résumé - le jardin d'eve -...

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Résumé :

- Laissez mon beau-père tranquille, Sabrina. Sinon, je peux vous assurer que vous le regretterez! Marc Kingsley ponctua cette remarque d'un regard assassin qui fit frémir la jeune femme. Pourquoi fallait-il que le sort soit si cruel ? Que cet homme si fascinant la méprise à ce point ? Certes, les apparences jouaient contre elle, et tout portait à croire qu'elle était la maîtresse de Garth, le beau-père de Marc. Impossible, hélas, de clarifier les choses sous peine de compromettre la carrière politique de Garth. Mais pourrait-elle subir encore longtemps les menaces de Marc, son hostilité permanente ?

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- Nous n'aurions peut-être pas dû venir, fit remarquer Sabrina, en proie à une nervosité grandissante. - Et pourquoi cela? répliqua Garth en lui resservant du vin. Je trouve au contraire que c'est une excellente idée d'être venus dîner ici. - Oui ... mais la prudence s'impose. La jeune femme balaya discrètement les tables du regard en quête de quelque visage connu. Ce restaurant, l'un des plus huppés de Londres, avait la réputation d'attirer quantité de célébrités ... y compris des membres du Parlement, comme Garth Fraiser. Pour une rencontre clandestine, ce n'était pas l'endroit idéal! - J'imagine que tu n'as pas l'habitude d'inviter tes anciennes secrétaires dans ce genre d'endroit, poursuivit Sabrina. - Il faut-dire que tu n'es pas une secrétaire ordinaire! lança Garth avec un sourire malicieux. - C'est vrai. Pour autant, je n'aimerais pas que les gens jasent. Garth soupira et se rembrunit. Bien qu'il ne fût plus de première jeunesse, il avait encore belle allure avec son épaisse chevelure blonde, son regard franc, et son visage carré où s'exprimait sa nature pugnace et volontaire. - Moi non plus, Sabrina. Je m'en voudrais de te causer le moindre désagrément. Tu as été assez éprouvée ces derniers temps avec le décès de ta mère et... et tout le reste. Seulement, il faut que nous parlions. J'ai tellement de choses à te dire! A ces mots, Sabrina sentit la tristesse la gagner. - Je m'inquiète plus pour toi que pour moi, Garth. Que penserait ta femme si elle savait que tu dînes avec moi ce soir? - Qu'il s'agit d'un repas d'affaires, répondit-il avec désinvolture. De toute façon, Nadine est en visite chez Marc à Paris. Elle ne rentrera pas avant demain. - As-tu l'intention de tout lui avouer? Sabrina retint son souffle pendant les quelques secondes qui précédèrent la réponse de Garth. - Franchement, je ne m' en sens pas capable. Je tiens beaucoup à toi, Sabrina. Oh, je conçois que tu puisses en douter. J'ai commis tellement d'erreurs; la principale étant que j'aurais dû tout révéler à Nadine dès le début. Il s'interrompit pour se passer une main sur le front, puis ajouta: - Écoute. tu n'as qu'à revenir travailler pour moi. Sabrina, nous arrangerons tout. Tu me manques, tu sais. Une soudaine bouffée d'émotion noua la gorge de Sabrina. Garth aussi lui manquait; et elle gardait la nostalgie de son métier, de l'incessant mouvement des sphères politiques du Palais de Westminster. - Moi aussi, j'aimerais me rapprocher de toi, Garth. Mais il ne faut pas perdre de vue ta carrière. La politique, c' est toute ta vie et, comme tu le soulignais toi-même, les gens te veulent irréprochable. Si on apprenait quoi que ce soit à mon sujet, ça pourrait te nuire. Et même, compromettre ton siège de député à Bruxelles l'année prochaine. Après tout le mal que tu t'es donné pour t'y préparer ... Garth ne put qu'acquiescer. - C'est vrai, j'ai travaillé dur ... Et Nadine m'a été d'une aide précieuse. ajouta-t-il après un silence. Elle est formidable, elle m'a toujours soutenu.

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Sabrina avait rencontré à plusieurs occasions Nadine, l'épouse de Garth, une Française aussi belle qu'intelligente. C'était une femme appréciée et respectée de tous, qui représentait un atout incontestable pour la carrière de son mari. - Certes, mais Nadine n'est pas sotte. Tôt ou tard, elle flairera quelque chose. A ta place, Garth, je me déciderais à lui avouer la vérité, ou alors, il faut couper tout lien avec moi. Sous son apparente détermination, la jeune femme avait frémi. L'idée de renoncer à Garth lui causait une souffrance intolérable; encore plus maintenant. après sa récente découverte. - Ne plus nous revoir? murmura Garth, devenu blême. Sabrina, tu n'envisages pas une chose pareille? demanda-t-il en s'emparant de sa main. - Non ... Bien sûr que non. C'est la prudence qui me pousse à parler ainsi. - Comprends-moi, je ne peux pas dire à Nadine ... L'arrivée inopinée d'un homme mit un terme à leur conversation. En même temps, une belle voix masculine s'élevait pour demander d'un ton abrupt: - Qu'est-ce que tu ne peux dire à Nadine? Levant rapidement la tête, Sabrina croisa le regard perçant de l'inconnu; comme un enfant pris en faute, elle retira aussitôt sa main de celle de Garth. - Marc! En voilà une surprise! s'exclama ce dernier en se levant. Nadine est-elle avec toi? - Non. Ma mère est encore en France. - Ah ... Un sourire détendit les traits de Garth. - Je dîne avec ma secrétaire, poursuivit-il, Mlle Sabrina Harrington. Sabrina, voici mon beau-fils, Marc Kingsley. Comme elle reportait son attention sur le dénommé Marc, Sabrina songea qu'il était beau garçon. Très beau garçon, même. Avec ses yeux noirs, ses cheveux d'un brun très foncé et son teint mat, il paraissait plus français qu'anglais. Mais il possédait quelque chose cn plus que le simple charme d'un homme doté d'un physique avantageux. Sur le visage qu'il tournait vers elle, Sabrina pouvait lire l'expression d'une forte personnalité. De la dureté, presque. Un instant, elle crut déceler dans les yeux qui s'attardaient sur sa longue chevelure blonde et l'ovale de ses traits délicats, une lueur étonnée. En tout cas, Marc Kingsley avait une façon si insolente de l'observer qu'elle en rougit d'embarras. - Mademoiselle ... Il la salua d'un bref signe de tête avant de pivoter vers Garth. - Je suis passé chez toi; ta femme de ménage m'a dit que j'avais de bonnes chances de te trouver ici. - Oui, je lui avais laissé les coordonnées du restaurant au cas où Nadine téléphonerait. Mais assieds-toi donc avec nous, Marc. - Juste quelques instants alors, répondit-il en jetant un rapide coup d'œil à sa montre. Il prit place sur la chaise que lui présentait son beau-père, à côté de celui-ci et face-à Sabrina. - Je voulais juste te prévenir que finalement ma mère ne rentrera pas avant. lundi, reprit Marc. Elle a décidé d'aller passer le week-end chez sa sœur à Nice. Un coup de tête. - Ah, tu fais bien de m'en informer. Je comptais l'appeler chez toi à Paris, ce soir. Je me serais inquiété de n'avoir pas de réponse. - Maman. est descendue au Sheldon à Nice, comme d'habitude. Si tu veux lui parler, je te conseille de l'appeler dès maintenant. A mon avis, elle ne veillera pas tard ce soir. Elle a pris l'avion très tôt de Paris ce matin et, la connaissant, elle aura passé la journée à écumer toutes les boutiques de la ville avec sa sœur. - Probablement, murmura Garth en souriant. Veux-tu bien m'excuser une petite minute pendant que je téléphone à ma femme? ajouta-t-il à l'adresse de Sabrina.

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Dans un premier temps, ce tutoiement la surprit. Garth et elle s'étaient en effet accordés à éviter toute familiarité en public. Mais sans doute Marc les avait-il entendus se tutoyer en arrivant.. .. comprit Sabrina. S'ils s'étaient brusquement vouvoyés, c'eût été encore plus maladroit. Quoi qu'il en soit, Marc profita de cette confusion passagère de Sabrina pour répondre à sa place: - Évidemment qu'elle t'excuse. Mlle Harrington ne songerait pas, j'en suis sûr, à contrarier une authentique histoire d'amour. Le ton se voulait badin; pourtant, la jeune femme trouva si peu ironique le regard qui accompagnait ces paroles qu'elle en fut presque mal à l'aise. Garth, quant à lui, paraissait n'avoir rien remarqué. - Je ne serai pas long, promit-il à Sabrina. Ne laisse pas mon beau-fils te faire un numéro de charme pendant mon absence. Cette petite plaisanterie embarrassa légèrement Sabrina, sans qu'elle pût au juste s'expliquer pourquoi. Une certaine nervosité se devinait derrière le sourire poli qu'elle adressa à Marc. Un sourire qu'il ne lui rendit pas. Impassible. il continuait de l'examiner comme s'il cherchait à sonder son âme. - Alors, mademoiselle Harrington, est-ce là un dîner de travail ou un dîner d'agrément? Gênée, Sabrina se mit à jouer avec son verre. Quoique Garth l'ait présentée comme sa secrétaire, elle ne travaillait plus pour lui. Après avoir hésité à le dire à Marc, elle choisit finalement d'en rester à la version de Garth. C'était plus sûr. - Simplement un dîner de travail, dit-elle, l'air dégagé. - Vraiment? Dans la voix perçait une pointe d'ironie qui n'échappa pas à Sabrina dont le malaise s'accrut. - y a-t-il longtemps que vous travaillez pour mon beau-père, mademoiselle Harrington ? - Euh ... environ un an. - Et où travaillez-vous maintenant? - Maintenant? répéta-t-elle, gagnée par la panique. - Oui. Maintenant que vous ne travaillez plus pour Garth. Il s'ensuivit quelques secondes d'un silence pesant pendant lequel ils se fixèrent mutuellement... Ainsi donc, il savait depuis le début qu'elle n'était plus la secrétaire de Garth! songea la jeune femme, affolée. - J'ai entendu dire par ma mère que Garth cherchait une autre secrétaire, et que vous étiez très difficile à remplacer, expliqua-t-il avec un sourire désarmant. Sabrina, à la torture, luttait désespérément pour recouvrer ses esprits. Elle saurait désormais quelle angoisse endure une souris traquée par un chat! Au prix d'un effort de volonté, elle réussit cependant à s'exprimer avec suffisamment de détachement. - Je n'ai pas encore trouvé d'autre emploi. Il m'arrive de faire un peu de secrétariat pour Garth chez moi ... Juste quelques petits travaux de frappe par-ci par-là. -.:.. Je vois ... Garth a bien de la chance, en tout cas! J'aimerais beaucoup avoir quelqu'un comme vous. Quelqu'un à qui je puisse demander de petits travaux de frappe par-ci par-là. Quelque chose dans le ton qu'il avait adopté la fit se raidir. Marc Kingsley soupçonnerait-il quelque chose à propos de ses relations avec Garth? Comme elle tentait de découvrir sur ses traits la réponse à cette question, il lui sourit - plutôt agréablement -, et Sabrina en conclut qu'elle devait se tromper. Nerveuse, mal à l'aise du fait de se trouver dans ce restaurant avec Garth, elle prêtait aux propos de son interlocuteur un sens qu'ils n'avaient probablement pas. Néanmoins, elle crut bon de préciser: - Je suis une secrétaire hautement qualifiée, et il y a certaines tâches que Garth tient à me confier en personne. Dans l'attente, bien sûr, d'avoir recruté une remplaçante. - Oh, je ne doute pas que vous ayez toutes les qualifications requises ...

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Il promena les yeux sur le triangle de peau nue que dessinait le décolleté de son chemisier. - Et vous êtes ravissante, ce qui ne gâte rien. Sabrina s'empourpra. Cependant, sa confusion atteignit son comble quand elle vit paraître un sourire amusé sur le visage de son compagnon. - Oui, vous êtes vraiment belle, Sabrina Harrington. D'une beauté très sensuelle, murmura-t-il en contemplant la courbe pleine de sa bouche. En résumé, je dirais que vous êtes une créature dangereuse. Au fil des minutes, l'atmosphère entre eux' s'était chargée d'une tension oppressante mais aussi d'un courant d'émotion étrange, indéfinissable ... Le cœur de Sabrina blutait vite, anormalement vite. L'insolence de Marc Kingsley aurait justifié une repartie cinglante qu'elle était hélas incapable de formuler tant la déconcertait le regard pénétrant de ses yeux noirs. Quand, sur ces entrefaites, Garth reparut, elle ne put réprimer un sursaut. Marc en revanche accueillit son beau-père avec son inébranlable décontraction. - Alors, as-tu réussi à joindre ma mère? - Oui. Garth avait répondu d'une voix éteinte, ce qui inquiéta Sabrina. Il semblait d'ailleurs avoir perdu son allant, et le pli de sa bouche trahissait une lassitude qui acheva d'alarmer la jeune femme. - Garth, quelque chose ne va pas? - Non. Je me sens juste un peu fatigué. Si tu as terminé, Sabrina, j'aimerais que nous rentrions. - Bien sûr! Soucieuse de connaître la raison réelle de ce brusque malaise - et trop heureuse d'échapper à la compagnie de son beau-fils - Sabrina se, saisit de son sac, prête à partir. - Puisque tu es fatigué, Garth, je pourrais raccompagner ta secrétaire chez elle à ta place? suggéra alors Marc. A ces mots, elle se leva comme un ressort de sa chaise, un refus tout prêt aux lèvres. Plutôt rentrer en taxi! Marc Kingsley lui mettait les nerfs à vif. Hélas, Garth fut plus prompt à répondre. - Ça ne te dérangerait pas, Marc? Tu me rendrais service. - Pas du tout. Ce serait avec plaisir. Attendez-moi ici, je vais demander au portier d'avancer nos voitures. Si tu veux bien me donner tes clés, Garth ... Dès qu'ils furent seuls, Sabrina s'empressa de le questionner. - Garth! Qu'est-ce qui ne va pas? - Rien, mon ange, répondit-il d'une voix tranquille que démentait sa mine soucieuse. Simplement, nous avons eu une petite querelle, Nadine et moi. . - Une querelle? A quel sujet? Garth hésita. - Elle aimerait que je vienne la rejoindre à Nice demain pour passer le week-end avec elle. J'ai répondu que c'était impossible. - Mais pourquoi? C'est samedi. Tu m'as affirmé toi-même que tu n'avais aucune obligation particulière. - Je voudrais que nous nous voyions demain. Nous avons tant de choses à nous raconter. - Non, Garth, répliqua-t-elle avec résolution. Ta femme passe avant tout. Je ... - Je ne suis pas prêt à transiger là-dessus. Je passerai la journée de demain avec toi, un point, c'est tout. J'avais pensé à une promenade à la campagne ... - Garth ... non. - La question est réglée, décréta-t-il, ignorant sa repartie. Je passerai te prendre à 10 heures. Sur ce, il se leva et la gratifia d'un large sourire. - Tu es incorrigible, dit-elle d'un ton de reproche feint. - Mais tu m'aimes quand même? demanda Garth avec un clin d'œil.

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- Tu sais bien que oui. Une lueur très tendre réchauffa le regard dont il l'enveloppait. - Merci, Sabrina. Tu n'imagines pas à quel point ça me fait plaisir. L'instant d'après, redevenu sérieux, il ajouta: - Écoute, j'ai une faveur à te demander, s'il te plaît... Je voudrais que Marc ne se doute de rien à propos de nous. Ça me déplairait que Nadine apprenne la vérité de cette façon. - Je ne comptais rien lui dire, sois sans crainte. - Prudence quand même. Marc est un homme très perspicace. Et il s'y entend pour charmer son monde! Sabrina lui sourit. - Je ne me laisse pas charmer facilement. Apercevant son beau-fils qui revenait, Garth prit congé de la jeune femme. - A demain, mon ange. 10 heures précises. Elle le vit échanger quelques mots avec Marc à l'entrée de la salle. Garth lui avait toujours paru de constitution solide; pourtant, auprès de Marc Kingsley, il semblait presque frêle tant ce dernier était grand et de large carrure. Fouillant dans sa mémoire, elle essaya de se rappeler ce qu'avait pu lui raconter Garth au sujet de son beau-fils, et retrouva quelques détails, en vrac. Marc était un riche industriel qui avait brillamment réussi en affaires; il vivait la majeure partie du temps à Paris mais possédait aussi une résidence dans le Surrey; sa mère, Nadine, était française et son père, anglais. C'étaient là les seuls renseignements dont Sabrina put se souvenir. Avec un soupir, elle se leva pour aller le rejoindre. Confusément, elle pressentait cependant qu'il lui faudrait en savoir davantage sur cet homme afin d'éviter le genre de situation gênante dont elle venait de faire l'humiliante expérience. Alors qu'elle évoluait entre les tables, il lui fournit un nouveau motif de contrariété par sa façon de la regarder. Quel aplomb! Marc la détaillait ostensiblement des pieds à la tête comme on examine un objet pour en estimer sa valeur en vue d'une quelconque transaction, et Sabrina regretta de n'avoir pas mis un pantalon au lieu de son tailleur à jupe courte. - Prête? demanda-t-il lorsqu'elle fut près de lui. Les lèvres pincées, elle acquiesça d'un simple signe de tête ... non sans noter le curieux effet qu'il produisait sur elle. Un seul regard de ses yeux perçants semblait suffire à lui faire perdre ses moyens. Aussi se réjouit-elle en secret de se retrouver dehors dans l'obscurité. Là, au moins, il ne s'apercevrait pas de son embarras. Une Porsche rouge s'arrêta bientôt devant l'entrée, à leur hauteur. L'employé en descendit et remit les clés à Marc tandis que Sabrina considérait d'un -œil dédaigneux la silhouette agressive du bolide. M. Kingsley ne faisait pas dans la discrétion! pensa-t-elle. Et sans doute avait-il les mêmes goûts pour les femmes que pour les voitures. Il devait être attiré par les beautés fatales et tapageuses ... Lorsqu'il lui ouvrit la portière, cette galanterie ne fut pas sans la surprendre. Au moins avait-il un certain savoir-vivre ... Mais que lui arrivait-il? se demanda tout à coup Sabrina. Cela ne lui ressemblait pas d'être aussi belliqueuse, surtout envers un parfait inconnu. Voilà un homme qui avait la bonté de la raccompagner chez elle, et elle était là à traquer .ses moindres défauts. En fait, depuis qu'il avait posé les yeux sur elle, elle se tenait sur la défensive ... Non, vraiment, cela ne lui ressemblait pas. Déconcertée par sa découverte, elle le regarda boucler sa ceinture et mettre en marche le moteur. Marc se tourna ensuite vers elle, et son visage lui apparut éclairé par la lueur pâle d'un lampadaire, sculpté de zones d'ombres et de lumières qui lui prêtaient un charme très troublant. Si troublant qu'elle en avait bel et bien le cœur chaviré!

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- Vous' n'attachez pas votre ceinture? demanda-t-il de sa voix nonchalante. - Euh ... si. Malheureusement, elle fit preuve d'une maladresse inouïe et ne put y arriver, si bien que Marc dut intervenir. - Vous permettez ? Il se pencha pour saisir la ceinture et la tendre en travers de Sabrina. Dans le mouvement qu'il fit, il effleura par inadvertance l'épaule de la jeune femme, ce qui suscita une fois de plus en elle des sensations très déconcertantes. Dieu merci, Marc s'engageait l'instant d'après dans le flot de la circulation, et Sabrina se détourna résolument de son chauffeur pour regarder par la vitre. Sa propre gaucherie commençait sérieusement à l'irriter. A vingt-cinq ans, se conduire de cette façon! Pourtant, elle avait connu bien des hommes, mais jamais un effleurement fortuit ne lui avait causé un tel émoi. Décidément, ce Marc Kingsley détenait sur elle un bien curieux pouvoir ... Certes, elle se sentait attirée par lui, comme devaient l'être la plupart des femmes qui l'approchaient. Mais il n'y avait pas que cela. Tout ce qu'elle pouvait éprouver d'émotions, percevoir de sensations par lui prenait des dimensions inconnues. démesurées. Un phénomène d'autant plus incompréhensible que cet homme lui était totalement étranger ... Lorsqu'il se gara devant chez elle à Kensington, une pensée la frappa: il était venu jusque-là sans lui demander où elle habitait. - Comment connaissiez-vous mon adresse? s'enquit-elle, méfiante. - Garth me l'a donnée avant de partir. - Ah ... Marc coupa le moteur. Le silence qui soudain se fit dans la voiture parut terriblement oppressant à la jeune femme. Effarée, Sabrina s'aperçut que son cœur battait à un rythme endiablé et que chaque pulsation lui résonnait dans la tête; - Bien, merci de m'avoir raccompagnée, murmura-t-elle avec peine en cherchant la poignée. - Vous ne m'invitez pas à boire un café? demanda Marc d'un ton suave. - Euh .. : oui. Oui, bien sûr. Voilà qu'elle bafouillait, à présent! Il ne manquait plus que cela! Pour ne rien arranger, il lui fallut essayer plusieurs clés avant de trouver la bonne pour ouvrir la porte de l'appartement. Sabrina était furieuse contre elle-même lorsqu'elle précéda son compagnon à l'intérieur. Outre ses dimensions spacieuses. le logement se caractérisait par un style contemporain à l'élégance sobre. Sur les murs comme au sol, recouvert d'une épaisse moquette de laine, dominaient des teintes pastel dans une douce harmonie de sable et saumon. Aussi l'œil n'était-il que plus attiré par les taches de couleurs vives que jetaient les peintures modernes suspendues çà et là. Des lampes à halogène, judicieusement disposées, réchauffaient l'ensemble tout en mettant en valeur le décor. - Bel appartement, commenta Marc. Ce doit être rentable de travailler pour Garth. La remarque choqua Sabrina. Néanmoins, elle préféra ne pas relever l'impertinence, et indiqua à son hôte le canapé de cuir blanc cassé dans le salon. - Installez-vous. Je vais préparer le café. Mais au lieu d'obéir, Marc la suivit dans la cuisine et s'appuya nonchalamment à un meuble pour la regarder s'affairer. Comme Sabrina lui jetait un coup d'œil réprobateur, il crut bon de se justifier en déclarant: - Le spectacle est plus agréable, ici. Et il se mit à contempler les courbes de sa silhouette fine et élancée, s'attardant sur les longes jambes fuselées qui dépassaient de la jupe. Il n'en fallut pas plus pour qu'elle sente une étrange faiblesse l'envahir: Agacée, elle lui tourna le dos et ouvrit un placard en quête de lasses et de

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soucoupes. - Pour quelle raison avez-vous cessé de travailler pour mon beau-père? La tasse qu'elle venait de saisir lui glissa des doigts et alla se briser sur le carrelage. Sabrina laissa échapper une exclamation consternée. Marc, qui l'aidait à ramasser les débris, examina le fond de la tasse. - Dommage, murmura-t-il. C'était du Royal Doulton ... Vous avez dû le payer cher. Exaspérée, elle le fusilla du regard. - Seriez-vous inspecteur des impôts, par hasard? Vous n'ouvrez la bouche que pour faire des remarques sur le standing des lieux. - Vraiment? Je regrette ... C'est probablement parce que tout ce- qui est beau me fascine. En disant cela, Marc la dévisageait avec intensité, Et brusquement, sans qu'elle ait senti leur approche, des larmes montèrent aux yeux de la jeune femme. Très vite, elle se releva et alla jeter la tasse en morceaux dans la poubelle. - Excusez-moi si j'ai été désagréable avec vous ... Le fait est que ... que ce service à café avait pour moi une valeur sentimentale. Il appartenait à ma mère. Très émue, elle n'osait regarder Marc en parlant. Peut-être était-ce absurde de se mettre dans de pareils états pour une simple tasse, mais cela avait réveillé en elle des souvenirs poignants. Sabrina s'efforça de sourire lorsqu'elle fit face à son compagnon. - Il faut me pardonner. J'ai perdu ma mère il y a deux mois et je ne suis pas encore bien remise. - C'est compréhensible, répondit-il avec une singulière douceur. Écoutez, Sabrina, vous n'avez qu'à vous asseoir et je préparerai le café. Gênée, elle bredouilla de vagues protestations; mais déjà, ignorant son refus, Marc lui approchait une chaise puis prenait une autre tasse dans le placard. Devant tant de détermination, Sabrina renonça à lui tenir tête. En le regardant évoluer dans sa cuisine, elle songea combien la scène était insolite. Elle, assise à la table, tandis qu'un quasi-inconnu préparait du café. Avec son costume et sa cravate de soie, Marc paraissait incongru dans ce décor; pourtant, Sabrina dut se rendre à l'évidence: même là, occupé à des tâches aussi prosaïques, il conservait cette aura de charme et de séduction qui avait fait une si forte impression sur elle. - Du sucre? demanda Marc, la surprenant dans ses rêveries. - Non, merci. Après avoir placé devant elle une tasse fumante, Marc s'assit sur la chaise opposée. - Vous ne préféreriez pas que nous nous installions au salon? proposa Sabrina. - Non, nous sommes très bien ici. Vous savez, je, dois bien avouer que je me félicite d'être parti à la recherche de Garth ce soir, ajouta-t-il soudain. Devant l'air interrogateur de Sabrina, il précisa; - Sans cela, nous ne nous serions jamais rencontrés. Pour masquer son embarras, elle se mit à rire. - Garth a eu raison de 'me prévenir que vous étiez un redoutable charmeur. - Garth a fait ça? La voix de Marc avait recouvré un court instant sa dureté. Presque aussitôt, cependant, il enchaîna avec un sourire : - Dans ce cas, vous partez avantagée. Il ne m'a jamais rien dit de vous. - Une secrétaire finit toujours par apprendre quelques détails sur la famille de son patron, fit observer Sabrina d'un ton léger. - J'imagine ... Au fait, vous étiez sur le point de m'expliquer tout à l'heure pourquoi vous avez cessé de travailler pour Garth. A ces mots, Sabrina se rembrunit légèrement.

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- Je vous trouve bien curieux, monsieur Kingsley, dit-elle. - Ma curiosité tient au fait que vous m'intéressez. Et je vous en prie, appelez-moi Marc. Le cœur de Sabrina se mit à battre la chamade. Se pouvait-il réellement qu'elle intéresse Marc Kingsley? Cette seule pensée la plongeait dans un indicible émoi. - Je suis flattée, murmura-t-elle d'un ton qu'elle espérait neutre et détaché. Marc sourit. - Dans ce cas, nous pourrions déjeuner ensemble demain? C'était dit avec tant de naturel qu'il fallut quelques secondes à Sabrina pour assimiler le sens de la question. Marc Kingsley l'invitait à déjeuner! Un instant - un instant de folie - elle fut tentée d'accepter. Puis elle se rappela Garth, et la raison lui revint. Mieux valait garder une certaine distance vis-à-vis de Marc; Garth et lui étaient trop proches. Et de toute manière, elle avait déjà une sortie de prévue avec Garth, le lendemain. - Désolée, mais ça ne m'est pas possible, dit-elle. - Est-ce que, par hasard, j'empiéterais sur le terrain de quelqu'un d'autre? s'enquit-il sans la quiller des yeux. Elle hésita, ne sachant comment se tirer au mieux de la situation. En effet, si elle répondait non, Marc lui fixerait un autre rendez-vous; et si elle répondait oui, il risquait de lui demander qui était son petit ami. - Demain, je ne suis pas disponible, finit-elle par déclarer. - Après-demain alors? - Non ... je ne peux pas, Marc. Il y a déjà un homme dans ma vie; ce ne serait pas loyal. - Il a bien de la chance, cet homme ... Marc vida d'une traite le fond de sa tasse puis se leva. - Il est temps, je crois, que je m'en aille. La déception qui l'envahit à ces mots n'étonna même plus Sabrina. Comment nier qu'en d'autres circonstances, elle aurait aimé mieux connaître Marc? Il y avait en lui quelque chose qui la troublait profondément. - Merci de m'avoir ramenée chez moi, dit-elle en se levant à son tour pour Je raccompagner. Marc la regarda, sourit, puis tout à coup lui caressa le visage. - Voyez-vous, Sabrina, je ne reste jamais sur un refus ... C'est contraire à ma nature. Le souffle coupé par l'émotion, elle le fixa sans pouvoir prononcer un mot tandis qu'il promenait un doigt léger sur sa joue. - Attendez-vous à me revoir bientôt, Sabrina Harrington. D'irrésistibles tremblements la parcouraient lorsqu'il s'éloigna. Il lui semblait que sa peau la brûlait là où s'était posée la main de Marc. Ainsi, ils allaient se revoir! Marc le lui avait promis, et cette perspective la transportait de joie. Quand la porte d'entrée se fut refermée, cependant, et que Sabrina se retrouva seule, la lucidité lui revint. Une aventure avec Marc était impossible ... Le cœur lourd, elle alla ranger la cuisine, éteignit les lumières puis rejoignit sa chambre. Comment réagirait Marc s'il apprenait la vérité? L'intéresserait-elle toujours autant s'il savait qu'elle était la fille illégitime de Garth Fraiser? La question ne tortura pas longtemps Sabnna. A quoi bon? Elle ne connaîtrait jamais la réponse, puisqu'elle ne devrait jamais divulguer ce secret qu'elle partageait avec Garth ...

