIe siècle [21]. À partir du XVIIe siècle, les figues sont décorées avec beaucoup d’éléments symboliques et talismaniques, comme des cœurs et des lunes. Ils adoptent une forme si schématique qu’ils deviennent parfois méconnaissables, sûrement en raison de l’interdiction de les utiliser décrétée par

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l’Inquisition en 1526 [23 et 24]. Jusqu’au XIXe siècle, ils ne sont plus représentés de manière naturaliste [25], pourtant leur utilisation est déjà, à ce moment-là, en recul.

Les figues, ainsi que d’autres amulettes, protégeaient tout spécialement les enfants, puisqu’ils étaient considérés comme les plus faibles face aux mauvais sorts. Ils les portaient suspendus à leurs ceintures et colliers.

Y compris dans le domaine courtisan des XVIe et XVIIe siècles, cette habitude était fréquente, comme le prouvent de nombreux portraits de l’époque. Par exemple ceux de l’Infante Anne, de Pantoja de la Cruz, ou le portrait du Prince Philippe Prosper de Velazquez.

1.- Chapelet Atelier de Compostelle Fin du XIXe siècle début du XXe siècle Jais et ornements en filigrane d’argent

2.- Possible grain du chapelet d’un pèlerin ou collier d’abbesse avec Saint-Jacques Pèlerin Atelier de Compostelle (?) XVIIe et XVIIIe siècles

3.- Médaillon avec le portrait de Saint-Jacques lors de la bataille de Clavijo Atelier de Compostelle (?) Fin du XVIIe – début du XVIIIe siècle Ornement en argent avec anagramme de la Vierge Marie au verso

4.- Saint-Jacques Pèlerin Ramón Requeixo Rebón Années 1960 Saint-Jacques-de-Compostelle

5.- Saint-Jacques assis Manuel Moratalla 1960-1970 Saint-Jacques-de-Compostelle

6.- Saint-Jacques assis du Portique de la Gloire Pena XXe siècle

7.- Buste de Saint-Jacques Pèlerin Ramón Requeixo Rebón 1960-1968 Saint-Jacques-de-Compostelle

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8.- Finition en figue avec représentation de Saint Antoine de Padoue XVIe et XVIIe siècles

9.- Double croix XIIIe siècle Fouilles de la zone de la rue Azabachería

10.- Possible Ave du rosaire XVIIe et XVIIIe siècles

11.- Christ Crucifié Manuel Moratalla 1968 env. Saint-Jacques-de-Compostelle

12.- Sainte Face José Ricart XXe siècle

13.- Christ Crucifié Arturo Brea Pasín XXe siècle

14.- Sainte Face Isidro Nieto XXe siècle Salamanque

15.- Piété Manuel Moratalla 1960-1970 Saint-Jacques-de-Compostelle

16.- Descente Ramón Requeixo Rebón 1970 env. Saint-Jacques-de-Compostelle

17.- Bénitier XVIIe siècle Saint-Jacques-de-Compostelle

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18.- Patène avec l’Apparition de la Vierge du Pilar Atelier de Compostelle (?) Début du XVIe siècle Argent surdoré et jais

19.- Collier d’abbesse XVIIe et XVIIIe siècles Grains, dizaines et «libricos»

20.- Collier d’abbesse probablement École de Compostelle XVIIe et XVIIIe siècles

21.- Figue de la main gauche Atelier de Compostelle Fin du XVIe – début du XVIIe siècle

22.- Figue de la main gauche avec un cœur gravé Dernier tiers du XVIIe siècle Saint-Jacques-de-Compostelle

23.- Figue de la main gauche avec décoration géométrique et symbolique et cœur dans la paume Dernier tiers du XVIIe siècle Saint-Jacques-de-Compostelle

24.- Figue de la main gauche avec des décorations symboliques du cœur dans la paume et de lune dans le « poignet de la manche » Dernier tiers du XVIIe siècle Saint-Jacques-de-Compostelle

25.- Figue de la main gauche Atelier de Compostelle XIXe siècle, probablement Jais et argent

Saint-Jacques Pèlerin Castor Lata Montoiro 1960 env. Jais Inscription : « CASTOR LATA » Saint-Jacques-de-Compostelle

Saint-Jacques Pèlerin Castor Lata Montoiro 1960 env. Jais Inscription : « C. LATA » Saint-Jacques-de-Compostelle

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Saint Éloi Déposé par « l’Association de la Corporation de Bijouterie, Orfèvrerie et Azabachería de Saint-Jacques » R. Rivas Mejuto, S. Mayer Garea, Julio Lado Martínez, J. Eloy Gesto Ferreiro, R. Rivas Casal, E. Fink Fernández, Artesanía Pampín, L. Gesto Beiroa et M. Vilas Novas. 2000 Argent, ivoire, bois de châtaigner, jais, or, améthystes, zirconites Inscription : « CE SAINT ÉLOI A ÉTÉ RÉALISÉ/SOUS LES AUSPICES DE/L’ASSOCIATION DES ORFÈVRES DE SAINT-JACQUES/EN 2000 ALORS QUE SON PRÉSIDENT ÉTAIT/M. ELOY GESTO FERREIRO/SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE, LE 1er DÉCEMBRE 2000 » Déposé par «l’Association de la Corporation de Bijouterie, Orfèvrerie et Azabachería de Saint-Jacques»

Cette représentation de Saint Éloi est un magnifique exemplaire de la continuité des corporations consacrées à la réalisation d’ouvrages en argent, or et ivoire à Saint-Jacques depuis le XIe siècle.

Saint Éloi est représenté avec les attributs qui ont caractérisé son patronat sur la corporation des orfèvres, argenteurs et forgerons, c’est-à-dire essentiellement la zafra (récipient à huile) et le marteau.

Né en France, dans la région du Limousin, en 558 environ, il fut, dès sa jeunesse apprenti d’un orfèvre à Limoges. Plus tard, il occupera à Paris le poste de trésorier du roi Clotaire II. Quelques années plus tard, il se fit prêtre et, à la fin de sa vie, il fut élu évêque. Il a utilisé ses biens pour aider les pauvres et sauver les prisonniers. Ce fut un prêcheur infatigable, surtout dans la région de Flandres. Il mourut le 1er décembre 660, ce jour a donc été adopté comme date pour célébrer sa fête.

