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Résumé

La biologie de synthèse (BS) s'affirme depuis le milieu des années 2000 comme une nouvellefrontière techno-scientifique. Elle est fondée sur la progression rapide des connaissances enbiologie et en chimie du vivant et sur les convergences entre nanotechnologies et sciences dela vie et de l'information. La BS est définie comme l'ingéniérie de composants et systèmesbiologiques qui n'existent pas dans la nature ou de ré-ingéniérie d'éléments biologiquesexistants. La BS vise donc la conception intentionnelle de systèmes biologiques artificiels.

C'est un domaine en pleine émergence, caractérisé par l’incertitude portant sur la définitiondes objectifs, des objets et des enjeux de la BS. Cette incertitude est un atout essentiel pour lamise en débat de la BS et pour la construction d'un dialogue de société portant sur sadéfinition, sur ses enjeux et sur les priorités pour la recherche.

Afin de cerner les conditions de ce dialogue de société, ce rapport tire les principales leçonsdes expériences de débats sur les sciences et techniques émergentes (STE):

Leçon 1 - L'incertitude est une ressource essentielle pour le débat public Leçon 2 - Le « grand public » n'existe pasLeçon 3 – Les perceptions du public sont ambivalentesLeçon 4 - Le débat public sur les STE est un processus plurielLeçon 5 - Le débat public sur les STE est un processus qui s'inscrit dans la duréeLeçon 6 - Le débat doit viser l'ouverture des choix scientifiques et techniquesLeçon 7 - Toute initiative de débat s'inscrit dans un champ de forces (qu'elle peut contribuer àtransformer)Leçon 8 - Le débat public est une des composantes de la gouvernance de la BSLeçon 9 - Le cadrage des débats est fondamental

A partir de ces 9 leçons, le rapport formule des recommandations à l'adresse du MESR sousforme d’un scénario en trois étapes, correspondant à un engagement progressif de l’institutiongouvernementale.

Etape « sollicitation de la communauté scientifique »Un observatoire initié par le MESR suit en temps réel les débats et les prises de position sur ladéfinition des objets, des problèmes et des enjeux de la biologie de synthèse, en liaison avecla communauté scientifique. L’observatoire est adossé à une structure de référence en capacitéde mettre aussi en œuvre la collecte et le traitement de l'information (CNAM, Sciences Po,Universités, EHESS…).

Il sollicite les acteurs associatifs et industriels concernés afin de les informer et de recueillirleurs positions. Il diffuse régulièrement des informations sur ses activités (Site internet mis enplace par la structure de référence) et est ouvert à des propositions de participation d’acteursnon sollicités. Il analyse les positions du secteur et l’avancée de cette technologie émergente.

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A ce stade, l’implication des Alliances et, à travers elles, des organismes de recherche estindispensable.

En parallèle, le MESR met en place un groupe interministériel qui suit les travaux del’observatoire. Le groupe s’assure de la complémentarité et de la pertinence des actions desministères pour la construction efficace et légitime des objets, programmes et enjeux de labiologie de synthèse.

Etape « interaction avec les parties prenantes et des publics ciblés»En plus des missions précédentes, l’observatoire met en place un « Forum » permanentorganisé dans un lieu à définir (de préférence extérieur au MESR) et animé par unepersonnalité reconnue non liée au MESR. L'animation du Forum pourrait être confiée à unegrande institution d'enseignement, éventuellement la structure de référence qui a la charge desdimensions opérationnelles de l'observatoire (le CNAM, Sciences Po, Universités,EHESS…).

Le Forum est piloté par l’observatoire, assisté d’une équipe pluraliste comprenant desreprésentants d’autres ministères concernés, d’acteurs industriels et associatifs, et d’expertsextérieurs. L’équipe définit des questions à discuter lors de réunions publiques où desintervenants sont invités à s’exprimer et à dialoguer avec l’assistance. Les questions abordéesont trait à la construction des objets, des programmes et des enjeux de la biologie de synthèse.La sollicitation des organismes publics est étendue à ceux chargés de la normalisationindustrielle et de la réglementation.

Une restitution des débats est rendue publique et accessible sur le site internet del'observatoire.

Parallèlement, le MESR apporte un soutien à des initiatives de mise en débat portées par desacteurs concernés par la BS (organismes de recherche, associations professionnelles,association d'enseignants de biologie, acteurs associatifs,...).

Etape « initiation d’un débat public »En tant que pilote de la politique de recherche, le MESR met en place, en accord avec lesautres ministères, une stratégie d’élargissement du débat vers les citoyens, des dispositifs demise en discussion de la construction des objets, des programmes et des enjeux de la biologiede synthèse. Cette stratégie pourrait passer par l'organisation d'une Conférence de Citoyens.

Cette étape devra impérativement s'appuyer sur les connaissances et l'expérience del'observatoire et du forum.

Une sollicitation formelle de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques etTechnologiques (OPECST), du Conseil Economique, Social et Environnemental, de laCommission nationale d’éthique, peut être faite par l’ensemble du gouvernement.

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Table des Matières

1. Introduction p.5

2. Biologie de synthèse – enjeux pour le débat public p.5

3. Neuf leçons à tirer des expériences de débats publics sur les sciences et techniques émergentes p.17

4. Recommandations p.23

5. Annexes p.28

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1. Introduction

La stratégie nationale de recherche et d’innovation a identifié la biologie de synthèse commeune priorité, en raison de son fort potentiel économique dans les domaines de la santé, del’environnement, de l’énergie, de la chimie ou des matériaux.

Le MESR a mis en place un groupe de travail afin d’élaborer des recommandations poursoutenir l’émergence et accompagner le développement scientifique et technologique de laBiologie de synthèse, tout en prenant en compte les besoins économiques, mais également lesattentes éthiques et sociétales. Dans cette logique, l’une des propositions fortes du rapportrédigé par ce groupe de travail, présidé par François Képès, est de « promouvoir un véritabledialogue entre science et société ». La présente étude a pour objet de définir les actions àmettre en œuvre pour favoriser ce dialogue.

Il convient en premier lieu de revenir sur l'état actuel du développement de cette technologieémergente, sur les expériences de mise en débat dont elle fait l'objet dans différents pays etsur l'inscription de ces débats, en France dans le cadre plus large des relations science-société.

En second lieu, nous proposons de tirer les principaux enseignements des expériences dedébat public sur les sciences et techniques émergentes (STE) et des recherches en sciencessociales qui les ont accompagnées. Nous résumons ces enseignements en 9 leçons.

A partir de ce socle, nous formulons un ensemble de recommandations à l'usage du ministère.

2. Biologie de synthèse – enjeux pour le débat public

2.1. Les enjeux de la biologie de synthèse

La biologie de synthèse se constitue comme projet scientifique et technologique au milieu desannées 2000. Elle fait alors l'objet de différentes définitions proposées par des organisationsnationales ou internationales et notamment par le consortium européen Synbiology (Annexe1).Le rapport du groupe de travail présidé par François Képès propose une définition détailléeinspirée par celle de Synbiology, reproduite ci-dessous :1

1 Si elle est essentielle car elle permet de saisir l'enjeu de la biologie de synthèse, une telle définition ne doitpas induire en erreur. En tant que domaine émergent, la BS a un contour flou (par exemple, l'exclusion de la« biotechnologie classique » ne va pas de soi) et la définition de son mode opératoire en trois phasessuccessives est largement propositionnelle. Nous revenons sur ce point essentiel car ces questionsdéfinitionnelles (quels sont les objets, les projets et les enjeux de la BS?) doivent être au coeur des débats.

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- il n’empêchera en aucune manière les controverses sur l’opportunité même dudéveloppement de la biologie de synthèse (qui est un choix de départ).

- il sera d’autant plus utile aux pouvoirs publics souhaitant développer la biologie desynthèse qu’il contribuera à la construction efficace et légitime des objets, desprogrammes et des enjeux du domaine.

Cette situation particulière permet de reformuler un problème traditionnel en matière decontrôle de l’évolution scientifique et de « dialogue sur les choix techniques ». Formulé parDavid Collingridge en 19804, ce problème s’explicite ainsi : contrôler la technologie ouassurer un dialogue à son propos suppose que la technologie soit disponible pour avoir unebase pour la discussion. Mais si on attend le développement effectif de la technologie, alorsles marges de manœuvre sont beaucoup plus réduites, puisque la technologie est devenueinflexible, car les coûts économiques et sociaux pour changer la trajectoire sont à ce stade tropélevés.

Dans le cas de la biologie de synthèse, ce sont les objets, les programmes et les enjeux dudomaine qui sont à définir. En conséquence, il ne s’agit pas « d’attendre » le développementde la technologie, ni de chercher à le diriger sans information sur ces caractéristiques, mais deprofiter de la phase de constitution de la biologie de synthèse pour faire de la construction desobjets, des programmes et des enjeux l’objet des initiatives publiques de dialogue.

Les premières réflexions sur la biologie de synthèse ont pris la mesure de cette opportunité.Le rapport du groupe de travail présidé par François Képès recommande ainsi d’organiser un« dialogue sociétal » sur la biologie de synthèse, et propose de le faire en association avecdifférentes instances, notamment le groupe de travail « risques émergents » mis en place dansle cadre du Plan National Santé Environnement, l’Office Parlementaire d’Evaluation desChoix Scientifiques et Technologiques, les agences de financement et les Alliances. Cesorganismes sont des lieux où la construction collective des objets, des programmes et desenjeux de la biologie de synthèse est possible. Ce sont là de premières pistes, qui doivent êtreexplorées de façon plus conséquente, à la lumière des expériences connues de débats publicset d’évaluation des technologies d’une part, des possibilités d’action pertinente pour leministère de l’enseignement supérieur et de la recherche d’autre part.

2.2. Biologie de synthèse et débat public – que retenir desexpériences internationales?

Dans les pays où la biologie de synthèse est considérée comme stratégique, les dimensionssociales et éthiques sont identifiées comme un enjeu majeur. L'importance des enjeuxsociétaux est également perçue par les scientifiques qui promeuvent la biologie de synthèse.Cet intérêt se manifeste de plusieurs façons: (i) par des tentatives de prise en compte despréoccupations des publics dans la conception des technologies (par exemple: système « opensource » pour éviter les blocages liés aux brevets; « safety by design »); (ii) par une

4 Collingridge, David, 1980, The Social Control of Technology, New York, St Martin’s Press.

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intégration des questions sociétales dans les grandes Conférences Internationales (notammentles grandes conférences SB 1.0, 2.0, 3.0, 4.0, 5.0 à Stanford); (iii) par une intégration dechercheurs en sciences sociales dans certains laboratoires de biologie de synthèse (parexemple: SynBERC à Berkeley, Center for Synthetic Biology and Innovation CSynBI àLondres,...); (iv) par des sondages d'opinion et des dispositifs ponctuels de débat public.

De nombreuses expériences de dialogues avec la société sont initiées, à des niveaux trèsdifférents (du laboratoire au débat national) et selon des modalités variées. Nous nouslimiterons ici à l’étude de deux pays qui concentrent les investissements les plus importantsen biologie de synthèse, les Etats-Unis et le Royaume-Uni.5 Nous donnons une analyserelativement détaillée de ce dernier pays dans la mesure où c'est celui dans lequel lesinitiatives des autorités publiques ou des agences de recherche en faveur des dialogues desociété ont été les plus nombreuses.