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Garth se présenta chez Sabrina à 10 heures précises le lendemain matin, et Ils se mirent aussitôt en route pour la' campagne dans son Aston Martin. C'était une journée magnifique. La nature en plein renouveau printanier resplendissait sous le soleil. Dans chaque arbre, chaque buisson, les bourgeons éclataient, et - le bord des routes s'égayait de jonquilles par centaines. Sabnna, pour qui l'hiver avait été particulièrement triste, puisait un Immense réconfort dans la promesse de jours meilleurs, plus chauds, plus gais. Elle aussi comme la nature, avait l'impression de renaître à la vie après un long séjour dans les ténèbres. - Alors, où allons-nous au juste? demanda-t-elle. Tu es bien mystérieux! - J'ai pensé que ce serait une bonne idée de t'emmener déjeuner chez moi. Cette perspective n'enthousiasma pas vraiment Sabnna. Se rendre chez Garth en l'absence de Nadine lui semblait un peu ... indélicat. - As-tu songé à ta femme de ménage, Garth? Elle ne s'étonnera pas de ma présence? - Ne t'inquiète pas pour Sadie. Je l'ai déjà prévenue que j'avais un déjeuner d affaires, répondit-il avec un sourire rassurant. Nous avons à parler toi et moi et le seul endroit où nous ne serons pas dérangés, c'est mon bureau. De ce point de vue, Garth avait raison: ils avaient mille choses à se dire. Sabrina n'avait découvert que très récemment que Garth Fraiser était son père. Le choc l'avait d'autant plus ébranlée que sa mère lui avait toujours laissé croire que son père était mort! Aujourd'hui encore, elle avait peine à appréhender la réalité de cette situation. Elle était devenue secrétaire particulière de Garth en répondant à une annonce parue dans un quotidien. Annonce vers laquelle sa mère s'était chargée d'attirer son attention ... Travailler pour Garth s'était révélé parfois épuisant, mais toujours passionnant. S'il exigeait beaucoup d'elle, en contrepartie, il s'était montré juste à son égard, et Sabrina lui vouait le plus grand respect. Quand sa mère s'était tuée tragiquement dans un accident de voiture, quelques mois plus tôt, Garth avait été formidable. Il lui avait accordé tout le temps nécessaire pour accomplir les sinistres obligations liées à un décès, et il s'était même proposé de l'aider pour l'organisation de l'enterrement. A l'époque. cette extraordinaire sollicitude l'avait beaucoup touchée, sans qu'elle soupçonne cependant un seul instant ce qui la motivait. Mais deux semaines après le décès de Lucy Harrington, Sabrina découvrait la vérité 'à la lecture du journal intime de cette dernière: sa mère avait connu Garth Fraiser bien des années auparavant. En fait, ils avaient tous deux fréquenté la même université puis travaillé dans le même cabinet juridique avant que Garth ne se lance dans la politique. Autant de découvertes qui troublèrent vivement Sabrina. Pourquoi sa mère lui avait-elle caché qu'elle connaissait. son patron? Pourquoi ce silence? Sabrina se revit soudain, lisant un à un avec une curiosité avide le reste des cahiers. Elle se rappela la colère éprouvée alors. Une rage mêlée d'amertume ... Comme elle en avait voulu à sa mère de lui avoir menti! A Garth de l'avoir trompée! Ne lui avait-il accordé le poste de secrétaire que parce qu'elle était sa fille? Sur le moment. vexée, humiliée, Sabrina avait même envisagé de lui donner sa démission et de profiter de l'occasion pour lui dire ses quatre vérités. Néanmoins, avec le temps, sa: colère et sa rancœur s'étaient peu à peu dissipées et avaient laissé place dans son cœur à un sentiment de mélancolie, et même à une certaine sympathie pour le

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couple qu'avaient formé Garth et sa mère. Mais elle regretterait toujours que celle-ci lui ait caché la vérité. Sabrina fut brusquement arrachée à ses rêveries par une exclamation dépitée de Garth. - Et zut! Garth venait de stopper la voiture devant la grille d'une grande demeure victorienne. - Que se passe-t-il? Alors même qu'elle posait sa question, Sabrina aperçut, garée dans l'allée, une Porsche rouge; immédiatement, elle sentit la nervosité la gagner. - Marc est ici, déclara Garth. - Qu'allons-nous faire? - Pas question de s'esquiver, décréta Garth en redémarrant. Je lui dirai que tu es venue pour effectuer un travail urgent. Avec un peu de chance. il ne s'éternisera pas. D'ailleurs, ajouta-t-il avec un sourire malicieux, j'ai des corbeilles entières de documents sur mon bureau où tu pourrais mettre un peu d'ordre. Ta remplaçante est dépassée; elle ne t'arrive pas à la cheville. - Oh, je suis sûre que tu exagères, fit Sabrina avec légèreté. - Pas du tout, c'est la vérité ... Mais qu'y a-t-il, Sabrina? Tu es toute pâle! Ils étaient descendus de voiture et se dirigeaient vers la maison. - Non, ça va très bien, s'empressa-t-elle d'affirmer. Ce qui était loin d'être exact. Sabrina venait en effet de se rappeler avoir dit à Marc qu'elle avait rendez-vous ce jour-là. Comment allait-elle se sortir de ce mauvais pas? Ils le trouvèrent confortablement installé sur le canapé du salon, occupé à feuilleter distraitement un magazine. Quand ils entrèrent, Marc se leva et un léger étonnement parut sur ses traits lorsqu'il aperçut Sabrina. - Quelle agréable surprise! s'exclama-t-il. Je croyais que vous n'étiez pas libre aujourd'hui, Sabrina? Le regard intense qu'il rivait sur elle la fit rougir de plus belle, mais elle réussit néanmoins à répliquer avec une pointe d'humour: . - Me croirez-vous si je vous dis que la personne avec qui je devais sortir a dû se décommander au dernier moment? -J'avoue que j'ai du mal à le croire, répondit Marc avec une brusquerie qui la déconcerta quelque peu. Mais comme pour nuancer ce propos, il ajouta avec un sourire: - C'est un manque de bon sens évident de la part de cet homme. - En fin de compte, c'est moi qui suis gagnant dans l'affaire, intervint alors Garth d'un ton plaisant. Sabrina a gentiment proposé de faire quelques travaux de secrétariat cet après-midi. - Très aimable de sa part, en effet, murmura Marc sans quitter la jeune femme des yeux. - Puis-je t'offrir un verre, Marc? proposa ensuite Garth en se dirigeant vers le bar où il se servit un whisky. - Non, pas d'alcool, merci. Mais je prendrais volontiers un café. -Très bien. Je vais demander à Sadie d'en préparer. Et pour toi, Sabrina ? Un café, ou quelque chose de plus fort ? - Un café me conviendra parfaitement. Merci. Garth quitta la pièce, et la jeune femme, contrariée, s'assit sur un des deux canapés qui se faisaient face de part et d'autre de la cheminée. Le fait qu'il la tutoie en présence de Marc la mettait mal à l'aise. Pour ne rien arranger, celui-ci vint s'accouder au manteau de la cheminée et contempla silencieusement Sabrina, absorbé dans Dieu sait quelles pensées. Une onde troublante désormais familière la traversa. Il était tellement beau! Il avait adopté une pose désinvolte, et pourtant, il

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semblait si racé, si distingué dans son costume qui soulignait l'ampleur de sa carrure et le gabarit harmonieux de sa silhouette ... Mais soudain, en croisant ses yeux noirs, elle eut un coup au cœur et se détourna en hâte. - Et si nous dînions ensemble ce soir? demanda-t-il tout à trac. , - Je ne peux pas, Marc. - Quelle droiture, Sabrina! Vous devez être très éprise de cet homme pour lui être aussi fidèle alors que lui vous délaisse ... Sabrina haussa les épaules tout en cherchant ce qu'elle pourrait répondre à cela. L'ennui avec les mensonges, c'était qu'ils faisaient boule de neige. On en disait un, et cela en. appelait d'autres! - Non, il ne me «délaisse » pas, finît-elle par dire. Il a eu un problème dans son travail qui l'a obligé à annuler notre rendez-vous à la dernière minute. - Je vois. Et peut-on savoir qui est cette perle? - Oh, son nom ne 'vous dirait rien. Il... il travaille dans l'informatique. - Dans l'Informatique, répéta Marc d'un ton ironique. Le retour de Garth fut accueilli avec soulagement par Sabrina. - Le café ne tardera pas, annonça-t-il gaiement. Puis il se tourna vers son beau-fils. - Alors, Marc, que me vaut l'honneur de ta visite? - Eh bien, je comptais faire appel à tes lumières en matière juridique. J'envisage d'acheter une usine en Allemagne et j'aurais souhaité avoir ton avis sur quelques points de détail. Quoiqu'il parût très surpris par celte requête, Garth accepta sans la moindre hésitation. - Très volontiers, Marc. - Seulement, je crains que tu ne sois très occupé aujourd'hui, et je ne voudrais pas abuser de ton temps, répondit Marc en jetant un coup d'œil à Sabrina. - Et si nous remettions la chose à demain? suggéra Garth. Je ... - Demain, il sera trop tard. J'ai un rendez-vous à ce sujet cet après-midi. Mais tant pis, je me débrouillerai. Un silence succéda à cet échange. A en juger par l'expression de Garth, Sabrina devinait qu'il était déchiré, que cela l'ennuyait de refuser ce service à son beau-fils. Aussi, pour lui enlever tout scrupule, déclara-t-elle: - Si tu veux, Garth, je vais aller ranger tes papiers. Ça te laissera le temps de discuter avec Marc. - Vraiment? Ça ne t'ennuie pas? demanda son père. - Pas du tout. - C'est très aimable à vous, dit Marc d'un ton neutre. Pourtant, la jeune femme crut voir briller dans ses yeux une lueur de satisfaction. Aurait-il monté à dessein ce scénario? A peine eut-elle formulé celte idée qu'elle la jugea absurde et la rejeta. Un moment plus tard, tandis qu'il conduisait la jeune femme dans son bureau, Garth s'excusa de ce contretemps. - Ma petite Sabrina, je suis vraiment désolé. Moi qui espérais que nous pourrions enfin nous entretenir dans le calme ... - Ce n'est pas grave. Au moins, je pourrai mettre un peu d'ordre dans tes papiers! - J'aurais mille fois préféré que nous ayons quelques heures de détente ensemble ... D'ailleurs, je m'étonne que Marc s'adresse à moi pour un conseil. J'ai des compétences en droit. certes. mais il a toute une kyrielle de juristes qui l'auraient aussi bien renseigné. - Sans doute veut-il ton avis sur un sujet que tu as déjà traité? - Peut-être ... Enfin. je serai le plus rapide possible, promit Garth en conclusion. En fait. près de trois heures s'écoulèrent avant qu'il ait terminé. La femme de ménage apporta à Sabrina du café et plus tard. un repas léger. La jeune femme eut tout le temps de trier les

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documents en souffrance sur le bureau de Garth et de classer ceux qui devaient l'être, Ce travail achevé. elle refermait le placard de rangement lorsque des photos sur la cheminée attirèrent son attention. L'une d'elles représentait Garth en compagnie de sa femme. Nadine. et leur fille. Madeline. Sabrina la prit en main pour l'étudier de plus près. Elle n'avait jamais rencontré Madeline, celle-ci vivant aux États-Unis depuis deux ans. Néanmoins. Garth lui en avait souvent parlé et toujours en termes élogieux. A vingt ans à peine, Madeline démontrait en effet de grands talents artistiques. C'était donc là sa demi-sœur, songea Sabrina. rêveuse. Après s'être crue fille unique pendant de longues années. ce n'était pas sans émotion qu'elle se découvrait ainsi' une sœur. Non que cela allait changer grand-chose. pensa-t-elle avec tristesse. Madeline et elle n'auraient probablement jamais l'occasion de faire connaissance ... A cet instant. la porte du bureau s'ouvrit, livrant passage à Marc. - Vous avez terminé votre travail? s'enquit-il. - Oui. Marc la rejoignit et observa la photo qu'elle tenait. - C'est Madeline, ma demi-sœur. dit-il. Puis, lui montrant un autre cliché, il ajouta: - Et voici ma mère et Garth le jour de leur mariage. Sabrina contempla les visages radieux des deux époux. - Je sais. murmura-t-elle. Je connaissais cette photo. Garth l'a posée sur son bureau à Westminster. - Garth tient beaucoup à ma mère, dit calmement Marc en reposant le cadre. Je crois qu'ils sont aussi amoureux qu'au premier jour. - Ils ont l'air très heureux. en effet. Durant quelques secondes. Marc observa la jeune femme. - Vous semblez très attachée à Garth. Sabrina. - Oui. Il a été très gentil pour moi. - Ça ne m'étonne pas. Garth a le cœur sur la main ... Il serait d'ailleurs plutôt facile d'abuser de sa bonté. - Que dois-je comprendre par là? Répliqua-t-elle, sur la défensive. Il sourit. puis lui plaça un doigt sous le menton pour l'obliger à le regarder en face. - Peut-être est-ce une réaction de jalousie de ma part …, dit-il. Après tout. vous passez beaucoup de temps avec Garth, et je n'arrive même pas à obtenir que vous acceptiez simplement de déjeuner avec moi. Déconcertée par ces propos dont elle ne savait s'il fallait ou non les prendre au sérieux. Sabrina eut un petit rire nerveux. - Ce n'est pas comparable ... Je travaille pour Garth. - Pourquoi ne travailleriez-vous pas aussi pour moi? Le cœur de Sabrina se mit à battre follement. Marc était si près d'elle à présent... - Alors. qu'en dites-vous. Sabrina? Je propose que nous déjeunions ensemble demain pour en discuter, d'accord? - Marc, je ne ... Son refus net s'étrangla dans sa gorge lorsqu'elle vit Marc se pencher vers elle. Lui enlaçant la taille. il cueillit sur ses lèvres le prénom qu'une fois encore, tout bas, elle murmurait. - Marc ... Quoique très doux au début, ce baiser fit déferler en elle un flot de sensations merveilleuses. Ses jambes vacillaient et, presque sans s'en rendre compte, elle s'abandonna peu à peu contre Marc avant de l'embrasser, elle aussi. Il lui semblait qu'une fièvre soudaine s'était emparée d'elle, que

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rien ne saurait apaiser. Aussi, quand tout à coup il s'écarta, éprouva-t-elle un cruel sentiment de frustration. - Puis-je venir vous chercher vers 10 heures? demanda-t-il en la contemplant, les mains posées sur ses épaules. Comme il paraissait calme, détaché, alors qu'en elle, une véritable tempête faisait rage! Sabrina n'en fut que plus gênée de s'être montrée aussi passionnée. - Je ... je ne sais pas, bredouilla-t-elle en essayant désespérément de mettre de l'ordre dans ses pensées. Est-ce que 10 heures n'est pas un peu tôt pour un déjeuner? - Pas pour ce que j'ai en tête, murmura-t-il. Quelques instants plus tard, Garth les rejoignait dans le bureau, l'air soucieux. - Ah, te voilà, Marc. Excuse-moi. C'était Nadine au téléphone. Finalement, elle rentrera en Angleterre demain soir. - Parfait! Se tournant vers Sabrina. Marc ajouta avec un sourire: - Puis-je vous raccompagner chez vous, puisque vous en avez terminé? La jeune femme s'apprêtait à répondre lorsque Garth la devança: - Merci, Marc, mais je raccompagnerai moi-même Sabrina. Il y a une ou deux petites choses dont je voudrais discuter avec elle. - Très bien. Les yeux de Marc s'attardèrent un instant sur Sabrina. - A demain, 10 heures, donc, lança-t-il nonchalamment avant de se retirer. Dès qu'il eut quitté la pièce, Sabrina, dont les jambes tremblaient, se laissa choir sur une chaise. - A quoi faisait-il allusion? demanda Garth. - Il ... il m'a invitée à déjeuner demain. Comme un long silence suivait cette déclaration, Sabrina s'inquiéta. - Tu n'y vois pas d'inconvénient, j'espère? - Non ... Est-ce que c'est sérieux avec lui, Sabrina? - Tu sais, je le connais à peine! - Mon beau-fils est quelqu'un de très bien, il a d'immenses qualités ... On pourrait juste lui reprocher d'aimer un peu trop les femmes. C'est un bourreau des cœurs ... - Oh, tu n'as pas à t'inquiéter! Je serai vigilante, promit Sabrina. Mais de toute évidence, cela ne suffit pas à rassurer son père. - Ma pauvre Sabrina, quelle situation compliquée! s'exclama-t-il avant de pousser un profond soupir. je m'en veux terriblement. j'aurais dû parler de toi à ma femme depuis des années. J'ai l'impression de l'avoir bernée, et maintenant, Marc et toi ... - Ne dis pas ça ! Tu n'as berné personne. Si encore tu avais eu une liaison avec ma mère. tout en étant marié avec Nadine ... - Mais j'étais marié quand j'ai rencontré ta mère ... Tu l'ignorais? - Je n'ai trouvé aucune indication de la sorte dans son journal. Le visage de Garth s'éclaira d'un sourire empreint de tristesse. - Cette chère Lucy .. , Elle n'aura pas osé le mentionner. Ta mère abhorrait la tromperie. Elle se sentait affreusement coupable. Ainsi, sa mère avait eu une liaison avec un homme marié! La chose semblait tout simplement inconcevable à Sabrina. Elle était plongée dans ses pensées lorsque, soudain, la sonnerie stridente du téléphone déchira le silence. D'un geste impatient, Garth brancha le répondeur. - Allons nous promener dans le jardin, dit-il. Là, au moins, nous ne serons pas dérangés. Sabrina acquiesça. Plus que jamais, elle avait hâte d'entendre le récit de Garth. Hâte de savoir,

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afin de mieux comprendre. De connaître la réponse à cette question qui la taraudait depuis des semaines: pourquoi, toute sa vie durant, sa mère lui avait-elle dissimulé autant de choses? Malgré le soleil, il faisait plutôt frais dehors, et Garth passa un bras sous celui de la jeune femme. - Tu n'as pas froid au moins, ma chérie? Pour une raison inexpliquée, cette sollicitude fit monter les larmes aux yeux de Sabrina. - Non ... - Alors, viens. Nous allons visiter le jardin. Il s'agissait d'un endroit magnifique, dégageant une impression de beauté et de sérénité. Pendant quelque temps, ils se contentèrent de déambuler en silence le long des allées, chacun absorbé dans ses rêveries. Mais quand Garth prit la parole, Sabrina lui accorda son attention exclusive, au point d'en oublier tout ce qui les entourait. - Sais-tu que tu ressembles énormément à ta mère? murmura-t-il avec un sourire mélancolique. J'admirais beaucoup Lucy. Sa mort m'a bouleversé. - C'est inimaginable ce qu'elle me manque. Nous étions si proches ... enfin, je le croyais, ajouta Sabrina avec une pointe d'amertume. Je ne m'explique pas qu'elle ne m'ait jamais parlé de toi. J'ai l'impression d'avoir vécu dans le mensonge toute ma vie. - Lucy a agi selon sa conscience, ma chérie. Elle t'aimait beaucoup, je le sais. Elle ne voulait pas te faire de mal. - Pourquoi m'a-t-elle menti, alors? Pourquoi m'avoir dit que mon père était mort? rétorqua vivement Sabrina. - Je comprends ta colère, N'oublie pas néanmoins que ta mère était jeune lorsqu'elle t'a mise au monde. De plus, à l'époque, on ne traitait pas les mères célibataires comme de nos jours. C'était très dur ... Garth se tut et demeura quelques instants silencieux, le regard perdu dans le vague. - Lucy était une très belle femme ... Elle avait environ ton âge quand je l'ai rencontrée. C'était une idéaliste. Elle rêvait de devenir un avocat célèbre. - Elle ne s'en est pas si mal sortie, déclara Sabrina, un sourire attendri aux lèvres. En dépit de tout, elle était fière de sa mère. Sa force de caractère, sa volonté, son courage l'avaient menée très loin; au barreau de Londres, Lucy Harrington était tenue en haute estime. - Nous avons eu une liaison, reprit lentement Garth, A l'époque, j'étais marié à une femme qui s'appelait Jessica. Ça peut paraître choquant, mais nous n'étions pas amoureux, Jessica et moi. Elle avait un amant, un homme très riche sur lequel elle avait jeté son dévolu quand elle s'était aperçue que financièrement parlant, je n'étais pas un aussi bon parti qu'elle le croyait. - Mais alors, si tu tenais tant à ma mère, pourquoi n'as-tu pas divorcé pour l'épouser? - Je l'aurais fait volontiers, crois-moi. Seulement, quand j'ai parlé de divorce à Jessica, sa réaction a frisé l'hystérie. Brusquement, j'étais devenu son bien le plus précieux au monde. De toute évidence, son amant n'était pas décidé à régulariser leur situation; aussi entendait-elle bien se raccrocher à moi. La douleur qu'exprimait la voix de Garth, l'amertume qui se devinait dans le pli de ses lèvres n'auraient pu laisser la jeune femme insensible. - Ne te sens pas tenu de me raconter tous ces détails, dit-elle en lui étreignant brièvement la main. Ce n'est pas important, Garth. C'est du passé. - Si, c'est important! Car c'est le passé qui, bien souvent, détermine l'avenir. Il garda le silence un bref instant avant de poursuivre: - Jessica et moi, nous avons eu une dispute .. effroyable. J'ai eu des mots très durs ... des mots que je n'aurais pas dû prononcer. Elle a quitté l'appartement comme une furie et s'est jetée sous les roues d'une voiture.

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- Mon Dieu! Bouleversée, Sabrina s'arrêta net et regarda son père d'un air hébété. - Elle n'est pas morte, mais elle s'est retrouvée condamnée au fauteuil roulant, expliqua-t-il. Elle avait besoin de moi, Sabrina, et je me sentais tellement coupable ... - Donc, tu as rompu avec ma mère? - Oui, et c'est la décision la plus cruelle que j'aie jamais eu à prendre, dit-il d'une voix sourde. Lucy devait déjà savoir qu'elle était enceinte lorsque j'ai rompu, mais elle n'a rien dit. - Pour ne pas te culpabiliser, sans doute. - Probablement... Le plus terrible, dans l'histoire, c'est que Jessica est décédée six mois plus tard. Mais, dans l'intervalle, ta mère avait déménagé, et j'ai perdu sa trace. Très émue, Sabrina baissa les yeux, et pendant une ou deux minutes, chacun s'absorba dans ses réflexions. - Environ quatre ans plus tard, reprit Garth, j'ai rencontré Nadine. Elle était veuve, mère d'un jeune garçon, et j'étais veuf moi aussi. Nous nous sommes consolés mutuellement, dit-il en souriant à Sabrina, et je suis tombé très amoureux d'elle. Je ne lui ai jamais révélé ma liaison avec ta mère. Elle s'est montrée si compatissante, après la mort de Jessica... Comment aurais-je pu lui avouer que je lui avais été infidèle? Aujourd'hui encore, je ne puis songer à ma première femme sans me sentir coupable ... Bref, je pensais ne plus jamais revoir ta mère, et nous nous sommes trouvés un jour nez à nez en plein Piccadilly. Je n'en croyais pas mes yeux. Tu te rends compte? Six ans s'étaient écoulés depuis notre dernière rencontre! Nous sommes allés boire un verre ensemble, poursuivit Garth en passant dans ses cheveux une main qui tremblait. Je lui ai appris que j'étais marié et père d'une toute petite fille. Alors, elle m'a parlé de toi. Tu imagines ma stupeur ... Peut-être est-ce de la lâcheté de ma part, Sabrina, mais quand Lucy m'a assuré qu'il valait mieux ne pas bouleverser nos existences respectives, je me suis rangé à son avis. Submergée par l'émotion, la jeune femme dut réprimer une soudaine envie de pleurer. - Ta mère t'avait déjà dit que ton père était mort. Et de mon côté, je devais tenir compte de Nadine. Je l'aime beaucoup et ... - Je comprends parfaitement, Garth, interrompit Sabrina, touchée par sa douleur et sa sincérité. Un pâle sourire parut sur les lèvres de Garth. - Le jour où j'ai eu besoin d'une secrétaire, j'ai demandé à ta mère de t'orienter vers moi. Je désirais si ardemment te connaître ... J'avoue que je n'ai pas été déçu, dit-il en la couvant d'un regard affectueux. Je regrette d'avoir agi comme je l'ai fait, Sabrina. Je regrette de t'avoir causé autant de tourments, murmura-t-il en posant les mains sur ses épaules. - A vrai dire, connaître la vérité me procure un immense soulagement. Ils échangèrent un sourire plein de tendresse. - Au fait, c'est bien ton anniversaire samedi? demanda tout à coup Garth. Elle acquiesça, étonnée qu'il se rappelle un pareil détail. Elle-même l'avait presque oublié. - J'aimerais t'emmener au restaurant pour fêter l'événement. A déjeuner ou à dîner, comme tu préfères. Encore sous le choc des révélations qu'elle venait d'entendre, Sabrina hésita. Elle se sentait incertaine désemparée. - Je ne sais pas, Garth ... - Tu ne veux pas de moi dans ta vie, c'est ça? - Au contraire! Je me demandais seulement si c'était bien sage. La situation n'est pas simple. Ta famille ignore mon existence, personne ne sait que je suis ta fille. Et toi, tu es un homme public. Crois-tu pouvoir te permettre de me faire une place dans ton existence? Garth réfléchit un moment puis poussa un profond soupir. - Je répugne à avouer la vérité à Nadine, c'est un fait. Et au niveau de ma carrière, j'aborde un

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tournant décisif et d'autant plus délicat à négocier. - Certainement. Et compte tenu des circonstances même la plus petite ébauche de scandale pourrait te porter préjudice. Garth aussi le savait, et elle comprit à son expression qu'il ne lui contesterait pas ce point de vue. - Il reste toujours la possibilité que tu me suives à Bruxelles comme secrétaire. Et plus tard, peut-être ... - Non, Garth. - J'aimerais que tu y réfléchisses, Sabrina ... S'il te plaît. Une larme roula sur la joue de la jeune femme. Son père lui prit la main et la serra dans les siennes. - Oh, Garth, je ne sais plus que penser ... Tout est si embrouillé! murmura-t-elle. - Viens, dit-il doucement. Marchons encore un peu. Comme elle frissonnait, il lui passa un bras autour des épaules dans un geste affectueux. Ils étaient l'un et l'autre bien trop préoccupés pour remarquer l'homme tapi derrière un arbre, au fond du jardin, et qui braquait sur eux le téléobjectif de son appareil photo.

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Jamais un rendez-vous n'avait rendu Sabrina aussi fébrile que son déjeuner avec Marc Kingsley. Elle apporta un soin tout particulier à sa coiffure et son maquillage, et se tortura ·longuement l'esprit pour résoudre ce problème crucial: comment s'habiller? Un petit ensemble clair très féminin - jupe courte et veste longue près du corps - eut finalement sa préférence. En s'examinant dans le miroir, elle se réjouit d'offrir une apparence tout à fait sereine. Car la pensée que Marc puisse se douter du chaos qu'il avait semé en elle après leur baiser lui était insupportable. Un baiser dont elle avait d'ailleurs gardé un souvenir d'une poignante précision. Et en se rappelant la scène, en se revoyant dans les bras de Marc, buvant à ses lèvres comme à une source de volupté, le trouble la gagnait. Que de mal elle avait alors à chasser cette obsédante vision de son esprit! Lorsque, quelques instants plus tard, la sonnette de l'entrée retentit, elle fut la proie d'une sensation de panique qui, par chance, s'estompa rapidement. Après avoir pris une profonde inspiration et jeté un ultime coup d'œil à son reflet, elle alla ouvrir. - Bonjour, Sabrina. Si le ton était sec, le regard dont Marc l'enveloppa, en revanche, était franchement admiratif,

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- Puis-je vous offrir un café avant de partir? - Pas le temps. La voyant déconcertée par cette réponse laconique, Marc sourit. - Vous êtes prête? demanda-t-il, renonçant manifestement à fournir des explications. Elle hocha la tête et alla prendre son sac. - N'oubliez pas votre passeport, lança-t-i1 négligemment. - Mon passeport? répéta-t-elle, étonnée. En quoi me serait-il utile? - Allez vite le chercher. Je vous expliquerai plus tard. Sabrina ne se sentait plus très sûre d'elle lorsqu'elle fouilla dans le tiroir de son bureau à la recherche du passeport. Où diable Marc comptait-il l'emmener? se demanda-t-elle, en proie à un mélange subtil de crainte et d' excitation. Avec lui, même un banal déjeuner prenait des allures de grande aventure! En quittant l'appartement, elle l'observa à la dérobée et constata qu'il était particulièrement élégant, ce matin. Son blazer marine et sa chemise ciel rehaussaient son charme de brun, et ses cheveux s'éclairaient sous le soleil de mille reflets qui le rendaient encore plus séduisant. Sabrina n'était pas au bout de ses surprises. Mare, en effet, n'était pas venu avec sa Porsche mais en limousine noire, conduite par un chauffeur en livrée. Le prestigieux véhicule les attendait à l'angle de la rue. Quand ils furent installés sur la confortable banquette de cuir noir, Sabrina sourit à son compagnon, un peu intimidée. - Quel luxe! murmura-t-elle. - C'est surtout très pratique. Je trouve beaucoup plus commode d'avoir un chauffeur pour mes voyages d'affaires. Ça me permet de travailler tout en roulant; ainsi, je ne perds pas de temps. - Je comprends. Dois-je en déduire que nous sommes en voyage d' affaires ? - Non. En l'occurrence, c'est pour gagner du temps que j'ai choisi ce moyen de transport. Un sourire malicieux vint ponctuer ces explications. Un sourire tellement irrésistible que la jeune femme en eut le cœur comme chaviré. De crainte qu'il ne découvre son émoi, elle se hâta de relancer la conversation: - Puis-je savoir où nous allons déjeuner? - Dans un petit restaurant que je connais sur la rive gauche. - La rive gauche de quoi? demanda-t-elle, déconcertée. - De la Seine. - La Seine? A Paris? - Mais bien sûr, Sabrina. A Paris, affirma-t-il avec un sourire désarmant. Où pourrions-nous aller par une aussi belle journée de printemps, à votre avis? Une fois passé le premier moment d'incrédulité, elle lui sourit en retour, ravie, et répliqua sur le même ton désinvolte: - Ou, en effet? Décidément, Mare Kingsley ne ressemblait à aucun des hommes qu'elle avait connus. Il était si drôle, si décontracté en toute ·circonstance ... Après quelques minutes d'attente à l'aéroport, un vol d'une heure à peine en première classe, ils atterrirent à Paris. Quand elle foula le sol français, Sabrina se sentait presque euphorique. Était-ce là l'effet du champagne que Marc et elle avaient bu 'pendant le voyage ... ou plus simplement sa compagnie? Sans doute les deux. Dans la capitale baignée de soleil, leur chauffeur s'engagea sur les quais de la Seine, au plus vif plaisir de Sabrina. - C'est merveilleux ... Je n'en crois pas mes yeux, murmura-t-elle en reconnaissant de célèbres monuments de part et d'autre du fleuve.