LA CORPORATION DES ARGENTEURS O GREMIO DOS PRATEIROS

L’importance considérable acquise par le pèlerinage jacquaire depuis le Moyen Âge a transformé Saint-Jacques-de-Compostelle en un des centres religieux les plus importants de la sphère chrétienne. Par conséquent, la construction et réaménagement des monastères, églises et chapelles a augmenté non seulement dans la zone de Compostelle, mais encore dans toute la Galicie, ce qui a provoqué une demande croissante d’objets en argent, aussi bien pour le culte liturgique que pour les offrandes et les dons, de la part des privés, pèlerins, confréries et autres institutions.

De cette manière, de nombreux ateliers d’argenteurs ou orfèvres sont nés ; leur travail dans la cathédrale apparaît déjà depuis le XIe siècle dans certains documents. Les argenteurs, ainsi que la puissante corporation des cambistes, se chargeaient aussi de fixer la valeur de la monnaie et du commerce intense d’objets faits avec des métaux précieux. L’influence qu’ils exerçaient leur a permis de jouir de certains privilèges, parmi lesquels on peut citer : l’exonération du service militaire (y compris en temps de guerre) ou l’interdiction pour le roi, l’archevêque et les fonctionnaires d’entrer dans leurs maisons.

Les magasins des argenteurs étaient toujours situés tout près de la cathédrale, depuis les murs de la Place de la Quintana jusqu’à la porte sud qui conserve, encore de nos jours, le nom de Praterías, du mot argenteur en espagnol Prateros.

Grâce à la notoriété du travail des ateliers d’argent de Compostelle depuis le Moyen Âge, ces derniers recevaient des

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commandes d’autres endroits de l’Europe. Tout au long des siècles, des argenteurs provenant de différents endroits de la Péninsule Ibérique ont aussi voyagé à Compostelle. D’un autre côté, en raison des offrandes et dons réalisés par les pèlerins ou les institutions, il y a un grand nombre d’objets provenant d’ateliers d’ailleurs. Les nouvelles modes artistiques et les progrès techniques de ce domaine accompagnaient ces ouvrages venus de loin.

Au XVIIe siècle, une autre période de splendeur commence pour l’argenterie de Compostelle qui continuera à se développer tout au long du XVIIIe siècle. C’est à cette même époque que la gravure s’épanouit aussi ; de sorte que certaines des familles les plus aisées de graveurs (les Piedra, les Romay ou Melchor de Prado) exercent en même temps les deux professions. L’élaboration de pièces à caractère civil augmente pareillement, même si la demande de production religieuse prime toujours.

La Guerre de l’Indépendance commence au XIXe siècle et, par conséquent, la spoliation d’une bonne partie du patrimoine artistique et la perte de nombreuses œuvres d’orfèvrerie qui étaient fondues pour obtenir des monnaies. Pourtant, le travail des argenteurs a toujours été un des métiers les plus importants de la ville et ils subsistent encore de nos jours, avec force et en alliant des formes traditionnelles aux créations modernes.

LES OBJETS LITURGIQUES DES ARGENTEURS DE COMPOSTELLE Os Obxectos Litúrxicos na Pratería Compostelá

Des ateliers artisanaux sont nés, sous la protection de l’élan du pèlerinage, dans toute la Galice pour répondre à la demande continue d’objets liturgiques pour les églises et les monastères,

surtout ceux ayant une forte relation avec les chemins jacquaires. Il y avait une grande quantité d’objets nécessaires. Dans la vitrine, vous pouvez voir certains d’entre eux, comme les calices, parmi lesquels il faut signaler le calice d’aumônes (4) à titre d’exemple d’une commande d’un archevêque pour en faire don à la paroisse pour augmenter ses biens. La croix processionnelle (6) et les patènes (5) sont certains des exemples des commandes des monastères, dans ce cas, de l’important Santo Domingo de Bonaval de cette même ville. Les croix sont importantes non seulement dans le cadre liturgique et de la dévotion, mais encore dans le social, parce qu’elles représentaient la paroisse, communauté si importante dans la Galice. La croix cérémoniale (7) provient, assurément, d’une paroisse proche de Saint-Jacques, se trouvant sous l’invocation de l’Apôtre ou située simplement sur le Chemin de Saint-Jacques. Depuis le XVIe siècle, la prolifération et la diversité des formes des reliquaires (8) est survenue en raison du renforcement par l’église catholique du rôle des saints face à la réprobation de l’Église Protestante. La possession de reliques était devenue une obligation des églises et monastères. C’est pour cette même raison que la demande de sculptures (10) représentant différents personnages sanctifiés a aussi augmenté.

LA CONFRERIE DES ARGENTEURS ET LE MARQUAGE DE L’ARGENT A SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE A Confraría dos Prateiros e a Marcaxe da Prata en Santiago de Compostela

Il semblerait qu’au XIe siècle les orfèvres faisaient déjà partie d’un Ordre qui regroupait différents professionnels qui travaillaient à la construction de la cathédrale. Les premières ordonnances qui règlementaient l’activité à Saint-Jacques furent rendues par les argenteurs en 1431 et elles ne furent modifiées qu’à partir de 1786. La confrérie qui les regroupait a été créée vers la moitié du XVIe siècle. Les actes religieux du corps de métier étaient célébrés dans la chapelle Blanca de la cathédrale et ses membres avaient le droit d’être enterrés dans la Quintana de Muertos.

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Les premières marques permettant de garantir l’argent se manifestent à Saint-Jacques au XIVe siècle. Au XVIe siècle, la marque de la ville représente à Saint-Jacques comme pèlerin. Au XVIIIe siècle, c’est le Coffret Apostolique, mais vers la fin de ce même siècle et en raison du changement des armoiries de la ville, on utilise la marque du Calice avec la Forme Sacrée et une croix gravée (1). À partir de ce moment-là et comme dans d’autres régions, on pourra voir le triple marquage (poinçon de l’artisan ou argenteur, celui de l’essayeur ou contrôleur et celui de la ville).