Expérience aux USA

Aux Etats-Unis, c'est l'importance potentielle des enjeux sécuritaires (liés au bioterrorisme)qui sont le plus discutés. La perception du public ou son rôle dans la gouvernance des choixscientifiques et technologiques ne sont pas vraiment abordés, sauf par le biais du rôle desamateurs (DIYBio, garage biologists, Biopunks…). D'un côté l'image de l'amateur passionnétravaillant en dehors de structures officielles est utilisée pour promouvoir l'esprit ouvert etaventureux de la BS, et la vision d'une biologie facile à manipuler (« making biology easierfor anyone to engineer »). Certains suggèrent que ce mouvement serait capable de développerdes innovations plus originales que les institutions traditionnelles, et peut-être plus prochesdes attentes sociétales. Mais une telle vision soulève la question de l'utilisation potentielle deces connaissances et technologies par des personnes mal intentionnées. Les acteursscientifiques et politiques cherchent donc à trouver un équilibre entre l'ouverture de la BS àtous et la nécessité d'empêcher l'accès aux personnes aux mauvaises intentions. La questiondes risques sanitaires est aussi abordée, ainsi que des questions philosophiques liées à "lacréation de la Vie". Mais il s'agit pour l'essentiel de débats d'experts qui donnent lieu à lapublication d'articles et de rapports qui ne circulent pas au-delà d'un cercle restreint d'acteursproche de la BS. Le Woodrow Wilson International Center for Scholars concentre une série deces initiatives, et publie par exemple:

. "New Life, Old Bottles: Regulating First-Generation Products of Synthetic Biology" (mars2009)

. "Ethical Issues in Synthetic Biology: An Overview of the Debates" (juin 2009)

. "Trends in Synthetic Biology Research Funding in the United States and Europe" (juin 2010)

. Une carte du monde disponible sur leur site web indiquant les centres d'activité de la BS("Mapping the Emerging Synthetic Biology Landscape")

5 L'annexe 2 donne également un bref aperçu de la situation aux Pays-Bas.

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Une autre initiative a eu un assez fort impact médiatique: l'étude commanditée par lePrésident Obama en mai 2010 (suite à l'annonce de Craig Venter à propos de la création d'unecellule synthétique) à la Commission bioéthique (Presidential commission for the study ofbioethical issues). Cette commission, composée de 13 experts en sciences, éthiques etsciences politiques, a organisé des auditions publiques (disponible sur son site web) denombreuses parties prenantes et publie son rapport en décembre 2010.

Ces initiatives cherchent donc à prendre en compte des problèmes soulevés par les chercheurset autres experts, et l'on se tourne vers les spécialistes pour y répondre. La notion du public estseulement abordée par le biais d'un sondage d'opinion financé en 2009 par le Woodrow WilsonCenter (fondée sur le format de l'Eurobarometre)6.

Comme au RU, la participation de chercheurs en sciences sociales est incluse en amont danscertains centres de recherche, notamment SynBERC qui consacre dés le départ l'une des sesquatre sections ("thrusts") aux questions sociétales sous la direction du Prof. Paul Rabinow.Le rôle de cette section et son enchâssement avec le reste des activités de recherche deSynBERC est toutefois très problématique. En 2008, Paul Rabinow et son collègue GaymonBennett ont publié un livre en ligne décrivant leurs difficultés à être pris en comptesérieusement par leurs collègues scientifiques et ingénieurs.7 Fin 2010, il a été démis de safonction de Directeur de la section et remplacé par Drew Endy, ingénieur fondateur du champde la BS. Cette controverse est récemment devenue publique et a fait l'objet d'un article dansle New York Times8 lorsque Rabinow s'est exprimé dans un journal local en octobre 2011.9

Expérience du Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, les acteurs scientifiques et politiques sont très marqués par la controversesur les OGM, qui est largement interprétée comme un fiasco qu'il faut à tout prix éviter derépéter. Parmi ces acteurs, il existe un assez large consensus autour de l'idée qu’une attentionportée aux inquiétudes du public "en amont" des développements scientifiques etcommerciaux aurait permis d’éviter la « débacle des OGM ». Ainsi, depuis une dizained'années le concept du "upstream public engagement" domine les discussions sur les rapportsentre science et société; notamment après la publication d'un important rapport parlementaire10 et la diffusion du concept par le Think tank Demos11. En 2007 le gouvernement fonde le

6 "Awareness & Impressions Of Synthetic Biology: A Report Of Findings Based On A National SurveyAmong Adults", Conducted On Behalf Of: Synthetic Biology Project The Woodrow Wilson InternationalCenter For Scholars.

7 Rabinow, P. and Bennett, G. (2008) Synthetic Anthropos. Designs for Human Practices.http://okapi.dreamhosters.com/ars_synthetica/archive/files/synthetic_anthropos_5671996dee.pdf

8 http://www.nytimes.com/2011/10/23/us/synberc-fight-raises-national-security-issues.html? pagewanted=2&_r=1&sq=rabinow&st=cse&scp=1

9 "Berkeley Scholar Raises Alarm on Synthetic Biology", The Bay Citizen, 22/10/2011.http://www.baycitizen.org/science/story/berkeley-scholar-raises-alarm-synthetic/

10 House of Lords Select Committee on Science and Technology (2000) "Science and Society". London:House of Lords, 23 February 2000.

11 Wilsdon, J. and Willis, R. (2004) "See-through Science. Why public engagement needs to move upstream."London: Demos. Pour une analyse critique de cette vision, voir: Joly, P. B., Kaufmann, A. (2008). "Lost intranslation? - The need for "upstream engagement" with nanotechnology on trial." Science as Culture, 17(3):225-248.

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Sciencewise Expert Ressource Centre, qui a pour mission de promouvoir (par co-financements et apport d'expertise) des initiatives de "public dialogue" (dialogue public) pourles sciences et technologies émergentes12. Il est financé par le Ministère Business, Innovationand Skills (responsable de la recherche, des universités, et de l'innovation).

Il est utile de s'attarder un instant sur le vocabulaire utilisé en France et au RU. Alors qu'enFrance on parle de "débat public", au RU on parle de "public engagement" et de "publicdialogue". Ces termes délimitent des concepts beaucoup plus restreints, qui focalisentl'attention sur l'idée d'un "grand public" qui devrait "s'engager" ou "dialoguer" avec lessciences et techniques. Parler de "débat" (debate) au RU aurait une toute autre connotation,qui soulignerait la possibilité de confrontations entre opinions diverses sur les sujets enquestion.

L'influence de Sciencewise est importante. En quelques années la nécessité et légitimité dupublic dialogue se répand au sein d'institutions scientifiques et gouvernementales. En mêmetemps, une méthodologie particulière (et la nomenclature "Dialogue") s'impose pour leurconduite, fondée sur les focus groupes (groupes de discussions) avec des participants non-impliqués, recrutés sur des critères de diversité des facteurs sociaux-économiques. Certainsanalystes13 regrettent ce manque de diversité et l'absence de dispositifs fondés sur différentesinterprétations de l'upstream public engagement, moins focalisées sur la participation demembres du public non-impliqués et mieux ancré dans la gouvernance des choix scientifiqueset techniques.

L'importance de la perception du public et des dimensions éthiques, légales et sociales("Ethical, Legal and Social Issues", ELSIs) pour la BS est discutée au sein du Biotechnologyand Biological Sciences Research Council (BBSRC) dès 2006. En 2008 l'agence publie unrapport sur les enjeux sociaux et éthiques de la BS, rédigé par deux sociologues dessciences14. En 2007, lorsque quatre agences décident de financer (£890k) des réseaux dechercheurs en BS15, ils insistent sur l'importance d'y associer des chercheurs en sciencessociales et humaines afin de prendre en compte les implications légales, sociales et éthiques(« ELSI ») en amont des développements scientifiques et techniques, ainsi que surl'importance du public engagement. Une trentaine de chercheurs en sciences humaines etsociales participent aux sept réseaux. De même, lorsque l'Engineering and Physical SciencesResearch Council (EPSRC) décide en 2009 de financer un centre de recherche sur la BS (pourun montant de £4.7M), il exige la participation de chercheurs en sciences sociales et l'équipegagnante est une collaboration entre Imperial College London et le BIOS Centre à la LondonSchool of Economics16.

12 http://www.sciencewise-erc.org.uk/cms/about-us/13 Chilvers, J. (2010) "Sustainable participation? Mapping out and reflecting on the field of public dialogue on

science and technology". Harwell: Sciencewise Expert Resource Centre.14 Balmer, A. and Martin, P. (2008) "Synthetic Biology: Social and Ethical Challenges". An independent review

commissioned by the BBSRC. University of Nottingham.15 http://www.bbsrc.ac.uk/funding/opportunities/2007/synthetic-biology.aspx. Les quatre agences sont: BBSRC

pour la biologie et biotechnologie, EPSRC pour les sciences physiques et de l'ingénieur, ESRC pour lessciences sociales, AHRC pour les sciences humaines et les arts.

16 http://www3.imperial.ac.uk/syntheticbiology

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Le rôle de ces chercheurs en sciences sociales est ouvert à diverses interprétations:Représentants du grand public? Aides à l'acceptation publique? Partenaires dans la co-construction de recherches et d'innovations techniquement et socialement robustes? Critiquesexternes? En 2010 l'ESRC finance d'ailleurs une série de séminaires pour débattre de cesquestions17. La nature et l'objectif des collaborations entre chercheurs scientifiques/ingénieurset sciences sociales restent donc à ce jour flous et sujets à débats au RU, mais pas aussicontroversés qu'aux Etats-Unis.

En parallèle de ces initiatives des agences de financement de la recherche publique, lesacadémies des sciences et des ingénieurs (Royal Society et Royal Academy of Engineering)organisent diverses discussions et consultations sur la BS, notamment:

Nov 2007 "Call for views" (Royal Society)

Juin 2008: Discussion Meeting (Royal Society) 18

Mai 2009: Publication par la Royal Academy of Engineering d'un rapport sur la BS quiconsacre une chapitre entier (sur 4) aux enjeux éthiques, sécuritaires, sanitaires, et liés à lapropriété intellectuelle; et recommande l'enchâssement du public engagement dans lesprocessus de recherche et d'innovation19.

La Royal Academy of Engineering commande un premier Dialogue d'échelle réduite en 200820

qui comprend des focus groups (groupes de discussion) et un sondage d'opinion; mais c'estfinalement en 2009 que les deux grandes agences de financement de la recherche (BBSRC etEPSRC) initient le « Synthetic Biology Dialogue ».21

Le Dialogue est conduit par le Cabinet de marketing TNS-BMRB et comprend une phased'entretiens avec 41 parties prenantes, suivie d'une phase d'ateliers avec des « membres dupublic ». La méthodologie des ateliers est dérivée de celle des focus groups. 16 groupes de 10personnes, représentatifs de la diversité socio-économique de la population, sont recrutés dans4 villes (Londres, Edimbourg, Llandudno, Newcastle). Chaque groupe se réunit à 3 reprises: . Atelier 1: impact des sciences et des techniques sur la vie quotidienne et possibilités deréguler les nouvelles technologies;. Atelier 2: perception de la biologie de synthèse et conceptions de la gouvernance et desinstruments de politique publique, réglementation et financement;. Atelier 3: impacts potentiels de la biologie de synthèse, questions sociales et éthiques etdéfinition des conditions de son développement (y compris question des limites de larecherche)

17 http://www.genomicsnetwork.ac.uk/seminarseries/18 http://royalsociety.org/policy/projects/synthetic-biology/discussion-meeting/19 Royal Academy of Engineering (2009). "Synthetic Biology: scope, applications and implications". London:

Royal Academy of Engineering.20 Royal Academy of Engineering (2009). "Synthetic Biology: Public Dialogue". London: Royal Academy of

Engineering.21 Bhattachary, D., Pascall Calitz, J., Hunter, A. (2010). Synthetic Biology Dialogue, London: TNS-BMRB.