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A la grande surprise de Sabrina, Marc lui prit la main et la porta à ses lèvres. - Je pourrais vous offrir tout ce dont vous rêvez, Sabrina, chuchota-t-il d'une voix rauque. Envoûtée par la chaleur de son regard, elle sentit une étrange émotion lui étreindre le cœur. Elle ne voulait rien du tout,pensa-t-elle alors. Rien. Que Marc la contemple ainsi suffisait à son bonheur. Très vite, néanmoins, un sursaut de lucidité lui fit retirer sa main de celle de Marc. Comment avait-elle pu l'oublier? Une aventure avec lui était impossible! - Ai-je dit quelque chose qui vous a fâchée, Sabrina? - Non ... Elle lui adressa un sourire contraint. Mais Marc ne le lui rendit pas et, quand il parla, sa voix trahissait une émotion qu'elle ne put déchiffrer. - Vous pensez à lui, n'est-ce pas? A l'autre homme qui est dans votre vie? - Non. - Ne vous leurrez pas, Sabrina. Il ne quittera pas sa femme pour vous . Pendant une ou deux secondes, la surprise la laissa sans voix. - Qu'est-ce qui vous fait supposer que ... que je fréquenterais un homme marié? - Une idée, comme ça. dit Marc avec un haussement d'épaules désinvolte. - Ah oui? A votre place, je m'interdirais des idées pareilles! répliqua Sabrina, furieuse. - Soit, dit-il simplement. . Et il se pencha pour frapper à la vitre qui les séparait de leur chauffeur. - Déposez-nous ici, s'il vous plaît. Vous reviendrez nous chercher au restaurant vers 16 heures ... Nous irons à pied, ajouta-t-il à l'adresse de Sabrina tandis que la voiture se rangeait le long du trottoir. La jeune femme descendit lestement, dédaignant la main que lui offrait son compagnon. - Sabrina, vous n'allez pas passer le reste de la journée à bouder? demanda-t-il alors que la limousine s'éloignait. - Je ne boude pas. J'étais simplement contrariée que vous puissiez tenir des propos aussi inconsidérés. - Alors, il faut me pardonner. - Je vais essayer ... En fait, l'incident était déjà oublié pour Sabrina. Comment tenir rigueur à Marc de quoi que ce soit par un jour aussi radieux? Il faisait beau, la Seine étincelait sous le soleil, de tendres pousses vertes apparaissaient sur les branches des marronniers ... La magie du printemps était omniprésente. - J'adore cette époque de l'année, dit Sabrina avec exaltation. Un sourire indolent flotta sur les lèvres de Marc, et il lui prit la main. - C'est l'époque où les amoureux marchent main dans la main. Cette fois, Sabrina ne chercha pas à se dérober; le contact de sa paume contre la sienne lui était si agréable ... Ils déambulèrent ainsi le long des quais sans se parler, et la jeune femme se rendit soudain compte qu'elle ne s'était pas sentie aussi insouciante et détendue depuis longtemps. - Quel âge avez-vous, Marc? s'enquit-elle soudain. - Trente-six ans ... Pourquoi? - Oh, je m'interrogeais juste sur vous. - Et quelles questions vous posiez-vous? - Eh bien ... je me demandais pourquoi vous n'étiez pas marié. La vie de couple ne vous tente pas? Les enfants, non plus? Contre toute attente, Marc réfléchit à la question, et c'est avec le plus grand sérieux qu'il y répondit:

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- J'aimerais avoir des enfants un jour, oui. Simplement, je n'ai jamais rencontré de femme avec qui j'aie envie de fonder une famille. - Garth prétend que vous êtes un vrai bourreau des cœurs. - Vraiment? Il dit ça? - Ne vous méprenez pas. Garth a beaucoup d'estime pour vous. Il était juste ... inquiet. - A l'idée que vous tombiez amoureuse de moi? La question s'accompagnait d'un regard aigu qui la mit mal à l'aise. - Non, euh ... - Garth est-il au courant que vous sortez avec moi, aujourd'hui? demanda tout à coup Marc. - Oui, bien sûr. Tout en marchant, elle observait son compagnon. Quelle expression sévère il avait... Mais quand il la surprit en train de le regarder, Marc lui sourit. Et elle préféra penser que cette sévérité n'avait été que le produit de son imagination. - Vous avez faim, Sabrina? - Très faim, oui. Aussi fit-elle ses délices des plats savoureux qui leur furent servis pour le déjeuner. Outre sa cuisine raffinée, le restaurant qu'avait choisi Marc au bord de la Seine offrait depuis la salle du premier étage une vue merveilleuse sur les quais et les quartiers de la rive droite. En écoutant son compagnon parler en français au serveur pour commander le café, Sabrina se souvint que Marc avait ses racines dans ce pays, où d'ailleurs il vivait la majeure partie du temps. En fait, il n'effectuait que de brefs séjours sporadiques à Londres ... Cette pensée la chagrina bien plus qu'elle ne l'aurait cru possible. Une réaction ridicule puisqu'elle ne pouvait de toute façon envisager une aventure avec: Marc! Comment, en effet, nouer une quelconque relation avec un homme à qui elle devait cacher qu'elle était la fille de son beau-père? - A quoi pensez-vous? demanda Marc en détaillant chaque trait de son visage délicat. - Eh bien, je me disais que votre pays, c'est la France. - Oui. Ma mère est une pure Parisienne. Mon père, lui, était anglais. Mais ils s'étaient établis ici, en France. Ils furent interrompus par l'arrivée du serveur qui apportait le café et le cognac. Quand ils se retrouvèrent seuls, Marc déclara avec ce naturel désarmant qui le caractérisait: - Tout à l'heure, je vous montrerai la maison où je vis. Sabrina acquiesça d'un hochement de tête. Oui, elle avait très envie de connaître cette maison. Ce serait un peu de lui-même qu'elle découvrirait. - Avez-vous des bureaux à Londres, Marc? - Oui, mais le siège est basé à Paris ... D'un signe, il demanda l'addition au serveur avant d'ajouter: - Voilà pourquoi j'aimerais que vous veniez ici en France travailler pour moi. A ces mots, Sabrina éprouva un immense sentiment de joie. - Je crois savoir, reprit-il, que vous parlez couramment cinq langues. Une personne comme vous me rendrait de précieux services. L'espèce d'ivresse qu'avait ressentie Sabrina se dissipa quelque peu. Marc ne l'avait-il invitée à déjeuner que pour lui proposer un emploi? Était-il davantage intéressé par ses compétences professionnelles que par sa personne? Elle s'étonna d'en concevoir une telle déception. Il n'y avait rien entre elle et Marc ... et il n'y aurait jamais rien. - Je comprends, Marc, mais .. - Non, ne dites rien, Sabrina. Attendez de connaître en détail ma proposition et d'y avoir réfléchi.

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- D'accord. Elle savait cependant que le choix était déjà fait. Garth ne serait pas très enthousiaste à l'idée qu'elle travaille avec son beau-fils et c'était bien légitime. Ils quittèrent le restaurant et trouvèrent la limousine qui les attendait à l'extérieur. Après une nouvelle course à travers les rues de la capitale en direction de l'ouest, ils laissèrent Paris derrière eux. Les habitations peu à peu s'espaçaient, remplacées par une campagne verdoyante qui abritait dans ses bois des résidences cossues. Bientôt, la limousine franchit une haute grille avant de longer une allée bordée de peupliers. - Nous voici arrivés, annonça Marc tandis que Sabrina contemplait avec stupéfaction la magnifique demeure qui se dressait au bout de l'allée. Avec ses tours arrondies à chaque extrémité et son imposante façade, elle s'apparentait davantage à un château sorti d'un conte de fées qu'à une banale maison. Ce petit joyau était entouré de jardins agrémentés de fontaines. et se découpait sur la silhouette sombre d'une forêt. Quand la limousine s'immobilisa devant la large porte cloutée de l'entrée, Marc descendit et offrit sa main à Sabrina pour l'aider à sortir de voiture. Mais il garda ses doigts serrés dans les siens pour gravir ensuite le perron de marbre et pénétrer dans la maison. La jeune femme découvrit alors un somptueux vestibule, au milieu duquel trônait un escalier entièrement sculpté, aux marches tendues d'un tapis grenat. - C'est superbe, murmura-t-elle. - Moi aussi, j'ai eu le coup de foudre pour cette maison. Venez, nous allons la visiter. Chaque pièce était plus belle que la précédente, et le décor d'une richesse et d'un raffinement' hors pair: des meubles d'époque d'une valeur sans doute inestimable, des bibelots précieux, des tapisseries, des tableaux ... Sabrina s'arrêta au sommet de l'escalier pour admirer l'un d'eux, particulièrement réussi, sur le mur opposé. - C'est l'un de mes préférés, dit Marc. Le peintre qui l'a réalisé était de l'école de Raphaël. - Le château était-il meublé quand vous l'avez acheté? - Oui ... J'y ai tout de même ajouté différents objets au fil du temps, notamment des peintures. Ils longeaient à présent un couloir au bout duquel Marc ouvrit une porte. - Et voici une pièce qui devrait vous plaire, Sabrina. Il s'agissait d'une chambre, mais d'une chambre comme on n'en rencontrait pas souvent. De par sa situation dans l'une des tours de la maison, elle était en effet de forme arrondie. Une banquette en demi-lune installée près de la fenêtre offrait une vue saisissante sur les jardins. Mais l'œil était avant tout attiré par le lit, un meuble massif surmonté d'un élégant baldaquin où dominaient l’or et le bleu. Couleurs que l'on retrouvait sur le tapis et les tentures de fenêtre. - Il paraît que Napoléon et Joséphine se sont aimés ici même, à l'occasion d'un bref séjour dans la maison, observa Marc. Qu'est-ce que cela vous inspire, Sabrina? Tout en parlant, il s'était assis au bord du lit et étudiait maintenant la jeune femme de ce regard aigu qui avait le don de lui mettre les nerfs à fleur de peau. - C'est très beau, répondit-elle d'un ton qu'elle voulait dégagé. Et elle alla se poster à la fenêtre, feignant de s'intéresser au paysage, alors qu'elle profitait de ce répit pour recouvrer ses esprits. Répit qui fut, hélas, de courte durée. - Alors, comment trouvez-vous ma maison, Sabrina? Elle vous plaît? demanda doucement Marc, venu la rejoindre. - Beaucoup, oui. Il posa une main sur son épaule. - J'en suis heureux ... J'ai apprécié votre compagnie, aujourd'hui. Assaillie par l'émotion, elle faillit fondre en larmes devant lui

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- Oh, Marc ... Moi aussi, j'ai passé une merveilleuse journée. J'aimerais que ... La suite mourut sur ses lèvres. Elle se sentait tellement désemparée, brusquement, tellement vulnérable! - Qu'aimeriez-vous, Sabrina? Au prix d'un immense effort de volonté, elle réussit heureusement à se ressaisir et à ne pas lui avouer les désirs secrets qui la torturaient: que la vie soit différente; que Gartb puisse jouer auprès d'elle son rôle de père sans se cacher; qu'une relation avec lui, Marc, ne soit pas qu'un rêve ... Au lieu de cela, elle finit par répondre d'une voix tremblante: - J'aimerais que cette journée ne s'achève jamais. - C'est possible. Il ne tient qu'à nous de la prolonger. - Non, Marc ... En parlant, il avait glissé les doigts dans sa chevelure et caressait les longues mèches soyeuses avec une sensualité qui produisait sur elle un effet quasi envoûtant, - Ce dimanche aura été l'un des plus heureux que j'aie passés depuis longtemps, Marc, je tiens à vous en remercier. En cet instant, il contemplait avidement le visage levé vers lui, les-grands yeux bleus auxquels l'émotion prêtait un éclat inhabituel. Quand une larme roula sur la joue de Sabrina, il l'essuya d'un geste très tendre. - Mon pauvre petit ange ... Vous avez été rudement éprouvée ces derniers temps, n'est-ce pas? Je sais quel chagrin vous endurez, reprit-il tout bas. Moi aussi, je suis passé par là à la mort de mon père. Marc l'enlaça par la taille et promena les mains lé long de son dos en une voluptueuse caresse. Comment se priver du réconfort de cette étreinte? Sabrina ne s'en sentait pas la force. Envahie par une irrésistible langueur, elle se blottit contre lui. Quelle émotion d'entendre les battements réguliers du cœur de Marc sous son oreille le sien, en comparaison, battait à un rythme insensé! - Venez habiter Paris, Sabrina. Ce sera une nouvelle vie pour vous. Vous y aurez un nouvel emploi, un appartement ... Nous aurons la possibilité de mieux nous connaître. - Non ... c'est impossible, Marc. - Je peux vous donner tout ce dont vous rêvez, Sabrina, et bien plus encore. Quand il se pencha pour unir ses lèvres aux siennes, elle eut l'impression qu'elle allait mourir de plaisir. Ce n'était qu'un baiser léger, et ce fut elle qui l'approfondit en se moulant contre lui, les bras noués autour de sa nuque. Elle aspirait tellement plus qu'à cette simple étreinte ... ! C'était désolant, mais cet homme avait une facilité inouïe pour déclencher en elle un désir incontrôlable. Tout son corps était la proie d'une fièvre sensuelle dont elle découvrait pour la première fois l'existence. Quant à Marc, il lui rendit très vite ses baisers avec une ardeur qui entraîna Sabrina toujours plus loin dans la déraison. Lorsqu'il s'écarta, la jeune femme lut de la surprise dans son regard. Elle aussi était étonnée ... Il existait entre eux une incroyable alchimie. Cet homme qu'elle connaissait à peine lui inspirait un désir plus violent que ce qu'elle avait jamais ressenti jusqu'alors. - Sabrina ... promettez-moi que vous réfléchirez à ma proposition. - Marc, je ... oh ... Tout en elle, ses hésitations, le frémissement de ses lèvres, exprimaient l'étendue du désespoir qui l'habitait. Dehors, la nuit commençait à tomber. Du visage de Marc, dans le contre-jour de la fenêtre, Sabrina ne distinguait que les yeux braqués sur elle. - Oubliez cet homme, dit-il avec une soudaine brusquerie. - Si les choses étaient aussi simples ...

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- Elles le sont. J'en suis convaincu, dit-il en la saisissant par le bras. Ses doigts la serraient, s'enfonçaient dans la chair. - Marc ... vous me faites mal. Il la relâcha aussitôt, mais elle eut la désagréable impression qu'il avait cherché à la blesser, et un sourd malaise la gagna. L'instant d'après, tout en lui caressant doucement la joue, Marc s'adressait de nouveau à elle d'une voix douce ... et Sabrina en oublia sur-le-champ ses inquiétudes. - Songez à la vie que vous pourriez avoir dès la semaine prochaine: un magnifique appartement, une voiture de sport pour vous promener dans Paris, des comptes ouverts dans les boutiques les plus prestigieuses ... Et nous pourrions approfondir notre relation ... Ce discours la troubla, et elle ne répondit pas tout de suite. S'il pensait l'éblouir avec ces cadeaux mirifique, Marc faisait fausse route. Elle n'était pas vénale. C'était lui qui l'attirait plus que tout. Sa personnalité, son charme, sa sensibilité, sa fougue ... - Je n'ai pas besoin de tous ces trésors, Marc. Je ... - Ne soyez pas aussi prompte à les dédaigner, interrompit-il avec force. Votre décision sera lourde de conséquences. Soit elle vous facilitera la vie. Soit, au contraire, elle vous la compliquera. Cette déclaration sibylline acheva de la déconcerter. Que voulait dire Marc? Ses traits, quoique noyés dans la pénombre, paraissaient tendus, presque durs. Qu'en était-il du charmant compagnon qui, tout au long du Jour, l'avait enchantée? - Marc, commença-t-elle d'une voix presque suppliante. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Je ... La sonnerie d'un téléphone l'obligea à s'interrompre. Avec un soupir, Marc alla répondre. - Allô? lança-t-il d'un ton peu amène. Par la suite, il écouta plus qu'il ne parla, si bien que Sabrina ne put deviner la nature de l'appel. Marc avait néanmoins allumé une lampe, posée près du téléphone, et elle trouva que son visage en pleine lumière trahissait de la lassitude. Comme s'il se sentait observé, Marc se tourna dans sa direction, leurs regards se trouvèrent et restèrent rivés l'un à l'autre. - Bien, je serai là-bas demain matin, dit-il en conclusion à son interlocuteur anonyme. Puis, s'adressant à Sabrina, il ajouta: - Je regrette, mais je ne peux pas vous raccompagner à Londres. Je dois me rendre en Allemagne demain, à la première heure. J'ai un problème urgent à régler, toujours au sujet de cette usine que je viens d'acheter. La déception de Sabrina fut vive. Après l'avoir rejointe près de la fenêtre, Marc lui effleura doucement la joue .

- Désolé, mon petit ange. A ces mot, tendrement chuchotés, elle se sentit fondre littéralement. Oubliées, les craintes qui tout à l'heure ternissaient sa joie! Sans doute d'ailleurs n'étaient-elles pas fondées. Sabrina retrouvait le Marc sensible et attentionné qu'elle aimait. - Je vais vous emmener à l'aéroport, et à Londres, mon chauffeur vous conduira chez vous, murmura Marc. Ça vous convient, Sabrina? - Oui... bien sûr. Quand se reverraient-ils? faillit-elle demander. Mais c'eût été encourager une relation qui ne pourrait jamais voir le jour.

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4

Durant les jours qui suivirent, Sabrina ne pensa qu'à Marc Kingsley. Tantôt elle songeait à ses baisers, tantôt à sa proposition de venir vivre à Paris. Par moments, n'écoutant que les élans de son cœur, Sabrina aurait rejoint Marc à Paris au premier signe de lui. Mais c'était pour plonger l'instant d'après dans le désespoir le plus sombre. Un coup de téléphone qu'elle reçut de Garth la découragea particulièrement. Son père l'interrogea d'emblée sur son déjeuner avec Marc, et ce, sur un ton très angoissé. - Dis-moi, Sabrina, tu n'as rien laissé filtrer à propos de nous, au moins? - Non, sois sans crainte. Tu peux compter sur ma discrétion. - As-tu l'intention de le revoir? Sabrina aurait voulu répondre que non, mais son cœur s'y refusa. - Eh bien ... je ne sais pas, finit-elle par déclarer. - Ma pauvre Sabrina ... Je suis navré, répliqua Garth en soupirant. Par ma faute, tu es dans une situation impossible. - Mais non te ne te tracasse pas. Ce n'est pas important, prétendit-elle. - Dis-moi ... As-tu réfléchi à l'idée de revenir travailler pour moi? s'enquit-il ensuite d'un ton moins tendu. - Oui. Mais je n' ai encore rien décidé . - Dans ce cas, nous en discuterons samedi quand nous fêterons ton anniversaire. Je viendrai te chercher vers midi. Sabrina s'était longuement interrogée sur l'opportunité de redevenir la secrétaire de son père. Ce n'était pas l'envie qui lui en manquait. Elle souhaitait tant se rapprocher de lui, mieux le connaître! Mais à chaque fois qu'elle se concentrait sur ce problème, Marc Kingsley s'insinuait dans ses pensées. Leur dimanche à Paris défilait dans sa mémoire: leur promenade romantique sur les quais de la Seine, la chaleur de sa main dans la sienne, le baiser dans la chambre ronde, les folles sensations qu'il avait fait naître en elle ... Et puis, Marc aussi lui avait demandé de travailler pour lui, se rappelait alors Sabrina avec émotion. Quatre jours s'étaient écoulés depuis. Quatre jours sans que Marc ne se manifeste ... Une raison supplémentaire pour ne plus penser à lui, se dit la jeune femme avec 'fermeté, Et elle s'attela à trier les cartons rapportés de chez sa mère. Lucy Harrington habitait à Richmond une grande maison que Sabrina se voyait maintenant dans l'obligation de vider. Lucy avait en effet exprimé par testament son souhait que la demeure soit vendue et qu'une partie de la somme ainsi réunie soit versée à la recherche sur le cancer. Une cause qui lui tenait particulièrement à cœur, car sa sœur cadette avait été emportée par cette maladie. Pour Sabrina, débarrasser la maison de son contenu représentait une épreuve dont elle se serait volontiers dispensée. C'était plonger dans l'intimité de sa mère et, si peu de temps après sa disparition, cette tâche lui était terriblement douloureuse. Aujourd'hui encore, en manipulant les livres, les bibelots, tous ces objets chers à Lucy, Sabrina avait la gorge nouée. Aussi, lorsque le téléphone sonna, accueillit-elle avec soulagement cette providentielle diversion. - Allô? - Sabrina ... tout va bien?

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En reconnaissant la voix de Marc, la jeune femme éprouva une joie immense. D'un ton gai et enjoué cette fois, elle s'exclama: - Marc, quelle bonne surprise! - Vous attendiez un appel de quelqu'un d'autre, n'est-ce pas? - Mais non ... qu'est-ce qui vous le fait supposer? - Rien. Avez-vous réfléchi à mon offre? Son ton coupant acheva de la déconcerter. Si c'était de cette façon qu'il espérait la convaincre ... - Eh bien ... le moment ne me paraît pas opportun pour aller m'installer à Paris, Marc. Les piles de caisses et de cartons qui l'entouraient étaient d'ailleurs là pour lui rappeler qu'elle devait rester en Angleterre quelque temps encore. Sans compter que Garth ne verrait sans doute pas d'un bon œil qu'elle parte à Paris pour se rapprocher de son beau-fils! Non, elle ne pouvait raisonnablement accepter ... même si, sentimentalement, tout la portait à dire oui. Marc ne répondit pas tout de suite et, quand il le fit, ce fut avec une brusquerie qui, une fois de plus, surprit la jeune femme. - Réfléchissez bien avant de refuser, Sabrina. - Marc ... ne croyez-vous pas que j'ai réfléchi? - Nous en reparlons. Et sur ces mots, il raccrocha. Sabrina, perplexe, reposa à son tour le combiné. Marc lui avait semblé si froid ... Menaçant, presque. S'efforçant d'oublier cette impression désagréable, elle reprit son travail interrompu. Peut-être Marc était-il simplement contrarié qu'elle ait décliné sa proposition, se dit-elle pour se rassurer. Auquel cas, elle ne lui était pas tout à fait indifférente ... Les heures passèrent. Au hasard de son travail de tri, Sabrina tomba sur un vieil album-photos qu'elle ne put feuilleter sans verser de larmes. Le sentiment de sa solitude l'oppressait douloureusement. Comme sa mère lui manquait! Elle aurait eu tant besoin d'une confidente en ces temps difficiles ... Renonçant à poursuivre sa tâche, elle referma le carton, le cœur lourd, et décida de se faire couler un bon bain chaud pour se délasser. Plus tard, enveloppée dans son peignoir d'éponge, elle se préparait un repas léger dans la cuisine quand retentit la sonnette de l'entrée. Il était 1O h 30. De qui pouvait-il bien s'agir à une heure aussi tardive ? Surmontant ses appréhensions, Sabrina s'approcha de la porte qu'elle entrouvrit, non sans avoir fixé au préalable la chaînette de sécurité. - Sabrina, c'est moi, Marc. Par pitié, ouvrez cette porte! Elle hésita un instant, puis finit par obéir. - Marc, que faites-vous ici à une heure pareille? - Si vous voulez bien m'accorder quelques instants, je vous l'expliquerai. Déjà, il ôtait son pardessus et le jetait négligemment en travers de la rampe. Dans ses cheveux décoiffés par le vent du soir scintillaient quelques gouttes de pluie pareilles à des diamants. Comme il était beau! se dit Sabrina. Pourtant, sans qu'elle pût expliquer pourquoi, sa joie de le revoir se teintait d'une certaine crainte. - Vous comptez me recevoir dans l'entrée? lança-t-il soudain. Je boirais volontiers un whisky. Mais peut-être attendez-vous votre petit ami? Plus encore que ces questions, le regard peu amène qui les accompagnait la glaça. De quoi donc s'était-elle rendue coupable pour justifier une attitude aussi belliqueuse? Surmontant à grand-peine son désarroi, Sabrina invita néanmoins son visiteur à la suivre dans le salon. Marc s'approcha de la cheminée où flambait un bon feu de bois. Les mains dans les poches, il regarda la jeune femme lui servir sa boisson.

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- Si j'ai bien compris, vous n'avez pas l'intention d'accepter mon offre d'emploi? demanda-t-il d'un ton abrupt. - Est-ce pour cette raison que vous êtes ici? - Évidemment. Au moins, on ne pouvait lui reprocher un manque de franchise! pensa Sabrina en essayant désespérément de refouler le chagrin qui l'assaillait. S'il souhaitait simplement une secrétaire, fallait-il vraiment que Marc lui offre cette Journée de rêve à Paris? Qu'il déploie de tels efforts ? La jeune femme dut prendre sur elle pour ne rien laisser paraître de sa tristesse et de sa déception. - Eh bien, Je regrette, Marc, mais je suis obligée de refuser votre proposition. - Quel dommage! J'espérais vraiment qu'en ne lésinant pas sur les moyens, je parviendrais à vous convaincre. Mais vous êtes une petite futée, Sabrina. Et vous ne renoncez pas facilement. .. De quel droit la culpabiliserait-il parce qu'elle refusait son offre? se demanda-t-elle. C'était un peu fou, tout de même! Et à quoi était-elle censée ne pas vouloir « renoncer»? . - Écoutez, Marc, je ne peux pas travailler pour vous. Inutile d'insister. Je n'ai pas de temps à perdre en tergiversations. - Dans ce cas, allons droit au but. Marc posa son verre puis s'avança vers elle. Dans ses yeux luisait une lueur de défi qui l'impressionna. - Vous avez raison, dit-il. Parlons plutôt de vos liens avec Garth. Elle s'attendait si peu à un tel enchaînement que la stupeur la laissa sans voix. Garth aurait-il finalement avoué à Marc qu'elle était sa fille? La vive rougeur qui envahit ses joues à cette pensée n'échappa nullement à son interlocuteur. - Je vous sens moins à l'aise, tout à coup, observa-t-il avec un sourire de triomphe. Il approcha la main du visage de Sabrina pour lui effleurer la joue, lui arrachant un involontaire frisson. - Je voudrais pouvoir prétendre que je ne m'explique pas cette attirance, murmura-t-il, mais ce serait mentir. - Marc, je ne comprends pas! De quoi parlez-vous? Comme elle tentait de le repousser, il captura son poignet et le serra si fort qu'elle ne put retenir un gémissement de douleur. - Je parle de votre aventure avec mon beau-père. Atterrée, elle cessa de lutter pour se libérer et darda sur .lui un regard étincelant de colère. - Comment osez-vous ... comment pouvez-vous affirmer quelque chose d'aussi dégoûtant? D'aussi absurde? Que Marc puisse la soupçonner d'une pareille infamie dépassait son entendement. Mais tout à coup, elle comprit. Voilà pourquoi Marc avait proposé de l'installer à Paris! Et elle, pauvre naïve, s'était figuré qu'elle lui plaisait, qu'il désirait mieux la connaître! En se rappelant avec quelle passion elle l'avait embrassé, la jeune femme se méprisa d'avoir été aussi sotte. Elle en tremblait de dépit. Il est vrai que Marc avait mené de main de maître son opération de séduction. Comment aurait-elle pu imaginer ce que cachait son jeu? L'éloigner de Garth, tel avait été son unique objectif! La tension entre eux était maintenant à son comble. - Comme je vous le disais à l'instant, je conçois aisément que Garth puisse être attiré par vous, Vous êtes une jeune femme très désirable, Sabrina. De la même manière, je comprends que vous ayez choisi mon beau-père. Il est gentil, attentionné ... et très riche. Je ne doute pas que les avantages d'une telle liaison compensent largement les ... comment dire? les petits désagréments qu'elle doit vous imposer. Sans réfléchir une seconde, Sabrina leva la main pour le gifler. Et sans doute l'impact aurait-il été retentissant si Marc, plus rapide, n'avait attrapé au vol le bras qui allait l'atteindre.

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- Du calme, Sabrina. Ces caprices puérils ne vous mèneront à rien. Aveuglée par la fureur, elle eut envie de revenir à l'assaut et le frapper. Quelque chose dans l'expression implacable de Marc l'en dissuada cependant, et elle se surprit même à reculer d'un pas. Un sourire ironique se dessina alors sur les lèvres de Marc. - C'est bien, Sabrina. Vous faites preuve de sagesse et je m'en réjouis. Mes prétentions sont raisonnables, vous verrez. Elle ne releva pas, préférant le toiser avec mépris tandis qu'il poursuivait avec flegme: - Peut-être le fait d'avoir du sang français me permet-il de mieux comprendre cette liaison. Les Français dans l'ensemble se montrent assez indulgents pour les écarts de conduite d'un mari. Cela dit, je doute que ce soit le cas de ma mère. Son attachement à Garth est très fort. Elle l'aime, et lui aussi, il l'aime. - Nadine ne s'imagine pas que ... vous ne lui avez pas dit... ? - Non. Elle ignore que son mari a une maîtresse, mais elle a tout de même perçu un malaise chez lui. Il y a deux mois de cela, elle s'est confiée à moi. - Un malaise, oui. Et vous en avez tiré ces conclusions ineptes! - Ne faites pas insulte à mon intelligence, Sabrina. Si le ton restait posé, les éclairs dans les yeux de Marc, la tension de sa mâchoire en disaient long sur la colère qui l'habitait. - Quand j'ai pu établir que les problèmes de Garth ne provenaient ni de son travail ni d'ennuis financiers. il ne m'a pas fallu longtemps pour me rendre compte qu'une femme se cachait là-dessous. Surtout quand j'ai découvert que Garth avait acheté un appartement et que Nadine ignorait tout de cette acquisition. . - Un appartement...? répéta Sabrina, intriguée. - Ne faites pas l'innocente. Votre petite comédie ne m'abuse pas. Ce magnifique duplex dans lequel nous nous trouvons a été acheté par Garth Fraiser il y a cinq ans pour une somme astronomique. Et lui vous l'a vendu pour une bouchée de pain. Sabrina le fixa, interdite. L'achat de ce logement dans Kensington lui avait toujours paru une excellente affaire. De là à penser que la transaction ait pu être entachée de la moindre irrégularité ... L'idée ne l'avait jamais effleurée. - Vous êtes depuis cinq ans la maîtresse de mon beau-père et ... - Non! C' est faux! Il faut me croire, Marc. Je ne suis pas sa maîtresse. Pas plus que je n'ai acquis de façon douteuse cet appartement! - Ah, oui? Combien l'avez-vous payé? Alors même qu'elle en énonçait le prix, celui-ci lui parut ridiculement bas. Quand Sabrina s'en était étonnée à l'époque, sa mère l'avait simplement poussée à conclure au plus vite l'affaire. Le vendeur risquait de changer d'avis. A l'annonce du chiffre, Marc eut un petit rire grinçant qui irrita les nerfs de la jeune femme, déjà passablement éprouvés. - Comment pourrais-je croire à vos protestations d'innocence, Sabrina? Je vous tiens à l'œil depuis des semaines. Et tout récemment encore, je, vous ai vue dans les bras de Garth chez lui, dans son jardin. Pour prouver ses dires, il sortit plusieurs photos de sa poche, qu'il brandit sous le nez de Sabrina. Elle s'en saisit et les examina. Sur l'un des clichés, Garth la tenait par les épaules. Sur un autre, il essuyait une larme au coin de ses yeux. La stupéfaction de la jeune femme laissa place en elle à un profond écœurement. - Je n'arrive pas,à imaginer que vous ayez pu vous abaisser à prendre ces photos, murmura-t-elle d'une voix sourde. - J'ai loué les services d'un détective pour cela. - Vous me dégoûtez !s'écria-t-elle en lui rendant les clichés.