LA LARGE PRESENCE D’OBJETS QUI NE SONT PAS DE COMPOSTELLE A numerosa Presencia de Obxectos non Composteláns

L’orfèvrerie en argent de Compostelle a atteint son apogée aux XVIIe et XVIIIe siècles, comme le prouve l’augmentation du nombre d’argenteurs ayant leur propre atelier dans la ville, en passant d’un siècle à l’autre de 57 à 137 ateliers. Viennent aussi s’ajouter les argenteurs d’autres régions d’Espagne et en provenance de l’étranger (Italie, France, Portugal,…) qui travaillent momentanément à Compostelle pour réaliser des pièces concrètes, attirés par l’euphorie réformiste et artistique se développant dans la ville et la cathédrale. Certains s’installent définitivement à Saint-Jacques, comme c’est le cas du français Claudio Pecul. Au XVIIIe siècle, son fils Jacobo Pecul est devenu un des meilleurs argenteurs de Compostelle. La croix processionnelle exposée dans la vitrine (6) en est un parfait exemple. D’un autre côté, les objets donnés par le haut clergé et la noblesse aux églises et aux monastères sont souvent commandés à des argenteurs d’autres villes (2-3-4-9); c’est le cas des calices à aumônes faits par l’argenteur madrilène Lucas de Toro pendant la première moitié du XIXe siècle (4)

Sculpture. Représentation d’un saint XVIIIE-XIXe siècles Argent et argent surdoré Madrid

Ciboire Barcelone, 1ère moitié du xixe siècle (?) Argent surdoré

Croix processionnelle avec la Représentation du Crucifié et la révélation du Saint Rosaire à Saint Dominique Jacobo Pecul Montenegro Crespo, argenteur Sánchez, marqueur Saint-Jacques-de-Compostelle, 1794 Argent surdoré Provient du couvent de Santo Domingo de Bonaval

Calice d’aumônes Lucas de Toro, argenteur Madrid, 1820 Argent et intérieur en argent surdoré

Reliquaire Fin du XVIIIe siècle Argent fondu et repoussé Madrid

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Calice avec des scènes de la vie de Jésus-Christ José Casas, argenteur Barcelone, 1ère moitié du XIXe siècle Argent et argent surdoré

Calice Ricardo Martínez Costoya, argenteur M. Aller, essayeur Saint-Jacques-de-Compostelle, Fin du xixe siècle – début du xxe

Argent surdoré, repoussé et gravé

Calice avec des symboles de la Passion du Christ Narcís Rosell (?), argenteur ou essayeur Barcelone, 1ère moitié du XIXe siècle Argent surdoré

Calice Bermúdez (?), argenteur M. Aller, essayeur Saint-Jacques-de-Compostelle, Fin du XVIIIe siècle -moitié du XIXe Argent surdoré

Croix cérémoniale avec la représentation de l’Immaculée Conception et Saint-Jacques Pèlerin Juan Montes, argenteur Saint-Jacques-de-Compostelle (?), 1671 Argent fondu et repoussé Marca: MON/TES

Croix d’autel Atelier galicien Dernier tiers du XVIe siècle (croix) ; 1738 (pied) Argent fondu, ciselé, gravé et peint

Argent et argent surdoré, fondu, ciselé, gravé, peint Marque : “J/SEIJO” Provient du couvent de Santo Domingo de Bonaval (Saint-Jacques-de-Compostelle)

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LES GRAVURES O GRAVADO

L’épanouissement de la gravure en Galice a eu lieu à Saint-Jacques-de-Compostelle au XVIIIe siècle en raison de la tradition du pèlerinage à la tombe de l’Apôtre. Pour ce faire, il fallait diffuser le culte et utiliser, par conséquent, des thèmes jacquaires pour illustrer les nombreux documents nécessaires, comme par exemple les Compostelas, ou certificats qui attestaient de l’accomplissement du pèlerinage, les Sommaires des Indulgences avec lesquels les Papes octroyaient certains privilèges à ceux qui aidaient les entités à caractère bénéfique et religieux, les listes de reliques, les itinéraires des chemins et les images de dévotion.

Les images de dévotion, dotées d’une importante valeur propagandiste, sont précisément un des types les plus abondants. Elles permettaient de contribuer à soutenir le culte dans les secteurs les plus populaires. En raison de leur bas prix, elles étaient fréquemment achetées par les pèlerins et emportées dans leur pays d’origine. En plus des différentes typologies iconographiques de Saint-Jacques (apôtre, pèlerin, chevalier…), elles représentaient d’autres images sur la thématique jacquaire, comme Saint Roch, la Vierge Pèlerine, la Vierge du Pilar et une large gamme provenant du martyrologe.

La gravure est née rattachée à des auteurs qui appartenaient à la corporation des argenteurs, comme c’est le cas de la famille Piedra, et même à celle des architectes et sculpteurs comme Melchor de Prado et Miguel de Romay, ce qui apporte diversité et perfection à la création de motifs ornementaux (bordures, initiales, illustration et culs-de-lampe) qui décoraient de nombreux documents.

En 1730 environ, une importante innovation technique se manifeste à Saint-Jacques, attribuée précisément à Jacobo de la Piedra: le «buis debout», connu aussi sous le nom de «gravure au travers». En utilisant la planche en bois de travers, on obtenait une grande netteté et une production plus importante. Elle s’utilisait de préférence pour réaliser les éléments décoratifs.

Le développement des travaux de gravures à Compostelle va de pair avec la production de livres et il a répercuté sur la prolifération d’autres documents non religieux. L’Université, le Saint Tribunal de l’Inquisition et d’autres institutions demandaient des thèses de niveau, thèmes héraldiques, portraits de personnages célèbres… On réalisait aussi des illustrations scientifico-techniques, des cartes à jouer, largement utilisées dans la vie quotidienne, et des gravures de vues sur la ville et ses monuments. Ce dernier point attire aussi beaucoup d’artistes étrangers.