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Un rapport de 90 pages rend compte du Dialogue et résume les résultats. Parmi les leçonstirées par les participants, on retiendra ici deux éléments qui sont très significatifs pour touteinitiative gouvernementale:

. questionnés sur les thèmes qu'il faudrait traiter à l'avenir, les participants citent la question dela distribution sociale des impacts de la biologie de synthèse (Qui perd? Qui gagne?), lacrédibilité des systèmes réglementaires et l'identification des erreurs et des défaillances;. questionnés sur le futur rôle des dialogues publics, les participants soulignent la nécessité deles intégrer dans la gouvernance de la biologie de synthèse et identifient différentes activitésou organisations où les conceptions du public devraient être intégrées:

« Ultimately the progress of synthetic biology is conditional, and the participantswere concerned their views would be ignored. Future dialogue is not just about talkingto the public in processes like this; it is also about embedding public views on syntheticbiology in the cultures and practices of research. Participants have highlighted where thismay take place: during funding; in training; in the day-to-day activities of researchers; ininnovation and R&D processes; and in regulatory systems. »22

Ce rapport est publié en 200 exemplaires qui sont distribués aux chercheurs et autres partiesprenantes impliqués, ainsi qu'aux médias et parlementaires. Des analyses de citations réaliséespar les évaluateurs révèlent 96 citations (tous médias confondus, y compris www) qui sonttoutes liés de très prés aux organisateurs et participants du Dialogue (citations sur leurspropres sites web et revues scientifiques spécialisées) ce qui suggère une faible diffusion au-delà d'un cercle restreint d'acteurs fortement liés au développement de la BS.23

D'après les évaluateurs et nos propres observations, de nombreux chercheurs en BS, ycompris certains qui ont participé à un atelier de suivi organisé par BBSRC et EPSRC enfévrier 2011, admettent ne pas avoir lu le rapport. D'autres disent qu'ils ne l'ont pas lu en détailcar ils l'on trouvé peu lisible. Ainsi, c'est le fait de la réalisation du Dialogue plutôt que ledétail et les implications des conclusions qui est retenu. Pour un participant expert (quelquepeu cynique) cité par les évaluateurs, ceci est même peut-être la valeur essentielle dudispositif:

"In terms of value for money, I mean a lot of value in these dialogues is the political value ofbeing able to say we did one."24

Un résumé des résultats beaucoup plus succinct (10 pages) est publié en février 2011 par leBBSRC, EPSRC et Sciencewise25. Ce rapport est plus facilement lisible par une audiencelarge, et focalise sur l'implication des résultats pour la gouvernance des choix scientifiques ettechnologiques, au moins au sein des agences de financement. Mais sa publication tardive etle manque de financement pour sa diffusion (non prévu dans le budget original) limiteconsidérablement son influence potentielle.22 Ibidem, p.89.23 Grant, L. and Gardiner, C. (2011) "Synthetic Biology Dialogue Report Follow up Evaluation Report".

London: LauraGrantAssociates, April 2011. http://www.bbsrc.ac.uk/web/FILES/Reviews/synbio-dialogue-evaluation-final.pdf

24 Ibidem, p.43.25 http://www.bbsrc.ac.uk/web/FILES/Reviews/synbio_summary-report.pdf

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Cette expérience a fait l'objet d'un très fort investissement à la fois institutionnel (forteimplication du BBSRC et de l'EPSRC) et méthodologique (participation de chercheurs ensciences sociales qui ont aidé à la conception du dispositif et des ateliers). Le coût duDialogue s'élève à £334 000, dont £230 000 apportés par Sciencewise et le reste par BSSRCet EPSRC26. Ces coûts peuvent être mis en perspective par rapport au financement de larecherche publique au RU en BS entre 2005 et 2010, qui est estimé à £18-33 million.

Le processus est riche d'enseignements, notamment parce que l'initiative a fait l'objet d'uneévaluation sérieuse, publiée en deux étapes.27 On n'en saisit donc que plus clairement leslimites d'une approche fondée sur la conception d'un public indifférencié qui pourraitexprimer ses visions et ses préoccupations sur un domaine technologique émergent.

Les résultats des délibérations sont finalement assez décevants. Ils sont à même de rassurer lespromoteurs de la technologie car ils expriment un soutien, à condition que les débordementséventuels soient évités par une réglementation adéquate, mais ces conclusions généralessuivent de très près les formulations déjà présentes chez les concepteurs des programmes desoutien à la biologie de synthèse.

Au fond, le dialogue ne contribue pas substantiellement à la définition des objets, desprogrammes et des enjeux, ce qui est le point central à prendre en charge pour assurer uneconception efficace et légitime de la biologie de synthèse.28

2.3. BS et débat public dans le contexte français

La Stratégie Nationale de Recherche et d'Innovation (SNRI 2009) met l'accent sur le dialogueavec les différents publics et les parties prenantes comme condition de la création d'unenvironnement favorable à l'innovation

« Une société ouverte et en mouvement est une société de création et d’initiative, génératriced’opportunités, qui remet en cause ses codes anciens. Les dynamiques à l’œuvre impliquentdes recompositions complexes des liens sociaux associant des formes nouvelles et anciennes.Elles requièrent de prendre en compte les dimensions individuelles, collectives et structurelleset de maîtriser les risques.

Cette nouvelle donne impose de créer un environnement propice pour assurer les conditions dela confiance : associer les parties prenantes à la définition des stratégies de recherche et de

26 Grant, L. and Gardiner, C. (2011) "Synthetic Biology Dialogue Report Follow up Evaluation Report".London: LauraGrantAssociates, April 2011. http://www.bbsrc.ac.uk/web/FILES/Reviews/synbio-dialogue-evaluation-final.pdf

27 Grant, L., Williams, B. (2010). Synthetic Biology Dialogue Interim Evaluation Report, London: Laura GrantAssociates et0 Grant, L. and Gardiner, C. (2011) "Synthetic Biology Dialogue Report Follow up EvaluationReport". London: LauraGrantAssociates, April 2011

28 Dans l'annexe 3, nous proposons une analyse de l'expérience anglaise au prisme des 9 leçons tirées desexpériences des débats publics sur les sciences et techniques émergentes présentées dans la partie 3. Jusqu'àprésent, les initiatives prises par les autorités publiques ou par les agences de recherche ne prennent que trèsmarginalement en compte de tels enseignements.

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programmation nationale ou locale ; garantir la transparence ; développer les réflexions sur ladéontologie et les questions d’éthique ; conforter la pratique de l’expertise publique ;développer le goût pour les sciences et la culture scientifique, dès l’école et tout au long de lavie ; faciliter les débats sur les controverses concernant la science ou la technologie ; stimulerla recherche sur les relations sciences-sociétés. » (SNRI 2009:24)

Cette nouvelle perspective s'inscrit dans la substitution du paradigme sciences EN société auparadigme science ET société.29

C'est donc dans ce contexte général qu'il convient de considérer l'enjeu du dialogue sur labiologie de synthèse. Il s’agit de suivre l’esprit et les attentes d’un recours devenu nécessaireau « dialogue avec la société », tout en s’interrogeant sur les façons de construire de façonefficace et légitime les objets, les programmes et les enjeux de la biologie de synthèse.

A bien des égards, la réflexion sur la biologie de synthèse peut s’appuyer sur le précédent desnanotechnologies. En effet, les nanotechnologies sont elles aussi le produit d’initiatives depolitique scientifique associant des objets dont la définition est incertaine, des programmes dedéveloppement futur, et des enjeux sanitaires ou éthiques. C’est ainsi que les dispositifs desoutien aux nanotechnologies définissent des publics à informer ou impliquer d’une façon oud’une autre.Même si l'écart entre les discours et les pratiques est parfois considérable, lesnanotechnologies font l’objet d’une stratégie de “développement responsable”. Dans ce cadre,les pouvoirs publics et les principaux acteurs industriels ambitionnent de prendre en compteles risques éventuels et les problèmes éthiques ou sociaux des nanotechnologies dans laformulation des programmes de soutien au domaine. Les objectifs généraux sont donc prochesdes ambitions des pouvoirs publics à propos de la biologie de synthèse.

Le cas des nanotechnologies permet de tirer quelques leçons générales :

• La contestation globale du choix de développement des nanotechnologies a été forte(elle l’est toujours). Elle s’est manifestée en particulier lors du débat national organiséen 2009 par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Le choix dudéveloppement de la biologie de synthèse n’a aucune raison d’échapper à cettecritique.

• Les discussions sur la définition des nanomatériaux posent des questions politiquesimportantes. En effet, définir le caractère « nano » des substances et des produits, c’esttracer une limite entre ce qui est ou sera soumis à des contraintes supplémentaires (parexemple la déclaration obligatoire) et ce qui ne le sera pas. A cet égard, les initiativesfrançaises (projet de norme « développement responsable des nanotechnologies » àl’AFNOR, projet de déclaration obligatoire des « substances à l’étatnanoparticulaire ») ont donné (et donnent encore) lieu à des débats entre industriels,associations et pouvoirs publics. La normalisation industrielle constitue donc un lieu

29 Voir notamment sur ce point le rapport du Groupe d'Experts sur la Gouvernance de la Science pour laCommission Européenne: Wynne, B., Felt, U. et al. (2007). Taking European Knowledge Society Seriously,Bruxelles: Commission Eur, DG Recherche et Sirling, A. (Rapporteur) (2006). From Science and Society toScience in Society: Towards a Framework for 'co-operative research', Bruxelles: Commission Eur, DGRecherche.

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de débat où des acteurs qui ont des perspectives très différentes contribuent à lacaractérisation des objets dans une perspective de développement responsable.

• Les programmes de soutien aux nanotechnologies ont été marqués par uninvestissement public important, parfois en contradiction avec les objectifs affichés demise en discussion publique. Par exemple, le lancement du programme NanoInnov aété annoncé publiquement peu avant l’ouverture du débat public national sur lesnanotechnologies, ce qui a affaibli la crédibilité et la légitimité du dispositif.

• Les modalités du développement responsable des nanotechnologies ont été discutéesdans le cadre du Nanoforum (voir Encart 1). Le Nanoforum, piloté par le CNAM etsoutenu par la Direction Générale de la Santé, a consisté en une série de réunionspubliques rassemblant industriels, fonctionnaires, acteurs associatifs et scientifiques,lors desquelles la pertinence des instruments de contrôle des nanotechnologies (parexemple évaluation risque bénéfice ou étiquetage) a été discutée. Le Nanoforum apermis de multiplier les contacts entre acteurs des pouvoirs publics, de l’industrie etdu monde associatif. A ce titre, il a contribué à définir la position française en matièrede développement responsable des nanotechnologies.

Encart 1. Un exemple de forum hybride sur les STE: le Nanoforum organisé au CNAM

Le Nanoforum a été organisé de 2007 à 2009 au Conservatoire National des Arts et Métiers, dans lecadre d’une convention passée en mai 2007 avec la direction générale de la santé (DGS).

Le Nanoforum a donné lieu à l’organisation de plusieurs réunions publiques, préparées par un comitéde pilotage comprenant les administrations, les agences sanitaires, des chercheurs et des associations.Ces réunions étaient animées par William Dab, professeur au CNAM et ancien directeur général de lasanté, qui présidait également le comité de pilotage.

Les principes de base pour l’organisation des réunions du Nanoforum ont été les suivants:

- Permanence: de 2007 à 2009, une quinzaine de réunions publiques ont été organisées. - Pluralité : les réunions cherchaient à faire participer une diversité d’acteurs. - Ouverture scientifique : le Nanoforum cherchait à mettre en lumière les incertitudes et lescontroverses scientifiques.- Liberté de parole : les participants pouvaient librement exprimer leur point de vue. - Transparence : le CNAM, responsable de l’organisation du débat et de son déroulement, s’assurait dela transcription et de la diffusion des échanges.

Le Nanoforum a permis de mettre en lumière les problèmes liés au repérage et à la caractérisation dessubstances et des produits « nano ». La large diffusion des comptes rendus des échanges a permis unebonne diffusion d’informations.