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C'était sans issue. Marc garderait d'elle cette opinion détestable tant qu'elle ne lui aurait pas avoué la vérité. Et cela, Sabrina ne pouvait le faire sans l'accord préalable de son père. - Il vaudrait mieux que vous partiez, dit-elle. - Vous plaisantez? Je ne bougerai pas d'ici tant que nous n'aurons pas réglé cette affaire. - Il n'y a rien à régler! Et quand bien même j'aurais acheté mon appartement à Garth, ça ne prouve rien. Quant à ces photos, elles représentent simplement deux amis en promenade. - Je vous préviens, Sabrina, ma patience a des limites! - Marc, je vous assure que vous vous trompez. Ce n'est pas ce que vous croyez. Le ton suppliant qu'elle avait adopté, au lieu d'attendrir Marc, parut au contraire l'exaspérer davantage. Il la saisit sans douceur par un bras et la poussa vers une chaise. - Finissons-en. Je n'ai pas de temps à perdre. Bon, combien voulez-vous? demanda-t-il, campé devant elle dans une attitude résolue. - Pardon? - Oui! Quelle somme vous satisferait? Le chiffre qu'il avança alors était tout simplement faramineux. Sabrina n'en croyait pas ses oreilles. Ainsi, Marc se figurait pouvoir l'acheter? Fallait-il qu'il l'estime bien peu pour cela! Ah, il en aurait des excuses à lui présenter, quand Garth lui apprendrait la. vérité ... Cette pensée lui mit un peu de baume au cœur et lui donna la force de poursuivre. - En somme, je suis censée prendre votre argent et partir sagement à l'autre bout du pays? - Partez où vous voulez tant que c'est suffisamment loin de Garth Fraiser. Sabrina se prit à imaginer Marc tombant à ses genoux pour mendier son pardon. Quelle douce revanche ce serait ... Dès demain, il faudrait que Garth révèle la vérité à son beau-fils! - Eh bien, monsieur Kingsley, je regrette de vous décevoir, mais votre aimable proposition ne m'intéresse pas. J'aime trop la vie que je mène ici, à Londres. Et ce n'est pas de l'argent qui me pousserait à en changer. Était-il surpris par cette réponse? En voyant l'expression qu'il arborait, la jeune femme fut tentée de le croire. - Je vous conseille vivement de ne pas rejeter aussi vite ma proposition, dit-il. Elle n'est pas si inintéressante, vous savez ... Songez que si la nouvelle de votre liaison parvenait aux oreilles de Nadine, vous disparaîtriez quand même du paysage de Garth. - Est-ce une menace? - Possible. Une nouvelle fois, il examina Sabrina, enveloppée dans son peignoir, avec insolence, puis tourna les talons. - Je vous laisse vingt-quatre heures pour réfléchir, Sabrina. Comme assommée, elle demeura sur sa chaise à considérer fixement la porte d'entrée qui s'était refermée derrière lui. Puis, quand elle entendit vrombir le moteur de la Porsche, elle se leva et se dirigea d'un pas pesant vers le téléphone pour appeler Garth. Un rapide coup d'œil à sa montre la fit cependant renoncer. Impossible de le déranger à plus de 11 heures du soir; sans compter qu'en téléphonant à son domicile, Sabrina risquait d'avoir Nadine au bout du fil. Tant pis, il lui faudrait attendre le lendemain matin et appeler Garth à son bureau. Naturellement, la jeune femme ne put fermer l'œil de la nuit. Les accusations ignobles de Marc la hantaient. Et à la blessure causée par les paroles très dures qu'il avait eues s'ajoutait !a honte, la terrible honte, d'avoir répondu aussi passionnément à ses baisers. Ainsi, tout n'avait été que comédie de la part de Marc ... Ses étreintes fiévreuses, ses mots tendres, l'invitation à Paris! Alors qu'elle le croyait épris d'elle, lui, animé seulement par la haine et le mépris, déployait toutes les ruses possibles pour l'éloigner de son beau-père. Désormais, Sabrina vouait à Marc Kingsley une haine Incommensurable. Et elle lui ferait payer

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cher l'affront qu'il lui avait infligé. Très cher!

5

Quand, à 9 heures le lendemain, Sabrina appela le bureau de Garth, sa secrétaire lui apprit que M. Fraiser serait absent toute la journée. - A-t-il laissé un numéro où l'on puisse le joindre? - Non, je regrette, mademoiselle. Rappelez lundi matin. Dépitée, Sabrina raccrocha. Que faire? Téléphoner à Garth chez lui? Et si Nadine répondait? Ne trouverait-elle pas bizarre que son ex-secrétaire appelle Garth à son domicile? Or Sabrina ne voulait pas éveiller chez Nadine des soupçons qui l'auraient inutilement inquiétée ; aussi finit-elle par se résigner à patienter jusqu'au lendemain, puisque ce jour-là, samedi, elle et Garth devaient déjeuner ensemble pour fêter son anniversaire. De toute manière, quelle autre solution avait-elle? Malgré une journée bien remplie, ce vendredi lui parut interminable. Sabrina se rendit à Richmond pour continuer la tâche entreprise dans la maison de sa mère. Une tâche bien triste. Tout lui rappelait le passé, des temps meilleurs. A ces souvenirs venait se mêler celui de Marc, ses propos fielleux et ses accusations de la veille, et Sabrina avait du mal. à ne pas pleurer ... Les révélations de Marc à propos de l'appartement de Kensington la troublaient particulièrement. Se pouvait-il vraiment que Garth l'ait acheté à son intention? C'était Lucy qui, à l'époque, avait dirigé Sabrina sur cet appartement que vendait soi-disant un de ses collègues partant à l'étranger. Sabrina, naturellement, s'était montrée intéressée. Un duplex dans l'un des meilleurs quartiers de Londres et à un prix aussi avantageux ... La jeune femme se souvint: elle y avait emménagé peu après l'anniversaire de ses vingt et un ans. Ce détail lui fit monter les larmes aux yeux. Ce logement aurait-il été à son insu le cadeau d'anniversaire d'un père dont elle ignorait l'existence? Cher Garth ... Sabrina avait hâte d'être à demain pour le revoir. L'anniversaire de ses vingt-six ans coïncidait avec l'aube d'une nouvelle vie, une vie où son père avait désormais une place. Quand elle l'aurait informé du différend qui l'opposait à Marc, Garth révélerait leur secret à son beau-fils et, Dieu merci, cela mettrait un terme à leurs démêlés. Le 'lendemain matin, Sabrina trouva plusieurs cartes d'anniversaire parmi son courrier, dont une qui lui fit davantage plaisir que les autres. Elle était de Garth et lui souhaitait amour et bonheur. Après l'avoir posée en bonne place sur la cheminée, la jeune femme alla se doucher et s'habiller. Cette fois, elle n'hésita pas longtemps sur le choix de sa tenue. Elle mettrait son ensemble turquoise, son préféré, car cette teinte rappelait celle de ses yeux et rehaussait l'éclat de ses blonds

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cheveux. Ainsi vêtue, Sabrina rejoignit le salon pour y attendre son père. Midi arriva. Garth ne se manifestait pas. A 13 h 30, toujours sans nouvelles de lui, Sabrina arpentait nerveusement le salon. Marc aurait-il trouvé moyen d'empêcher Garth de venir? Mais non, voyons! Marc ignorait qu'ils devaient déjeuner ensemble au restaurant. Et même si par hasard il l'avait appris, comment pourrait-il s'y opposer? Tout puissant qu'il était, Marc Kingsley ne détenait pas un tel pouvoir! Et si Garth avait tout simplement oublié que c'était aujourd'hui l'anniversaire de sa fille? L'éventualité, cependant, était peu probable puisqu'il avait pensé à lui envoyer une carte. A 15 heures, Sabrina était sur des charbons ardents. Garth faisait toujours preuve d'une ponctualité exemplaire. S'il avait eu un contretemps, pourquoi ne la prévenait-il pas? Quand l'aiguille à la pendule approcha de 16 heures, la jeune femme, n'y tenant plus, décida de se rendre chez Garth, non pour frapper à sa porte, bien sûr, mais peut-être apercevrait-elle sa voiture dans l'allée? Ou n'importe quel signe susceptible de la tranquilliser. La circulation sur les axes de sortie de la ville était si dense en ce samedi après-midi que les voitures avançaient au pas. Pour tromper sa nervosité, Sabrina alluma l'autoradio dans l'espoir d'entendre quelque musique apaisante. Mais au lieu de cela, le poste diffusa le flash d'informations de 16 heures. Parmi le flot des nouvelles, le nom de Garth Fraiser attira brusquement son attention. Sabrina monta le son. Sans doute allait-on évoquer le projet de loi que devait déposer son père à l'Assemblée. « ... L'accident s'est produit vers 11 heures ce matin sur l'autoroute de l'Ouest en direction de la capitale. Aucun autre véhicule n'a été impliqué. D'après la police, la cause de l'accident n'est pas encore établie. M. Fraiser a été transporté à l'hôpital de Charing Cross dans un état critique. » Les mains de Sabrina s'étaient crispées sur le volant. Il lui semblait que son sang se glaçait dans ses veines. Garth était à l'hôpital! Peut-être, à cette heure, était-il mort ou à l'agonie! Affolée, Sabrina jeta alentour des regards éperdus en quête de panneaux indiquant la direction de Charing Cross. Quelques coups de klaxon la rappelèrent vivement à l'ordre quand elle changea de file sans précaution. Avant tout, se calmer! songea la jeune femme. Sinon, elle aussi risquait l'accident! Le trajet jusqu'à l'hôpital lui parut durer un siècle, et le temps pour trouver à garer sa petite Volkswagen encore plus long. Enfin, elle se présenta à l'accueil. Une forte odeur d'éther l'assaillit quand elle s'engouffra dans le couloir menant au service qu'on lui avait indiqué. - J'aimerais avoir des nouvelles de M. Garth Fraiser, s'il vous plaît, dit-elle à la jeune infirmière qui assurait la réception. Et tout à coup, le décès de sa mère lui revint à la mémoire dans toute son horreur. Quand on l'avait prévenue de l'accident, Sabrina se trouvait à son travail. C'était Garth qui l'avait conduite à l'hôpital, mais il était trop tard; sa mère était déjà morte. - M. Fraiser est toujours en soins intensifs, Êtes-vous une parente? Sabrina hésita, puis finit par répondre que non. - Me serait-il possible de le voir pendant quelques instants? murmura-t-elle. - Désolée, mademoiselle. Seule la proche famille y est autorisée. Elle sera prévenue de toute évolution concernant l'état de santé de M. Fraiser. « Mais moi, qui me préviendra? se demanda Sabrina. Qui me dira si mon père est vivant ou mort? » - Pourriez-vous me permettre de le voir juste une petite minute? De la voix, du regard, Sabrina implorait l'infirmière. - Je regrette. Les visites ne sont admises que pour les parents proches, je vous l'ai dit. D'ailleurs, M. Fraiser est toujours inconscient. Puis, tournant le dos à Sabrina, l'infirmière se mit à compulser des dossiers posés sur une table

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voisine. Sabrina la regarda, accablée par l' évidence de son impuissance. « Je suis une parente! aurait-elle voulu crier. Je suis sa fille! » Mais les' mots ne faisaient que résonner en elle. Ce fut alors qu'une main s'abattit sur son épaule. Sabrina sursauta violemment et, en se retournant, elle croisa le regard pénétrant de Marc. - Que diable faites-vous ici? demanda-t-il à voix basse, l'air furieux. - Je venais voir Garth. Je ... j'aimerais avoir de ses nouvelles. - Vous. alors, vous ne manquez pas d'aplomb! Il s'apprêtait à poursuivre lorsqu'une voix féminine s'éleva près d'eux. - Monsieur Kingsley, pourriez-vous nous dire comment se porte M. Fraiser? La question émanait d'une jeune femme brune derrière laquelle se trouvaient un homme portant une caméra de télévision ainsi que plusieurs autres journalistes. Sabrina entendit Marc jurer entre ses dents avant de leur faire face et de répliquer d'un ton sec: - Il est toujours dans un état critique. - Et qui est la femme à qui il devait rendre visite? Il semblerait qu'il lui apportait un gros bouquet de roses rouges avec une petite carte sur laquelle on pouvait lire ... - Je sais, coupa Marc avec impatience. Vous ne m'apprendrez pas ce qu'il y avait d'écrit... et dès demain, je n'en doute pas, toute l'Angleterre le saura aussi. Pour quelle chaîne travaillez-vous? Sabrina, frappée par les paroles de la Journaliste, n'écoutait plus que d'une oreille. Ainsi, Garth se rendait bien chez elle au moment de l'accident... Cette idée l'emplit à la fois de désespoir et de remords. Si elle avait refusé son invitation à déjeuner, cette catastrophe ne se serait pas produite! Tout était sa faute. Sous le choc, elle se rendit à peine compte que Marc lui passait un bras autour de la taille. Ce fut seulement lorsqu'il l'attira contre lui qu'elle revint à la réalité. - Je sais précisément ce qui était écrit sur cette carte pour la simple raison que mon beau-père l'a rédigée en ma présence, déclarait à présent Marc. Sabrina écarquilla les yeux. La carte devait comporter un message de bon anniversaire. Garth l'aurait-il vraiment écrite en présence de Marc? Et dans ce cas, lui avait-il tout avoué? - «A ma petite chérie, avec tout mon amour. » Voilà quel était le texte de cette carte. Il y avait de la chaleur dans les yeux noirs qui contemplaient Sabrina, des accents d'émotion dans cette douce voix qui auraient pu être interprétés comme de la tendresse par les gens alentour. Mais pas par Sabrina. Sous les mots, elle percevait une colère Jatente, dans le regard de Marc, une ombre menaçante. - En somme, il souhaitait ainsi un bon anniversaire à la femme que j'aime, poursuivit tranquillement Marc. Je venais juste d'annoncer à mon beau-père que j'allais épouser Sabrina Harrington, Il était ravi parce qu'il la connaissait et l'appréciait beaucoup. Elle a été sa secrétaire. Abasourdie, Sabrina se demanda si elle ne rêvait pas. Pour quelle raison Marc racontait-il de pareils mensonges aux journalistes? - Mon beau-père allait rendre visite à ma fiancée lorsque l'accident est survenu. Tous ces journalistes étaient suspendus aux lèvres de Marc. L'un d'eux bouscula ses confrères pour prendre le couple en photo. - Depuis combien de temps vous connaissez-vous? Quand aura lieu le mariage? Dès lors, les questions se succédèrent à un rythme étourdissant. Marc répondit de bonne grâce à chacune d'elles, tout en poussant Sabrina en direction de la sortie à travers les journalistes. Une fois dehors, constatant que ces derniers les avaient suivis, Marc leur lança: - S'il vous plaît, nous aimerions être seuls, à présent. Comme vous l'imaginez, nous sommes très affectés l'un et l'autre.

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En vérité, Sabrina tremblait de tous ses membres. A la crainte que le pire n'arrive à Garth était venue s'ajouter l'émotion causée par l'assaut de la presse et les incroyables déclarations de Marc. - Où avez-vous garé votre voiture? demanda-t-il en allongeant le pas pour distancer la horde des journalistes. - Je ... je ne sais pas. Quelque part par là. De la main, elle indiquait vaguement la direction par où elle était venue. Devant sa pâleur, sa mine défaite, Marc dut prendre toute la mesure du trouble qui l'agitait. - Vous n'êtes pas en état de conduire, dit-il. Je vais vous appeler un taxi. - Non, je reste ici. Je veux avoir des nouvelles de Garth! Elle se sentait tout près de la crise d'hystérie. Du chaos de son esprit, une seule pensée émergeait avec clarté: elle refusait de perdre son père comme elle avait perdu sa mère! La vie ne pouvait se montrer aussi cruelle. - Petite inconsciente! Vous n'allez pas faire une scène ici ! Marc jeta un rapide coup d'œil en arrière pour voir si les journalistes étaient toujours à les observer. - Réfléchissez un instant, Sabrina. Vous ne pouvez pas vous attarder dans les parages! La réputation de Garth vous importe aussi peu? Soudain, il s'approcha d'elle et lui glissa une main derrière la nuque en un geste qui voulait paraître amoureux mais dont le but n'était que de la maintenir immobile. Après quoi, il prit possession de sa bouche pour lui imposer un baiser si brutal qu'elle en perdit le souffle. Sans doute ne cherchait-il qu'à l'humilier, la réduire à sa merci ... Pourtant, bien malgré elle, la jeune femme n'en ressentit pas moins dès les premiers instants tout un flot de sensations troublantes. Enfin, Marc s'écarta et la contempla avec un sourire que démentait la froideur de son regard. - Espérons que notre public est satisfait, murmura-t-il. Et maintenant, je vous ramène chez vous, Sabrina ... De gré ou de force. Sur ces mots, il lui passa un bras autour des épaules et l'entraîna à sa suite. Quand ils eurent rejoint la Porsche, Marc ordonna à la jeune femme de monter. - Non. Je n'irai nulle part avec vous! s'écria-t-elle. - Ça suffit. l'estime que vous en avez déjà assez fait pour nuire à la réputation de Garth comme ça! Sur ce, il la poussa sans ménagement sur le siège et referma la portière. Ces accusations l'avaient blessée, sapant en elle ce qui lui restait d'énergie, et elle renonça à lutter. Sans desserrer les dents, Marc engagea la Porsche dans le flot de la circulation, encore plus dense à cette heure, et prit la direction de Kensington. Sabrina ne songeait plus désormais qu'à son père. Ne pas savoir comment il allait, s'il souffrait. ne faisait qu'accroître l'angoisse qui la rongeait. - A votre avis, est-ce que Garth s'en sortira? demanda-t-elle à Marc au bout d'un moment. - Je l'ignore. - Vous me considérez comme responsable de l'accident de votre beau-père, n'est-ce pas? Vous vous dites que, sans moi, Garth serait resté sagement chez lui, et que rien de tout cela ne serait arrivé? - Il est un peu tard pour éprouver des remords, Sabrina, non? Il saisit plusieurs journaux posés à l'arrière sur une serviette et les jeta sur les genoux de sa passagère. - Tenez. Si vous ne les avez pas encore lus ... Sabrina les parcourut avec une surprise grandissante. Chacun de ces différents quotidiens du soir relatait à la une l'accident de Garth. Et chacun posait la même question: «Qui est la petite chérie de Garth Fraiser? » - Des ragots de la presse à sensation! s' écria Sabrina, furieuse. - Je regrette. Ce sont les mots mêmes qui étaient écrits sur le message qui accompagnait le bouquet ! J'ignore si vous comprenez, vous avez porté un préjudice inestimable à la carrière de

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Garth. Et je ne parle pas du mal que vous pourriez faireà Nadine. - Nadine n' a pas eu connaissance de ces Journaux, au moins? - Non ... elle assistait à un déjeuner au profit d'une œuvre de bienfaisance au moment de l'accident, Elle s'est rendue tout droit au chevet de Garth et n'en a pas bougé depuis. Comme elle poussait un soupir de soulagement, Marc s'impatienta. - Épargnez-moi cette petite comédie, Sabrina. Vous semblez oublier que je suis au courant de la vérité. Je sais pour quelle raison vous avez refusé de vous installer à Paris: vous avez des vues sur Garth Fraiser, - C'est faux. Totalement faux, rétorqua-t-elle, glaciale. - Oh, ne vous fatiguez pas, je connais les femmes dans votre genre! Des opportunistes sans scrupules qui cherchent à obtenir le maximum d'un homme en le menant par le bout du nez. Blessée, humiliée, elle dut se mordre très fort la lèvre pour ne pas pleurer et trouver la force de démentir .. - Je ne suis pas ainsi. Marc. Vous ne me connaissez pa, contrairement à ce que vous croyez... Pourquoi se laissait-elle à ce point atteindre par les calomnies de Marc? Elles n'étaient pas fondées. Il ignorait la vérité! Tout à coup, Sabrina se rappela l'incident avec les journalistes à l'hôpital. - Au fait, je n'ai pas apprécié que vous racontiez ces mensonges à la presse, commença-t-elle. Vous n'aviez pas le droit de ... - Je regrette, mais il était de mon devoir d'essayer de protéger les intérêts de Garth. Si je n'avais pas fait preuve d'imagination face à ces journalistes. ils en seraient encore à se démener pour découvrir la destinataire de ce bouquet de roses ... Je dois dire que votre petite visite impromptue à l'hôpital n'a pas facilité les choses. Quel toupet vous avez eu de vous montrer là! Cette fois, la jeune femme garda le silence. A quoi bon protester, de toute façon? Quoi qu'elle dise, elle ne pourrait remonter dans J'estime de Marc que lorsqu'il connaîtrait la vérité. La tentation de la lui avouer était grande ... mais pour l'instant, elle ne devait pas y céder. Le reste du trajet s'effectua sans que soient échangées d'autres paroles. Quand ils arrivèrent à destination, Sabrina descendit de voiture toujours muette, et se dirigea vers l'entrée. Mais à sa grande surprise, Marc descendit également et lui emboîta le pas. - Vous ne retournez pas à l'hôpital? s'étonna-t-elle. - Pas tout de suite. Il faut que nous parlions. - Je n' ai rien à vous dire. - Eh bien, moi, si. D'autorité, il lui enleva la clé des mains pour ouvrir la porte à sa place et entra dans l'appartement. Malgré son indignation, Sabrina n'eut d'autre choix que le suivre. Aussi à l'aise que s'il était chez lui, Marc se dirigea tout droit vers la cuisine et lui lança : - Voulez-vous du thé? - Non, merci. Vous vouliez me parler, je vous écoute. - Très bien. En le voyant s'installer sur l'une des chaises de la cuisine elle se remémora non sans un pincement de cœur le soir où il l'avait raccompagnée chez elle et lui avait préparé du café. Elle se sentait très attirée par Marc, alors, et lui trouvait toutes les qualités ... Comme cela semblait grotesque, avec le recul! - Vous devez vous douter que la nouvelle de nos fiançailles sera demain dans les journaux? commença Marc. - Et que comptez-vous faire à ce sujet? - Je vais jouer l'amoureux transi pendant une ou deux semaines en attendant que l'orage passe. Et vous me donnerez la réplique. - Pardon? Je ne vois vraiment pas l'utilité d'agir ainsi.

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- En ce qui me concerne. ça me paraît indispensable. Nous allons nous livrer, vous et moi, à un petit exercice de relations publiques afin de mettre mon beau-père à l'abri d'un scandale.

Effarée, elle secoua lentement la tête. . - A présent, je ne doute plus que vous soyez fou ... , murmura-t-elle. Comment pouvez-vous envisager un seul instant de pousser plus loin cette histoire abracadabrante que vous avez servie aux journalistes? - Je vous signale que c'était l'unique moyen de sauver les apparences, - Mais ça ne marchera pas ... c'est de la folie! D'abord, nous nous connaissons à peine. Personne n'y croira! Après lui avoir jeté un regard froid, Marc se leva et se mit à arpenter la cuisine. - Inutile de se fréquenter pendant des mois pour être amoureux. Le coup de foudre, ça existe, non? - Vous n’abuserez personne. Il faudrait être aveugle pour ne pas se rendre compte que nous nous détestons. - Cela reste à prouver ... , répliqua Marc d'un ton suave. Vous étiez tout à fait convaincante à Paris quand vous me faisiez les yeux doux et que vous vous demandiez en même temps combien vous pourriez obtenir de moi. Elle en rougit d'indignation. - Je ne me suis jamais posé de telles questions! - Vraiment? .le suis persuadé du contraire, Sabrina. Vous vous demandiez si, sur un plan financier. je serais plus ou moins intéressant que mon beau-père. Et de retour à Londres, vous avez finalement décidé que lui serait plus facile à gérer. Garth ne sait pas résister à vos beaux yeux, n'est-ce pas? - C'est absurde! Vous êtes ridicule! - Si vous tenez un tant soit peu à Garth Fraiser, Sabrina. vous jouerez le jeu. Sinon, c'en est fini de son avenir politique. Et peut-être même aussi de son couple. Vous connaissez les journalistes ... Quand ils flairent un joli scandale, ils fouillent tout à la recherche du petit indice qu'ils monteront en épingle. L'inquiétude gagna Sabrina. Même s'il lui en coûtait, elle ne pouvait que reconnaître la véracité de ces propos. La presse ne manquerait pas d'exploiter, en la déformant bien sûr. la moindre information dont elle aurait connaissance, ne fût-ce que pour satisfaire la curiosité malsaine d'un public avide de sensation. Finalement, ne valait-il pas mieux avouer toute la vérité? En quoi pourrait-elle porter atteinte à la carrière de Garth ou à son couple? L'ennui, c'était que Garth avait jugé préférable jusqu'alors de ne rien dire ... et sans doute avait-il ses raisons. Dans ce cas, elle, sa fille, ne pouvait prendre la liberté de divulguer leur secret. Et cela même si elle en brûlait d'envie, car la situation devenait franchement intolérable. - Bien sûr. reprit Marc, ça vous arrangerait peut-être que Garth perde sa femme dans l'histoire. Mais s'il y laissait son siège de député, je doute que vous lui trouviez encore du charme! - Je n'ai pas de liaison avec Garth Fraiser, répéta-t-elle. - Vous mentez . Découragée, elle ne chercha même plus à le contredire. Elle se trouvait dans une impasse et n'en sortirait que le jour où la vérité serait dévoilée. Mais en attendant; elle se sentait bien seule et bien triste ... - Que vous a-t-on dit précisément sur l'état de santé de Garth, à l'hôpital? demanda-t-elle d'un ton morne après un silence. - Rien de plus que ce que j'ai rapporté à la presse. Jetant un coup d'œil à sa montre, Marc ajouta; - Bon, il faut que je retourne là-bas. J'aimerais que Nadine rentre chez elle se reposer. - Vous a-t-on donné quelque espoir que Garth reprenne conscience?

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- Les médecins n'ont pas été très bavards. Ils ont préféré réserver leur pronostic. Ce qui n'était pas de bon augure, conclut Sabrina. Pour mieux conjurer le désespoir qui l'assaillait, elle ferma les yeux. Mais une nouvelle pique de Marc les lui fit rouvrir presque aussitôt. - Quand vous en aurez fini de jouer l'amoureuse inconsolable, Sabrina, peut-être pourrons-nous aborder les questions d'argent? - Quelles questions d'argent? demanda-t-elle, intriguée. - Je savais bien qu'en prononçant ce mot magique, j'aurais toute votre attention ... Alors, dites-moi, seriez-vous d'accord pour le montant que je vous ai proposé hier? - Si vous pouviez être un peu plus clair, je ... - Sabrina, pas de fausse pudeur. Je conçois que vous exigiez d'être généreusement rémunérée pour tenir le rôle de ma fiancée. Sur le moment, elle faillit éclater de rire. Quel aplomb! Marc proposait ni plus ni moins de la payer pour lui faire jouer cette comédie grotesque. Fallait-il qu'il la croie dépourvue de tout sens moral! - Je ne veux pas de votre fichu argent! Il s'avança vers elle, une lueur menaçante au fond des yeux. - Autant vous prévenir, Sabrina, c'est mon dernier prix. Je l'estime plus que raisonnable pour ce que j'attends de vous. Vous aurez à jouer en public la fiancée éperdue d'amour, et ensuite, il ne vous restera qu'à disparaître au moment et de la manière que je vous indiquerai. Il avait l'élocution sèche, précise, d'un chef militaire distribuant des ordres. A l'évidence, Marc Kingsley n'envisageait même pas la possibilité qu'elle puisse refuser de devenir sa fiancée d'un temps. Elle s'apprêtait à le remettre vertement à sa place lorsqu'une pensée lui traversa soudain l'esprit. Si elle dédaignait son offre, comment aurait-elle des nouvelles de Garth? Marc était son seul lien avec son père, hélas! Personne ne la préviendrait si la santé de Garth venait à se détériorer, et elle en serait réduite à glaner de maigres informations dans les journaux. - Eh bien, d'accord, j'accepte de me prêter à votre petite simulation, monsieur Kingsley ... du moins pour quelques jours. Mais gardez votre argent, je n'en veux pas. Cette déclaration lui valut un ricanement cynique. - Non seulement vous avez des dons pour la comédie, mais vous n'êtes pas mauvaise non plus en calcul! - Pardon? - Oui. Vous espérez manifestement que Garth s'en sortira et que tout continuera comme avant entre vous. Vous refuserez tout argent de moi tant que demeurera la plus infime chance pour vous de récupérer mon beau-père ... et par conséquent, d'empocher bien davantage. - Marc Kingsley, je commence à en avoir plus qu'assez de vos répugnantes accusations! La santé de Garth me préoccupe, oui, mais pas pour les raisons que vous supposez. Il se trouve que je l'aime, voilà. C'est une notion que vous aurez sans doute du mal à comprendre, mais c'est la vérité. Dans son indignation, elle avait répliqué de façon impulsive; et ce fut seulement au terme de sa petite tirade que Sabrina se demanda si elle n'eût pas mieux fait de se taire. Un silence de mort régnait dans la pièce. Devant l'expression de Marc, une peur soudaine s'empara de Sabrina. Jamais il ne lui avait paru aussi dur, aussi terrible et impressionnant. - Au moins, vous ne cherchez plus à me faire croire que vous êtes simplement la secrétaire de Garth ... Cela dit, je doute fort que vous sachiez ce qu'est l'amour. Sans lui laisser le loisir de répliquer, il ajouta d'un ton rude: - Il ne vous reste plus qu'à me donner une clé de votre appartement. - Une clé? Mais je ... - Je suis censé être votre fiancé, ne l'oubliez pas. Si je veux paraître crédible, il me faudra passer un minimum de temps chez vous. Vous n'aurez qu'à me préparer un lit quelque part. - Certainement pas!

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Marc s'approcha et la força à le regarder. - II n'y a pas à discuter, Sabrina. Si j'étais amoureux de vous, il serait logique que je partage votre lit. Troublée par l'éclat des yeux noirs de son compagnon, elle sentit son cœur s'emballer. - Nous devrons avoir l'air convaincants, non? poursuivit-il du ton posé de celui qui s'adresse à une enfant. Allons, donnez-moi une clé. Je n'ai pas tout mon temps. J'aimerais m'entretenir avec les médecins de Garth, à l'hôpital. Tremblante, elle s'écarta de Marc, ne sachant que faire. - Soyez raisonnable, Sabrina, dit-il, la main tendue dans l'attente de la clé. Admettez que c'est l'attitude la plus sage. En plus, de cette façon, je pourrai vous tenir informée de l'état de santé de Garth. L'espoir d'avoir prochainement des nouvelles de son père leva les dernières réticences de la jeune femme. Sans un mot, elle alla chercher dans la pièce voisine un double de ses clés qu'elle remit à Marc. - Avez-vous l'intention de revenir ici quand vous quitterez l'hôpital? Déjà, il se dirigeait vers la sortie. - Je ne sais pas. Il est inutile que vous m'attendiez. Vous n'aurez qu'à laisser ouverte la porte de la pièce où je dois dormir. Je ne voudrais pas m'égarer dans, une chambre qui n'est pas la mienne ... , ajouta-t-il en lui adressant un sourire moqueur. - Soyez sans crainte, je vous remettrais vite dans le droit chemin! - Vraiment? Cette question plana longtemps dans le silence qui succéda au départ de Marc. Jamais Sabrina n'avait détesté quelqu'un comme elle détestait Marc Kingsley.