«SAINT-JACQUES APÔTRE, PATRON D’ESPAGNE./ Le tableau original / se trouve au Palais Royal de Madrid» Juan Antonio Salvador Carmona, graveur 1770 env. Gravé au burin

«Jubilé Absolu de la Sainte Apostolique Métropolitaine Église du Seigneur Saint-Jacques de la Galice, Seul et Unique Patron, Tuteur et Protecteur de l’Espagne, pour toute l’année de 1717 » Saint-Jacques-de-Compostelle, Antonio de Aldemunde, imprimeur 1717 Gravure, chalcographie

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Notre Dame de la Pèlerine Enrique Mayer, graveur Saint-Jacques-de-Compostelle, fin du XIXe siècle Xylographie

Saint Roch 2ème tiers du XIXe siècle Saint-Jacques-de-Compostelle Gravure

Église de Pontedeume Saint-Jacques-de-Compostelle, Ángel Piedra, graveur 2ème moitié du XVIIIe siècle Inscription: «Pour le grand Saint-Jacques qui, en tant que Tuteur de l’Illustre Ville de Pontedeume est vénéré dans son Église principale qui, pour un culte et une gloire meilleurs, a été réédifiée, dotée et consacrée par son Illustre Prélat M. Bartholomé de Rajoy y Lossada, Archevêque et M. de Saint-Jacques en mémoire d’y avoir été baptisé. Année de 1768».

Blason du Vicomte de Pegullal Diego de Romay Junqueras, graveur (+1694) Gravure sur planche en cuivre

Bordures ornementales Attribuées à Jacobo de la Piedra, graveur Entre 1750 et 1788

Blason de M. Jorge Cisneros ou de la famille des Comtes de Ximonde Attribué à Melchor de Prado y Mariño 1799 environ

Carte de la ville de Saint-Jacques, la première des sept qui composent le Royaume de la Galice Manuel Salvador Carmona, graveur Carte de l’architecte Juan López Freire el Menor 1796 Gravé au burin

Sélection de cartes à jouer 1818 Xylographie Inscription sur l’as d’Or: «Fabrique / de Compostelle»

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SALLE VII

ICONOGRAPHIE DE SAINT-JACQUES: L’IMAGE DE SAINT-JACQUES TOUT AU LONG DE

L’HISTOIRE ICONOGRAFÍA DE SANTIAGO: A IMAXE DE SANTIAGO NA HISTORIA

La représentation de l’Apôtre Saint-Jacques le Majeur a été, depuis le Moyen Âge, une des plus variées de l’iconographie chrétienne. En raison de la vaste extension de son culte sur tout le territoire européen et américain, depuis le XVIe siècle, son image a adopté, tout au long des siècles, différentes attitudes en fonction des besoins religieux et politiques de chaque instant (en adoptant les aspects de l’apôtre, du chevalier, du pèlerin,…). Il ne faut pas oublier qu’il a aussi refléter la diversité des habitues et modes concernant les vêtements, en fonction des époques et des zones géographiques où les images étaient élaborées.

Saint-Jacques est le seul apôtre qui présente cette variété iconographie. Les premières et plus anciennes images le montrent avec des attributs communs pour tous les autres apôtres : tunique et cape, le livre sacré, les pieds nus et un phylactère ou écriteau avec les noms de chacun d’eux ou des phrases faisant référence aux textes sacrés. C’est ainsi que nous pouvons le voir dans les premières sculptures importantes de la propre Cathédrale de Saint-Jacques: celui connu sous le nom de «Saint-Jacques entre les cyprès» de la façade de Platerías (1111-1116 env.); et la sculpture du meneau du Portique de la Gloire du Maître Mateo, réalisée en 1188 environ. En tant qu’apôtre qui bénit, il apparaîtra en 1135 et 1140 dans le Ier Chapitre du Liber Sancti Iacobi du Codex Calixtinus.

Saint-Jacques est aussi Pèlerin, parce qu’il a entrepris, à la demande de Jésus, un long voyage pour évangéliser l’Hispanie.

C’est pour cette raison que, dans ses premières représentations, il porte aussi la crosse et la houlette. En raison de la diffusion de son culte et, par conséquent, des répercussions du pèlerinage vers sa tombe, il a été identifié plus particulièrement avec les fervents dévots qui entreprenaient ce voyage. Le Saint-Jacques assis ou en majesté renforce encore plus sa mission évangélisatrice. La défense de la Foi Chrétienne sera symbolisée fréquemment en utilisant le Saint-Jacques Soldat du Christ ou chevalier. La diversité des représentations s’enrichira peu à peu grâce au rôle de Saint-Jacques en tant intercesseur, sa principale médiatrice étant la Vierge Marie.

SAINT-JACQUES EN MAJESTÉ SANTIAGO EN MAXESTADE

L’image de Saint-Jacques assis, en majesté ou en chaire, apparaît pour la première fois dans la cathédrale de Compostelle dans une sculpture créée par le Maître Mateo pour le meneau du Portique de la Gloire (1188 env.). Cependant, ce type iconographique ne sera pas très fréquent. Saint-Jacques est présenté comme apôtre (tunique et cape, pieds nus et un phylactère ou livre sacré), mais assis sur une somptueuse chaise ou trône. Le phylactère présente normalement un texte faisant allusion à sa mission évangélisatrice; ainsi, sur la sculpture du Portique de la Gloire, on peut lire la phrase Misit me Dominus («Le Seigneur m’a envoyé»). La crosse en forme de «Tau» qu’il soutient dans une de ses mains était la forme traditionnelle des bâtons cérémoniaux que les archevêques portaient et il rappelait la houlette utilisée par les apôtres lors de leurs marches pour diffuser les enseignements du Christ. Ainsi, la crosse favorisait l’idée de la mission apostolique demandée directement par Jésus à Saint-Jacques. Elle servait aussi à intensifier l’importance de Compostelle comme siège épiscopal.

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Quelques années plus tard, en 1211, on crée la sculpture de Saint-Jacques assis pour le Maître-autel de la Cathédrale qui, même si elle a été modifiée au XVIIe siècle, elle peut encore être contemplée de nos jours. Le texte Hic est Corpus Divi Iacobi Apostoli et Hispanorum Patroni («Ici gît le Corps du Divin Apôtre Saint-Jacques Patron des Royaumes Hispanique») apparaît inscrit sur son phylactère. Postérieurement, en 1250 environ, une autre sculpture en pierre de la même image est taillée pour une chapelle de la même cathédrale mais, cette fois-ci, elle est couronnée, en symbolisant l’Apôtre qui règne. Quant à ce modèle iconographique, on peut voir sur Saint-Jacques différents éléments qui identifient les pèlerins: l’escarcelle, la calebasse, la pèlerine ou le chapeau.