Le Nanoforum a contribué à expliciter la position des acteurs français en matière de développementresponsable, qui s’est opérationnalisée dans d’autres instances (notamment l’AFNOR, où un projet denorme de développement « nano responsable » est en cours, et l’International StandardizationOrganization, où la France conduit un projet de gestion de l’incertitude liée aux nanomatériaux fondésur le « control banding »).

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Par ailleurs, le Nanoforum a été un lieu au sein duquel des acteurs de la société civile ont pus’exprimer. L’organisation des réunions par le comité de pilotage a donné lieu à de nombreux échangesentre acteurs associatifs et représentants de l’administration. Les séances publiques elles mêmes ontfréquemment donné la parole à des acteurs associatifs et industriels.

On constate ainsi que le Nanoforum n’a pas été un lieu d’informations pour le grand public, mais uneopportunité pour des publics concernés par les nanotechnologies (participant à son développementdans les administrations ou l’industrie, ou mobilisés sur le sujet dans les milieux associatifs) de serencontrer, de faire entendre leur position, et, au final, d’initier la définition d’une stratégie dedéveloppement responsable des nanotechnologies.

3. Neuf leçons à tirer des expériences de débats publics sur lessciences et techniques émergentes

Il est illusoire de proposer une démarche « clé en main » pour organiser le dialogue avec lasociété sur la biologie de synthèse. Par contre, considérant les expériences antérieures et lestravaux des sciences sociales au cours des 20 dernières années, nous en savons assez pourtirer les enseignements principaux en la matière. Nous proposons de retenir 9 leçons sur lesdébats publics sur les sciences et techniques émergentes (STE). Ces leçons s’adressent auxpouvoirs publics impliqués dans l’organisation de dispositifs visant à mettre en place un débatsur la BS.

Avant d'énoncer ces leçons, il est nécessaire de définir les principales notions utilisées:

Débat public

Le débat public est constitué d'un ensemble hétérogène d'interactions (plus ou moinsconflictuelles, plus ou moins consensuelles, à différentes échelles, concernant des ensemblesd'acteurs différents, ...) dans différentes arènes publiques (débats parlementaires, comitésd'expertise, comités de normalisation, débats locaux aux initiatives diverses, campagnes depresse, boycotts, destructions d'essais, procès,...).

Initiatives gouvernementales de débatIl s'agit d'initiatives ponctuelles dont les objectifs, les modalités d'organisation et l'articulationavec les décisions ou la gouvernance de la science et de la technique doivent être précisémentet explicitement définis. En France, la forme la plus traditionnelle est celle des EtatsGénéraux. Mais les dispositifs de débat se sont considérablement enrichis au cours des 20dernières années: débats publics de la CNDP, Conférences de citoyens, Jurys citoyens,sondages délibératifs,...

Forums hybridesCette expression a été d'abord proposée par Michel Callon et Arie Rip pour désigner des lieuxde débats ouverts dans lesquels des acteurs plus ou moins spécialisés peuvent interagir sur leschoix scientifiques ou techniques.30 Les forums hybrides sont associés à des formes

30 Callon, M., Rip., A. (1992). Humains, non-humains : morale d'une coexistence. In La Terre outragée.Les experts sont formels, edité par J. Theys and B. Kalaora 140-156. Paris : éditions Autrement.

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d'expertise pluraliste où l'accent est mis sur la mise en débat des hypothèses implicites quifondent les choix scientifiques et techniques, sur la diversité des façons de connaître, desintérêts et des positions, sur la reconnaissance des différences, sur la variété des choixpossibles,... L'idée sous-jacente est que la mise à l'épreuve des énoncés scientifiques et despositions (politiques) permet de produire des connaissances plus robustes.

1. L'incertitude est une ressource essentielle pour le débat public Les STE produisent des entités nouvelles (cellules souches, nanomatériaux, cellules« synthétiques »,...) qui ont un potentiel de transformation fort: propriétés physiques,chimiques et biologiques nouvelles, changement des connaissances et des représentations duvivant, applications dans des domaines divers, appropriation des connaissances et des« matériaux biologiques », nouveaux risques potentiels,... Mais dans les premières phases, lesSTE constituent des objets flous, aux contours incertains. Il pourrait alors sembler naturel deprocéder en deux temps:

« Que les experts définissent la BS et ses enjeux. Nous pourrons ensuite organiser le débatpublic. »

Au contraire, le débat public doit s'emparer de ces questions définitionnelles car elles sont denature à la fois cognitive et politique. Proposer de développer la biologie de synthèse, c'estprendre une position sur des enjeux de politique scientifique. Cette position est informée parun diagnostic de l'état des connaissances et par une conception des enjeux techniques,économiques, sociaux et politiques. La BS n'est ni une science ni un objet politique; elle estun objet scientifico-politique. La définition de la BS est donc un objet du débat public,probablement le premier enjeu du débat.

Comme les objets de la BS ne sont pas caractérisés de façon uniforme, et les programmes dedéveloppement en cours de définition, tout l'intérêt d'un débat est précisément de se penchersur les meilleures façons d'effectuer ce travail de définition.

2. Le « grand public » n'existe pasTrop souvent, la tentation est de faire appel à un « grand public » qui pourrait donner son avissur une question.

Ceci pose plusieurs difficultés.

D’une part le « grand public » n’est pas une catégorie toute faite. Il est mis en forme par desinstruments, au premier rang desquels les sondages d’opinion. Lorsque des questionstechniques sont concernées, le « grand public » n’est le plus souvent qu’une entité abstraite.

D’autre part, il n’y a pas un mais des « publics ». L’appel au « grand public » est souventopposé à la participation de « parties prenantes », industries ou associations. Mais dans le casde problèmes relatifs à des entités mal définies (ce qui est typiquement le cas de la BS), lasociologie a montré que des publics se constituent à mesure que des problèmes apparaissent.

On peut donc parler de « publics de la BS », pour désigner l’ensemble des groupes constituésà mesure que les objets, programmes et enjeux de la BS sont définis. Ces groupes peuventémerger spontanément, mais une initiative de dialogue peut viser à faciliter leur constitution.

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3. Les perceptions du public sont ambivalentesIl est tentant de considérer que les perceptions par le public du développement scientifiquesont faussées par la circulation d’informations inexactes dont l'accélération est renduepossible par Internet et autres nouveaux médias. Mieux informer le public permettrait alorsd’assurer la confiance à l’égard des choix technologiques.

De nombreuses études quantitatives et qualitatives des expériences de controverses récentes(notamment liées aux OGM) mettent à mal ce présupposé.31 On constate ainsi que lapropension à la critique augmente avec le degré de connaissance technique, tandis que ledéficit de confiance est moins lié à l’incertitude elle-même qu’à un scepticisme envers lescapacités des pouvoirs publics à l’expliciter et à la gérer. Il apparaît ainsi que le refus par lespouvoirs publics d’admettre l’incertitude et la nécessité de la traiter est perçu trèsnégativement.

Pour la BS, cela signifie qu’informer le public ne suffira pas à éteindre les questionnements. Ilest préférable de considérer que l’explicitation de l’incertitude contribuera à assurer laconstruction efficace et légitime des choix publics.

4. Le débat public sur les STE est un processus plurielOn ne devrait pas décliner le débat public au singulier car ce dernier consiste dans unensemble hétérogène d'interactions dans différentes arènes publiques. La pluralité du débatpublic est un élément essentiel car elle permet de mettre au jour une variété de choix possibleset de les examiner sous des perspectives différentes.

L'une des dimensions de la pluralité du débat public réside dans les multiples échellesd'appréhension de la BS: débat de politique nationale, débat autour d'une installation à risquesou autour d'une application potentielle, débat sur les accords internationaux. Cette articulationd'échelles est essentielle. Idéalement, ces multiples débats devraient s'agencer selon unprincipe de subsidiarité afin que soient discutés les bons enjeux aux niveaux pertinents. Celan'a pas toujours été le cas lors d’expériences précédentes, soit parce que les initiateursn'avaient pas une conception claire de cette articulation d'échelles, soit parce que lesparticipants aux débats contestaient les principes de subsidiarité qui limitent l'étendue desdébats aux échelles locales.

Le second élément important dans la conception du débat comme un processus plurielconsiste dans l'articulation entre les débats d'initiative gouvernementale et les autres formesd'interactions dans des arènes publiques. Comme le montrent les cas des OGM et desnanotechnologies, les initiatives d'organisation des débats sont diverses, y compris au sein desorganisations publiques. Concernant la BS, le gouvernement ne doit pas nécessairementprendre une initiative de grande ampleur. Il peut soutenir l'organisation de débats à l'initiatived'autres acteurs (notamment organismes publics, universités, débats en régions,...), organiser

31 Voir par exemple: TNS Opinion & Social (2011). Eurobaromètre 73.1 – Les Biotechnologies, Bruxelles:Commission Européenne

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un observatoire des débats... Dans tous les cas, il importe d’être attentif à la pluralité des lieuxoù la BS est mise en discussion.

5. Le débat public sur les STE est un processus qui s'inscrit dans ladurée

L'invocation du débat public s'appuie trop souvent sur une conception mythique de ce dernier:« Organisons un débat public afin de connaître la volonté générale concernant la politique dela BS. »

Un tel débat public n'existe pas. Penser qu'il suffirait de réunir les parties concernées et demettre en œuvre les conditions d'une discussion rationnelle pour connaître la volonté généralerelève d'une conception mythique du débat public. L'impossibilité dérive en partie despropositions précédentes (Le grand public n'existe pas; Le débat public est un processuspluriel). Elle résulte aussi de l'impossibilité de définir a priori des objectifs opératoires pour laBS et de séparer une phase de définition des objectifs d'une phase de mise en œuvre. Commepour toute STE, la trajectoire de la BS n'est pas connue a priori, les possibilités et lesproblèmes se révélant étape par étape, au cours d'un processus d'exploration.

Limiter la question de la politique ou de la mise en débat à la fixation de grands objectifs,c'est s'en tenir à l'énonciation de quelques grands défis passe-partout (adaptation auchangement climatique, vieillissement des populations, rareté des ressources, ...).

Prendre au sérieux la dimension temporelle conduit à fixer plusieurs objectifscomplémentaires pour les débats d'initiative gouvernementale sur la BS: la définition desentités, de leurs enjeux et des publics. Toute initiative de débat est alors une étape dans unprocessus long. On peut s'inspirer ici des « lois expérimentales ». Par exemple, la loi du 13juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (dite « loi TSN »)prend en compte explicitement l'incertitude scientifique et technologique. La loi TSNconsidère ainsi que la gestion des déchets radioactifs doit être régulièrement ré-évaluée enfonction de l’avancée des connaissances techniques et des attentes sociales, ce qui implique lemaintien de la réversibilité des décisions à prendre.

L'accent mis sur le processus temporel conduit à remettre en cause une croyance récente quivoudrait que la condition du succès réside dans l'organisation de débats en amont dans leprocessus d'émergence (Upstream engagement). Certes, de nombreux éléments militent pourque les débats soient initiés très tôt. Mais le point crucial est celui de la continuité duprocessus d'évaluation technologique participative.

6. Le débat doit viser l'ouverture des choix scientifiques ettechniques

Trop souvent, les débats d'initiative gouvernementale sont inspirés par une volontéd'ingénierie de l'acceptation des nouvelles STE et par le postulat que le débat public doitpermettre de réduire les oppositions entre les experts sachant ce qui est bon pour la société et

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un public irrationnel ou manipulé par les technophobes. Le débat permettrait ainsi redonnerconfiance dans le projet technoscientifique.