6

En fait, Sabrina attendit bien Marc ce soir-là, car elle brûlait d'impatience de connaître l'avis des médecins sur la santé de Garth. Elle but café sur café, installée devant le poste de télévision au cas où l'on annoncerait du nouveau sur l'état de santé de son père. Quel choc ce fut pour elle, lorsqu'elle se découvrit sur le petit écran! D'autant que les images tournées à l'hôpital furent diffusées non seulement au journal de 20 heures, mais à chaque bulletin d'informations. « Le millionnaire Marc Kingsley se dit très amoureux de la mystérieuse jeune femme à qui Garth Fraiser s'apprêtait à rendre visite », indiquait-on notamment en commentaire. Chaque fois revenaient

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les mêmes images. le même discours, mais aucun élément nouveau n'était mentionné concernant l'état de Garth. Sabrina était consternée. Marc et elle avaient l'air tellement épris l'un de l'àutre! Décidément, la façon dont un événement pouvait être déformé et paraître convaincant à l'écran avait de quoi donner le frisson 1 On montra également quelques brèves images de Nadine arrivant à l'hôpital, la mine défaite. Sabrina éprouva pour elle une vive compassion. Quel calvaire devait endurer la pauvre femme! Il fut aussi précisé que Madeline, la fille de Garth, quittait immédiatement les États-Unis pour se rendre au chevet de son père. En somme, conclut Sabrina, toute sa famille l'entourait. Tout le monde ... sauf elle. A 1 heure du matin, constatant que de toute évidence Marc ne reviendrait pas, la jeune femme décida de se coucher. Par prudence, elle laissa néanmoins ouverte la porte de la chambre d'amis. Contrairement aux insinuations de Marc, elle ne tenait pas du tout à ce qu'il s'introduise par erreur dans sa chambre! Avant d'aller au lit, Sabrina prit un bain, dans le but surtout de se détendre. Malheureusement, une fois au lit, elle eut beau fermer les yeux, le sommeil s'obstina à la fuir. Il n'était pas loin de 3 heures lorsqu'elle entendit s'ouvrir la porte d'entrée. Marc longeait le couloir. .. D'un bond, Sabrina sauta à bas du lit et enfila un peignoir, impatiente d'avoir des nouvelles de Garth. Mais quand elle sortit de sa chambre, Marc était déjà entré dans la sienne. Elle hésita puis, prenant son courage à deux mains, alla frapper à sa porte. Marc ouvrit presque immédiatement. Ses yeux noirs, à la vue du visage pâle et anxieux de Sabrina, furent traversés par une lueur d'inquiétude. - Ça va? Vous n'avez pas l'air bien. Cette sollicitude inattendue la toucha ... jusqu'au moment où elle en comprit la raison: Marc devait tout simplement redouter qu'elle ne puisse tenir son engagement. - Je voudrais juste savoir ce que vous ont dit les médecins. - Entrez. La jeune femme hésita. Pénétrer dans sa chambre ne lui disait rien qui vaille. - Entrez donc! Je ne vous mangerai pas, s'impatienta Marc. Il lui tourna le dos avant de se mettre à ranger dans le placard quelques vêtements qu'il sortait d'une valise, et il continua tandis que Sabrina pénétrait dans la pièce d'un pas incertain. - Alors, qu'avez-vous appris? demanda-t-elle, le cœur battant. - Il est dans le coma. Horrifiée, elle fixa Marc quelques secondes durant sans pouvoir prononcer un mot. - Mais il s'en tirera? murmura-t-elle enfin. - Les médecins n'ont pas voulu se prononcer. Le cas semble assez sérieux. - Mon Dieu ... Elle se détourna pour qu'il ne la voie pas pleurer. - Je vous en prie! Vous poussez un peu loin la comédie, Sabrina. Ce fut le coup de grâce. Sans un moi, elle pivota et alla s'enfermer dans sa chambre.. Là, dans le secret de ce refuge, Sabrina put donner libre cours aux larmes de désespoir qui la suffoquaient. L'épuisement dut cependant avoir raison d'elle et lui procurer le sommeil tant attendu, car elle se réveilla tout à coup au son d'une musique en provenance du salon. Sur la table de chevet, son réveil indiquait 7 heures. Sabrina se leva et marcha jusqu'à la salle de bains, des vêtements sous le bras. Au spectacle de son reflet dans le miroir, elle eut un sursaut effaré: les paupières gonflées pour avoir trop pleuré, le teint triste et brouillé ... Les compresses d'eau fraîche sur son visage ne changèrent malheureusement pas grand-chose. Tant pis, se dit Sabrina en quittant la pièce. Après tout, elle n'avait à plaire à personne!

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En entrant dans le salon, elle découvrit le poste de télévision allumé - ce qui expliquait la musique entendue plus tôt - mais la pièce était déserte. Dans la cuisine, en revanche, elle trouva Marc assis à table, en train de prendre son petit déjeuner. Une bonne odeur de café fraîchement moulu flottait dans l'air. - Bonjour, lança-t-il. Voulez-vous du café? Irritée, elle allait répliquer que c'était là sa cuisine et qu'elle se servirait elle-même, quand elle se ravisa. D'abord, elle était trop fatiguée pour discuter, et puis, à quoi bon? Marc finissait toujours par sortir gagnant de leurs controverses. Elle accepta donc et, assise sur la chaise opposée, le regarda remplir sa tasse. Une fois de plus, la scène lui rappela le soir de leur première rencontre, et les souvenirs s'enchaînant, elle se remémora leur voyage à Paris, ce baiser brûlant dans la chambre ronde ... - Avez-vous réussi à dormir? - Quelques heures à peine. Comptez-vous retourner tout de suite à l'hôpital? - Oui. Nadine a passé la nuit là-bas. Je voudrais la relayer au chevet de Garth mais je ne suis pas certain qu'elle consente à me laisser la place. Elle est tellement têtue, quelquefois! Comme son fils! pensa Sabrina, sans se risquer néanmoins à exprimer tout haut cet avis. Ses yeux se posèrent ensuite sur Marc avec une expression suppliante dont elle n'était pas consciente. - Croyez-vous que je pourrai le voir? demanda-t-elle. Quelques instants à peine. Je voudrais simplement.. - Non. Vous n'avez rien à faire à l'hôpital. Devant tant d'intransigeance. elle se raidit. - Vous n'avez pas de cœur, monsieur Kingsley. Mais Marc continua de manger tranquillement son toast, sans paraître le moins du monde affecté par ce reproche. Ce qui exaspéra d'autant plus la jeune femme. - Pourquoi ne puis-je pas le voir? reprit-elle. Il n'y aurait aucun mal à ça. - Permettez-moi d'avoir une autre opinion. Ma mère a bien assez de soucis, et Madeline doit arriver aujourd'hui. La réponse est non. N'insistez pas. Sur ce, il se leva pour ranger son assiette dans le lave-vaisselle puis se resservit un café. Les mains crispées sur sa tasse, Sabrina l'observait. Ce petit échange venait de lui prouver, s'il en était besoin, que cet homme manquait totalement de sensibilité. S'il ne tenait qu'à lui, elle ne reverrait jamais Garth. A sa tristesse vint se mêler un sentiment d'amertume. Car Madeline aurait le droit d'être auprès de son père, elle, de lui tenir la main, lui dire qu'elle l'aimait... mais pas elle. Cependant, Sabrina chassa vite ces pensées. Il n'était pas dans sa nature de s'apitoyer sur son propre sort et, de toute façon, cela ne l'avançait à rien. - Cet après-midi, vous aurez à déployer tous vos talents de comédienne, Sabrina. Nadine souhaite vous rencontrer, vous dire combien elle est heureuse de ces fiançailles. Seigneur, il ne manquait plus que cela! songea la jeune femme, C'était déjà bien assez difficile de mentir à des inconnus, mais à l'épouse de Garth ... - J'attends de vous un comportement irréprochable. Vous n'aurez qu'à me laisser la parole le plus possible, ajouta Marc. - Bien volontiers! - Pour éviter de commettre des impairs, le mieux est d'accorder tout de suite nos violons. Voilà le scénario que j'ai imaginé: nous dirons que nous nous sommes rencontrés pour la première fois dans le bureau de Garth. Je suis entré, vous étiez là à travailler, et nous avons tout de suite été attirés l'un par l'autre. Sabrina esquissa une grimace, comme pour lui signifier à quel point elle trouvait la chose ridicule, mais Marc continua, imperturbable;

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- Je ne vous ai revue qu'il y a une semaine environ. Nous nous sommes trouvés nez à nez devant le bureau de Garth. El là, j'ai pris conscience que je ne devais plus vous laisser m'échapper. Que vous me plaisiez. Je vous ai emmenée à Paris, où je vous ai demandé de m'épouser. Autant coller le plus près possible à la réalité, c'est le meilleur moyen d'éviter les maladresses. Une fois encore, il feignit d'ignorer le sourire narquois que lui adressait Sabrina. - J'ai informé Garth de notre mariage, hier matin. En apprenant la nouvelle, il a été si heureux qu'il a voulu vous apporter un bouquet de fleurs. Et c'est là qu'est survenu l'accident, conclut Marc du même air détaché. Compris, Sabrina? - Vous auriez pu trouver plus romantique, comme histoire! Bon, ma voiture est toujours à l'hôpital. Ça vous ennuierait de me déposer là-bas pour que je puisse la récupérer? - D'accord. Vous êtes prête? - Oui .. - Allons-y sans tarder. Je vais chercher ma veste. De son côté, Sabrina se rendit dans le salon afin d'éteindre la télévision. Elle y arriva juste à temps pour apercevoir le visage de Marc, «un des célibataires les plus convoités d'Angleterre, qui annonçait hier son intention de se marier », déclarait la présentatrice. Suivirent d'autres images, cette fois, d'une superbe beauté brune. « Imogen Müller, dont le nom a été étroitement associé à celui de Marc Kingsley, s'est abstenue de tout commentaire sur le prochain mariage de Marc avec Mlle Sabrina Harrington.» Le cœur de Sabrina fit un bond dans sa poitrine. Ainsi, Marc avait une petite amie attitrée! Petite amie que la nouvelle du mariage semblait beaucoup affecter, s'il fallait en juger par sa mine. - Qu'elle le garde, marmonna Sabrina entre ses dents. Et pour faire bonne mesure, elle ajouta à l'adresse de la séduisante présentatrice blonde: - Toi aussi, tu peux le prendre! Après avoir éteint le poste d'un geste décidé, elle allait quitter la pièce lorsqu'elle découvrit Marc qui, depuis le seuil, l'observait avec amusement. - J'apprécie votre générosité, Sabrina, mais elle n'est pas mon genre. - Tiens donc? J'aurais cru que tout ce qui portait jupon faisait votre affaire, rétorqua-t-elle sans oser cependant le regarder en face. Qui est cette Imogen Müller? - Seriez-vous jalouse? -Vous n'êtes pas assez vaniteux pour le penser, j'espère? Je posais la question pour ne pas paraître idiote si l'on venait à évoquer cette demoiselle devant moi, c'est tout. - D'accord ... Eh bien, pour répondre à votre question, Imogen a ving-deux ans, elle est belle, de nature exubérante, et c'est la fille de l'un des hommes les plus fortunés d'Allemagne, avec qui je travaille. Pour une raison indéfinissable, cette description de Mlle Müller irrita au plus haut point Sabrina. - J'espère que vos fiançailles éclair n'auront pas d'incidence néfaste sur vos affaires! lança-t-elle. Papa Müller risque de se fâcher si vous causez de la peine à sa petite fille. - Ça me surprendrait. Müller a le sens des réalités. Il sait où réside son intérêt. - En tout cas, si vous aviez envie de sortir avec Imogen, ne vous gênez pas pour moi... Je ne soulèverais aucune objection. - Comment? A présent que je suis fiancé? Mais ma chère, je n'ai d'yeux que pour vous, désormais. Et j'attends de vous une égale dévotion à mon égard. Pour toute réponse, elle lui adressa un regard méprisant.

Quand ils entrèrent dans l'enceinte de l'hôpital, une place de parking se libéra sous leurs yeux, et Marc s'y gara aussitôt. - Savez-vous où vous avez laissé votre voiture? demanda-t-il à sa passagère.

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- Oui. Pas loin d'ici. - Très bien. Ils sortirent de la Porsche et se mirent en marche. - Je vais tâcher de persuader ma mère de m'accompagner chez vous à l'heure du déjeuner. Si elle vous sait prévenue, peut-être acceptera-t-elle. Sabrina acquiesça d'un air absent. - Mais ne préparez rien de particulier, ajouta Marc. Nous resterons peu de temps. Un sandwich suffira. J'aimerais l'emmener chez elle se reposer, ensuite. Voyant que Sabrina se dirigeait avec lui vers l'entrée des bâtiments, Marc changea de ton. - Êtes-vous sûre de chercher votre voiture, Sabrina? - Je vous suis. Je voudrais juste avoir des nouvelles de Garth avant de partir. - Pas question. Vous n'entrerez pas. - Pourquoi? J'ai accès à cet hôpital autant que vous! Sans doute cet échange aurait-il dégénéré en une nouvelle dispute si, au même instant, quelqu'un n'avait appelé Marc à quelque distance de là. D'un même mouvement, ils se retournèrent et aperçurent une jolie brune qui venait vers eux d'un pas pressé. Âgée d'une vingtaine d'années environ, elle portait un élégant petit tailleur clair qui soulignait sa silhouette mince. Imogen Müller ! pensa aussitôt Sabrina. Et son cœur se mit à battre sourdement, douloureusement dans sa poitrine. - C'est Madeline, lui confia Marc à mi-voix. Attention à ce que vous allez dire! Une émotion d'une autre nature, mais tout aussi puissante, envahit Sabrina. Elle avait devant elle sa demi-sœur! Celle-ci, en se réfugiant dans les bras que lui tendait son frère, éclata en sanglots. - Marc ... oh, Marc. C'est affreux! Comment va papa, dis-moi? - Il se maintient, ma petite Madeline. Tout en lui caressant tendrement les cheveux, Marc sourit à sa demi-sœur. - C'est bon de te revoir, tu sais ... Même si ce doit être dans ces tristes circonstances, dit-il. Devant tant de douceur, de gentillesse, Sabrina ne put s’empêcher de songer au Marc qu'elle-même avait connu à Paris. Madeline avait bien de la chance d'avoir un demi-frère aussi affectueux! Madeline regardait Marc à présent, essayant de lui sourire à travers ses larmes. - Au fait, en lisant le journal dans l'avion, j'ai découvert en première page que tu étais fiancé à une certaine Sabrina. Est-ce exact? - Tout à fait. Elle se trouve juste derrière toi. - Oh ... Manifestement, Madeline n'avait eu d'yeux que pour Marc car, à ces mots, la plus totale stupéfaction se lut sur son visage. La seconde suivante, elle faisait volte-face, et Sabrina croisa pour la première fois le regard de sa demi-sœur, Brune comme sa mère et Marc, Madeline avait cependant les mêmes yeux bleus qu'elle, pensa tout de suite Sabrina avec une indicible bouffée d'émotion. - Bonjour, Madeline, murmura-t-elle. Spontanément, Madeline l'étreignit et déposa un baiser chaleureux sur chacune de ses joues. - Comme je suis contente! s'exclama-t-elle en contemplant Sabrina. Puis, s'adressant à Marc, elle ajouta: - Tu as de la chance, ta fiancée est très belle ... Ce sera merveilleux d'avoir une sœur! Quelle ironie! songea Sabrina, le cœur chaviré. Et comme elle aurait voulu leur avouer la vérité, se décharger de ce lourd secret qui lui pesait comme un fardeau! Mais l'expression de son visage fit naître chez Marc un imperceptible froncement de sourcils. - Ma chérie, il serait temps de partir, maintenant.

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Il fallut une ou deux secondes à Sabrina avant de comprendre que la remarque lui était destinée. - Sabrina ne reste pas? s'étonna Madeline. - Non, elle doit s'en aller, répondit Marc avec fermeté. Vous ferez davantage connaissance plus tard. Allons voir comment se porte Garth, ce matin. - Et maman, comment a-t-elle pris la chose? demanda Madeline. - Mal... Elle n'a pas quitté son chevet de la nuit. Viens, ne nous attardons pas davantage, dit-il en passant un bras sous celui de Madeline. Au revoir, Sabrina, à tout à l'heure, lança-t-il avec un regard appuyé en direction de cette dernière. La jeune femme rejoignit sa voiture avec tristesse et reprit la direction de Kensington tandis qu'une petite pluie fine se mettait à tomber. La perspective d'avoir Nadine à déjeuner l'angoissait. Simuler face à Madehne s'était révélé franchement désagréable, mais affronter la femme de Garth et lui dire qu'elle était éperdument amoureuse de son fils ... c'était pire que tout. La discussion houleuse qu'elle avait eue avec Marc, quelques heures plus tôt, lui revint soudain à la mémoire, et elle se surprit à s'interroger sur Imogen Müller. Était-ce sérieux entre Marc et elle? A peine eut-elle conçu cette pensée qu'elle la chassait. Quelle idiote elle faisait! Pourquoi perdait-elle du temps à songer à l'idylle de Marc et Imogen Müller? Elle s'en moquait éperdument! Seule la santé de Garth lui importait.

Chez elle, Sabrina se rendit dans la cuisine et débarrassa les couverts du petit déjeuner. Au moins, ces occupations domestiques avaient-elles le mérite d'éloigner les tracas de son esprit. A midi, elle commença à préparer un plat de lasagnes. Elle n'avait pas faim, certes, et Marc lui avait conseillé de s'en tenir à un simple sandwich, mais elle ne pouvait décemment offrir une nourriture aussi maigre à Nadine. A 13 heures, elle entendit que l'on introduisait une clé dans la serrure. - Sabrina? appela Marc depuis le hall. - J'arrive! Le cœur battant, la jeune femme se précipita dans l'entrée. Marc était seul. Paradoxalement, Sabrina se sentit déçue de ne pas voir sa mère. - Où est Nadine? s'enquit-elle. - Elle a refusé catégoriquement de quiller Garth, expliqua Marc en se passant une main dans les cheveux d'un geste las. Elle vous présente ses excuses et espère vous rencontrer bientôt. - Comment va Garth? - Toujours pareil... Hum, ça sent bon ici. - J'ai préparé des lasagnes. Je ... vous m'aviez dit de ne pas faire de cuisine, mais il me semblait que Nadine devrait manger correctement pour reprendre des forces. A ces mots, Marc posa sur elle un regard étrange qui la troubla. - Avez-vous faim? demanda-t-elle. Maintenant que ces lasagnes sont prêtes, ce serait dommage de ne pas en profiter. - Justement, oui, j'ai très faim! - Installez-vous, dit-elle en lui indiquant la salle à manger. De son côté, elle s'esquiva dans la cuisine où elle s'attarda le temps de recouvrer ses esprits avant d'apporter le plat sur la table. Là, elle servit à Marc une généreuse portion. - Madeline est-elle toujours à l'hôpital avec Nadine? demanda-t-elle, - Oui. Elles parlent à Garth pour qu'il les entende dans son coma et qu'il en sorte plus facilement. Bouleversée, Sabrina sentit sa gorge se nouer. - C'est délicieux ... Vous ne mangez pas? s'étonna Marc en voyant son assiette toujours intacte. - Je n'ai pas très faim, Elle but cependant un peu d'eau. En reposant son verre, elle s'aperçut que Marc avait cessé de

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manger et l'examinait avec attention. - Qu'y a-t-il? demanda-t-elle, soudain nerveuse. Après quoi, frappée par une brusque pensée, elle se mit à rire. - Je n'ai pas empoisonné la nourriture. si c'est ce que vous craignez! Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Marc. - Non, murmura-t-il. je songeais à tout autre chose. - Vraiment? Comme il ne disait pas à quoi, elle ne put résister à la tentation de lui poser la question. - Je me demandais si vous aviez des projets pour cet après-midi, répondit Marc. - Pourquoi? - J'envisageais de vous emmener acheter une bague. - Une bague? - C'est bien la coutume entre fiancés, non? - Franchement. je crois que vous poussez un peu loin la mise en scène. Je ne veux pas d'une bague. De toute façon, nous sommes dimanche. Les magasins sont fermés. - En effet. Et la conversation ne se poursuivit pas au-delà. Marc acheva son repas. Quand Sabrina commença à desservir, il se leva pour l'aider. - Merci, ne vous dérangez pas, dit-elle d'une voix mal assurée. Je me débrouillerai. Ils avaient voulu saisir au même moment le saladier, et leurs mains s'étaient effleurées. - Bien, dit Marc en souriant. Dans ce cas, puis-je passer un coup de téléphone? - Naturellement. Restée seule dans la cuisine, elle s'autorisa une profonde inspiration pour apaiser la tension de ses nerfs survoltés. Marc ne l' avait pas habituée à ces manières courtoises ... Tout compte fait, elle préférait encore quand il la houspillait! De retour dans le salon, quelques instants plus tard, elle le trouva assis sur le canapé. Pourvu qu'il n'ait pas l'intention de trop s'attarder ... - Vous repartez à l'hôpital? s'enquit-elle. - On croirait que vous avez hâte de vous débarrasser de votre cher fiancé ... Non, je ne vais pas à l'hôpital, du moins pas tout de suite. Nous allons d'abord sortir, tous les deux. - Je n'en ai pas envie, répliqua-t-elle avec fermeté. Mais Marc ne l'entendait visiblement pas ainsi. L'air très sérieux, à présent, il déclara : - Si, Sabrina, vous en avez envie. - En d'autres termes, vous ne me laissez pas Je choix? - Exactement. Sachant jusqu'où pouvait aller la détermination de Marc, Sabrina renonça à protester davantage. Il serait tout à fait capable de "entraîner de force à l'extérieur. Le temps de monter. à l'étage pour donner un coup de brosse à ses cheveux et mettre un peu de rouge à lèvres et la jeune femme le rejoignit Marc qui l'attendait dans l'entrée. - Où allons-nous? demanda-t-elle t~ndis qu'il lui ouvrait la portière de la Porsche, - C'est une surprise. Cette réponse ne fit que l'exaspérer davantage. Après tout, qu'il l'emmène où bon lui semble! Là ou ailleurs, quelle importance? Une fois de plus, ils roulèrent sans que ni l'un ni l'autre ne parle. A une ou deux reprises, Sabrina jeta un coup d'œil curieux vers son chauffeur, se demandant ce qu'il pouvait bien manigancer. Au bout d'un moment, il s'en aperçut et sourit. - Ne prenez pas cet air inquiet, Sabrina. - Je ne suis pas inquiète! rétorqua-t-elle, Et comme pour le lui prouver, elle lança la conversation.

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- Comment a réagi Nadine en apprenant que vous étiez fiancé? - Il semblerait que ça lui ait mis du baume au cœur. Elle vous trouve ravissante. En fait, elle aimerait vous voir. Je tâcherai d'organiser une rencontre demain. J'espère que vous avez toujours en tête les détails de notre idylle pour le cas où elle vous interrogerait. - Rassurez-vous. Je ne les ai pas encore oubliés, répliqua sèchement la jeune femme. - Voyons un peu. Dans quelles circonstances vous ai-je demandée en mariage? Très lasse, soudain, la jeune femme poussa un profond soupir mais répondit néanmoins aux diverses questions de Marc. - Et qu'avez-vous pensé la première fois que vous m'avez vu? - C'est un point qui n'a pas été envisagé! répliqua-t-elle vivement, - Vous n'avez qu'à laisser parler votre imagination! . - Eh bien, je vous ai trouvé incroyablement arrogant. Contre toute attente, Marc éclata de rire. - Ma mère le croira. Vous pourrez dire ça! - Votre mère n'a donc aucune illusion à votre sujet? - Pour elle, je suis la créature la plus merveilleuse qui soit sur cette terre, répondit Marc d'un air malicieux. Comme pour la plupart des femmes, du reste. - Sauf-pour moi ... Et peut-être, désormais, pour Imogen Müller, ajouta après coup Sabrina, poussée par un irrésistible démon. Devant le silence qui accueillait cette déclaration, elle épia Marc à la dérobée, se demandant si elle avait atteint une corde sensible. Peut-être était-il chagriné de devoir renoncer à Imogen. Curieusement, cette pensée suscita en elle un bref accès de tristesse. Ce qui ne fut pas sans la troubler ... Quant à Marc, impossible de deviner ses pensées. Calme et impassible comme d'habitude, il venait de garer la Porsche le long d'un trottoir sur une. petite place à quelques pas d'Oxford Street. Ce fut seulement après avoir coupé le moteur qu'il commenta la réflexion de Sabrina. - J'ignore quelle est l'opinion d'Imogen à mon sujet. Je n'ai pas encore eu l'occasion de lui parler. Ce ne serait guère convenable. - Vous trouvez? Comme elle détestait Marc quand il prenait cet air suffisant! Et comme elle détestait ce « encore» qu'il avait cru bon de glisser dans sa phrase, laissant ainsi clairement entendre qu'il renouerait à la première occasion avec Imogen Müller. Jamais Marc Kingsley n'était pris au dépourvu. - Peut-être faudrait-il que je téléphone à mon petit ami pour lui dire de ne pas prêter attention à ce que racontent les journaux ... et que bientôt, nous pourrons continuer à nous voir comme avant. Elle ne sut jamais ce qui l'avait incitée à dire cela. Elle n'avait même pas de petit ami ... Simplement, un impérieux besoin l'habitait de prouver à Marc qu'il ne l'intéressait pas, qu'elle avait sa propre vie sentimentale et que celle-ci n'avait rien à voir avec Garth. - Ça me paraît un peu difficile, non? Votre unique petit ami étant actuellement dans le coma à l'hôpital... - Garth n'est pas mon petit ami. - Et cependant, vous prétendez l'aimer? Ne vous fatiguez pas, Sabrina ... Je sais tout de vous. Le détective que j'avais chargé d'enquêter sur votre compte m'a dit que vous avez juste eu un petit ami appelé Steve pendant moins de deux mois, l'année dernière; et que vous avez rompu juste avant le décès de votre mère. Elle posa sur lui des yeux agrandis. par l'incrédulité. - Eh bien, vous vous en êtes donné du mal pour fouiller dans chaque recoin de mon passé! s'écria-t-elle, furieuse. La voyant, les poings serrés, prête à se jeter sur lui, Marc eut un petit sourire.

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- Du calme, Sabrina. Nous n'allons pas recommencer comme ce matin? Sans attendre sa réponse, il sortit de voiture et vint lui ouvrir tranquillement la portière; à moins de faire un esclandre, Sabrina n'eut d'autre choix que de descendre à son tour. - Où allons-nous? s'enquit-elle d'un ton rageur. - Effectuer quelques petits achats, répondit Marc en glissant son bras sous le sien comme s'ils étaient les meilleurs amis du monde. Et n'oubliez pas, nous sommes censés être éperdument amoureux ... N'allons pas nous disputer comme des chiffonniers. Pour toute réponse, elle leva les yeux au ciel, puis se laissa entraîner le long des rues, plutôt calmes en ce dimanche après-midi. Seuls quelques commerces étaient ouverts. Marc s'arrêta soudain devant une bijouterie de renom et poussa le bouton de la sonnette. - C'est fermé, observa Sabrina. - A moi, on ouvrira. De fait, la porte ne tarda pas à pivoter sur ses gonds, et un homme d'un certain âge parut, un sourire aux lèvres. - Bonjour, monsieur Kingsley, je suis heureux de vous revoir. - Je ne vous ai pas trop fait attendre, j'espère? C'est très aimable à vous de bien vouloir nous recevoir. - Tout le plaisir est pour moi. Le bijoutier les conduisit jusqu'à une pièce à l'arrière du magasin, luxueusement décorée de rouge et or, où il les invita à s'asseoir dans deux fauteuils Louis XV. Après avoir déverrouillé quelques meubles, il apporta plusieurs plateaux qu'il déposa devant eux sur la table face à Sabrina. - Voilà, leur dit-il. Prenez tout votre temps. Puis-je vous offrir un café? - Volontiers, Dave. Merci beaucoup. Ce fut à peine si la jeune femme entendit cet échange entre les deux hommes, émerveillée qu'elle était par l'éclat des diamants, rubis, saphirs et autres émeraudes. Les bagues, toutes des merveilles de finesse, rivalisaient de splendeur. - Alors, ma chérie, laquelle vous tente? demanda Marc d'un ton suave. Après s'être discrètement assurée que le bijoutier avait quitté la pièce, Sabrina répondit entre ses dents: - Je ne veux aucune de ces bagues!

- Et pourquoi donc? - Parce que ... Parce qu'elles doivent valoir une fortune et que nous ne sommes pas réellement fiancés. - Et surtout, parce que vous craignez que Garth ne se fâche s'il vous voit avec une pareille bague au doigt quand il sortira du coma. N'est-ce pas, Sabrina? - Non. Simplement, je ne veux pas d'un bijou aussi coûteux, objecta-t-elle en essayant de ne pas s'emporter. Sur ces entrefaites, le propriétaire reparut avec le café. - Avez-vous trouvé un modèle qui vous plaise? demanda-t-il à Sabrina. Comment expliquer ce qui se passa alors dans la tête de la jeune femme? Elle-même n'aurait su le dire. Animée par quelque obscur impulsion, elle prit la bague ayant le plus gros solitaire et la glissa à son doigt. Elle convenait parfaitement. - Celle-ci, peut-être, murmura-t-elle. La tête penchée de côté, elle faisait pivoter légèrement sa main pour mieux juger de l'effet du bijou et de l'extraordinaire pureté de la pierre. - Si je puis me permettre, il s'agit là de la plus belle bague de notre collection, fit remarquer le bijoutier. Ce diamant est exempt de tout défaut. - Qu'en pensez-vous, chéri? demanda-t-elle à Marc, en levant vers lui de grands yeux innocents. Un tel bijou devait coûter une petite fortune. Sabrina le savait et n'avait nullement l'intention de le

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choisir mais elle espérait jouer ainsi un bon tour à Marc Kingsley. Après tout, il l'avait bien assez exaspérée. Ce serait une douce revanche de lui voir perdre son petit sourire suffisant! Mais Marc ne parut pas le moins du monde troublé. - Elle vous plaît? s'enquit-il. - Elle est très belle. - Dans ce cas, nous prendrons celle-ci, déclara Marc à l'adresse du bijoutier. - Euh ... non, bredouilla Sabrina. Comme elle essayait d'ôter l'anneau, Marc J'en empêcha. - Gardez-la au doigt, chérie. Profitant de sa confusion, il se pencha pour l'embrasser. - La plus belle femme mérite le plus beau bijou, chuchota-t-il. Sabrina se sentit fondre. Ce compliment, cette chaude voix sensuelle, l'exquise douceur de ce baiser produisaient sur elle le plus déroutant des effets ... Et quand les protestations qui s'étranglaient dans sa gorge parvinrent enfin à ses lèvres, il était trop tard. Marc avait déjà emboîté le pas au bijoutier dans la pièce voisine pour régler son achat. - Vous êtes bien calme, lui fit observer Marc peu après, alors qu'ils regagnaient la voiture. En fait, elle avait été prise de vitesse par la rapidité des événements, et la présence du solitaire à sa main gauche la laissait encore incrédule. - Vous n'auriez jamais dû acheter un bijou d'un tel prix, murmura-t-elle, ne sachant que dire. Marc eut un petit rire sec. - Vous êtes très douée, Sabrina, j'en conviens. Pour jouer l'innocente, la désintéressée, vous n'avez pas votre pareille! Et lui savait comment l'humilier! songea-t-elle. Après ce regrettable incident chez le bijoutier, le sarcasme de Marc ne faisait qu'ajouter au chagrin et à la contrariété de Sabrina. Comment le convaincre qu'elle n'était pas la créature vénale qu'il supposait? Qu'elle avait seulement cherché une petite vengeance et que sa plaisanterie s'était bêtement retournée contre elle? Il ne la croirait pas. De toute façon, Marc Kingsley ne la croyait jamais.