Les représentations de Saint-Jacques assis ne vont pas au-delà du XVe siècle. Mis à part la zone d’influence de la Galice, il y a peu d’exemplaires en France, quelques uns en Bretagne, peut-être en raison de l’intensité des pèlerinages maritimes réalisés depuis cette région. Au XVIIIe siècle, l’image imprimée du Saint-Jacques assis du Maître-autel de la cathédrale est fréquemment utilisé pour décorer des documents concernant les pèlerinages et des objets de prière qui présentent l’aspect de Saint-Jacques comme Patron de l’Espagne.

Croix Processionnelle Applique sur le carré central avec Saint-Jacques en Majesté Atelier hispanique

2ème tiers du XVIe siècle Style plateresque

Argent surdoré, trempé, ciselé, poinçonné et en

relief.

SAINT-JACQUES PÈLERIN SANTIAGO PEREGRINO

Au XIIe siècle, le pèlerinage vers le sanctuaire de Compostelle était un rite très répandu en Europe Occidentale. En même temps, l’Église de Compostelle possédait tout le soutien de la papauté comme un des centres les plus importants de la Chrétienté. Le culte à l’Apôtre s’accroit avec intensité et de nombreuses églises lui sont dédiées dans tous les royaumes chrétiens. À partir de ce moment-là, une vaste imagerie artistique se développe dans les représentations de l’Apôtre Saint-Jacques.

Les traits du pèlerin sont soulignés, dès le départ, dans la propre basilique de Compostelle, en octroyant aux images de l’Apôtre une crosse. Très vite, il apparaîtra aussi pourvu d’une gibecière. Ces deux accessoires sont des éléments essentiels pour tous les marcheurs. Le bourdon ou la houlette lui servent à se défendre des animaux et d’autres dangers qui peuvent le guetter. La gibecière ou escarcelle est un sac en cuir pour garder les aliments. Mais, pour l’église et pour les pèlerins, ces objets ont aussi un aspect symbolique puisqu’ils signifient le long chemin de la pénitence. Le bourdon représente la défense de la Foi contre les tentations et la gibecière la mortification du corps et la générosité des aumônes. De cette manière et au moins depuis le IXe siècle, l’Église avait constitué une cérémonie de bénédiction pour ceux qui entreprenaient le pèlerinage en leur octroyant symboliquement ces deux éléments.

Il y avait d’autres accessoires utiles pour le voyageur: la calebasse, lui servait à transporter ce qu’il buvait, et le chapeau, qui en fonction des saisons ou des pays était fait de différents matériaux ou formes, de sorte qu’il changeait aussi

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selon les modes de chaque époque. La pèlerine est un petit manteau, normalement en cuir, pour couvrir les épaules, tout en protégeant le thorax du froid et de la pluie. Normalement, elles étaient décorées avec de petites coquilles et des bourdons faits avec différents matériaux.

À partir du XIe siècle, l’utilisation de la coquille Saint-Jacques comme symbole du pèlerinage est toujours plus fréquent. Le sermon Veneranda Dies del Liber Sancti Iacobi (1135-1140) essaie de le justifier symboliquement comme emblème de la charité, en comparant ses côtes avec les doigts d’une main. Au début, les coquilles, naturelles ou faites en métal ou jais, pouvaient s’acheter autour de la cathédrale pour les emporter sur le chemin du retour comme un insigne qui certifiait que le pèlerinage avait été accompli.

Tous ces éléments apparaissent indistinctement sur les images de Saint-Jacques. Les vêtements et les accessoires des images de l’Apôtre reflètent, presque toujours, la mode de chaque époque ou de chaque pays. Le livre est toujours présent, fermé ou ouvert, en souvenir de sa mission apostolique. Il semblerait que les premières représentations de Saint-Jacques avec les éléments des voyageurs sont apparues au XIIe siècle tout au long de la route principale du Chemin.

LES TRANSFORMATIONS DES VETEMENTS ET LEUR REPERCUSSION SUR

L’ICONOGRAPHIE DE L’APOTRE SAINT-JACQUES As transformacións da indumentaria e o seu reflexo na iconografía do Apóstolo Santiago

Grâce aux images qui représentent l’Apôtre Saint-Jacques, nous pouvons observer la transformation constante des habits de chaque époque, non seulement pour ce qui est des compléments propres aux pèlerins ou voyageurs en général,

mais encore celle de tous les compléments qui s’utilisaient dans l’habillement de tous les jours. En plus, les vêtements sont différents en fonction de la climatologie propre à chaque endroit. Par exemple, le chapeau chaud en fourrure de martre avec lequel Saint-Jacques Pèlerin de Jean de Flandre est coiffé était plus habituel dans le Centre de l’Europe. Même si la tunique et le manteau prédominent dans les vêtements de l’Apôtre, ils s’adaptent aux innovations de chaque époque et, de cette manière, on peut voir des manches à revers, cols, casaques, ceintures, broches et différents types de chaussures et toute une diversité d’éléments provenant aussi bien des vêtements somptueux que populaires. Sans aucun doute, c’est les chapeaux qui présentent le plus de variations; on peut voir l’évolution qui va depuis ceux de type barrette du Moyen Âge jusqu’aux caractéristiques bords retournés du XVIIIe siècle.

Deux sculptures en bois, datant du XVe siècle environ sont une preuve singulière de cette adaptation des vêtements des images de l’Apôtre à la mode du moment. Les deux représentent des habits similaires, un pourpoint ou tunique longue qui va jusqu’aux pieds et un vêtement qui va par-dessus, appelé ropilla, tunique plus courte avec des manches aussi plus courtes et plus décolletées. L’utilisation en superposé de ces deux vêtements fut à la mode au XIVe siècle, parmi les bourgeois de Paris. Elle s’est vite étendue vers le centre et le nord de l’Europe; les images de Saint-Jacques habillées de la sorte commencèrent à être diffusées même en Scandinavie, Angleterre et Espagne. Pourtant, ces sculptures présentaient des modèles de chapeaux différents: celui type barrette à bord plié plus utilisé dans toute l’Europe, alors que celui aux bords retournés avec une finition en pointe était d’origine anglaise.