Or, de nombreuses études conduisent à rejeter cette conception d'un partage entre, d'une part,des experts omni-compétents et indépendants des intérêts de toutes sortes et, d'autre part, unpublic irrationnel en proie à ses émotions.32 D’une part les décisions des experts portent enelles des choix politiques (par exemple, développer la biologie de synthèse pour assurer ledéveloppement économique, ou définir des substances en fonction des caractéristiquesphysico-chimiques déterminant leurs risques sanitaires). D’autre part les « attitudes » despublics se fondent sur un jugement qui peut tout à fait être qualifié de « rationnel » (parexemple, si le public s’interroge sur les capacités de contrôle des risques en se fondant sur descrises précédentes).

Ce serait donc faire fausse route que de penser qu'une entreprise de transformation des« attitudes » du public à l’égard de choix déjà déterminés peut s'avérer efficace.

Les leçons précédentes conduisent à formuler ainsi les objectifs des initiativesgouvernementales de débat sur les STE (et sur la BS en particulier) : le débat doit viserl'exploration de différentes possibilités pour la construction des objets et des choix depolitiques scientifiques. C'est dans cette mesure que la volonté d'ouvrir la délibération sur leschoix scientifiques et techniques sera crédible et que le débat pourra éventuellement restaurerla confiance.

7. Toute initiative de débat s'inscrit dans un champ de forces(qu'elle peut contribuer à transformer)

Toute initiative de débat intervient dans un contexte dont elle est partiellement dépendante.Plusieurs facteurs peuvent ainsi limiter les effets potentiels d'une initiative gouvernementalede débat public. Il peut s'agir de facteurs d'ordre cognitif: par exemple dans des cas oùl'expertise est monopolisée, l'établissement d'un débat contradictoire sur les choixscientifiques est peu probable. Il peut s'agir de facteurs d'ordre économique ou politique: parexemple, lorsque des groupes d'intérêt puissants sont constitués et qu'ils dépendent de façonessentielle d'une décision spécifique (par exemple: promotion des OGM, poursuite dudéveloppement de l'énergie nucléaire,...) et lorsque les conceptions de ces groupes d'intérêtssont partagées par les responsables politiques.

Un débat d'initiative gouvernementale devrait mettre en évidence l'état de la connaissance etdes rapports de force en présence et expliciter les contraintes pesant sur la discussionpublique: l'expertise est-elle distribuée dans différentes institutions indépendantes oumonopolisée par un acteur? Existe-t-il des acteurs puissants, publics ou privés, quels sontleurs intérêts et leurs enjeux? Quels sont les contre-pouvoirs? Les acteurs qui ont le pouvoirmédiatique le plus fort masquent-ils d'autres façons de voir? (…) Dans quelle mesure despositions sur des options scientifiques sont-elles liées à de puissants intérêts économiques oupolitiques?32 Voir notamment l'ensemble les études réalisées dans le domaine du Public Understanding of Science (PUS) et

pour un premier aperçu: EUR-24039 (2009). Challenging Futures of Science in Society - Emerging Trendsand cutting-edge issues , the MASIS Report . Luxembourg, Publications Office of the European Union etWynne, Felt et al. (2007) op. citée.

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Une fois ces contraintes mises au jour, il peut être opportun que le débat public compense lesinégalités entre les participants, notamment l’inégalité d'accès à l'expertise en dotant lesacteurs les plus faibles de ressources leur permettant de prendre part aux débats. Une telleformule est mise en œuvre par la CNDP qui peut dans certains cas financer les cahiersd'acteurs de certaines associations.

8. Le débat public est une des composantes de la gouvernance dela BS

Trop souvent, le débat public est envisagé comme une fin en soi. Cette position tient àl'importance attachée à la délibération approfondie, qui permet en principe une meilleureintercompréhension et la composition d'un monde commun.

Mais une telle position néglige le fait que tout débat s'inscrit dans un champ de forces. Desacteurs économiques puissants abandonneront-ils leurs prérogatives à des procéduresdélibératives inclusives? Les détenteurs du pouvoir administratif reconnaîtront-ils la légitimitédes débats publics sans disposition particulière? C'est peu probable.

Il est donc nécessaire d'expliciter le lien entre le débat d'initiative gouvernementale et lagouvernance des sciences et des techniques: conception des rôles et responsabilités desdifférents acteurs et mécanismes; inventaire dynamique des connaissances, des risques, desincertitudes. Le lien le plus évident (mais aussi le plus souvent négligé) consiste dans unengagement de prise en considération des résultats du débat par le commanditaire et par uncompte rendu public de la façon dont il a utilisé ces résultats dans ses prises de décision.

Plus généralement, ce qui est attendu du débat public doit être clarifié: Information?Consultation? Concertation? Elaboration d'une expertise pluraliste? Construction d'unquestionnement? Renforcement de la compétence de certains acteurs?... Dans tous les cas, lesmodalités de la gestion de l’incertitude doivent être explicitées afin d’assurer l’efficacité et lalégitimité des initiatives de débat.

Concernant la BS, différentes articulations sont envisageables. Nous avons auparavantindiqué que le débat public peut contribuer à la définition de la BS et de ses enjeux. A cettefin, le lancement d'un programme national de recherche sur la biologie de synthèse pourraitfaire l'objet d'un co-pilotage effectif incluant les différentes parties prenantes, sur le modèledes programmes déjà en cours de l'ANR, mais en veillant à la composition et au rôle effectifdu comité stratégique.

9. Le cadrage des débats est fondamentalL'expérience des débats d'initiative gouvernementale montre que la définition des problèmesjoue un rôle essentiel sur la qualité des délibérations, sur la nature de ses résultats et sur lalégitimité de la procédure. La définition des problèmes a aussi une influence sur celle desparticipants au débat.

Deux éléments doivent être pris en compte:

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- le cadrage des débats doit être fait en fonction des objectifs qui lui sont assignés, quidépendent notamment de la façon dont il est positionné dans le dispositif de gouvernance.Plus le débat d'initiative gouvernementale est lié à une décision précise, plus le cadrage estévident. Mais une décision ponctuelle peut s'avérer trop étroite par rapport aux attentes desacteurs concernant la mise en débat (« on discute de localisation de la centrale alors que leproblème est celui de la politique énergétique »,...).

- le cadrage ne doit pas exclure des positions de certains protagonistes dans le débat public.L'ensemble des positions doit pouvoir être pris en considération.

4. Recommandations

Pour qu'une initiative de débat public permette d'améliorer le dialogue entre science et société,il est nécessaire que le débat soit organisé selon des règles de procédure qui sont aujourd'huibien connues -même si leur mise en oeuvre n'est pas toujours aisée-:

• conditions de représentation (participation de représentants des parties prenantes etdes groupes concernés) ;

• conditions d'accès aux ressources nécessaires pour participer, notammentinformationnelles;

• garantie de la procédure par un contrôle indépendant;

• publicité des débats;

• le cas échéant, rendre compte de la façon dont les débats ont été pris en comptedans un processus de prise de décision.

Concernant plus précisément une initiative gouvernementale pour la BS, les enseignementsdes expériences antérieures et des recherches en sciences sociales sur le sujet conduisent àformuler les recommandations suivantes:

• une telle initiative doit avoir pour objectif la définition des objets, des programmes etdes enjeux de la biologie de synthèse;

• elle doit mettre en évidence la variété des alternatives dans la construction des objetset des programmes de la biologie de synthèse;

• elle doit expliciter les choix de procédure (sélection des sujets, objectifs, méthodes…);

• elle doit s’inscrire dans un processus temporel qui permettra l’émergence et la prise encompte de différents publics et se positionner explicitement par rapport à ce processus;

• elle doit permettre de dresser un état des connaissances, des incertitudes et descontroverses, des acteurs en présence et des rapports de force et de mettre en évidencecomment cette situation contraint la décision publique;

• ce processus doit s’inscrire dans la gouvernance de la BS et expliciter ses liens avecles instances décisionnelles;

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• ce processus doit expliciter ses liens avec les initiatives publiques (locales, nationalesou européennes) et privées (industrielles ou associatives) qui mettent en discussion laBS.

Compte tenu de ce qui précède, l'action gouvernementale pourrait comporter quatre voletscomplémentaires :

• un observatoire (au sens général défini précédemment) sur la BS qui actualise la listedes entités nouvelles, des enjeux et des acteurs impliqués. Cet observatoire pourraitcomprendre un travail de suivi des débats sur la BS dans la presse et dans lablogosphère. Il aurait des fonctions de collecte et de traitement des informations. Ilserait délégué à une structure de référence. Le budget de fonctionnement pour un telobservatoire est estimé à 50 k€ par an;

• un soutien aux initiatives de mise en débat par les acteurs concernés par la BS(organismes de recherche, associations professionnelles, association d'enseignants debiologie, autres acteurs associatifs,...). Ce soutien pourrait prendre la forme d'une aidefinancière à l'organisation de débats sur la BS. Le budget consacré à l'aide aux débatsest estimé à 20 k€ par an (6 à 7 débats, de 2000 à 4000 € de soutien par débats);

• la création d'un Forum sur la biologie de synthèse, dont le fonctionnement pourraits'inspirer de celui du Nanoforum du CNAM (Annexe 4) mais devrait porterprioritairement sur les objets de la BS et sur les programmes de recherche. Sur la basede l'expérience du CNAM, le budget prévisionnel pour un tel Forum est estimé à 50k€ par an;

• - l'organisation d'une Conférence de Citoyens (particulièrement adaptée pour unediscussion publique des STE) dont l'objectif serait de contribuer à la définition de labiologie de synthèse, de ses enjeux, à faire le point sur les dangers potentiels et sur lespriorités pour la recherche. Le budget est estimé à 150 000 €. Il comprend laréalisation d'un documentaire de 52 mn qui pourrait être diffusé à la télévision etutilisé dans les structures d'enseignement.

On cherchera aussi à formuler un ensemble de questions qui pourraient servir de guideconceptuel pour ces débats. A titre d'illustration provisoire:

• Pourquoi parle-t-on de la biologie de synthèse aujourd'hui?

• Sur quelles connaissances se fonde l'existence de la biologie de synthèse?

• Que n'aurait-on pas si la biologie de synthèse n'existait pas?

• Quelles sont les grandes incertitudes concernant la biologie de synthèse? De quellenature sont-elles?

• Comment cerner ce que l'on ignore?

• Quels sont les intérêts et pouvoirs constitués autour de la biologie de synthèse? Enquoi contraignent-ils les politiques en la matière?

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• Quels peuvent être les apports de différentes sources de créativité pour mieux cerner labiologie de synthèse et ses enjeux? La fiction? L'art?

• Comment ouvrir des délibérations pluralistes sur quelques projets phares de la biologiede synthèse?

Le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR), commanditaire de laprésente étude, a la responsabilité de la Stratégie Nationale de Recherche et d'Innovation.Dans ce cadre, la qualité des interactions entre sciences et société constitue un enjeu crucial,dont fait partie la question du dialogue avec la société sur la biologie de synthèse. Laconception d'une stratégie de dialogue avec la société doit prendre en compte la pluralitéd'acteurs qui peuvent intervenir dans ce domaine. De ce point de vue, il conviendra de prendreen compte les résultats de l'étude en cours menée par l'Office Parlementaire d'Evaluation desChoix Scientifiques et Technologiques. De même, il est probable - et souhaitable - que denombreuses initiatives de dialogue soient prises par différents acteurs, à différentes échelles,du local au national. C'est déjà le cas, avec -sans souci d'exhaustivité- les dialogues organiséspar Vivagora, les Colloques organisés par Génopole (Evry) ou par la Plateforme Génétique etSociété (Toulouse).

Compte-tenu des possibilités d’intervention du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de laRecherche (MESR), on peut envisager un scénario en trois étapes, correspondant à unengagement progressif de l’institution gouvernementale.