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Rares furent les paroles échangées entre eux durant le retour à Kensington. Marc déposa Sabrina devant chez elle mais ne descendit pas de voiture. - Je retourne à l'hôpital, dit-il d'un ton sec. Nous nous reverrons peut-être ce soir. Un frisson la parcourut à ces mots. Sans desserrer les dents, elle entra dans l'appartement, et là, dissimulée derrière les rideaux du salon, suivit du regard la Porsche qui s'éloignait. Marc Kingsley lui était une énigme. Pourquoi avait-il dépensé une somme aussi astronomique pour lui acheter une

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bague? La sonnerie du téléphone surprit Sabrina dans ses rêveries. Elle alla décrocher. - Allô? Êtes-vous bien Sabrina? Cet accent français aux intonations chantantes ne lui laissa aucun doute sur l'identité de sa correspondante: Nadine! Aussitôt, la nervosité la gagna. - Oui ... Bonjour madame Fraiser. Comment va votre mari ? - Ni mieux ni moins bien, répondit Nadine d'une voix tendue par l'angoisse. Je suis toujours à l'hôpital. En fait, j'essaie de vous joindre depuis un petit moment déjà. - Je rentre à l'instant. Nous étions sortis, Marc et moi ... Il vient de m'acheter une bague de fiançailles. Sabrina s'interrompit brusquement, craignant d'avoir commis une maladresse en révélant ce détail. - Je suis si heureuse pour vous deux! s'exclama alors Nadine. Elle paraissait si sincère que Sabrina en éprouva une honte terrible. - Je ... je ne peux pas vous passer Marc. Il est reparti à l'hôpital. - Aucune importance. C'est à vous que je désirais parler. Je voulais m'excuser de n'être pas venue tout à l'heure avec Marc pour déjeuner. Je sais que vous m'attendiez, mais je n'ai pas pu me résoudre à quitter mon mari. - Je ne vous en tiens pas du tout rigueur, madame Fraiser. Je comprends parfaitement, - Appelez-moi donc Nadine. Après tout, vous faites désormais partie de la famille. Garth devrait se remettre assez vite, et nous pourrons fêter comme il se doit vos fiançailles. - Oui ... oui, je l'espère, bredouilla Sabrina, au comble de l'embarras. - En attendant, si vous avez envie d'accompagner Marc à l'hôpital, vous y serez la bienvenue. .L'invitation déconcerta Sabrina au point qu'elle ne put souffler mot. - Mon fils m'a dit que vous auriez l'impression de déranger, continua Nadine. Alors, je tenais à vous faire savoir que si vous veniez en visite avec lui, je serais ravie de vous voir. - Merci, Nadine ... Je viendrai peut-être avec Marc demain matin, déclara Sabrina après une hésitation. - Dans ce cas, je compte sur vous! Si elle désirait ardemment rendre visite à Garth, Sabrina n'en éprouvait pas moins de l'appréhension à l'idée de la réaction de Marc devant une pareille initiative. Il serait furieux, tout simplement. Mais tant pis. N'était-il pas plus important qu'elle aille voir son père? En tout cas, cette conversation téléphonique l'avait rassérénée. Nadine avait paru si confiante quant à l'évolution de la santé de Garth! Sabrina passa le reste de l'après-midi à trier des vêtements ayant appartenu à sa mère et qu'elle destinait à une œuvre de charité. Son attention était régulièrement attirée par le diamant qui brillait à son doigt. Quel magnifique bijou! Qu'aurait pensé sa mère de cet imbroglio avec Marc? se demanda soudain la jeune femme. Peut-être lui aurait-elle conseillé de lui avouer la vérité à propos de Garth ... Car si celui-ci lui avait fait promettre de ne rien dire, les circonstances avaient changé. La blâmerait-il toujours si elle parlait? Quand elle eut achevé sa morne besogne, Sabrina se prépara du thé. Tout était calme dans l'appartement, d'un calme presque pesant. Seul le tic-tac de la vieille pendule murale dans l'entrée troublait le silence. Après être restée dix minutes devant la télévision, la jeune femme éteignit le poste. Aucun programme ne l'intéressait. Elle monta donc à l'étage, prit un bain et se coucha. Une intense fatigue l'accablait, et pourtant, elle eut du mal à trouver le sommeil. Bien plus tard, elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir, puis des pas résonner dans le corridor. Elle attendit, le souffle court, que Marc passe devant sa chambre ... Aussi, lorsqu'un coup fut frappé à sa porte, sursauta-t-elle violemment. - Sabrina, êtes-vous réveillée?

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Elle se dressa sur son séant, le cœur battant. Marc avait-il des nouvelles de Garth à lui apporter? - Oui, murmura-t-elle. Au moment où elle sortait du lit, Marc entra dans la chambre. - Vous permettez? - Quel sans-gêne! J'aurais pu être déshabilliée, s'exclama-t-elle en allant décrocher son peignoir. En dépit du regard indigné qu'elle lui jeta au passage, Marc ne se priva pas d'admirer sa mince silhouette dans la chemisé de nuit de satin bleu pâle, avec son petit empiècement de dentelle sur la poitrine. Cet examen la mit si mal à l'aise qu'elle aurait voulu pouvoir disparaître sous terre. - J'ai déjà vu un corps de femme, vous savez, fit observer Marc, ironique. - Oh, je n'en doute pas. Mais vous n'avez pas vu le mien. - Nous pouvons remédier à cela si vous voulez ... - Votre humour ne m'amuse pas! - Ce qui, moi. ne m'amuse pas, c'est que vous ayez planifié une visite à Garth derrière mon dos! La jeune femme le foudroya du regard. Voilà donc ce qui motivait cette intrusion dans sa chambre en pleine nuit! - C'est votre mère qui m'a proposé de venir à l'hôpital, dit-elle. - Et naturellement, vous avez sauté sur l'occasion! Je croyais avoir été assez clair en vous demandant de n'approcher de Garth sous aucun prétexte. - Marc, tout de même! Je ne vais pas séduire un homme qui est dans le coma! - Peu m'importent vos motivations. Je ne veux pas vous voir là-bas, voilà tout. Le ton qu'il avait adopté était si cinglant que la jeune femme sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle haussa les épaules, s'efforçant de feindre l'indifférence. Mais son dépit devait se lire clairement sur son visage, car Marc marmonna soudain: - Ne me regardez pas de cette façon. Ça ne vous avancera à rien.

- Laissez-moi, s'il vous plaît. Il se dirigeait vers la porte, docile, lorsque Sabrina eut un petit reniflement. Marc se retourna brusquement, l'air exaspéré. - Ah, non! Vous n'allez pas encore pleurer toute la nuit! - Comment ça, «encore »? - Comme la nuit dernière. - Je n'ai pas pleuré la nuit dernière. - Vraiment? Et vous avez toujours les paupières gonflées quand vous vous levez, je suppose? - Ce doit être une allergie à votre présence chez moi! Marc éclata de rire, mais sans malice, cette fois, sans volonté de blesser ou se moquer. - Vous êtes trop drôle, Sabrina. Il la contempla un instant puis, comme si le spectacle qu'elle lui offrait avait exercé sur lui quelque charme magique, il déclara tout à coup: - Eh bien, d'accord. Je vous autorise à voir Garth demain pendant un quart d'heure. Mais pas une minute de plus. Et il se retira sous l'œil ébahi de la jeune femme. Pourquoi ce brusque revirement ? Renonçant à comprendre, Sabrina se recoucha. Marc hantait ses pensées. Elle se rappelait pèle-mêle ses accès de colère, son rire, elle revoyait l'expression de son visage quand il lui avait offert la bague de fiançailles. Et de nouveau, les larmes affluèrent à ses yeux. Pourquoi donc pleurait-elle? Rageusement, Sabrina essuya ses joues, Bientôt, elle verrait son père, et d'ici peu, il aurait recouvré des forces. Tout allait donc pour le mieux ... Ces perspectives réconfortantes ne vinrent cependant pas à bout de ses larmes. Car c'était à cause de Marc qu'elle pleurait! Cette prise de conscience ébranla la jeune femme. Pourquoi la perturberait-il à ce point? Elle enfouit la tête dans son oreiller et, prenant sur elle, parvint à se calmer. Pas question de se

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présenter demain devant Nadine les yeux bouffis et la mine défaite! Sa toute dernière pensée avant de s'endormir fut pour se demander si Marc était amoureux de la belle et mystérieuse Imogen.

Levée tôt, le lendemain, Sabrina prit une douche rapide puis enfila un petit ensemble bleu à l'élégance décontractée. Marc était déjà dans la cuisine. A croire qu'il pouvait se contenter couramment de trois à quatre heures de sommeil par nuit! pensa Sabrina. - Vous avez meilleure mine, ce matin, observa-t-il d'un ton léger tandis qu'elle posait la bouilloire sur le feu. L'allergie semble en voie de régression! Comme elle s'efforçait d'ignorer cette remarque, il lança: - Seriez-vous décidée à bouder, Sabrina? - Non, je ne boude pas. J'estime simplement qu'une plaisanterie aussi ridicule ne mérite pas de réponse. Après s'être servie du café, elle s'assit à table et s'enquit: - Comment allait Garth, hier? - Toujours pareil. S'il y avait eu du nouveau, je vous en aurais informée. Elle s'en doutait mais, voulant éviter tout sujet personnel, elle l'avait interrogé à ce sujet. Tout en buvant son café, elle risqua un coup d'œil furtif vers son compagnon. Quelle vitalité dégageait cet homme! Il donnait une telle impression de dynamisme, d'assurance, de séduction virile. Non qu'il lui plaise à elle, loin de là! Son charme était bien trop ... ostentatoire. - Oui? demanda Marc, la surprenant en train de le contempler. - Rien ... Quand voulez-vous que nous partions pour l'hôpital? - Dès que vous serez prête. Il se leva, et elle remarqua combien son costume sombre soulignait l'ampleur de sa carrure. Très vite, cependant, elle baissa le nez de crainte qu'il ne la surprenne de nouveau à le regarder. - Je vais chercher mon sac, lança-t-elle, sitôt son café achevé. Dehors, l'air était plus doux que la veille, les arbres arboraient leur riche parure de printemps. Sabrina adorait cette saison, la saison du renouveau, celle où tout paraissait possible, où tout pouvait recommencer. Le souvenir de son dimanche à Paris avec Marc lui traversa l'esprit, et elle se rappela le bonheur qui alors l'habitait. Qu'il lui semblait loin, ce jour-là! Lorsqu'ils arrivèrent à l'hôpital, elle ne put s'empêcher de se demander si la vie lui offrirait d'autres occasions d'être heureuse. Son cœur se serra encore plus quand elle entra dans l'austère bâtiment au côté de Marc. Elle se revit, faisant irruption dans ce même lieu deux jours auparavant, affolée. Puis elle se remémora la fin tragique de sa mère ... Lorsqu'ils approchèrent de la réception où Sabrina s'était vue refuser le droit de rendre visite à Garth, Marc lui passa un bras autour des épaules. Un geste simplement destiné à mieux abuser l'entourage, Sabrina n'était pas dupe; mais elle ne se déroba pas. Curieusement, le fait de sentir Marc tout proche lui procurait un certain réconfort, et elle s'abandonna légèrement contre lui tandis qu'ils remontaient le couloir vers la chambre de Garth. Là, toutefois, le spectacle de son père l'accapara à l'exclusion de toute autre considération. Garth reposait sur son lit dans une immobilité parfaite; il était sous-assistance respiratoire, entouré de toutes sortes d'appareils. Sous le choc, Sabrina vacilla. Heureusement que Marc la soutenait par la taille! songea-t-elle confusément. Nadine, assise au chevet du malade, leur sourit, puis se leva pour aller embrasser Sabrina, des larmes dans les yeux. - Bonjour. Comme je suis contente de vous voir! s' exclama-t -elle. Un terrible sentiment de honte submergea alors la jeune femme. Comme cette ignoble comédie lui

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pesait! C'était à peine si 'elle osait regarder Nadine en face. Âgée d'une cinquantaine d'années environ, jolie, plutôt menue, Mme Fraiser portait avec élégance une longue robe fluide qui accompagnait avec grâce chacun de ses pas. Ses cheveux noirs, légèrement grisonnants, étaient relevés en un chignon qui rehaussait la délicatesse de ses traits. Sabrina lui trouvait de multiples ressemblances avec Marc, et notamment les yeux ... si ce n'est que ceux de Nadine exprimaient la bienveillance quand ils se posaient sur elle! Rejoignant le chevet de son mari, elle lui parla doucement : - Garth, mon chéri, Sabrina est venue te voir. Celle-ci jeta un coup d'œil à Marc, qui lui sourit. - Les médecins nous conseillent de lui parler, expliqua-t-il à voix basse. Il est probable qu'il nous entend et que ça l'aidera à sortir du coma. Très émue, la jeune femme s'avança à son tour vers le lit. - Bonjour, Garth, murmura-t-elle, Nous espérons tous que vous irez bientôt mieux. Spontanément, du fait de la présence de Nadine, elle avait vouvoyé son père. Après avoir approché une chaise pour que Sabrina pût s'asseoir, Nadine s'adressa à son fils: - Marc, sois gentil. Veux-tu bien aller me chercher un café au distributeur? - Bien sûr. Vous en voulez aussi un, Sabrina? Elle acquiesça d'un simple signe de tête, incapable de détacher son regard de Garth, si pâle, d'apparence si vulnérable avec tous ces tuyaux auxquels était suspendue sa vie. - J'ai parlé à Garth de la bague de fiançailles que vous- avez achetée hier, Marc et vous, déclara gaiement Nadine. La perspective d'un mariage est comme un rayon de soleil dans ce malheur. Sabrina réussit à grimacer un sourire. - Puis-je voir cette bague? demanda ensuite Nadine avec curiosité. Submergée de nouveau par la honte, Sabrina lui montra le bijou. Nadine s'extasiait encore sur la beauté de la pierre lorsque Marc reparut avec le café. - C'est du champagne que nous devrions boire, et non du café! s'exclama Nadine en prenant le gobelet des mains de son fils. - Nous en aurons tout le temps quand Garth sera sorti d'ici, répondit-il, - Oui, nous célébrerons vos fiançailles dès que possible, dit aussitôt sa mère. Garth sera ravi. Vous savez, Sabrina, il vous tient en haute estime ... J'ai été étonnée quand mon fils m'a annoncé qu'il se fiançait, mais quand j'ai su que c'était avec vous, j'ai compris pourquoi il était allé si vite en besogne. Garth vous décrivait toujours comme une jeune femme belle, mais aussi généreuse et intelligente. Il a beaucoup regretté que vous démissionniez. L'embarras de Sabrina atteignit son comble. D'autant que Marc rivait sur elle un regard aigu chargé d'une animosité presque tangible. Au prix d'un immense effort de volonté, elle essaya d'ignorer sa présence à côté d'elle et se concentra sur les propos de Nadine. - Avez-vous déjà fixé une date pour le mariage? demandait justement celle-ci en les contemplant l'un et l'autre, tour à tour. Ce fut Marc qui répondit. très serein. - Non, c'est un peu prématuré. Nous attendrons 'que Garth soit rétabli. Il posa une main sur l'épaule de Sabrina pour ajouter: - Après tout, nous avons toute la vie devant nous. N'est-ce pas, ma chérie? Comme un baiser sur sa tempe venait ponctuer cette question, Sabrina dut faire appel à tout son sang-froid pour ne pas trahir l'émotion qui la gagnait. - Ah, que c'est beau l'amour..., murmura Nadine en les couvant d'un œil attendri. Puis, se tournant vers Garth, elle murmura: - Si tu pouvais voir ces deux tourtereaux, ça te réjouirait! A cet instant, la porte de la chambre s'ouvrit, livrant passage à un médecin. - Madame Fraiser, pourrais-je vous parler, s'il vous plaît?

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- Bien sûr. Nadine abandonna aussitôt son café et sortit de la chambre. Marc la suivit, laissant Sabrina seule avec le malade. Ravie de cette aubaine, elle se rapprocha de Garth et, sur une impulsion, effleura la main inerte posée sur le drap blanc. - Garth, chuchota-t-elle, j'espère que tu m'entends, C'est Sabrina. Je ... je veux juste te dire que je t'aime et que ... - Alors, vous avez terminé ? Au son de cette voix rude qui s'élevait derrière elle, Sabrina se raidit et lâcha la main de son père. - Je ne vous avais pas entendu revenir, dit-elle à Marc, qui la fixait, le front barré d'un pli sévère. - Je veux bien le croire ! Nous ne nous attarderons pas davantage. Venez. C'était là un ordre qu'elle se garda bien de contester tant Marc avait l'air furieux. - Où est Nadine? s'enquit-elle en se levant. - Dans le bureau des infirmières. - y a-t-il un problème particulier? Que voulait-on lui dire? - Simplement de rentrer chez elle se reposer cet après-midi. Mais naturellement, elle n'a rien voulu entendre. Le soulagement envahit Sabrina. Ce n'était donc pas pour annoncer à Nadine quelque mauvaise nouvelle qu'on l'avait convoquée! Avant de quitter la chambre, la jeune femme se tourna vers son père. - Au revoir, Garth ... A bientôt, ajouta-t-elle tout bas. De la main, Marc l'invita à le précéder hors de la chambre. A peine en sortaient-ils qu'ils aperçurent Nadine. C'était vrai qu'elle paraissait bien lasse et fatiguée. mais une farouche détermination se lisait dans son regard. - Nous allions partir, lui dit Marc. - Au revoir,' mes enfants. Et merci d'être venue, Sabrina! Avant que celle-ci ait pu ouvrir la bouche, Marc reprit la parole: - J'emmène Sabrina au bureau. Elle a très gentiment proposé de me faire un peu de secrétariat. Étonnée, Sabrina ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Faire du secrétariat? Il n'en avait jamais été question! - Je reviendrai plus tard, à l'heure du dîner, conclut Marc. Tu seras toujours ici, je présume? - Mais oui. Je tiens à être auprès de Garth quand il ouvrira les yeux. - Ce que tu peux être têtue, lui reprocha Marc avec tendresse. Dès qu'ils se furent éloignés, Sabrina interrogea son compagnon sur sa mystérieuse déclaration. - Pourquoi avez-vous dit à Nadine que j'allais vous aider? - Parce que c'est la vérité. - Pardon? Si vous vouliez me confier du travail, vous auriez pu d'abord me le demander! - Comme la fois où je vous ai proposé de venir travailler à Paris avec moi et que vous avez refusé? - Marc, je ne pouvais pas m'installer à Paris, je vous l'ai dit. On ne change pas de vie ainsi, du jour au lendemain. J'ai des engagements qui me retiennent ici, à Londres. Elle était si irritée qu'il ait remis ce sujet sur le tapis qu'elle eut le plus grand mal à ne pas trahir sa mauvaise humeur. Le rire goguenard qui salua sa réplique n'arrangea rien à la chose. - Parlons-en, de vos engagements! s'exclama Marc. J'espère que vous ne comptez pas Garth parmi eux. Mon beau-père est marié, et il n'abandonnera jamais Nadine pour vous. Autant que vous le sachiez! Ils étaient parvenus devant la voiture, et Sabrina s'y installa sans broncher. Intérieurement, pourtant, elle fulminait. Elle n'en pouvait plus d'essuyer ces accusations ignobles sans pouvoir crier son innocence! Une demi-heure plus tard, Marc se garait dans le parking en sous-sol de l'immeuble moderne

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qu'occupait Kingsley Enterprises. Ils ne s'étaient pas adressé la parole depuis le départ de l'hôpital. Après tout, se disait Sabrina, pourquoi chercherait-elle à être agréable à un homme qui la traitait de façon aussi indigne? Toujours en silence, ils prirent l'ascenseur jusqu'au dernier étage. Les portes s'ouvrirent sur des bureaux paysagers où quatre jeunes employées travaillaient devant des ordinateurs. Toutes saluèrent leur patron avec un sourire. - Bonjour, monsieur Kingsley. - Bonjour, mesdemoiselles. Après avoir longé un couloir, Marc poussa la porte d'un bureau où une jeune femme était occupée à consulter un dossier. - Anna, je vous présente Sabrina. Elle va vous aider à taper ce rapport en français que je vous ai donné. Cette information parut soulager la secrétaire. De toute évidence. comprit Sabrina, son concours était particulièrement bienvenu! Sans plus tarder, Marc s'assit à son bureau, parallèlement à une imposante baie vitrée d'où l'on jouissait d'une vue panoramique sur la Tamise. Vaste, lumineuse, la pièce était ornée de photos représentant les diverses usines de l'entreprise de par le monde. - Où est mon courrier? s'enquit Marc d'un ton abrupt. - Désolée. Je l'ai laissé sur mon bureau, répondit Anna. Une moue de contrariété aux lèvres, Marc la regarda se précipiter dans la pièce voisine pour aller chercher le courrier. - Cette pauvre fille est d'une rare incompétence, marmonna-t-il à l'adresse de Sabrina. J'avais demandé à l'agence une secrétaire qualifiée pour remplacer la mienne qui est en vacances, et ils m'ont envoyé cette incapable. Anna reparut, portant une pile de lettres qu'elle vint placer devant Marc. - y a-t-il eu des appels pour moi? demanda-t-il. - Oui. Imogen Müller, à trois reprises. Elle désire que vous la rappeliez. J'ai eu également M. Hoffman ainsi que M. Anderson. Sabrina retint son souffle, guettant avec curiosité là réaction de Marc. Allait-il rappeler son ex-petite amie, et si oui, que lui dirait-il? La vérité ... à savoir que ses fiançailles étaient fictives? Le détail aurait dû laisser Sabrina indifférente mais, étrangement, ce n'était pas le cas. - Bien. Appelez-moi Hoffman, puis donnez à Sabrina ces rapports à taper en français. La jeune femme suivit la secrétaire dans son bureau tout en essayant de recouvrer ses esprits. Elle se sentait si vulnérable, depuis quelque temps! C'était à peine croyable. Un rien suffisait à la perturber. Comme ce coup de téléphone de Marc à Imogen Müller, par exemple ...

Quelques minutes plus tard, heureusement, la frappe de son texte fournissait à Sabrina une diversion salutaire à toute préoccupation personnelle. Vers midi, le rapport était achevé. Elle commençait à aider Anna à déchiffrer un document compliqué en allemand lorsqu'une séduisante jeune femme d'une vingtaine d'années environ fit irruption dans le bureau. Son intuition souffla à Sabrina qu'il s'agissait là d'Imogen Müller ... et elle dut s'avouer que la petite amie de Marc était encore plus belle qu'en photo. Une silhouette fine et élancée, des traits parfaits, des cheveux noirs coupés en un carré court qui sous les spots du bureau s'éclairaient de reflets d'acajou ... Imogen avait vraiment tout pour plaire! Imogen s'adressa à Anna d'une voix plutôt impérieuse où perçait une légère pointe d'accent allemand. - J'aimerais voir Marc. s'il vous plaît. - Avez-vous rendez-vous?

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- Je n'ai pas besoin de rendez-vous. Je suis une amie. Ayez la bonté de le prévenir qu'Imogen est ici. - Bien, euh ... je vais en parler à M. Kingsley, répondit Anna en se dirigeant vers le bureau de Marc. Ces précautions ne semblèrent pas du goût d'Imogen Müller. Tout en patientant, elle promena un regard dédaigneux autour de la pièce ne faisant que passer sur Sabrina. Puis, comme frappée par une inspiration soudaine, elle se retourna vers celle-ci, les sourcils froncés. - Vous ne seriez pas Sabrina Harrington, par hasard? - Si, c'est moi. - Mais vous êtes dactylo! Il y avait tant de mépris dans cette interjection que Sabrina sentit la moutarde lui monter au nez. - Je suis secrétaire, en effet. Secrétaire de direction, exactement. Auriez-vous quelque chose contre ce métier? Imogen lui répondit par une autre question. - Est-il vrai que vous venez de vous fiancer, vous et Marc? Ou est-ce juste un coup de publicité? - Non, c'est la vérité, déclara sèchement Sabrina, outrée par tant de toupet. Nous sommes très amoureux, Marc et moi. Pourquoi ajouta-t-elle cette précision? Sabrina n'aurait su le dire. Les mots avaient en quelque sorte précédé sa pensée. Peut-être avait-elle voulu rendre à Imogen la monnaie de sa pièce? A moins que les raisons soient plus' profondes ... Mais Imogen, nullement décontenancée, répliqua: - Connaissant Marc comme je le connais, j'ai du mal à le croire! Sabrina fut dispensée de répondre, car Marc parut à cet instant. - Imogen, quelle agréable surprise! - Depuis quelques jours, il m'est impossible de vous joindre! Où vous cachiez-vous mon petit Marc? demanda Imogen en minaudant. - Venez dans mon bureau, je vous expliquerai., Anna, apportez-moi le contrat Müller, s'il vous plaît, lança Marc avant de refermer soigneusement la porte sur eux deux. « Quelle femme détestable! » pensa Sabrina avec force en se remettant à son travail. - Sabrina? La voix de Marc. résonnant dans l'Interphone fit sursauter la jeune femme. - Voulez-vous nous apporter à chacun un café, s'il vous plaît? Sabrina se tourna vers Anna, occupée à rechercher fébrilement le contrat qu'avait demandé Marc. - Le .distributeur dans-leur bureau ne marche pas? - Je ne sais pas. Probablement. Avec un soupir résigné, Sabrina alla prendre deux cafés à l'appareil installé dans un angle de la pièce puis, plaquant un sourire sur ses lèvres, elle entra dans la fosse aux lions. Imogen était assise en face de Marc, les jambes haut croisées. - Merci, dit Marc à Sabrina en lui souriant. Vous connaissez déjà ma fiancée, Imogen, n'est-ce pas? - Oui, confirma celle-ci, l'air pincé. Et comme Sabrina regagnait la porte, Imogen ajouta plus bas - mais assez haut pour être entendue : - Je sais qu'il est difficile de trouver de bonnes secrétaires, Marc, mais de là à en épouser une! Mortifiée, Sabrina referma le battant et ne put entendre par conséquent la réponse de Marc. Elle reprit sa place à la machine et continua son travail, le cœur lourd. Une demi-heure plus tard, Imogen et Marc étaient toujours enfermés dans le bureau voisin. De quoi donc pouvaient-ils bien s'entretenir? se demandait Sabrina. Pourvu que Marc n'aille pas avouer à Imogen que leurs fiançailles n'étaient qu'une vaste comédie! Ce serait vraiment gênant, après le mensonge qu'elle avait formulé,

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Quand ils se décidèrent enfin à reparaître, Imogen arborait une mine radieuse. - Bien. 7 h 30, ce soir, n'est-ce pas? - Oui, répondit Marc. A moins d'un problème à l'hôpital; auquel cas, je vous téléphonerai. Imogen quitta les lieux en se rengorgeant, non sans jeter au passage un regard triomphant à Sabrina. Un regard qui fit défaillir le cœur de la jeune femme. Marc avait dû lui dire la vérité! - Vous pouvez aller déjeuner, Anna, dit-il sèchement. Et il réintégra son bureau. Tout en enfilant sa veste, la secrétaire, l'œil brillant de malice, se rapprocha de Sabrina. - C'était l'ancienne petite amie de M. Kingsley, chuchota-t-elle. A mon avis, elle était fâchée parce qu'il s'est fiancé à quelqu'un d'autre. - Vous croyez? lança Sabrina d'un ton faussement détaché. - Oh, oui! Mais avez-vous remarqué? Ils se sont donné rendez-vous ce soir, et Mlle Müller ne semblait pas mécontente en sortant. Pensez-vous qu'ils se sont réconciliés? - Non, ça m'étonnerait. Sabrina n'avait pu s'empêcher de répliquer avec brusquerie tant ces bavardages l'agaçaient. Mais Anna ne semblait pas disposée à abandonner le sujet. - Admettez qu'il y a de quoi se poser la question! Celte Mlle Müller est très belle, et je me suis laissé dire que M. Kingsley avait une réputation de don Juan. - Peut-être, mais il est fiancé avec moi. N'y tenant plus, Sabrina avait voulu lui river son clou une fois pour toutes. La mine d'Anna eût prêté à rire si Sabrina n'avait eu soudain pitié d'elle. En réalité, elle en voulait moins à celte pauvre fille qu'à Marc lui-même. Marc qui, par son attitude, la déstabilisait, la poussait à de tels excès. - Excusez-moi. Je suis navrée, murmura Anna, écarlate. J'ignorais que ... qui vous étiez. Ne tenez pas compte de ces sottises. J'ai dit ça pour bavarder. .. pour passer le temps. - Ce n'est pas grave, dit Sabrina, conciliante. Et tandis qu'Anna s'esquivait sans plus attendre, Sabrina reprit son travail de frappe avec un morne sourire. Fallait-il s'étonner qu'Anna ait cru à une réconciliation de Marc et d'Imogen? L'attitude de cette dernière le laissait supposer.; En tout cas, Sabrina ne pouvait pardonner à Marc d'avoir évoqué leur rendez-vous en sa présence. C'était si humiliant! Justement, la voix de celui qui occupait ses pensées lui parvint par l'Interphone. - Sabrina, apportez-moi ce rapport en français, voulez-vous? Les dents serrées, elle se rendit dans le bureau de Marc et lui remit le rapport demandé. - Merci, dit-il sans daigner lever les yeux vers elle. Après avoir parcouru avec intérêt la première page, il déclara: - Aucune comparaison avec le travail que m'avait rendu Anna. J'apprécie beaucoup votre aide. - Vraiment? - Oui, murmura-t-il en la regardant enfin. Quand Anna rentrera de déjeuner, vous pourrez partir. si vous voulez: Je demanderai à mon chauffeur de vous accompagner chez vous. - Non, merci, je prendrai l'autobus. - Si vous préférez ... - Oui, je préfère. - Qu'est-ce qui ne va pas? demanda alors Marc en fronçant les sourcils. - Rien. Pourquoi celte question? Garth est à l'hôpital, je suis fiancée à un coureur de jupons mais, à part ça, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. - Moi, un coureur de jupons? - Parfaitement, répliqua la jeune femme avec force. C'est la réputation que l'on vous prête, d'ailleurs. - De qui tenez-vous cette information?