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Saint-Jacques pèlerin Atelier de Castille. Style hispano-flamand Fin du XVe siècle – début du XVIe siècle Bois sculpté, polychromé et doré Dépôt de J. Varela Villamar

Saint-Jacques pèlerin Jean de Flandre (1465-1519 env.) 1505-1519 Huile sur planche Réalisé probablement pour le retable de la Chapelle Universitaire de l’Université de Salamanque Dépôt du Musée du Prado

Saint-Jacques pèlerin École hispano-flamande Fin du XVe siècle – début du XVIe siècle Bois sculpté et polychromé

Saint-Jacques pèlerin Atelier de Castille (?) 2ème moitié du XVe siècle Bois de pin de Castille

Saint-Jacques pèlerin Probablement, atelier galicien Dernier quart du XIVe siècle – début du XVe siècle Bois de châtaigner polychromé

Saint-Jacques pèlerin Atelier galicien XIVe – XVe siècles Granit polychromé

Saint-Jacques pèlerin Atelier hispanique XVe siècle Bois doré et polychromé

Saint-Jacques pèlerin Atelier de Burgos 1500 env. Bois de chêne polychromé et avec des restes de doré

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Saint-Jacques pèlerin École espagnole. Style hispano-bourguignon 2ème tiers du XVe siècle Albâtre taillé, doré et polychromé

Saint-Jacques pèlerin Juan de Juanes (début du XVIe siècle – 1579) 1560-1570 Huile sur planche Réalisé pour l’église du Couvent de la Couronne de Jésus des Religieux de Saint François à Valence (Espagne)

Saint-Jacques pèlerin Atelier hispanique 1601-1625 Bois sculpté

Saint-Jacques pèlerin Atelier de Castille. Style romaniste 2ème tiers du XVIe siècle Bois doré et polychromé Dépôt de J. Varela Villamor

Saint-Jacques pèlerin XVIe siècle Bois sculpté

Saint-Jacques Pèlerin Probablement, atelier portugais Dernier tiers du XVIe siècle Albâtre taillé

Saint-Jacques Pèlerin 2ème tiers du XVIe siècle Bois avec des restes de doré Dépôt de J. Varela Villamor

Saint-Jacques Pèlerin Fin du XVIIe – début du XVIIIe siècle Bois sculpté, doré et estofado (technique faisant apparaître l’or se trouvant sous la peinture)

Haut relief de Saint-Jacques pèlerin Atelier galicien XVIe siècle Granit taillé et polychromé Provient des environs de Padrón

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Saint-Jacques Pèlerin Bernardo Lorente Germán 1ère moitié du XVIIIe siècle Huile sur toile

La représentation de ce Saint-Jacques pèlerin en buste répond aux caractéristiques stylistiques et aux techniques de la peinture religieuse de la fin du XVIIe siècle et début du XVIIIe siècle en Espagne. La composition en raccourci avec le regard vers le spectateur, entre autres, répond à ces critères; il s’agit d’une évolution depuis le type iconographique qui commençât à s’utiliser progressivement entre les XVIe et XVIIIe siècles dans les séries des apostolats, essentiellement. Mais les traits propres à cette époque sont le naturalisme des représentations et la profusion des fonds et les tons plus foncés de la palette picturale qui donnent aux œuvres un air de recueil dévot, spécialement soutenu par l’Église en pleine controverse contre-réformiste.

Bernardo Lorente Germán (1680-1759) fut un peintre de Séville qui s’est formé sous l’influence du peintre le plus important de cette ville, Bartolomé Esteban Murillo, même si la peinture de Lorente possède plus de force expressive. En raison de la qualité de ses œuvres, il a été très lié aux peintres qui travaillaient pour le roi Philippe V pendant son séjour à Séville; pour lui, il peigna un portrait de l’Infant Philippe. Proposé pour le poste de Peintre du Roi, il le refusa en raison de sa timidité et de son attachement à sa terre. Cependant, il n’a pas refusé, en 1756, sa nomination en tant que membre de l’Académie des Beaux-arts de Saint Fernand à Madrid.

Saint-Jacques pèlerin XVIIIe siècle Bois sculpté et polychromé

Saint-Jacques Pèlerin Atelier galicien 2ème tiers du XIXe siècle Bois polychromé Dépôt de J. Varela Villamor

SAINT-JACQUES CHEVALIER SANTIAGO CABALEIRO

La première mention explicite à l’Apôtre Saint-Jacques comme chevalier intercédant pour les troupes chrétiennes contre les musulmans apparaît dans deux textes de la première moitié du XIIe siècle. L’Historia Silense et le Liber Sancti Iacobi du Codex Calixtinus narrent la conquête miraculeuse de la ville de Coimbra en 1604 par Fernand I, grâce à l’aide de l’Apôtre. On découvre aussi le rôle guerrier de Saint-Jacques en tant que soldat du Christ -miles Christi-. D’après la tradition, Saint-Jacques aurait collaboré avec les chrétiens en 895 lors de la conquête de cette même ville. Plus tard, en 1125, le Privilegio de los Votos (Privilège des Vœux) est rédigé; c’est un document faux qui conte l’intervention de l’Apôtre en faveur de Ramire I lors de la bataille contre les musulmans, livrée soi-disant à Clavijo en 859. L’objectif à atteindre était la mise en place du Vœu de Saint-Jacques ou la donation obligatoire de

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céréales et de vin à l’Église de Compostelle de la part des paysans en paiement de l’aide reçue.

La justification de Saint-Jacques en tant que chevalier de Dieu se révèle déjà au VIIIe siècle dans un hymne liturgique du Commentaire à l’Apocalypse du moine Béatus de Liébana. On y parle de Saint-Jacques comme d’un protecteur du royaume hispanique face aux désastres et aux conquérants infidèles. Depuis le Xe siècle, les monarques encourageaient le Patronat de Saint-Jacques sur les royaumes hispaniques. Ce patronat à caractère politique et tradition miraculeuse est encouragé comme un élément bénéfique pour l’ensemble de la société qui est ainsi protégée par l’Apôtre. Les monarques invoquaient son aide non seulement pour être protégés lors des luttes contre les musulmans, mais encore contre toute sorte d’ennemis, y compris ceux qui existaient dans le royaume même. Le propre Ordre de Saint-Jacques fut fondé en 1170 par Fernand II comme une institution emblématique de la confrontation contre les armées mahométanes.