Etape « sollicitation de la communauté scientifique »Un observatoire initié par le MESR suit en temps réel les prises de position sur la définitiondes objets, des problèmes et des enjeux de la biologie de synthèse, en liaison avec lacommunauté scientifique. L’observatoire est adossé à une structure de référence en capacitéde mettre aussi en œuvre collecte et information (CNAM, Sciences Po, Universités,EHESS,...).

Il sollicite les acteurs associatifs et industriels concernés afin de les informer et de recueillirleurs positions, en particulier sur les questions citées ci-dessus. Il diffuse régulièrement desinformations sur ses activités (Site internet mis en place par la structure de référence) et estouvert à des propositions de participation d’acteurs non sollicités. Il analyse les positions dusecteur et l’avancée de cette technologie émergente.

A ce stade, l’implication des Alliances et, à travers elles, des organismes de recherche estindispensable.

En parallèle, le MESR met en place un groupe interministériel qui suit les travaux del’observatoire. Le groupe s’assure de la complémentarité et de la pertinence des actions desministères pour la construction efficace et légitime des objets, programmes et enjeux de labiologie de synthèse.

Avantages / inconvénients:

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Cette étape nécessite un engagement minimal du ministère, en termes budgétaires (environ70k € par an) et en termes politiques.

La position du ministère est réactive. Il n’intervient pas à ce stade pour contribuer à ladéfinition des objets, programmes ou enjeux de la BS. Le MESR met en œuvre unerecommandation importante du rapport Képés en pilotant l’observatoire et en assurant unecoordination interministérielle. La fonction de coordination interministérielle est opportunecompte tenu que, s'agissant de construire à la fois les objets, les programmes et les enjeux dela BS, la division du travail entre différents ministères peut être un handicap sérieux.

Etape « interaction avec les parties prenantes et des publics ciblés»En plus des missions précédentes, l’observatoire met en place un « Forum » permanentorganisé dans un lieu à définir (de préférence extérieur au MESR) et animé par unepersonnalité reconnue non liée au MESR. L'animation du Forum pourrait être confiée à unegrande institution d'enseignement (CNAM, Sciences Po, Universités, EHESS,...).

Le Forum est piloté par l’observatoire, assisté d’une équipe pluraliste comprenant desreprésentants d’autres ministères concernés, d’acteurs industriels et associatifs, et d’expertsextérieurs. L’équipe définit des questions à discuter lors de réunions publiques lors desquellesdes intervenants sont invités à s’exprimer et à dialoguer avec l’assistance. Les questionsabordées ont trait à la construction des objets, des programmes et des enjeux de la biologie desynthèse. La sollicitation des organismes publics est étendue à ceux chargés de lanormalisation industrielle et de la réglementation.

Une restitution des débats est rendue publique et accessible sur le site internet del'observatoire.

Parallèlement, le MESR apporte un soutien à des initiatives de mise en débat portées par desacteurs concernés par la BS (organismes de recherche, associations professionnelles,association d'enseignants de biologie, acteurs associatifs,...).

Avantages / inconvénients:Cette étape signale à la société un intérêt du ministère pour la BS, conformément à la prioritéaccordée à ce domaine dans la SNRI. Il requiert un engagement budgétaire plus élevé que lescénario 1, mais encore limité (120 k€/an). Le ministère a un rôle d'initiative dans lapréparation d’un éventuel débat public. Ce rôle d'initiative favorise la coordination interne etpermet une articulation fructueuse entre pilotage interne et interface science/société.

Etape « initiation d’un débat public »En tant que pilote de la politique de recherche, le MESR met en place, en accord avec lesautres ministères, une stratégie d’élargissement du débat vers les citoyens, des dispositifs demise en discussion de la construction des objets, des programmes et des enjeux de la biologiede synthèse. Cette stratégie pourrait passer par l'organisation d'une Conférence de Citoyens.

Cette étape devra impérativement s'appuyer sur les connaissances et l'expérience del'observatoire et du forum.

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Une sollicitation formelle de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques etTechniques (OPECST), du Conseil Economique, Social et Environnemental, de laCommission nationale d’éthique, peut être faite par l’ensemble du gouvernement.

Avantages / inconvénients:A ce stade, le MESR transfère au niveau gouvernemental l’accompagnement du domaineémergent et met celui-ci en mesure de lancer le débat public.

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Annexe 1 – La biologie de synthèse – enjeux définitionnels

L'apparition de l'expression biologie de synthèse répond la fois à des enjeux scientifiques et à desenjeux sociaux ou politiques. Comme ce fut le cas pour les biotechnologies dans les années 1970 oupour les nanotechnologies à la fin des années 1990, la biologie de synthèse est un concept qui vise àfaire advenir une réalité plutôt qu'à la décrire. Ce sont donc les capacités de transformation du concept(son caractère performatif) qui priment. Ces capacités sont liées à la crédibilité de la promesse de laBS, en l'occurrence une nouvelle ère dans l'histoire de la biologie marquée par une capacité àsynthétiser des organismes vivants en utilisant l'ensemble des outils développés depuis unequarantaine d'années et en appliquant des démarches d'ingénierie de la conception.

Du coup, comme on va le voir, la définition de la BS ne peut être tenue pour acquise; ses objets, sesprogrammes et ses enjeux peuvent faire l'objet d'initiatives de débats publics articulés à la constructiond'une politique scientifique.

Origines

On considère que le coup d'envoi de la biologie de synthèse a été donné par la publication de troisarticles fondateurs dans la revue Nature en 2000. Cependant, l'expression « Synthetic Biology » avaitété proposée dès 1974 par le généticien polonais Waclaw Szybalski:

“Up to now we are working on the descriptive phase of molecular biology. ... But the realchallenge will start when we enter the synthetic biology phase of research in our field. We willthen devise new control elements and add these new modules to the existing genomes or buildup wholly new genomes. This would be a field with the unlimited expansion potential andhardly any limitations to building "new better control circuits" and .... finally other"synthetic” organisms, like a "new better mouse". ... I am not concerned that we will run outof exciting and novel ideas, ... in the synthetic biology, in general. [Szybalski, 1974].”

Cette définition, contemporaine de l'invention des techniques de l'ADN (le brevet de Cohen et Boyerest déposé en 1973) et des débats d'Asilomar, extrapole les anticipations des biologistes de l'époque:après avoir permis de lire les génomes, les techniques moléculaires vont permettre de les écrire. Elleappelle un changement majeur: les sciences et les techniques ne doivent pas seulement décrire lesprocessus biologiques -fut-ce à l'échelle moléculaire- elles doivent les transformer à des finsproductives et créer de nouveaux systèmes biologiques et de nouveaux procédés. L'essence de cettedéfinition (et de celles qui suivront -Cf. infra) réside dans l'application du langage des ingénieurs à labiologie.

Une trentaine d'années plus tard, les développements scientifiques et techniques -des biotechnologies,de le biologie à haut débit et des « omiques » (génomique, protéomique, transcriptomique,...)- donnentun nouvel essor au projet de la biologie de synthèse.

Au cours des années 2000, nombreuses sont les organisations qui proposent une définition de la BS.En 2005, le rapport du Groupe d'Experts de Haut Niveau sur les Nouvelles Sciences et Techniques

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Emergentes de la Commission européenne propose une définition qui met l'accent sur la démarched'ingénieur et sur la création d'organismes biologiques artificiels:

« La biologie de synthèse vise à appliquer le paradigme de l'ingénierie de conception des systèmes demanière à produire des systèmes prévisibles, robustes et dotés de fonctionnalités nouvelles quin'existent pas dans la nature. »

En 2006, le projet SYNBIOLOGY (financé par le 6° PCRD) fit une recension complète de l'origine etdes définitions de la BS. Il conclut sur l'absence d'une définition unique du champ de la BS. Le rapportidentifie 5 approches différentes qui relèvent du champ de la BS (Tableau 1).

Definition DescriptionTop-Down Synthetic Biology Theory driven experiments towards the creation of

artificial lifeBottom Up Synthetic Biology Genetic Engineering approachIn Vivo Synthetic Biology engineering and modifying existing biological

systems in which a cellular system are the subjectof engineering. Examples include protocells or the combination ofenzymes (biomolecular machines) with artificialdevices to create hybrids.

In Vitro Synthetic Biology This includes biological inspired/ambitionednanotechnology, the use of artificial molecularmachines replace biological equivalents, theapplication of biology inspired processes such asself-assembly.

In Silico Synthetic Biology Simulation and computer aided design algorithms,analyse system behavior or artificially designedbiological circuits.

Table 1 – five different definitions of synthetic biology (adapted by the authors)

Créer des termes génériques

Reprenant ces définitions provenant des communautés scientifiques, le projet SYNBIOLOGY lesreformule dans le langage de l'ingénieur:

“ La BS consiste dans l'ingéniérie de composants et de système biologiques qui n'existent pasdans la nature et dans la ré-ingéniérie d'éléments biologiques existants. La BS vise laconception intentionnelle de systèmes biologiques artificiels plutôt que la compréhension de labiologie naturelle. » FP6 Synbiology Final report 2006 p5 (notre traduction)

Si elle s'impose comme un standard, cette définition est rarement reprise sans modifications. Parexemple, une étude majeure réalisée en 2008 afin de créer une feuille de route européenne pour laBiologie de Synthèse s'inspire de la définition de SYNBIOLOGY mais introduit explicitement unedimension socio-économique:

“La BS applique les méthodes de l'ingénieur à la création et à l'étude de systèmes biologiquesqui n'existent pas dans la nature et utilise cette approche pour:

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• améliorer la connaissance des processus biologiques,• produire et assembler des composants modulaires fonctionnels,• développer de nouvelles applications ou de nouveaux procédés.

(TESSY Final Report 2008 p.4)

La biologie de synthèse constitue donc un terme générique qui aux scientifiques permet de rassemblerun ensemble d'approches, par exemple les 5 domaines constitutifs mentionnés précédemment. Uneautre façon de présenter la biologie de synthèse est de distinguer ses constituants en se référant à lanotion de building blocks empruntée à l'ingéniérie informatique. Le développement de la BS est alorsdéfini comme la compréhension et la création de:

Phase 1: biomolécules synthétiquesPhase 2: biomodules synthétiquesPhase 3: organismes synthétiques

Au fond, les définitions ne comportent pas de critère de démarcation net et consensuel. Il n'est doncpas évident de dresser la liste des objets qui relèvent de la BS.

Conclusion

La définition de la BS ne permet pas de délimiter un champ de pratiques et d'applications. Leschercheurs n'utilisent pas cette expression pour délimiter les frontières d'une approche scientifiquespécifique; la BS constitue une promesse partagée par différentes communautés scientifiques. Mais en2011, le degré de convergence des approches est limité.

La définition de la BS et des promesses qu'elle comporte doivent donc se situer au cœur des initiativesde débat public.