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- C'est de notoriété publique. - Et ça- vous ennuie d' être fiancée à un séducteur? - Nous ne sommes pas fiancés pour de bon, je sais, mais nous sommes censés l'être. Et si vous persistez à faire du charme à toutes les jolies femmes qui croisent votre. chemin, vous pouvez reprendre votre bague et considérer notre marché comme nul. Je n'admettrai pas d'être tournée en ridicule. - D'accord. Puisque c'est ainsi, je vais tâcher de concentrer mes ardeurs exclusivement sur vous. - Pardon? - Comme vous l'avez si bien souligné, Sabrina, j'apprécie la compagnie des femmes. Et j'ajouterai, surtout dans l'intimité ... Peut-être devrais-je me tourner vers ma fiancée si je n'ai personne d' autre? - Ou alors, prenez une douche froide! C'est efficace, paraît-il. Frémissante d'indignation, elle quitta la pièce tandis que derrière elle s'élevait le rire moqueur de Marc. Avec quelle impatience elle attendit dès lors le retour d'Anna pour pouvoir s'éclipser à son tour! Mais celle-ci reparut avec près d'une demi-heure de retard. - Désolée, murmura-t-elle en entrant, essoufflée. J'ai retrouvé mon petit ami pour déjeuner et je n'ai pas vu passer le temps. La porte du bureau principal s'ouvrit et Marc parut dans l'embrasure, l'air mécontent. - Vous êtes encore en retard, Anna. - Navrée, monsieur Kingsley, je ... - Prenez votre bloc. J'ai du courrier à vous dicter. La secrétaire s'empressa d'obtempérer et, de son côté, Sabrina se mit à rassembler ses affaires pour s'en aller. - Sabrina, pourriez-vous revenir demain matin pendant quelques heures, s'il vous plaît? J'aurais un autre rapport à vous confier. Toute prête à l'envoyer au diable, Sabrina se retourna et constata qu'une lueur moqueuse brillait dans ses yeux noirs. Aussi, pour ne pas lui donner la satisfaction de croire qu'il l'intimidait, répondit-elle: - Je veux bien, oui. Puis, saisissant son sac, elle se retira. Quand elle atteignit le hall du rez-de-chaussée, elle s'aperçut qu'il pleuvait à verse et fit la grimace. Un instant, elle regretta presque de n'avoir pas accepté la proposition de Marc de mettre à sa disposition son chauffeur. Avec un soupir, elle remonta le col de son manteau et se dirigea vers les larges portes vitrées de l'entrée qui s'ouvrirent à son approche. A peine posait-elle le pied sur le trottoir que Sabrina vit s'arrêter à sa hauteur la limousine de Marc. Son chauffeur vint lui ouvrir la portière. - M. Kingsley m'a demandé de vous conduire chez vous. Que faire? Refuser à ce stade eût été puéril, aussi s'installa-t-elle à l'intérieur du luxueux véhicule. Quand la limousine démarra, Sabrina considéra la façade imposante de Kingsley Enterprises, et il lui sembla apercevoir Marc qui, depuis la fenêtre de son bureau, l'observait. Sans doute se réjouissait-il d'avoir eu, une fois de plus, le dernier mot.

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8

Marc ne rentra pas à Kensington ce soir-là. Ce qui n'avait rien d'inquiétant, voulait croire Sabrina. Il n'avait pas été question qu'il dorme chez elle toutes les nuits, simplement une fois de temps à autre pour donner plus de crédibilité à leur idylle. De toute façon, elle ne tenait nullement à l'avoir sous son toit! Pourquoi alors demeura-t-elle éveillée toute la nuit, à guetter le bruit d'une clé dans la serrure? Pourquoi fut-elle poursuivie par des images torturantes de Marc et d'Imogen Müller? Était-il avec elle? Cette question ne cessa de la hanter tandis qu'elle se tournait et se retournait dans le lit, d'abord irritée puis malheureuse, sans pouvoir trouver le sommeil. Quand l'aube pointa, un sinistre pressentiment lui fit imaginer qu'il était peut-être arrivé malheur à Garth, ce qui expliquerait que Marc ne soit pas venu. Renonçant à essayer de dormir, Sabrina se leva et alla se préparer une boisson chaude dans la cuisine. Le temps passait avec une lenteur désespérante. Tourmentée par l'angoisse, elle n'attendait plus désormais qu'une heure décente pour pouvoir appeler l'hôpital. Mais avant cela, Sabrina entendit s'ouvrir la porte d'entrée. Le cœur battant, elle se précipita dans le hall. - Où diable étiez-vous donc? lança-t-elle. D'un coup d'œil, elle remarqua son visage fatigué, bleui par la barbe naissante, ses cheveux légèrement hirsutes, puis un autre détail: il portait le même complet gris que la veille. - Que faites-vous debout? s'enquit-il, visiblement étonné de la voir là en peignoir, surexcitée. - J'étais folle d'inquiétude. J'ai cru qu'il était arrivé quelque chose. - A qui? A moi? - Non. A Garth. - Ah ... - Alors, où étiez-vous? - Sabrina, vous n'êtes pas ma femme, déclara calmement Marc. Pas même ma fiancée.

Ces mots tempérèrent quelque peu sa véhémence. - Je sais bien. Simplement, je ... je m'attendais à vous voir revenir ici, hier soir. Comment va Garth? - Il va bien. Un immense soulagement l'envahit. Et presque aussitôt, sa préoccupation première lui revint. Où était-il? Elle n'osa cependant lui reposer la question. Comme Marc l'avait souligné, rien ne l'autorisait à l'interroger. En tout cas, il paraissait très las. - Aimeriez-vous boire un thé? - Volontiers. Pourriez-vous me l'apporter dans ma chambre? Je vais me doucher. Quoique prise au dépourvu par cette demande, elle acquiesça et se rendit dans la cuisine. Sa main tremblait un peu lorsqu'elle servit la boisson dans une lasse qu'elle posa ensuite sur un plateau. Où Marc avait-il passé la nuit? La question l'obsédait, et l'unique réponse qui chaque fois lui venait à l'esprit était: avec Imogen Müller. Sabrina longea lentement le couloir jusqu'à la chambre d'amis et frappa à la porte. Pas de réponse ... En entrouvrant, elle entendit le bruit de la douche dans la salle de bains attenante.

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- Marc, votre thé, dit-elle en s'avançant d'un pas ou deux. La chambre était vide, la porte de la salle de bains entrebâillée. - Marc, votre thé, répéta-t-elle, un peu plus haut cette fois. Il apparut dans l'embrasure. Hormis la serviette nouée autour de ses reins, il était nu. Pendant quelques secondes, la jeune femme fut incapable de détacher les yeux de lui. Elle avait toujours su que Marc avait un physique extraordinaire mais, à le voir ainsi, elle en prenait toute l'exacte mesure. Avec ses larges épaules et son torse musclé, ombré d'une légère toison brune, il émanait de lui une impression de puissance très troublante, Par un suprême effort de volonté, Sabrina réussit néanmoins à s'arracher à la contemplation qu'il exerçait sur elle et alla poser son plateau sur le chevet. - Merci. Je vais tâcher de dormir pendant quelque temps. Puis-je compter sur vous, Sabrina, pour me réveiller à 8 heures? Je dois être au bureau à 9 heures, j'ai un rendez-vous important. - D'accord ... d'accord. Elle en bredouillait d'embarras et cela l'irrita. Pressée de s'esquiver, elle se dirigeait vers la porte lorsque la voix de Marc la fit s'immobiliser. - Autre chose, Sabrina ... - Oui? dit-elle dans un souffle. - Merci encore pour le thé. La bouche sèche, elle regagna sa chambre et s'allongea sur le lit après avoir programmé la sonnerie du réveil à 8 heures pour le cas où elle s'endormirait. Elle aussi avait besoin de sommeil; pourtant, malgré son épuisement, il ne vint pas. Marc avait-il passé la nuit avec Imogen Müller? Et pourquoi y attachait-elle tant d'importance? Sabrina se rappela alors à quel point cela lui avait déplu qu'Anna décrive Marc comme un don Juan et émette la possibilité que son aventure avec Imogen soit toujours d'actualité. pourquoi une telle réaction? Pourquoi elle, qui n'avait jamais été de nature jalouse, le devenait-elle tout à coup, et cela à cause d'un homme dont elle se moquait éperdument? La réponse lui causa un tel choc qu'elle se redressa sur son séant comme sous l'effet d'une décharge électrique. Impossible! Elle ne pouvait être amoureuse de Marc Kingsley! Avec tous les propos injurieux qu'il lui avait tenus ... Cet homme la haïssait, la méprisait. Qu'elle pat néanmoins l'aimer relevait tout simplement de l'aberration. Forte de ce beau raisonnement, Sabrina se rallongea. D'abord, elle ne voulait pas aimer Marc. C'était un séducteur. Il avait du charme, le savait, et il en jouait de manière indigne. Cela devait suffire à la refroidir ... Pourtant, le cœur de Sabrina chavirait quand elle pensait à son regard, à la façon qu'il avait parfois de lui sourire. Ou à celle dont il l'avait embrassée ce fameux dimanche à Paris, faisant s'enflammer tous ses sens. L'amour se moquerait-il de la raison? Son intelligence n'aurait-elle donc aucune prise sur les choix de son cœur? Car Marc Kingsley n'était pas le genre d'homme vers lequel elle se sentait portée rationnellement. Tendre, aimant. affectueux ... La sonnerie du réveilla surprit dans ses réflexions. Elle n'aurait pas fermé l'œil. Tant pis ... Sabrina se leva et alla frapper à la porte de la chambre de Marc. - Marc, il est 8 heures. N'obtenant pas de réponse, elle tapa de nouveau et poussa légèrement le battant. Marc dormait à poings fermés, allongé sur le dos, le drap en travers du corps dévoilant en partie son torse nu. - Marc ... Retenant son soufflle, Sabrina s'avança dans la pièce et, comme il ne bougeait pas, resta là à le contempler. Elle s'étonna de le voir si différent dans le sommeil. Au repos, ses traits étaient détendus, son expression sereine, presque vulnérable. Mais elle était là pour le réveiller et s'approcha du lit, s'assit au bord.

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- Marc, il est 8 heures. Doucement, elle posa une main sur son épaule, et cette fois, il réagit, souleva les paupières et lui sourit. Seigneur, l'effet que produisit sur elle le regard de ces yeux noirs entre les longs cils ... - Il faut vous lever. Elle allait se remettre sur pieds lorsqu'il la prit par le bras pour l'en empêcher. - Vous ai-je jamais dit que vous étiez très belle? murmura-t-il. Sous le compliment, elle se sentit rougir. - Très belle, oui ... et c'est un délice d'ouvrir les yeux sur vous au réveil, poursuivit-il tandis qu'un léger sourire se dessinait sur ses lèvres. Pour tenter d'alléger l'atmosphère, elle choisit de répondre par une boutade. - Je vous ai déjà dit que j'acceptais de vous faire un peu de secrétariat ce matin. Le sourire de Marc s'épanouit. - Je sais. Il n'empêche que je vous trouve charmante. Sur ces mots, il lui effleura la joue d'un doigt délicat. Et cette caresse, aussi furtive fût-elle, suscita chez Sabrina un indicible émoi. - Vous avez la peau douce, veloutée ... Et vos cheveux, Sabrina, savez-vous qu'ils sentent bon le miel et la camomille? En parlant, il s'était redressé pour se rapprocher d'elle, et le drap était tombé jusqu'à sa taille. Sabrina, tremblante, crut qu'il allait l'embrasser. Mais il rassembla sa chevelure, fit couler entre ses doigts le flot soyeux, lui caressa la tête, et cela avec tant de sensualité qu'un irrésistible vertige la saisit. Lorsqu'il fit glisser ensuite le peignoir sur ses épaules, elle protesta ... sans grande conviction cependant. - Marc, non. - Non? Il la regarda un instant dans les yeux avant de déposer une pluie de baisers sur ses épaules autour de la bretelle de la chemise de nuit. Les battements du cœur de Sabrina se déchaînèrent. Quand Marc repoussa les bretelles le long de ses bras, elle ne songea plus cette fois à résister. Au contraire, elle se laissa aller contre lui pour mieux savourer la caresse experte de ses mains. Par petites touches délicates, il l'embrassa dans le cou, puis lui mordilla l'oreille, et elle rit doucement en tressaillant, chatouillée par la chaleur de son souffle sur la peau. Alors, il la fit basculer sur le lit et roula sur elle. - Comme tu es belle ... Après avoir considéré son visage où les yeux bleus brillaient d'un feu ardent, la perfection de sa gorge, il sourit puis se pencha pour effleurer des lèvres la courbe de son cou, descendit plus bas ... D'instinct, elle se cambra contre lui pour accueillir ses baisers. Quand ils atteignirent, enfin, sa poitrine, Sabrina sentit lui échapper tout vestige de raison. Plus rien ne pouvait l'atteindre dans le délicieux cocon de volupté où elle baignait. Seul comptait le plaisir immédiat d'être là, dans les bras de Marc. Marc qui, maintenant, la couvait d'un regard brillant, en appui sur ses avant-bras. - Mon petit ange ... Il l'appelait «son petit ange»! Bouleversée, Sabrina le fixa en retour avec une espèce d'émerveillement étonné dans les yeux. Mais oui, elle l'aimait! Elle aimait Marc du plus profond d'elle-même. Sa main se tendit pour caresser avec ferveur le visage penché à quelques centimètres au-dessus du sien. C'était là son premier, mouvement vers lui, et Marc ne s'y trompa pas. Il s'immobilisa, comme interdit, parut retenir son souffle. Sabrina elle-même suspendit tous ses gestes, soudain incertaine. Marc contemplait avec avidité ses joues roses, brûlantes, le frémissement de ses lèvres entrouvertes, le halo que formait sur l'oreiller l'ardente chevelure blonde. Puis leurs regards se

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rencontrèrent, se mêlèrent l'un à l'autre avec une rare intensité. Tout son être la portait vers cet homme. Elle le voulait de tout son cœur, de toute son âme. Lorsqu'il se pencha pour de nouveau l'embrasser éperdument sur le visage, une fièvre indescriptible s'empara de la jeune femme. - Sabrina, ma chérie ... Ma belle, ma douce Sabrina. Cette façon qu'il avait de prononcer son nom avec passion la faisait fondre littéralement. Tout en parlant, il promenait les lèvres sur sa peau, descendant de plus en plus bas autour de ses épaules, mais il ne fit qu'effleurer les seins presque négligemment et poursuivit au-delà, le long de son ventre satiné. Les poings serrés, elle se raidit, chavirée par la sauvage montée de désir qui l'assaillait. - Marc ... oh, Marc, je ... Dans un élan d'abandon total, grisée par ses caresses, elle s'apprêtait à lui avouer qu'elle l'aimait. Mais au même instant, Marc l'embrassa avec fougue. Il pesait de tout son poids sur elle, d'un poids délicieux. Et elle l'étreignait, les bras autour de son cou, les jambes autour de ses jambes, comme pour l'emprisonner, le sentir toujours plus proche. Proche jusqu'à se fondre en lui, n'être plus qu'une partie de lui-même. Deux fois ... trois fois, le téléphone sonna sur le chevet avant que l'un ou l'autre ne s'en aperçoive. Et quand Marc se redressa, Sabrina le retint contre elle. Une expression tourmentée sur le visage, il considéra tour à tour la jeune femme puis l'appareil qui continuait de sonner. Ensuite, d'un geste agacé, il décrocha. - Allô? Il sembla à Sabrina que cette voix lui parvenait de très loin. Aux battements effrénés de son cœur, aux tremblements qui l'agitaient, elle prit la pleine mesure de son émotion. Jamais elle n'avait désiré un homme avec cette force déchirante ... C'en était effrayant. - Vraiment? C'est une bonne nouvelle, déclarait maintenant Marc. Bien ... j'arrive tout de suite. Quand il raccrocha et posa les yeux sur elle, la jeune femme perçut le dilemme qui habitait son compagnon. - Je suis désolé, mon ange, mais je dois partir. Malgré la douceur de sa voix, la tendresse de son regard, ces paroles eurent pour effet de la ramener brutalement à la raison. Que faisait-elle ici - dans le lit de Marc? Déjà, elle rajustait ses vêtements avec des mouvements fébriles lorsqu'il l'arrêta d'une main. - Sabrina ... ne me regarde pas ainsi. - Comment ça, ainsi? répliqua-t-elle d'une voix suraiguë. Vous avez raison, il faut s'arrêter. J'ai eu un moment d'égarement. Nous commettons une grave erreur que ... - Sabrina! Tremblante. elle se rejeta de côté, refusant d'écouter ce qu'il avait à lui dire. - Vous avez un rendez-vous important à 9 heures, Marc! - Au diable, mon rendez-vous. Je veux que ... Tel un enfant qui redoute d'entendre une vérité trop cruelle, elle avait plaqué les mains sur ses oreilles. - Non, ne dites rien, Marc! Oublions ce qui s'est passé. Sur ces mots, elle se leva en un éclair, serrée dans son peignoir, et s'élança hors de la chambre. Parvenue dans la sienne, Sabrina se jeta sur le, lit, secouée par des sanglots silencieux. Comment avait-elle pu? Sans ce coup de téléphone, elle se serait donnée à un homme pour qui elle ne représentait rien! Un homme qui, de surcroît, avait sans doute passé la nuit dans les bras d'une autre femme! Ah, il devait la mépriser, maintenant. .. Jamais autant cependant qu'elle-même se méprisait. Sans réfléchir, Sabrina alla sous la douche et demeura longtemps immobile sous le jet réglé à plein régime, comme pour effacer de son corps les caresses de Marc. Mais elle en gardait le souvenir dans sa tête, et ce souvenir s'obstina à la poursuivre. Il la tourmentait toujours quand elle

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s'habilla. Quand elle se sécha les cheveux avec une hâte rageuse. Quand elle étudia d'un regard presque haineux le reflet que lui renvoyait le miroir: ses joues rosies, l'éclat trop intense de ses yeux, ses lèvres meurtries par la violence des baisers ... Dégoûtée, elle fit volte-face pour sortir de la chambre mais s'immobilisa à la porte, la main sur la poignée. Une autre épreuve l'attendait. Une épreuve au-dessus de ses forces. Comment en effet trouverait-elle le courage de regarder Marc en face? Après la façon dont elle s'était pâmée dans ses bras, il ne pouvait douter qu'elle soit éprise de lui! Mais un sursaut de fierté lui fit surmonter sa honte. Elle affronterait Marc! Et tête haute! Il lui suffirait de se comporter comme si rien ne s'était passé. Sans plus attendre, elle quitta la chambre d'un pas décidé. Marc l'attendait dans le salon. Malgré ses belles résolutions, Sabrina fut incapable de croiser son regard quand elle lui adressa la parole. - Il faudrait partir. Vous allez être en retard. Il ne répondit pas tout de suite, mais prit simplement sa veste et ses clés de voiture. - J'ai appelé mon chauffeur pour qu'il vienne vous chercher et vous conduise au bureau. - D'accord, murmura-t-elle de façon machinale. - Il va falloir que vous reportiez mon rendez-vous avec M. Hoffman. J'ai téléphoné à Anna pour la prévenir que je ne pourrai le recevoir, mais elle n'a pas l'expérience nécessaire pour traiter avec quelqu'un de la trempe d'Hoffrnan. Et voilà qu'elle redevenait la bonne secrétaire sur qui l'on peut compter! Entendre de la bouche de Marc ce genre de discours si peu de temps après ses caresses passionnées était un déchirement. Pourquoi redevenait-il ce personnage froid, distant? Et pourquoi avait-elle l'impression qu'un gouffre béant se creusait en elle? Par réaction, Sabrina prit à son tour son air le plus détaché pour répondre. - Très bien. - Je compte sur vous pour tempérer Hoffman. Vous n'aurez qu'à lui montrer le contrat qu'a tapé Anna à son intention. - Bien. Bien ... Bien ... Elle était incapable d'en dire davantage sous peine de s'effondrer. D'ailleurs, quand son regard vint à croiser celui de Marc par hasard, elle ne sut ce qui la retint de hurler. Il était méconnaissable avec ce visage fermé, ces mâchoires crispées... Était-ce là le même homme qui l'avait serrée dans ses bras tout à l'heure? Heureusement, il s'en alla, mettant un terme à cet horrible supplice. Sabrina, anéantie, manqua se laisser tomber à terre de désespoir. Elle alla s'asseoir en titubant dans le salon, se prit la tête entre les mains et se mordit sauvagement la lèvre afin de- refouler les larmes qui menaçaient. Pour mieux y parvenir, elle se répétait qu'elle se moquait de Marc. Qu'il aille au diable! Il lui était complètement indifférent, de toute façon. C'était si peu vrai, hélas, que Sabrina eut toutes les peines du monde à ne pas pleurer. Au bureau, des tracas d'une autre nature attendaient Sabrina. Elle trouva Anna, affolée. - M. Hoffman est ici, annonça-t-elle en désignant le bureau voisin. Je lui ai dit que M. Kingsley avait eu un contretemps, mais vous auriez vu comme il m'a répondu! - Je m'occupe de lui. Apportez-moi le contrat que vous lui avez lapé hier. Sans hésitation, Sabrina se rendit dans le bureau de Marc, aussi à l'aise que si c'était le sien. De fait, leur visiteur n'avait pas l'air content, constata-t-elle au premier coup d'œil. - Bonjour, monsieur Hoffman. Désolée de vous avoir, fait attendre. Je suis l'assistante personnelle de M. Kingsley. A la guerre comme à la guerre! songea-t-elle. Cette petite promotion qu'elle s'octroyait n'avait d'autre but que de mettre en confiance l'adversaire. Sans doute marqua-t-elle déjà un point: quand il s'avança pour serrer la main qu'elle lui tendait, Sabrina constata en effet qu'il s'était sensiblement radouci.

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- Malheureusement, M. Kingsley a été appelé sur une affaire très urgente, poursuivit-elle avec un sourire. Je suis sûre que vous comprendrez. Étant donné la manière dont la chose était formulée, il ne put qu'acquiescer. Forte de ces débuts prometteurs, Sabrina invita M. Hoffman à s'asseoir tandis qu'elle-même s'installait au bureau dans le fauteuil de Marc. Dieu sait ce qu'il penserait de cette initiative audacieuse, mais tant pis! Elle s'en moquait. Il l'avait chargée d'une mission, et elle entendait s'en acquitter au mieux. Malgré tout, le spectacle qu'elle offrait fit s'arrondir d'étonnement les yeux d'Anna quand elle arriva sur ces entrefaites avec le contrat. - Merci, Anna. Voulez-vous apporter un café à Hoffman, s'il vous plait? Puis, s'adressant à son vis-à-vis, elle déclara: - Voici votre contrat, monsieur Hoffman. Vous pouvez en prendre connaissance si vous le souhaitez; je demanderai ensuite à Anna de vous fixer un autre rendez-vous avec M. Kingsley, D'accord? - Tout à fait. Voilà qu'à présent il souriait, visiblement satisfait de tenir son contrat en main. Pourvu qu'il ne lui pose pas de questions embarrassantes! pensait Sabrina en le regardant lire. Bientôt, la secrétaire reparut avec le café. - Merci, Anna. Pourrions-nous avoir également le carnet de rendez-vous? s'enquit Sabrina d'un ton plaisant. Vingt minutes plus tard, M. Hoffman prenait congé, toujours le sourire aux lèvres ... et Sabrina poussait un profond soupir de soulagement. - Ouf, le voilà parti! murmura-t-elle à l'adresse d'Anna. - Bravo! Vous avez su trouver la tactique pour le calmer. Quand je vous ai vue assise au bureau de M. Kingsley, j'ai cru rêver! Ce fut à peine si Sabrina esquissa un sourire. Son cœur n'était pas à la plaisanterie. - Au fait, où est donc passé M. Kingsley? poursuivit Anna. - Aucune idée. Sabrina n'avait pas envie de penser à lui, et encore moins d'en parler. En pratique, hélas, ce ne fut pas aussi simple. Tout au long de la matinée, tandis qu'elle tapait les documents qu'il lui avait laissés, elle ne cessa de songer à Marc. A la scène qui s'était déroulée ce matin dans la chambre d'amis ... Et c'était chaque fois la même émotion qui l'envahissait à ce souvenir. Oui, elle avait follement désiré faire l'amour avec Marc ... même en sachant qu'il avait sans doute passé la nuit avec une autre femme. Sa seule excuse? Elle était amoureuse de lui. Une bien piètre excuse, certes; mais elle avait toujours été si faible, si désarmée face à cet homme ... Marc arriva au bureau aux environs de midi. - Tout va bien? lança-t-il. - On ne peut mieux, répondit Sabrina. - M. Hoffman n'a pas posé de problèmes? - Non. A cet instant, Anna intervint pour déclarer avec un large sourire : - Disons plutôt qu'il posait problème mais que Sabrina a tout arrangé! - Bien ... Lui avez-vous fixé un autre rendez-vous? - Lundi prochain. C'était Anna qui avait répondu. Sabrina, décidée à ignorer Marc, avait repris sa frappe. - Appelez Hoffman, s'il vous plaît, conclut-il avant de rejoindre son bureau. Quelques minutes plus tard, sa voix coupante leur parvenait par le biais de l'Interphone. - Sabrina, voulez-vous venir un petit instant, s'il vous plaît? La perspective d'un tête-à-tête lui répugnait tant que la jeune femme ne bougea pas de sa chaise.

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- Sabrina ... M. Kingsley vous a convoquée, lui rappela bientôt Anna. - Je sais. J'ai entendu. Bien à contrecœur, elle finit par se rendre dans le bureau voisin où elle trouva Marc absorbé dans l'examen d'un dossier. Si absorbé qu'il ne lui accorda même pas un regard. - Vous vouliez me voir? - Vous voilà devenue mon assistante personnelle, paraît-il ? Il y avait dans la question une pointe d'amusement qui n'échappa pas à Sabrina. - Vous m'avez demandé de tempérer votre client, et je m'y suis appliquée. Par défi, elle se hasarda à regarder Marc en face ... et le regretta aussitôt. C'était fou l'effet que produisaient sur elle ces prunelles sombres. Un tourbillon d'émotions, un vertige auquel elle ne pouvait se soustraire ... - Pourquoi vous croire tout de suite attaquée? Je m'apprêtais à vous féliciter pour votre excellente prestation, Sabrina. Vous avez produit une très forte impression sur M. Hoffman. Pour quelque raison obscure, ces louanges ne firent que la déconcerter davantage. - Merci, murmura-t-elle. - Et si nous allions déjeuner ensemble quelque part? Prise au dépourvu, Sabrina se troubla, bafouilla. - Je ... Non, je n'y tiens pas, - Pour quelle raison? - Parce que ... parce que ça ne me paraît pas une bonne idée. - Eh bien, moi, l'idée me paraît excellente, au contraire. Nous avons à parler, décréta-t-il en se levant. - Parler de quoi? répliqua Sabrina d'une voix tendue en lui emboîtant le pas hors du bureau. Sans répondre, il s'adressa à Anna: - Anna, nous allons déjeuner. Acquiesçant d'un signe, la secrétaire épia du coin de l'œil son patron qui s'emparait du sac de Sabrina, le lui mettait dans les mains, puis l'attrapait par un bras pour l'entraîner vers la sortie. Dès qu'ils furent dans le couloir, la jeune femme exprima son mécontentement. - Lâchez-moi! s'exclama-t-elle. Mais Marc n'y consentit que lorsqu'ils se retrouvèrent dans l'ascenseur pour rejoindre le parking en sous-sol de l'immeuble. - Vous m'avez, fait mal! lui reprocha-t-elle en se frottant le bras, là où ses doigts l'avaient serrée. - Je suis désolé. Lui, désolé? Il n'en avait pas l'air! Son visage exprimait plutôt une sombre détermination, comme s'il avait pris une décision et comptait bien la mettre en œuvre. Dix minutes plus tard - sans avoir desserré les dents jusque-là - Marc se garait sur le parking privé d'un restaurant dans Richmond, où il put obtenir sans difficulté l'une des meilleures tables, avec vue sur la Tamise. Que faisait-elle ici? se demanda la jeune femme non sans appréhension en s'asseyant face à lui. - Prendrez-vous un apéritif, Sabrina? demanda-t-il quand le serveur apporta les menus. - Un porto, s'il vous plaît. Et. dès qu'ils furent seuls, elle ajouta: - Je ne voudrais pas vous paraître ingrate, Marc, mais j'avais d'autres projets pour déjeuner. Il s'agissait bien sûr d'un mensonge, ayant pour seul but de ménager son amour-propre. Car si Marc soupçonnait un tant soit peu les sentiments qu'elle lui portait, quelle humiliation ce serait! Lui l'observait, les bras croisés sur la table, silencieux. - Je ne vous ai pas amenée ici pour des futilités, dit-il soudain. Je veux que vous réexaminiez ma proposition de venir vivre à Paris. Sabrina fut interloquée par cette annonce. Pendant quelques secondes, muette de stupeur, elle se

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contenta de le fixer en retour avec de grands yeux écarquillés. Et quand elle parla, sa voix avait du mal à ne pas trahir des tremblements d'émotion. - Marc ... pourquoi me demandez-vous une chose pareille? - Et pourquoi ne vous la demanderais-je pas? Je vous veux, Sabrina!