Celle qui est considérée comme la première représentation sculpturale de Saint-Jacques en chevalier (1220 environ) apparaît sur un tympan de la cathédrale de Compostelle. Il faut savoir que le chevalier était un rang social d’une grande importance au Moyen Âge, époque de conflits territoriaux et religieux. C’est, pour cette raison, une figure habituelle et quotidienne. Le fait d’associer les saints au titre de chevalier ou de soldat du Christ (Saint Demetrio, Saint Georges, Saint Millán…) était habituel dès les premiers moments du christianisme, en créant – comme le signalait déjà le Béatus de Liébana – les Armées du Ciel. Les chevaux sont toujours blancs, ils symbolisent ainsi la pureté, le corps du Christ. Alors que les cavaliers et le Seigneur apparaissent en Majesté. Ils

luttent pour libérer l’Humanité de la cruauté; on retrouve cette fonction déjà dans la mythologie de l’Antiquité Classique. Ce rôle est aussi attribué à Mahomet parmi les musulmans.

L’image militaire de Saint-Jacques se transforma avec le temps, en fonction des changements des causes défendues. Au départ, excepté dans certains documents, la représentation de Saint-Jacques comme Soldat du Christ est peu fréquente. À partir du XIVe siècle, l’image de Saint-Jacques Matamores s’étend, en reproduisant clairement les soldats musulmans sous le cheval. Même après la fin de la Reconquête en Espagne, la pression des turcs contre les territoires européens était intense, cette représentation acquiert alors une nouvelle signification. Depuis le règne de Charles Quint, l’iconographie de Saint-Jacques Matamores est incluse dans les programmes d’exaltation guerrière et triomphale de la monarchie espagnole, alors que l’empire avait atteint son niveau de pouvoir le plus haut. Elle fut aussi encouragée par l’Église de Compostelle comme emblème de la défense de ses privilèges. De cette manière, l’association entre le pouvoir politique et le religieux est définitivement consolidée à une époque où il y a une forte controverse avec les protestants. L’image de Saint-Jacques, Patron de l’Espagne, sera l’emblème de la légitimité du pouvoir y compris jusqu’au xxe siècle.

Saint-Jacques lors de la bataille de Clavijo Anonyme xviie-xviiie siècle Huile sur planche

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Reliquaire Médaillon central avec Saint-Jacques lors de la bataille de Clavijo XVIIIe siècle Bois de pin de Castille, polychromé et doré, et cuivre émaillé

Saint-Jacques lors de la bataille de Clavijo Anonyme XVIIe-XVIIIe siècle Huile sur toile

Saint-Jacques lors de la bataille de Clavijo École madrilène 2ème moitié du XVIIe siècle Huile sur toile Inscription des armoiries d’Alava au verso de la toile : «JUSTICIA CONTRA MALHECHORE » (Justice contre les Malfaiteurs)

Apparition de la Vierge du Pilar à Saint-Jacques Andrés de Riola, graveur (+1744) Dessin de Domingo de Andrade, architecte (1639-1712) Tirage de la planche originale sur cuivre de 1949 Inscription: «El Yllmo Sr. Dn Joseph de Yermo Arbpo y Sr deSto côcede 80 dias de Yndulga a quien rezare una Ave Mª delte deestaSª Ymagen de NS del Pilar». (Monsieur José de Yermo Archevêque et Seigneur de Saint-Jacques octroie 80 jours d’Indulgence à ceux qui prieront un Je vous Salue Marie devant cette Sainte Image de Notre Dame du Pilar).

Le lien entre Saint-Jacques et la Vierge est plus étroit et précoce que celui avec d’autres apôtres. Ainsi, lors de l’évangélisation de Saint-Jacques en Hispanie, la Vierge lui est apparue dans le but de le réconforter dans sa tâche si difficile. Il y a beaucoup d’autres traditions mariales qu’aucun autre apôtre n’a eues en Occident (apparitions à Muxia et Iria Flavia). La tradition mariale a toujours été présente dans le monde jacquaire et elle a été recueillie par Gonzalo de Berceo (1198?-1264?) dans Los Milagros de Nuestra Señora (Les miracles de Notre Dame), par Alphonse X le Sage (1252-1284) dans las Cantigas (Chansons) et le Livre II du Codex Calixtinus. Sur les chemins menant vers Compostelle, il y avait plusieurs églises consacrées aux différentes invocations mariales : Rocamadour, Vierge du Chemin, Pastoriza, Pèlerine, etc.

Cette scène est divisée en deux registres : l’inférieur représente la partie terrestre où l’on voit Saint-Jacques avec ses disciples vêtus de pèlerins se prosternant devant la Vierge ; au fonds, il y a une ville, probablement Saragosse. Le registre supérieur est la partie divine ; on n’y voit la Vierge dans le ciel entourée d’anges qui soutiennent la colonne sur laquelle, d’après la tradition, la Vierge déposait une image d’elle à l’endroit où un temple en son honneur devait être érigé.

La représentation iconographique de la Vierge du Pilar est fréquente en Espagne. Au XVIIIe siècle, le thème acquiert un caractère encore plus triomphal d’après la description de Sœur Marie d’Ágreda dans sa Cité Mystique de Dieu en 1701 qui est devenue très populaire. Cette image est un exemple singulier de ce nouveau traitement du thème dans le domaine de Compostelle.

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Saint-Jacques, protecteur et intercesseur par-devant la Vierge École espagnole XVIIe siècle Huile sur toile

La composition de ce tableau est divisée en trois registres horizontaux. L’inférieur représente l’espace terrestre, au centre il y a un moribond assisté par un prêtre et un sacristain. En relation avec le monde, il y a aussi des représentants de l’enfer: les démons et les protecteurs du monde divin, Saint Michet et Saint-Jacques, le rôle de ce dernier étant signalé par une inscription: «PROTECTEUR». Dans le registre intermédiaire, on voit la Vierge dans la Gloire des Cieux, entourée d’anges et de saints, parmi lesquels on peut signaler Saint Pierre, Saint Paul, Saint Jérôme, Saint Pierre Martyr et Saint Étienne. Le registre supérieur est occupé au centre par Dieu le Père, à sa droite le Christ et à sa gauche le Saint Esprit, c’est-à-dire la Trinité.