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Quelques définitions de la Biologie de Synthèse

(Source: www.synbioproject.org)

“Synthetic biology is a) the design and construction of new biological parts,devices and systems and b) the re-design of existing natural biological systems foruseful purposes.” Source: Synthetic Biology.org

“Synthetic biology is an emerging area of research that can broadly be describedas the design and construction of novel artificial biological pathways, organismsor devices, or the redesign of existing natural biological systems.” Source: UKRoyal Society

“Synthetic biology is a maturing scientific discipline that combines science andengineering in order to design and build novel biological functions and systems.This includes the design and construction of new biological parts, devices, andsystems (e.g., tumor-seeking microbes for cancer treatment), as well as the re-design of existing, natural biological systems for useful purposes (e.g.,photosynthetic systems to produce energy). As envisioned by SynBERC, syntheticbiology is perhaps best defined by some of its hallmark characteristics:predictable, off-the-shelf parts and devices with standard connections, robustbiological chassis (such as yeast and E. coli) that readily accept those parts anddevices, standards for assembling components into increasingly sophisticated andfunctional systems and open-source availability and development of parts,devices, and chassis.” Source: SynBERC

“Synthetic biology is the engineering of biology: the synthesis of complex,biologically based (or inspired) systems which display functions that do not existin nature. This engineering perspective may be applied at all levels of thehierarchy of biological structures – from individual molecules to whole cells,tissues and organisms. In essence, synthetic biology will enable the design of‘biological systems’ in a rational and systematic way.” Source: High-level ExpertGroup European Commission

“Synthetic Biology is a new approach to engineering biology, with an emphasis ontechnologies to write DNA. Recent advances make the de novo chemicalsynthesis of long DNA polymers routine and precise. Foundational work,including the standardization of DNA-encoded parts and devices, enables them tobe combined to create programs to control cells. With the development of thistechnology, there is a concurrent effort to address legal, social and ethical issues.”Source: SB4.0

“Our overall long term goal is to help make biology easy to engineer, an area ofresearch known as synthetic biology.” Source: Drew Endy - Endy Research Lab

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“Synthetic biology is an emerging research area that focuses on the design andfabrication of biological organisms/systems that do not already exist in the naturalwor ld or the re-des ign and fabr ica t ion of exis t ing b io logica lorganisms/systems….Synthetic biology studies how to build artificial biologicalsystems for engineering applications…Synthetic biology focuses on ways oftaking parts of natural biological systems, characterizing and simplifying them,and using them as a component of a highly unnatural, engineered, biologicalsystem.” Source: Synthetic Biology.org

“Synthetic biology aims to design and build new biological parts and systems orto modify existing ones to carry out novel tasks.” Source: Note from the UKParliamentary Office of Science and Technology

“Synthetic biology is the engineering of biological components and systems thatdo not exist in nature and the re-engineering of existing biological elements; it isdetermined on the intentional design of artificial biological systems, rather than onthe understanding of natural biology.” Source: SYNBIOLOGY Project

“Synthetic biology is becoming one of the hottest new fields of biology, with thepotential to no less than revolutionize the way we do biotechnology today. Byapplying the toolbox of engineering disciplines to biology, a whole set of potentialapplications become possible ranging very widely across scientific andengineering disciplines.” Source: Synbiosafe project

“Synthetic biology is an emerging form of science and engineering that aims atthe design and construction of (new) biological systems.” Source: 3rdInternational Conference on synthetic biology

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Annexe 2 – Dialogue public sur la biologie de synthése aux Pays-Bas

Actual public debates on Synthetic Biology have been limited, although studies by the parliamentarytechnology assessment organisation Rathenau have been analysing this issue since 2006. Two recentactivities shed some light onto synthetic biology in the Netherlands and Europe more broadly, thoughboth projects will have reports publicly available in October 2011, a glimpse at the 2 activities is givenbelow.

Debates over Synthetic Biology: From oversight to insight (in Dutch)

Hanssen, Lucien, Piet Schenkelaars and Huib de Vriend (2011). Debatte(re)n over Synthetische Biologie: Van overzicht naarinzicht. Study commissioned by the Rathenau Institute, not yet published.

This recent study analysed the synthetic biology debates in four countries: the US, Germany, the UKand the Netherlands. Four types of discourse were distinguished.

• The risk discourse focuses on biosafety and biosecurity issues.

• The innovation discourse deals with the direction of research and innovation in syntheticbiology and intellectual property.

• In the ethics discourse the moral and cultural dimensions of artificial biological systems arediscussed, including issues of human identity and dignity.

• The political discourse is about socio-economic consequences and about the fairness andlegitimacy of decision-making: who will set the priorities for synthetic biology and who willbe the beneficiaries?

The report identifies a number of actors that could play a role in these discourses. Though themajority of actors do not differ to those in other areas of technoscience such as GM, stem cells etc. ,synthetic biology is somewhat unique in that it include “creative groups” such as students (throughcompetitions such a iGEM), Do-It-Yourself biologists, artists and even computer gamers.

Below is the table outlining the degree of activities by the different actors, in each country for each ofthe four discourses. Note that their findings reveal that

(a) regarding the actors involved - ethics, legal and societal aspects are being explored to some degreeby government and scientific institutions with little done by other actors and

(b) regarding the types of discourse - of the four, the risk and innovation discourse is receivingattention, whilst the ethics and political discourse is receiving little or no attention.

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Making perfect life: Bioengineering (in) the 21st Century

In this study for STOA, Rathenau leads a small consortium in the analysis of a number of fields of

bioengineering including synthetic biology. With the final report to be presented on October 21st 2011to STOA (Science and Technology Options Assessment) there is little to report except from an interimstudy and some small interviews conducted in June 2011 by one of the authors of this report.

Preliminary findings reveal that ethical, legal and societal aspects of top-down synthetic biology havereceived increasing attention (synthetic biology based on genomics and systems biology), whereasreflection on bottom-up synthetic biology and artificial living cells is still in its infancy.

Bedau, M.A. and E.C. Parke (eds.)(2009). The ethics of protocells: Moral and socialimplications of creating life in the laboratory. Cambridge: MIT Press.

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Annexe 3. Le Dialogue sur la biologie de synthèse au Royaume Uniau prisme des 9 leçons

1. L'incertitude est une ressource essentielle pour le débat public Lors de ce Dialogue anglais, la BS a été présentée aux participants 'profanes' comme unchamp nouveau mais déjà bien défini, alors que les entretiens avec les parties-prenantes ontrévélé des visions très diverses à propos de la définition et la nouveauté du champ. Laméthodologie imposait aussi une certaine définition des enjeux, en introduisant des sessionsparticulières sur la réglementation et le financement de la recherche; et prescrivait uneséparation entre quatre catégories d'applications (médecine, énergie, environnement,agriculture/alimentation) qui ne vont pas nécessairement de soi. Par exemple, cettecatégorisation faisait obstacle à une autre catégorisation possible, celle qui peut s’établir entreutilisation en milieu confiné ou dissémination dans l'environnement. Ces définitions de l'objetBS, de ses catégories et de ces enjeux ont été présentées aux participants (sur des fiches et autravers de présentations orales par des experts présents et par films) comme étant déjà figéeset n’ont pas été ouvertes à la discussion.

Ainsi, les participants profanes n'ont eu aucune opportunité pour travailler sur les questions dedéfinitions des objets et des enjeux.

2. Le « grand public » n'existe pas

Les objectifs affichés du Dialogue anglais insistaient sur l'importance d'inclure une diversitéde perspectives, de types de connaissances et de types de participants (industriels, régulateurs,société civile, scientifiques, financeurs de recherche…). Malgré cela, la méthodologie duDialogue présupposait l'existence d'un "grand public" qui devrait donner son opinion(aspirations et inquiétudes) à propos de la BS. En principe, le Dialogue consistait en deuxphases: entretiens avec 41 parties prenantes et ateliers avec 160 "membres du public". Maisc'est surtout la deuxième phase - et la participation des "membres du public" - qui a étéretenue par les participants et utilisateurs du Dialogue. Ainsi, le communiqué de presse publié(le 07/07/2010) par le BBSRC et EPSRC à l'issue du Dialogue était intitulé "Un nouveaurapport révèle l'opinion du public sur la biologie synthétique" (“New report reveals public’sviews on synthetic biology”), et le premier paragraphe résumait les résultats ainsi :

“A major new public dialogue activity on the public’s views and attitudes on synthetic biologyhas revealed that most people are supportive of the research but with conditions on how andwhy it is conducted.”

Et c'est bien cette interprétation de l'objectif du Dialogue qui primait parmi les partiesprenantes, notamment les chercheurs en biologie synthétique: le but était de récolter l'opiniondu public - et surtout de savoir si ce public soutenait ou non la BS. Le rapport d'évaluationconfirmait cette impression lorsqu'il expliquait que certains experts ayant participé auDialogue étaient surpris de voir reproduites dans le rapport les opinions des parties prenantes

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récoltées par entretiens. Et certains se sont plaints du manque de données quantitatives surl'opinion publique dans le rapport. L'intérêt du Dialogue par rapport à un sondage d'opinionn'était donc pas bien perçu par ces parties prenantes, et, plutôt que de la remettre en cause,,laméthodologie utilisait l'idée d'un "grand public" comme une catégorie toute faite. Le fait quele "public" du Dialogue s’était construit au travers de la méthode utilisée était parfois abordépar certains commentateurs, mais surtout pour questionner l'impartialité du processus(l'influence de certains experts plus sympathiques; le rôle des animateurs) et lareprésentativité des participants (surtout par rapport au fait qu'ils étaient rémunérés).

Le concept de publics qui se constituent à mesure que les problèmes apparaissent n'a aucuneplace dans cette méthodologie: on ne parle que de "parties prenantes" d'un côté et de "public"de l'autre. Par ailleurs, un statut "d'expert" est attribué à certains groupes constitués - leschercheurs (y compris sciences naturelles, ingénieurs et sciences sociales) - mais pas àd'autres (associations et industriels). Tous ont été invités à participer au comité de pilotage etont fait partie des parties prenantes interviewées, mais seuls les chercheurs ont été invités àparticiper comme experts lors des ateliers.

Les groupes d'acteurs participants étaient déjà constitués avant l'organisation du Dialogue etl'on n'a pas observé d'émergence ni de consolidation de nouveaux groupes pendant sondéroulement, avec peut-être la seule exception de la consolidation d'un groupe deprofessionnels du public engagement déjà bien développé au RU.33

3. Les perceptions du public sont ambivalentesLes discussions lors des workshops ont confirmé l'ambivalence des perceptions du publicenvers des développements scientifiques et technologiques déjà maintes fois révélés par desméthodes de recherche qualitatives de ce type, et cette ambivalence a été bien restituée par lesauteurs du rapport. Cela n'a pas empêché, toutefois, une interprétation beaucoup plussimpliste du processus et de ces résultats parmi les parties prenantes, notamment lesindustriels et chercheurs académiques, qui retiennent simplement deux leçons principales:

(i) malgré ses appréhensions, le public ne rejette pas la BS

(ii) le public soutient les applications médicales, environnementales et énergétiques dela BS, mais pas les applications pour l'agriculture et l'alimentation.

En effet, la plupart de ces auteurs n’ont pas pris le temps de lire attentivement le rapportqualitatif de 90 pages, et ont plutôt été marqués par les quelques histogrammes qui présententdes résultats de votes réalisés lors des workshops. Ces votes renforcent d'ailleurs, pour lesscientifiques présents, l'idée que le but des workshops est de mesurer quantitativement lesattitudes du public avant et après les discussions, plutôt que d'appréhender les ambivalencesau travers des discussions elles-mêmes. Cette méthodologie confirme donc, pour certains,l'idée que la fourniture d'informations peut rectifier (c'est-à-dire, dans leur esprit, améliorer)la perception du public.

Un résumé des résultats du Dialogue publié par le BBSRC, ESRC et Sciencewise 8 mois plustard (février 2011) aurait pu corriger cette interprétation car il est beaucoup plus court (10pages), il ne reproduit pas les histogrammes, il souligne l'ambivalence et la diversité des

33 Chilvers, J. (2010) Sustainable participation? Mapping out and reflecting on the field of public dialogue onscience and technology, Harwell: Sciencewise Expert Resource Centre.

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opinions des participants; et se focalise sur les implications des résultats pour la conduite despolitiques scientifiques et technologiques. Malheureusement, ce résumé a eu peu d'influencesur la perception générale du Dialogue, car sa publication a été trop tardive et sadissémination trop limitée (car son financement n'avait pas été inclus dans le budget duDialogue).