9

- Avez-vous perdu la tête? murmura-t-elle, stupéfaite. - Pas du tout. Je n'ai jamais eu l'esprit aussi clair. Ils furent interrompus par l'arrivée du serveur qui apportait les apéritifs et leur demanda s'ils avaient choisi. - Pour moi, ce sera la sole aux truffes, annonça Marc sans même avoir consulté le menu. - La même chose, lança à son tour Sabrina, pressée de poursuivre la conversation. Ce que fit Marc sitôt que le serveur s'éloigna. - Ma proposition n'a rien d'insensé, Sabrina. Nous allons bien ensemble, tous les deux. La formule la déconcerta quelque peu. - Voulez-vous dire par là que je suis une bonne secrétaire? s'enquit-elle d'une voix tendue. - Vous l'êtes, certes! Mais ce n'est pas la raison pour laquelle je vous demande de venir vivre avec moi, répondit-il, l'air amusé. La stupeur la laissa quelques secondes interdite. - Vous ... vous aimeriez que je vive avec vous? - Mais oui. Je vous veux dans ma vie, Sabrina. Il avait prononcé ces mots avec une calme assurance qui la troubla. De toute évidence, l'idée qu'elle pût refuser n'avait pas un instant traversé l'esprit de Marc. - J'ai beaucoup à vous offrir, reprit-il. Une belle maison dans la banlieue de Londres, une villa au bord de la mer au Portugal, ma résidence-à Paris ... Vous auriez une vie facile, agréable, des comptes dans les plus grandes boutiques parisiennes, une voiture neuve ... Enfin, tout ce qui vous ferait plaisir. Plus s'allongeait cette liste, et plus le cœur de Sabrina se serrait. Marc cherchait à l'acheter! Et l'amour, dans tout cela? voulut-elle crier. Mais l'amour avait-il seulement sa place dans cet univers doré où il l'invitait? La situation n'était pas sans rappeler à Sabrina la proposition similaire qu'il lui avait faite à Paris. A la différence près que si, à l'époque, elle avait eu la naïveté de penser qu'elle plaisait à Marc, ses illusions depuis, s'étaient envolées. Entre-temps, il s'était chargé de lui faire connaître en termes on ne peut moins équivoques l'opinion qu'il avait d'elle! - Ça vous paraîtra peut-être bizarre, Marc, mais je n'accorde pas une importance capitale au fait

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de vivre dans une superbe maison, qu'elle soit à Londres, à Paris ou au Portugal. Et Dieu merci, j'ai encore les moyens de m'habiller correctement. Avez-vous de moi une si mauvaise opinion pour croire que je puisse me laisser acheter de la sorte? Il y avait dans sa voix une colère, une amertume qui n'auraient pu échapper à Marc. Pourtant, contre toute attente, cette repartie mordante ne parut pas entamer sa bonne humeur. - Pas du tout, Sabrina. Loin de moi cette idée. A mes yeux, vous êtes une femme aussi belle qu'intelligente. - Alors, pourquoi me demandez-vous de venir vivre avec vous? - Je vous le dis. Je vous trouve belle et intelligente. - C'est aussi le cas d'Imogen Müller. Il fronça les sourcils. - Pourquoi mêler Imogen à cela? - Parce qu'elle a toujours sa place dans votre vie, répondit Sabrina sans se démonter. L'œil de Marc s'éclaira. - Je vais finir par penser, Sabrina, que vous êtes jalouse. Tout autant que la remarque, le petit sourire ironique qui l'accompagnait irrita profondément la jeune femme. - C'est ridicule! s'exclama-t-elle. Vous pouvez fréquenter qui vous voulez, je m'en moque! Et pour faire bonne mesure, elle ajouta: - D'ailleurs. comme vous me l'avez fait observer ce matin, ça ne me regarde pas. - Ce matin? Il parut réfléchir puis sourit. - Je comprends ... Vous avez cru que j'étais avec Imogen la nuit dernière. Donc, vous étiez jalouse. - C'est absurde! Arrêtez ces insanités, de grâce! - Voilà pourquoi vous aviez l'air furieuse ... - Furieuse? Non. Je redoutais qu'il soit arrivé quelque chose à Garth! - Garth, toujours Garth ... - N'oubliez pas que, si nous sommes ensemble, c'est à cause de lui! Marc ne releva pas et quelques secondes d'un silence pesant s'écoulèrent. - Vous n'avez encore pas répondu à ma question, Sabrina. Viendrez-vous vivre avec moi? - Non. La réponse lui était venue spontanément. Car si elle aimait Marc, elle était en revanche incapable de vivre avec un homme qui ne l'aimait pas en retour; et Marc ne l'aimait pas. Pendant un moment, il l'observa, l'air pensif. - Puis-je vous demander la raison de ce refus? Sabrina secoua là tête. Il eût fallu avouer à Marc qu'elle était amoureuse de lui. Et cela, il n'en était pas question. Leurs plats arrivèrent à ce moment-là. Quoique son assiette fût joliment présentée, Sabrina sut qu'elle ne pourrait avaler une bouchée tant elle se sentait tendue. Marc non plus ne toucha pas à son poisson. - Vous m'avez dit un jour que vous aimiez Garth, murmura-t-il soudain. Étiez-vous sincère? Cette question acheva de dérouter Sabrina. Si elle révélait la vérité, Marc ne comprendrait pas. Quant à mentir sur un sujet aussi sérieux, elle ne pouvait s'y résoudre. Son silence cependant suffit à renseigner Marc, qui l'interpréta comme une affirmation. - Je vois, murmura-t-il. Sans doute faut-il que je vous dise donc que Garth a repris conscience tôt ce matin; il est tiré d'affaire. La nouvelle la laissa sans voix. Garth était tiré d'affaire! Quel soulagement! - Je suis resté toute la nuit à son chevet, expliqua Marc sur le même ton abrupt. Les médecins avaient bon espoir qu'il sorte bientôt du coma. Cela m'a été confirmé par le coup de téléphone de ce

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matin. - Vous étiez donc à l'hôpital, tout à l'heure? - Oui. Garth est encore très faible, il n'a prononcé que quelques mots. Mais d'après les médecins, il est sur la bonne voie, il guérira. Les larmes brouillèrent soudain la vision de Sabrina. Dans un éclair de lucidité, elle venait de comprendre pourquoi Marc lui réitérait sa proposition de vivre avec lui. Garth se portant mieux, la crainte qu'elle ne brise son ménage poussait de nouveau Marc à l'éloigner de son beau-père ! - Quand comptiez-vous m'annoncer la nouvelle? lança-t-elle. Une fois que vous m'auriez convaincue de devenir votre maîtresse? Folle de rage, elle se leva. - Allez au diable, Marc Kingsley! Et elle traversa la salle au pas de charge avant qu'il ait pu prononcer un mot. Aux tables voisines, des clients lui jetèrent des regards intrigués qu'elle ignora. Elle fonçait droit vers la sortie, guidée par un seul but : quitter ce restaurant et fuir le plus loin possible de Marc! Dehors, indifférente à la pluie battante qui s'était mise à tomber, elle courut d'une rue à l'autre en quête d'un taxi. Des lannes ruisselaient sur ses joues, se mêlant aux gouttes venues du ciel, mais Sabrina ne se rendait pas davantage compte qu'elle pleurait. La rancœur terrible qui l'habitait effaçait tout le reste. Ainsi, Marc savait quand il était venu ce matin que l'état de Garth s'était amélioré. Il savait, et s'était tu. Son unique souci avait été de l'empêcher, elle, d'approcher son beau-père! Tremblante d'amertume, Sabrina se remémora ses baisers brûlants, ses caresses. Quand il la serrait dans ses bras et s'extasiait sur sa beauté, n'était-ce qu'une tactique de séduction destinée à l'éloigner de Garth? Probablement... Et voilà que, pour ne lien arranger, il lui offrait de devenir sa maîtresse! Une femme entretenue! Cela en disait long sur le peu de respect qu'il lui vouait. Au bout d'un moment, elle héla un taxi qui, hélas, ne s'arrêta pas. Une voiture s'arrêta quelques secondes plus tard à sa hauteur, et elle ralentit. - Montez, lui cria Marc en abaissant la vitre. - N'y comptez pas! répliqua-t-elle en pressant de nouveau le pas. - Vous êtes grotesque! Allons, montez avant que je vienne vous chercher. - Il n'en est pas question. Fichez-moi la paix! Voyant approcher un taxi, Sabrina agita désespérément le bras,. et cette fois, grâce à Dieu, le chauffeur vint s'immobiliser devant elle. Rapide comme l'éclair, Sabrina monta à l'intérieur non sans jeter un coup d' œil anxieux par la lunette arrière. Heureusement, Marc ne cherchait pas à la suivre dans le taxi comme elle le craignait. Sa Porsche s'éloignait dans le flot de la circulation. Après avoir donné l'adresse au chauffeur, Sabrina se laissa aller contre le dossier et ferma les yeux. A présent qu'elle savait Garth hors de danger, une immense fatigue la terrassait, comme si elle payait soudain le tribut des longues nuits d'insomnie à répétition de ces derniers temps. Épuisée, la jeune femme ne rouvrit les yeux que lorsque le taxi se gara devant chez elle. Elle chercha machinalement son sac pour payer la course mais ne le trouva pas. Dans sa précipitation, elle l'avait oublié au restaurant! Impossible de régler le chauffeur, mais aussi de rentrer dans l'appartement, ses clés se trouvant dans le sac! Désemparée, elle se demandait comment se tirer de ce mauvais pas lorsque la portière du taxi s'ouvrit de l'extérieur. - Combien vous doit madame? demanda une voix familière. Le regard incrédule de Sabrina croisa celui de Marc par-dessus l'épaule du chauffeur. Un regard qui brillait d'un éclat intense dans un visage aux traits par ailleurs impassibles.

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Quand il eut réglé la course, elle descendit à contrecœur du véhicule. - Ceci vous appartient, n'est-ce pas? demanda alors sèchement Marc en lui tendant son sac à main. - Merci. Ce fut tout ce qu'elle put dire tant elle se sentait idiote. Comme pour accroître à dessein son embarras, Marc l'observa fixement en silence tandis qu'elle furetait dans son sac à la recherche de ses clés. Mais à peine trouvé, le trousseau lui glissa des doigts et tomba sur le trottoir mouillé. Ce fut Marc qui le ramassa et alla ouvrir à sa place la porte d'entrée. - Merci, marmonna-t-elle .. Après avoir sorti son porte-monnaie du sac, elle y prit ce qu'elle lui devait pour le taxi. - De quoi s'agit-il? demanda Marc en la voyant lui tendre les pièces. Une pointe d'agacement perçait dans sa voix. - Le prix de la course. - Ne soyez pas ridicule! Sur cette repartie cinglante, il la précéda dans l'appartement. et elle se retrouva sur le seuil, son argent à la main, sans autre choix que de suivre Marc à l'intérieur. Sitôt entrée, cependant, elle déclara, glaciale: - Marc, je vous suis reconnaissante de m'avoir rapporté mon sac mais je ne vous veux pas chez moi. J'estime avoir eu une dose plus que suffisante de vos insultes. - Je n'ai pas l'intention de vous insulter, Sabrina. Il alla s'appuyer contre la rampe de l'escalier avec sa désinvolture habituelle; pourtant, elle eut l'étrange sentiment que cette apparence n'était qu'un masque sous lequel se cachait en réalité un homme circonspect, sur le qui-vive. - Et puis, je considère que vous me devez au moins un café pour vous avoir rapporté votre sac, ajouta-t-il. - Pas nécessairement. Comme elle ôtait sa veste, son reflet dans le miroir de rentrée retint un bref instant son attention. Ah, le joli tableau! La pluie lui avait plaqué les cheveux sur le crâne et fait couler son rimmel. A moins que les larmes ne soient en cause ... - En tout cas, vous feriez bien d'aller vous changer. Pour une raison mal définie, cette suggestion l'irrita vivement, et elle pivota vers Marc, l'œil étincelant. - Ah, non, Sabrina, vous n'allez pas vous mettre encore en colère! s'exclama-t-il avant qu'elle ait pu ouvrir la bouche. Ce que vous pouvez être soupe au lait! - D'après vous, je n'avais pas de bonnes raisons de me fâcher? Il esquissa une moue dubitative. - Peut-être pas avec une telle ampleur. La voyant tout près d'exploser, il leva aussitôt les deux mains en geste d'apaisement. - Je ne voulais pas vous blesser, Sabrina. Pardonnez-moi. A son grand désespoir, elle sentit de nouvelles larmes lui brûler les paupières. - Je crains d'avoir sous-estimé vos sentiments pour Garth, reprit-il. J'avais espéré que ... Enfin, peu importe ce que j'avais espéré.' Sachez simplement ceci: je ne crois pas en fin de compte que vous soyez la femme cupide que je vous ai accusée d'être. Et je m'excuse de l'avoir fait. Elle qui s'imaginait jubiler quand il lui présenterait ses excuses ... Ce qu'elle éprouvait à présent n'était pas un sentiment de triomphe mais plutôt un étrange détachement vis-à-vis de tout. - Quand vous me faisiez miroiter votre argent, vos belles maisons, était-ce une sorte de test? demanda-t-elle d'un ton morne. Il parut réfléchir un instant.

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- Probablement, oui. - Vous savez, Marc, je n'ai jamais eu l'intention d'enlever Garth à Nadine. Ce n'est pas ce genre de lien qui nous unit. Et ce n'est pas non plus son argent ni son pouvoir qui m'attirent. - Vous n'avez pas à vous justifier, Sabrina, Puis, se passant la main dans les cheveux d'un geste impatient, il déclara: - Il est temps que je retourne au bureau. - Je comprends. - Vraiment? Marc souriait à présent, mais d'un sourire presque mélancolique. Après une hésitation, Sabrina retira de son doigt la bague de fiançailles qu'il lui avait achetée et la lui tendit. - Tenez, Marc. Il vaut mieux que je vous la rende. Je ne puis continuer plus longtemps cette comédie.Elle vit l'expression de Marc se durcir, un muscle tressaillir sur sa mâchoire. - Je n'en veux pas, dit-il d'un ton rude. Gardez-la en souvenir. Pour conjurer son émotion, elle se mordit la lèvre. - C'est impossible, Marc, je ... - Dans ce cas, faites-en don à une œuvre de charité. Au revoir, Sabrina. Il s'éloigna et, lorsque la porte claqua derrière lui, Sabrina eut l'impression que son cœur se déchirait.

10

Le champ de narcisses s'agita mollement sous le souffle d'une brise soudaine, ondoyant comme un océan argenté. Sabrina repoussa les cheveux que le vent lui ramenait sur le visage et reprit le chemin de son hôtel. Deux semaines s'étaient écoulées depuis le jour où elle avait voulu rendre sa bague à Marc. La première, Sabrina l'avait passée à tourner en rond chez elle dans un état proche de l'hébétude. Elle apprit par les médias que la santé de Garth s'améliorait de jour en jour, et que toute sa famille réunie à son chevet se réjouissait de cette guérison. Quoique partageant le soulagement général, Sabrina s'était sentie immensément triste. Son père n'avait pas besoin d'elle. Il avait une autre fille, un beau-fils, une épouse aimante. Elle, Sabrina, n'avait pas sa place dans leur cercle, et son existence même était susceptible de porter préjudice à Garth. Aussi refoula-t-elle le désir de lui rendre visite; à la place, elle fit sa valise et prit le train pour Windermere. Quitter Londres était devenu une obsession pour Sabrina. C'était par hasard qu'elle avait choisi cette région dans le nord du pays. Une publicité vantant les charmes de ces montagnes sauvages avait attiré son attention un matin dans le Times. L'après-midi même, Sabrina était partie.

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Une décision dont elle se félicitait aujourd'hui. Certes, le souvenir de Marc continuait de la hanter. Elle n'était pas près de l'oublier! Mais au moins avait-elle recouvré le sommeil, et les longues promenades au grand air auxquelles elle s'astreignait quotidiennement avaient redonné des couleurs à ses joues. Depuis le chemin qu'elle longeait en bordure d'un pré où folâtraient quelques jeunes agneaux, la jeune femme pouvait voir l'hôtel, niché tout près d'un lac en pleine nature. En fait, il ressemblait plus à une auberge de campagne qu'à un hôtel. Ses plafonds bas soutenus par de vieilles poutres de chêne noircies de fumée, ses cheminées dans chaque chambre lui conféraient un charme très rustique qui d'emblée l'avait séduite. Bien qu'il y eût plusieurs voitures garées sur le terre-plein, le hall était désert lorsqu'elle y entra. Dusty, le chien de la maison, un vieux labrador, faisait sa sieste, affalé devant le feu de bois. En entendant Sabrina, il ouvrit les yeux, pour les refermer aussitôt. . La jeune femme s'approcha du bar. Un bon café serait le bienvenu après cette marche tonique. - Il y a quelqu'un? appela-t-elle en tendant le cou pour essayer d'apercevoir une présence dans l'entrebâillement de la porte qui donnait dans les appartements privés de la propriétaire. Il n'y eut aucune réponse. Seul Dusty se mit sur ses pattes et, après s'être étiré, il rejoignit Sabrina. - Tu es un beau chien, dit-elle en lui tapotant la tête. Que dirais-tu de m'accompagner en promenade, demain? On se sent un peu seul ici quand on vient de la ville comme moi. - Pourrait-on m'inviter aussi? Celte question désinvolte fit naître en Sabrina un brusque vertige. Ce n'était pas possible! pensa-t-elle confusément. Non, cela ne se pouvait pas! Son imagination devait lui jouer des tours. D'un mouvement lent, elle se retourna et son regard rencontra celui de Marc. - Que faites-vous donc ici? murmura-t-elle, interdite. - Je m'apprêtais à vous poser la même question. Contemplant la silhouette menue de la jeune femme, vêtue d'un jean et d'un épais chandail de laine, il ajouta d'une voix rauque: - Vous êtes superbe, Sabrina. Lui aussi, pensa-t-elle avec une bouffée d'émotion. Avec son jean et son pull jacquard blanc et bleu ciel, Marc dégageait un charme irrésistible. - Vous êtes ici par hasard? s'enquit-elle, le cœur battant à se rompre. - Non. Je suis venu pour vous voir. Le premier moment de surprise passé, elle fut saisie d'un affreux pressentiment. - Pourquoi? Serait-il arrivé quelque chose à Garth? - Rassurez-vous. Garth se porte bien. Sous son allure calme, décontractée, Sabrina devinait Marc tendu, et elle demeura dans le doute. - C'est bien vrai? - Oui. Je l'ai vu pas plus tard que ce matin, répondit-il en lui souriant. D'après les médecins, il quittera bientôt l'hôpital. - C'est merveilleux! Comment avez-vous su que j’étais ici, Marc? demanda-t-elle en tortillant nerveusement une mèche de ses cheveux. - J'espère que vous ne m'en voudrez pas, mais je suis entré dans votre appartement grâce à la clé que vous m'aviez donnée et, après quelques investigations, j'ai fini par trouver un journal où était entourée une publicité pour cet hôtel. C'était le seul indice que j'aie pu trouver et, en désespoir de cause, je m'y suis raccroché. - Marc, ce n'était pas la peine de venir me pourchasser jusqu'ici. Je vous l'ai déjà dit, je ne nuirai pas à Garth. En aucune façon. Je ne suis un souci ni pour lui ni pour vous. - C'est là que vous vous trompez, Sabrina! Vous êtes un souci pour moi... Un authentique souci.

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Découragée, elle poussait un soupir de lassitude lorsque Marc ajouta: - Garth veut savoir pourquoi vous n'êtes pas allée le voir. La question la déconcerta. Et un instant, son cœur sembla hésiter entre la joie et la crainte d'une déception. - Garth m'a réclamée? - Bien sûr. Curieusement, il n'y avait aucun agacement dans le ton de Marc. Il s'approcha d'elle, posa les mains sur ses épaules, puis lui saisit le menton, la forçant à soutenir son regard. Au contact de ces doigts, elle ne put réprimer un frisson. - Petite idiote ... pourquoi ne m'avez-vous rien dit? demanda Marc d'une voix douce. - Comment? ... Vous dire quoi? - Sabrina! Je sais tout. Et le plus risible, c'est que vous vous ressemblez comme deux gouttes d'eau. Plus je vous observe, Sabrina, et plus je m'en rends compte. - Donc, vous savez? dit-elle dans un souffle. - Oui, Garth m'a tout révélé. Sabrina eut l'impression qu'on lui ôtait un poids énorme des épaules. Son émotion était si grande qu'elle eut tout à coup envie de pleurer. - Pourquoi m'avoir caché que Garth était votre père? Vous n'imaginez pas l'enfer que j'ai vécu. Secouant la tête, elle s'efforça désespérément de rassembler ses esprits. - Je le regrette, Marc, mais il faut me comprendre. J'avais promis à Garth de me taire, Nous en avions discuté avant son accident; il redoutait la réaction que pourrait avoir Nadine en apprenant la nouvelle ... et il avait peur aussi que les médias s'empalent de l'affaire. Je n'osais pas parler. Je ne pouvais pas. Une larme roula sur la joue de Sabrina. Une larme que Marc essuya avec une délicatesse que la jeune femme se mit à trembler. - Pardonnez-moi si je vous ai causé des tourments, reprit-elle d'une voix à peine audible. - Oh, Sabrina ... C'est moi qui dois demander votre pardon. J'ai prononcé des mots très durs à votre encontre, J'étais tellement en colère! - C'est compréhensible. Vous pensiez que j'allais briser le mariage de votre mère. - J'ai un aveu à vous faire ... Les raisons de cette colère n'étaient pas tout à fait honorables. Elle le fixa, abasourdie à présent. Et pour répondre à l'interrogation muette qu'elle lui adressait, il ajouta: - Je propose que nous nous retirions dans un endroit plus confortable pour en discuter. Elle regarda l'un des divans au fond de la pièce. - Je songeais à un lieu un peu plus intime, dit-il-en suivant son regard. La gorge de Sabrina se noua sous l'effet d'une violente émotion. L'idée de se retrouver en tête à tête avec Marc où que ce soit la terrorisait. L'attirance qu'il exerçait sur elle étant demeurée intacte, qui sait en effet où cela pourrait la mener! - Non, Marc, je ... je ne préfère pas. C'est très aimable à vous d'être venu 'jusqu'ici me donner des nouvelles de Garth, et je vous sais gré de ... Il l'attira brusquement dans ses bras, la forçant à s'interrompre dans sa petite tirade polie. - Je ne veux pas de vos remerciements, Sabrina. Je veux une longue discussion avec vous. J'ai des choses à vous dire. De crainte que son expression ne la trahisse, elle détourna la tête pour se dérober au regard de Marc. Sans doute se sentait-il coupable maintenant qu'il connaissait la vérité et venait-il lui présenter des excuses ... Mais elle ne voulait pas les entendre. - Marc ... Marc, s'il vous plaît, laissez-moi. Nous n'avons rien à nous dire. - Non, je ne m'en irai pas, répliqua-t-il avec fermeté. Je conçois que vous ayez de la rancune envers moi, mais je ne peux pas laisser les choses ainsi. J'en deviens fou!

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Il y avait dans la voix de Marc des accents fervents qui la bouleversèrent. - Allons dans votre chambre, chuchota-t-il. Je vous en prie, Sabrina. - Ne me faites pas ça, Marc ... Je ne peux pas. - Dix minutes. Dix petites minutes de votre temps, et ensuite, si vous le voulez, je partirai. Elle hésita puis finit par acquiescer d'un signe de tête. On entendit alors quelqu'un toussoter discrètement. C'était Mme Roberts, la propriétaire de l'hôtel, qui venait d'apparaître au bar et observait le couple, un large sourire aux lèvres. - M'a-t-on appelée pour servir à boire? s'enquit-elle. - Mais oui! s'exclama Marc, prompt à recouvrer son sang-froid. Donnez-nous une bouteille de votre meilleur champagne, dit-il avec son sourire le plus étincelant. Une bouteille de Dom Pérignon fut sortie du réfrigérateur et placée devant eux. Après avoir payé, Marc la prit dans une main, saisit deux coupes en cristal dans l'autre, puis annonça le plus naturellement du monde: - Nous allons nous retirer dans un endroit plus intime pour savourer ce champagne. Face au sourire bon enfant que lui adressait la propriétaire, Sabrina se sentit rougir de confusion. - Pourquoi avez-vous dit ça? demanda-t-elle tout bas à son compagnon tandis qu'ils quittaient la pièce. Celle pauvre Mme Roberts se sera imaginé je ne sais quoi. - Vous croyez ? lança Marc en lui jetant un coup d'œil malicieux. Troublée, elle le suivit jusqu'à J'étage avec le sentiment grandissant qu'elle était en train de commettre une erreur. Quelle imprudence de laisser entrer Marc dans sa chambre! Cet homme était capable de la réduire à sa merci, de lui faire abdiquer ce qui lui restait d'amour-propre sans même exercer de pression sur elle! Mais il était trop tard pour revenir en arrière. Déjà, ils pénétraient dans la pièce où un feu brûlait gaiement dans la cheminée, projetant des ombres mouvantes sur les arabesques du papier peint. Quelques secondes plus tard, le bouchon du champagne sautait. Marc emplit les deux coupes et en tendit une à la jeune femme. - Garth sait-il que vous êtes ici avec moi? demanda-t-elle d'une petite voix incertaine. - Oui, il le sait, répondit Marc avec un sourire. Je lui ai tout raconté à propos de nous. - Vous faites allusion à ... à nos prétendues fiançailles? - Je lui ai tout raconté, répéta Marc en posant sur elle un regard intense. Déconcertée, elle but quelques petites gorgées de son champagne puis aborda un autre sujet. - Au moins, vous êtes libre maintenant de poursuivre votre relation avec Imogen Müller. Manifestement, nos fiançailles, même fictives, l'ont beaucoup contrariée. - Je n'ai aucune envie de poursuivre ma relation avec Imogen Müller. C'est vous et vous seule qui m'intéressez. A ces mots, une lueur d'espoir se fit jour dans le cœur de Sabrina. Un espoir aussi insensé qu'éphémère. C'était par pure gentillesse et rien d'autre que Marc lui disait cela! - Bientôt, vous allez m'annoncer que vous me considérez comme une deuxième sœur, lança-t-elle, amère. - Oh, non ... Une telle absurdité ne me viendrait même pas à l'esprit! Marc reposa sa coupe, puis se passa une main dans les cheveux. - J'ai fait un tel gâchis de tout..., continua-t-il d'une voix sourde. J'étais ... tellement soupçonneux, tellement Jaloux. - Jaloux '1 Jaloux de quoi? - De Garth, bien sûr! Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ça me rongeait... J'ai cru en perdre la tête. - Vous étiez jaloux ... , répéta-t-elle, hébétée. - Je vous ai dit que les raisons de ma colère n'étaient pas tout à fait honorables. Vous allez

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comprendre. Au début, avant de vous connaître, j'étais furieux que Garth ait une liaison, et j'étais bien décidé à y mettre un terme. Puis, je vous ai rencontrée ... nos yeux se sont croisés, et j'ai ressenti pour vous une irrésistible attirance. Dans sa voix vibrait une émotion qui bouleversa Sabrina presque autant que ses paroles. - Quand je vous ai vue pour la première fois à la table de Garth, j'ai pensé que vous étiez la plus belle femme qui ait jamais croisé mon chemin. Vous m'avez regardé, vous m'avez souri, et j'ai été conquis. Je vous voulais toute à moi. Aussi, quand vous avez décliné mon offre d'emploi; ai-je cru devenir fou de jalousie. Pensez donc, la seule femme que j'aie jamais vraiment convoitée me préférait Garth! - Oh, Marc ... , murmura-t-elle, incrédule et bouleversée. Et moi qui croyais que vous me haïssiez! - Moi, vous haïr? Un sourire très tendre réchauffa la physionomie de Marc tandis qu'il s'approchait de Sabrina. Il lui enleva le verre des mains, le posa près du sien, puis enlaça étroitement la jeune femme qui s'abandonna contre lui, chancelante, des larmes d'émotion plein les yeux. Quand il l'embrassa, elle succomba aveuglément à la tempête de sensations qui l'assaillait, lui rendant baiser après baiser. Elle serrait Marc contre elle avec tant de passion qu'elle en tremblait. Et en même temps, les larmes continuaient de ruisseler sur ses joues, intarissables. - Ma chérie, ne pleure pas …, supplia-t-il. Je ne supporte pas de voir malheureuse la femme que j'aime. Elle le fixa, le souffle coupé. - Comment? La femme que ... la femme que ... - Mais oui! Comment peux-tu encore en douter Sabrina? Je t'aime ... Je t'aime éperdument depuis le tout premier jour. - Marc ... Dans un sanglot étouffé, elle lui noua les bras autour du cou et l'étreignit de nouveau avec force comme pour se fondre en lui dans une étreinte qui les réunirait à jamais. Elle ne voulait plus penser mais simplement savourer ce merveilleux bonheur qui la grisait. Soudain, la soulevant de terre, Marc l'emporta jusqu'à la chaise devant la cheminée, et elle se retrouva assise sur ses genoux. - Que de fois j'ai rêvé que tu me serrais ainsi dans tes bras, Sabrina! Tout en parlant, il l'embrassait avidement dans le cou' il remonta ensuite le long de la joue jusqu'à ses lèvres dont il s'empara avec une ardeur possessive. Quand il caressa sa poitrine à travers le chandail, un désir presque fiévreux possédait la Jeune femme. Comme elle avait hâte de sentir la chaleur de ses mains! Elle avait tant rêvé de ces étreintes dans ses rêves les plus fous! Lorsqu'il entreprit de lui ôter le chandail, leurs regards se rencontrèrent et Marc suspendit ses gestes. - Je précipite les événements, n'est-ce pas? Un peu intimidée soudain, elle se troubla. - Eh bien, euh ... - Je suis désolé, ma chérie, murmura-t-il en écartant doucement les cheveux de son visage pour mieux la contempler. Pardonne-moi d'être si impatient mais ... je te désire depuis si longtemps. Cet aveu procura une joie indicible à Sabrina. Marc, que tant de femmes superbes avaient dû convoiter, la désirait, elle! Cependant, assaillie par un doute subit, elle s'enquit: - Tu me désires ... parce que tu me croyais inaccessible? Il mit plusieurs secondes à répondre. Plusieurs secondes d'une angoisse insoutenable pour Sabrina. - Aucune femme ne m'avait jamais tenu éveillé la nuit. Aucune m'avait occupé chacune de mes pensées le jour ... Et je n'ai jamais eu envie d'en épouser aucune auparavant. Sabrina retint son souffle, et il lui sembla que, dans sa poitrine, son cœur avait cessé de battre.

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- Marc ... que dois-je comprendre? - Attends. Avant de te le dire, je préférerais tout de même m'assurer que je ne vais pas me couvrir de ridicule, Aussi, je te pose la question: y a-t-il une chance que tu éprouves quelques sentiments pour moi? Si le ton se voulait badin, le regard que Marc posait sur elle était empreint de gravité. Sabrina hésita puis, dans un accès d'espièglerie, se mit à le taquiner. - Hum ... une toute petite chance, peut-être. Marc se rembrunit, mais il surprit ensuite l'éclair de malice qui brillait dans l'œil de Sabrina. - Chipie ... Tu ne serais pas en train de prendre là ta revanche en me tourmentant à dessein? demanda-t-il, embrassant Sabrina à chaque mot. Tout à coup, son chandail lui fut lestement enlevé, et elle se retrouva avec juste son soutien-gorge de dentelle blanche. - Voyons, où en étions-nous restés? chuchota Marc à son oreille. Ses caresses eurent tôt fait d'enflammer tous les sens de Sabrina. - Maintenant. dis-moi que tu as des sentiments pour moi, ordonna-t-il d'une voix rauque après qu'ils eurent échangé un vertigineux baiser.. Il n'était plus question désormais de taquiner Marc, elle en avait perdu la force. - Tu ... tu le sais déjà, Marc. Je t'aime ... Pendant longtemps, je me suis appliquée à le refouler, Encore maintenant, je ... j'ai peur d'un échec. J'ai peur que tout ça ne soit qu'un jeu pour toi, et que je souffre. - Je ne te ferai jamais de mal, je t'en donne ma parole, promit-il avec une rare véhémence. Riant et pleurant tout à la fois, elle se blottit contre lui. - Oh, Marc ... Si seulement ... Sabrina s'interrompit, frappée par une brusque pensée, puis elle dit: - Mais au fait, Nadine et Madeline? Connaissent-elles la vérité à mon sujet? - Ma chère Sabrina, Garth nous a parlé de toi à tous trois, et ce, avant même que j'aie eu l'occasion de lui dire quoi que ce soit. - Alors, comment ont-elles accueilli la nouvelle? - Elles ont été surprises, très surprises, comme je l'ai été moi-même. Mais elles n'éprouvent aucun ressentiment pour Garth, ni pour toi, l'assura Marc en l'embrassant doucement sur la tempe. Et elles sont impatientes de te voir. Soulagée, heureuse, Sabrina s'abandonna contre l'épaule solide de son compagnon en fermant les yeux. Il lui caressa tendrement les cheveux puis la prit par le menton pour cueillir sur ses lèvres un long baiser voluptueux. - Ma chérie, tu es la fille de Garth, et j'espère très fort que tu consentiras à devenir aussi la belle-fille de Nadine? Éperdue, elle se redressa, posa sur lui des yeux luisants comme des étoiles et sourit. - Marc! Tu étais donc sérieux ... ? - Et comment! Je t'aime de tout mon cœur, Sabrina, et je serais le plus heureux des hommes si tu m'épousais. - Oh, Marc ... Moi aussi, je t'aime. Et je t'épouserais aujourd'hui même si c'était possible! Pendant un moment, enlacés dans une étreinte fougueuse, ils savourèrent la promesse de cette vie de bonheur à deux qui s'ouvrait à eux. - Je vais demander une dispense de bans, mais je doute fort que nous puissions nous marier aujourd'hui. En attendant, ma chérie, cela te choquerait-il si je t'invitais à me suivre sur ce lit? Bien plus tard, quand la nuit tomba sur les montagnes, les deux amoureux dans leur petite chambre s'aimaient toujours passionnément à la lumière mourante d'un feu de bois ...

Fin