C’est une scène de l’ancienne tradition des représentations à caractère funéraire, où le moribond devait « rendre des comptes » par-devant les dieux. Voilà pourquoi les pattes du lit où il gît représentent les vertus cardinales et ses oreillers les théologales, ainsi que les bonnes œuvres, les pensées et les péchés. C’est une représentation à caractère moraliste et didactique, faite pour enseigner; voilà pourquoi, il y a de nombreuses inscriptions et étiquettes. C’est comme une sorte de rappel sur la vie et l’arrivée de la mort, commandé probablement par un dévot de Saint-Jacques.

Le rôle de Saint-Jacques, comme intercesseur auprès de la Vierge, est dévoilé ici de manière singulière en suivant une tradition qui a survécu pendant les premiers instants de son culte et qui apparaît déjà dans certains des miracles du Codex Calixtinus (XIIe siècle). Il fut toujours un intercesseur exceptionnel, parce qu’il ne recevait pas seulement des requêtes pour des maux spécifiques, comme les autres saints, mais plutôt pour tout et surtout pour prévenir la mort et la condamnation éternelle en sauvant le croyant des griffes du démon.

Saint-Jacques entouré de cyprès Dossier en d’une chaise du chevet Anonyme 1500 environ Bois, bas-relief

La représentation de Saint-Jacques entouré de deux arbres apparaît déjà dans la Façade de Platerías de la Cathédrale de Compostelle (1111-1116 environ). Dans le Liber Sancti Iacobi, ces arbres peuvent être identifiés comme des cyprès, même s’ils ressemblent plutôt à des palmiers. Ce bas-relief, isolé maintenant de son contexte primitif, faisait partie à l’origine d’une représentation générale de la Transfiguration du Christ. Là, dans le mont Tabor, Jésus convoque à nouveau Saint Pierre, Saint Jean et Saint-Jacques et le Père confirme que son Fils est le messie et il affirme qu’il mourra pour les hommes et qu’il ressuscitera d’entre les morts. Souvent, beaucoup de représentations de la Transfiguration du Christ se déroulent dans un paysage avec des palmiers et des cyprès en faisant référence aux terres palestiniennes.

Contrairement à l’image de Platerías, ici Saint-Jacques se montre avec tous les éléments propres aux pèlerins : la calebasse, la gibecière, le chapeau et le bourdon. Et, comme d’habitude, il porte le livre sacré. Des deux côtés, on peut voir des arbres avec des fruits, difficilement identifiables.

Dans la tradition des images et de la littérature médiévales, les cyprès et les palmiers étaient des arbres avec une signification sacrée. Dans un sermon inclus dans le propre Codex Calixtinus, Saint-Jacques est comparé à un palmier. Cette plante avait un caractère symbolique depuis l’antiquité, souvenir des terres riches et fécondes de la Mésopotamie. Les palmiers voulaient dire, dans le monde païen, la vie, la fertilité, l’immortalité et la victoire; cette symbologie a été assimilée par la religion chrétienne comme représentation du triomphe du martyr sur la mort, la résurrection du Christ, l’immortalité de l’âme, le salut et, surtout, comme symbole du Paradis Divin. D’un autre côté, le cyprès, arbre emblématique de l’immortalité depuis la nuit des temps, en raison de sa verdeur constante et de l’incorruptibilité de son bois, fut associé à la résurrection et au Paradis dans l’iconographie chrétienne.

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Saint-Jacques «tueur d’espagnols» Ateliers de Cuzco (Pérou) 2ème tiers du XIXe siècle Argent ciselé et gravé

Au XVIe siècle, immédiatement après la fin des confrontations entre les royaumes chrétiens et les musulmans, lors de la Reconquête, les espagnols entamèrent la découverte et la colonisation du Nouveau Monde. L’apôtre Saint-Jacques, imploration supérieure et emblématique pour les armées espagnoles, est invoqué à cette époque-là, aussi comme soutien lors de la lutte contre les indigènes américains. D’ailleurs, des légendes sur les apparitions de Saint-Jacques Chevalier dans certaines batailles sont nées, surtout pendant les premiers temps de la conquête et la colonisation. Mais, en Amérique, Saint-Jacques Chevalier souffrira une transformation iconographique complète en conséquence du mélange de la religion chrétienne avec les croyances des populations autochtones.

Pour les espagnols, le «Saint-Jacques Matamores» est devenu «Saint-Jacques Tueur d’Indiens», mais, en même temps, les peuples indiens dominés par les grands empires, comme les aztèques et les incas, ont comparé Saint-Jacques Chevalier avec leurs dieux guerriers. Par exemple: dans la région andine avec le dieu Illapa – l’éclair – en identifiant Saint-Jacques comme le Fils de l’Éclair des textes sacrés. De cette manière, la diffusion de la figure de Saint-Jacques fut encore plus fulgurante parmi les habitants indigènes ; c’est, pour cette raison, qu’il y avait de nombreuses églises consacrées à l’Apôtre et des villages qui portaient son nom -Santiago de Querétaro, Santiago de Chile, Santiago de Cuba, Santiago de Guayaquil…

À partir du XVIIe siècle, après avoir établi les possessions américaines, le «Saint-Jacques Tueur d’Indiens» s’est transformé à nouveau en «matamores» (Tueur de Mores) dans le but de fuir d’une iconographie outrageante pour les habitants autochtones. A posteriori, lors des aspirations indépendantistes des colonies au XIXe siècle, l’attachement

populaire à Saint-Jacques était si intense qu’il est devenu «Saint-Jacques Tueur d’espagnols» ou «Illapa libertador»; il est alors considéré comme un véritable protecteur des indiens. À ce moment-là, des légendes sur des apparitions commencèrent à surgir, mais cette fois-ci au bénéfice des peuples conquis face aux conquistadors.