Ce résumé souligne notamment les raisons du déficit de confiance envers les scientifiques etleurs institutions : les participants ne soutenaient pas l'autorégulation, demandaient à connaitreles intentions et motivations des chercheurs, acceptaient qu'il fut parfois nécessaire de prendredes risques mais souhaitaient voir les experts reconnaître l'incertitude…

4. Le débat public sur les STE est un processus plurielLe Dialogue réalisé par les BBSRC et EPSRC est largement considéré parmi les acteurs despolitiques scientifiques et publiques comme l'unique dispositif pour l'interaction de la BS avec"le public": les opinions du public ont été récoltées et il s'agit ensuite simplement de lesprendre en compte. D'autres délibérations qui ont lieu au Parlement, au sein de comitésd'expertise (ACGM et ACRE), et des agences de financement de la recherche n’ont pas étéinterprétées comme faisant partie d'un ensemble hétérogène d'interactions dans différentesarènes publiques. Seuls les dispositifs du type "cafés des sciences" et interventions par deschercheurs dans des écoles sont considérés comme pertinents pour le débat public.

5. Le débat public sur les STE est un processus qui s'inscrit dans ladurée

Les organisateurs du Dialogue (BBSRC. EPSRC et Sciencewise) ont insisté sur l'importancede la prise en compte des résultats du Dialogue qui ont infléchi leurs décisions, et peut-êtremême leurs processus de décision. Mais une attitude plus simpliste domine au sein desinstitutions de recherche et des Ministères (de l'innovation et de la recherche), que l'on peutrésumer ainsi: "Nous avons fait un Dialogue, nous connaissons l'opinion du public,maintenant nous pouvons nous concentrer sur le développement de ce champ de recherche, enfaisant attention de ne pas trop nous éloigner de cette opinion publique". De plus, laréalisation du Dialogue à ce stade, "en amont" du développement du champ de recherche, aété interprétée comme une garantie contre l'évolution d'un fiasco comme celui sur les OGM.

6. Le débat doit viser l'ouverture des choix scientifiques ettechniques

Les acteurs scientifiques, industriels et gouvernementaux du RU ont été très marqués par lacontroverse sur les OGM (largement - mais à notre avis faussement - considérée come unfiasco dû à l'irrationalité du public). Ils ont donc été motivés par une volonté de réduire lesoppositions potentielles et de redonner confiance dans le projet technoscientifique pourfaciliter le développement de la BS. Ces acteurs ont été souvent surpris par le soutien accordéà la BS par les participants aux workshops, et ils ne savaient pas vraiment comment prendreen compte les résultats plus complexes et ambivalents du Dialogue

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Le but du Dialogue n'est pas l'ouverture des choix scientifiques et techniques, mais la récolted'opinions à propos de la BS. La BS et ses objectifs sont présentés comme déjà bien définis(applications médicales, environnementales, énergétiques et agricoles). Le fait que lesdécisions des experts portent en elles des choix politiques, est reconnu et débattu par lesparticipants aux workshops, mais pas par les experts (par exemple le choix entrel'augmentation de la production d'énergie et la réduction de son utilisation; le choix entre laprévention de la pollution des sols et le développement de solutions techniques pour ladécontamination; l'attention portée aux maladies des riches plutôt qu'aux maladies quitouchent le plus de personnes…).

7. Toute initiative de débat s'inscrit dans un champ de forces(qu'elle peut contribuer à transformer)

Le Dialogue s'est clairement inscrit dans un champ de forces, mais ceci n'a pas étéexplicitement reconnu. Ainsi, tous les groupes d'intérêts ont fait partie du comité de pilotagedevenu alors un lieu de débats et controverses parfois difficiles mais qui ont eu lieu en privé etn’ont pas été utilisés comme ressources pour le Dialogue. Les rapports de force existaient etse sont (re)constitués en partie à travers cette initiative, mais cette dynamique n'a pas été miseen évidence lors des workshops avec les membres du public. Le dispositif n’a pas doté lesparticipants de ressources pour accéder à une expertise externe (les participants ont étésimplement encouragés à consulter l'internet et autres sources d'information entre les 3workshops).

Une autre caractéristique du Dialogue a entravé son inscription dans un contexte sociétaldynamique: le Dialogue n'a inclus aucune phase en public. Tous les workshops ont été réalisésen privé, ainsi que les réunions du comité du pilotage. Même la conférence organisée lors dela publication du rapport final (juin 2011) a été restreinte à un petit public invité dechercheurs, experts, et membres du Parlement.

8. Le débat public est une des composantes de la gouvernance dela BS

Le lien entre le Dialogue et la gouvernance de la BS n'a pas été du tout explicité lors de sonorganisation. C'est seulement à l'issue du dispositif, notamment lors de la publication durésumé 8 mois après la publication des résultats, que les initiateurs du Dialogue, le BBSRC etl’EPSRC, ont décrit celui-ci comme le début d'un processus à long terme, qui doit influencerl'orientation et les conditions de financement de la recherche publique en BS. Ils ont alorsaussi souligné l'importance de rendre compte de cette influence aux participants et pluslargement au grand public. Cette perspective est louable et il sera intéressant d'observer lessuites de ce processus qui restent pour l'instant peu définies.

Toutefois, en dehors d'un cercle assez restreint d'administrateurs de la recherche au sein desAgences (surtout ceux qui travaillent expressément dans les équipes responsables du publicengagement) et des experts du Sciencewise, cette perspective est très peu partagée et leDialogue est plutôt envisagé comme une fin en soi qui permet la poursuite du "business asusual". Cette attitude est renforcée chez les acteurs puissants qui souhaitent promouvoir laBS. Ils interprètent les résultats comme exprimant le soutien du public.

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9. Le cadrage des débats est fondamentalLa définition du cadre du débat lors du Dialogue a été imposée par les organisateurs à traversla méthodologie de "discussion structurée" utilisée pour les workshops. Les thèmes choisis, lecontenu et formats des informations fournies aux participants (fiches textuelles, vidéos sur lavie de chercheurs et les applications de la BS, et présentations orales en personne par deschercheurs en science/ingénieurs et sciences sociales) ont fait l'objet de controverses intensesau sein du comité de pilotage (comprenant une grande diversité d'acteurs) mais cescontroverses ont été effacées lors des workshops et les participants ont eu très peu de margepour influencer la définition des problèmes imposée par la méthodologie. De plus, l'objectifdu Dialogue est restée très flou pour les participants, même lors du troisième workshop.

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Annexe 4 – L'exemple du Nanoforum du CNAM

Description générale

Le Nanoforum a été organisé de 2007 à 2009 au Conservatoire National des Arts et Métiers,dans le cadre d’une convention passée en mai 2007 avec la direction générale de la santé(DGS), qui a confié au CNAM l’organisation « de rencontres régulières entre lesscientifiques, les industriels, les milieux associatifs et professionnels, les journalistes… autourdes différents aspects (risques et bénéfices) sanitaires et sociaux des nanotechnologies et deleurs applications ».

Le Nanoforum a donné lieu à l’organisation de plusieurs réunions publiques, préparées par uncomité de pilotage comprenant les administrations, les agences sanitaires, des chercheurs etdes associations. Le CNAM a collaboré avec le Journal de l’Environnement (qui a permisgrâce à ses 50 000 lecteurs quotidiens de faire connaître l’initiative et de gérer lesinscriptions) ainsi qu’avec l’association VivAgora pour l’organisation des séances. Lesréunions étaient animées par William Dab, professeur au CNAM, ancien Directeur Général dela Santé.

Ce partenariat construit par le Nanoforum a aussi impliqué un collectif d’acteurs territoriaux(associations, élus de divers horizons) de Grenoble (CENG) qui s’est formé sous l’impulsionde VivAgora et de Mutadis sur des thématiques de nanomédecine et de gouvernanceterritoriale d’un pôle de recherche /développement des nanotechnologies.

Les principes de base pour l’organisation des réunions du Nanoforum ont été les suivants:

- Permanence: de 2007 à 2009, une quinzaine de réunions publiques ont été organisées. - Pluralité : les réunions cherchaient à faire participer une diversité d’acteurs. - Ouverture scientifique : le Nanoforum cherchait à mettre en lumière les incertitudes et lescontroverses scientifiques.- Liberté de parole : les participants pouvaient librement exprimer leur point de vue. - Transparence : le CNAM, responsable de l’organisation du débat et de son déroulement,s’assurait de la transcription et de la diffusion des échanges.

Un premier cycle de réunions a traité des questions générales liées aux nanotechnologies. Lesréunions ont mis en évidence un déficit d’informations sur les activités industrielles et lacaractérisation des substances, et la nécessité de s’interroger sur les adaptations d’instrumentstels que l’évaluation risques-bénéfices et l’étiquetage des produits contenant desnanoparticules. Le premier cycle de réunions s’est achevé par deux séances organisées enpartenariat avec une association grenobloise (le Collectif sur les Enjeux des Nanotechnologiesà Grenoble, CENG), qui a pu utiliser le Nanoforum pour mettre en discussion les choix dedéveloppement locaux.

Lors d’un second cycle de réunions, le Nanoforum s’est penché sur le cas du « nano-argent ».Les séances ont mis en avant la multiplicité des formes de l’argent à l’échelle nanométrique,

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la variété des produits de consommation concernés, et les possibilités de gestion publique deleurs risques potentiels.

Le Nanoforum a cessé ses activités au moment du débat national sur les nanotechnologiesorganisé par la CNDP, pour lequel il a fourni une contribution spécifique. La DirectionGénérale de la Santé a souhaité prolonger le Nanoforum en finançant un projet dont l’objectifétait de créer des groupes locaux préfigurateurs de nanoforums régionaux. Cette expérienceest en cours à l’heure actuelle.

Apports

L’objectif du Nanoforum n’a jamais été de fournir des recommandations à l’issue des séances.A ce titre, les apports du Nanoforum ne se mesurent pas en terme « d’impact » desconclusions d’un débat vers la décision publique.

En revanche, l’ambition du Nanoforum était d’expliciter les questions que posait ledéveloppement des nanotechnologies, de confronter les points de vue à leur propos, et lesapproches possibles pour les traiter. Le Nanoforum a permis de mettre en lumière lesproblèmes liés au repérage et à la caractérisation des substances et des produits « nano ». Lalarge diffusion des comptes rendus des échanges a permis une bonne diffusion d’informations.

On constate ainsi que le Nanoforum a permis de fournir aux acteurs impliqués issus del’administration une vision d’ensemble des questions soulevées par le développement desnanotechnologies. La participation au comité de pilotage des membres du groupe interservicesen charge des nanotechnologies a permis à ceux-ci d’échanger entre eux, ainsi qu’avec lesacteurs associatifs et industriels. Le Nanoforum a contribué à expliciter la position des acteursfrançais en matière de développement responsable, qui s’est opérationnalisée dans d’autresinstances (notamment l’AFNOR, où un projet de norme de développement « nanoresponsable » est en cours, et l’International Standardization Organization, où la Franceconduit un projet de gestion de l’incertitude liée aux nanomatériaux fondé sur le « controlbanding »).

Par ailleurs, le Nanoforum a été un lieu au sein duquel des acteurs de la société civile ont pus’exprimer. L’organisation des réunions par le comité de pilotage a donné lieu à de nombreuxéchanges entre acteurs associatifs et représentants de l’administration. Les séances publiqueselles mêmes ont fréquemment donné la parole à des acteurs associatifs et industriels. Deuxséances ont été organisées en collaboration avec une association locale, afin de mettre endiscussion des programmes locaux de développement. Cette association locale a ensuitepoursuivi un travail de mobilisation locale.

On constate ainsi que le Nanoforum n’a pas été un lieu d’informations pour le grand public,mais une opportunité pour des publics concernés par les nanotechnologies (participant à sondéveloppement dans les administrations ou l’industrie, ou mobilisés sur le sujet dans lesmilieux associatifs) de se rencontrer, de faire entendre leur position, et, au final, d’initier ladéfinition d’une stratégie de développement responsable des nanotechnologies.

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